La cynoglosse officinale (Cynoglossum officinalis)

Synonymes : langue de chien, herbe d’antal (apocope d’antalgique ?). En allemand : hundzunge. En anglais : hound’s tongue. L’anglais et l’allemand colle à la version originale. Il est toujours question de langue de chien. En espagnol, j’ai trouvé un surnom – lingua de p**** – tout à fait injurieux.

Dans l’ancien temps… expression qui semble appartenir à l’univers des contes de fées… En tous les cas, elle permet de souligner l’archaïsme de ce qui va suivre et surtout son caractère inatteignable, comme s’il s’agissait de l’expression imparfaite d’un très lointain passé qu’on ne connaîtrait plus que par ouïe-dire. Dans l’ancien temps, disais-je, le mot kynoglossos n’était pas un terme réservé uniquement à la cynoglosse officinale, mais s’appliquait à tout un tas de végétaux dont l’originalité résidait dans le fait de posséder des feuilles dont l’allure d’ensemble s’apparente à la langue d’un chien (du grec kuôn, « chien » et glôssa, « langue »), du moins à la texture de sa surface (pour ceux qui savent à quoi correspond une léchouille canine…). Avec le temps, seule la cynoglosse a conservé l’antique appellation grecque de kynoglossos. Quant aux autres, elles furent débaptisées et trouvèrent comme substantif celui qu’elles arborent peut-être encore. De même que nous le faisons aujourd’hui, les Anciens attribuaient plusieurs noms vernaculaires aux plantes, et parmi eux, l’un faisait davantage son chemin que les autres. Si l’on parle davantage de cynoglosse – ça reste tout relatif ! –, l’on emploie beaucoup moins les quelques autres noms sous lesquels on la recense parfois.

Il est même possible que parmi ces kynoglossos ne se trouve même pas notre vraie cynoglosse officinale, ni aucun autre membre des Borraginacées, famille botanique à laquelle elle appartient. Un nom peut très bien être promu par l’usage, mais à la base il est d’émanation populaire et rurale, avant de reluire du vernis pseudo-scientifique du latin qui, très souvent, ne fait que transcrire littéralement l’expression vernaculaire.

Absent de l’œuvre de Théophraste, Dioscoride, Galien, le kynoglossos n’apparaît pas non plus dans les traités de la collection hippocratique. En revanche, il semble se reconnaître dans l’Histoire naturelle de Pline qui évoque sa racine, mais n’en donne aucune description, alors que le pseudo-Dioscoride élabore une notice au sujet d’un kunôglosson à travers laquelle il n’est absolument pas possible d’y discerner la cynoglosse officinale. De la confusion… Sans compter que de Pline à cet auteur se dégage la drôle de sensation qu’ils ne parlent pas exactement de la même plante… Histoire de couronner le tout, on croise, chez le pseudo-Apulée, une plante qu’il appelle herba lingua canis (= herbe langue de chien ; l’on demeure donc bien dans le même sujet). Cependant, les propriétés qu’il lui attribue ne permettent en aucun cas d’identifier le statut de cette plante dite efficace contre les affections auriculaires, la fièvre quarte et, donc, les morsures de chien !… Enfin, d’anciens traités d’astrologie botanique érigèrent un kunoglôsson comme plante de Skorpios, c’est-à-dire de la constellation du Scorpion. L’on dit bien de la hampe florale de la cynoglosse qu’elle adopte une allure scorpioïde, cela ne suffit évidemment pas pour l’identifier comme telle ! Si seulement… la cynoglosse pouvait être le kunoglôsson, de quels prodigieux pouvoirs elle serait parée ! « Plante magique de protection ». C’est beau de rêver. Bien sûr, prompte à protéger efficacement son porteur de la moindre morsure canine. Rendre inoffensives les bêtes sauvages à qui on la fait manger (il faut déjà réaliser ce prodige sans se faire happer le bras !). Ensuite, « elle donne à celui qui en porte en amulette un aspect terrifiant qui inspire la crainte et l’admiration de tous, à condition de l’avoir enveloppée dans une peau de cerf pour renforcer son pouvoir » (1). Rêvons donc, puisque rien, dans les descriptions thérapeutiques accordées par nos astrologues botanistes, ne peut nous faire reconnaître la cynoglosse dans ces textes !

Redescendons sur terre. Pour faire passer la pilule, adressons-nous à Alexandre de Tralles qui « prescrit d’intégrer de l’écorce de kunoglôsson dans une préparation calmante composée de myrrhe, de jusquiame et d’opium destinée à soigner les hémoptysies, les fluxions dentaires, les rétentions d’urine, les coliques et les maux de rate » (2). C’est en rejetant un œil dans l’un des ouvrages du docteur Leclerc (En marge du Codex), que je me suis aperçu de l’ancienneté de ce qu’il désignait comme l’« une des associations médicamenteuses les plus utiles que nous ait léguées l’Antiquité » (3). Certains chipoterons, arguant du fait qu’Alexandre de Tralles n’appartient pas à cette période historique qu’on nomme Antiquité. En fait, si. Puisqu’il s’agit d’Antiquité dite tardive, Alexandre étant né en Lydie (ancien pays situé en Asie mineure), en la ville de Tarse (aujourd’hui turque), au VI ème siècle après J.-C. C’est donc de lui que l’on tire la recette de ce que l’on appelle communément « les pilules de cynoglosse », dans laquelle formule n’entrent, à l’initiative du médecin lydien, que quatre ingrédients : la myrrhe, la jusquiame, l’opium et, donc, l’écorce de cynoglosse… Mais, à bien (re)lire Leclerc, l’on peut se persuader qu’il considère cette cynoglosse d’Alexandre de Tralles comme notre actuelle cynoglosse officinale et non comme un quelconque – et beaucoup plus énergique – kunoglôsson tout droit sorti des âges antiques. Prenons connaissance de ce qu’écrivait Henri Leclerc à ce propos : « A Alexandre de Tralles revient le mérite d’avoir établi la formule de cette préparation  »diplomatique » qui concilie au mieux les exigences de la maladies et la susceptibilité des malades, en substituant au nom trop connu du plus actifs des somnifères celui, presque ignoré, d’un inoffensif excipient » (4). Or, je ne suis pas du tout certain que là était l’intention d’Alexandre de Tralles. (Quid du rapport à l’opium, à son époque, concernant le seul point de vue des malades ?). L’idée qu’il aurait pu intituler cette recette « pilules de cynoglosse » afin de le faire mieux avaler par les patients vient de m’effleurer, mais ne me séduit guère. Je pense, tout au contraire, que la cynoglosse d’Alexandre de Tralles était une substance suffisamment active pour mériter que son nom figurât dans l’intitulé de la formule. Si ça se trouve, les pilules de cynoglosse qu’on trouvait encore au Codex au début du XX ème siècle, intégraient véritablement de la cynoglosse officinale, plante qu’on aurait alors conviée, en lieu et place de la cynoglosse d’Alexandre de Tralles (quelle qu’elle ait pu être), en imaginant qu’il s’agissait de la même plante. D’où les moqueries proférées à l’endroit de la cynoglosse, plante que l’on a très souvent qualifiée d’inutile en raison de son inertie (ou presque). Cela semble d’autant plus surprenant qu’Alexandre de Tralles est considéré, à bon droit, comme un médecin d’égale valeur à Hippocrate, ce qui n’est pas une mince référence. Aussi, qu’est donc l’écorce de cynoglosse d’Alexandre ? Se peut-il être ce qu’on en a fait advenir, c’est-à-dire de « l’écorce de racine de cynoglosse » ? (Alexandre de Tralles n’indique pas que de cette plante l’on emploie la racine.)

Quant à l’inertie de la cynoglosse officinale… « Les pilules de cynoglosse, dont on fait un fréquent usage, méritent-elles le nom qu’elles portent ? », s’interrogeait Cazin dans les années 1850 (5). Il a l’air d’insinuer que dans cette préparation, la cynoglosse n’y est pas pour grand-chose, que, tout au contraire, cette racine permet de tempérer l’énergie des autres ingrédients, en particulier l’opium et les semences de jusquiame blanche. Mais alors, à ce compte-là, d’où vient le fait qu’il affirme que « cette plante est réellement délétère » ? (6). Et il n’est pas le seul à le croire, puisque avant lui, Roques faisait l’aveu que « toutes les parties de la plante sont un peu narcotiques » (7). Cette toxicité, si cela en est bien une, aurait même incommodé un certain nombre de praticiens et de gens du peuple : les qualités vireuses, voire vénéneuses, de la cynoglosse auraient intoxiqué une famille entière aux dires de Murray, tandis que Chaumeton, manipulant la plante, fut pris de malaise et de défaillance, et affecté d’abondants vomissements. Pour préciser davantage son activité thérapeutique, rapportons ce que signalait le docteur Leclerc dans son Précis de phytothérapie : « D’après plusieurs auteurs modernes […], elle exercerait des effets analogues à ceux du curare en paralysant les nerfs moteurs et le pneumogastrique sans intéresser les nerfs de la sensibilité et les centres réflexes » (8). Comparer la cynoglosse au curare, ça n’est pas exactement faire de cette plante une substance anodine ! Alors, oui, la cynoglosse est active, mais… Cazin s’était autorisé à affirmer que cette activité s’éteignait à la dessiccation. Tout cela fait que, en définitive, on ne sait plus à quel saint se vouer. Peut-être faut-il s’en remettre au sage avis de Joseph Roques, considérant les pilules de cynoglosse comme un excellent médicament : « Ces pilules sont fort usitées et méritent leur réputation ; mais ce n’est point de la plante même qu’elles empruntent leurs vertus, elles les doivent particulièrement à l’opium, au castoreum, au safran, et aux semences de jusquiame. […] Elles produisent d’heureux effets dans les cours de ventre rebelles, dans l’asthme spasmodique, dans le catarrhe du poumon et la phtisie tuberculeuse, lorsque la toux, irritant les organes de la respiration par des secousses fréquentes, éloigne les douceurs du sommeil » (9). Je ne suis pas du tout assuré qu’on puisse en dire autant de la seule cynoglosse officinale aujourd’hui. C’est ce dont il nous faudra nous assurer, mais pas avant l’étude botanique de cette plante qui a au moins pour elle d’être une belle ornementale.

Cette plante bisannuelle, élisant domicile sur des terrains secs, sablonneux et calcaires d’Asie et d’Europe (en Amérique du Nord, elle n’est pas native, mais importée), donne sa préférence autant à la plaine qu’à la montagne (2000 m). Entre ces deux extrémités, elle se localise par place, par poche ou foyer bien délimités, pourrait-on dire. Elle apprécie rien moins que les bordures de chemins, les talus, les lisières des bois, ainsi que bon nombre de lieux incultes et toux ceux qui sont marqués par la ruine et l’abandon : décombres, anciens bâtiments désaffectés, abord des terriers de renards et de lapins dont les hôtes ont déguerpi, etc.

D’une épaisse racine, longue, grosse et charnue, qui descend en pivotant dans la terre à près de 30 cm de profondeur, la cynoglosse pousse la ressemblance avec la grande consoude, puisque cette racine, colorée de brun rougeâtre au dehors, s’ouvre sur une blancheur immaculée d’aspect laiteux au dedans.

Grande plante de pas loin de 80 cm, la cynoglosse ne se ramifie que dans ses parties hautes. Très feuillue, elle porte des feuilles inférieures pétiolées et d’autres, supérieures et demi-embrassantes, pour dire exactement les choses. Allongées et achevées par une pointe aiguë, elles ondoient sur leurs bordures de façon assez irrégulière. Pour la plupart entières, elles sont garnies, sur le revers, d’un duvet grisâtre ou blanchâtre. Quant à leur hypothétique similitude avec la langue d’un chien, je vous laisse seul(e)s juges.

A floraison, soit de mai à juillet, émerge une dense hampe florale, crosse scorpioïde de grappes de fleurs toutes orientées dans la même direction (ce qui accroît l’analogie avec la consoude). Brièvement attachées à un pédoncule, ces fleurs, à corolle découpée en cinq lobes, sont bien souvent rouge foncé vineux, mais, à l’instar de la pulmonaire, s’avèrent être parfois discolores : ainsi voit-on aussi des fleurs violet pourpre sur le même pied. Une fois défleurie, la plante abandonne la place à des carpelles aplatis et épineux, fruits formés de quatre semences comprimées typiquement reconnaissables.

La cynoglosse officinale en phytothérapie

La première évidence, c’est que la cynoglosse ne sent pas la rose. Au froissement surtout, elle répand une forte odeur qu’on a dit de souris, de bouc, de chien même ! A cette désagréable odeur, qu’on peut aussi qualifier de vireuse, s’additionne la saveur de la racine : son côté un peu fétide, nauséeux, voire nauséabond, peut parfois l’emporter sur sa fadeur coutumière.

Dans la racine de cynoglosse – principale partie végétale dont se préoccupe la phytothérapie – l’on trouve de l’inuline, du tanin, du mucilage, des matières grasses, résineuses et pectiques, divers sels minéraux (potassium, calcium et bien plus encore sans doute), de la gomme, de la choline, etc. En terme de particularité, signalons que la dessiccation de la racine de cynoglosse entraîne la formation d’alkaninne, un pigment tinctorial de couleur rouge principalement extrait de l’orcanette des teinturiers (Alkanna tinctoria, autre borraginacée). On croise aussi une faible fraction (0,1 %) d’essence aromatique à parfum de camomille, mais pas d’allantoïne malgré son appartenance aux Borraginacées et, surtout, sa proximité avec cette autre officinale qu’est la grande consoude. Mais si l’on observe de près son champ d’action, l’on constate une grande similarité avec les domaines dans lesquels officie Symphytum officinalis. Cela se vérifie aussi de par la présence d’alcaloïdes pyrrolizidiniques dans les tissus de cette plante, dont de la cynoglossine, mais uniquement dans les fruits et encore en infime quantité (0,002 %). Il a été remarqué que même en faible proportion, cette substance alcaloïdique paralyse les terminaisons motrices du système nerveux, ce qui peut immanquablement rappeler ce que nous disions tout à l’heure, au sujet de la ressemblance des effets de la cynoglosse avec ceux du curare. Mais précisons que cela ne vaut que chez les animaux à sang froid. Chez ceux à sang chaud, cette substance reste parfaitement inopérante. Pour terminer, ajoutons que les seuls fruits recèlent d’autres produits dont la toxicité s’exerce surtout par la paralysie du système nerveux (consolidine, consolicine, etc.).

Seule la partie superficielle de la racine de cynoglosse, séchée puis pulvérisée, entre en ligne de compte dans le cadre de la thérapeutique par les plantes. Parfois, l’on emploie aussi les feuilles à l’état frais.

Propriétés thérapeutiques

  • Narcotique (?), paralysante (?)
  • Sédative
  • Stomachique, antidiarrhéique
  • Adoucissante, émolliente
  • Antitussive
  • Astringente
  • Calmante des douleurs cutanées

Note : cette plante n’est pas si narcotique et sédative que ça. Sans doute est-ce sa vertu anodine qui a été beaucoup exagérée. En tous les cas, cette soi-disant vertu est celle qui a été exploitée à travers les pilules de cynoglosse.

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : diarrhée simple, diarrhée avec tranchée dysenterie, affections catarrhales de l’appareil digestif, spasmes intestinaux
  • Troubles de la sphère pulmonaire : toux (violente, opiniâtre, sèche, nerveuse), affections catarrhales des voies respiratoires, hémoptysie,
  • Affections cutanées : gerçure, irritations et démangeaisons, plaie, plaie gangreneuse, ulcère, brûlure, engorgement inflammatoire, ulcération de la bouche
  • Tumeur du fondement, hémorroïde
  • Gonorrhée
  • Ophtalmie

Modes d’emploi

  • Décoction de la racine, des feuilles fraîches.
  • Infusion de la racine, des feuilles fraîches.
  • Cataplasme de racine fraîche râpée, de feuilles fraîches contuses.
  • Poudre d’écorce de racine dans un véhicule adapté.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Récolte : la racine se déchausse au printemps de la seconde année. On en supprime le cœur qui est ligneux et dénué de vertu, puis on fait rapidement sécher l’écorce découpée en petits fragments. Cette racine étant très hygroscopique, il faut veiller à sa bonne conservation en l’entreposant dans un récipient sec et parfaitement scellé. Quant aux feuilles, on les cueille dès la première année surtout (les suivantes sont amoindries dans leur puissance ; la dessiccation les prive aussi d’une bonne part de leurs qualités).
  • L’usage interne de la cynoglosse est déconseillée en relation avec la présence d’alcaloïdes typiques chez les Borraginacées (toujours la même vieille histoire…) et dont nous avons déjà souligné la toxicité hépatique (mais qui se révèle à des doses bien plus fortes que ce que l’on ingère à travers une cure de cynoglosse).
  • Autres espèces : – La cynoglosse de Crète (C. creticum) sur pelouses sablonneuses, décombres thermophiles, garrigues en pré-bois, etc. – La cynoglosse des Apennins (C. apeninnum), plante lanugineuse aux fleurs violet rouge vineux. – La cynoglosse à feuilles de giroflée (C. cheirifolium) à fleurs rouge vineux typique et feuilles pelucheuse vert gris. – La cynoglosse ombilique (C. omphalodes) à fleurs bleues striées de blanc à l’intérieur.

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  1. Guy Ducourthial, Flore magique et astrologique de l’Antiquité, p. 435.
  2. Ibidem, p. 575.
  3. Henri Leclerc, En marge du Codex, p. 12.
  4. Ibidem, p. 9.
  5. François-Joseph Cazin, Traité pratique et raisonné des plantes médicinales indigènes, p. 338.
  6. Ibidem.
  7. Joseph Roques, Nouveau traité des plantes usuelles, Tome 2, p. 565.
  8. Henri Leclerc, Précis de phytothérapie, p. 292.
  9. Joseph Roques, Nouveau traité des plantes usuelles, Tome 2, pp. 565-566.

© Books of Dante – 2020

Le calament officinal (Calamintha officinalis)

Synonymes : baume sauvage, menthe de montagne, calament de montagne, pouliot de montagne, fausse marjolaine, menthe de Charlemagne, millespèle.

Rien de plus curieux que cette plante que l’on a connectée, pour une raison ou pour une autre, à pas moins d’une demi-douzaine d’autres lamiacées, sans omettre de signaler qu’elle a aussi été rapprochée de la mélisse, du népéta (ou cataire) et de la sarriette ! Elle est de ces plantes dont on fait un succédané de celles dont on s’est inspirées pour qualifier les calaments en général, ce qui fait que dans beaucoup d’endroits l’on ne trouve que quelques lignes dédiées à l’une ou l’autre de ces plantes, s’inspirant, à chaque fois du même schéma, concernant les propriétés et usages : « Les mêmes que la mélisse » (Reclu) ; « Très voisin de la menthe par son odeur, sa saveur et ses propriétés » (Leclerc) ; « Plante […] dont les propriétés sont très voisines de celles de la mélisse et des diverses menthes » (Botan), etc. Enfin… Associer le calament à la mélisse, voire au basilic, passe encore, mais au thym !, alors qu’il saute aux yeux (et aussi au nez), qu’il est plus proche encore de la menthe, comme le montre bien davantage son nom latin calamintha, autant que son équivalent en français vernaculaire. Calamintha est un terme que l’on décompose généralement par deux racines grecques, kala, qui veut dire « belle », « excellente », et mintha, la menthe, donc. Le calament serait donc la belle menthe. Une autre explication, écartant l’idée même de beauté, y verrait davantage non pas kala mais kalamos, signifiant « tige ». Ainsi, le calament serait une plante aux mêmes tiges que la menthe. Ce qui n’est pas bien glorieux, ni trop original. En réalité, le mot kalaminthê, outre qu’on ne sache pas trop ce qu’il veut dire, est également un nom fourre-tout qui « offre un nouvel exemple de la fâcheuse habitude qu’avaient les Grecs comme les Romains d’employer plusieurs mots pour nommer le même végétal, mais aussi de n’en utiliser qu’un seul pour désigner plusieurs plantes «  (1). Malgré cette antique cacophonie qui a fait entendre ses inharmonieuses discordances jusqu’à nous, l’on sait du moins qu’autrefois la kalaminthê était perçue comme un végétal au parfum de menthe, mais dont l’étymologie reste discutée. Et encore, cela ne concerne-t-il que quelques espèces de calaments : le clinopode (Calamintha clinopodium) est à peu près inodore et l’acinos (Calamintha acinos) se trouve être dans les mêmes dispositions (chez ce dernier, c’est très variable : soit il ne sent absolument rien, soit il exhale une franche odeur de menthe, sans qu’on comprenne bien ce qui peut être à l’origine d’une telle disparité). Et là où ça se complique pour notre affaire, c’est lorsque l’on apprend que le calament était un simple fort réputé non seulement durant l’Antiquité gréco-romaine, mais aussi pendant une bonne partie du Moyen-Âge. « Tu sens la calamenthe », disait Aristophane dans l’une de ses pièces. Pour nous ça sent plutôt le roussi, parce qu’il ne faut pas se contenter d’ouvrir un vieux bouquin et d’y rechercher le mot calament dans l’index si jamais il en est pourvu d’un, puisqu’il n’est en rien obligatoire qu’au mot calament écrit dans tel ou tel ouvrage antique ou médiéval, fasse écho l’image exacte répondant, aujourd’hui, au nom de calament, c’est-à-dire les plantes que le latin a estampillées Calamintha et dont nous abordons quelques spécimens ici-même. Par exemple, la calamintha de l’Herbarius du pseudo-Apulée est-elle de même nature que la kalaminthê abordée par quelques anciens opuscules astrologiques ? Au sein de cette ambiance nébuleuse, une chose est certaine : d’Hippocrate aux auteurs de l’Antiquité tardive, qu’ils soirent latins ou grecs, l’on croise ce terme, calamintha. Mais, piochés ici ou là, se valent-ils tous ? Rien n’est moins certain. Peu prolixes à son sujet, les traités hippocratiques ont au moins le mérite de porter à la face du monde une plante du nom de kalaminthê (à défaut d’y voir assurément le calament). Puis vient Dioscoride qui regroupe au sein d’un même paragraphe (Materia medica, Livre III, chapitre 34) la description de trois plantes au goût brûlant et âcre que cet auteur rassemble pour d’évidentes raisons thérapeutiques, bien qu’on puisse douter de la filiation botanique existant de l’un aux autres. Du moins peut-on dire que, selon Dioscoride, ces plantes sont profitables aux déchirures musculaires, aux meurtrissures, ainsi qu’aux spasmes. On leur accorde des vertus diurétique et stomachique (colique, vomissement). Elles endiguent, pense-t-on, les frissons et les tremblements qui viennent au commencement des fièvres. A cela, Pline n’en dit pas davantage au contraire de Galien qui s’avère plus détaillé encore (bien qu’il reprenne largement Dioscoride dans le texte). Pour lui, la kalaminthê est une « sorte de menthe sauvage, sans odeur, plus chaude et plus efficace que la menthe ». Il conseillait cependant de ne pas procéder par applications cutanées, cette plante étant censée provoquer des irritations et des brûlures de la peau (!), « mais il en prescrit néanmoins l’emploi pour soigner, par exemple, la goutte sciatique, provoquer la transpiration dans les cas de fièvre périodique, faire venir les menstrues, bien qu’elle puisse causer l’expulsion du fœtus après l’avoir détruit, évacuer les sérosités dans les cas d’éléphantiasis, soulager les asthmatiques, purger dans les cas d’ictères provoqués par un engorgement du foie, traiter les morsures d’animaux venimeux et tuer les vers qui se sont logés dans les intestins ou les oreilles » (2). Après Galien, rien de plus que cela ne sera ajouté au portrait thérapeutique de la kalaminthê. Du moins lors de cette Antiquité dite tardive (V-VII ème siècles après J.-C.). Cependant, en parallèle, on voit certains astrologiques férus de botanique se pencher sur le cas de cette mystérieuse plante, dont un opuscule au moins, rédigé en grec, lui accorde, sans qu’on nous explique ni pourquoi ni comment, une correspondance de cette plante avec le signe zodiacal de la Vierge. Que l’on nous dise que la kalaminthê « possède une très grande force », ce qui la rend « digne d’admiration », ne saurait nous faire oublier que ce traité astrologique ne dit rien ou pas grand-chose des usages thérapeutiques de cette plante, ce qui pourrait être la preuve, au cas contraire, que l’astrologie s’est bien préoccupée de prendre en compte les mélothésies planétaires. Or, ce n’est pas le cas. Dire uniquement que la kalaminthê est efficace contre les inflammations cutanées, les brûlures et les maux de tête, ne permet en aucune manière de tirer des plans sur la comète. « Il est en revanche possible que le choix des astrologues ait été guidé par des considérations sur certaines propriétés de la kalaminthê, en rapport avec la conception de parthenos, comme la pureté, la chasteté et la stérilité » (3), parthenos faisant bien évidemment référence à la virginité, et, par extension, au signe de la Vierge. Si cette kalaminthê est bien la même que ceux dont parlent la plupart des thérapeutes de l’Antiquité, alors il est possible de répondre à cette question. Concernant la pureté, souvenons-nous que la kalaminthê semble jouir de propriétés détersives particulièrement appuyées ; même sa vertu cicatrisante appelle à la purification (sans asepsie, la cicatrisation est beaucoup plus difficile). Ensuite, si l’on décortique dans le menu ce que nous mentionnent Galien, Dioscoride et consorts, il apparaît que cette kalaminthê (du moins, l’idée que l’on s’en fait) s’avère être une plante qui débarrasse l’organisme de ce qui le souille, c’est-à-dire la sueur, les sérosités, la bile, le sang des règles, les parasites intestinaux et auriculaires ; c’est à travers cela, entre autres, que la kalaminthê serait parthenos, et donc digne d’être placée sous la houlette du signe de la Vierge, et plus encore quand on sait que cette plante peut vaincre le venin des serpents, et que, répandue sur le sol, elle peut les faire fuir, ce qui nous fait parvenir au dernier point, celui consacré à la chasteté, le serpent étant une image phallique évidente. De plus, d’après Pline, la kalaminthê s’opposerait à la venue des rêves érotiques, et passerait pour possiblement anaphrodisiaque (à la manière des menthes durant l’Antiquité, avec lesquelles la kalaminthê partage bien plus qu’un point commun). Enfin, dernier point, la stérilité. « Cette dernière propriété est à rapprocher d’un des attributs du signe de la Vierge, qui, selon Vetius Valens, est ‘un signe double, stérile, affranchi, impropre à toute génération’. Enfin, le mot kala-minthê ne pouvait manquer d’évoquer aussi chez les Grecs le mythe de la nymphe Minthê vouée à une chasteté et à une stérilité éternelle » (4). Au sujet de cette figure mythologique, veuillez vous en référer à l’article portant sur les menthes en général.

Le calament officinal est une plante vivace aux racines rampantes et ligneuses qui s’érige, à l’aide de tiges rameuses, à pas loin de 50 cm de hauteur au grand maximum. Les feuilles, opposées, comme c’est typiquement le cas chez les Lamiacées, sont brièvement attachées aux tiges par de courts pétioles. Plus ou moins ovales, irrégulièrement dentées en scie, elles présentent la particularité d’être perforées comme celles du millepertuis. Vert foncé au-dessus, ces feuilles sont pour la plupart vert grisâtre sur leur face inférieure, ce qui, avec le caractère velu du calament, donne à cette plante une allure quelque peu poussiéreuse. Les fleurs, venant tardivement au mois de juillet, étalent leur floraison aux derniers mois de l’été, mais également aux toutes premières semaines de l’automne : j’ai cueilli du calament officinal en fleurs pas plus tard qu’il y a deux mois. Violettes, purpurines ou rose pâle, ces fleurs pédonculés et axillaires, de 2 cm de long, possèdent une « corolle dont le tube dépasse largement le calice, à lèvre supérieure échancrée et plus large que les trois divisions de la lèvre inférieure » (5).

Occupant une très large répartition, le calament officinal peuple une bonne partie de l’Europe (en sa partie sud surtout), de l’Asie occidentale et de l’Afrique du Nord. Dans toutes ces zones, elle fréquente surtout les sols essentiellement calcaires, formant ces lieux secs, rocailleux et montueux, les bordures de chemins, les lisières de forêts (sans jamais pénétrer à l’intérieur, sauf s’il s’agit de bois clairs et aérés), les zones buissonneuses et pâturées.

Le calament officinal en phytothérapie

Déposer comme ça, à brûle-pourpoint, que l’aromatique calament s’approche de la menthe par son parfum, c’est un peu court, c’est un peu bref, et ça ne prend pas. Son parfum, très agréable, est constitué d’une douceur balsamique pénétrante qui rappelle effectivement la menthe. Mais laquelle ? Le calament n’a pas les accents mentholés, forts et enivrants, de la menthe des champs, non plus que de la menthe poivrée. Il n’a rien de citronné comme la mélisse ou encore la menthe bergamote. L’on sent bien une menthe quand on froisse les feuilles du calament, peut-être une menthe verte, voire une menthe pouliot, en tous les cas quelque chose d’assez lourd et de robuste, contenant très probablement quelques cétones (à la matière de Calamintha incana, autre calament dont l’huile essentielle affiche entre autres choses de la pipéritone à l’analyse). Quelques informations, bien maigres, semblent avancer la présence de pulégone (molécule qui doit son nom au pouliot) au sein de l’huile essentielle de calament officinal que cette plante n’offre qu’en de toutes petites quantités (0,35 %). Cette dernière est peut-être comparable à la composition de l’huile essentielle de Calamintha pamphylia, contenant majoritairement de la pulégone (36 à 38 %) et de l’acétate de menthyle (10 à 28 %). Nous n’en sommes pas loin : le principal constituant biochimique de l’huile essentielle de calament officinal, c’est, non pas la pulégone, mais la carvone, plus exactement la même que l’on trouve en masse dans l’huile essentielle de menthe verte, c’est-à-dire la L-carvone. Il n’est donc pas totalement faux de dire que le calament officinal rappelle le parfum de la menthe. Ces quelques données demeurent du domaine de l’anecdote, puisque l’huile essentielle de calament officinal est quasi introuvable. Nous nous contenterons donc des feuilles et des fleurs, soit des sommités fleuries, et ce sera déjà pas mal vu les propriétés que cette belle plante oubliée sait prodiguer.

Propriétés thérapeutiques

  • Stimulant énergique, tonique, excitant
  • Digestif, stomachique, carminatif, vermifuge (?)
  • Expectorant, anticatarrhal
  • Sudorifique, fébrifuge
  • Antispasmodique
  • Vulnéraire
  • Emménagogue (?)
  • Astringent léger

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : indigestion, atonie digestive, ensommeillement après repas, spasmes intestinaux, douleur gastrique, aérophagie, flatulence
  • Troubles de la sphère pulmonaire + ORL : catarrhe pulmonaire chronique, rhume, toux, infections respiratoires bénignes, asthme, « phtisie », bourdonnements d’oreilles
  • Hoquet
  • Troubles de la sphère gynécologique : aménorrhée
  • Défaillance, syncope, vertige
  • Migraine, maux de tête d’origine nerveuse

Modes d’emploi

  • Infusion de sommité fleuries sèches ou fraîches.
  • Décoction de sommités fleuries sèches ou fraîches dans du vinaigre avec adjonction de miel.
  • Décoction dans le vin blanc : « bouilli dans du vin blanc, il passait pour guérir infailliblement la mélancolie, d’où son nom populaire de ‘Wohlgemut’ (Bonne-humeur) » que lui accordèrent nos amis allemands (6), plus au fait des propriétés thérapeutiques du calament que nous autres Français.
  • Teinture alcoolique simple ou composée (= eau d’arquebusade, un vulnéraire tombé depuis longtemps en désuétude).
  • Sirop.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Récolte : autrefois, sans que j’en saisisse bien la raison, l’on conseillait de cueillir le calament avant le 21 août. Il est bien possible d’étendre cette activité tant que dure la floraison de cette plante. C’est ce à quoi je me suis livré la semaine du 15 octobre dans la Drôme, où j’ai croisé un petit gisement de cette plante à 800 m d’altitude.
  • Séchage : aussi simple et facile que celui de la menthe, et, de plus, excessivement rapide (dans de bonnes conditions – au sec et à l’ombre – il faut compter 4 à 5 jours). On peut pendre les rameaux sur des fils ou bien les placer bien à plat sur une claie si l’on dispose d’assez d’espace. Une fois sec, le calament se conserve parfaitement bien si on le garde de la lumière et de l’humidité. Ainsi, cela garantit tant son parfum que son utilité thérapeutique.
  • Il a été signalé la (neuro)toxicité de l’huile essentielle de calament officinal. Vu le peu que l’on sait au sujet de sa composition, l’on s’en doutait un peu, les cétones qu’elle contient pouvant amener des accidents convulsifs. On n’utilisera donc pas cette plante, même par le biais de la phytothérapie, durant la grossesse.
  • Autres espèces : – Le clinopode (Calamintha clinopodium), alias basilic sauvage, grand origan des haies ou encore « pied de lit », en raison « de ses fleurs en verticilles entassés et arrondis, imitant très bien une roulette de pied de lit » (7). – L’acinos (Calamintha acinos), petite plante maigre et annuelle, assez semblable au serpolet, très peu usité en phytothérapie. – Le calament népéta (Calamintha nepeta), à ne pas confondre avec la cataire ou herbe à chat (Nepeta cataria). – Le calament alpestre (Calamintha alpina). – Le calament à grandes fleurs (Calamintha grandiflora). Bien qu’on le dise « thé d’Aubrac », on le croise par ailleurs : je l’ai vu dans le nord de l’Isère en septembre dernier cf. photo ci-dessous).

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  1. Guy Ducourthial, Flore magique et astrologique de l’Antiquité, p. 424.
  2. Ibidem, p. 427.
  3. Ibidem.
  4. Ibidem, p. 428.
  5. François-Joseph Cazin, Traité pratique et raisonné des plantes médicinales indigènes, pp. 219-220.
  6. Paul-Victor Fournier, Dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France, p. 199.
  7. Joseph Roques, Nouveau traité des plantes usuelles, Tome 3, p. 140.

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Calament à grandes fleurs (Calaminbtha grandiflora)

La menthe bergamote (Mentha citrata)

Synonymes : menthe citronnée, menthe Cologne, menthe chartreuse, basilic vivace.

Visible à l’état sauvage en Amérique du Nord ainsi qu’en Europe, la menthe bergamote n’est pas la plus populaire des menthes : à côté d’elle, l’on trouve la menthe-pomme partout, par exemple. Mais, dès lors qu’on pénètre dans l’enceinte sacrée de l’aromathérapie, il n’y a pas de place pour toutes, rares étant les boutiques spécialisées qui proposent plus de cinq huiles essentielles de menthes différentes. Parfois, la menthe bergamote fait partie des heureuses élues.

Notre citrata, aux tiges roides et quadrangulaires, est une menthe intégralement glabre, à l’exception de la bordure des pétioles et de la nervure médiane des feuilles, qui sont assez rondes, voire ovales, parfois cordiformes, larges et aiguës en leur extrémité, d’un beau vert luisant émaillée de pourpre violacée sur leur bordure.

Les fleurs compactées en deux ou trois verticilles denses s’épanouissent généralement durant l’été.

La menthe bergamote est cultivée en plusieurs pays dont l’Italie, l’Inde, les États-Unis, mais également en France (Bretagne, près de Gérardmer dans les Vosges : cf. La ferme du bien-être).

La menthe bergamote en aromathérapie

Bien moins fréquente que menthe des champs et menthe verte, la menthe bergamote est aussi rarissime dans la nature. Si son huile essentielle provient essentiellement de plantes cultivées, elle fait moins souvent partie de l’offre aromatique que les deux sus-citées, et que de l’incontournable menthe poivrée, dont elle passe parfois pour une variété, qui ne contient rien de ce qui caractérise les autres huiles essentielles de menthe, à savoir du menthol, du menthone, de la carvone ou encore du limonène, ce qui n’est pas sans poser problème, surtout pour cette dernière molécule puisque la menthe bergamote est dite citronnée. Mais comment son parfum pourrait-il bien l’être alors que cette huile essentielle ne contient pas un atome de cette molécule ? (On s’en rendra compte avec les données chiffrées qui exposeront la composition biochimique de cette huile essentielle.) Incolore la plupart du temps, l’huile essentielle de menthe bergamote est fraîche mais non piquante et laisse dans les fosses nasales une agréable odeur que l’on peut effectivement croire quelque peu citronnée, du moins hespéridée. Cette fraîcheur semble émaner du linalol qu’elle contient en assez belle quantité, qui plus est couplé à bien plus encore d’acétate de linalyle, ce qui pourrait faire imaginer que le parfum de l’huile essentielle de menthe bergamote entretient quelques similitudes avec celui de la lavande fine, accordant une odeur lavandulée à sa substance aromatique, ce qui n’est pas le cas, le linalol présent dans l’huile essentielle de menthe bergamote étant de même nature que celui que l’on trouve dans l’huile essentielle de coriandre « graines », mais différent de beaucoup du linalol présent dans la lavande, le bois de rose, etc. (Il existe le D-linalol, mais également le R-linalol, le A-linalol, le S-linalol, et à chacun correspond une odeur précise.) Cela explique en définitive que la menthe bergamote ne sente pas la lavande, et encore moins la bergamote !

  • Esters : 43,5 % dont acétate de linalyle (40 %)
  • Monoterpénols : 34 % dont linalol (30 %), α-terpinéol (2 %)
  • Oxydes : 10 % dont 1.8 cinéole (9 %)
  • Monoterpènes : 6 %
  • Sesquiterpénols : 4,5 % dont élémol (2,5 %)
  • Sesquiterpènes : 2,5 %

Propriétés thérapeutiques

  • Anti-infectieuse : antibactérienne, antifongique, antivirale
  • Stimulante pancréatique, protectrice hépatique et pancréatique
  • Anesthésiante locale, antinociceptive, anti-inflammatoire
  • Antispasmodique puissante
  • Rééquilibrante du système neurovégétatif
  • Régulatrice du rythme cardiaque
  • Tonique sexuelle (testiculaire et ovarienne)
  • Euphorisante
  • Revitalisante physique et psychique, équilibrante nerveuse, sédative et calmante du système nerveux

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : atonie des voies digestives, inappétence, digestion lente et laborieuse, lourdeur après les repas, dyspepsie, aérophagie, ballonnement, flatulence, fermentation intestinale avec colique douloureuse, colique, spasmes digestifs, colite spasmodique, syndrome du côlon irritable, nausée, vomissement, vomissement nerveux, parasitose intestinale (vers), mauvaise haleine, désordres digestifs des gastralgiques, des hystériques, des nerveux, des affaiblis et de la grossesse.
  • Troubles de la sphère hépatobiliaire : insuffisance hépatique et pancréatique, colique hépatique
  • Troubles de la sphère respiratoire : toux spasmodique, coqueluche
  • Troubles de la sphère cardiaque : tachycardie, palpitations
  • Troubles de la sphère vésico-rénale : cystite, prostatite
  • Troubles de la sphère génitale : asthénie sexuelle, impuissance et fatigue sexuelle masculine, insuffisance ovarienne
  • Troubles du système nerveux : insomnie et autres troubles du sommeil, stress ; tonifie et revitalise en cas de surmenage, d’épuisement mental et physique, d’asthénie physique et/ou intellectuelle, de burn out, de dépression

Modes d’emploi

  • Huile essentielle par voie cutanée diluée, par voie orale sur avis médical, par dispersion atmosphérique, olfaction et inhalation.

Note : étant donné que la menthe bergamote est vendue chez les pépiniéristes, il est parfaitement envisageable d’installer un pied de cette plante au jardin, puis d’en récolter les feuilles, afin de leur faire jouer le même rôle qu’aux feuilles de menthe des champs ou encore de menthe verte, c’est-à-dire :

  • Infusion aqueuse ou vineuse de la plante fraîche comme sèche.
  • Décoction aqueuse ou vineuse de la plante fraîche comme sèche.
  • Macération acétique de la plante fraîche.
  • Poudre (dans un véhicule adapté : une cuillerée de miel, par exemple).

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Récolte : toutes les menthes se récoltent avant leur floraison, jamais après, car à ce moment crucial, l’essence aromatique est à son maximum dans le feuillage de ces plantes. De plus, une récolte trop tardive nous exposerait à cueillir une menthe dont les feuilles les plus radicales seraient abîmées, voire jaunies.
  • Séchage : pourvu qu’il se réalise à l’ombre, au sec et dans un local relativement bien aéré, il n’a rien de sorcier. L’on peut suspendre les tiges entières, que l’on effeuille au bout de cinq à six jours, quand elles craquent sous les doigts. Une dessiccation bien menée assure une bonne conservation du parfum et des propriétés thérapeutiques de la menthe.
  • Toxicité : cette huile essentielle est beaucoup plus facile à utiliser que les deux autres que nous avons précédemment passées en revue (menthe des champs, menthe verte). Hormis prêter attention à son usage durant les trois premiers mois de la grossesse, je ne vois pas trop ce qu’on pourrait bien lui « reprocher » de plus.
  • La menthe est relativement sollicitée à travers de nombreuses fonctions relevant de la savonnerie, de la cosmétique et des produits d’hygiène (dentifrices, gommes à mâcher, etc.), comme agent de sapidité dans de nombreuses spécialités pharmaceutiques. Le surnom de menthe eau de Cologne qu’on attribue à la menthe bergamote indique sans l’ombre du moindre doute l’affection que lui porte l’industrie de la parfumerie.
  • En cuisine, crue comme cuite, la menthe fait des merveilles comme herbe condimentaire dans les salades de légumes (la salade niçoise, par exemple), de céréales (le taboulé !) ou encore de légumineuses (petits pois), dans les sauces (comment ne pas citer la sauce à la menthe qui accompagne le gigot rôti de Pâques en Angleterre ?), les soupes (à la tomate, aux pois cassés, au potiron), les plats dits « exotiques », les desserts (crème, sorbet, glace), les boissons (vin, sirop, thé à la menthe maghrébin), etc. On dit habituellement que la menthe culinaire se doit d’être la menthe verte, mais l’on peut très bien faire intervenir la menthe poivrée, la menthe citronnée ou encore la menthe des champs, la matière première végétale que l’on peut localiser dans son périmètre immédiat jouant aussi son rôle.
  • Des pommes frottées du suc frais de la menthe se gardent de la pourriture.
  • Autres espèces : la menthe aquatique (M. aquatica), la menthe sylvestre (M. longifolia), la menthe des cerfs (M. cervina), la menthe cultivée (M. sativa), la menthe à feuilles rondes ou menthe-pomme (M. rotundifolia), la menthe gracile (M. gentilis), la menthe odorante (M. suaveolens), etc.

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L’huile essentielle de menthe verte (Mentha spicata)

Synonymes : on distingue la menthe en épis (Mentha spicata) de sa variété, la menthe verte, Mentha spicata var. veridis. Parfois, l’on croise tantôt Mentha spicata, tantôt Mentha veridis : il s’agit bien de la même plante, et non de deux végétaux distincts. De manière plutôt indifférenciée, ces deux types de menthes dites spicata portent pléthore de synonymes dont voici les plus courants observables dans la littérature : menthe commune, menthe romaine, menthe marocaine, menthe nanah, menthe douce, menthe baume, baume vert, baume frisé, menthe crépue, menthe crispée.

Probablement originaire du bassin méditerranéen, la vivace menthe verte au parfum suave et pénétrant (moins agressif que celui de la menthe poivrée cependant) passe pour un hybride né de l’union de la menthe à feuilles rondes ou menthe-pomme (M. rotundifolia) et de la menthe sylvestre (M. longifolia), ce qui fait qu’on devrait lui attribuer un x pour signaler ce statut : Mentha x spicata.

D’abondants rhizomes très ramifiés prennent possession des terres fraîches et humifères, et poussent hors du sol des tiges nombreuses, également très rameuses, sur lesquelles se déploient quantité de feuilles vert clair franc, glabres, assez fines, allongées et aiguës en leur extrémité, profondément et inégalement dentées en scie, sessiles ou presque, et dont les nervures du limbe ne forment pas de réseau comme on peut le voir chez la menthe poivrée. Ces feuilles « cloquées », « crépues », « crispées », sont couvertes, à la face inférieure du limbe, de « poils » dont la mission est de sécréter une essence aromatique.

D’août en octobre, les sommités de la menthe verte se couvrent d’épis allongés de petites fleurs terminales groupées en verticilles, de couleur blanche ou bien rosée, marquées d’une teinte rougeâtre ou violacée.

Fréquentant les lieux humides de façon subspontanée, la menthe verte est avant tout cultivée en grand dans de nombreux pays : en Asie (Inde, Chine), en Afrique (Égypte, Maroc), en Europe (Angleterre, pourtour septentrional de la mer Méditerranée), aux États-Unis (où elle porte le nom de spearmint, de l’anglais spear, « harpon » ; non qu’elle soit particulièrement « piquante », cette huile essentielle sait cependant agripper celui qui la renifle).

La menthe verte en phyto-aromathérapie

Tout comme sa sœur des champs, la menthe verte réussit haut la main l’épreuve de la distillation à la vapeur d’eau. Ce procédé permet de produire une substance liquide, mobile, incolore à jaune pâle ou bien encore vert jaunâtre très clair. Comme les sommités fleuries de la menthe verte se prêtent à cet exercice, elles forment une huile essentielle un peu mentholée, douce et quelque peu épicée, fraîche mais sans excès, contenant beaucoup de verdeur chlorophyllienne. Selon si elle est plus ou moins généreuse, elle offre un rendement compris entre 0,5 et 2,5 %. Observons maintenant les données chiffrées suivantes. Afin de présenter biochimiquement au mieux l’huile essentielle de menthe verte, j’ai volontairement opté pour trois lots : les deux premiers, en provenance d’Inde et du Maroc, présentent de fortes similitudes, et se démarquent très nettement du troisième, originaire du département des Vosges. Vous allez ainsi pouvoir observer des unes à l’autre de très fortes disparités :

Comme nous le constatons, ces trois huiles essentielles-là ne contiennent aucune quantité significative de menthol, or elles sont toutes identifiables, olfactivement parlant, comme étant des huiles essentielles de menthe (quand bien même on ne parviendrait pas à déterminer exactement lesquelles). Ici, la molécule qui accorde sa signature odoriférante évidente à l’huile essentielle de menthe verte, ça n’est pas le menthol, mais cette cétone, la L-carvone, qui tire son nom du carvi, et pour cause, l’huile essentielle de carvi en contenant également (comme nous l’avons naguère vu ici). Pourtant, les huiles essentielles de carvi et de menthe verte ne possèdent absolument pas le même parfum, alors qu’elles contiennent chacune 50 à 60 % de cette molécule. Pourquoi ? Parce que cela tient au sens de rotation : la carvone du carvi est dextrogyre, alors qu’elle est lévogyre chez la menthe verte (d’où le L placé avant le mot carvone), et c’est justement pour cette raison que cette huile essentielle ne peut pas sentir le carvi, et encore moins le citron malgré une assez belle proportion de limonène : il importe encore de préciser que cette molécule est affectée du même phénomène : le limonène du citron est dextrogyre (D-limonène), tandis que le limonène de la menthe verte est lévogyre (L-limonène). Dans les bulletins d’analyse, par économie sans doute, ces informations n’apparaissent que très rarement, ce qui fait que nous faisons face à des carvones et à des limonènes, sans qu’on sache qu’en réalité ils sont de deux types et que selon ce qu’ils sont, ils influent massivement sur le parfum global d’une huile essentielle donnée.

A cette première curiosité, s’en additionne une seconde : l’anosmie à la L-carvone (anosmie, du privatif a-, et du grec osmê, « odeur »). On estime à 8 % la portion de la population qui ne perçoit pas le parfum de cette molécule. Comme elle forme 40 à 65 % de la masse moléculaire de l’huile essentielle de menthe verte, autant dire que ces 8 % se retrouvent face à un produit qui ne sent absolument pas la menthe, mais tout autre chose, c’est-à-dire un profil moléculaire duquel on retranche les 2/3 de son identité au maximum, et résiduellement constitué de monoterpènes (25 %), d’oxydes (2 à 10 %) et de sesquiterpènes (5 à 15 %).

A l’inverse, l’huile essentielle de menthe poivrée peut rétablir l’odorat après certaines anosmies.

Propriétés thérapeutiques

  • Apéritive, digestive, stomachique, carminative
  • Stimulante hépatique, cholérétique, cholagogue
  • Décongestionnante des voies respiratoires, mucolytique, expectorante
  • Antispasmodique
  • Anti-inflammatoire, analgésique
  • Anti-infectieuse : antibactérienne sur germes Gram + et Gram – (Bacillus subtilus, Bacillus cereus, Micrococcus luteus, Staphylococcus aureus), antifongique (Klebsellia pneumoniae, Serratia marcescens), antiseptique
  • Insectifuge
  • Tonique, stimulante
  • Sédative, calmante du système nerveux, enzymatique au niveau du système nerveux, neurotrope
  • Cicatrisante
  • Rafraîchissante
  • Excitante génitale, emménagogue (1)

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : digestion lente et laborieuse, atonie des voies digestives, dyspepsie, lourdeur après les repas, inappétence, ballonnement, tympanite, aérophagie, flatulence, fermentation intestinale avec colique douloureuse, intoxication gastro-intestinale, mauvaise haleine, mauvaise haleine des dyspeptiques, spasmes gastro-intestinaux, vomissement, vomissement nerveux, nausée, mal de mer, cholérine, colique, lientérie, gastralgie non inflammatoire, désordres digestifs des gastralgiques, des hystériques, des nerveux, des affaiblis et de la grossesse, parasites intestinaux (vers), hoquet
  • Troubles de la sphère respiratoire : encombrement des voies respiratoires, bronchite aiguë, chronique, muco-purulente, catarrhe bronchique, inflammation des bronches et du larynx, rhume, toux spasmodique, coqueluche, asthme, enrouement refroidissement, fièvre légère et simple
  • Troubles de la sphère hépatobiliaire : cholestase, colique hépatique
  • Troubles de la sphère gynécologique : dysménorrhée, leucorrhée, stopper la sécrétion lactée, engorgement laiteux, douleurs spasmodique du l’utérus
  • Affections bucco-dentaire : gingivite, stomatite
  • Affections cutanées : petite plaie, prurit avec démangeaison, ulcère atonique, contusion, enflure, ecchymose, gale
  • Troubles locomoteurs : rhumatisme, crampe, tremblements, névralgie (nerf sciatique)
  • Troubles du système nerveux : insomnie et autres troubles du sommeil, stress, inquiétude, agitation, dépression nerveuse
  • Étourdissement, vertige, évanouissement, malaise, syncope
  • Migraine, migraine des gastralgiques, maux de tête, névralgie faciale
  • Douleur spasmodique de la vessie
  • Palpitations
  • Éloigner les insectes (mouches, moustiques, puces)

Modes d’emploi

  • Infusion aqueuse ou vineuse de la plante fraîche comme sèche.
  • Décoction aqueuse ou vineuse de la plante fraîche comme sèche.
  • Macération acétique de la plante fraîche.
  • Macération huileuse et solaire de la plante fraîche.
  • Teinture alcoolique de la plante fraîche.
  • Sirop.
  • Poudre (dans un véhicule adapté : une cuillerée de miel, par exemple).
  • Baume (à l’exemple du baume du tigre ou apparenté) : dilution de l’huile essentielle de menthe verte dans une suffisante quantité de cire végétale, de vaseline, de glycérine végétale (1 %).
  • Cataplasme de la plante fraîche contuse.
  • Huile essentielle : par voie cutanée diluée (à privilégier), par voie orale (sous certaines conditions et avec l’avis d’un thérapeute), en inhalation et en olfaction.
  • Hydrolat aromatique : par vaporisation, compresse, etc.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Récolte : toutes les menthes se récoltent avant leur floraison, jamais après, car à ce moment crucial, l’essence aromatique est à son maximum dans le feuillage de ces plantes. De plus, une récolte trop tardive nous exposerait à cueillir une menthe dont les feuilles les plus radicales seraient abîmées, voire jaunies.
  • Séchage : pourvu qu’il se réalise à l’ombre, au sec et dans un local relativement bien aéré, il n’a rien de sorcier. L’on peut suspendre les tiges entières, que l’on effeuille au bout de cinq à six jours, quand elles craquent sous les doigts. Une dessiccation bien menée assure une bonne conservation du parfum et des propriétés thérapeutiques de la menthe.
  • Toxicité : la L-carvone, bien qu’elle soit une cétone monoterpénique, fait partie de ces molécules les moins délicates à employer, équivalent à la verbénone en terme de potentiel toxique. Sa toxicité par voie orale est assez faible, plus faible encore par les voies cutanée, rectale et vaginale. Pour preuve, l’huile essentielle de menthe verte n’est pas inscrite sur la fameuse liste qui recense une poignée d’huiles essentielles placées sous monopole pharmaceutique (armoise vulgaire, absinthe, sauge officinale, hysope officinale, etc.).
  • Voici maintenant dans quels cas précis il est préférable de ne pas employer cette huile essentielle : – règles trop abondantes ; – antécédent neurologique (épilepsie) ; – on évitera cette huile essentielle chez l’enfant de moins de 7 ans et durant les trois premiers mois de grossesse (la grosse fraction de cétones monoterpéniques contenue dans cette huile essentielle rappelle, en général, le caractère neurotoxique et potentiellement abortif des huiles essentielles qui en contiennent).
  • La menthe est relativement sollicitée à travers de nombreuses fonctions relevant de la parfumerie, de la savonnerie, de la cosmétique et des produits d’hygiène (dentifrices, gommes à mâcher, etc.), comme agent de sapidité dans quantité de spécialités pharmaceutiques.
  • Elle trouve aussi toute sa juste mesure en confiserie, en liquoristerie, ainsi que dans l’industrie des boissons rafraîchissantes.
  • En cuisine, crue comme cuite, la menthe fait des merveilles comme herbe condimentaire dans les salades de légumes (la salade niçoise, par exemple), de céréales (le taboulé !) ou encore de légumineuses (petits pois), dans les sauces (comment ne pas citer la sauce à la menthe qui accompagne le gigot rôti de Pâques en Angleterre ?), les soupes (à la tomate, aux pois cassés, au potiron), les plats à dits « exotiques », les desserts (crème, sorbet, glace), les boissons (vin, sirop, thé à la menthe maghrébin), etc. On dit habituellement que la menthe culinaire se doit d’être la menthe verte, mais l’on peut très bien faire intervenir la menthe poivrée, la menthe citronnée ou encore la menthe des champs, la matière première végétale que l’on peut localiser dans son périmètre immédiat jouant aussi son rôle.
  • Des pommes frottées du suc frais de la menthe se gardent de la pourriture.
  • Autres espèces : la menthe aquatique (M. aquatica), la menthe des cerfs (M. cervina), la menthe cultivée (M. sativa), la menthe gracile (M. gentilis), la menthe odorante (M. suaveolens), etc.

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  1. « La menthe crispée est tellement emménagogue que, selon Bodart, son huile essentielle a souvent causé des hémorragies utérines », François-Joseph Cazin, Traité pratique et raisonné des plantes médicinales indigènes, p. 581.

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