Le coq et ses symboles

Katsushika Hokusai (1760-1849), Coq, poule et poussin, avec décor de misère (Tradescantia). Vers 1830-1833.

Il y a quelques semaines, le chant de la grenouille nous avait ramenés auprès des contes de notre enfance. De la mare située là-bas, au-delà du chemin, s’élevaient encore ce matin les voix cacophoniques de ces animaux dont nous avons montré l’évidente relation à l’astre diurne. Non loin de là, un autre chant – faut-il parler de cri ? – plus sporadique, fait entendre ses quatre syllabes, onomatopée fort célèbre, plus encore que le brekekekex koax koax d’Aristophane : coco, coco, cocorico (dont est issu le mot coq, apocope si l’on veut, du cri de l’animal, comme si, chez lui, tout ne se résumait qu’à cela). C’est là une forme écrite issue du bas latin coccus attesté dès le VIe siècle après J.-C. Un coup d’œil au clocher de l’église visible depuis le lieu où j’écris ces lignes me confirme qu’à son sommet ne s’y trouve pas le coq métallique que, parfois, l’on y voit juché (c’est surtout l’apanage des églises dédiées à saint Pierre). Ce symbole fort rappelle que le coq a autant à voir avec le temps – il joue le rôle d’horloge de par sa fonction de marqueur temporel (tout en tenant compagnie à celle qu’on voit souvent en haut des clochers), mais aussi avec l’espace : sa position élevée (qui semble être le reflet de la supériorité du spirituel sur le temporel) oscille au gré des vents : on peut le croire jouet des vents facétieux, ce qui ferait du coq un animal inconstant, mais cela ne lui permet-il pas d’embrasser le paysage d’un seul coup d’œil circulaire ? Le coq du clocher et celui qui projette son puissant cri dans la basse-cour (au contraire du sempiternel caquetage des poules) sont aussi les témoins de lieux particuliers, à dominante campagnarde, que d’un temps qui ne fonctionne pas de la même façon qu’en ces endroits où rugissent les klaxons et le vacarme de la Grande Cité.

La girouette (le weathercock anglais souligne bien le rapport que possède cet instrument avec la météo) surmontée d’un coq, permet donc à ce dernier de diriger son regard perçant dans toutes les directions. En tous les cas, il est de bonne compagnie avec la cloche dont l’airain sonore joue peu ou prou le même rôle que lui : depuis un peu avant l’an 1000, l’on considère que cette association chasse les démons, les mauvais esprits et tout un tas d’autres calamités (tonnerre, brouillard, maladies et fièvre, animaux « malfaisants » : souris, serpent, etc.). Le principal pouvoir du coq, c’est bien celui-ci : écarter les puissances infernales, les faire même disparaître, grâce à son chant qui est la manifestation de la diurnité divine et solaire qui va bientôt éblouir le monde de toute sa splendeur. L’ombre s’efface devant la lumière et ne se projette jamais en elle : il n’existe pas de rayon d’ombre. Annonciateur de l’initiation salvifique, le coq propulse son cri au point du jour, héraut du soleil qui annonce la fin de la nuit et le début de l’aube. Ce salut adressé au soleil, évident signe de joie, est censé marquer l’instant où l’ardeur et la foi doivent se ranimer. Il faut reprendre l’ouvrage, appeler le juste à la prière, secouer les dieux, réveiller l’humanité en la libérant des rets du sommeil. Le cri du coq, c’est la constante « vigilance de l’âme attentive à percevoir dans les ténèbres finissantes de la nuit les premières clartés de l’esprit qui se lève »1. Parce que lumière, le coq est aussi intelligence comme le souligne le livre de Job2. A cette clarté de l’esprit s’allie la blancheur du jour. Sans qu’on s’explique bien pourquoi cette prodigieuse capacité, le coq blanc est capable de mettre en fuite cet autre symbole solaire qu’est le lion. On a associé à la crête du coq le même symbolisme que celui de la crinière du lion : dans les deux cas, il est question de couronne, d’un attribut qui marque la primauté et la royauté. Les chroniqueurs médiévaux expliquaient ce pouvoir par le fait que le coq blanc mettrait en fuite des démons à l’allure de lion (à la suite, cela aurait concerné tous les lions, quels qu’ils soient). « Au crépuscule, quand le coq se tait, vient la nuit et son cortège de démons malfaisants : la nuit est noire, le coq est blanc »3. Peut-on voir dans cette image la persistance d’une infime fraction lumineuse dans le plus sombre des abymes ? Quand tout paraît inextricablement compliqué, ne subsiste-t-il pas une once d’espoir et de courage ? Maints lieux et époques reconnurent dans le coq un symbole solaire : par exemple, le dieu crétois Velchanos, apparenté à Zeus, possède un coq comme emblème. Lorsque Léto, enceinte des œuvres du même Zeus, accouche d’Artémis et d’Apollon (qui est un symbole de la lumière naissante), un coq se tient non loin. Au Japon, des offrandes, des incantations, le chant d’un coq sont censés rappeler la déesse du soleil Amaterasu qui est allée se terrer dans la grotte céleste Ame no Iwato. Cela assurerait le moyen de ré-insuffler de l’énergie au soleil au moment crucial du solstice hivernal (en quelque sorte, un sol invectus extrême-oriental). Associer le soleil au coq, c’est assurément faire entrer la protection dans toutes les maisons : on disait de bon présage le fait de voir un coq se promener dans la salle commune des fermes, plus sûr garant de la joie et du bonheur des habitants. Et si pas de coq en chair et en os, l’image de cet animal dessinée sur la porte d’une maison la protège des énergies pernicieuses.

Boîte en bouleau à décor de coq et de soleil.

Si jamais l’on doit quitter le domicile, voici comment l’on procède dans les pays slaves : on fabrique de petites boîtes en écorce de bouleau, que l’on remplit de pois secs ou de graines de pin, et dont on orne ensuite le couvercle d’un coq. La fonction de cet objet, une fois passé au cou, est très simple : on l’agite dès qu’on se sent en proie à une émotion un peu trop pénible, le bruit provoqué par la boîte permettant de mettre en fuite les esprits malicieux. Il va sans dire que les principaux symboles – coq et bouleau – n’ont pas été choisis au hasard : l’arbre tout comme l’animal sont des emblèmes de la lumière solaire. Aux deux symboles présents sur cet objet, l’on peut rajouter les deux couleurs que sont le rouge et le doré qui viennent davantage renforcer la valeur de protection de ce talisman. Pas étonnant qu’en Perse l’on ait laissé les coqs se balader en liberté dans les cimetières (pour briser la nuque à quelque démon en goguette) ou pour en chasser les vampires (Roumanie). Dans la Materia medica, Dioscoride écrivait que « la décoction de coq dissout les humeurs noires, crues, grosses, visqueuses »4. Que disais-je ? Que le coq est un repoussoir à ordures, un débordoir à saletés louches et malsaines ! Cela explique son caractère sacré dans bien des endroits du monde (que nous avons déjà nommés et quelques autres : Inde, Italie, etc.).

Poursuivons donc l’inventaire des aspects favorables qu’on a associés au coq au fil du temps (en Chine, l’idéogramme ki signifie tout à la fois « coq » et « de bon augure »). Bien qu’il soit parfois considéré comme ridicule lorsqu’il grattelle son tas de fumier, ce n’est pas toujours qu’une bête occupation : en effet, on prétend que le coq y enterre ses perles, c’est-à-dire les œufs qu’il pond. C’est à son jabot et à sa crête rouge qu’on reconnaît cet animal si hardi qu’il est admirable pour protéger ses poules – « dormez tranquilles ; après tout, je suis là pour vous défendre », les rassure Chantecler5 – en particulier contre plus fort que lui : les chroniques médiévales le croyaient assez puissant pour mettre en déroute le lion comme on l’a vu, mais aussi le loup. En vrai, un coq peut parfaitement réussir à mettre en fuite un renard ou un faucon. Courageux comme un coq, à l’inverse de la poule (mouillée) symbole de couardise (mais qui n’a jamais vu une maman poule, « mère Courage et ses enfants » ?). Si le coq agit ainsi, c’est non seulement en raison de l’affection qu’il porte à ses poules, sa largesse généreuse en faisant un symbole de la bonté. Non, c’est qu’il a aussi un rang à tenir : la poltronnerie ne peut se combiner à une crête arrogante irriguée de sang, des barbillons tout aussi écarlates, des ergots acérés (pour monter sur ses grands chevaux, c’est mieux), un plumage caudal qui ne manque pas de panache ! Sans cela, comment donc le coq pourrait-il être fier comme un pou6 ? Attirer tous les regards, les jeunes coqs savent faire, les vieux (beaux) un peu moins. Et il est vrai qu’à cette fierté s’associe souvent la séduction, parce que plus que la concupiscence, ce que recherche le coq, c’est surtout la convoitise qui peut dégénérer en jalousie en cas de concurrence : le coq, généralement non partageur, est prêt à défendre bec et ongles son harem face à la prétention d’un autre coq, d’où les combats fréquents, humiliants quelquefois, mortels de temps en temps. Quand le coq voit rouge, il développe effectivement une énergie de feu ! Normal, puisque le coq ardent qu’on livre aux combats est fort souvent dédié au dieu Mars (Arêos neottos). Ainsi sacrifiait-on un coq au dieu de la guerre afin de s’assurer la victoire dans la bataille. Les Lacédémoniens procédaient de la sorte. Peu avant la victoire de Marathon remportée par les Athéniens en 490 avant J.-C., Miltiade le Jeune fit assister les soldats à des combats de coqs afin d’en enflammer l’ardeur. Selon Johannes Goropius (1519-1573), les Danois emportaient deux coqs à la guerre, dont l’un d’eux avait pour fonction préliminaire d’exciter les hommes au combat. Parce qu’ils étaient particulièrement farouches à la bataille, les Cariens, ancien peuple d’Anatolie, étaient surnommés « coqs » par les Perses. Enfin, dans la mythologie grecque, on croise un personnage, Idoménée, qui, parce que descendant d’Hélios, portait un coq sur son bouclier, symbole guerrier que Pallas Athéna arborait sur son casque.

Les combats de coqs, dont l’Angleterre, l’Inde, l’Extrême-Orient sont très friands, étaient fort prisés également en France durant le XVIIe siècle, ce qui n’est pas rien à l’époque du Grand Siècle, où régna pour une bonne part pas moins que le Roi Soleil. Le jeu de mots aisé entre gallus (le coq) et Gallia (la Gaule) était facile et remonte à l’époque des Romains, mais ce n’est que plus tardivement, à la fin du Moyen âge, que le coq devint un des emblèmes des rois de France (et plus largement de la France elle-même). Plusieurs rois de France furent surnommés gallus : Charles VII (1403-1461), né à l’Hôtel Saint-Pol (!) à Paris, puis Louis XII (1462-1515) et Charles VIII (1470-1498). Au début du XVIe siècle, le coq se place, emblématiquement parlant, aux côtés de la couronne et de la fleur de lys. « Lucide, fier, courageux, attribut du Soleil, de Mars et de Mercure, emblème générique des anciens Gaulois, le coq est l’image même du roi de France »7.

Marc Chagall, En écoutant le coq (1944).

Sur une toile du peintre Marc Chagall (1887-1985), l’on voit un motif crucial et récurrent dans son œuvre : un coq. Cette toile de 1944 nous le montre rouge vif et flamboyant, en train de pondre un œuf. Or, ignore-t-on que lorsqu’il arrive à un coq de pondre un œuf… hum… il peut, si jamais cet œuf vient à être couvé par un crapaud ou un dragon, en naître un basilic, c’est-à-dire une terrifiante bestiole chimérique, coq serpentiforme à crête blanche (est-ce de ce « coq »-là que le lion s’effraie tant ?). Le basilic, qui n’est jamais que l’antithèse du coq, est une redoutable créature à côté de laquelle il est préférable d’avoir affaire à la coquecigrue, créature burlesque forgée par Rabelais à partir de morceaux de coq, de grue et probablement de cigogne. Le coq de Chagall n’a pas de rapport avec le basilic, tout au contraire il est la représentation de l’énergie universelle, celle-là même que la médecine traditionnelle chinoise fait circuler en partie dans le méridien du Rein, canal à la base de la force vitale et de l’énergie reproductrice. A ce méridien, régi par le principe de l’Eau, les Chinois ont fait correspondre le coq de l’astrologie chinoise. Ainsi, le coq astrologique et le méridien énergétique véhiculent-ils une commune énergie yang, l’autorité, le courage, le plein d’assurance (l’individu se transforme en véritable poule mouillée si l’énergie yin vient à sur-dominer). Selon l’astrologie chinoise, le type coq est doué de franchise (on n’imagine pas un coq timoré, le matin, au moment de sonner le réveil) et donc à une certaine forme de liberté (qui confine, il faut le dire, à la témérité parfois). Très intelligent, capable de beaucoup de vivacité pour se tirer d’affaire8, le coq chinois est reconnu pour son aptitude à la mémoire (sauf lorsque, vieillissant, affublé d’une mémoire de vieux coq, il devient oublieux au point de sauter du coq à l’âne). Comme il aime l’apparat, il étale sa vanité en faisant son coq. Par son caractère changeant (girouette, tiens !), il passe pour inconséquent. Par exemple, « prendre l’image du coq, qui manifeste sa superbe et vit au milieu d’un harem, est une façon de souligner qu’une fois l’hommage rendu à l’une de ses poules il se désintéresse totalement des conséquences de ses actes »9. Il n’est donc pas étonnant qu’on ait fait du coq un animal guerrier, car « notre agressivité, notre réactivité, notre fuite (adrénaline) ou bien notre calme [NdA : toutes qualités requises au combat] sont gérés par le Rein »10. Et quand le coq ne se bat pas, il met tout son caractère fougueux au service de sa grande ardeur sexuelle, cet animal polygame étant vu comme largement sensuel, au point, parfois, d’en devenir lubrique (certains auteurs médiévaux allèrent jusqu’à imaginer que, à l’issue d’un combat, le vainqueur s’autorisait à « couvrir » le vaincu pour finir d’asseoir sur lui sa domination). Mais ce que l’on retient, c’est avant tout la fécondité et la fertilité dont il est capable de faire preuve (d’ailleurs, par magie sympathique, les testicules de coq ont pour vocation, quand on les invite dans la confection d’une recette aphrodisiaque, de rendre à l’homme sa prime vigueur). Mais qu’il fasse chou blanc, et c’est l’explosion : ce non assouvissement du désir peut mener à une colère agressive et frustrée. C’est pourquoi, au Tibet, le coq, en particulier lorsqu’il est rouge, représente avec le serpent et le porc, l’un des trois poisons : ce coq rouge désigne l’excessif attachement, l’entrave du désir et de la convoitise, la soif inextinguible. A ces véritables détraquements symboliques, l’on peut ajouter les autres suivants : la poule qui chante comme un coq est de très mauvais présage, tandis que le coq qui pousse son cri, non pas à l’aube mais au crépuscule, annonce le décès d’une personne du voisinage, quand il ne se fait pas le relais de phénomènes météorologiques désastreux (grêle, tempête, etc.). C’est un coq tout pareil que décrit la mythologie nordique : Gullinkambi (= « Crête d’or ») chante à une seule occasion : pour avertir de l’imminence du désastre, c’est-à-dire le Ragnarök. Symbole de vigilance guerrière, il est juché sur les plus hautes branches d’Yggdrasil et observe, au loin, d’où viendront les géants. Un coq au fait de l’arbre cosmique alertant des dangers est une représentation assez similaire à celui que l’on fiche au sommet des églises : c’est un symbole de protection de la vie, ce qui apparaît de même dans ce conte des pays slaves, Le coq d’or, sentinelle vigilante : « Aussi longtemps que tout sera tranquille alentour, il restera coi ; mais dès qu’une menace de guerre se fera sentir, d’où qu’elle vienne, qu’il s’agisse d’une invasion ou de tout autre péril, mon petit coq aussitôt dressera sa crête, jettera un cri, et, battant des ailes, se tournera du côté d’où menace le danger »11. Dans la mythologie grecque, on voit aussi au coq cette fonction de guetteur : Alectryon, compagnon d’Arès, faisait le guet à chaque fois que le dieu de la guerre désirait passer la nuit avec son amante Aphrodite. Pourtant, une nuit, il céda au sommeil. Héphaïstos surprit les deux amants et, de colère, Arès métamorphosa Alectryon en coq. Le coq permettant d’écarter un péril, c’est une force qu’on nommait alké, d’où le terme aléktryon qu’utilise Homère : c’est le « protecteur », le « défenseur » (ce mythe n’est pas circonscrit qu’à la Grèce, un motif similaire s’observe pareillement en Inde).

Maintenant, nous avons le loisir de poser cette question : toute cette force ne confine-t-elle pas à la magie, en quelque sorte ? Parce qu’enfin, un animal qui possède la prescience du jour, capable de voir la lumière à l’intérieur de lui-même, n’est-il pas un peu sorcier ? Les amateurs de sciences occultes connaissent très certainement ces très singuliers grimoires que sont Le dragon rouge et La poule noire : un coq n’y déparerait pas, même s’il est vrai que la poule noire se prête plus volontiers comme accessoire de la sorcellerie (davantage qu’un coq, fût-il noir). Le coq noir n’est pas tant l’instrument par lequel la sorcière opère, qu’une image animalière d’elle-même, en particulier si on le surprend à chanter en pleine nuit. Il apparaît comme beaucoup plus redoutable quand la lune surgit, car, alors, « le coq se met à sauter comme un possédé », confessait le théologien Thomas de Cantimpré (1201-1272). Cette relation à l’obscure s’entrevoit encore dans le sacrifice d’un coq noir que la sorcière entreprend afin de métamorphoser les morts en ces créatures mort-vivantes du folklore roumain que sont les strigoï. D’ailleurs, si vous souhaitez apaiser le diable, il faut lui sacrifier un coq noir ou rouge lorsqu’on désire écarter les zar en Éthiopie. Mais ce coq démoniaque de la nuit, noir de ramure et rouge de crête, est surtout une figuration du soleil absent : en effet, s’il est rouge matin et soir, il devient intégralement noir la nuit, à l’exception de cette crête sommitale écarlate, reliquat de la lointaine flamboyance solaire qui n’est plus capable d’éclairer la nuit aux sombres tentures d’encre noire…

Pourtant, comme l’on sait, la lumière apparaît toujours, même minime, au bout du tunnel. Dans un conte rapporté par Giambattista Basile au début du XVIIe siècle, l’auteur raconte l’histoire de Mineco Aniello qui débute dans la ville de Grotte Noire. Cette obscurité, c’est, pour lui, le monde de la nuit et de la vieillesse. Cet infortuné vieillard ne possède en tout et pour tout qu’un coq nain, qu’un jour il décide d’aller vendre au marché afin d’en tirer la menue monnaie capable de faire taire sa faim lancinante pour quelques jours. Voilà que deux nécromants s’approchent. L’un d’eux s’exprime auprès de l’autre dans une langue qu’il croit inconnue de Mineco Aniello : « Ce coq est vraiment notre chance, avec cette pierre qu’il a dans le citron ; nous la ferons sertir sur un anneau et elle exaucera tous nos vœux »12. Mais l’autre, pas né de la dernière pluie, entend bien ce qui se jargonne et fausse compagnie aux deux larrons alors qu’il est encore temps. Il prend néanmoins celui de casser la tête à son coq, en extirpe la pierre – lapillus alectorius, la prodigieuse pierre de coq – la fait monter sur un anneau de laiton et prononce le vœu de jeunesse, mais aussi celui de posséder un palais si luxueusement garni que le roi, ébahi par tant de richesses, lui accorderait la main de sa fille sans barguigner. Mais les deux nécromants parviennent à lui dérober la bague, ce qui condamne Mineco Aniello à revenir à son état initial : mauvaise fortune et pas bon cœur ! Malgré sa condition nouvellement diminuée, il s’aventure à la reconquête de sa bague magique et parvient jusqu’au royaume de Sombre Cave. Après force péripéties, il atteint au but. La perte de la bague le prive de soleil et le plonge dans la nuit. Un fait est notable : dans le conte, c’est à la faveur d’une noire nuit d’encre qu’il se réapproprie sa bague, donc le soleil. Il y a donc bien, même dans les situations les plus désespérées, un rayon de lumière qui guide un tant soit peu ceux qui sont égarés dans les ténèbres.

Pour conforter cette note positive, précisons les fonctions psychopompes du coq : il était vu ainsi par les anciens Germains, mais aussi par les Grecs, puisqu’il tient parfois compagnie à Hermès dont la fonction de transporteur d’âme est parfaitement identifiée. C’est pour faire prévaloir les qualités psychopompes du coq que Socrate, au moment de son exécution, formule auprès de Criton une requête bien particulière : celle de sacrifier un coq à Asclépios. Le dieu de la médecine, fils d’Apollon, qui guérit grâce aux serpents, « était précisément ce dieu qui, par ses médecines, avait opéré des résurrections sur terre, préfiguration des renaissances célestes »13. Ainsi le coq est-il, à l’instar du serpent, un guérisseur. De plus, « dans l’analyse des rêves, le serpent et le coq sont tous les deux interprétés comme des symboles du temps »14. La fabuleuse union des deux, tout au contraire, méduse : du basilic, l’on peut dire qu’il rend le temps éternel, tuant instantanément au premier regard.

_______________

  1. Jean Chevalier & Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, p. 283.
  2. Le Livre de Job, XXXIX, 36.
  3. Michel Pastoureau, Bestiaires du Moyen âge, p. 69.
  4. Dioscoride, Materia medica, Livre II, chapitre 41.
  5. Le Roman de Renart, p. 31.
  6. Ce mot n’a ici aucun rapport avec la p’tite bébête qui court. Pou, poul ou pol encore sont d’anciens noms désignant le coq. Ainsi, 1 poul + 1 poule = 1 poulet ! Ils prêtaient autrefois le dos à la concurrence de gal/jal, termes d’ancien français issus du latin gallus.
  7. Michel Pastoureau, Bestiaires du Moyen âge, pp. 197-198.
  8. C’est sa vanité qui faillit bien perdre Chantecler lors de sa confrontation avec Renart. Mais son intelligence le sauva d’un méchant péril, à la barbe de Renart, le gabeur gabé pour l’occasion !
  9. Pierre Delaveau, La mémoire des mots en médecine, pharmacie et sciences, p. 224.
  10. Michel Odoul, Dis-moi où tu as mal, je te dirai pourquoi, p. 106.
  11. Contes de Pouchkine et des pays slaves, p. 153.
  12. Giambattista Basile, Le conte des contes, IVe journée, 1er conte, p. 318.
  13. Jean Chevalier & Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, p. 282.
  14. Ibidem, p. 283.

© Books of Dante – 2022

Crapauds & grenouilles

Le tintamarre trépidant et tonitruant de la grenouille – brekekekex koax koax ! (ainsi qu’Aristophane l’onomatopéise dans sa pièce Les Grenouilles) – me rappelle (à l’ordre ?) en ce début de printemps. Ne (me) grondent-elles pas par le biais de ce « bre » qui renvoie à Dionysos bromios, c’est-à-dire « celui qui tonne » ? Que si ! Rana ridibunda – la grenouille rieuse – est l’annonciatrice des orages printaniers censés ranimer la vie. Il est donc plus que l’heure – je les entends sonner depuis la mare la plus proche – d’ordonner mes notes, d’autant que, depuis quelques temps, passe en mon esprit l’image d’une grenouille qui attend avec patience, assise sur une feuille de nénuphar, une couronne d’or sur la tête.

La grenouille, ici couronnée, est bel et bien un animal solaire comme nous le montre ce sympathique portillon pris en photo quelque part à Leipzig.

En tout premier lieu, il est frappant de remarquer l’étroitesse du lien existant entre ces batraciens que sont crapauds et grenouilles et la reine des choses humides, c’est-à-dire la Lune. Cela place d’emblée ces deux animaux sous l’égide du yin. Bien qu’on hésite entre ce principe et son contraire, l’on observe néanmoins une prédominance de yin chez le crapaud, évidence qui ne fait pas l’ombre d’un doute à propos de la grenouille. En Chine, c’est un crapaud à trois pattes que l’on voit se dessiner sur la Lune, et les éclipses lunaires ont lieu lorsque le crapaud dévore l’astre nocturne. Comme a pu l’écrire Dino Buzzati dans l’une de ses nouvelles, le crapaud « observe la Lune en connaisseur, trouve que c’est une lune fort respectable, parfaitement adaptée aux circonstances [dès lors qu’il] se sent tout entier étreint par le printemps »1. En sanskrit, un seul mot fait référence à la grenouille et à la Lune, harit, qui est aussi celui permettant de désigner la couleur vert, ce qui souligne encore davantage la relation du crapaud et de la grenouille à l’élément humide. Avatar de la lune pluvieuse, la grenouille est donc conjointement liée aux masses d’eau accumulées que sont les nuages qui, à l’instar de la grenouille qui souhaite se faire plus grosse que le bœuf, enfle tant et si bien qu’elle finit par en crever. Ce qui peut passer pour une fable amusante dissimule une autre vérité : le rapport entre le nuage et la grenouille : si ce dernier laisse parfois échapper une pluie de grenouilles (cf. les sept plaies d’Égypte), « il n’y a pas à s’étonner que, dans la fable, la grenouille ait la présomption de croire qu’elle peut atteindre en se gonflant à la grosseur d’un bœuf ; mais quand le petit nuage s’est élargi, il finit par crever, comme le fait la grenouille »2. Si l’on se rappelle, de plus, que le bœuf est une figuration de la Lune, on décode aisément le message : le nuage ne peut pas s’arrondir comme la Lune indéfiniment. Pour faire œuvre constructrice, il doit se détruire par le biais des immenses masses d’eau qu’il transporte par la voie des airs. De là les multiples divinités batraciennes impliquées dans la pluie comme en Extrême-Orient ou bien chez les Mayas Quichés. Voilà pourquoi coassent les grenouilles au printemps, symbole de l’orage qui véhicule le tonnerre. Non seulement elles sont les annonciatrices de l’été, mais sont garantes des pluies printanières qui vont plus sûrement permettre d’y mener. Mais avant d’aller aussi loin, précisons un élément important que j’emprunte à Gubernatis : il disait se rappeler qu’à Turin, durant la semaine sainte (qui, cette année, a eu lieu du 10 au 16 avril, pour situer), les enfants faisaient grincer un instrument en bois, la canta-rana (ou rana, rena, etc.), espèce de crécelle qui palliait l’absence des cloches parties pour Rome. De même que les coassements de la grenouille, cette cacophonie printanière avait pour fonction d’assurer la résurrection du Christ (ou d’Indra, de Zeus, etc., selon les lieux et les époques auxquels on se situe). Par le signal de renouveau qu’est son chant, la grenouille dit bien à quel point elle est un symbole de résurrection. Pline remarqua qu’après avoir péri durant l’hiver, la grenouille renaissait au printemps (après une mort « apparente » : en effet, la plupart des crapauds et grenouilles hibernent durant la froide saison, et même davantage puisque leur léthargie dure six mois dans l’année). En Chine, l’on associait la période filant de l’équinoxe d’automne à celui de printemps à la grenouille, barbotant donc bien en plein yin. Et ce n’est qu’en ce point d’équilibre, au printemps, qu’elle est censée se métamorphoser en caille, animal yang ayant pour fonction d’occuper les six prochains mois, jusqu’à sa propre métamorphose future en grenouille, et ainsi de suite. A travers cette transformation d’un animal en un autre, qui plus est doublée de celle du têtard juvénile en grenouille adulte, comment ne pas y voir un symbole qui saute au yeux, celui de la résurrection ? (le yin procédant du yang qui lui-même procède du yin, etc.). Avec cette verdeur, cette pluie que déversent, féconds, les nuages, et les forces vives qui éclatent au printemps, on se rapproche insensiblement de l’idée de fertilité et d’abondance. Parce que yin, le crapaud et la grenouille sont forcément féminins. Ainsi président-ils à la sexualité et à la génération, étant des animaux très prolifiques. En Égypte, la très peu connue déesse-grenouille Héqet était la protectrice des femmes enceintes et des nouveaux-nés. De là, l’imagination n’eut guère de peine à faire de la grenouille un être luxurieux : « Plusieurs auteurs affirment que si les grenouilles s’accouplent la nuit, c’est pour se livrer à des orgies nocturnes semblables à celles du sabbat. Viols et coïts n’y sont pas rares. Ce sont des êtres démoniaques »3. Ainsi dépeint-on les mœurs libidineuses des grenouilles au Moyen âge, animaux qu’on accusait même, à cause de leurs nocturnes coassements intempestifs, de venir perturber les ébats nuptiaux des jeunes époux, raison pour laquelle des villageoises venaient battre l’eau des douves entourant le château, pour faire taire les bruyants batraciens. Ce qui est fort curieux : pourquoi vouloir réduire au silence ce symbole de fécondité/fertilité qu’est la grenouille ? Un coassement n’est-il pas censé favoriser une plus étroite cohabitation ? Peu importe les arguments quand il est décidé de déraper en direction de la face lunaire, cette fois-ci infernale et ténébreuse, de la grenouille.

Il se passe parfois de drôles de choses aux abords de la mare… Illustration d’Arthur Rackham (1867-1939) pour l’édition des fables d’Ésope de 1916.

Les lutins, eux aussi, se métamorphosent en grenouille, animal fort sympathique qu’on ne retrouve jamais à portée du chaudron de la sorcière, abritant généralement un autre batracien plus « inquiétant », formant avec la chauve-souris, le hibou, le corbeau et le chat noir4 l’habituel bestiaire que l’iconographie diabolique a indexé au personnage de la sorcière. Quand une gravure montre une de ces créatures danser, figurée portant une cape et des grelots aux pattes, l’on peut être certain qu’il ne s’agit jamais d’une grenouille, toujours d’un crapaud car montré laid et verruqueux5. De plus, ces gesticulations peu naturelles renforcent les liens que le crapaud entretient avec l’univers du sabbat. D’ailleurs, n’avez-vous pas vu se glisser – subreptice – l’ombre d’une Médée ? Attardons-nous en exposant quelques remarques qui ont pu frapper l’imagination de nos prédécesseurs. Par son chant doux semblable à une plainte, le sonneur à ventre jaune (Bombina variegata) ne fait-il pas œuvre de magie ? De même que le crapaud accoucheur (Alytes obstetricans) qui émet de jolies notes flûtées « comme un émouvant lamento »6 ? Comment des animaux aussi horribles peuvent-ils former des chants aussi beaux ? Au contraire, le pélobate brun (Pelobates fuscus) est plus conforme à ce qu’on attend généralement d’un crapaud : quand on cherche à le saisir , il lance des cris perçants et dégage une forte odeur d’ail ! Poison ? Pas sûr. Ce qui l’est, c’est que le crapaud commun (Bufo bufo) secrète par sa peau une espèce de liquide blanchâtre, venimeux et irritant les muqueuses, contenant un alcaloïde appartenant à la classe des bufadéniolides, la bufotoxine, substance apparentée aux glycosides cardiotoniques que recèle une de ces plantes sorcières bien connues, la grande digitale pourpre. Mais nous sommes ici bien loin de la batrachotoxine ou encore de la 5-méthylbufoténine (la première est mortelle, la seconde devient hallucinatoire après léchage du crapaud). Cet animal empoisonné est forcément diabolique : quiconque le touche est envahi d’un froid glacial et peut voir sa main s’insensibiliser au point de contact. Il est si plein de poison qu’il est capable de demeurer invulnérable face à celui du serpent ! A cela s’ajoute le fait que certains batraciens peuvent modifier leur coloris : par exemple, c’est le cas de la rainette (Hyla arborea) qui peut passer du vert vif au gris foncé. Les mœurs nocturnes de ces animaux ne sont pas sans susciter l’inquiétude : toutes les nuits, que mangent-ils donc ? Que trament-ils au fond des sombres repaires dans lesquels ils apprécient de s’abriter ? C’est parce qu’il hait la lumière, que le crapaud commun se dissimule sous des pierres, dans des anfractuosités ou toutes autres retraites obscures et humides pour y faire seul Dieu sait quoi ! Parait-il que cet animal puant y mange de la terre tout en bavant comme un enragé. Mais, bien plus encore, cet animal lâche, « horrible à voir et haï de tout le monde » scelle sa proximité avec certains humains jusqu’à occuper régulièrement leurs caves et autres lieux fréquentés de ce type (chez mes grands-parents, l’un d’eux s’était installé sous une souche d’arbre sur laquelle la boîte aux lettres avait été posée). Mais qu’est-ce que c’est que cette familiarité ? En réalité, le crapaud commun « vit très bien en captivité et serait capable d’être apprivoisée au point de reconnaître son maître… »7. Et qui donc, à votre avis, est capable de réaliser un tel prodige, hum ? Celle qui, parce que le crapaud est assurément l’un de ses animaux domestiques, l’habille de velours rouge, vert ou noir et le garnit de grelots, tout en poussant la forfanterie à le faire baptiser par le diable lui-même8  : la sorcière !

Les sorcières de Macbeth en pleine tambouille, par Alexandre-Gabriel Decamp (1803-1860).

Habituellement juché sur son épaule gauche, le crapaud de la sorcière est invisible pour quiconque n’est pas sorcier. Cette proximité avec le diable est encore parfaitement lisible dans d’autres caractéristiques. En effet, « les hommes se livrent à l’idolâtrie et à beaucoup de sottises à l’aide de cette vermine, grâce à des procédés diaboliques »9 : on ne compte plus les recettes contenant diverses parties de ces animaux dont la langue, la bave et le venin, les yeux, les os et la peau, les pattes, etc. Tout cela pour faire bénéficier le charme des principaux traits constitutifs propres au crapaud : la colère, la luxure, l’orgueil, l’égoïsme et l’avarice surtout (en Chine, l’idéogramme chan signifie aussi bien crapaud qu’avarice). C’est pour cela, entre autres (et contrairement à la grenouille), que le crapaud porte malheur : pour se défaire de son influence néfaste, il suffit de déloger le crapaud qui loge sous la dalle du seuil de l’étable. Toutes ces croyances justifièrent l’emploi qu’on put faire du crapaud à travers des pratiques qui nous paraissent fort étranges aujourd’hui : faire sécher une grenouille ou un crapaud avait pour but, en les portant sur soi, d’en confectionner une amulette. Si on la portait sous les aisselles, elle protégeait de la peste et des substances vénéneuses. Clouée au plafond des étables, elle protégeait les animaux qui s’y abritaient. On pouvait aussi pulvériser ces animaux desséchés : la poudre de crapaud était le remède courant de lou masclou, c’est-à-dire un terme générique englobant aussi bien les coliques que la crise d’appendicite. On administrait cette poudre en la délayant dans un véhicule liquide adapté. Avec les seuls os de la grenouille réduits en poudre et bus ensuite dans du vin, on confectionnait ainsi un aphrodisiaque permettant l’envoûtement d’amour. On pouvait aussi mêler cette poudre à quelque mets que l’on offrait à la personne convoitée pour qu’elle en goûte ou bien la répandre sur ses vêtements. Pour renforcer la manœuvre, il n’était pas impossible de porter sur soi un bijou sur lequel une grenouille est représentée : non seulement ça éloigne la maladie, mais ça attire la sympathie. Une chose est évidente : le pouvoir de fascination du crapaud est si puissant qu’il serait capable de forcer les oiseaux à se jeter dans la gueule d’un tel monstre. Autrefois, on croyait qu’en fixant quelqu’un, un crapaud pouvait le faire s’évanouir ou provoquer en lui des convulsions pouvant parfois mener à la mort. Par son regard fixe, le crapaud se montre indifférent voire insensible à la lumière qu’il intercepte par absorption : tout cela nous éloigne fort du charme d’amour ! D’autres pratiques s’apparentent plus à la magie sympathique qu’à la médecine proprement dite : la froideur glaciale qu’on lui suppose permet à la grenouille de lutter contre les fièvres ; en liant une grenouille au malade, celle-ci est censée « prendre » le mal ; enfin, frotter verrues et panaris avec un crapaud en assure la disparition. Chez Dioscoride et Hildegarde, on peut bel et bien parler de zoothérapie, puisque le crapaud autant que la grenouille interviennent dans diverses affections (scrofule, goutte, flux sanguins, douleurs dentaires, activer la repousse des cheveux et des sourcils). Mais ce qui demeure le plus intéressant du point de vue magico-thérapeutique, c’est la pierre de crapaud (ou crapaudine, bufonite, etc.). Dans un ses contes, sobrement intitulé Le Crapaud, Hans Christian Andersen évoque cette légende qui veut que la tête du crapaud renferme une pierre précieuse. Voici un petit résumé des pouvoirs qui sont attachés à une telle pierre : elle « protégeait des venins. Elle avait en effet la réputation […] d’attirer les poisons quand on la frottait sur la peau10. Pour l’extraire, il fallait mettre un vieux crapaud dans un pot percé de trous, que l’on plaçait ensuite dans une fourmilière. Une fois dévoré, il ne restait plus que ses os et la pierre. Pour savoir si la crapaudine n’était pas un faux, il fallait la présenter à un crapaud vivant qui, s’il faisait mine de sauter dessus, était la preuve irréfutable de son authenticité »11. Qu’un animal très laid possède dans la tête la plus précieuse des gemmes, c’est là qu’est le paradoxe. Et ça devient d’autant plus troublant qu’on avoue parfois sur le bout des lèvres qu’il s’agirait là de rien de moins que de la pierre philosophale… On dit encore que la grenouille rejette une pierre précieuse au printemps, le crapaud une perle : leur retour à la vie ainsi manifesté signe également celui du soleil. Qu’en pense Andersen ? « Il vit les étoiles, grandes et brillantes ; il vit la lune, il vit le soleil se lever et monter de plus en plus haut dans le ciel »12. Plus le crapaud sort de son puits, et plus le soleil entre dans sa course ascendante. « Que je suis heureux ! Le désir que j’éprouve rend certainement plus heureux que la pierre précieuse dans la tête. Et c’était justement lui, qui avait le joyau : l’éternel désir de s’élever plus haut, toujours plus haut, il rayonnait de joie et d’amour de la vie »13). Cependant, ce talisman immatériel qui permet d’obtenir le bonheur sur la Terre « scintille trop fort. Nos yeux ne sont pas encore assez puissants pour le voir dans toute sa gloire, comme Dieu l’a crée »14. Mais bien des pierres du crapaud n’en sont pas : ainsi appelle-t-on les galets de variolite dont les dessins rappellent la surface verruqueuse de la peau de cet animal. Aussi tangible et matérielle que la précédente est de nature subtile et impalpable : ainsi cette crapaudine ne peut-elle pas parvenir à la cheville de la pierre de l’œuvre logée en chacun d’entre nous et que l’on peut rendre exploitable pour peu qu’on s’en donne la peine, bien qu’elle exige de nous que nous transmutions une existence première en sa version exaltée.

Parce qu’il est associé aux aspects les plus laids de l’existence, dans les contes de fées, le crapaud l’est aussi au personnage habituellement haï de la sorcière, à qui insupportent la jeunesse et la beauté, c’est-à-dire la princesse, blonde, très belle, mais insouciante et même « légère » dans ses engagements. Dans Le Roi des Crapauds, un pacte engage la jeune princesse à épouser le crapaud en échange du service que celui-ci lui rend à sa demande : aller repêcher une balle qu’elle a laissée choir dans un puits (ce qui peut paraître bien disproportionné : je ne reçois pas une demande en mariage à chaque fois que je ramasse le trousseau de clés d’une dame !). La voilà donc prise au piège de son propre empressement, de sa candeur, mais surtout de son immaturité. Rappelez-vous du passage du conte où le crapaud veut déjeuner avec la princesse, jouer avec elle, dormir dans son lit en sa compagnie, etc. Et puis quoi encore ? Quelle est, finalement, la réaction de la jeune fille ? Elle le jette contre le mur ! On peut se demander en quoi ce geste peu sympathique et écœuré de la princesse peut avoir pour effet de transformer le crapaud en prince charmant, tenu jusque là prisonnier de sa froide peau de cuir d’eau par le méchant sort d’une fée ou d’une sorcière qui n’apparaît jamais dans le conte que sous cette trace résiduelle15. Pour que la transformation ait lieu, il importe que la princesse dépasse la répugnance et le dégoût que suscite en elle la grenouille qui n’est jamais un animal qui fait peur mais dont la laideur et la maladresse peuvent s’avérer repoussantes. Ainsi, un sourire, le signe d’une émotion accommodante, quand ce n’est pas la classique demande du baiser, initient la métamorphose du crapaud en un joli prince, mais jamais avant que la jeune fille ait prit contact avec son propre éveil sexuel. La violence de la jeune fille n’est donc nullement gratuite, elle est libératrice pour elle comme pour la grenouille-prince. Mais que le crapaud dissimule, in potens, un prince charmant, cela, la princesse ne le sait pas encore consciemment. Avant toute chose, elle devra, par le biais d’un objet capricieux et fatidique – la balle d’or (pour courir l’aventure, n’est-ce pas indispensable ?) – laisser échapper son candide statut d’enfant qui plongera avec la balle dans les profondes eaux de la psyché dans lesquelles circule sans difficulté la grenouille. « Pour aimer, il faut être capable d’éprouver des sentiments », expliquait Bruno Bettelheim dans la Psychanalyse des contes de fées. Or, jouer toute seule à la balle, égoïstement, n’y aide pas. « En respectant l’engagement qu’elle a pris, la princesse est contrainte de mûrir »16. Dans ce même conte, la grenouille non plus n’est pas achevée (judicieux choix que celui de la grenouille, animal transitant d’une phase larvaire, le têtard, à une autre, l’adulte accompli), elle se comporte avec la princesse comme si elle était son enfant : or, « quel est l’enfant […] qui n’a pas grimpé dans le lit de sa mère avec l’espoir de passer la nuit avec elle ? […] Il vient un moment où la mère doit ‘jeter’ son enfant à bas de son lit »17 au risque qu’il ne puisse devenir une personne à part entière. L’accomplissement ne peut être rendu efficient en brûlant les étapes. C’est ce qu’un autre conte des pays slaves, La reine des grenouilles, cherche à nous exposer. C’est non pas une balle d’or mais une flèche qui désigne celle que doit épouser Ivan l’un des trois fils du roi. Quelle n’est pas sa surprise quand il constate que le sort l’oblige à se lier à Kvakouchka la grenouille. Mais il se trouve que sous cette peau de grenouille se dissimule malgré elle Vassilissa la très sage (la très savante, la très connaisseuse). Le père d’Ivan veut s’assurer de la loyauté de Vassilissa à l’égard de son époux. Aussi lui impose-t-il une première épreuve : confectionner un pain blanc très tendre à la croûte parfaitement dorée. Puis une deuxième : tisser un tapis (ou une chemise) en soie en une seule nuit. Enfin, une troisième et dernière : assister à la revue exigée par le roi et y exceller à la danse. Or comme Vassilissa est un peu magicienne, elle parvient temporairement à ôter sa peau de grenouille, à enfiler de riches atours puis à se rendre au bal, où sa beauté fait sensation. Elle s’y révèle à l’aide d’un coup de tonnerre (cf. la proximité symbolique entre les nuées et la grenouille). Ravi de cette métamorphose à laquelle il ne s’attendait pas, Ivan brûle les étapes si je puis dire, et s’empresse de jeter au feu la peau de grenouille que la princesse Vassilissa est forcée de revêtir par la force du sort par lequel elle est encore malgré elle liée. Dépitée, elle s’adresse ainsi à Ivan : « Si tu avais eu la patience d’attendre quelques instants encore, j’aurais été à toi pour toujours, tandis qu’à présent il me faut te dire adieu ! »18. Les trois épreuves par lesquelles Vassilissa est passée n’y suffisent hélas pas, la dernière étant inachevée. Ce n’était pas Ivan qui portait la peau de grenouille, ce n’était donc pas à lui de s’en débarrasser. Pour retrouver Vassilissa, Ivan devra lui aussi passer par une série de trois épreuves, fréquent motif ternaire devant amener une libération. Avant de disparaître, elle lui fournit néanmoins un indice : « Cherche-moi dans la vingt-septième terre, dans le trentième royaume ». Ce qui peut paraître bien sibyllin nous est expliqué par Angelo de Gubernatis : « C’est-à-dire, à ce que je crois, en enfer, dans la nuit où descendent la Lune et l’aurore et d’où la Lune renaît et se renouvelle au bout de vingt-sept jours »19.

Impossible d’en douter : la Lune a bien partie étroitement liée avec la grenouille, et les contes sont les supports de bien des enseignements qu’on ne soupçonne pas toujours au premier regard. Ne les négligeons donc pas ;-)

_______________

  1. Dino Buzzati, Bestiaire magique, p. 32.
  2. Angelo de Gubernatis, Mythologie zoologique, Tome 2, p. 395. Hildegarde de Bingen écrivait que le crapaud est « semblable aux vents dangereux qui accompagnent les éclairs, le tonnerre et la grêle » (Physica, p. 276).
  3. Michel Pastoureau, Bestiaires du Moyen âge, p. 246.
  4. Selon Hildegarde de Bingen, il existe une parenté entre le crapaud, le serpent et le chat.
  5. La laideur pustuleuse et boutonneuse du crapaud est bien plus marquée que chez la grenouille, être plus « lisse ».
  6. Dino Buzzati, Bestiaire magique, p. 35.
  7. J. Felix, J. Toman & K. Hisek, Guide du promeneur dans la nature, p. 314.
  8. Quand il n’est pas lui-même une représentation du diable : en Moselle, un crapaud rouge juché sur un coffre rempli de pièces d’or et dont il tient la clé dans la bouche est une manière populaire de figurer le malin.
  9. Hildegarde de Bingen, Physica, p. 277.
  10. Elle change de couleur quand on s’empoisonne.
  11. Une histoire des médecines populaires. Herbes, magie, prières, p. 61.
  12. Hans Christian Andersen, Contes, p. 177.
  13. Ibidem, p. 180.
  14. Ibidem.
  15. La grenouille métamorphosée abrite généralement un seigneur, un génie incompris, une fée puissante. C’est aussi la figuration d’une âme en voyage. C’est pourquoi il faut être indulgent à son égard de crainte de lui faire du mal, ce qui serait assurément un grand malheur. Dans un autre registre d’idée, au Moyen âge on pensait que l’âme des méchants se changeait en crapaud.
  16. Bruno Bettelheim, Psychanalyse des contes de fées, p. 415.
  17. Ibidem, p. 417.
  18. Contes de Pouchkine et des pays slaves, p. 111.
  19. Angelo de Gubernatis, Mythologie zoologique, Tome 2, p. 400.

© Books of Dante – 2022

Grenouilles rieuses en pleine ablution. Une autre manière de faire des bulles…

L’abeille, symbole solaire et messagère céleste

Affublée comme elle l’est d’un habit de bagnard, l’on pourrait s’imaginer que la vie toute industrieuse de l’abeille se résume au seul travail. Mais chez elle, c’est un aspect qui est beaucoup moins marqué que chez la fourmi, sans doute parce qu’on s’est attaché à associer à l’abeille des symboliques beaucoup plus élevées. La première constatation, et non des moindres, c’est qu’en tout lieu et en tout temps, l’abeille a été l’objet d’un symbolisme invariant, à commencer par son accointance solaire, et cela dès les Égyptiens de l’Antiquité dont la mythologie explique que l’abeille serait née des larmes versées par Ra, le dieu Soleil, puis les Grecs qui la font devenir un des emblèmes animaux du dieu Zeus qui aurait, dit-on, été nourri par ces nymphes appelées Mélissai au miel des abeilles du mont Ida, hôtesses du chêne vert (par accrétion symbolique, on renforce cette appartenance, le chêne étant aussi dédié à Zeus). Selon Hildegarde de Bingen, « l’abeille appartient à la chaleur du Soleil, elle aime l’été ; elle a une chaleur si vive qu’elle ne peut supporter le froid »1. La nature ignée et solaire de l’abeille se déploie par le biais de différentes signatures plus ou moins visibles : elle purifie par le feu, brûle par son dard, illumine par son éclat, nourrit pas son miel jaune d’or, enfin par sa cire, elle « crée la flamme, symbole de vie »2 et productrice de lumière qui accroît d’autant plus le prestige divin de l’abeille, seul animal à être descendu du Paradis. A ce symbole s’en ajoute un autre : celui de la royauté, Apis mellifica étant bien connue comme espèce organisée dans une société au sein de laquelle le point central se trouve être la reine qui se distingue de toutes les autres abeilles par la taille exceptionnelle qu’elle adopte. Chez cette espèce cosmopolite, environ 7000 à 20000 ouvrières s’affairent autour d’une reine unique dont la principale fonction est de faire comme le Soleil : assurer la vie. Elle s’y emploie surtout au printemps où elle pond jusqu’à 1000 à 2000 œufs par jour (80000 par an), qui, bien qu’ils se distinguent selon leur futur statut (ouvrière, soldat) sont tous des clones. Afin de perpétuer le bon fonctionnement de la colonie, dès la mort de la reine, une autre est élevée et lorsqu’elle devient trop peuplée, que tout ce petit monde est serré à l’étroit et ne reçoit plus sa juste part d’espace vital, l’essaimage a lieu : une reine, accompagnée de jeunes ouvrières, quitte la colonie pour l’abandonner à la future reine prête à éclore. Inexplicablement, cela me rappelle cet épisode de la vie de Hildegarde qui quitte, avec dix-huit moniales, le monastère du Disibodenberg, pour s’établir auprès du Rhin, à Bingen, haut lieu qui verra naître l’œuvre colossale de l’abbesse. A Éleusis, à Éphèse, n’appelait-on pas « abeilles » (mélissai) les prêtresses ? A l’image du monastère bénédictin de Hildegarde, la ruche est un espace sacré dans lequel règnent l’ordre, la discipline, l’infatigabilité et l’ardeur au travail, le courage aussi. A l’instar de la moniale, l’abeille accorde une grande importance à ne pas être dérangée quand elle travaille (c’est-à-dire presque tout le temps), appréciant rien moins que la propreté, la tranquillité et le silence. Tout cela concourt au bon fonctionnement de la ruche et à sa prospérité. Une chose que le monastère bénédictin du XIIe siècle partage avec les bestiaires médiévaux, c’est que l’abeille est une star, c’est-à-dire un modèle pour l’homme de par sa vertu et sa chasteté (c’est un animal qui ne s’accouple pas), « comportement admirable qui la fait comparer à la Vierge Marie, mais qui étonne également bon nombre d’auteurs. Comment un animal si fécond, si prolifique, se reproduit-il ? »3. A cette question, l’on donne une réponse empruntée à l’Antiquité grecque, puisque ce mythe de la naissance spontanée des abeilles n’est pas loin de rappeler la légende d’Aristée, un des fils d’Apollon qui élevait des abeilles. Elles périrent un jour d’un mal inconnu (on dit encore qu’il s’agirait d’une plausible maladie apportée par les dryades…). C’est en soumettant le dieu Protée qu’il parvint à obtenir la solution lui permettant de retrouver ses abeilles : pour ce faire, il lui faut offrir un taureau en sacrifice et revenir trois (ou neuf) jours plus tard sur le lieu de l’immolation. Ainsi fit-il et assista-t-il à un prodige : une nuée d’abeilles gîtait dans la carcasse de l’animal. Il rapporta l’essaim avec lui, et plus jamais les abeilles ne furent éprouvées par quelque maladie que ce soit4. On croît rêver ! Si c’est le cas, sachez que l’apparition de ces hyménoptères dans l’un de vos rêves représente un présage favorable annonciateur de paix, d’optimisme, de bien-être et de fertilité. Ah ! Quelle félicité ! Peut-être bien qu’un tel rêve surgira au sein de vos méninges dans le décor bucolique que dépeint Virgile dans Les Géorgiques : « Dans la forêt, les derniers jours d’été, quand le Soleil commence à infléchir sa course, il fait bon s’étendre sous un tilleul et s’endormir au bruit des abeilles. C’est la musique la plus douce qui se puisse entendre, une musique qui te transportera au royaume des dieux au milieu des parfums les plus agréables de la nature »5. Mais il est vrai que l’abeille est une messagère : elle est, par exemple, associée à la foudre en Égypte ancienne, et en Inde, la corde de l’arc du dieu Kama est constituée d’abeilles mises bout à bout (elles sont donc une partie de l’instrument par lequel le cupidon indien expédie ses flèches de fleurs). Cependant, plus clairement, chez les Celtes, l’abeille messagère parcourt la voie éclairée par le Soleil afin de franchir les portes du monde invisible. Médiatrice, espèce de « go between », l’abeille distille ainsi les enseignements divins au point de figurer le verbe, l’esprit, la parole émanant de l’intelligence divine (par extension, elle est le reflet de l’éloquence et de la poésie), mais avant toute chose c’est une représentation de l’âme, zéphyr qui se déplace mais ne meurt jamais : « elle est parfois identifiée à Déméter dans la religion grecque, où elle peut figurer l’âme descendue aux enfers ; ou bien, au contraire, elle matérialise l’âme sortant du corps »6. Les âmes des morts descendent de la Lune sous forme d’abeilles. Là, on touche un aspect essentiel : non seulement l’abeille représente l’âme mais également son caractère immortel que les Celtes entrevoyaient dans l’hydromel, boisson à base de miel. Elle en assurerait même la circulation, devenant alors un symbole de survie post-mortem : ainsi apparaît-elle sur les tombeaux ou à l’intérieur comme en témoignent les trois cent et quelques abeilles d’or découvertes dans la tombe de Childéric Ier (436-481), accompagnées d’une applique en forme de tête de taureau (^.^). Sans surprise, elle devient aussi un symbole de résurrection car « la saison d’hiver – trois mois – durant laquelle elle semble disparaître, car elle ne sort pas de sa ruche, est rapprochée du temps – trois jours – durant lequel le corps du Christ est invisible, après sa mort, avant d’apparaître de nouveau ressuscité »7.

Quelques-unes des abeilles de Childéric Ier.

Penchons-nous maintenant sur l’un des instruments de cette immortalité. A travers son activité de butinage, il est question de collecte, d’assemblage et de façonnage : l’abeille participe de l’Œuvre. Contrairement à la fourmi qui n’est pas ailée, l’abeille chante et danse, se dissipe en mondanités, passant d’une fleur à l’autre, alourdie de pollen mais enivrée de nectar – c’est qu’on n’attire pas une mouche avec du vin aigre ! A ce travail extérieur marqué par la multiplicité – combien de fleurs une abeille visite-t-elle par jour ? –, fait suite, au sein de la ruche maternelle, rassurante et protectrice, une activité de la plus haute importance : la sublimation « en miel immortel du fragile parfum des fleurs »8. Cette infinité de tâches, reflet extérieur d’une collectivité appliquée, organisée et soumise à des règles strictes, se destine à un seul but : la concentration mystique, intérieure et unique de cette substance aux reflets dorés. Ainsi, l’abeille, constamment, transite-t-elle du yin au yang et inversement, pour produire, union de ces deux contraires complémentaires, une substance liquide – « le miel que l’abeille distille » – et que retiennent de solides rayons de cire hexagonaux – sceau de Salomon qui rappelle, une fois de plus, le Soleil enfermé dans l’obscurité lunaire de la ruche (afin de bien appuyer sur le caractère double de l’abeille, en Inde on l’appelle bhramara, c’est-à-dire l’« errante », qui est celui qu’on applique aussi bien au Soleil qu’à la Lune ; Vishnou Hari, à la fois Lune et Soleil, est représenté par le biais d’une abeille posée sur une feuille de lotus). « Résultat d’une transmutation de la poudre éphémère du pollen ou succulente nourriture d’immortalité, le miel symbolise la transformation initiatique, la conversion de l’âme, l’intégration achevée de la personne. Il réduit en effet une multitude d’éléments dispersés à l’unité d’un être équilibré »9.

Le symbolisme du miel est aussi large que celui de l’abeille. Aussi bien nourriture que boisson, le miel est aliment premier dont l’origine divine, à l’instar de l’ambroisie, ne fait pas de doute. Goûter au miel, c’est un peu participer aux mystères divins, mais jamais plus qu’on l’imagine car avec le lait, le miel est de ces substances – divins nectars – qui s’épandent avec faste sur toutes ces terres promises sur lesquelles il est interdit aux hommes de poser les pieds. Mais de ces territoires prohibés il est tout de même parvenu quelques échos : le miel confère l’éternité, du moins une longévité augmentée : le patriarche Mathusalem, qui mangeait beaucoup de miel, aurait atteint l’âge de 969 ans. Mais ça n’est jamais qu’un personnage biblique, et cette soi-disant réputation d’élixir de rajeunissement attribuée au miel est loin de faire l’unanimité : ce qu’il apporte de supra humain est réservé aux initiés, à la manière de ces alchimistes chinois qui façonnaient des pilules de jouvence dans lesquelles le cinabre et le miel unissaient leurs forces. De là le miel aurait le pouvoir de régénération et de conservation de la vie, en tant qu’offrande puissante et propitiatoire, fécondante et fertilisante. Cette panacée sauvegarderait la santé et permettrait de guérir toutes les maladies et d’abolir toutes les douleurs, allant même jusqu’à ressusciter les morts.

En outre, il accorde les dons – poésie, éloquence, sciences, prophétie10 –, la purification des mains et de la langue (il n’y en a pas de meilleure que celle qu’on effectue avec le miel), l’accession à la connaissance et à la sagesse mystique, excellent moyen, enfin, de rejeter le mal et d’opter pour le bien, l’abeille étant issue, non pas comme la mouche et la guêpe du sérail diabolique, mais de Dieu, ce qui fait du miel un « puissant moyen d’expulser les démons du corps humain »11. Antidote face aux créatures démoniaques, le miel est, tout au contraire, substance d’amour éternel et pour cette raison il occupe une place amplement méritée au cœur du Cantique des cantiques : « Tes lèvres, mon épouse, distillent des rayons de miel. Il y a du miel et du lait sous ta langue »12. « Dans ta bouche, du lait et du miel, dans ma maison, santé et richesse », dit, en écho, une chanson italienne. (Si l’abeille est capable de tirer vengeance d’un affront qu’on lui aurait fait, elle porte généralement bonheur aux habitants des maisons qui la traitent bien.) Mais que l’on prenne garde, car avec le miel, la crainte de s’enivrer n’est jamais loin. Il en va de même avec la cire : rappelons-nous d’Icare grisé de pouvoir qui, malgré ses ailes formées de plumes fixées à son corps par de la cire, n’est pas une abeille pour oser s’approcher, présomptueux, aussi près du Soleil ! Ne savait-il pas que les seules plumes qui élèvent l’homme sont celles qui écrivent des mots, pour reprendre une des prophéties de Léonard de Vinci ? Il aurait fallu qu’une abeille le piquât pour lui ranimer l’esprit ! (Ce qui a aussi l’effet, quand c’est régulièrement répété, de soulager les douleurs arthritiques : les apiculteurs souffrent rarement d’arthrite.) De même, on attire l’attention sur le fait de ne pas faire – comme en tout – une consommation excessive de miel : qu’on se méfie de ne pas s’y empéguer, de ne pas se laisser abuser par son extrême douceur13 et son caractère séduisant « tout sucre, tout miel » : il s’agirait là autant d’un attrape-mouche que d’un attrape-nigaud, à l’image du baiser de miel de la courtisane, être mielleux auprès duquel le candide naïf vient toujours s’empêtrer.

La ruche, censée « apaiser les inquiétudes fondamentales de l’être et donner la paix »14, est aussi le lieu d’un curieux spectacle dont on connaît l’existence depuis le temps d’Aristote au moins : la danse en 8. Si l’on sait aujourd’hui qu’elle représente un moyen de communiquer à la colonie l’emplacement d’un riche gisement de fleurs source d’ivresse, l’on a pendant longtemps ignoré la fonction de cette frétillante agitation. Que les abeilles dansent donc, car sans danse pas d’extase, sans danse pas de vie ! L’observation minutieuse des Anciens les a conduits à comparer l’abeille au derviche tourneur, en particulier de la confrérie mystique des Bektachi, dont le « miel » figure la divine réalité transcendantale qu’il recherche.

_______________

  1. Hildegarde de Bingen, Physica, p. 237.
  2. Angelo de Gubernatis, La mythologie des plantes, Tome 2, p. 265.
  3. Michel Pastoureau, Bestiaires du Moyen Âge, p. 289.
  4. Pour comprendre cette relation de l’abeille au taureau, quelques éléments d’explication que j’emprunte à Angelo de Gubernatis : « D’après Porphyre, la Lune (Selêné) portait aussi le nom d’abeille (melissa). On représentait Selêné, conduite par deux chevaux blancs ou par deux vaches ; la corne de ces vaches paraît correspondre à l’aiguillon de l’abeille. […] Porphyre ajoute que, comme la Lune est le point culminant de la constellation du taureau (car elle est elle-même un taureau), on croît que les abeilles naissent dans le cadavre du taureau. […] Dionysos, après avoir été mis en pièces sous la forme d’un taureau, était ressuscité, d’après les initiés des mystères dionysiaques, sous celle d’une abeille » (Angelo de Gubernatis, Mythologie zoologique, Tome 2, pp. 228-229).
  5. Virgile, Les Géorgiques, IV.
  6. Jean Chevalier & Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, p. 1.
  7. Ibidem, p. 2.
  8. Ibidem, p. 1.
  9. Ibidem, p. 634.
  10. Dans la Bible – Livre des Juges (IV, 4 et V, 1), une prophétesse porte un nom inspiré de celui de l’abeille : Déborah.
  11. Theodor H. Gaster, Les plus anciens contes de l’humanité, p. 134.
  12. Cantique des cantiques, IV, 11.
  13. Je ne suis pas certain, de même qu’avec le vin, que l’homme lambda puisse être à même d’en exagérer la consommation plus que son comptant : comme on l’a vu, cela est réservé aux divinités, à la rigueur aux êtres d’exception.
  14. Jean Chevalier & Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, p. 834.

© Books of Dante – 2022

Pourquoi le renard a-t-il si mauvaise réputation ?

Crédit photo : Miki Yoshihito.

Héros créateur et animal de la sagesse instinctive chez les Amérindiens, symbole de longévité pour les Chinois, le renard est également pour les Japonais un animal éminemment positif, protecteur de la nourriture, tel qu’on lui voit jouer cette fonction comme compagnon (ou figuration) d’Inari, déesse de l’abondance.

Mais alors, d’où vient que cet animal ait si mauvaise presse par chez nous ?

Remarquablement endurant, le plus commun des carnivores européens, s’accommode effectivement de milieux très variés, faisant preuve d’une capacité d’adaptation qu’il faut très certainement mettre sur le compte de son intelligence hors du commun. Ainsi disait Hildegarde : « grâce à ce qu’il tient du lion, il connaît beaucoup de choses ; à cause de ce qu’il tient de la panthère, il a un caractère changeant et connaît un peu l’homme »1. Bien qu’écrivant cela au XIIe siècle, l’abbesse ne prend pas en mauvaise part celui que l’on n’appelle pas encore renard, mais de manières bien différentes : goupil le plus souvent, plus rarement volpil duquel découle l’actuel nom scientifique latin du renard, Vulpes, contraction de la locution volitans pedibus, qu’en français l’on peut traduire par : « qui virevolte avec ses pieds ». Pourquoi un tel charabia qui fait penser que le renard est doué pour la danse ? Cette désignation cherche à mettre en lumière l’habitude qu’a le renard de ne jamais marcher droit, d’aller de travers, faisant force tours et détours sinueux et tortueux. Comptant sur le fait qu’il s’aventure rarement en terrain découvert, il n’en fallait pas davantage pour voir en lui un individu dénué de franchise. C’est là une évidente preuve de sa fourberie, de sa sournoiserie et de sa perfidie. Mais cette réputation ne naît pas avec le Moyen-Âge, puisqu’aux temps antiques les fables animalières, telles que celles d’Ésope, décrivaient le goupil avec la même valeur de fausseté.

Les XIIe et XIIIe siècles représentent l’âge d’or des bestiaires médiévaux. Ils ne sont pas à proprement parler des ouvrages de zoologie comme nous l’entendons à l’heure actuelle, puisque « chaque espèce est représentée par un animal ayant un nom propre, choisi en rapport avec ses caractéristiques physiques ou sa symbolique traditionnelle »2. Utiliser le renard, en usant d’une allégorie, c’était une bonne manière qu’avaient les auteurs des bestiaires de faire la morale aux hommes : ceux de peu de vertu s’avancent dans l’existence par des moyens détournés et se refusent à observer en face les commandements et les enseignements de l’Église. Le renard ne put dès lors pas être rangé au nombre des créatures de Dieu, d’autant que ses mœurs nocturnes et nécrophages en firent un animal lunaire et infernal. « Ce goupil, expert en perfidie, représente celui qui tourmente les hommes et qui sans cesse leur fait la guerre : le diable »3.

Les ruses du renard….

C’est donc un véritable réquisitoire qui s’abat sur l’échine du goupil au Moyen-Âge. En plus des griefs que nous avons déjà relevés, voici ce que l’on reproche encore à cet animal : faisant preuve de méchanceté gratuite, il berne largement son monde, n’hésitant pas à fournir une aide (non désintéressée) indispensable à la réussite d’une entreprise crapuleuse ou à l’élaboration d’un stratagème sournois, ce qui lui vaut régulièrement d’être traité de voleur, de menteur, de traître, de filou, d’être inconstant et rusé, moqueur et flatteur. A lui seul il globalise toute l’artificieuse hypocrisie de Satan. Les raisons de cet acharnement tiennent en une incontournable caractéristique : le pelage roux de la bête. Qu’il oscille du roux pâle au roux foncé, et même s’il est parfois plutôt brun-jaunâtre, le renard, dans l’imaginaire collectif, est indéfectiblement associé au roux, une abominable couleur qui signale la fausseté, la trahison et le mensonge de celui qui la porte, à l’image de nombreux personnages bibliques et de romans de chevalerie (Caïn, Ganelon, Judas, etc.). Pour preuve de sa culpabilité, le traître roux ne cherche, la plupart du temps, qu’à dissimuler sa rousseur. Malheureusement pour le goupil, le roux est durant le Moyen-Âge la seule couleur qui ne connaisse pas d’ambivalence. Désastreuse union du jaune et du rouge, le roux est toujours pris en mauvaise part. On le rapproche du rouge, mais il n’a rien de céleste, comme le rouge solaire. Au contraire, sa proximité avec les enfers en fait un rouge chthonien. S’il est feu, alors c’est un feu impur, un « feu infernal dévorant [qui jette l’homme dans] les délires de la luxure, la passion du désir, la chaleur d’en bas, qui consument l’être physique et spirituel »4. Avec l’odeur de plus en plus sulfureuse qu’il répand, l’on pourrait imaginer que le renard a maille à partir avec la sorcellerie. Cependant, à la sorcière n’échoie pas systématiquement une chevelure rousse : cela, c’est l’apanage de la sorcière « romantique » telle qu’on l’imaginait et la dépeignait au XIXe siècle surtout. A aucun moment l’on a vu son sérail d’animaux emblématiques être grandi de la malicieuse présence rousse d’un renard. Tant mieux pour lui, la sorcière ayant d’autres chats (noirs) à fouetter ! Non, décidément, pas besoin de tour de magie, le renard va tomber dans le piège de la langue. Pour le mieux comprendre, il faut se tourner en direction du Roman de Renart, œuvre composite narrant les aventures de Brun l’ours, Tibert le chat, Ysengrin le loup ou encore Noble le lion. Quant au goupil, on lui a donné Renart comme prénom, un mot provenant du germanique raginhart, qui signifie à peu près : « être fort hardi pour donner des conseils ». Ce qui n’était alors que son prénom va passer dans le langage courant, par le biais d’une figure de style que l’on appelle antonomase. Ainsi, le Renart du roman médiéval donnera-t-il son prénom à tous les renarts de France et de Navarre, et se fixera sur sa forme définitive, renard avec un d final, au XVIe siècle. En plus de ce legs patronymique, la mauvaise réputation du premier, largement dépeinte par les récits qui composent les aventures de Renart, va également, et par malheur, assurer celle des seconds.

… valent bien celles de Maître Renart !

Tout cela a concouru à la destruction impitoyable du renard. L’on invoqua la rage pour cela. Mais l’éradication du renard avait déjà cours bien avant l’irruption du virus de la rage qui, bien évidemment, n’a fait qu’augmenter la vindicte entretenue à l’encontre de cet animal, alors que cette maladie affecte plus favorablement les animaux domestiques (cheval, porc, mouton, chèvre, bœuf, chat et surtout chien) que sauvages. A une époque où l’immonde superstition le dispute au domaine scientifique, l’on voit apparaître cette maladie provoquée par un virus neurotrope dont les symptômes sont essentiellement neurologiques. Sa forme dite « furieuse » (causant dépression, tristesse, nuits cauchemardesques, hallucinations parfois et sensation d’angoisse qui oppresse la poitrine), comme celle qualifiée d’hydrophobique, laissent place à un ensemble de manifestations qui ne se réduisent pas au seul désir viscéral de lacérer de ses dents la chair de son prochain. Mais la rage peut faire passer le malade pour une victime du démon qui lui insuffle la folie. A ce titre, il n’est pas très étonnant qu’on ait cru capable le renard de provoquer des cas de possessions démoniaques, puisque le comportement des enragés y fait beaucoup penser.

Aujourd’hui, l’on peut dire que les possédés du démon, ce sont bel et bien les contempteurs bêtes et méchants du renard qui les obsède malgré lui, ce qui ne devrait plus avoir cours, d’autant moins que la rage a été éradiquée sur le territoire français il y a 20 ans. Hélas, les opinions fausses sont tenaces dans leur enracinement. Elles s’ancrent dans un archaïsme aussi menaçant que les pièges à mâchoires dont on use encore pour capturer cet animal (on estime entre 500 000 et un million le nombre de renards annuellement exterminés en France). Pourtant, un examen attentif débarrassé des filtres moralisateurs, prenant en considération les faits et l’observation objective, permet de rendre compte d’une réalité qui est tout autre : le renard, que les bestiaires donnaient comme l’ami du corbeau, est facilement mis en fuite par ces petits corvidés que sont les choucas, surtout lorsqu’en masse ils le harcèlent du bec. La fable nous raconte que si le coq pousse avec plus d’ardeur son cri durant la nuit, c’est pour éloigner le renard qui rôde alentours. L’on raconte encore que le renard doit lutter contre le coq lorsqu’il lui vient l’idée alléchante de pénétrer dans le poulailler. Mais ce ne sont là qu’affabulations. A la vérité, « un renard peut être mis en fuite par une poule suitée de poussins »5. Enfin, l’on peut dire que les Japonais n’eurent pas tort de faire du renard une divinité protectrice des denrées alimentaires : en effet, en mettant les ravageurs à son menu, le renard ne limite-t-il pas la destruction des cultures ?

Araser les anciennes croyances superstitieuses est d’autant plus salutaire que convoquer de vieux griefs ne passe généralement pas pour un signe d’assouplissement de l’esprit.

_______________

  1. Hildegarde de Bingen, Physica, p. 260.
  2. Michel Pastoureau, Bestiaires du Moyen-Âge, p. 307.
  3. Guillaume le Clerc, Le bestiaire divin, p. 91.
  4. Jean Chevalier & Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, p. 834.
  5. Zoo de Haye – GECNAL, Je découvre les animaux sauvages, p. 152.

© Books of Dante – 2021

La licorne

A la licorne, l’on a associé bien des sens symboliques parmi lesquels celui qui, ressortant avec le plus de prépondérance, concerne sa capacité à incarner la « force surnaturelle qui émane de ce qui est pur » et qui continuerait à s’exercer « sur les cœurs les plus corrompus » (1).

L’on a tous (?) de la licorne l’image du cheval blanc de lait au front orné d’une corne torsadée. Ce sont là ses caractéristiques physiques les plus couramment projetées. Mais si l’on y regarde de plus près, la licorne est un animal composite beaucoup plus polymorphique que cela. Est-il possible que des sur-ajouts d’éléments purent rendre l’animal aussi peu reconnaissable et visible au fil des siècles, en vertu de l’intarissable discours prodigué à son endroit ? Pas vraiment. Pourtant, entre son émergence orientale lointaine et les rangées de jouets à son effigie qui s’alignent dans les grands magasins, il a bien été question d’une métamorphose progressive de l’animal au fil du temps. Il est évident que la description qu’en donnait le médecin Ctisias au Ve siècle avant J.-C. – pour lui, la licorne est une espèce d’âne sauvage à la tête rouge et aux yeux bleus – et la version fluffy-bunny qui s’est imposée partout à l’heure actuelle, plus qu’un pas a été franchi. Oui, parce que la licorne, ça n’a pas toujours été ce cheval blanc à la crinière aux couleurs de l’arc-en-ciel, affublé d’une espèce de cornet de glace retourné et fiché sur le front, oh non ! Allez demander à un enfant d’étaler ses jouets – Little pony, Polly pockey, Playmobil, Lego, Barbie ou que sais-je encore –, il y aura forcément au moins une licorne dans le tas (2). S’apprêtent maintenant à déchanter celles et ceux qui vont apprendre que la licorne n’a pas toujours été ainsi. Plus haut, j’ai parlé de polymorphisme, ce qui veut dire que la licorne se rapproche d’une chimère, en ce sens qu’elle est constituée d’éléments empruntés à plusieurs animaux qui existent bel et bien. Du cheval, de l’âne, de la biche ou bien encore de la chèvre, l’on en tire l’élément principal, c’est-à-dire le corps de la bête, quadrupède très svelte au col délié, lequel s’achève le plus souvent par une tête équine ou caprine, tandis qu’à son autre extrémité, c’est l’âne, voire le lion, qui servent de modèle pour la queue de la licorne, dont les pattes sont chaussées de sabots fendus à la manière de ceux du cerf et du taureau. Enfin, elle peut être glabre ou poilue, arborant en ce dernier cas parfois une barbiche, voire une sorte de crinière.

Domenico Zampieri, La Vierge à la licorne, 1602. Domaine public.

Du point de vue du caractère, on dit la licorne douce, mais fière et orgueilleuse. Elle est parfois vue comme une créature mauvaise et cruelle au Moyen-Âge. Farouche et brutale, elle voue, quand elle en rencontre un, une haine tenace à l’éléphant (allez savoir…), et tente alors de l’embrocher avec sa corne, qu’elle a, dit-on, longue, droite et très brillante. Elle l’utilise aussi comme un moyen de dissuasion face à ceux qui chercheraient à s’en prendre à elle, bien qu’elle préfère fuir si elle le peut. Si elle est poursuivie, c’est que la licorne suscite la convoitise en raison des fabuleux pouvoirs logés dans sa corne frontale, dont le principal est de purifier tout ce qu’elle touche d’impur, de détecter la plupart des substances empoisonnées – venins, poisons, tout autres produits toxiques – et d’éloigner les démons. Ses supposées propriétés obligeaient sa vente à prix d’or, et il n’y avait guère que les rois, les seigneurs aisés et les monastères opulents qui cherchaient à se procurer une corne de licorne. On en découpait de petits fragments, que l’on enchâssait dans diverses vaisselles à boire et à manger, parce qu’il était bien connu que la corne de ce fantastique animal garantissait des poisons quiconque en absorberait par mégarde ou par le biais « des machinations d’une perfide marâtre », pour reprendre le bon mot de Serenus Sammonicus. En France, on s’en servit comme tel à la cour du roi, en compagnie des pierres de foudre et autres bézoards, et ce jusqu’à la veille de la Révolution française. Il faut également dire que la licorne incarnait de merveilleuses symboliques : la puissance et la force surnaturelle, la justice royale, le faste. Porte-bonheur augurant de bons présages, cette corne favorisait aussi la révélation divine, étant depuis longtemps liée à la chrétienté. L’on comprend que, dotée de toutes ces intéressantes qualités, l’homme n’ait pas hésité bien longtemps avant de partir à la conquête d’une corne de licorne, quitte, bien sûr, à tuer l’animal pour ce faire. Mais avant d’en arriver là, encore fallait-il s’emparer d’elle, ce qui n’était pas donné à tout le monde, puisque, comme nous l’avons souligné, elle évite la compagnie des hommes, leur préférant de loin les jeunes filles nobles, douces et agréables, dont elle se régale, dit-on, de l’odeur de virginité. Cette attraction détourne la licorne de sa route, qui s’en vient alors auprès de la jeune fille qui peut l’endormir à l’aide d’un lait virginal, ce qui en facilite la capture. Mais attention, si le piège est frelaté – c’est-à-dire que la jeune fille n’est plus vierge – la licorne entre dans une furieuse colère et tue généralement la menteuse de sa corne, parce que s’emparer de la licorne, cela signifie être suffisamment pur soi-même pour accéder à la sagesse et à l’intégrité spirituelle. Et c’est pour cela qu’à la jeune fille généralement anonyme l’on a substitué la Vierge Marie dans l’iconographie chrétienne : combien d’œuvres d’art montrent Marie dans une tonnelle de roses accompagnée d’une licorne, par exemple ? Le plus souvent, l’association des deux préfigure l’annonciation, c’est-à-dire l’annonce de la survenue prochaine du Christ par l’ange Gabriel. Il ne s’agit plus seulement d’unir la pureté féminine, souvent figurée par l’immaculée blancheur de cet animal, à la spiritualité masculine suggérée par la corne roide et bien droite, mais de faire de la licorne un symbole christique que l’on place dans le giron de Marie, au sein de l’Église elle-même, la Vierge Marie étant alors spirituellement fécondée par le Saint-Esprit, c’est-à-dire par ce phallus psychique qu’est la corne de licorne, qui se suffit à elle-même, le Père et le Saint-Esprit s’unissant tous deux en elle seule. A cette image de chasteté, l’on ajoute aussi la colombe et l’ange dans l’iconographie, afin que les choses soient bien claires : la licorne ne cherche ni à lutiner Marie ni à forniquer avec elle, comme certaines langues à la vue basse l’ont fait entendre.

La Dame à la licorne, 1484-1500. © Thesupermat (Wikimédia commons).

De la licorne originelle à toutes ces licornes qu’on vit fleurir entre les XVe et XVIIe siècles – l’une des plus célèbres restant, selon mon goût, la tapisserie dite de La Dame à la licorne (1484-1500) du Musée de Cluny à Paris –, un long chemin a été emprunté par la licorne pour qu’elle devienne ce qu’elle est en toute fin de Moyen-Âge. Cette accointance de la chrétienté avec elle s’explique par la présence de la licorne au cœur même de son livré sacré, puisque ce fabuleux animal est évoqué en plusieurs points de l’Ancien Testament. Cela justifierait donc le fait de l’avoir convoquée pour l’associer en bonne part à la figure mariale. Qu’en est-il exactement, surtout quand d’autres soutiennent qu’ils n’ont jamais rencontré de licorne au détour d’un verset lors de leur lecture de la Bible ? Selon certaines sources, la licorne apparaît en au moins sept circonstances dans l’Ancien Testament (3). J’ai donc recherché ces passages dans les deux bibles que je possède pour voir de quoi il retourne. Eh bien, il est uniquement question de licorne dans les Psaumes, dont un passage signale que l’animal ne possède qu’une corne, tandis qu’un autre pourrait nous faire imaginer qu’elle en a plus d’une… Partout ailleurs, l’on ne parle pas de licorne, mais de chevreuil et de… taureau ! Ce qui n’est pas tout à faite la même chose. Le meilleur pour la fin reste encore le livre de Job, au chapitre 39, qui est une véritable ménagerie : y figurent lion, lionceau, corbeau, paon, autruche, épervier, aigle, chamois, biche, âne, cheval, chèvre. Mais il n’y a pas de licorne à l’horizon. Pourtant, certaines bibles la font figurer dans les versets 12-14 : « La licorne voudra-t-elle te servir ou s’établira-t-elle près de ta crèche ? La lieras-tu de son lien pour labourer au sillon, ou hersera-t-elle les vallées après toi ? Te reposeras-tu sur elle, parce que sa force est grande, et lui abandonneras-tu ton travail ? » Dans une de mes bibles, pas de licorne, mais une chèvre sauvage, ce qui passe pour peu crédible. Un bœuf n’est-il pas plus adapté pour ces tâches agricoles, qui dissimulent bien évidemment une métaphore ? Il eut été question, non pas d’une chèvre, mais d’un taureau sauvage, ces versets auraient été beaucoup plus éloquents : le christianisme va-t-il pouvoir placer un joug sur l’échine du taureau sauvage afin d’en faire un docile animal ? (Autrement dit : peut-on évangéliser ces territoires barbares peuplés de ces « bœufs » sauvages que sont les aurochs, par exemple ?) Ce qui serait profitable à l’Église, parce que « de tous les animaux domestiques, le taureau est de loin le plus ‘sauvage’ » (4). Mais la licorne n’est pas vue comme un taureau, « au fil du temps, l’aspect de l’animal se transforme, son asinité [NdA : qu’on lui voyait emprunter durant l’Antiquité] disparaît, sa corne s’allonge, ses propriétés se multiplient » (5). Surtout, son allure équine au Moyen-Âge est le reflet de l’image valorisée et idéalisée du cheval à cette époque.

Lorsque les premiers traducteurs grecs de la Bible eurent affaire au mot hébreu re’em dans le texte, ils ne surent qu’en faire et finirent par lui accorder le sens de monoceros (qui deviendra unicornis en latin). Le chemin de la licorne était dès lors tout tracé. Or, si l’on en croit certaines sources, le re’em biblique ne serait pas autre chose qu’un bovidé sauvage, boúbalis, comme dit le grec, c’est-à-dire une « antilope », un « bœuf sauvage », peut-être l’oryx, bovidé dont les cornes longilignes peuvent dépasser un mètre de longueur. Le seul hic, c’est que cet animal en a deux (sauf quand il est vu de profil…), qui plus est orientées vers l’arrière de l’animal. Ainsi, la licorne, par le truchement d’un défaut de traduction, devint la remplaçante accorte du taureau, du moins de ce re’em/bovidé sauvage, ce qui arrangea fort les bestiaires moyenâgeux : que les taureaux bibliques devinssent des licornes, cela convenait parfaitement à la tradition chrétienne médiévale, parce que cet animal, au contraire du chaste bœuf – étant castré, il ne peut en aller autrement –, est considéré comme une créature diabolique. En effet, le taureau, animal au sang chaud et « empoisonné », est par trop fougueux et violent pour être facilement soumis. Imaginez un peu un taureau dans les jupons de la Vierge Marie, cela ferait tout de même désordre, d’autant que le taureau est une créature libidineuse à la sexualité débridée et inassouvissable, et qui, de toute façon, évoque trop instamment le culte de Mithra avec lequel le christianisme était en concurrence aux premiers siècles de notre ère. Du coup, la symbolique de la pureté et de chasteté en aurait rudement pâti, haem ^.^

Albrecht Dürer, Rhinocéros, 1515. Domaine public.

Cette fascination pour la licorne subsista longtemps. Par exemple, entre le XVIe et le XVIIIe siècles, de nombreux témoins affirmèrent avoir contemplé, ici ou là, une ou plusieurs licornes. C’est également le cas bien plus tôt, au XIIIe siècle, dans l’œuvre de Marco Polo, Le Livre des Merveilles, où l’on voit « se manifester une sorte de tension entre ce que la tradition lui suggérait de voir et ce qu’il voyait en réalité » (6). L’auteur, Umberto Eco, poursuit ses explications quelques pages plus loin : « Marco Polo pouvait-il ne pas chercher de licornes ? Il en chercha donc et les trouva, car il était enclin à poser sur les choses le regard de la tradition. Mais après avoir regardé, et vu, et en se fondant sur la culture du passé, voilà qu’il se met à réfléchir en témoin véridique, capable de critiquer les stéréotypes de l’exotisme. Il reconnaît en effet que les licornes qu’il a vues sont quelque peu différentes des gracieux chevreuils blancs à petite corne en spirale qui apparaissent sur les armoiries de la couronne anglaise » (7). Confronter la réalité aux fantasmes des cabinets de curiosités permet d’établir un nouveau regard qui n’est pas forcément plaisant pour qui privilégie la croyance aux dépens du savoir. Pourtant, malgré le titre de son ouvrage, Marco Polo s’efforce de contrôler son imagination, ce qui n’est pas en tout endroit réussi. Cependant, sur la question de la licorne, il parvient à ne pas s’échouer sur l’écueil de l’illusion et concède que « cette bête est assez laide à voir. Contrairement à ce que l’on dit chez nous, elle ne se laisse pas prendre par des pucelles, bien au contraire ». Eh oui, si l’on conjecture que cette « licorne » n’est pas autre chose que le rhinocéros ! Certains pensent même qu’il pourrait être le re’em des Hébreux, et Pline lui-même en son temps se demandait quand même si les soi-disant cornes de licornes ne proviendraient pas tout bonnement du rhinocéros (que l’on connaissait pour le voir combattre dans les arènes lors des jeux du cirque à Rome). En tous les cas, le naturaliste était suffisamment informé pour savoir que ces cornes étaient difficiles à se procurer, ce qui explique que l’on jeta très tôt son dévolu sur celles de l’oryx pour les faire frauduleusement passer pour des cornes de licorne tout ce qu’il y a de plus véritable. Marco Polo décrit donc au XIIIe siècle ce que Albrecht Dürer a gravé en 1515. Bien que l’artiste n’ait jamais vu l’animal en vrai (ici, un rhinocéros indien), il s’inspire d’un croquis et d’une description écrite anonyme de l’animal. Quand on voit le travail de Dürer, c’est là une preuve que la transformation d’une information au fur et à mesure de sa circulation est tout à fait relative. A plus de 500 ans de distance, pas de doute, le rhinocéros de Dürer est bel et bien un rhinocéros. Son sens du détail, son souci de l’exactitude ne sont pas tout à fait de la même nature que les grossières gravures que l’on peut voir dans l’ouvrage de Joannes de Cuba, l’Ortus sanitatus, datant de la fin du XVe siècle : l’on se prête à sourire devant les illustrations nous montrant une… licorne. Parfois, de telles illustrations, n’ayant que peu de rapport avec le sujet dont on parle, mais qui établissent la vision particulière que l’on a du monde, étaient parfois intercalées dans des ouvrages manuscrits, stratagème permettant de renforcer les légendes qui les imprègnent. C’était le cas des mirabilia, c’est-à-dire de cette littérature médiévale dont le but principal était la relation de voyages lointains et de ce qui y avait été vu et rencontré.

Dent de narval. © Licorne37 (Wikimédia commons).

Ainsi, l’on peut s’exclamer, avec certains zoologues modernes, que « oui, la licorne est une créature fabuleuse issue de la description déformée et mal comprise du rhinocéros d’Asie » (8). Certes, certes. Mais par quel puissant ressort psychique l’homme s’entiche-t-il de ces cornes qui ont valeur de fétiche si précieux que le mythe de la licorne se s’effondrera qu’au XVIIIe siècle ? Eh bien, l’existence tangible d’un autre animal – le narval – a servi de support physique à l’illusion chimérique de l’existence de la licorne terrestre. Et la question que l’on peut se poser, c’est la suivante : comment, à partir d’une seule corne, le reste de l’animal s’est construit tout autour ? Surtout que les tenants de l’existence de la licorne de terre n’ont jamais vu de narval, un animal marin fidèlement décrit par un texte anonyme norvégien remontant au XIIIe siècle, Le Miroir royal : « Dans les mers d’Islande, il y a aussi une espèce de baleine qu’on appelle náhwalr. Mais cette baleine n’est pas très grande, ne dépassant pas vingt aunes [NdA : c’est-à-dire 5 m pour le corps du mâle auxquels on rajoute 3 m pour la corne] ; elle n’est en aucune façon agressive et évite la rencontre des chasseurs. Mais elle a des dents toutes petites, sauf une dans la mâchoire supérieure, au bout de la tête. Cette dent est belle, bien formée et droite comme un oignon, elle est longue de sept aunes au maximum et tout entière tournée en vrille, comme si elle avait été façonnée par des outils. » Quelle fraîcheur ! On respire ! Comme tout cela nous change des égarements médiévaux que nous avons rencontrés jusqu’ici ! Les pêcheurs scandinaves étaient parfaitement au fait de l’existence du narval, alias licorne de mer, en raison de cette étonnante dent qui fut longtemps prise pour une corne. De plus, toutes ces informations proviennent d’un ouvrage très sérieux qui recense la totalité des connaissances établies en Norvège au sujet de la géographie, du commerce, de la zoologie, etc. Y figure même une démonstration prouvant la rotondité du globe terrestre (si, si !). Comme nous sommes loin en substance de ce qu’écrivait le zoologue français Bernard-Germain de Lacépède il y a deux siècles seulement, reprenant le pire de ce qui se disait au sujet du narval aux temps médiévaux, c’est-à-dire l’appétence de cet animal à couler des navires et à faire périr leurs passagers ! En effet, selon Lacépède, les 14 à 20 m de longueur du narval (sic) lui permettent sans peine, armé comme il l’est jusqu’aux dents, d’envoyer par le fond n’importe quel navire qui viendrait, imprudent, tomber sous sa dent vengeresse. Parce que ce qui fut pris pour une corne n’est en fait « que » l’incisive gauche modifiée de la mâchoire supérieure du narval. Mais peu importe, puisque « l’existence de cette licorne de mer fut un argument pour les tenants de la réalité de la licorne de terre. Depuis l’Antiquité, de nombreux auteurs étaient en effet persuadés que chaque animal terrestre avait son homologue dans la mer » (9).

Louis A. Sargent, Narvals, 1909. Domaine public.

Malgré toute l’honnêteté intellectuelle clairement lisible dans Le Miroir royal, de nombreux Européens se firent pendant longtemps abuser – et d’autres s’abusèrent eux-mêmes – par des marchands scandinaves qui leur vendaient des défenses de narval pour de véritables cornes de licorne de terre. La grande distance entre l’animal et celui qui le décrit, sans parfois l’observer sur le vif, a donné libre court à l’exagération, dont le point d’orgue fut sans doute les nombreuses hypothèses parfois farfelues qui furent proposées au sujet de l’utilité que pouvait bien avoir sa corne pour le narval, ce qui a sans doute aucun augmenté ses prétendus pouvoirs fabuleux et magiques. En somme, Lacépède, pour reprendre son exemple, adopte un comportement bien pire que celui de Marco Polo à l’endroit des licornes, qu’elles soient de terre comme de mer. Au sujet de cette dernière, son lieu de vie inhabituel, c’est-à-dire les latitudes élevées de l’océan Arctique, ne facilita effectivement pas l’observation in situ de l’animal par nos zoologues de salon.

Pierre Pomet, Histoire générale des drogues, 1694. Domaine public.

S’il est vrai que le Larousse médical du XXe siècle ne fait plus mention des merveilleuses vertus curatives de la corne de licorne, l’on voyait encore au XVIIe siècle, dans l’œuvre du marchand droguiste parisien Pierre Pomet (1658-1699), Histoire générale des drogues, traitant des plantes, des animaux et des minéraux parue en 1694, de magnifiques illustrations de licornes, précédant la notice qu’il consacre à ces créatures et qui débute le livre des animaux ! Ceci dit, contrairement à d’autres, Pomet n’était pas dupe sur la question de l’identité de la dite corne de licorne de terre : « Ce sont des tronçons de cette corne que nous vendons à Paris, comme ils se vendent ailleurs, pour véritable corne de licorne, à laquelle quelques personnes attribuent de grandes propriétés, ce que je ne veux ni autoriser ni contredire, pour ne pas l’avoir expérimenté, n’ayant trouvé l’occasion d’en avoir des preuves suffisantes » (10). Ce passage prend place au chapitre XXXIII, qui traite non pas de la licorne de terre mais du narval ! Pomet poursuit et, deux pages plus loin, nous pouvons encore lire ceci : « On sera donc désabusé de croire que ce que nous appelons corne de licorne, des Latins unicornis et des Grecs monoceros, soit la corne d’un animal terrestre dont il est parlé dans l’Ancien Testament (sic), ou la corne de ces animaux ci-devant représentés au chapitre des licornes, mais n’est autre chose que la corne de narval […]. Autrefois ces cornes étaient si rares que Monsieur André Racq, médecin de Florence, dit qu’un marchant allemand en vendit une à un pape 4500 livres, ce qui est bien contraire au présent, en ce qu’il s’en trouve de très belles que l’on peut avoir à beaucoup meilleur marché » (11).

Las de ces chimères, l’homme du siècle des Lumières se résigna et abandonna l’idée de mettre un grelot au chat, mais ne s’en jeta pas moins avec délice à la conquête de nouvelles toquades tenaces comme chaque siècle en compte de nombreuses.

_______________

  1. Jean Chevalier & Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, p. 569.
  2. Il y en a une dans tous. J’ai vérifié ^_^
  3. Les voici : Job XXXIX, 12-13 ; Psaumes XXII, 22 ; Psaumes XXIX, 6 ; Psaumes XCII, 11 ; Nombres XXIII, 22 ; Nombres XXIV,8 ; Deutéronome XXXIII, 17.
  4. Michel Pastoureau, Bestiaires du Moyen-Âge, p. 130.
  5. Ibidem, p. 96.
  6. Umberto Eco, Histoire des lieux de légendes, p. 109.
  7. Ibidem, pp. 111-112.
  8. Michel Pastoureau, Bestiaires du Moyen-Âge, p. 97.
  9. Nelson Cazeils, Monstres marins, p. 84.
  10. La tradition médicale nous a déjà livré la plupart des secrets médicinaux de la corne de licorne. Donnons-en quelques-uns supplémentaires. Au temps d’Hildegarde de Bingen, cette dernière intercale, dans son Livre des animaux, entre l’ours et le tigre, une licorne (De unicorni) dont le foie, mêlé en forme d’onguent avec du jaune d’œuf, est bon contre la lèpre, de même que la peau de cet animal dont Hildegarde conseille de s’en confectionner des ceintures et des chausses qui font que, « pendant que tu les porteras, aucune peste ne te nuiras. » (Hildegarde de Bingen, Physica, p. 250).
  11. Pierre Pomet, Histoire générale des drogues. Seconde partie. Livre I, pp. 78-80.

© Books of Dante – 2021