Le pied-de-chat (Antennaria dioica)

Synonymes : gnaphale, herbe blanche, patte de chat, piéchatier, œil de chien, antennaire dioïque, immortelle dioïque, immortelle blanche, cotonnière immortelle, petite piloselle, piloselle blanche

Petite plante vivace dont la hauteur oscille entre 5 et 40 cm, le pied-de-chat est une espèce rustique qui se suffit de peu : elle pousse essentiellement sur des sols pauvres et acides (terres à bruyères, pinèdes et autres forêts de résineux, prairies rocailleuses, pelouses alpines, landes, etc.) dont les besoins en eau ne sont pas excessifs.
On la trouve plus particulièrement dans les régions assez froides de l’hémisphère Nord (Europe, Amérique du Nord, Asie), à une altitude comprise entre 500 et 2800 m. En dessous de 500 m, elle est rare, étant en voie de disparition ou ayant carrément disparu comme c’est le cas en Normandie, en Picardie, en Champagne-Ardenne et dans le Bassin parisien, en raison de facteurs tels que l’industrialisation, le drainage excessif, etc. Sa récolte est soumise à réglementation préfectorale et à réglementation de portée régionale pour la Basse-Normandie, la Bourgogne, le Limousin. Récolte également réglementée dans les Alpes.
De sa souche rameuse émerge une rosette de feuilles spatulées, cotonneuses, de couleur vert blanchâtre, alors que la tige, également couverte de poils blancs, s’orne de petites feuilles en forme de fer-de-lance qui deviennent de plus en plus étroites plus elles grimpent vers le sommet sur lequel s’épanouissent des capitules de fleurs serrées à pédoncules brefs. On distingue des fleurs femelles et des fleurs mâles qui portent les unes et les autres une coloration rosâtre à rougeâtre, sauf chez les sujets hermaphrodites chez lesquels les fleurs sont généralement blanches et stériles. Ce sont les inflorescences femelles qui donnent son nom au pied-de-chat du fait que lorsqu’elles sont bien épanouies, elles évoquent le dessous de la patte d’un chat… La floraison a lieu entre le mois de mai et le mois de juin, plus tardivement (en août) en altitude. Étant une immortelle, ses capitules ne se fanent pas. Cette plante se propage de deux manières : d’une part grâce à des stolons formant des rejets, d’autre part grâce à ses fruits lisses et glabres surmontés d’une aigrette que le vent emporte…

Le pied-de-chat en thérapie

« Insipide et inodore, écrivait Leclerc dans le Précis de phytothérapie, le pied-de-chat, bien qu’ayant eu jadis la réputation de guérir le cancer et la phtisie, s’affirme comme le plus inerte des simples. Je demandais, un jour, à une herboriste pourquoi cette plante aux allures de fleur artificielle figurait parmi les espèces pectorales. ‘C’est, me répondit-elle, parce qu’elle est agréable à l’œil, qu’elle ne coûte pas cher et qu’elle ne peut pas faire de mal.’ Voilà un argument qui me paraît la meilleure définition des vertus pharmacodynamiques du pied-de-chat » (1). C’est un portrait assez inexact car les capitules froissés du pied-de-chat abandonnent sur les doigts un parfum épicé et leur infusion communique à l’eau une saveur dont sont responsables des principes amers. Ainsi les fleurs du pied-de-chat ne sont-elles pas totalement inactives, et cela m’étonnerait fort qu’une plante qui vit souvent à haute altitude soit dénuée d’effets. Son parfum, elle le doit évidemment à une essence aromatique ainsi qu’à de la coumarine. En outre, on a décelé dans cette plante la présence de tanin, de résine, de phytostérine, de plusieurs flavonoïdes et d’un alcaloïde non identifié.

Propriétés thérapeutiques

  • Pectoral, émollient et adoucissant des voies respiratoires
  • Cholagogue
  • Vulnéraire, astringent
  • Antinévralgique

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère respiratoire : toux, toux coquelucheuse, trachéite, angine, irritation bronchique, catarrhe bronchique, bronchite chronique
  • Troubles de la sphère hépatobiliaire : atonie vésiculaire, ictère
  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : diarrhée, dysenterie
  • Troubles locomoteurs : lombalgie, névralgie rhumatismale, sciatique
  • Règles douloureuses
  • Enflure, contusion

Modes d’emploi

  • Infusion : comptez une pincée de fleurs par tasse d’eau bouillante. Infusez 5 mn. Passez. A raison de 2 à 3 tasses par jour.
  • Tisane des sept fleurs pectorales : racine de guimauve, fleurs de mauve, fleurs de coquelicot, fleurs de violette, fleurs de bouillon-blanc, fleurs de tussilage, fleurs de pied-de-chat. De chaque : 5 g. Comptez une cuillère à café de ce mélange pour une tasse d’eau. Laissez infuser 10 mn. Filtrez. A raison de 3 à 4 tasses par jour.
  • Décoction.
  • Teinture-mère.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Récolte : les capitules se cueillent de mai à septembre, mais les vertus du pied-de-chat « sont suffisamment maigres pour qu’on laisse cette plante tranquille » (2), d’autant qu’il existe des plantes plus efficaces que le pied-de-chat et moins rares, donc…
  • Espèce proche : Filago vulgaris.
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    1. Henri Leclerc, Précis de phytothérapie, p. 243.
    2. Petit Larousse des plantes médicinales, p. 235.

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La momordique (Momordica charantia)

Synonymes : momordique piquante, momordique élastique, momordique à ressort, momordique purgative, ecballie, ecballie élastique, concombre sauvage, concombre d’âne, concombre d’attrape, melon amer, élatérion, giclet, gôlante, margose à piquants.

Momordique, quel drôle de nom ! Il s’explique de différentes manières qui, toutes, nous dirigent vers la même conclusion. Tout d’abord, il s’agirait d’observer de près les graines de cette plante : certains y ont vu comme des traces de morsures sur leur pourtour. Fournier, dont j’ignore s’il a prêté attention à cette anecdote des graines portant des empreintes de dents, affirme que, en effet, le mot momordique provient du latin mordere, « mordre » et mordicans, « âcre, piquant », et que la syllabe « mo » a été répétée pour bien qu’on prenne conscience de ce haut caractère incisif. La momordique aurait donc quelque parenté avec l’adverbe mordicus, « sans en démordre », par extension : obstinément. En quoi la momordique est-elle opiniâtre ? Pour le savoir, adressons-nous à son ancien nom latin, abandonné au profit de Momordica charantia. Ecballium elaterium, tel était son précédent patronyme. Le premier de ces mots est issu du grec ekballein qui veut dire « projeter ». Quant au second, l’on y trouve la même énergie, l’idée du mouvement vif et soudain : le grec elâterion équivaut autant à « qui chasse », « qui pousse devant soi », qu’à « expulser ». Hippocrate, qui invitait à la prudence lors de l’administration de la momordique, va nous mettre sur la piste : il dit cela parce qu’il sait que cette plante est un violent purgatif, c’est-à-dire qu’elle purge, qu’elle expurge même, soulignant ce mouvement drastique de l’intérieur du corps vers l’extérieur : elle n’est pas, comme l’épinard, un « balai de l’estomac », mais plutôt un chasse-neige mené par un conducteur fou furieux. Mais, face à un tel portrait de brute, l’on sut très tôt mettre en œuvre des moyens pour adoucir le caractère de la bête. On a fait de la momordique la même chose qu’avec la laitue vireuse ou le pavot : on incise ces plantes, s’en échappe un latex dans les deux cas. Celui du pavot est connu, il s’agit de l’opium, la laitue vireuse offrant une substance longtemps utilisée, le lactucarium, que certains employèrent en lieu et place de l’opium car moins virulent. Or, si l’on incise un fruit de momordique, rien de tel ne se produit. Cependant, par un procédé incluant l’écrasage et le pétrissage de ces fruits, l’on en extrait un suc que, après évaporation de ses parties liquides, l’on a désigné sous le nom d’elaterium, chose que connaissait déjà Hippocrate. Selon toute vraisemblance, cette substance médicinale pouvait s’administrer avec plus d’aisance que le fruit frais entier. Et, précautionneux, car primum non nocere, Hippocrate faisait avaler cet elaterium à une chèvre « pour en faire boire le lait à un enfant qu’on veut purger » (1). S’adaptant à l’âge du sujet comme le demande l’idiosyncrasie, Hippocrate mit en œuvre, à cette occasion, un procédé purement homéopathique, ce qui est heureux quand l’on sait les effets graves que peut causer la momordique entre des mains inexpérimentées chez l’adulte. Alors chez l’enfant !… Sans doute Hippocrate connaissait-il l’antique vertu purgative de la momordique, bien connue dans ce sens par les Égyptiens et chez lesquels l’on note sa présence dans le papyrus Ebers (16 ème siècle avant J.-C.). Énergique, violente certes, mais efficace, la momordique fut donc assez largement mise à profit durant l’Antiquité, en particulier à travers cet elaterium dont nous avons parlé. Si l’on considère une plante aromatique comme la sauge officinale par exemple, son extrait correspond à son huile essentielle. Que l’on utilise la sauge en phytothérapie ou en aromathérapie, l’on constate qu’un tronc commun se dégage au sujet des propriétés et des usages. Mais chacun de ces deux modes d’approche conserve ses spécificités. Par exemple, la sauge feuille en phytothérapie agit particulièrement bien sur bon nombre de troubles affectant la sphère gastro-intestinale, alors que son huile essentielle beaucoup moins, se réservant d’autres domaines sur lesquels n’agit pas (ou peu) la sauge en phytothérapie. Avec la momordique, les choses semblent différentes pour les auteurs antiques, l’elaterium ayant été donné comme plus efficace que la plante utilisée dans son intégralité. C’est pourquoi cette substance, dont le mode de préparation est précisément décrit dans la Materia medica, prévaut chez Dioscoride comme vomitif et purgatif, purgeant « l’estomac sans l’offenser aucunement » (2). Cependant ne croyons pas que Dioscoride faisait un usage de la momordique par le seul biais de l’elaterium à l’exclusion de toutes autres parties de cette plante : il préconisait, tout comme Celse d’ailleurs, le suc des feuilles pour les douleurs auriculaires, intervenant par ailleurs sur d’autres maux : enflure, hydropisie, sciatique, dyspnée, maux de dents, détails disgracieux du visage, etc. Mais ce qui revient comme une antienne chez tous ces auteurs ainsi que Pline, ce sont les propriétés de la momordique sur la sphère gynécologique. Pline et Dioscoride disent tous les deux la même chose (c’est normal, le premier, une fois de plus, copiant sur le second) : l’elaterium est apte à provoquer les règles, mais en pessaire il est abortif chez la femme enceinte, tandis que pour Celse un pessaire de pulpe de racine ne tue pas le fruit dans le ventre de la mère, mais provoque les règles quand elle est mêlée à du lait de femme. « Les propriétés abortives attribuées à la plante ont probablement été fondées à l’origine sur une de ses particularités, spectaculaire : elle a un fruit ovoïde, en forme de gland, qui, à maturité, et au moindre contact, se détache brusquement de son pédoncule et projette à distance par l’ouverture ainsi créée, le suc et les graines qu’il contient tandis que son enveloppe est envoyée en sens inverse » (3). En effet, il est bien possible que le mode original de dispersion des graines chez la momordique ait frappé les esprits antiques qui y ont vu une signature, d’autant que le fruit s’écartèle comme une vulve au travail, qu’il est tapissé d’une chair rouge sang rappelant les lochies, et que ses graines s’accrochent comme des embryons à l’endomètre. Aussi, devant une telle manifestation de puissance, qui n’est autre que le dernier souffle de la plante, on a imaginé, par sympathie, une action analogue sur l’appareil génital féminin. Pline va plus loin encore : « On pense que la graine favorise la conception si on la porte attachée sans qu’elle ait touché la terre, et l’accouchement si on l’attache dans de la laine de bélier sur les reins de la femme, sans qu’elle le sache, en prenant soin de l’emporter hors de la maison aussitôt l’accouchement ». Quel doux rêveur que ce Pline tout de même ! Je veux bien que la souffrance douloureuse de la parturiente au jour de l’accouchement puisse lui perturber les sens au point qu’elle ne se rende pas compte qu’on lui colle une amulette dans le dos, mais il y a une chose que fait la femme lorsqu’elle vient d’accoucher : c’est qu’elle ne va pas se balader je ne sais où, exténuée qu’elle est : elle se repose ! Autre chose remarquable : pourquoi envelopper la graine d’une plante aussi vitupérante dans de la laine de bélier, animal peu connu pour sa docilité, bien plutôt pour sa folle énergie de feu ? C’est fort étrange, tout de même. C’est comme si l’on cherchait à multiplier une énergie dont la momordique est suffisamment parée. Pourquoi donc en additionner une autre ? De même avec le pseudo-Apulée qui nous explique dans son Herbarius que la momordique se récolte au troisième jour de la Lune croissante du mois de juillet. Mais ça n’est pas là le pis. Là où le pseudo-Apulée partage un caractère singulier avec Pline et son intervention ovine, c’est qu’il préconise une prière à adresser afin que la momordique fasse l’œuvre intégrale à laquelle on souhaite la convier. Prenez connaissance de cette invitation, vous verrez, elle fait appel à du beau linge : « Hygie, puissante nourrice des serpents, je t’adjure par la terre, notre mère, de porter intacte mon incantation, par les soins et les enchantements d’Asclépios, docteur des herbes. » Eh bien… Un bélier, Hygie et son père, tout cela fut peut-être de trop pour la momordique qui ne donna plus aucun signe de nouvelle durant tout le Moyen-Âge, hormis chez les médecins arabes comme Mésué qui estampilla la momordique comme remède souverain de l’hydropisie, plante qu’il faisait aussi intervenir en cas d’obstruction du foie et de la rate, de rhumatismes et de migraine. Cette vertu hydragogue est largement vantée du XVII ème au XIX ème siècle, l’elaterium devenant, en quelque sorte, un spécifique de l’hydropisie, de la néphrite albumineuse, jouant également un rôle non négligeable dans l’insuffisance rénale chronique selon Bright qui a donné son nom à cette affection.
Achevons la première partie de cet article par une perle que l’on doit à Cazin : « L’illustre Baglivi dit sérieusement que quelques gouttes du suc de concombre sauvage, mêlées à du lait de femme et respirées fortement par le nez, ont une incroyable vertu pour dissiper l’ictère » (4). Tiens donc… Giorgio Baglivi (1668-1707), médecin italien né dans l’actuelle Dubrovnik (ex Raguse, à ne pas confondre avec l’autre Raguse sicilienne), se fourvoyait donc en plein XVII ème siècle en reprenant, mot pour mot, les écrits de Dioscoride au sujet de cette propriété. Mais puisque c’est un médecin qui en répète un autre, il faut donc les croire. Poursuivons la lecture de Cazin : « On lit dans les Remèdes faciles et domestiques de Madame Fouquet, ouvrage dangereux comme tous les traités populaires de médecine, que le suc de concombre sauvage tiré par le nez est bon contre la migraine » (5). Qu’une empiriste s’en mêle, et c’est presque l’autodafé. Pourtant, la mère du célèbre surintendant des finances, Nicolas Fouquet, ne reprend-elle pas ce que Mésué disait au sujet du pouvoir antimigraineux de la momordique ? Et la chose la plus drôle, c’est que, de Baglivi et de Madame Fouquet, c’est la seconde qui est dans le vrai, l’homéopathie utilisant la momordique pour diverses douleurs dont les maux de tête…

A l’image de beaucoup d’autres Cucurbitacées, la momordique est une plante annuelle, rampante ou grimpante si on lui fournit un support, s’aidant alors de ses vrilles. Ses tiges tendres, succulentes presque, lui permettent d’atteindre la longueur maximale de cinq mètres. Dans son ensemble, la momordique est hérissée de poils rudes, que l’on trouve aussi sur ses feuilles épaisses, ondulées sur leur bordure, lobées par trois, cinq ou sept, rappelant quelque peu les feuilles du houblon ou du figuier. Espèce monoïque, la momordique porte donc sur le même pied des fleurs femelles et des fleurs mâles, inflorescences jaunes, veinées de vert, à cinq faux pétales. Ses fruits très particuliers sont semblables à une sorte de prune allongée, de 5 à 10 cm de longueur, couverts d’aspérités verruqueuses. Tout d’abord verts, ils virent au jaune orangé à maturité, finissant par s’ouvrir en trois parties comme nous l’avons dit plus haut, exposant une chair mucilagineuse de couleur rouge vif, qu’accompagnent des graines plates et luisantes, marrons et tachetées.
La momordique est présente surtout sur la partie orientale du bassin méditerranéen, affectionnant les lieux stériles, sableux et rocailleux.

La momordique en phytothérapie

Vu tout ce que nous avons précédemment énoncé, il est permis d’affirmer que cette plante dont le fruit mûr explose au moindre contact est douée d’énergiques propriétés. C’est le cas. Un peu trop d’aucuns diraient, mais « ses effets sont subordonnés aux précautions ou à l’incurie qui président à son administration, précise Cazin. On a tort de négliger ce médicament, ajoute-t-il » (6).
Qu’en est-il de la composition de cet étrange concombre ? Il y a cet extrait, l’elaterium, lui-même condensé de plusieurs corps parmi lesquels a été mise en évidence l’élatérine. Mais la momordique n’est pas réductible qu’à cela, de même que l’ergot de seigle ne se résume pas qu’à sa seule ergotine. Depuis l’époque où l’on ne jurait presque que par l’elaterium, la momordique a révélé bien d’autres de ses secrets comme, par exemple, la présence de glucosides (mormordine et charantine) et d’alcaloïde (mormordicine), mais aussi de la résine, une huile fixe, une phytostérine, des acides (linoléique, palmitique, stéarique), ainsi qu’une peptide de structure proche de celle de l’insuline.

Propriétés thérapeutiques

  • Purgative drastique, dépurative, diurétique, hydragogue
  • Emménagogue, contraceptive (7)
  • Hypoglycémiante, inhibitrice des syndromes diabétiques
  • Hypotensive
  • Cicatrisante
  • Anti-inflammatoire
  • Anti-oxydante
  • Anti-cancéreuse

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère vésico-rénale : excès de sucre dans les urines, urémie, néphrite chronique, lithiase rénale
  • Troubles de la sphère cardiovasculaire et circulatoire : hypertension, asystolie, artériosclérose, excès d’urée et de sucre dans le sang
  • Hydropisie, ascite, engorgement des viscères abdominaux
  • Troubles de la sphère hépato-pancréatique : affections hépatiques, colite hépatique, cirrhose du foie, diabète (8)
  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : atonie intestinale, parasites intestinaux (dont ténia)
  • Troubles de la sphère gynécologique : aménorrhée, leucorrhée
  • Affections cutanées : ulcère, plaie suppurante
  • Fièvre
  • Choléra

Modes d’emploi

  • Elaterium : le moment de la récolte des fruits, leur propre composition variable d’ici à là, le mode de préparation, etc., font beaucoup pour l’obtention de produits finaux fort différents ; c’est comme la gelée de groseille, il n’y en a pas deux pareilles.
  • Teinture-mère (sans doute le meilleur parti pris).
  • Extrait hydro-alcoolique.
  • Décoction de racine.
  • Cataplasme de pulpe de fruit.
  • Cataplasme de feuilles.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Assez proche de la bryone par ses propriétés médicinales, la momordique expose aux mêmes inconvénients dès lors que l’incurie dont parle Cazin s’en mêle. Si des doses idoines prises en cure de quatre semaines ne posent pas de problèmes, il en va autrement dès lors qu’on dépasse les bornes et que l’idiosyncrasie n’est pas prise en compte. Comme la coloquinte, violent purgatif dont le nom seul doit faire trembler le moindre néophyte, la momordique purge douloureusement et avec violence les intestins, et ce jusqu’au bout, enflammant le rectum. Elle a, dans le même temps, une action sur le système nerveux : à des convulsions fait parfois suite une paralysie des nerfs vasomoteurs, le tout entraînant parfois le décès.
  • Récolte : selon Cazin, les fruits se récoltent peu avant maturité, la racine au printemps et à l’automne. Cela vaut, semblerait-il, pour une momordique cueillie en France ; ces périodes peuvent changer en fonction de la localisation de la plante.
  • Contre-indications : pas d’usage de cette plante en cas de disposition naturelle à l’hypoglycémie.
  • Autre espèce : Momordica cochinchinensis.
  • Cuisine : la première fois où j’ai entendu parler de la momordique, ce fut dans une petit ouvrage de Jean-Luc Daneyrolles paru il y a un peu plus de 15 ans. Dans ce livre, très justement intitulé Un jardin extraordinaire, l’on croise des créatures végétales dont on n’aurait pas cru l’existence possible, et dont les noms semblent tout droit tirés de contes ou de vieilles légendes, tant ils sont riches de sonorités qui paraissent provenir d’un ailleurs inaccessible : j’ai particulièrement aimé, par leur nom seul, le cornaret à trompe, la ficoïde glaciale, la morelle de Balbis, la cyclanthère pédiaire et la margose à piquants (là, le correcteur orthographique de mon traitement de texte s’affole !) Cette dernière, la margose, n’est autre que notre momordique. Mais que vient-elle faire en cuisine, elle dont le nom de margose, tiré de l’espagnol amargo, signifie « amer » ? Eh bien, l’on peut commencer par la cuire en deux eaux pour lui ôter une bonne partie de son amertume qui peut offusquer les palais les plus sensibles. Mais l’appréciation des différents goûts, sucré, salé, amer, etc. est aussi une affaire d’âge et de culture. Ce que nous trouvons amer peut très bien représenter pour telle autre personne un mets exquis à souhait : question de papilles gustatives et de leur éducation depuis la plus tendre enfance. Quand j’étais très très jeune et pas plus haut que trois pommes, l’oignon et l’ail me répugnaient. Aujourd’hui je ne peux pas même concevoir l’idée de cuisiner sans eux. C’est ainsi que la momordique/margose peut être cuite à la vapeur, ou frite, ou sautée. La confire est possible, en préparer un chutney également. A la Réunion, elle participe aux achards, rougails et autres caris.
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    1. François-Joseph Cazin, Traité pratique et raisonné des plantes médicinales indigènes, p. 600.
    2. Dioscoride, Materia medica, Livre IV, chapitre 136.
    3. Guy Ducourthial, Flore magique et astrologique de l’Antiquité, p. 238.
    4. François-Joseph Cazin, Traité pratique et raisonné des plantes médicinales indigènes, p. 600.
    5. Ibidem.
    6. Ibidem, p. 599.
    7. « Testées en Chine dans les années 1980 comme contraceptif, les graines de momordique favorisent l’apparition de caractères sexuels masculins et empêchent la production du sperme », Larousse des plantes médicinales, p. 235.
    8. « Le jus de fruit stimulerait la régénération des cellules pancréatiques sécrétant l’insuline, ce qui le rend efficace dans le traitement du diabète non insulinodépendant », Larousse des plantes médicinales, p. 235.

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La sauge officinale (Salvia officinalis)

Crédit photo : Pescalune photography

Synonymes : grande sauge, sauge de Catalogne, herbe sacrée, thé de Grèce, thé de France, thé d’Europe, etc.

Reine des plantes médicinales, panacée, herbe sacrée, qu’a donc fait la sauge pour mériter un renom aussi élogieux ? Tout d’abord, elle figurait parmi de nombreux autres ingrédients dans le kyphi des anciens Égyptiens qui remarquèrent aussi que son suc administré aux femmes stériles les rendait fertiles et permettait à celles qui étaient enceintes de ne pas concevoir avant terme. Du temps des Ramsès, déjà bien connue, la sauge étendit son hégémonie à la Perse et à l’Europe. Cela signifie qu’il y a environ 3000 ans, la sauge avait déjà partie liée avec le médical et le spirituel, et l’Antiquité gréco-romaine ne lui dénigrera pas ces deux prérogatives. Pour la Grèce et la Rome antiques, l’herba sacra est une panacée, c’est-à-dire un remède universel propre à être employé en toutes circonstances. C’est elle que l’on récoltait ablutions faites, en état de pureté que soulignait le port d’une tunique blanche, et les pieds nus, après avoir procédé à un sacrifice. Cette sauge, elle-même offerte aux divinités, faisait partie des ingrédients de base de rituels aussi bien funéraires que magiques. Il est même accordé à la sauge une origine surnaturelle. Selon une légende, Zeus fut élevé par la chèvre Amalthée, auprès d’un buisson de sauge qui aurait conféré au lait caprin un pouvoir divin. Dans ces circonstances, l’on ne peut guère s’étonner que l’étymologie attribue à la sauge deux sens bien distincts : le latin salvia se scinde en deux origines : de salvare, « sauver, guérir » et de salvus, « sain ». La sauge est donc une plante guérisseuse et assainissante. C’est là faire référence à ses qualités de remède médicinal d’une part, d’autre part à sa capacité à entrer en connexion avec un domaine plus spirituel. Nous verrons, au fil de cet article, que ces deux notions demeurent souvent indissociables.

Les Grecs considérèrent la sauge si tonique et stimulante, qu’elle était interdite aux athlètes sur les stades, à croire que la lutte antidopage ne date pas d’hier. A ce titre, Pline remarquera cette faculté, écrivant que « le voyageur qui porte de l’armoise et de la sauge attachées sur lui ne craint pas la fatigue ». Hippocrate et Dioscoride mentionnent une sauge dont le même Pline rapportera les usages : « nos herboristes d’aujourd’hui nomment elelisphakos en grec et salvia en latin une plante semblable à la menthe, blanchâtre et odorante ». Mais il n’est pas impossible que l’elelisphakos des Grecs ne soit pas, en définitive, la sauge officinale dont Paul-Victor Fournier nous rappelle qu’elle est assez rare en Grèce. Sans doute s’agit-il d’une espèce cousine, puisque Hippocrate l’indique dans la recette d’un breuvage destiné à soigner les affections de la matrice et la diarrhée, alors que Dioscoride, puis Galien, mentionne plusieurs de ses propriétés : tonique, stimulante, diurétique, astringente, emménagogue et abortive, toutes qualités dont la sauge officinale peut s’enorgueillir.

Les Celtes, eux non plus, n’ignorèrent pas la sauge. Ils y accordèrent même une grande importance, puisque d’un point de vue médicinal, les druides employaient cette plante contre la fièvre, la toux, les rhumatismes, les névralgies, la paralysie, l’épilepsie, ainsi que pour favoriser la fertilité des femmes et l’accouchement. Elle passait aussi pour ressusciter les morts ; fréquemment ajoutée à l’hydromel et à la cervoise, elle permettait aux druides de se placer en condition « prophétique », c’est-à-dire en état de conscience modifiée, afin de prédire l’avenir et de communiquer avec l’au-delà. Ceci est d’autant plus valable que, depuis, l’on sait l’action de la sauge officinale au niveau d’un chakra, celui du troisième œil, permettant calme et clarté, incitant à la sagesse (sage, en anglais, signifie autant sauge que sage) et donc au savoir. « Ainsi s’explique en particulier la faculté qu’on lui a prêtée de favoriser la conception, puisque c’est de l’au-delà, du royaume des morts, des ancêtres, que proviennent les âmes des enfants à naître […] Si elle ne ressuscite pas les morts, la sauge a bien le pouvoir de rendre la vitalité à ceux qui ont perdu jusqu’au goût de vivre, et aussi de faciliter la transmission de la vie » (1).

Énoncer que le Moyen-Âge est l’âge d’or de la sauge n’est pas peu dire. Naturellement inscrite au Capitulaire de Villis, elle bénéficia donc de la protection des empereurs carolingiens. Walahfrid Strabo, abbé du monastère de Reichenau, lui dédie même une place d’honneur dans son Hortulus (827), lui conservant, en le latinisant, son antique nom grec. De l’elelifagus, il dit ceci : « L’expérience la montre remédiant à plusieurs maladies des hommes, elle mérite donc la verdeur de son éternelle jeunesse » (2), paroles élégiaques édictées à une époque où les bénédictins se chargèrent d’en développer la culture dans les jardins de simples, indispensables dans tout bâtiment ecclésiastique. Et cette expérience, à laquelle Strabo fait référence, est riche et vaste. Macer Floridus en fait un remède diurétique, hépatique, antitussif et emménagogue, précisant que « broyée et appliquée sur la plaie, elle neutralise l’effet des morsures venimeuses, et cicatrise les blessures saignantes » (3). Arnaud de Villeneuve la conseille, également broyée, additionnée de sel et de poivre, comme pansement odontalgique. Platearius ajoute qu’elle « conforte, dégage et chasse les humeurs », ce que ne désapprouve pas le Grand Albert, affirmant que la fumigation de l’alentour des maisons en temps de peste est profitable, conseil qui sera repris plus tard dans le Petit Albert présentant la recette d’un « baume excellent pour se garantir » de cette maladie extrêmement contagieuse et mortelle. La sauge, c’est aussi l’un des ingrédients du vinaigre des quatre voleurs dont la légende veut qu’il leur servait de préservatif contre la peste, afin de plus sûrement dévaliser les maisons abandonnées des pestiférés. Quant à Hildegarde et sa Selba, c’est plus qu’une histoire d’amour tant la sauge est présente dans les écrits de l’abbesse, comme remède du corps bien entendu (inappétence, diarrhée, mauvaise haleine, douleurs gastriques, toux, fièvre, hémorroïdes, douleur goutteuse, céphalée d’origine digestive, léthargie, insomnie, paralysie, contusion, etc.), mais aussi comme soulagement de l’esprit : non seulement la sauge « dessèche » la mélancolie, mais elle apaise la colère, « la chaleur sèche de la sauge redonne force aux humeurs que la colère a détruites » (4).
Dès qu’il est question de la sauge médiévale, il est impossible de passer sous silence le très célèbre aphorisme de l’école de Salerne qu’aucun livre portant sur les plantes médicinales n’omet de mentionner : Cur moriatur homo cui salvia crescit in horto ? Oui, pourquoi mourrait-il, celui qui cultive de la sauge dans son jardin ?, s’interroge-t-on du côté de cette cité de Campanie. Très souvent, dans les livres et sur Internet, on ne trouve que ce premier vers, celui que Cazin, comme tant d’autres, se contente de citer, avant d’ajouter « qu’il n’y a de meilleur remède contre la mort » (5), ce qui est une lecture complètement fausse de cet aphorisme, puisque le deuxième vers nuance très fortement le premier : Contra vim mortes non est medicamem in hortis (Contre la force de la mort, il n’existe aucun médicament dans les jardins). Et la suite, que nous donnons, est d’une limpidité à toute épreuve. Par sa seule lecture, l’on ne risque guère de se tromper : « Oui, nos jours sont bornés ; aux regrets, insensible, la mort doit, tôt ou tard, en terminer le cours. Vouloir l’éterniser, c’est vouloir l’impossible ; n’y songez point. A cela près l’usage de la sauge a d’excellents effets. Pour raffermir la main tremblante, pour conforter les nerfs, la sauge est excellente ; et d’une fièvre aiguë elle arrête l’accès […] L’usage de la sauge est si grand, qu’il est bon d’en avoir en toute maison. Aussi dans la langue latine, son nom du mot sauver tire son origine ». L’erreur commise par Cazin (il n’est pas le seul à l’avoir faite, on la rencontre encore dans des ouvrages bien actuels) sur le sens réel des paroles salernitaines lui fera écrire que « pour faire tomber les meilleures choses dans le discrédit, il suffit d’en faire un éloge outré. Ainsi la sauge, grâce à la sentence de l’école de Salerne, fut condamnée par le scepticisme à un oubli non mérité » (6). Où l’on constate qu’une lecture liminaire et superficielle de l’aphorisme que Salerne consacre à la sauge ne peut que donner naissance à des conclusions pour le moins erronées. Si, comme le pense Cazin, la sauge a été, pendant un temps, écartée du rang des plantes médicinales, ça n’est pas tant à l’école de Salerne qu’on le doit, mais à ceux qui ont compris de travers son message. Dont ce même Cazin ! Incroyable, n’est-ce pas ? Donc, une paire de lunettes et un peu de bon sens permettent d’éviter de faire l’erreur consistant à lire le contraire de ce que l’école de Salerne affirmait au sujet de la sauge, qui, non, n’est pas un remède contre la mort. La valeur de la sauge, tout au contraire, est plus proche de ce qu’en dit le docteur Bernard Vial : elle « réconcilie l’homme avec sa propre nature : elle lui permet de retrouver la mesure, c’est-à-dire de se souvenir qu’il n’est pas un dieu et possède des limitations » (7). N’est pas Zeus qui veut.

A la Renaissance, l’éloge dithyrambique de la sauge, loin de s’essouffler, se perpétue. Mais c’est surtout au XVII ème siècle que la sauge jouit d’une excellente réputation, tout d’abord à la cour du roi Louis XIV qui prenait chaque soir, d’après Saint-Simon, une infusion de sauge et de véronique, ainsi qu’auprès de Christian-François Paullini (1643-1712), médecin allemand qui consacra à la sauge une monographie de plus de 400 pages en 1688. Puis vinrent Lémery et Van Swieten. Le premier des deux dira des sauges qu’elles « sont céphaliques, nervales, hystériques, stomacales, résolutives, apéritives. On s’en sert pour la paralysie, pour la léthargie, pour l’apoplexie ». Quant au second, il sera le premier à faire de la sauge une utilisation systématique au regard de ses propriétés antisudorifiques. En effet, le vin de sauge dont il se servait supprimait les sueurs nocturnes des malades et des convalescents, action d’un grand secours car elle est rapide, se manifestant seulement deux heures après ingestion et se poursuivant plusieurs jours après l’arrêt des prises. Van Swieten remarqua également l’efficacité de la sauge pour tarir la lactation. Et, comme le soulignait déjà Hildegarde, la sauge assèche. Très « Terre », elle s’oppose à bien des écoulements (hémorragies, pertes utérines, catarrhe, leucorrhée, sécrétion lactée, sueur, etc.). Ce n’est que bien plus tard, au XX ème siècle, que la sauge retrouvera un regain de verdeur au sujet de l’une de ses antiques prescriptions : la sauge est une plante de la femme, de la sage-femme également, une femme pleine de sagesse. C’est le docteur Leclerc qui en fera la remarque à une époque où l’on mit en évidence que la sauge contenait des hormones végétales : des phyto-œstrogènes. Ainsi, des milliers d’années d’usages gynécologiques de la sauge furent confirmés scientifiquement. C’est réellement une plante féminine, tant elle accompagne tous les âges de la vie d’une femme : puberté, conception, accouchement, préménopause, ménopause. N’est-ce pas la sauge que Pte San Win, la Femme Bison Blanc, apporte aux femmes des tribus lakota ? Cette sauge, qui n’est pas l’officinale mais la blanche (Salvia apiana), constituait, avec le tabac, le cèdre et le foin d’odeur le quadrige sacré de bien des tribus amérindiennes. Généralement, les sauges (sclarée, officinale, blanche) possèdent des vertus purificatrices très puissantes. Chez les Amérindiens, la plante brûlée permettait d’écarter les démons, les entités du bas astral et autres « ondes négatives ». Elle était aussi couramment employée lors de la cérémonie de l’Inipi qui se déroulait sous une hutte de sudation : « Il fait très chaud dans la loge, explique Black Elk, mais il est bon de ressentir les qualités purifiantes du feu, de l’air et de l’eau, et de sentir l’odeur de la sauge sacrée » (8).

Protectrice et purificatrice, la sauge n’a rien à envier à l’armoise et au millepertuis à ce sujet. « Je porte la verveine et la sauge pourprée qui brisent les enchantements », déclamait-on dans Sigurd, opéra en quatre actes d’Ernest Reyer créé en 1884. C’est elle encore dont on croise le chemin à travers le légendaire chrétien, lors de l’angoissant épisode de la fuite de la Vierge Marie devant les atroces bourreaux d’Hérode. Demandant asile à la rose afin qu’elle dissimule l’enfant Jésus, cette fière refusa. Identique refus de la part du coquelicot puis de la giroflée. Mais une petite plante obtempéra et accorda une issue favorable à la requête de Marie et camoufla aux sbires d’Hérode la présence de Jésus. Depuis lors, la rose porte des épines, la robe rouge du coquelicot est toute fripée et la giroflée est dénuée de parfum agréable. Quant à la sauge, Marie lui déclara : « Les botanistes t’appelleront Salvia, ‘celle qui sauve’ et tes pouvoirs seront de guérir les douleurs des hommes » (9).
Du foudroyant dieu de l’Olympe à la Reine de la chrétienté, nul doute n’est permis : la sauge est bel et bien une plante sacrée.

La sauge officinale est un petit sous-arbrisseau ligneux et touffu dont la hauteur est généralement comprise entre 30 et 70 cm. Ses feuilles oblongues, très légèrement dentelées, laissent sous les doigts une sensation rugueuse ainsi qu’une forte odeur aromatique. Velues, de couleur blanc verdâtre, elles donnent à la sauge une allure grisâtre sur laquelle contraste le bleu teinté de violet de ses fleurs. La sauge étant initialement une plante méridionale, inutile de vous dire qu’elle adore la rocaille, les sols secs et bien drainés, et n’apprécie pas du tout, à l’instar du thym, d’avoir les pieds dans l’eau.
Particulière par son caractère semper virens, Pierre Lieutaghi avance que « ce fait a sans doute contribué autrefois à augmenter l’estime en ses vertus » (10) que nous allons maintenant présenter.

La sauge officinale en phyto-aromathérapie

Ses feuilles et ses sommités fleuries, voilà ce que la divine sauge offre au thérapeute. En terme de composition, voici la liste des différents éléments constituant la sauge officinale : du pentosane (9 %), de la résine (6 %), de la gomme (6 %), du tanin (5 %), des principes amers, une saponine, du mucilage. Ajoutons-y des acides (rosmarinique, gallique, oxalique et phosphorique) et des flavonoïdes. Malgré l’étendue de cette liste, l’on retient surtout que la sauge contient une essence aromatique (1,5 à 3,5 %) que l’on distille depuis au moins 1580 et une substance œstrogénique mise en évidence en 1938. La feuille de la sauge, de saveur astringente et amère quand elle est fraîche, possède une odeur chaude, piquante et épicée, un tantinet camphrée, autant d’adjectifs que l’on peut prêter à l’huile essentielle qu’on en tire. Celle-ci, limpide et de couleur jaune très clair, s’obtient par hydrodistillation durant deux heures des feuilles sèches, presque fanées. Comme souvent, le profil biochimique d’une huile essentielle varie selon de nombreux facteurs. Cependant, voici des données moyennes au sujet de la composition moléculaire de l’huile essentielle de sauge officinale :

  • Cétones (dont alpha-thuyone, bêta-thuyone, camphre) : 60 %
  • Monoterpènes : 15 %
  • Oxydes : 10 %
  • Sesquiterpènes : 7 %
  • Monoterpénols : 5 %
  • Esters : 2 %

Propriétés thérapeutiques

Sauge officinale en phytothérapie

  • Tonique gastro-intestinale, stomachique, apéritive, carminative
  • Diurétique, dépurative
  • Antispasmodique
  • Emménagogue, régulatrice des règles, tonique utérine, favorise la conception, antigalactogène
  • Hypertensive
  • Antisudorifique
  • Hypoglycémiante
  • Fébrifuge
  • Astringente, cicatrisante, résolutive, vulnéraire
  • Tonique du système nerveux
  • Antiseptique
  • Anti-oxydante

Sauge officinale en aromathérapie

  • Anticatarrhale, expectorante, mucolytique
  • Tonique hépatique, cholagogue, cholérétique
  • Anti-infectieuse (antibactérienne, antivirale, antifongique)
  • Emménagogue, œstrogen like, favorise la conception et la fertilité, décongestionnante pelvienne, tarit la lactation
  • Antispasmodique
  • Tonique et stimulante générale
  • Lipolytique
  • Fébrifuge
  • Antiputride
  • Antisudorifique (elle réprime les sécrétions abondantes et stimule celles qui sont insuffisantes)
  • Cicatrisante
  • Décongestionnante et tonique artérielle et veineuse
  • Hypocholestérolémiante
  • Stimulante glandulaire (hypophyse, surrénales, pancréas)

Usages thérapeutiques

Sauge officinale en phytothérapie

  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : inappétence, dyspepsie, atonie gastro-intestinale, digestion lente et/ou difficile, diarrhée (du tuberculeux et du nourrisson), vomissement spasmodique, nausée, ballonnement
  • Troubles de la sphère pulmonaire + ORL : bronchite chronique ou aiguë, asthme, toux grasse, angine, maux de gorge, laryngite
  • Affections bucco-dentaires : aphte, stomatite, ulcère bucco-gingival, névralgie dentaire, maux de dents, muguet, carie, engorgement gingival
  • Troubles de la sphère gynécologique : leucorrhée, stérilité, préparation à l’accouchement (réduit les douleurs prise en infusion environ un mois avant le terme), douleurs menstruelles, congestion du petit bassin
  • Affections cutanées : plaie, plaie atone, ulcère, ulcère atone, ulcère de jambe, blessure, contusion, luxation, engelure, eczéma, dartre, piqûre d’insecte (guêpe)
  • Éphidrose nocturne des pieds, des mains et des aisselles, fétide ou non, chez le tuberculeux, le rhumatisant, le malade, le convalescent
  • Hypotension, vertiges, étourdissement
  • Neurasthénie, fatigue après convalescence, dépression psychique et physique, surmenage
  • Alopécie et soin du cuir chevelu
  • Paralysie et tremblements
  • Fièvre intermittente
  • Diurèse insuffisante, goutte, rhumatismes
  • Hydropisie, œdème, engorgement articulaire
  • Migraine, maux de tête d’origine nerveuse et digestive
  • Désinfection des locaux (par exemple, ceux dans lesquels un malade a séjourné longtemps)

Sauge officinale en aromathérapie

  • Troubles de la sphère pulmonaire + ORL : bronchite chronique, catarrhe bronchique, sinusite
  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : entérite virale, fermentation intestinale
  • Troubles de la sphère gynécologique et génitale : aménorrhée, dysménorrhée, oligoménorrhée, leucorrhée, règles douloureuses, préménopause, ménopause, herpès génital
  • Affections cutanées : plaie, ulcère, escarre, lésion, mycose de la peau et des ongles, cicatrice, chéloïde
  • Affections bucco-dentaires : aphte, névralgie dentaire, herpès labial
  • Troubles de la sphère cardiovasculaire et circulatoire : hypotension, artérite, hémorroïdes, jambes lourdes, varices, couperose
  • Insuffisance hépatobiliaire
  • Alopécie d’origine hormonale
  • Œdème
  • Grippe
  • Transpiration excessive

Modes d’emploi

  • Infusion.
  • Décoction aqueuse et vineuse.
  • Macération vineuse.
  • Bain.
  • Teinture-mère.
  • Poudre dentifrice.
  • Feuille fraîche frictionnée sur la peau (en cas de piqûre d’insecte).
  • Fumigation sèche de feuilles de sauge.
  • Huile essentielle par voie cutanée diluée, par voie orale sous les conseils et la prescription d’un médecin aromathérapeute, en olfaction.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Récolte : s’il s’agit des feuilles, elles se cueillent avant la floraison, quant aux sommités fleuries, c’est au cœur de l’été qu’elles se ramassent.
  • Séchage : assez facile et rapide ; songer à retourner les feuilles de temps à autre. Les sommités fleuries peuvent être suspendues en bouquets lâches d’une dizaine de tiges. Bien conservée, la sauge, une fois sèche, nous fait bénéficier de ses bienfaits pour un long temps, ne s’altérant que très peu.
  • En phytothérapie, on évitera l’usage de la sauge en cas d’allaitement, proscription qui vaut également pour son huile essentielle, à quoi il faut ajouter les contre-indications suivantes : grossesse, enfant de moins de six ans, personnes sujettes à l’épilepsie ou présentant un terrain neurologiquement fragile. En effet, tout comme l’huile essentielle d’hysope officinale, cette huile essentielle est neurotoxique, épileptisante et convulsivante, à plus forte raison lorsque des doses inappropriées sont administrées sur le long cours. De même, de par ses propriétés hormonales, il est déconseillé d’user de cette huile essentielle en cas de pathologies cancéreuses hormono-dépendantes. Cette huile est aussi placée sous le monopole pharmaceutique, sa vente est réglementée par le JO n° 182 du 8 août 2007.
  • La sauge officinale est exposée au même « souci » que bien d’autres plantes médicinales : cultivée, elle est généralement moins active que sous sa forme sauvage. Ce qui est, en somme, tout à fait normal.
  • Par ses tanins, la sauge est incompatible avec le fer. Lors de préparation d’infusion, de décoction, etc., on évitera les casseroles non émaillées.
  • Cuisine : dans le Midi de la France l’on utilise l’expression « c’est sans sauge ni sel » pour qualifier un plat à la fadeur désolante. Comme l’on sait, au Moyen-Âge, la sauge avait la faveur du cuisinier qui, d’après Arnaud de Villeneuve, avait parfois la main lourde. Lui-même conseillait « de bourrer de sauge l’oie rôtie et le cochon de lait à la broche ; vous pouvez l’utiliser plus discrètement dans les farces », explique, parcimonieux, Pierre Lieutaghi (11). La sauge est un parfait condiment des viandes (en particulier le porc), volailles (le poulet en froide sauge est un exemple médiéval typique) et gibiers. Elle se marie bien avec les légumineuses (fèves, petits pois, lentilles, pois chiches), le riz, la graine de couscous, la pomme de terre, la tomate. Notons quelques usages assez méconnus : aromatiser les châtaignes et la confiture de pastèque, élaborer un vin chaud de sauge qui n’est pas sans évoquer le sauget de la cuisine médiévale qui mit largement à l’honneur cette plante dès le XII ème siècle. Très appréciée, elle demeure incontournable pour le Viandier de Taillevent et le Mesnagier de Paris.
  • Autres espèces : parmi les nombreuses espèces de sauges, il existe des cultivars de la sauge officinale offrant des coloris différents : S. officinalis tricolor, S. officinalis purpurascens, etc. Quant à la sauge officinale de base, elle se décline sous deux formes, à grandes feuilles ou à petites feuilles. Par ailleurs, il est bon de faire la distinction entre toutes ces sauges et d’autres sauges médicinales telles que la sauge sclarée (S. sclarea), la sauge verte (S. viridis), la sauge des prés (S. pratensis), la sauge rouge (S. miltiorrhiza), la sauge verveine (S. verbenaca), la sauge éthiopienne (S. aethiopis), la sauge blanche (S. apiana), etc.
    _______________
    1. Jacques Brosse, La magie des plantes, p. 284.
    2. Walahfrid Strabo, Hortulus, p. 21.
    3. Macer Floridus, De viribus herbarum, p. 113.
    4. Hildegarde de Bingen, Les causes et les remèdes, p. 233.
    5. François-Joseph Cazin, Traité pratique et raisonné des plantes médicinales indigènes, p. 858.
    6. Ibidem.
    7. Bernard Vial, Affectif et plantes d’Amazonie, les formules du Père Bourdoux, p. 40.
    8. Black Elk, Les rites secrets des Indiens sioux.
    9. Michel Lis, Les miscellanées illustrées des plantes et des fleurs, p. 110.
    10. Pierre Lieutaghi, Le livre des bonnes herbes, p. 411.
    11. Ibidem, p. 416.

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Crédit photo : Pescalune photography

Le concombre (Cucumis sativus)

Peut-on imaginer que le concombre ait une histoire, qu’il ait fait couler autant d’encre qu’il contient d’eau ? C’est pourtant le cas : ce légume un peu balourd, un peu lourdaud, possède cependant une noble origine, puisque c’est au pied de l’Himalaya qu’il naquit il y a fort longtemps ; pas sous sa forme actuelle bien sûr, son ancêtre probable se nommant Cucumis hardwickii, espèce encore présente dans les vallées sub-tropicales de l’Himalaya, domestiqué il y a environ 5000 ans dans la vallée de l’Indus où il portait alors le nom sanskrit de Soukasa. Mais ce concombre archaïque n’avait pas grand rapport avec les concombres modernes à l’inconcevable fadeur. C’est un fait indéniable, la culture tend à priver un végétal de sa saveur sauvage originelle, celle de cet ancêtre de concombre étant amère, souvenir gustatif que le concombre actuel n’a conservé qu’au niveau de sa peau et de son pédoncule. La culture du concombre se répandit assez vite en Chine, où on l’utilise toujours en médecine traditionnelle chinoise, ainsi qu’au Proche-Orient où il gagna l’Égypte il y a environ 4000 ans, puis les mondes grecs et romains au V ème siècle avant J.-C. sans rien avoir perdu de son amertume. Il parvint même en Europe centrale (Hongrie) et septentrionale (Pologne) il y a 2000 ans comme l’attestent des vestiges découverts lors de fouilles archéologiques.
Si Néfertiti exploite l’une des qualités propres au concombre – elle en use comme lait démaquillant et hydratant –, l’épisode le moins périssable est sans doute celui des Hébreux lorsqu’ils étaient captifs en Égypte. Puis l’exil les mena à travers le désert du Sinaï dont la chaleur attisa le souvenir des qissu îm désaltérants, dont ils établirent la culture à leur arrivée en Palestine. En terre hellène, il en allait tout autrement, bien des Grecs envisageaient le concombre « comme un intrus dans le monde végétal hellénique », souligne Angelo de Gubernatis (1), en vertu de je ne sais quel ostracisme dont Dioscoride s’est bien moqué, accordant une importance indéniable au concombre : « Le concombre de jardin est très utile à l’estomac et au corps. Il rafraîchit et ne se corrompt pas dans l’estomac bien qu’il soit malaisé à digérer. Il aide la vessie […] Sa graine a une moyenne vertu de provoquer l’urine. L’on la boit (avec utilité) avec du lait et du vin cuit pour les ulcères de la vessie. Les feuilles emplâtrées avec du vin profitent aux morsures des chiens, et avec du miel aux ulcères offusquant la vue » (2). Plus généralement, la médecine grecque usait du concombre pour refroidir les ardeurs de la chair. Quant aux Romains, ils surent accueillir le concombre en de bien meilleurs termes : l’empereur Auguste, admirateur discret du concombre, s’en rafraîchissait comme d’une glace à l’eau, alors que Tibère, plus expansif, était connu pour en consommer à chaque repas et ne se déplaçait jamais sans une cargaison de ces légumes. L’on philosopha même au sujet du concombre, Palladius expliquant que « les concombres ont une telle aversion pour l’huile qu’ils se détournent d’elle et se recourbent en hameçon pour ne pas la toucher » (3), mais présentent cependant une attraction pour l’eau, c’est pourquoi les Romains « le croyait même capable de marques d’intelligence et de sensibilité qui s’accordent mal avec la réputation de niaiserie que nous lui avons faite » (4). Mais les Romains sont-ils dignes de foi ? Je dis non, ce sont des gens qui gesticulent en nous racontant des salades ^_^ Comme vous voyez, ça n’est pas la mauvaise foi qui m’étouffe. Qu’elle est belle ma romaine, qu’elle est belle, la la la…

Sur ces entrefaites, venons-en directement à la Renaissance sans arrêt à la station Moyen-Âge. Mange-t-on des concombres lors des banquets médiévaux ? Je ne crois pas, la table des nantis étant surtout chargée de mets forts en gueule. Quel rôle aurait bien pu y jouer le concombre ? Celui de rince-doigts ? Oublions cela. En revanche, on le peint. A-t-on jamais peint un concombre ? Imagine-t-on un instant une nature morte au concombre, ou pis, aux cornichons ? C’est pourtant la vérité. Pensons à Carlo Crivelli, peintre italien du XV ème siècle ou Camerino présentant dans son Triptyque un concombre en compagnie de deux pêches, accessoires picturaux en présence de la Vierge Marie, dont Jean-Luc Hennig dira qu’on « n’avait peut-être pas grand mal, après tout, à être Vierge devant un concombre » (5), légume à la valeur érotique avoisinant le zéro le plus rond depuis l’Antiquité grecque, mais non considéré comme tel dans La marche du concombre de Boris Vian. Mais c’est une autre histoire. Haem. Sans parler d’amour, il semblerait que Jean-Baptiste Porta ait prodigué une relative affection pour le concombre, tant il en parle dans La magie naturelle, donnant moult astuces pour bien le faire mûrir, pour en hâter la précocité ou, au contraire, en retarder la maturation, augmenter le pouvoir odoriférant de ses fleurs, le rendre moins aqueux qu’à l’ordinaire, etc.
Comment se fait-il que le concombre soit un légume aussi an-érotique ? Parce que, malgré son gabarit avantageux, la plupart du temps, il est vert et froid, si froid à vrai dire qu’Antoine Mizauld proposait en 1578 un curieux procédé pour faire passer la fièvre chez le nourrisson : « il faut coucher tout au long de lui un concombre de longueur pareille à lui de manière qu’il s’endorme auprès, incontinent il sera guéri ; car la chaleur de la fièvre passera dans le concombre ». Bien. Et ce concombre enfiévré devient-il érotique ? Rien qu’à voir ses petits frères « se tordre, verts et grenus, dans les bocaux, en compagnie de petits oignons blancs à la panse arrondie et satinée » (6), l’on se dit que non. Si l’Arbolayre et La Bruyère Champier anathématisèrent concombres et cornichons, l’on peut en comprendre la raison, mais elle n’a pas de rapport avec l’absence de sex-appeal caractéristique de ces légumes mal bâtis dans leur figure, pour reprendre les mots rudes de La Quintinie. Si le concombre n’a strictement aucun rapport avec le sexe, pourquoi l’avoir accompagné de spermaceti dans la pommade dite « du cachalot », préparation devant favoriser la conception chez les femmes stériles qui s’en tartinaient le ventre, les lombes et les cuisses ? Des formules débiles, dans le Codex, il y en a eu plein, il y en a encore, alors bon, tout au plus pouvons-nous dire que ces femmes devaient avoir la peau douce, ce qui n’est déjà pas si mal, au contraire de celles que l’on qualifiait de concombre il y a encore un siècle, parce que trop blanches, voire émaciées, ayant perdu leur teint ou n’en ayant jamais eu, donnant l’impression d’être nées sous une planche.
Bref, le concombre et le sexe, ça fait deux. Avec le cornichon, c’est bien pire encore, l’ayant baptisé de quolibets peu flatteurs tels qu’avorton, idiot rachitique, « petit cochon vert à qui il suffit pour saloir d’un bocal » (7). Face à une telle réputation anaphrodisiaque, il faut bien s’incliner. Mais alors, pourquoi, clamerait un étymologiste à trois francs six sous, le concombre et son comparse le cornichon sont-ils autant hantés par les attributs du sexe et que l’on pourrait, de facto, en faire les emblèmes de la luxure : n’y a-t-il pas du con, c’est-à-dire le sexe de la femme en argot, dans le concombre, le cornichon n’est-il pas bardé d’une paire de seins, ne devine-t-on point un pénis dans la jungle des Cucurbitacées ? Quant à son cul, il peut aussi faire bonne figure. Sauf si, un jour, l’on décide de renommer cette famille botanique en Cucuprâlinacées.

Pour celles et ceux qui n’ont jamais vu un concombre ailleurs qu’au marché, disons-en quelques mots : c’est une plante annuelle aux tiges rugueuses, rampante et à vrilles. Ses feuilles, d’un vert un peu grisâtre, sont, elles aussi, rudes et lobées. Quant aux fleurs, bien qu’elles soient jaunes dans la plupart des variétés, elles donnent naissance à des concombres dont les formes et les coloris pourraient bien vous surprendre. Si l’on connaît fort bien le vert en forme de rouleau à pâtisserie et le « noa », tout deux vert foncé, il existe des concombres à l’épiderme blanc, crème, jaune, jaune orangé, vert foncé strié de vert clair, brun veiné de blanc, etc. Question taille, cela va de 8 à 12 cm pour les plus petits à 60 cm pour les plus longs, déclinant des formes diverses, pommelées, citronnées, en ovale, tout en longueur, etc.

Le concombre en phytothérapie

Est-ce bien raisonnable ? Le concombre, ce grand frère du cornichon, dans lequel il y a davantage à boire qu’à manger, pourrait se prévaloir d’une quelconque utilité pour le bien du corps (et accessoirement celui de l’âme), si ce n’est cette image, ce poncif navrant, ce stéréotype si souvent galvaudé, j’entends celui des tranches de concombre placées sur les yeux, que l’on trouve sans difficulté dans n’importe quel bouquin traitant de médecine « douce » quand elle n’est pas tout simplement doucereuse et écœurante à l’excès. Cette vision peu flatteuse du concombre doit être dépassée, car elle est par trop réductrice, c’est comme celle qui consiste à dire que l’huile essentielle de menthe poivrée ne sert qu’à faire passer les maux de tête, selon le principe faux qu’une plante équivaut à un seul usage. Il est certes bien vrai de dire que le concombre est semblable à une outre : 97 % de sa masse est constituée d’eau. On se demande comment les 3 % qui se battent en duel peuvent retenir toute cette liquidité et ne pas faire du concombre une bête flaque. Sont-ce les matières azotées (0,4 %), les matières grasses (0,05 %), la cellulose (0,3 %) ou encore les sels minéraux (0,5 %), qui permettent au concombre de se tenir droit comme un « i » sans s’effondrer ? L’on ne sait pas vraiment d’où le concombre tire cette force et cette dureté, certainement pas de son mucilage qu’il possède abondant. Bref. Peu calorique (c’est un fait : comment un légume aussi froid pourrait-il procurer la moindre chaleur ?), le concombre se remarque néanmoins par ses quelques vitamines (A, B, C) et sels minéraux (soufre, manganèse, calcium et potassium).

Propriétés thérapeutiques

  • Rafraîchissant (on peut presque dire que c’est un anti-inflammatoire indirect)
  • Dépuratif, diurétique, dissolvant de l’acide urique et des urates
  • Antitussif (par ses semences)
  • Laxatif doux
  • Anti-oxydant
  • Adoucissant cutané
  • Hypnotique léger

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère vésico-rénale : lithiase, colibacillose, goutte, arthritisme
  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : colique, irritation intestinale, diarrhée infantile
  • Affections cutanées : prurit, dartre, gerçure des lèvres, brûlure légère, démangeaisons, dermatose superficielle, abcès, soins cutanés (peau grasse, pores dilatés, taches de rousseur, rides)
  • Irritation des voies respiratoires
  • Adjuvant dans les états fébriles
  • Sensation de chaleur au niveau des pieds

Modes d’emploi

  • Application locale de tranches crues.
  • En nature, cru, dans l’alimentation : les estomacs délicats peuvent, au préalable, le faire dégorger au gros sel. Ainsi, il est plus digeste mais perd beaucoup de son efficacité thérapeutique.
  • Cuit : si, si. Le concombre peut se consommer en cet état. On fait bien de même avec sa cousine la courgette que, contrairement au concombre, l’on consomme rarement crue.
  • Eau de cuisson du concombre : comme lotion pour la peau.
  • Émulsion de semences dans un corps gras.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Que pouvons-nous objecter à ce si inoffensif concombre ? Hormis ce que nous en avons dit – cette tendance à stationner un tantinet trop longtemps dans les estomacs dont les muqueuses semblent faites de la soie la plus tendre – oui, que pouvons-nous bien ajouter ? Peut-être une chose, à l’attention des amateurs de cornichons : dans le commerce (j’entends la « grande surface »), aujourd’hui, l’on vend des bocaux de cornichons conservés dans du vinaigre, un acide, bien entendu, allez faire de même avec de l’eau de Vichy. Le cornichon répugne à l’alcalinité, c’est ainsi. Mais ce qui est plus grave, c’est que depuis quelques années, les gros malins de l’agro-alimentaire, outre cet infâme vinaigre d’alcool, ajoutent dans leurs pots de cornichons des sulfites. En guise de conservateur ! La blague ! Comme si le vinaigre ne se suffisait pas à lui-même pour ce faire. Avez-vous déjà vu, par exemple, un ocelle de moisissure dans une bouteille de vinaigre ? Le cornichon, le vrai, tu le cueilles en sa prime jeunesse, avec ses copains, et tu les fais barboter dans un bocal empli d’un bon vinaigre de cidre, que tu aromatises de graines de moutarde blanche (incontournables), de coriandre, de cumin, d’aneth, de poivre. Sache aussi que tu peux même adjoindre une feuille de laurier ou une branche de romarin, sans omettre le condiment suprême, l’estragon, car « sans estragon […] les cornichons ne seraient que des avortons de concombre gorgés d’acide acétique » (8).
    ________________
    1. Angelo de Gubernatis, La mythologie des plantes, Tome 2, p. 107.
    2. Dioscoride, Materia medica, Livre II, chapitre 128.
    3. Henri Corneille Agrippa, La magie naturelle, p. 75.
    4. Henri Leclerc, Les légumes de France, p. 137.
    5. Jean-Luc Hennig, Dictionnaire littéraire et érotique des fruits et légumes, pp. 213-232.
    6. Henri Leclerc, Les légumes de France, p. 140.
    7. Jean-Luc Hennig citant Jules Renard, Dictionnaire littéraire et érotique des fruits et légumes, p. 228.
    8. Henri Leclerc, Les légumes de France, pp. 133-134.

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Le grémil (Lithospermum officinale)

Synonymes : herbe aux perles, graine perlée, millet perlé, perlière, larmille des champs, gremon, thé d’Europe, thé de Fontainebleau, graine d’amour, blé d’amour, millet de soleil, herbe aux yeux.

Si vous êtes passionné par la science botanique des herbettes, peut-être aurez-vous déjà croisé le grémil, tout aussi charmant que le myosotis. En revanche, si vous un néo-phyto-thérapeute en herbe, bien que la famille botanique qui abrite cet hôte se nomme les Borraginacées, nul doute qu’il vous sera tout bonnement inconnu malgré son parentage avec la bourrache, splendide étoile d’azur aux anthères d’or.
Qu’est-ce donc que ce grémil ? Décortiquons son nom français, que l’on coupera en deux pour ce faire : grès et mil. Le mil forme de petites graines rondes à peu près de la taille de celles du quinoa. Le grès est un minéral extrêmement dur. Il est donc question de billes relativement coriaces et solides, ce qu’atteste, du reste, son nom latin, lithospermum : du grec litho, « pierre » et sperma, « semence, graine ». Même Dioscoride le confirme : cette plante « est ainsi nommée pour la dureté de sa pierreuse graine » (1). C’est pourquoi « la graine bue avec du vin blanc rompt les pierres et provoque l’urine » (2), ce en quoi Pline ajoutera qu’« aucune herbe n’indique avec plus de certitude à quel remède elle est destinée », c’est-à-dire briser la pierre ou faire œuvre lithontriptique pour être plus moderne. Il est fort malheureux que la graine perlière du grémil présente une analogie avec celle du mil : chez Dioscoride, on lui trouve le nom de millium solis, que le Moyen-Âge, qui pourtant ne s’en sert aucunement, transposera en « grain de soleil » ou « millet de soleil », par probable corruption du millet soler des Arabes, tirant son nom d’une montagne, le Soler, où, dit-on, le grémil croît en abondance.
Les auteurs de l’Antiquité surent, par je ne sais quel moyen, rester très vivaces durant tout le Moyen-Âge, période durant laquelle, il faut le dire, on innove assez peu sur la question médicale. L’on voit un Macer Floridus pomper honteusement l’œuvre des Anciens sans payer son écot à Hygie, ou si peu. Il y a Matthiole, bien sûr, figure phare de cette période que l’on nommera Renaissance bien après sa mort. Grand commentateur de Dioscoride, il remet un peu d’ordre grâce à sa publication de 1554. C’est ainsi que, au sujet du grémil, il ne lui reconnaît pas sa soi-disant propriété de briseur de pierre, pas plus que Jean Bauhin : « Je ne crois pas, dit-il, que cette graine, ni tout autre remède, puisse briser les calculs vésicaux, mais je concède qu’elle fait expulser les humeurs épaisses et la gravelle ». Voilà donc que l’antique signature est battue comme plâtre. Si les Anciens ont tort, c’est une bonne chose, s’ils ont raison, c’est regrettable. Or, comment trancher quand l’on sait qu’au XX ème siècle l’on se posait encore la question de savoir si le grémil est bien lithontriptique ou pas ?

Bien que presque personne n’en remarque la présence, le grémil est une plante vivace, c’est-à-dire qu’elle se rappelle à notre bon souvenir chaque année, dans les mêmes lieux. Mais comment se re-souvenir d’une plante dont on ne s’est jamais souvenu au moins une fois ? C’est bien là le problème du grémil : qu’il soit là ou pas, c’est presque kif-kif bourricot. Pourtant, sa souche épaisse n’est-elle pas capable de construire de rudes tiges droites et rameuses de près d’un mètre de hauteur, c’est-à-dire de la taille d’un demi-homme, à peu près ? Ça se remarque quand même, non ? Le grémil n’accroche pas forcément les regards mais les doigts : il est rude et rugueux un peu partout, en plante minérale qu’il est. Ses feuilles alternes ne s’embarrassent pas de pétiole ; lancéolées, elles rappellent que la plante dont elles sont l’émanation ne sont pas de celles qui s’enorgueillissent d’un long pétiole. Il y a bien, dans le grémil, une unité de ton, l’idée d’une robustesse, comme un tank muni de toutes petites tourelles : les fleurs blanchâtres, ou vert jaunâtre quand elles ont peur, du grémil sont solitaires, à pédoncule très bref. Si, échappant à la tourmente, elles parviennent à fructifier, chaque fleur offre quatre semences « osseuses », petites, luisantes, d’un blanc nacré de perle. L’on comprend que, pour ce trésor, le grémil veuille protéger sa forteresse. Ce qui explique qu’il ne court pas les rues, car comment pourrait-il se faire oublier dans ce cas ? Il préfère les lieux ou l’on ne va pas ou si peu fréquemment : les terrains incultes, les bois frais et calcaires. C’est là où il se trouve le mieux, dans toute la France, plus ou moins rare, voire totalement absent par place, jamais remarqué par le perçant regard de l’aigle royal en altitude, là où ne se rend pas le grémil.

Le grémil en phytothérapie

On est donc en droit de se dire qu’autant de questions laissées en suspens pendant aussi longtemps trouvèrent, tôt ou tard, des réponses convaincantes. Vous allez être déçu : ça n’est pas le cas. C’est pourquoi l’étude biochimique du grémil souffre d’immanquables lacunes. Cependant, plutôt que de botter en touche, l’on peut dire le peu que l’on sait : la semence du grémil doit sa dureté au calcium et au silicium qui en forment la couche extérieure. Cette même graine est riche de lipides et de mucilage, elle contient encore de la rutine et de la quercétine. A part cela, la plante entière, inodore, de saveur désagréablement acerbe et astringente, accueille du tanin et, signature propre à bien des Borraginacées, des alcaloïdes pirrolizidiniques.

Propriétés thérapeutiques

  • Diurétique, stimulant rénal, lithontriptique (?)
  • Rafraîchissant, adoucissant
  • Contraceptif par inhibition des gonadostimulines hypophysaires (?)

Note : restons très circonspect quant à cette dernière propriété qui concerne un autre grémil, Lithospermum ruderale, que les Amérindiens utilisaient dans ce sens. L’on ignore si, d’un grémil à l’autre, elle est transposable. Voilà donc que, sans s’y attendre, elle débarque, telle une escarbille se fichant dans l’œil, sans plus donner l’occasion d’y voir très clair, quitte à en pleurer.

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère vésico-rénale : irritation et inflammation des voies urinaires et rénales, catarrhe vésical, rétention d’urine, lithiase urinaire (?), rhumatismes, goutte
  • Lithiase biliaire (?)
  • Hydropisie
  • Fièvre (en adjuvant)
  • Gonorrhée

Note : le grémil officinal est-il contraceptif ? Je n’en sais fichtre rien. En revanche, la graine de cette plante a été, tardivement il est vrai, employée de la plus étonnante des manières dans le courant du XIX ème siècle. Cet usage concerne des escarbilles telles que poussières et moucherons, bêtes à en pleurer ; et ça gratte, et l’on ne sait comment s’en dépêtrer, minuscule atome terrassant aussi sûrement les titans que nous sommes qu’une moutarde trop forte. Bref. Un médecin eut l’idée de placer une graine de grémil dans les yeux irrités de la présence d’un corps étranger. Humectant la graine, l’humidité oculaire la rend semblable à un œuf de grenouille, parce que : humidité + mucilage = bave ! Ou peu s’en faut. Et notre graine-grenouille, tel un aspirateur de particules, se balade, ratisse la surface oculaire et ne manque pas de capturer le perturbateur, que les mouvements oculaires finissent par éjecter, à la manière du bébé et de l’eau de son bain. Il fallait la trouver, celle-là ! Ne faites pas de même avec une graine de moutarde ; bien que mucilagineuse, elle vous arrachera bien des cris sous sa torture, et il vous en coûtera des larmes par quintal.
Cet usage étonnant et périphérique ne saurait faire oublier que sur la question du grémil en phytothérapie, nous autres Occidentaux, sommes passablement nuls. Invitons donc la médecine traditionnelle chinoise à se joindre à nous, à cela près qu’il ne s’agit pas du grémil officinal, mais d’un autre, Lithospermum erythrorizon, dont la médecine traditionnelle chinoise, contrairement au grémil officinal, n’utilise que la racine de saveur amère et de nature froide : ce qui change grandement les perspectives, le Zicao, tel qu’on l’appelle en chinois, n’ayant strictement rien à voir, thérapeutiquement parlant, avec notre grémil indigène, et bien plus bardé de propriétés que ne le sera jamais l’herbe perlière. Donc, la médecine traditionnelle chinoise, vue sa longue, prodigieuse et riche histoire, a remarqué que ce grémil asiatique intervenait dans bien des cas :

  • Comme remède hépatique : ictère, hépatite aiguë ou chronique,
  • Comme remède des affections génito-urinaires : cystite, vaginite,
  • Comme remèdes des affections cutanées quelle qu’en soit l’origine : acné, dermatose, mycose, psoriasis, érythème et rougeur cutanée, abcès, morsure et piqûre d’insecte, purpurea (la racine de ce grémil favorise aussi l’éruption lors de maladies infectieuses comme la rougeole).

Voilà de quoi faire pâlir davantage les fleurs blanchâtres du grémil autochtone dont, apparemment, on ne sait que faire, malgré les quelques modes d’emploi sous-cités.

Modes d’emploi

  • Infusion et décoction de la plante entière.
  • Décoction de semences.
  • Émulsion de semences.
  • Poudre de semences.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Au registre des précautions et des contre-indications, je n’en ai pas même remarqué la queue d’une seule. Peut-être en existe-t-il, ne serait qu’une toute petite, mais la frilosité, le manque d’intérêt et à gagner, typiquement occidental, par rapport à cet insignifiant grémil, ne permet pas, en cette presque fin de deuxième décennie du XXI ème siècle, d’en dire davantage.
  • Récolte : si rien ne vous arrête, que vous êtes un forcené, sachez que le grémil se cueille, en été c’est préférable, pour ses parties aériennes fleuries.
  • Dans la racine du grémil officinal, bonne nouvelle, l’on trouve un pigment tinctorial de couleur rouge. Mais l’indécision gagne encore sur ce point : faut-il appeler cette substance lithospermine ou alkannine ?
  • Autres espèces : l’une court les prés, l’annuel Lithospermum arvense. L’autre est sujette à un dédoublement de la personnalité, ne sachant si elle est rouge ou bleue : Lithospermum purpureo-caeruleum.
    _______________
    1. Dioscoride, Materia medica, Livre III, chapitre 135.
    2. Ibidem.

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Les hysopes : l’officinale (Hyssopus officinalis) et la couchée (Hyssopus montana)

 

A toutes les époques, de l’Antiquité à nos jours, innombrables sont ceux qui vouèrent à l’hysope un intérêt qui trouva, selon les périodes, son apogée ou, au contraire, une désaffection oublieuse de ses vertus. Médecins, botanistes, astrologues, magiciens, cuisiniers, agronomes, etc., beaucoup trouvèrent à dire ou à redire à son sujet, parfois de façon pléthorique. Or, « quiconque rivalise avec les vertus de l’hysope en sait trop », dit un vieux dicton. Est-ce mon cas ? A vous d’en juger :)

Sans surprise, dès lors qu’il s’agit de l’hysope, nous croisons des noms très connus, comme celui d’Hippocrate par exemple, donnant cette plante contre la pleurésie, affection pulmonaire qui va sceller le destin de l’hysope en tant que remède respiratoire majeur, vertu qui s’élargira aux inflammations pulmonaires, aux toux invétérées, aux catarrhes bronchiques. Le constat est très clair : l’hysope purge les poumons de ses humeurs humides et, de plus, évacue des intestins les parasites qui y logent. C’est donc une chasseuse. Mais on peut se demander si cette hysope est bien celle que nous connaissons. « L’hysope est une herbe que tous connaissent », affirme Dioscoride (1), ce qui fera sortir de ses gonds le botaniste français Joseph Pitton de Tournefort (1656-1708) : « Hélas, s’exclame-t-il, il serait mieux de dire que l’hysope n’est peut-être connue de personne ! », critiquant vertement les lacunes descriptives des plantes dont on parlait durant l’Antiquité ou, plutôt, dont on ne parlait pas selon le principe du satis notum. Si le portrait botanique de l’hysope est absent de la Materia medica, il est cependant possible de reconnaître dans le passage qui va suivre une figure thérapeutique fidèle : « Elle a vertu de dessécher et d’échauffer. Cuite avec des figues, de l’eau, du miel et de la rue, et puis bue, elle profite aux défauts du poumon, à la toux ancienne, à l’oppression de poitrine, aux catarrhes et aux asthmatiques. Elle tue les vers du corps […] L’on en mange avec des figues fraîches broyées pour lâcher le ventre […] Elle donne bon teint […] Appliquée avec de l’eau chaude [nda : sous forme de décoction], elle enlève les meurtrissures qui proviennent de coup […] La décoction de l’hysope faite avec du vinaigre (en s’en gargarisant) ôte la douleur des dents. La vapeur de cette même décoction […] résout les ventosités des oreilles » (2). Tout cela est déjà fort admirable et pose de précieux jalons. Du côté des Latins, l’on fait aussi grand cas de l’hysope, que l’on soit médecin (Scribonius Largus), agronome (Columelle) ou gastronome (Apicius). En cuisine, l’hysope, réputée comme aromate, fait partie de la muria des Romains, mélange de persil, de safran, d’aneth, de gingembre, de livèche, de poivre et de sel.

Mais le grec hyssôpos et le latin hyssopus trahissent une origine orientale. Ces deux termes semblent s’inspirer de l’arabe azzof, « plante sacrée » et de l’hébreu esobh, plante tout aussi sacrée et guérisseuse des Nehemiah hébreux. C’est de cette esobh dont on parle dans la Bible, en particulier dans l’Exode (XII, 22). Du sacrifice d’un agneau ou d’un chevreau, l’on conserve le sang : « vous prendrez un bouquet d’hysope, vous le tremperez dans le sang qui sera dans un bassin, et vous arroserez du sang qui sera au bassin, le linteau et les deux poteaux ; nul de vous ne sortira de la porte de sa maison, jusqu’au matin ». Cela devait assurer protection face au « destructeur » et se préserver de la dixième plaie d’Égypte, c’est-à-dire le décès des nouveaux-nés. Quant à la chair de l’agneau, « ils la mangeront avec des pains sans levain, et avec des herbes amères » (3). Ces herbes amères font encore partie du repas de la Pâque juive, à travers l’un de ses plats, maror. Il s’agit, non pas d’hysope, mais de raifort entre autres. Au cours du même repas, l’on croise aussi l’hysope dans le karpas, un plat de légumes aromatisés avec cette herbe : « le karpas est trempé dans de l’eau salée en guise d’assaisonnement. Toutes les populations ont reconnu, très tôt, les propriétés antiseptiques du sel, souvent utilisé dans les exorcismes destinés à chasser les diables. Ici, l’eau salée symbolise les larmes versées en Égypte » (4). Outre la protection, l’hysope a aussi un rôle à jouer dans la purification, l’expiation, le pardon, le repentir et l’humilité, comme l’exprime bien le célèbre Psaumes 51, 9 : « Purifie-moi de mon péché avec de l’hysope, et je serai net ; lave-moi et je serai plus blanc que la neige ». Une fois de plus, l’on constate que l’hysope est une chasseuse, qu’elle expulse (5) les mauvaises humeurs et la vermine, ainsi que les émotions et les sentiment inadéquats.
Comme souvent, les emplois liturgiques, dès lors qu’ils glissent dans le monde profane, flirtent avec la magie. « On a vu dans sa petite silhouette arborescente un arbre en miniature, un résumé du monde végétal, une offrande faite à Dieu sous un petit volume de toute sa création. Aussi l’a-t-on toujours employée pour asperger d’eau lustrale les offrandes, les sacrifices et même les êtres qui ont besoin d’être purifiés. La magie s’en sert pour écarter les présences hostiles à l’œuvre qu’on veut accomplir car, si l’on en croit les traditions, elle est en horreur aux démons » (6). Ce sont des pratiques qui se sont longtemps perpétuées puisque Jean-Baptiste Porta recommandait de flairer l’hysope afin de détourner de soi les enchantements d’amour, et plus récemment, puisque cela se déroulait au XIX ème siècle, au 25 avril, dans la province de Palerme, avait lieu la récolte de l’hysope par les villageoises, « préservatif qui a la propriété d’éloigner de la maison le mauvais œil et toute autre influence magique » (7).

Au Moyen-Âge, c’est surtout pour ses emplois culinaires et médicinaux que l’hysope se distingue. Souvent citée dans le Viandier de Taillevent, l’hysope semble avoir été l’une des plantes favorites de l’auteur anonyme du Mesnagier de Paris, proposant, entre autres, une recette de héricot de mouton assaisonné de persil, de sauge, de macis et d’hysope. Quant à l’armoire à pharmacie, elle ne désemplit pas de la présence de cette plante salutaire, et on la retrouve entre les mains des plus grands : Rhazès, qui conseille sa fumigation comme antiseptique par temps de peste, Trotula, de l’école de Salerne, qui indique l’hysope : « pour froide toux, vault le vin ou ysope et figues sèches ont cuits ». « L’hysope, avec succès, purge les flegmatiques, dit-on encore dans cette célèbre école de médecine ; bouillie avec du miel, aide les pulmoniques ; et par une vive couleur d’un teint corrige la pâleur », dernière propriété reprise à Dioscoride, également véhiculée par Macer Floridus et Albert le Grand, ne négligeant pas l’hysope en tant que remède respiratoire (catarrhe, toux) et digestif (constipation, flatulences, parasites intestinaux), reprenant encore à Dioscoride l’antique indication de l’hysope sur les douleurs dentaires et auriculaires, leur échappant complètement que l’hysope est aussi un remède des yeux comme le soulignera Hildegarde de Bingen (8). Sensible au pouvoir thérapeutique de l’hysope sur les poumons, elle préférera cependant son action sur la sphère gastrique, disant que « l’hysope est plus utile pour celui qui souffre de cette maladie [nda : douleur stomacale] que pour celui qui souffre du poumon » (9). Musicienne et compositrice, Hildegarde prenait aussi grand soin des cordes vocales de son chœur de nonnes, usant de l’hysope quand elles étaient sujettes à l’enrouement. Enfin, soucieuse de pérenniser les rites d’aspersion, elle utilisait l’hysope sur une maladie considérée comme une punition divine au Moyen-Âge : la lèpre.

Les 16 ème et 17 ème siècles, avec Matthiole, Tragus, Fuchs, Lobel, Simon Paulli, Schroder et d’autres encore, perpétuèrent les prescriptions antérieures au sujet de l’hysope, son efficacité sur les affections pulmonaires étant particulièrement mise en avant. Mais certains apportent un peu de neuf, pour le meilleur, comme Paulli qui vante l’utilité de l’hysope sur les coups et les contusions très violentes (coup de sabot de cheval entre autres) et pour le pire, avec Matthiole qui soutient que « l’hysope améliore l’état des épileptiques, surtout prise sept soir de suite » ! (10).

Hysope et médecine traditionnelle chinoise

Le docteur Cazin a ainsi résumé ce que la médecine traditionnelle chinoise pourrait dire à propos de l’hysope : « L’hysope peut être utile dans tous les cas où il s’agit d’exciter les fonctions de la vie » (11). Et la médecine traditionnelle chinoise le confirme : cette plante est tonifiante de l’énergie dans la plupart des méridiens. Erika Laïs, plus précise, annonce que « l’hysope fortifie l’estomac et le tractus digestif ainsi que les poumons et l’ensemble du système respiratoire » (12). Dans cette seule phrase se dessinent trois méridiens : le couple Poumon / Gros intestin attaché à l’élément Métal, et le méridien de l’Estomac régi par la Terre. Chacun de ces méridiens est affecté de troubles d’ordre physiologique :

  • Poumon : pathologies pulmonaires (toux, bronchite, asthme, rhume, refroidissement, troubles de la voix), pathologies cutanées (eczéma, dermatose), perturbation du système immunitaire.
  • Gros intestin : pathologies intestinales (constipation, douleurs abdominales), pathologies cutanées (eczéma, dermatose).
  • Estomac : difficulté digestive, douleur gastrique, inappétence.

Maintenant, voyons quelles perturbations sur le psychisme et les émotions le mauvais fonctionnement de ces trois méridiens peut occasionner :

  • Le Gros intestin est un méridien excréteur, il élimine. En temps normal, il évite les stases, c’est-à-dire les états de stress refoulé, de tension ; dans ces cas-là, on est incapable de lâcher du lest. Or l’hysope est intéressante dans le sens où elle liquide les sentiments d’angoisse, de nervosité ; grâce à elle, on redonne à ce méridien ses deux forces majeures : la décontraction et l’indulgence.
  • Le méridien du Poumon gère les échanges entre le monde environnant et celui qui est nous est propre, notre intérieur. Jouant le rôle de sas, il ne laisse pénétrer en nous que ce dont nous avons besoin, par exemple l’air que nous respirons, filtrant pollens, poussières, microbes et compagnie. Donc, en cas de bon fonctionnement de ce méridien, on est apte à s’opposer avec fermeté à l’ingérence de gens trop curieux, en posant des limites strictes de ce que l’on veut et de ce que l’on ne veut pas par rapport à cette foule qui se ferait un plaisir de vous envahir si jamais vous baissiez la garde. Ce qui arrive. Par exemple, la perturbation du système immunitaire, c’est-à-dire notre système de défense par rapport au monde extérieur, et c’est l’infection assurée. Eh bien, il en va de même avec le manque de volonté, de courage, de souffle, l’on ne parvient plus à se défendre, à repousser les intrus, ces personnes diaboliques qui cherchent à vous sucer le sang, quand ce n’est pas votre temps et/ou votre argent entre autres choses. Les limites volent en éclats, l’on ne se sent plus « entier », c’est-à-dire intègre, et les envahisseurs, tels de vulgaires microbes néanmoins dangereux, entrent dans la place, intrus de nos territoires profonds, sacrés et symboliques. Chaque humain est sa propre église, son propre lieu de culte et son devoir est de ne point laisser un profanateur y pénétrer. Si jamais vous vous sentez vaciller sur ces différents points, ne tardez pas, utilisez l’hysope pour regonfler le méridien du Poumon, tout d’abord parce qu’elle est tonique, stimulante, immunostimulante et que ses propriétés anti-infectieuses font merveille. Et donc, si elle est anti-infectieuse, elle est aussi anti personnes infectes.
  • Le méridien du Poumon est sans doute celui pour lequel l’hysope est la plus utile. C’est beaucoup moins le cas pour celui de l’Estomac, sphère de seconde attribution seulement. Les forces de ce méridien, ce sont l’abondance et la tranquillité. Une somatisation au niveau stomacal peut être le signe que le méridien de l’Estomac subit quelques avaries. Cela peut, bien sûr, s’exprimer par des expériences, des vécus siégeant au niveau des émotions et des sentiments : dans ces cas-là, on se sent débordé, l’on ne parvient plus à terminer quelque chose qui a été entamé et qu’il faut pourtant boucler coûte que coûte, à tel point que cela en devient une obsession qui peut tourner au délire. Arrivé à ce stade, inutile de forcer, cela ne servirait de rien ; bien mieux, faire appel à l’hysope, régulatrice du système nerveux central, elle saura remettre de l’ordre dans tout cela.

Hysope et astrologie médicale

Henri Corneille Agrippa estimait que l’hysope était régie par la Lune, et dominée par Jupiter selon Anne Osmont. Voyons voir qui des deux a raison.
Le Cancer, signe d’Eau, dépendant de l’action de la Lune, peut se trouver bien de l’usage de la chaude hysope. Les couleurs associées à la Lune, le bleu très pâle et le bleu nuit, apparaissent comme un indice, mais c’est surtout

Jupiter, dont la couleur bleue se situe entre ces deux extrêmes, qui rappelle le plus la teinte des fleurs de l’hysope. Le Cancer domine la poitrine et l’estomac, rappelant deux des méridiens que nous avons abordés plus haut. Ainsi, le natif du Cancer est sujet aux troubles du tube digestif pour lesquels l’hysope est recommandée, à plus forte raison quand on sait sa faculté vermifuge et la disposition du Lunaire à se faire parasiter les voies intestinales. Côté respiratoire, on constate chez le Cancer une certaine fragilité pulmonaire (asthme, toux, mucosités excessives), ainsi qu’une sensibilité au froid. Tout cela ajoute à la valeur lunaire de l’hysope, qui intervient dans d’autres troubles affectant le natif du signe du Cancer : dépression, asthénie, neurasthénie, hypotension.

L’astre jupitérien porte son action sur deux signes zodiacaux, le Sagittaire et les Poissons. L’hysope ne peut être d’aucun recours pour le premier, signe de Feu, sujet à l’hypertension. L’hysope étant elle-même hypertensive, elle doit être ici abandonnée. En revanche, pour cet autre signe d’Eau, les Poissons, cette plante est bienfaisante. En effet, ce signe se caractérise par des voies respiratoires et intestinales fragiles. Sujet aux allergies respiratoires (l’hysope est anti-asthmatique), le défaut d’expectoration le guette, d’où il s’ensuit encombrement bronchique par élimination insuffisante des sécrétions, rhume, catarrhe, etc., toutes choses pour lesquelles l’hysope excelle. Enfin, le signe d’eau des Poissons se remarque par l’anémie, la neurasthénie, les états dépressifs, pour lesquels l’usage de l’hysope est justiciable.

En résumé, l’hysope vaut autant comme plante lunaire que jupitérienne (à l’exclusion du Sagittaire).

Botanique

Lamiacée vivace, l’hysope ressemble à un petit buisson ligneux et touffu de 60 cm de hauteur maximum, composé de tiges raides et quadrangulaires portant, beaucoup plus longues que larges, des feuilles à l’aspect lustré, de couleur vert foncé, plus ou moins lancéolées. A l’aisselle de ces feuilles, que nous dirons principales, en naissent d’autres, bien plus petites, sous forme de faisceaux. Au sommet des tiges, de jolies fleurs bleu violacé apparaissent en été, toutes tournées du même côté.
Présente à peu près sur l’ensemble du pourtour méditerranéen (Balkans, Turquie, Proche-Orient, Maroc, etc.), en France, l’hysope se cantonne surtout aux régions du Sud et du Centre. Entre le niveau de la mer et 2000 m d’altitude, elle sait où nicher : coteaux arides et pierreux, sols secs, etc.

Les hysopes en phyto-aromathérapie

D’un parfum agréable dès lorsqu’on froisse doucement leurs feuilles entre les doigts, les hysopes évoquent un parfum mielleux mêlé de poivre, particulièrement prononcé en fin de journée. Leur saveur sèche, aride, chaude, amère et piquante rappelle quelque peu les sols dont s’entichent ces plantes. Connues pour l’essence aromatique qu’elles recèlent, il est bon de ne pas omettre que ces plantes, outre cette petite fraction aromatique (0,3 à 1 % maximum), sont constituées de bien d’autres composants : du tanin (5 %, voire davantage), de la gomme, de la résine, de la choline (2 %), un principe amer que nous avons déjà abordé avec le marrube et la ballote, la marrubiine, un rhamno-glucoside du nom d’hyssopine, de l’acide malique, des composés phénoliques, des flavonoïdes, une saponine, des sels minéraux (soufre, potassium, silice).
Concernant les huiles essentielles d’hysopes, ces données chiffrés mettront en évidence l’immense disparité qui existe de l’une à l’autre :

*: dont pinocamphone, isopinocamphone, thuyone.
**: dont linalol (35 %).

Ardente, l’huile essentielle d’hysope officinale se démarque par sa couleur jaune foncé, sa saveur amère et épicée proche du parfum de la tanaisie, alors que l’huile essentielle d’hysope couchée est généralement incolore voire jaune pâle, d’odeur agréable, fraîche, un tantinet sucrée, suave mélange de lavande fine et de khella (Ammi visnaga).
Que ce soit en phytothérapie ou en aromathérapie, ce sont les sommités fleuries de ces deux plantes qui nous intéressent.

Propriétés thérapeutiques

  • Hysope officinale en phytothérapie : stimulante, tonique, expectorante, mucolytique, fluidifiante des secrétions bronchiques, pectorale, antitussive, digestive, stomachique, vermifuge, diurétique, sudorifique, antiseptique, emménagogue, cicatrisante, vulnéraire, résolutive
  • Hysope officinale en aromathérapie : anti-infectieuse (antibactérienne *, antivirale, antifongique), antiparasitaire, immunostimulante, expectorante, mucolytique, fluidifiante des secrétions bronchiques, anti-asthmatique, tonique, hypertensive, anti-inflammatoire, lipolytique
  • Hysope couchée en aromathérapie : anti-infectieuse (antibactérienne, antivirale), immunostimulante, expectorante, mucolytique, anti-asthmatique, stimulante du système nerveux central, anti-inflammatoire

*: par exemple, cette huile essentielle neutralise le bacille de Koch, responsable de la tuberculose, à la dose infime de 0,02 % !

Usages thérapeutiques

  • Hysope officinale en phytothérapie : troubles de la sphère pulmonaire + ORL (bronchite chronique, catarrhe bronchique, asthme humide, pleurésie, toux grasse, oppression pulmonaire, stase bronchique, angine, amygdalite, otite aiguë ou chronique, tintement d’oreille), troubles de la sphère gastro-intestinale (inappétence, atonie des voies digestives, indigestion, flatulence, colique, gastralgie), affections oculaires (inflammation et ecchymose des paupières), troubles de la sphère gynécologique (leucorrhée, aménorrhée), blessure, entorse, contusion violente, rhumatismes, fatigue, anémie, lymphatisme, pieds froids et endoloris
  • Hysope officinale en aromathérapie : troubles de la sphère pulmonaire + ORL (bronchite chronique ou aiguë, bronchite asthmatiforme, asthme sécrétoire, pneumonie, tuberculose, emphysème, dyspnée, rhume des foins, sinusite), troubles de la sphère gastro-intestinale (dyspepsie, ballonnement), troubles du système nerveux (angoisse, nervosité, agitation mentale), affections cutanées (dermatose, eczéma, plaie, ecchymose, cicatrice, chéloïde, herpès génital), grippe, hypotension, lithiase urinaire, rhumatismes
  • Hysope couchée en aromathérapie : troubles de la sphère pulmonaire + ORL (bronchite chronique ou aiguë, bronchite asthmatiforme, asthme sécrétoire, bronchiolite virale du nourrisson, oppression pulmonaire, rhinopharyngite, rhinite, pharyngite, laryngite, sinusite, otite), troubles du système nerveux (angoisse, nervosité, agitation mentale, difficulté de concentration, dépression nerveuse), douleurs dorsales

Modes d’emploi

  • Infusion prolongée et à couvert d’hysope officinale.
  • Décoction d’hysope officinale.
  • Macération vineuse d’hysope officinale.
  • Alcoolature d’hysope officinale.
  • Sirop d’hysope officinale.
  • Teinture-mère d’hysope officinale.
  • Huile essentielle d’hysope officinale : olfaction, diffusion atmosphérique, voie cutanée diluée, voie orale (sous les conseils et la prescription d’un médecin aromathérapeute).
  • Huile essentielle d’hysope couchée : olfaction, diffusion atmosphérique, voie cutanée diluée, voie orale.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Récolte : les sommités fleuries ou l’ensemble des tiges se cueillent à l’époque de la floraison.
  • Séchage : très facile, comme pour la plupart des Lamiacées aromatiques. Après dessiccation, et dans de bonnes conditions de conservation, l’hysope conserve assez longtemps ses vertus.
  • En phytothérapie, l’on prendra soin de ne pas employer l’hysope officinale en cas d’états irritatifs ou inflammatoires : cette plante assèche, inutile d’ajouter du sec au sec. Afin d’endiguer cette « chaleur et siccité du troisième degré », l’on peut joindre à une infusion d’hysope officinale une ou plusieurs plantes mucilagineuse et émollientes (plantain, coquelicot, violette, mauve, guimauve, bouillon-blanc, etc.). Les personnes facilement irritables et nerveuses se prémuniront des effets excitants de l’hysope officinale en en modérant les doses et les fréquences d’utilisation.
  • En aromathérapie, seule l’huile essentielle d’hysope couchée est en vente libre en France. Par précaution, l’éviter durant les trois premiers mois de grossesse, pendant l’allaitement et chez les jeunes enfants (sauf cas très particuliers). Avec l’huile essentielle d’hysope officinale, c’est tout autre chose : elle appartient au monopole pharmaceutique, sa vente est réglementée par le JO n° 182 du 8 août 2007. Déjà démontrée comme épileptisante par Cadéac et Meunier en 1891, chose confirmée par le professeur Caujolle en 1945, l’huile essentielle d’hysope officinale, par ses cétones monoterpéniques, est potentiellement neurotoxique, stupéfiante et convulsivante. Pour rappel, le docteur Valnet avait partagé l’expérience peu scrupuleuse d’un jeune homme à qui avait été prescrit cette huile essentielle et dont il fit un usage inconsidéré. S’ensuivirent de graves incidents. C’est pourquoi cette huile essentielle est très fortement déconseillée chez l’hypertendu, le nerveux, le neurologiquement fragile, le jeune enfant et, bien sûr, chez la femme enceinte (huile essentielle potentiellement abortive) et celle qui allaite. Pour bénéficier pleinement de l’hysope officinale, se tourner en direction de ses emplois phytothérapeutiques (pour l’adulte) ou de son hydrolat aromatique (pour l’enfant), la dernière alternative étant l’huile essentielle d’hysope couchée.
  • La cuisine s’enorgueillit plus fréquemment de thym que d’hysope. C’est fort dommage, parce qu’elle le vaut largement. Ses fleurs fraîches magnifient une salade, de même que ses feuilles, finement ciselées, lesquelles s’ajoutent avec bonheur aux fromages de chèvre, à une omelette, etc. Sèche, l’hysope se marie élégamment aux plats de viandes, de légumes et de céréales. On peut, en compagnie de cannelle, de clous de girofle, de feuilles de mélisse, d’écorce de citron, en constituer d’agréables liqueurs de ménage qui, si elles ne s’approchent pas gustativement de la Chartreuse ou de la Bénédictine, sauront contenter les esprits les plus chagrins.
  • Insectes : l’hysope est courtisée par les abeilles et de nombreux papillons, et repousse la piéride du chou. Utile au potager, l’hysope saura vous ravir par son élégance et sa robustesse.
    _______________
    1. Dioscoride, Materia medica, Livre III, chapitre 26.
    2. Ibidem.
    3. Exode, XII, 8.
    4. Claudine Brelet, Médecines du monde, p. 228.
    5. Expectorante, c’est ce qu’on dit d’elle : terme issu du latin expectorare, « chasser du cœur ».
    6. Anne Osmont, Plantes médicinales et magiques, p. 32.
    7. Angelo de Gubernatis, La mythologie des plantes, Tome 2, p. 175.
    8. L’hysope intervient surtout au niveau des paupières, mais elle est aussi efficace en bain d’œil. Hildegarde disait que l’hysope débarrassait les yeux du brouillard qui les trouble, leur rendant ainsi une clarté lumineuse. Notons le fait que l’huile essentielle d’hysope (officinale ou couchée) agit sur le chakra du troisième œil, siège de la claire-voyance et de la clarté intérieure.
    9. Hildegarde de Bingen, Les causes et les remèdes, p. 212.
    10. Paul-Victor Fournier, Dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France, p. 516.
    11. François-Joseph Cazin, Traité pratique et raisonné des plantes médicinales indigènes, p. 484.
    12. Erika Laïs, Le livre des simples, p. 82.

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Les pots pharmaceutiques

Aujourd’hui, une fois n’est pas coutume, nous ne parlerons pas de plantes mais des récipients destinés à les stocker et à les conserver dans les officines d’antan : les pots.

Si l’on en connaît certains faits de bois, les premiers et plus anciens d’entre eux relevaient du travail du potier : constitués de terre glaise, ils étaient ensuite peints puis passés au vernis. Mais les plus connus demeurent cependant les pots en céramique dont la production se développe surtout dès le XVII ème siècle, accueillant des fabriques dans diverses villes de France : Bordeaux, Lyon, Besançon, Montpellier, Rouen, Nîmes, Narbonne, Moustiers, Nevers, Paris, Saint-Cloud, Saint-Jean-du-Désert, etc.

Richement décorés et ornés tels des pièces de vaisselle, ces pots, avant de passer l’épreuve du feu, étaient émaillés après quoi l’on appliquait le décor à la main. Pour ce faire, une habile et délicate dextérité était nécessaire, sans quoi l’on n’aurait pu faire cuire un pot s’il avait présenté la moindre bavure. C’est ce que l’on appelle le « décor de grand feu ». Au siècle suivant, à savoir le XVIII ème, on mit en œuvre le « décor de petit feu » : cette technique consistait à peindre le vase après une première cuisson effectuée. Au XIX ème siècle, puis au début du XX ème, l’on abandonne la céramique au profit de la porcelaine, les décors gagnent en sobriété, apparaissant davantage standardisés, alors que dans les siècles précédents, l’ornementation équivalait à un argument marketing de la part de l’apothicaire.

Bien sûr, ces pots, aussi bellement façonnés et artistiquement revêtus qu’ils soient, n’étaient pas seulement des séries de bibelots placés en rangs rigoureux sur les étagères de l’apothicaire et de l’herboriste. Ils répondaient, chacun par leurs formes, à une fonction, de même qu’en cuisine, il existe plusieurs styles de couteaux : celui à poisson, tel autre pour couper le pain, etc. Ainsi trouvons-nous :

  • Le pot simple : cylindre parfait posé sur son cul, souvent surmonté d’un couvercle à pignon afin de le mieux saisir avec les cinq doigts de la main réunis. En ce cas, on l’appelle pot couvert. Et lorsqu’il n’en possédait pas dès l’origine ou qu’une main maladroite l’avait fait choir au sol, se trouvant dès lors orphelin de son chapeau, l’on tendait sur l’ouverture un morceau de parchemin ou de papier en guise d’opercule, maintenu par de la ficelle, de même qu’on ligature un pot de confiture d’une membrane de cellophane et d’un élastique.
  • Le pot-canon : il tire sans doute son nom de sa forme qui évoque celle des canons de la marine royale d’ancien temps. Son fût est donc plus ou moins oblongue, posé sur un piédouche ou non.
  • Le pilulier : format miniature du pot-canon.
  • L’albarelle : il s’agit d’un pot beaucoup plus haut que large, dont le fût déprimé en son milieu permet une meilleure prise en main.
  • La chevrette : dotée d’une anse et d’un bec, elle ressemble à un pot-à-eau ; elle accueillait donc des substances liquides à visqueuses comme, par exemple, les mellites et les sirops.
  • La fontaine : plus volumineuse que la chevrette, elle a, comme elle, un bec, mais elle est armée de deux anses afin de la mieux saisir.
  • La cruche : elle ne fait pas dans le détail, elle accueille en gros. Elle est au pot ce qu’est le sac de blé à l’humble paquet de farine d’un kilogramme.
  • Le vase de montre : comme son nom l’indique, c’est un monstre. Il contient le « clou du spectacle », c’est-à-dire les compositions magistrales d’importance (thériaque, mithridate, etc.). Pour le faire bien voir, on le plaçait au centre des montres, c’est-à-dire les étagères tapissant l’intérieur de l’apothicairerie du sol au plafond.

Albarelle

Pot-canon sur piédouche

Chevrette

Vase de montre

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La gratiole (Gratiola officinalis)

Synonymes : herbe de Dieu, grâce de Dieu, gratia dei, séné des prés, hysope des haies, petite digitale, centauroïde, centauroule, herbe à la fièvre, herbe à pauvre homme.

Gratiole, gratia dei, grâce de Dieu. Vieux nom d’apothicairerie. De même qu’avec le dompte-venin, il est possible de s’attendre, une fois de plus, à un remède miraculeux. Hildegarde de Bingen avait assez souvent tendance à clôturer les chapitres du Physica en ces termes : tel remède guérira l’homme malade, sauf si Dieu s’y oppose, auquel cas il lui faudra mourir. Or, quand la grâce divine s’en mêle, il est raisonnable d’espérer une merveilleuse issue à bon nombre de maladies. Les différents surnoms de la gratiole confirment que cette plante a bien été placée sous les auspices de Dieu : elle tiendrait du séné, de l’hysope, de la digitale et de la centaurée. Une plante héroïque donc, que, étrangement, l’Antiquité et le Moyen-Âge ont oublié de faire figurer aux côtés des indémodables sauge et autre herbe sacrée telle que la verveine. Cela explique que la gratiole débute sa carrière sur le tard, et par la porte botanique tout d’abord : elle est figurée dans un herbier vénitien daté de 1536. Mais la médecine ne tarde pas à rapidement s’emparer d’elle : l’on voit le médecin italien Andrea Cesalpino (1519-1603) s’y intéresser, mais surtout Matthiole qui la présente ainsi : « Herbe très amère à saveur en même temps astringente, elle purge violemment aussi bien fraîche que desséchée, et elle fait évacuer la bile et les mucosités. Contuse et appliquée sur les plaies, elle les guérit rapidement ». En ce siècle, ainsi qu’au suivant, on administrera effectivement la gratiole comme purgatif et hydragogue à des doses si élevées que les cures étaient très souvent couronnées de succès, mais s’accompagnaient de décès aussi rapides qu’avait été prompte la purgation ! Cela justifie peut-être le désamour dont la gratiole a été la victime dans les siècles suivants, jusqu’au XIX ème, où elle était pratiquement inusitée. L’on ne peut dénigrer une plante au motif qu’elle présente une dangerosité certaine ; mais il est vrai qu’une frilosité excessive ne peut se conjuguer à un emploi pertinent et judicieux, de même qu’un aveuglement méprisant le caractère héroïque et drastique d’une plante. Regardez la grande digitale pourpre avec laquelle la gratiole s’apparente : si l’on avait abandonné cette plante à cause de sa toxicité manifeste, l’on n’aurait jamais su, qu’au-delà de ses propriétés diurétiques initialement reconnues et mises en application, cette plante est, tout comme la gratiole, un puissant et précieux médicament du cœur.

Petite plante vivace, la gratiole se dresse au-dessus du sol à l’aide de tiges quadrangulaires, glabres et droites. Ses feuilles, ovales ou lancéolées, s’opposent une à une le long de la tige qu’elles engainent, étant sessiles, c’est-à-dire dépourvues de pétiole. Vert jaunâtre le plus souvent, elles sont marquées longitudinalement par trois à cinq nervures bien visibles et parsemées de petits trous translucides. A l’aisselle des feuilles s’égrènent, une à une, des fleurs solitaires fichées sur un long pédoncule. De mai en octobre, l’on voit cette plante se parer de fleurs tubuleuses, au calice quadrilobé, le plus souvent blanches lavées de rose, de lilas et de jaune, ou bien entièrement roses.
Commune surtout dans le Centre et l’Ouest, rare ou absente par ailleurs, la gratiole exige des lieux très humides en basse altitude : bordure des ruisseaux, chaussée des étangs, proximité des marais.

La gratiole en phytothérapie

Parfaitement inodore, la gratiole n’est cependant pas dénuée de saveur, laquelle, peu agréable, est amère et nauséeuse. Elle tire cette particularité d’une substance résinoïde très amère, un glucoside nommé gratioline. Puis viennent de l’acide gratiolonique, du gratiolone et de la gratiolocrine, auxquels s’additionne la molécule qui rapproche la gratiole des digitaliques, c’est-à-dire la gratiotoxine dont la présence concerne avant tout les feuilles, la racine étant, quant à elle, davantage considérée comme éméto-cathartique. Au profil biochimique de cette plante, ajoutons une huile grasse, du tanin, une gomme, de l’acide malique et divers sels minéraux (calcium, potassium, sodium, silice).

Propriétés thérapeutiques

  • Laxative (doses faibles), purgative énergique (doses fortes), vomitive, vermifuge
  • Diurétique, hydragogue
  • Stimulante et tonique cardiaque
  • Fébrifuge
  • Vulnéraire

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : constipation rebelle, occlusion intestinale, parasites intestinaux (ténia)
  • Troubles de la sphère vésico-rénale : urémie, rhumatismes chroniques, goutte
  • Œdème et infiltration : hydropisie, ascite, engorgement des viscères abdominaux, œdème des membres inférieurs
  • Affections cutanées : ulcère de nature cancéreuse, ulcère de jambe, dermatose, maladies cutanées chroniques, dartre, gale
  • Troubles de la sphère génitale masculine : orchite, tuméfaction testiculaire, anaphrodisie
  • Troubles osseux : carie osseuse, douleur ostéocope
  • Troubles du système nerveux : névrose, hypocondrie
  • Fièvres intermittentes

Note : en homéopathie, la teinture-mère de gratiole se destine aux affections gastro-intestinales (inflammation gastrique, aigreur, brûlure et crampe d’estomac, diarrhée, atonie intestinale) et génito-urinaires (leucorrhée, gonorrhée, catarrhe vésical).

Modes d’emploi

  • Infusion de feuilles ou de sommités fleuries.
  • Décoction de racines.
  • Teinture-mère (plante entière).
  • Poudre de racines.
  • Macération vineuse de feuilles.

Note : la dessiccation n’altère que très peu les propriétés de la gratiole. L’emploi de la plante sèche permet d’en mitiger les effets énergiques.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Récolte : elle se réalise en début de floraison ou pendant.
  • Séchage : à l’ombre et au sec.
  • La question du dosage tient toute son importance avec une plante comme la gratiole : on estime que un à deux grammes de racine provoquent une purgation alors qu’une quantité doublée devient vomitive. Le mode de préparation a aussi une conséquence sur l’effet recherché. Par exemple, les principes cardiotoniques de la gratiole passent difficilement dans l’eau, contrairement à l’alcool. Ainsi, infusion et décoction n’exposent pas aux mêmes risques que l’alcoolature.
  • La gratiole est contre-indiquée chez les personnes sujettes à une irritation ou une inflammation chronique ou aiguë du tube digestif, aux diarrhéiques et aux dysentériques. C’est une plante « à ne donner qu’aux personnes ayant un estomac et des intestins indemnes », prévient Valnet (1).
  • Toxicité : aux doses idoines, les substances tonicardiaques de la gratiole ne s’accumulent pas dans l’organisme, ce qui rapproche cette plante du muguet et la distingue de la digitale pourpre. Outre le fait que la racine de gratiole suscite parfois un sentiment de malaise et d’angoisse causé par de fausses envies de vomir, la gratiole n’en reste pas moins une plante agissant comme la plupart des drastiques dès lors que le seuil de toxicité est atteint et dépassé. Cette toxicité, nourrie par une trop grande énergie dont sont coupables des doses exagérées, s’exprime, bien évidemment, sur l’ensemble du tube digestif (irritation gastro-intestinale, nausée, superpurgation, diarrhée incoercible), ainsi que sur la sphère rénale, y occasionnant irritation et inflammation. L’on constate aussi une surexcitation utérine causant ménorragie et perte du fœtus chez la femme enceinte. Enfin, la perturbation des rythmes respiratoires et cardiaques entraînent collapsus et décès.
  • Chez l’homme sain, l’usage de la gratiole produit des désordres visuels comme, par exemple, la coloration de la vision en vert.
    _______________
    1. Jean Valnet, La phytothérapie, p. 293.

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Le groseillier rouge (Ribes rubrum) et le groseillier à maquereau (Ribes uva-crispa)

Groseilles à maquereau

Vous êtes un fervent lecteur de Dioscoride et cela fait déjà un bon bout de temps que vous (re)lisez de long en large, et même en travers, les six livres de la Materia medica afin de prendre connaissance du docte avis que ce médecin grec du Ier siècle après J.-C. avait au sujet des groseilles ? Ne cherchez plus. Ne vous égarez pas davantage dans ces antiques dédales. N’allez même pas questionner Hippocrate, Paul d’Egine, Pline, le pseudo-Apulée, Galien, Aëtius, ou même encore un agronome comme Columelle ou un cuisinier comme Apicius. Cela ne servirait de rien, vous leur feriez perdre leur temps et vous le vôtre. Pourquoi ? Parce que, aussi époustouflant que cela puisse être, les Grecs et les Romains n’avaient aucune connaissance de l’existence du groseillier ! Vu l’étendue des empires grec et romain, cela en bouche un coin. Cela signifie donc que le groseillier coulait des jours heureux loin de ces envahisseurs montant toujours plus au nord pour mettre bon ordre au sein de cette barbarie : chez les Grecs et les Romains, le mot « barbare » ne reflète pas forcément leur mépris, il désigne les gens qui ne sont ni Grecs ni Romains, ceux qui sont au-delà de leur sphère plus ou moins civilisée. Ça en fait, du monde ! Revenons-en à nos barbaresques groseilles. Mais attention, parce que pour les Romains, il y a aussi les barbares du sud (Carthage et compagnie). Il n’en faudrait pas déduire que le groseillier est de provenance méditerranéenne, comme certains l’ont cru, voyant dans le ribes des Arabes l’ancêtre d’un arbrisseau aussi septentrional que ne l’est pas Syracuse, ville sicilienne baignée et dorée de soleil. L’aire d’origine du groseillier représente une langue de terre allant de la Grande-Bretagne au Kamtchatka en passant par la Sibérie, tous lieux considérés, en principe, comme n’étant pas la destination privilégiée des frileux. Alors pourquoi Marie Stuart, après son mariage avec François II, aurait dit que la gelée de groseille est pareille à « un rayon de soleil dans un pot » ? Tout d’abord, sachons que bien avant cette limpide allocution, le groseillier n’a pas encore atteint les portes de Reims. A la fin du XII ème siècle, l’on apprend que le groselier porte des groseles. C’est peut-être l’une des plus anciennes mentions de cette plante en (très) vieux français, qui n’est pas née, pouf, comme ça ! de la cuisse de Jupiter. Ce mot, grosele, proviendrait du francique krusil, lui-même dérivé d’un adjectif, krus, qui veut dire crépu. C’est, bien évidemment, une référence à la groseille à maquereau dont l’actuel adjectif, crispa marque encore cette caractéristique botanique que ne partage pas la groseille rouge : en effet, la groseille à maquereau ressemble à un gros raisin velu et hirsute. D’après Fournier, le nom de genre, Ribes, proviendrait du suédois rips et du danois ribs, termes « transformés » en Ribes par J. Thal en 1588. On est plutôt dans le nordique, là, non ? Même l’allemand s’y met : est expliqué que le nom même de groseillier proviendrait de krauselbeere. Après que Rutebeuf lui ai ajouté un « L » (groiselle) et que François Villon se soit plaint d’elle comme si elle incarnait un des tourments de l’amour, nous voyons les groseilles, tant rouges et à maquereau, être cultivées dès le XVI ème siècle, bien qu’avant cela l’on trouve nomination du groseillier rouge en 1480 (Herbarium de Mayence) et sa figuration dix ans plus tard (Bréviaire Grimani), et, enfin, du groseillier à maquereau dans le De natura stirpium de Jean de la Ruelle daté de 1536. Dans ces conditions, c’est surtout, semble-t-il, l’aspect culinaire de la groseille qui prime, bien qu’on trouve dans le Grand Albert une recette à base de feuilles de groseillier censée lutter contre les piqûres de serpents venimeux (vieille rengaine : je crois bien que durant l’Antiquité et le Moyen-Âge, toutes les plantes y sont passées…). Mieux que ça, et bien avant les premiers balbutiements de divers auteurs au sujet des propriétés thérapeutiques des groseilles, nous voyons naître la gelée de groseille au XIV ème siècle, dont Bar-le-Duc est la capitale. Cette ville a pu s’enorgueillir longtemps de la gelée de groseille « à la plume d’oie », instrument permettant d’épépiner les groseilles. Pendant des générations, de mère en fille, dès l’âge de six ans, l’on devenait épépineuse de groseilles, un travail manuel long, méticuleux, fastidieux, à raison de 2 à 4,5 kg de groseilles par jour. Lorsque de folles nations entrèrent en guerre il y a un peu plus d’un siècle, l’on comptait encore 3000 de ces épépineuses à Bar-le-Duc contre seulement cinq 75 ans plus tard. Aujourd’hui, je pense qu’on peut les ranger sous l’étiquette « métiers d’autrefois ».

A peu près à la même époque où la culture en grand de nos deux groseilliers est instaurée, apparaissent les premiers écrits concernant leurs propriétés médicinales. Du groseillier rouge, Jean Daléchamps écrit qu’il « est bon aux fièvres ardentes ; il refroidit l’estomac trop échauffé, étanche la soif, apaise le vomissement et ôte l’envie de dormir, il fait revenir l’appétit perdu. Il sert aux cœliaques et lientériques et à ceux qui ont des défluxions bilieuses. Il apaise l’ardeur du sang et dompte l’acrimonie de la bile et sa fureur. » En 1578, dans Le jardin médicinal, Antoine Mizauld aborde le groseillier à maquereau et en fait un portrait assez équivalent à celui de Daléchamps : cette groseille, encore verte, est particulièrement astringente et mûre offre la possibilité rafraîchissante d’apaiser non seulement la soif mais également les chaleurs internes au corps. Indiquée dans les flux de ventre (colique, dysenterie), elle fait aussi merveille sur les vomissements et les flux menstruels. Bien mûres, ces groseilles conviennent aux constipés (constipation de la femme enceinte par exemple), « réveillent doucement le péristaltisme intestinal et lénifient les muqueuses à la manière d’un salutaire émollient » (1).

Ces deux groseilliers sont de petits arbrisseaux dont la taille oscille entre 60 et 150 cm. Écorce brune pour le groseillier rouge, elle est grisâtre et épineuse chez le groseillier à maquereau. Leur feuillage caduque forme des feuilles trilobées, assez semblables à de petites feuilles de vigne, dentées, crénelées, vert clair sur la face supérieure, vert blanchâtre au-dessous. Plus précoce, le groseillier à maquereau fleurit dès le mois de mars, alors que le rouge patiente jusqu’en avril pour cela. Contrairement aux fleurs vert jaunâtre massées en grappes du groseillier rouge, le groseillier à maquereau développe des fleurs isolées par paquet de deux ou trois à l’aisselle des feuilles. Ainsi, le groseillier rouge produit des grappes pendantes de baies plus ou moins fournies aux environs du mois de juillet, alors que, un mois plus tôt, le groseillier à maquereau s’orne de gros fruits de pas loin de 5 cm dans les variétés les plus monumentales.
A l’état sauvage, ces deux arbustes se rencontrent assez fréquemment, bien que moins souvent qu’autrefois. L’on note leur présence dans les haies, les buissons, les rocailles, les bois clairs, à l’exception de la région méditerranéenne.

Les groseilliers en phytothérapie

Que le groseillier noir, alias cassis, n’éclipse pas les groseilliers rouges et à maquereau ! Si le premier est rapidement tombé dans le domaine ecclésiastique (rappelons-nous du chanoine Kir et, avant lui, de l’abbé Bailly de Montaran), les groseilles passeraient davantage pour de petits diables crépus. Le cassis réserve son feuillage à la phytothérapie et ses fruits aux plaisirs de la bouche surtout. Chez les groseilles, c’est un peu l’inverse, des feuilles l’on ne s’en soucie qu’à peine, se préoccupant presque exclusivement de ces fruits en grappes pendantes ou isolés par duo ou trio, qui ont autant de valeur culinaire que médicinale. Il est vrai qu’on aurait pu associer cassis et groseillier rouge du fait d’une morphologie assez semblable et mettre de côté le groseillier à maquereau. Mais, malgré leurs dissemblances physiques, ces deux groseilliers ont bien des choses en commun, à commencer par leur composition biochimique.

  • : Dextrose et lévulose. Les groseilles ne contiennent pas de saccharose.
    ** : Malique, citrique et tartrique.
    *** : Potassium, calcium, brome, fer, phosphore, etc.

Ces deux espèces ont aussi en commun du tanin, une gomme, des vitamines (A, B, C), etc.

Propriétés thérapeutiques

  • Communes aux deux espèces : apéritives, digestives, laxatives, diurétiques, dépuratives sanguines, rafraîchissantes, anti-oxydantes
  • Propres à la groseille rouge : tonique, hémostatique, sudorifique
  • Propres à la groseille à maquereau : reminéralisante, décongestionnante hépatique

Usages thérapeutiques

  • Communs aux deux espèces : troubles de la sphère gastro-intestinale (inflammations gastro-intestinales chroniques, inappétence, constipation, gastrite, entérite), troubles de la sphère vésico-rénale (inflammation des voies urinaires, rhumatismes, goutte), obstruction des viscères abdominaux, fièvre inflammatoire, angine, scorbut, purpurea hémorragique, affections cutanées rebelles
  • Propres à la groseille rouge : troubles de la sphère hépatique (jaunisse, insuffisance, congestion et engorgement du foie ), affections cutanées (coupure, blessure, brûlure**, dartre), troubles de la sphère gastro-intestinale (diarrhée, dyspepsie), hydropisie, lithiase urinaire
  • Propres à la groseille à maquereau : déminéralisation, anémie
  • : Concernent les feuilles.
    ** : A défaut d’huile essentielle de lavande fine ou aspic, voici ce que propose Cazin en cas de brûlure : « La gelée de groseille, appliquée immédiatement après une brûlure du premier ou du second degré, apaise la douleur, prévient l’inflammation et le développement des phlyctènes » (2).

Note : selon la bio-électronique Vincent, « les fruits acides et réducteurs sont utiles pour entretenir la santé » (3). Cela tombe bien car la groseille (bio, bien entendu) possède un pH de 3,5 et un indice réducteur particulièrement intéressant. Cela fait d’elle un excellent fruit rééquilibrant.

Modes d’emploi

  • Avec les deux espèces, l’on peut procéder comme suit : gelée, sirop, suc frais, jus pur ou étendu d’eau.
  • Les feuilles du groseillier rouge se prêtent à décoction et cataplasme.
  • Enfin, les groseilles, qu’elles soient rouges ou à maquereau, peuvent se sécher, puis on les émiette afin d’en préparer une infusion aqueuse.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Les groseilles, quelles qu’elles soient, sont susceptibles de perturber la digestion des personnes affaiblies et/ou délicates.
  • La culture a développé de nombreux cultivars de groseilliers. Chez le groseillier à maquereau, nous voyons les fruits arborer différents coloris (doré, vert foncé, rouge vineux, brun roussâtre), de même que chez le groseillier rouge qui ne l’est pas toujours, car certaines de ces groseilles sont de couleur blanche, d’autres champagne.
  • Les groseilles rouges contiennent un pigment qui teint la laine non pas en rouge mais en jaune. Sacrées farceuses, va !
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    1. Henri Leclerc, Les fruits de France, p. 44.
    2. François-Joseph Cazin, Traité pratique et raisonné des plantes médicinales indigènes, p. 464.
    3. Roger Castell, La bio-électronique Vincent, p. 99.

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Fleurs de groseillier rouge

La ballote fétide (Ballota foetidia)

Synonymes : ballote noire, marrube noir, marrubin noir, marrube fétide, marrube puant, herbe vierge.

Que ce soit Hippocrate ou Galien, aucun des deux ne prête attention à la ballote, mais dans l’intervalle de temps qui les sépare, l’on trouve Dioscoride et Pline. Nous ignorerons le second qui ne fait que recopier les paroles du premier. Le marrube bâtard de Dioscoride, également appelé ballôtê (ou balôtê) tant par les Grecs que par les Latins, avait déjà interloqué le médecin grec par sa « fâcheuse odeur », mais plaide cependant en sa faveur en disant que « sa vertu est valeureuse contre les morsures des chiens en y emplâtrant les feuilles avec du sel. L’on fait flétrir les feuilles sur de la cendre chaude, pour répercuter les apostumes du siège et purger avec du miel les ulcères » (1). C’est tout. Fort maigre, je vous l’accorde. En complément, un Paul d’Egine ne nous est d’aucun secours, puisque lui aussi répète l’œuvre de Dioscoride. Il faut croire qu’à l’époque on se souciait comme d’une guigne de ce que nous appelons plagiat. En guise de supplément, nous pouvons toutefois ajouter un extrait d’un antique manuscrit de botanique astrologique portant sur la ballote, dont l’auteur anonyme avance qu’elle serait une plante du signe zodiacal du Lion, donc d’essence solaire : « la plante du lion est celle qu’on appelle ballote. Cueille-la le jour où domine le signe. Prends-en le suc et enduis-en les os brisés. Attache-les ; ils se ressouderont d’une manière extraordinaire ». Voilà que la ballote se prend pour la consoude maintenant ! Poursuivons : « porte la racine et tu pêcheras beaucoup de poissons ». Euh… Que vous dire ? J’ai lu quelque chose d’approchant dans le Grand (ou le Petit ?) Albert, bien qu’il ne s’agissait pas de ballote mais d’origan. Bref, terminons-en : « si tu mélanges le suc des feuilles avec de l’huile, ce sera comme un vrai baume ». Pourquoi pas, mais une macération de feuilles de ballote dans de l’huile n’a rien de balsamique mais tout du repoussoir. Comme l’annonce Guy Ducourthial, « les raisons qui ont pu inciter les astrologues grecs à choisir la ballote pour le signe du Lion sont obscures » (2). Pour le moins. L’époque de la récolte est amenée comme explication : en effet, lorsque le Soleil domine dans le signe du Lion, nous nous trouvons en été, à cheval sur juillet et août, période à laquelle des phytothérapeutes plus récents conseillent de cueillir cette plante. Hélios, planète du feu, est ardent. La ballote est sédative, mais pas anti-inflammatoire. A la rigueur… L’on dit aussi que la ballote attire l’abeille, animal solaire qui ne s’offusque point de son parfum. Mais bien des plantes sont attractives pour cet insecte sans pour autant être de nature solaire. Enfin, l’on évoque la couleur purpurine des fleurs, un pourpre soi-disant associé à Hélios, rappelant quelque peu les vins aux sombres feux dont parle Homère dans l’Odyssée. Tout ceci est peu convainquant. Faisons appel aux mélothésies planétaires. Sur quelles parties du corps, sur quels types de pathologies le Soleil règne-t-il donc ? Tout d’abord, le Soleil domine sur les yeux et le sens de la vue. Or rien ne laisse penser que la ballote est un remède ophtalmique. Le dos et la moelle épinière sont aussi de son ressort. Mais il n’existe nulle trace d’une quelconque propriété de la ballote sur cette sphère. L’estomac est la troisième région concernée. En effet, bien que cela ne soit pas là son rayon d’action privilégié, la ballote calme les spasmes gastriques, tous ces phénomènes qui remuent et secouent, provoquant nausées et vomissements. Puis viennent le cœur et la circulation sanguine via les artères. La ballote, sédative du muscle cardiaque et hypotensive, en calme les palpitations et rééquilibre à sa juste mesure le rythme cardiaque, ce qui est fort bien, car le signe du Lion promeut l’équilibre de la personnalité, domaine dans lequel cette plante excelle, corrigeant les faiblesses solaires que sont les troubles nerveux (angoisse, anxiété, neurasthénie, etc.). Par son action sédative sur le système nerveux, la ballote calme autant l’estomac que le cœur, sphères d’influence du Soleil. Peut-être calme-t-elle le système nerveux au niveau oculaire, mais rien ne me permet de confirmer cette hypothèse. En résumé, l’on peut donc dire, sans risque de se tromper, que la ballote est bien une plante solaire.

Voilà. Cette explication, longue mais nécessaire, vient de combler le vide intersidéral existant entre Dioscoride et ceux qui, de nouveau, remettront la ballote dans le rang des plantes médicinales d’importance. Il paraît, d’après Fournier, que la ballote, dont on usait de la même façon que le marrube, était largement employée au Moyen-Âge. J’ignore par qui, mais je n’en ai pas trouvé la moindre trace. Bref. L’Anglais John Ray, au XVII ème siècle, considère la ballote comme un excellent remède des affections hystériques, puis le Danois Boerhaave, un siècle plus tard, prône l’efficacité de cette « asa foetidia indigène », de ce « castoréum des paysans » face aux névroses en général.

La ballote est une assez grande (40 à 80 cm) lamiacée vivace dont les tiges pubescentes plus ou moins rougeâtres portent des feuilles opposées, un peu ovales, crénelées, molles, couvertes d’un duvet grisâtre. Souvent mêlée à l’ortie dont elle se distingue par son feuillage plus sombre, la ballote expose à la vue, de mai en septembre, des verticilles de fleurs à l’aisselle des feuilles supérieures. Leur couleur, allant du mauve au pourpre rougeâtre, explique son surnom de ballote noire, le marrube étant, lui, la ballote blanche.
Cette plante compagnon très commune peut abonder dans les zones riches en nitrates, marque d’une activité humaine. C’est pourquoi on la rencontre plus fréquemment sur les décombres, aux abords des chemins menant à des villages, dans les haies et les champs incultes qui les bordent.
La ballote fétide est présente, de la plaine à la moyenne montagne, dans une grande partie de l’hémisphère nord (Europe, Asie occidentale, Afrique du Nord, Amérique du Nord).

La ballote fétide en phytothérapie

Dire de l’odeur de la ballote qu’elle est spéciale est un euphémisme. Aussi loin que cette plante a été considérée d’un point de vue médicinal, l’on s’est toujours engagé à lui reconnaître un caractère olfactif pour le moins abrupte, certains voyant même dans son nom une très ancienne racine grecque faisant état de cette fétidité désagréable confinant à l’odeur de moisi des vieilles caves humides. Parmi les plantes de la famille des Lamiacées à laquelle appartient la ballote, il existe légion de plantes aromatiques : menthe, thym, sarriette, sauge, serpolet, origan, mélisse, romarin, etc., mais pas une seule qui soit, comme la ballote, aussi malodorante. Toutes les essences ne sentent pas forcément la rose. Mais ce qui pue est-il, pour autant, dénué d’effets ? Certes non comme nous le verrons bien assez tôt, mais cela peut représenter un facteur dissuasif pour faire pénétrer une telle plante dans l’enclos de nos dents. Cette particularité, la ballote la doit à une essence aromatique que contiennent ses feuilles, composée de sesquiterpènes parmi lesquels le bêta-caroyphyllène, le germacrène D et l’alpha-humulène, molécules qui ne sont pas réputées être olfactivement repoussantes. Il doit probablement y avoir autre chose qui explique ce phénomène.
Avec la ballote, on procède de la même manière qu’avec le marrube, plante avec laquelle elle partage nombre de propriétés thérapeutiques. On prélève soit les seules sommités fleuries, soit l’ensemble de la plante que l’on sectionne au niveau du sol. Ces parties végétales fournissent, outre leur parfum peu avenant, des tanins, des flavonoïdes, des hétérosides phénylpropaniques, une saponine, de l’acide gallique, enfin un lactone diterpénique, la marrubiine.

Propriétés thérapeutiques

  • Stimulante, tonique
  • Rééquilibrante et sédative nerveuse, antispasmodique
  • Sédative cardiaque, hypotensive
  • Stomachique, cholérétique, antivomitive, antinauséeuse, vermifuge
  • Antitussive
  • Emménagogue
  • Résolutive, détersive

Usages thérapeutiques

  • Troubles du système nerveux : anxiété, angoisse, phobie, névrose, hypocondrie, instabilité psycho-émotionnelle, irritabilité, neurasthénie, insomnie d’origine nerveuse, troubles liés à la ménopause
  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : spasmes œsophagiens, gastriques et intestinaux, vomissement, nausée du nourrisson, nausée causée par dysfonctionnement de l’oreille interne, parasites intestinaux (ascarides, oxyures)
  • Troubles de la sphère vésico-rénale : incontinence d’urine (chez l’enfant nerveux), goutte, arthrite
  • Troubles de la sphère respiratoire : toux spasmodique, coqueluche (préventive et calmante des crises)
  • Troubles cardiaques : palpitations, arythmie cardiaque
  • Affections cutanées : ulcère de jambe, ulcère sordide, teigne
  • Bourdonnements d’oreille, vertiges

Modes d’emploi

  • Infusion.
  • Décoction.
  • Macération vineuse.
  • Alcoolature.
  • Teinture-mère.
  • Suc frais.

Note : outre le goût infâme de l’infusion aqueuse, ce mode de préparation n’est qu’un pis-aller, son efficacité étant très discutable du fait que les principes actifs de la ballote se dissolvent mal dans l’eau, beaucoup mieux dans l’alcool.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Récolte : les sommités fleuries se cueillent à pleine floraison durant les mois de juillet et d’août.
  • Séchage : il se réalise à l’ombre et au sec, sans difficulté. Par évaporation d’une fraction de l’essence, l’odeur particulière de la ballote est beaucoup moins prononcée une fois la plante sèche.
  • Le mode d’administration le plus sûr reste encore la teinture-mère dont on ajoute les gouttes nécessaires à une infusion de menthe, de mélisse, etc., et que l’on édulcore.
  • Autre espèce : la ballote cotonneuse (Ballota lanata).
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    1. Dioscoride, Materia medica, Livre III, chapitre 98.
    2. Guy Ducourthial, Flore magique et astrologique de l’Antiquité, p. 412.

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