Le reishi (Ganoderma lucidum)

Voici le premier champignon thérapeutique abordé en pas loin de 12 ans de publication sur le blog ^.^ C’est donc l’occasion pour moi d’initier une nouvelle catégorie « Mycothérapie ». On verra bien si avec le temps d’autres compagnons viendront rejoindre le spécimen du jour : le reishi dit « rouge ».

Bonne lecture et beau week-end à toutes et à tous :)

Gilles

Synonymes : reishi rouge, ganoderme luisant, conque vernie, polypore laqué, champignon de l’immortalité.

Synonymes latins : Ganoderma reishi, Ganoderma resinaceum.

Si dans toute l’Asie extrême-orientale il existe un champignon qui peut le disputer au noble roi ginseng, c’est bien du reishi dont il s’agit : de l’Inde au Japon, partout il a su jouer un rôle plus ou moins appuyé : c’est le cas en Corée du Sud, où il porte le nom de young-ji-beo-seot, mais surtout au Japon où il s’est imposé comme champignon médicinal de premier plan. Pour comprendre que cette réputation est bien plus vaste que le territoire de ces deux petits pays, il faut considérer le nom commun par lequel on l’appelle : reishi. Ce terme japonais est l’altération d’un nom chinois plus ancien, ruishi, bien différent du nom que ce champignon porte en Chine, c’est-à-dire ling zhi. Mais où que l’on se situe de part et d’autre de la mer Jaune, il est une chose frappante : quels que soient les noms que l’on a attribués au reishi, ils appartiennent tous au même champ sémantique : par exemple, reishi, « champignon de bon augure », entre en parfaite résonance avec les autres substantifs japonais que sont mannentake, « champignon de 10 000 ans » ou encore saiwa-take, « champignon de la bonne fortune ». Du côté chinois, l’on décortique ling zhi comme suit : zhi désigne un champignon qui pousse sur les arbres et à la fois une substance permettant de concocter des élixirs d’immortalité. Quant à ling, cet idéogramme englobe les concepts de pluie et de chaman. Passées ces explications quelque peu complexes, contentons-nous d’apprendre que le ling zhi chinois est considéré comme le « champignon divin de l’immortalité et de la puissance spirituelle », un état de fait auquel il va falloir donner quelques éclaircissements. En Chine, le compte rendu des bienfaits thérapeutiques du reishi, ainsi que sa notoriété bien établie de drogue d’immortalité, transparaissent autant dans les écrits religieux que dans les textes médicaux. Les prêtres taoïstes, qui faisaient usage du reishi afin d’apaiser leur esprit, considéraient ce champignon comme permettant d’accroître les compétences du domaine de l’esprit (ne dirait-on pas une grande oreille qui expose son large lobe en direction des cieux ?). Wang Chong, penseur chinois du Ier siècle apr. J.-C., qui n’était ni prêtre ni médecin, disait pourtant qu’« inclure le reishi dans le régime alimentaire peut entraîner un excédent de longévité, car c’est la nourriture des dieux. » Cette proximité avec les dieux et les cieux confine à la légèreté éthérée des hautes sphères. C’est ce qui ressort bien souvent au sujet du reishi au cours de plusieurs millénaires successifs. Effectivement, d’après la médecine traditionnelle chinoise le reishi est censé procurer au corps la légèreté. C’est ainsi que l’on retrouve cette propriété dans le Shennong Ben Cao Jing : « Si on le mange habituellement, cela rend notre corps léger et rajeuni, allonge notre existence et nous transforme en immortel qui ne peut pas mourir. » S’affranchir du fardeau de la vieillesse et de ses conséquences morbides, c’est cela qu’il faut entendre par « légèreté », ce champignon de longue vie assurant la pleine santé, l’équilibre et la tonification du Qi, portant son influence sur pas moins que le cœur, le foie, les poumons, les reins et la rate, c’est-à-dire auprès des cinq principes de la médecine traditionnelle chinoise que sont le Feu, le Bois, le Métal, l’Eau et la Terre. De plus, ce « roi des champignons » est également nourrisseur du Shen, la forme la plus subtile du Qi, ce qui nous mène encore tout droit vers l’éther et la grâce (si ne plus sentir la torpeur du corps et sa pesanteur exagérée par l’âge et les maladies entre dans les prérogatives du reishi, l’idée même même de légèreté est encore plus simple à comprendre). L’utilisation plurimillénaire du reishi nécessite cependant d’être nuancé dans nos propos, l’enthousiasme faisant parfois écrire bien des exagérations : on s’imagine enfoncer le clou en surenchérissant, mais cela peut occasionner un effet exactement opposé. Les références documentées qui portent sur le reishi ont tout au plus 2400 ans d’âge, ce qui nous éloigne fort des 4000 ou 5000 ans que l’on lit ici ou là. Cependant, un document daté avec précision de telle ou telle année, ne peut exprimer à lui seul toute l’étendue d’un usage, ni la localité de cette utilisation. Lorsqu’on avance que les preuves documentées (= les traces historiques) les plus reculées concernant le reishi remontent à 2400 ans, il ne faut pas se borner à croire que l’histoire conjointe du reishi avec les hommes débute en cette limite temporelle-là. Pour sûr, l’usage a commencé bien plus tôt, mais n’a pas laissé de traces (c’est tout ce que l’on peut supputer, et cela nous confronte à la frustration de l’historien). Aussi, méfions-nous des « sources » invérifiables qui recherchent l’effet d’annonce sensationnelle plus que l’exactitude des faits historiques.

Dès le IIIe siècle apr. J.-C., le reishi, remède très convoité, devint un apanage limité aux seuls nobles et empereurs. Parce que c’était un champignon fort rare à l’état naturel, il fut sans doute aisé de broder une relation entre lui et les têtes couronnées, puisqu’à la royauté l’on a presque toujours associé l’idée d’immortalité. Si la noblesse et la gente aisée de l’époque préférèrent le reishi, cela ne fut pas tant pour ses aptitudes médicinales, mais en raison de ses supposés vertus porte-bonheur. Ainsi, à défaut de prolonger la vie ad vitam æternam, au moins pouvait-il faire en sorte qu’elle s’envisage et se poursuive dans les meilleures conditions de santé possibles. Ce qui pour un empereur présente bien des avantages et une importance difficile à dénier. Représenter un sceptre impérial sous la forme stylisée d’un reishi ne tenait donc en rien du hasard, de même que le reproduire entre les mains de hauts dignitaires, de figures royales ou divines. Durant la dynastie Yuan (1280-1386), il était fréquemment visible dans l’iconographie. Il ne me semble pas étonnant qu’on ait désiré en tirer un motif ornemental, tout comme l’on fit de la feuille de ginkgo, qui proliféra et prospéra tant elle était prisée. Ce symbole de divinité et de longévité qu’est le reishi, tout comme l’exquise feuille bilobée du ginkgo, prenait place aussi bien en tant qu’ornement architectural des bâtiments (cf. le palais d’été de Pékin), qu’à l’intérieur des habitations, sur les meubles et les tapis. Peintures, gravures et sculptures n’étaient pas en reste, de même que des objets de la vie quotidienne tels que broderies et vêtements, bijoux, flacons de parfum, peigne à cheveux, etc. A le faire ainsi paraître partout, il est aisé de comprendre que l’on ait cherché à tirer parti de son renom en tant que porte-bonheur, parfois véritable talisman que l’on portait sur soi afin d’écarter les esprits perfides et les présages funestes. On lui concédait un tel crédit qu’un seul spécimen de ce champignon pouvait parfaitement convenir comme dot : pénétrer dans une famille avec un tel ticket d’entrée, c’était non seulement s’assurer le succès du mariage, mais aussi garantir au couple un gain de pérennité. On trouve également trace du reishi dans la littérature chinoise et coréenne. Par exemple, la mythologie expose l’histoire de Magu, la déesse taoïste du chanvre. Initialement figurée sous les traits d’une jeune fille, elle tira puissance de l’eau de la montagne issue de treize sources différentes afin d’élaborer un élixir de reishi dont la maturation occupa treize années entières. Magu, buvant le breuvage fin prêt, devint immortelle, perpétuant pour toujours sa jeunesse et sa vitalité. Vouée aux malades et aux indigents, protectrice des plus faibles, Magu est une guérisseuse qui prodigue ses bienfaits aussi bien physiquement que spirituellement. Elle est dépeinte tenant un reishi à la main, en compagnie d’un cerf, animal au fort pouvoir symbolique de longévité.

Le reishi est de ces champignons qui vont à l’encontre même de l’idée que l’on se fait d’un champignon, dans l’idéal imaginaire je veux dire, c’est-à-dire un chapeau parfaitement rond, légèrement bombé en son sommet et dont le revers est strié de fines branchies fragiles et élégantes, le tout juché sur un pied assez quelconque que l’on oublie généralement de considérer (moi du moins ^.^). Avec le reishi, on observe une silhouette tout à fait différente, typique des champignons à tablettes : d’un pied, qu’il est plus convenable d’appeler stipe, haut de 4 à 20 cm, charnu et ligneux, de couleur noirâtre, émerge ce que l’on qualifie abusivement de chapeau, plus ou moins arrondi, du moins réniforme et décentré par rapport à l’axe du pied, au point qu’il peut se développer, surtout lorsque le sujet est juvénile, d’un seul côté, brisant la symétrie parfaite que nous avons décrite au sujet du champignon idéal. Il adopte alors une caractéristique allure de pommeau de douche. Tout d’abord jaunâtre à orangée, cette tablette rougit avec le temps (d’où le nom de reishi rouge que porte parfois ce champignon), avant de brunir au fur et à mesure que le champignon forcit et prend de l’âge. En l’observant avec davantage d’attention, l’on peut y voir des crêtes circulaires qui font comme des cernes de croissance d’un arbre. La tablette de ce champignon rustique et robuste est recouverte d’une cuticule cornée qui brille à la lumière et lorsque le champignon est humide : cela justifie l’adjectif latin lucidum et un certain nombre de ses autres noms vernaculaires. Si l’on retourne ce champignon, il est plus loisible d’en inspecter le revers du chapeau : ici, pas de branchies, mais une constellation de petits trous qui ponctuent une surface blanc mat pareille à de la céramique : il s’agit de pores (le reishi est un champignon dit polypore), par lesquels s’échappent les spores, tout comme des grains de sel d’une salière. Il pratique le saupoudrage, en somme (on parle de champignon sporophore). Le reishi est une espèce de champignon sylvestre qui dépend essentiellement de la présence d’arbres pour assurer son développement, mais à la condition que ceux-ci soient déjà morts ! Selon les régions, il peut élire domicile aussi bien sur le vieux tronc d’un feuillu (chêne, etc.) que d’un résineux (pruche, etc.). Il y pousse isolément ou bien en petits groupes de quelques individus. Bien que ce champignon procure l’immortalité, il est lui-même sujet à quelques fragilités : en effet, il est sensible aux maladies, aux insectes, ainsi qu’à diverses pollutions. Cela explique pourquoi il est rare qu’un beau champignon de qualité parvienne au stade ultime de son existence dans la nature. C’est par exemple le cas au Japon où le reishi, traditionnellement associé aux tronc de vieux pruniers morts, se raréfie à l’état sauvage. Mais il faut savoir aussi considérer plus largement le reishi : Ganoderma lucidum n’est pas circonscrit qu’à quelques rares vallées humides et ombrageuses des hautes montagnes de la Chine et du Japon, en ces lieux presque mythiques où l’humidité atmosphérique est à couper au couteau. Effectivement, il est également présent en Amérique du Nord (Canada, États-Unis), en Europe (Espagne, France, Serbie, République tchèque, Hongrie, Grèce, Ukraine, Russie), ainsi qu’au nord de l’Inde et au Népal. Cette vaste répartition explique que dans plusieurs des pays que nous venons de citer, on le cultive pour les besoins thérapeutiques. C’est le cas en Asie (Chine, Taïwan, Japon, Corée du Sud) où des fermes de culture ont été mises en œuvre depuis les années 1960-1970, mais également en Amérique septentrionale, ainsi qu’en Europe (la France compte parmi les pays qui cultivent le reishi, parfois biologiquement. Ce qui peut être utile à savoir). Dans certains cas, le reishi de culture se comporte de très étrange manière, arborant une allure dite en « bois de cerf », résultante d’un niveau de CO2 plus élevé dans l’atmosphère environnante et d’un manque de luminosité (cf. photo ci-dessous).


Ganoderma lucidum en bas. Illustration tirée du XIVe volume de la Flora batava (1800) de Jan Kops (1765-1849).


Le reishi en mycothérapie

Bien qu’étant peu accoutumé à l’étude des champignons, il m’est pourtant indispensable de tracer minutieusement le profil biochimique des « parties aériennes » du reishi, à savoir son « pied » et son « chapeau ». A bien considérer les études scientifiques, deux grands groupes moléculaires se distinguent nettement l’un et l’autre : des triterpènes peu solubles dans l’eau froide et qui préfèrent l’extraction à l’eau chaude ou à l’éthanol. Deuxièmement, des polysaccharides (glucides complexes). Dans le premier groupe, on trouve de nombreux triterpènes (issus du lanastane) dont bien des noms s’inspirent du nom latin de notre champignon : les acides ganodériniques, ganolucidiques, ganodériques A-Z et ganodériques α, β, γ, δ, ε, ζ, η et θ. A cela, il faut encore additionner les acides lucidémiques, le lucidumol, le ganodériol, le ganodermanontriol, le ganodermatriol, le ganodermamonol enfin les ganodérols A et B. Du côté des polysaccharides (qui représentent environ 11 % du poids sec d’un champignon reishi), on croise les célèbres β-glucanes très étudiés, mais aussi des hétéroglycanes et des peptidoglycanes (tels que les ganodéranes A et B, par exemple). Au-delà, nous constatons une large fraction de protéines (7,3 %) dont des acides aminés (glycine, thréonine, serine, alanine, adénosine, proline, valine, acides aspartique et glutamique), ainsi que cette protéine immunomodulante précieuse que l’on a baptisé LZ-8 (LZ pour ling zhi). Parmi les corps gras, on distingue des acides gras et des phytostérols (ergostérol, ganodermadiol, etc.). Pour finir, mentionnons l’existence de lactones (lucidones A, B et C, lactone lucidémique), d’alcaloïdes (lucidinines A-D), de vitamines (B9, C), enfin de micro et de macro-éléments (fer, zinc, manganèse, germanium, et dont les plus nombreux sont sans doute aucun le magnésium, le calcium et le potassium).

Le reishi est un champignon à texture coriace, au goût fort et terreux, un peu amer à très amer, mer d’absinthe sur laquelle surnage une douceur sucrée un peu cacaotée. Il faudra s’en souvenir au moment de consommer le reishi ^.^

Propriétés thérapeutiques

  • Adaptogène (augmente les performances physiques et mentales, procure une énergie douce et constante qui surprend par sa fiabilité, procure davantage de force et une résistance à l’effort ainsi qu’au froid plus élevée1), apaisant du système nerveux, améliore l’humeur, réduit la latence du sommeil et en augmente la durée (plausible activité sur le neurotransmetteur GABA)
  • Anti-oxydant, anti-inflammatoire, antinociceptif, antiradicalaire (radicaux hydroxyles), protecteur face au stress oxydatif
  • Stimulant puissant de l’immunité, immunomodulant (le reishi exerce un effet stimulant sur les globules blancs (leucocytes, monocytes), les macrophages, les NK (natural killer), les LAK (cellules tueuses activées par lymphokines), les TIL (lymphocytes infiltrant les tumeurs, etc.), augmente la sécrétion d’IFNγ (= interféron gamma : il s’agit d’une cytokine essentielle à l’immunité innée)
  • Anticancéreux, antitumoral
  • Anti-infectieux : antibactérien, antiviral (HSV-1, HSV-2, VSV (virus de la stomatite vésiculeuse), VIH-1 (in vitro))
  • Cardiotonique, régulateur cardiovasculaire (fait chuter la viscosité du sang et du plasma, abaisse la glycémie sanguine, anti-agrégeant plaquettaire), hypotenseur (par inhibition du nerf sympathique), antihypertenseur, tonique circulatoire
  • Hépatoprotecteur, trophorestaurateur hépatique, antifibrotique hépatique (inhibe les dépôts de collagène dans le foie), anti-hépatotoxique, favorise la détoxification du foie, rétablit les fonctions hépatiques après un épisode morbide
  • Tonique digestif, améliore l’appétit
  • Tonique cutané, procure bon teint
  • Expectorant
  • Anti-androgène (inhibiteur de la sécrétion de dihydrotestostérone)
  • Renforce les os et les tendons
  • Inhibiteur de l’acétylcholinestérase

Usages thérapeutiques

  • Troubles du système nerveux : amélioration des fonctions cognitives (mémoire, attention, clarté mentale, concentration), réduction du stress (physique et psychique), inquiétude quotidienne, pensées obsédantes, anxiété, nervosité, neurasthénie, troubles du sommeil, insomnie, dépression
  • Troubles de l’immunité : faiblesse immunitaire, chute de l’immunité et de l’énergie totale (personnes âges surtout), immunodépression, immunité fortement sollicitée par une infection virale ou bactérienne, patient en chimiothérapie conventionnelle et radiothérapie (fatigue diminuée, effets secondaires atténués), amélioration du rétablissement post-opératoire, leucopénie
  • Fatigue, faiblesse, manque de vigueur, surmenage
  • Troubles de la sphère respiratoire : asthme, allergie respiratoire (rhinite allergique), rhume et autres infections respiratoires hivernales (grippe), bronchite chronique, toux
  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : dyspepsie, ulcère gastrique, indigestion
  • Troubles de la sphère cardiovasculaire et circulatoire : hypertension, artériosclérose, arythmie cardiaque, angor
  • Affections cancéreuses : leucémie, cancer hormonodépendant (prostate, sein), tumeur ovarienne, hyperplasie bénigne de la prostate
  • Troubles de la sphère génitale : alopécie androgénique, syndrome ovarien polykystique, syndromes de la ménopause, douleur mammaire cyclique
  • Affections cutanées : dermatite de contact, éruption herpétique, névralgie post-herpétique, zona, lupus
  • Hépatite chronique
  • Douleur articulaire
  • Empoisonnement aux champignons de type amanite

Modes d’emploi

  • Poudre de champignon reishi cru : il faut compter 6 à 12 g par jour. On peut mêler cette poudre à une boisson chaude (thé, café, cacao) ou à tout autre liquide de son choix. Certains choisissent de l’ajouter à une soupe ou de la saupoudrer sur leurs plats.
  • Décoction de champignon reishi sec : s’il ne s’agit pas de poudre, mais du champignon découpé en tranches fines, il importe de les émietter davantage afin d’aider la libération des β-glucanes qui sont séquestrés dans les parois dures et fibreuses du champignon. Pour augmenter ses chances d’obtenir une boisson convenable, il faut aussi faire durer longuement cette décoction jusqu’à réduction au tiers. Ainsi fait-on : dans deux litre d’eau, déposez 2 à 15 g de reishi sec. Portez vivement à ébullition, puis réduisez le feu dès les gros bouillons passés. En faisant réduire le liquide des 2/3 environ, on obtient finalement 75 cl de décoction, quantité satisfaisante pour la journée et que l’on absorbera en deux temps distincts.
  • Macération vineuse : dans un demi-litre de vin rouge, placez 90 g de reishi sec et laissez macérer le tout pendant dix jours. A l’issue, passez, exprimez bien les champignons gorgés de vin et filtrez bien. On compte généralement trois prises de 10 ml de ce vin médicinal par jour.
  • Extrait pulvérisé : sous forme de gélules, comprimés, poudre libre parfois (bien que ce soit moins pratique sur la question du dosage). Concernant la posologie, référez-vous aux préconisations du fabricant.
  • Teinture hydro-alcoolique ; comme nous savons que les composants biochimiques du reishi ne sont pas tous intégralement sensibles à l’eau ou à l’alcool, le mieux est encore de conjuguer les forces de ces deux éléments à travers l’élaboration de cette teinture. Dans un bocal d’un litre de contenance, entassez des champignons reishis frais (jusqu’à la moitié) ou secs (jusqu’aux deux tiers). Cela fait, ajoutez de l’alcool jusqu’au collet du bocal. Verrouillez-le bien et laissez macérer son contenu pendant quatre à six semaines en un lieu frais et sombre. Pendant tout ce temps, remuez énergiquement le bocal une fois par jour. Puis procédez aux habituelles opérations de filtrage, d’embouteillage et de stockage. On prendra soin de récupérer les champignons détrempés afin de leur faire subir une décoction aqueuse cette fois : dans deux litres d’eau, faites cuire à feu très doux l’équivalent de deux tasses de champignons. On mène cette décoction pendant suffisamment de temps pour réduire le volume d’eau au tiers. En tous premier lieu, nous avons obtenu un extrait alcoolique alors que cette seconde opération nous offre un extrait aqueux. En mélangeant les deux, on se procure un extrait hydro-alcoolique qui combine la composition et les vertus de l’un et de l’autre.

Note : le commerce de détail spécialisé dans le type de produits qui nous occupe regorge de spécialités dans lesquelles figure le reishi, que l’on trouve mêlé à de l’acérola, du curcuma, du guarana, du café, d’autres champignons, etc. Toutes ou presque recherchent la stimulation de l’immunité, la résistance, l’accroissement du tonus et de la vitalité. Le reishi est aussi présent dans des boissons énergisantes, des barres chocolatées, etc.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Effets secondaires : exempt de toute cytotoxicité, le reishi peut néanmoins provoquer quelques désagréments dont voici les principaux : désordres gastro-intestinaux, sécheresse de la zone ORL, démangeaisons et/ou irritations cutanées, de même que saignements de nez ou, plus grave, survenue de selles sanglantes. On a aussi observé des cas de réactions allergiques avec « essoufflement, gonflement du visage (yeux, lèvres), urticaire ou autres éruptions cutanées, nausées, vomissements, transpiration, pouls rapide et basse pression artérielle »2. Ces derniers effets sont surtout provoqués par les spores du champignon.
  • Interactions médicamenteuses : comme elles sont assez nombreuses, il est préférable d’en prendre connaissance avant toute décision de s’adresser au reishi pour une raison ou pour une autre. Tout d’abord, sachons que le reishi entre en conflit avec des antipsychotiques (chlorpromazine), des barbituriques (barbital, pentobarbital) et un certain nombre de médicaments liés à la sphère cardiovasculaire et circulatoire, tels que des hypotenseurs (réserpine) et des anticoagulants (c’est pourquoi le reishi est déconseillé avant tout acte chirurgical, ainsi que durant la période qui précède l’accouchement chez la femme enceinte). De par sa puissante action sur le système immunitaire, le reishi est contre-indiqué dans les cas où une immunosuppression est induite par un médicament de ce type. Pour cela, les personnes greffées doivent se prémunir du reishi.
  • Tout champignon merveilleux qu’il soit, le reishi n’est pourtant pas du tout psychotrope. Il est donc inutile de rechercher des hallucinations grâce à son aide ^.^
  • Sauf avis médical, le reishi n’est pas conseillé durant la grossesse ni pendant l’allaitement.
  • Avant tout achat, soyez précautionneux quant à la provenance du reishi que vous souhaitez vous procurer. La contamination aux pesticides et aux métaux lourds étant aisée, c’est là une précaution bien nécessaire à prendre à propos d’un champignon qui provient, bien assez souvent, de l’autre côté du monde, précisément là où les critères de contrôle de qualité diffèrent de ce qu’ils sont par chez nous. Par ailleurs, des marchands peu scrupuleux proposent à la vente la racine du champignon (avec laquelle vient un peu du substrat sur lequel il pousse…) à la place des parties aériennes. Il est donc de bon ton de se méfier des adresses auprès desquelles on désire s’approvisionner, en particulier si elles ne font pas toute la démonstration d’une clarté dans l’identification stricte du produit soumis à la vente. Par exemple, à l’aide de contrôles, l’on sait maintenant que certaines poudres de reishi n’en contiennent pas la moindre once !
  • Bien qu’étant de longue conservation à l’état sec, le reishi n’apprécie pourtant ni l’exposition au soleil ni celle à la chaleur.
  • Parfois, dans la littérature dédiée aux champignons thérapeutiques, on insiste pour désigner Ganoderma lucidum sous le nom de red reishi (reishi rouge). En existerait-il d’autres peints en couleurs différentes ? Oui, mais bien qu’ils portent aussi le nom de reishi, ces champignons appartiennent tous à d’autres espèces : le reishi pourpre (Amauroderma rugosum), le reishi noir (Ganoderma sinensis), le reishi jaune (Laetiporus sulphureus), le reishi bleu (Trametes versicolor) et le reishi blanc (Lariciformes officinalis).

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  1. « Il aide le corps et l’esprit à s’adapter de manière fluide aux facteurs de stress sanitaires et à maintenir l’allostasie. L’allostasie est le processus de maintien de l’homéostasie par le changement adaptatif de l’environnement interne du corps pour répondre aux demandes existantes et anticipées » (Source).
  2. Source.

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Figurine en jade représentant un reishi. Chine XVIIIe siècle. MET, New-York.

Le bacopa (Bacopa monnieri)

Adaptogènes : nouvelle pierre à l’édifice. Le bacopa, que l’on appelle aussi brahmi, ne doit pas être confondu avec le gotu kola qui porte parfois un surnom identique.

Zou, c’est parti pour faire un tour en Inde ! Bonne lecture et beaux week-end à toutes et à tous :)

Gilles

Synonymes : brahmi, hysope d’eau, herbe de grâce, gratiole à feuilles de thym.

Synonymes latins : Bramia monnieri, Gratiola monnieria, Herpestes monnieria.

Plante de la sagesse, le bacopa figure souvent au côté du basilic sacré (tulasi) à l’entrée des temples et auprès des autels en Inde : il importe de le placer à tous les points de contact de l’homme avec les divinités. Et cela dès le plus jeune âge : on consacre la naissance des nouveaux-nés avec le bacopa, gage d’ouverture en direction de la voie de l’intellect et un état de conscience expansif, ce que son principal nom en Inde, brahmi, explicite assez bien puisqu’il s’inspire du mot Brahman, nom donné à la conscience universelle, autrement dit l’absolu non personnifié que chaque tentative de description réduit de façon nécessaire1. Procurant un sentiment de calme et de paix, l’herbe des sages, capable d’équanimité émotionnelle en équilibrant les deux hémisphères cérébraux, est l’aliment quotidien qui favorise le sattva du yogi en méditation, c’est-à-dire l’essence de la pure conscience. Est-ce que, donc, cette herbe concourt à ce que les enfants indiens soient moins affectés par le TDAH que leurs homologues occidentaux trépidants ? ^.^ En tous les cas, sa destination thérapeutique principale est très claire, comme le prouve son inscription au sein des medhya rasayana par différentes sources antiques (Charaka Samhita, Sushruta Samhita, Atharva-Véda), le mot medhya signifiant tout bonnement « esprit »2. Qu’elle soit mise à profit par les érudits et les intellectuels ne procède pas que du folklore et de la tradition, cette utilisation reflète le fait que le bacopa aiguise l’intellect et évite les pertes mnésiques, ce qui s’avère bien pratique pour aider les sages hindous dans la conservation des longs hymnes védiques dans leur mémoire. Effectivement, le bacopa est l’un des principaux ingrédients de formules ayurvédiques nombreuses destinées au développement des fonctions cérébrales et cognitives, améliorant les trois composantes de base de l’esprit que sont le dhi (pouvoir d’apprentissage), le dhuti (pouvoir de rétention) et le smriti (pouvoir de rappel). En ce qui concerne les doshas, le bacopa soutient kapha et vata (mais peut aggraver ce dernier si consommer en excès), apaise les déséquilibres de pitta qui se manifestent par un échauffement du sang, des états inflammatoires et une sur-agitation tant du corps que de l’esprit.

Le bacopa porte également le nom de sarasvata, très claire référence à l’une des Tridevi, c’est-à-dire les trois déesses suprêmes de l’hindouisme : Lakshmi, Parvati et Sarasvati. Cette dernière n’est pas seulement la divinité de la connaissance. Elle est aussi celle de l’apprentissage, des pratiques artistiques telles que la musique, de la sagesse, de l’abondance et de la richesse. Toutes choses où le bacopa s’y entend un peu ^.^ (à comparer les attributions de la déesse et celles du bacopa selon l’Ayurvéda, l’on ne s’étonnera guère de cette association).

Si, maintenant, l’on devait envisager ce statut de medhya rasayana à la lumière actuelle de la science moderne, qu’en dirions-nous ? Eh bien, que l’action cérébrale du bacopa emprunte plusieurs sentiers, ce que promeut, entre autres, sa capacité à construire de nouvelles dendrites neuronales, favorisant l’arborisation cérébrale du cerveau. On peut tout d’abord relever l’activité neuroprotectrice du bacopa : cette plante protège les neurones des neurotoxines, de la fumée de tabac et élimine les dépôts de β-amyloïdes. Sa capacité anti-oxydante et antiradicalaire lui permet de seconder cette activité neuroprotectrice. En effet on a observé les pouvoirs anti-oxydants du bacopa sur l’hippocampe, le striatum et le cortex frontal. Quant aux radicaux libres, ils sont nombreux à être interceptés par le bacopa (peroxydes dont H2O2, superoxydes, radicaux hydroxyles, DPPH, etc.). Il est incontournable de se poser la question de la valeur anti-oxydante/antiradicalaire des plantes médicinales, sachant que, dans leur ensemble, ce que l’on appelle radicaux libres sont impliqués dans de nombreuses pathologies (trop) courantes : artériosclérose, hypertension, ischémie cérébrale, diabète, gastrite, arthrite, maladie d’Alzheimer, maladie de Parkinson… Le bacopa permet non seulement de limiter le phénomène de démyélinisation des neurones, mais les place également à l’abri du stress oxydatif, ce qui est d’autant plus primordial que le cerveau consomme à lui seul jusqu’à 25 % de tous l’oxygène ingéré par l’organisme, mais ne dispose que de peu de substances anti-oxydantes locales pour lutter contre l’excès de déchets oxydatifs produits, de même qu’il s’avère chélateur d’un certain nombre de métaux à l’origine de phénomènes pro-inflammatoires qui se surajoutent aux effets délétères du stress oxydatif sur le corps et l’esprit (que d’aucuns considèrent comme étant à l’origine de 90 % des rendez-vous médicaux). Remarquons cependant que l’inflammation est un phénomène organique naturel permettant à l’organisme de lutter contre les maladies et d’en guérir. Mais… lorsque, à l’image du distress, elle devient chronique, elle s’avère responsable de nombreuses affections dont elle est, en quelque sorte, le révélateur. Les effets du stress oxydatif et de l’inflammation chronique se trouvent encore régulés par le bacopa qui possède l’heureuse disposition d’abaisser la sécrétion de cortisol dans l’organisme. Ajoutons à cela que le bacopa est un tonique circulatoire cérébral à action pro-cholinergique directe, et l’on aura la preuve évidente qu’il ne peut démériter de son statut de medhya rasayana, renforcé encore par l’action de différents neurotransmetteurs tels que l’acétylcholine, le GABA et la sérotonine. En stimulant la production de cette hormone ainsi que celle de la dopamine, le bacopa fortifie le rôle neurotransmetteur des synapses (au niveau des connexions synaptiques). L’on a donc raison d’affirmer que le bacopa facilite la rapidité du traitement des informations, la mémorisation et le souvenir, rendant les tâches cérébrales beaucoup plus vives et fluides. Au reste, cette aptitude s’observe aussi à d’autres niveaux : le bacopa possède une affinité avec la lymphe et le sang au travers du système circulatoire, avec le contenu du tube digestif par le biais du système gastro-intestinal. Qu’il s’agisse du sang, de la lymphe et des nutriments, on remarque que le bacopa fait la promotion de ces réseaux transporteurs, à l’image du système nerveux. Il soutient donc la circulation sous bien des formes, puisqu’elle n’est pas seulement organique (sang, lymphe, contenu gastro-intestinal), mais également énergétique. Le bacopa est à ce point engagé dans la bonne circulation au sein de l’organisme, qu’il s’en vient même à la rétablir en ces points précis que sont les articulations où, parfois, une fraction de l’énergie vient s’échouer sans pouvoir se remettre à flot.

Le bacopa est une petite plante vivace pluriannuelle qui peut être soit complètement aquatique et donc immergée (elle est à ce titre très populaire comme plante d’aquarium) ou semi-aquatique. C’est cela qui détermine l’allure de son port : ascendant dans la première configuration, semi-couché dans la seconde (troisième possibilité : comme elle s’épanouit aussi très bien en pot à l’air libre, elle peut adopter un port retombant ; elle fait donc à peu près ce qu’elle désire, à la condition d’être bien arrosée). Rien que cela est déjà très étonnant. Mais il y a mieux : qu’est-ce donc qui motive une plante grasse à entretenir un lien si étroit avec l’élément aqueux, qu’elle pousse cette lubie à vouloir parfois s’y baigner intégralement à la façon du cresson ? Observons les tiges de la plante : rondes et creuses, glabres et parfois un peu rougeâtres, elles n’excèdent pas 25 cm de longueur, au total. S’y développent de petites feuilles sessiles d’1 ou 2 cm dont la forme rappelle celles du pourpier. Charnues, arrondies à leur extrémité, un examen plus attentif permet de distinguer, seulement sur la portion arrondie, de très légères crénelures et, piquetant la surface du limbe, de minuscules trous. A l’aisselle des feuilles, l’on voit parfois des radicelles émerger des nœuds racinaires : c’est ainsi que la plante se propage tout en lui permettant de s’agripper de place en place, laissant libre court à son appétence de plante tapissante pour les grands espaces. Les fleurs solitaires du bacopa s’enchâssent au bout de longs pédicelles grêles. La corolle de ses fleurs est constituée de cinq lobes dont deux plus grands que les autres. Chacun porte une incise terminale et trois rayures violettes longitudinales qui strient la blancheur presque immaculée de ces pétales courbes (le coloris des fleurs du bacopa peut varier et passer au bleu lavande et au rose pâle, soit des teintes bien délavées par la continuelle eau du bain).

Le bacopa affectionne de barboter dans les eaux tant vives (rivière) qu’immobiles (marais, étang, lac) de nombreux pays d’Asie du Sud (Sri Lanka, Inde, Pakistan, Népal) et d’Asie du Sud-Est (sud de la Chine, Taïwan, Vietnam). Mais comme c’est une plante pan-tropicale, on la trouve aussi en Amérique du Sud (Brésil, Caraïbes), en Australie, à Madagascar et en quelques points les plus méridionaux des États-Unis (Floride, Californie).

Compte tenu des prodiges dont le bacopa est capable, autant dire que la demande en est forte et n’est pas compensée par un mode végétatif de la plante qui passe peu par la granification (peu de graines produites = une viabilité réduite). C’est un « détail » auquel il faudra accorder une importance au moment de se procurer du bacopa.

Le bacopa en phytothérapie

Vu le port souvent étalé de cette plante, parler de parties aériennes peut prêter à sourire, sachant que dans leur dominance aquatique, elles baignent littéralement dans l’eau. Bref. Tout cela pour dire que ce sont ce qu’habituellement nous nommons les sommités feuillées qui sont utilisées par la phytothérapie moderne, autrement dit les tiges et les feuilles de cette plante, légèrement amères et douces quand elles sont fraîches. Chose intéressante et résolument marquante, c’est que cette plante lavée à grande eau dans son milieu naturel contient une grande quantité de potassium (une cendre qui « lave ») et de saponines. Cela est-il un indice d’une propriété « détersive » ? Nous verrons bien ^.^ Ce qui est plus certain, c’est que c’est autour de ces derniers corps moléculaires que l’attention des biochimistes s’est tournée depuis ces dernières décennies. En allant vite, on évoquerait juste les bacosides A et B, des saponosides triterpéniques de la classe des dammaranes. Mais nous ne pouvons pas nous contenter d’en exposer aussi peu au sujet de ces molécules. En réalité, l’on s’en doute, rien n’est aussi simple. Par exemple, le seul bacoside A est constitué de quatre éléments : bacoside A3, bacopaside II, bacosaponine C et jujubogénine (un flavonoïde). Quant au bacoside B, il se compose de quatre saponines diglycosidiques. Le bacopaside II n’est pas l’unique représentant de son espèce, puisqu’on compte également les bacopasides I, III, IV, V… jusqu’à XII. Même chose avec la bacosaponine C : il en existe aussi du même type : bacosaponines A, B, D, E, F, G, H, I, J, K, L, etc. En complément de cette fraction occupée par les saponines, on peut voir dans le bacopa une assez forte proportion de polyphénols tels que les flavonoïdes (jujubogénine, oroxindine, quercétine, apigénine, wogonine), les caroténoïdes et leurs métabolites (lutéine, β-carotène, loliolide), etc.

Achevons là cet inventaire en signalant l’existence d’alcaloïdes (nicotine, brahmine) et de triterpènes pentacycliques (acides bétulique et asiatique : autres points communs avec le gotu kola).

Propriétés thérapeutiques

  • Anti-inflammatoire (abaisse notamment l’inflammation au sein des cellules cérébrales = antineuro-inflammatoire), inhibe la libération de cytokines pro-inflammatoires (IL-1β, IL-6, TNF-α), antinociceptif, analgésique, anti-oxydant, antiradicalaire, inhibe la peroxydation lipidique, antipyrétique
  • Adaptogène puissant, nootrope (améliore les capacités de concentration, d’attention de mémoire à court et long terme, de rétention de nouvelles informations, d’apprentissage, de rapidité d’exécution d’une tâche donnée, en particulier le traitement des informations visuelles), tonique cérébral, favorise la récupération après un traumatisme cérébral, neuroprotecteur (nicotine, nitrite de sodium, diazépam, scopolamine, aluminium, etc.), aide à corriger la réception défectueuse des cellules cérébrales3, relaxant, tranquillisant, anxiolytique (aussi bien que certains médicaments de la classe des benzodiazépines mais sans causer d’amnésie), antidépresseur, stabilisateur de l’humeur (action sur la dopamine et la sérotonine entre autres)
  • Maintient une pression artérielle correcte, vasodilatateur (par libération d’oxyde nitrique qui aide à la dilatation des vaisseaux sanguins), tonique sanguin et lymphatique, soutient les fonctions circulatoires cérébrales, dépuratif sanguin
  • Anti-infectieux (antibactérien), immunostimulant
  • Anticancéreux (inducteur de l’apoptose, inhibiteur mitophagique), anticlastogène
  • Spasmolytique des muscles lisses intestinaux, myorelaxant
  • Tonique capillaire, accélère la cicatrisation des plaies
  • Diurétique
  • Tonique articulaire
  • Tonique digestif
  • Tonique respiratoire

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : gastrite, ulcère gastrique (y compris par Helicobacter pylori), colite ulcéreuse, spasmes intestinaux (syndrome du côlon irritable), flatulences, indigestion, constipation
  • Troubles de la sphère respiratoire : asthme, bronchite, bronchoconstriction
  • Troubles de la sphère cardiovasculaire et circulatoire : hypotension, bradycardie
  • Troubles locomoteurs : maux de dos, douleur articulaire, douleur arthritique, névralgie et douleur neuropathique
  • Troubles de la sphère génitale masculine (performances sexuelles, impuissance, éjaculation précoce) et féminine (performances sexuelles, stérilité)
  • Affections cutanées : eczéma obstiné, psoriasis, ulcération cutanée rebelle
  • Affections cancéreuses : cancer (buccal, du sein, du cerveau, du foie, du poumon, du côlon)
  • Troubles du système nerveux : anxiété, agitation, insomnie, hyperactivité, TDAH (agitation, inattention, impulsivité, manque de maîtrise de soi ; le bacopa induit un meilleur sommeil et des avantages cognitifs évidents), maladies neurodégénératives (maladie d’Alzheimer4 et démence/senescence/troubles psycho-cognitifs liés à l’âge, maladie de Parkinson), maladies neuro-développementales (autisme, syndrome d’Asperger), schizophrénie, psychose, épilepsie, dégradation des fonctions cérébrales provoquées par la maladie de Lyme (neuroborréliose), brouillard mental, perte de mémoire, amnésie médicamenteuse (par le diazépam, par exemple), anhédonie, dépression
  • Épuisement, manque de force et de tonus
  • Sevrage (alcool, toxicomanie, sucre)5
  • Filariose

Modes d’emploi

  • Poudre de sommités aériennes de bacopa : qu’elle soit libre ou en gélules, il faut veiller à savoir s’il s’agit ou non d’un extrait standardisé à x % de bacosides. Parce que dans ce dernier cas, la quantité journalière n’a pas la même valeur que si l’on a affaire à la poudre de plante tout simplement. On peut délayer cette poudre dans un peu d’eau tiède, bien que, dans l’idéal, il vaille plutôt la mêler à du lait végétal ou, mieux encore, à du ghee. On trouve aussi cette poudre comprimée sous forme de tablettes à avaler.
  • En Europe, il est presque impossible de disposer du bacopa frais. C’est à peine si on en trouve les feuilles sèches en vrac. Mais dans le cas où vous auriez cette chance opportune, sachez que vous pouvez en faire une infusion comme toute autre plante de ce type. Pour cela, il suffit de faire infuser dans une tasse d’eau chaude une cuillerée à café de la plante sèche pendant une dizaine de minutes. Cette infusion vous offrira un « thé » amer et boisé.
  • Extrait hydro-alcoolique : 30 gouttes par prise, une à trois fois par jour.
  • Huile de massage à la poudre de bacopa : elle s’obtient en faisant digérer une petite partie de cette poudre dans une huile végétale adaptée (le plus souvent de sésame). Elle se réserve essentiellement à un usage externe.

Note : le bacopa, comme bien d’autres plantes adaptogènes, est intégré dans de nombreuses formules de spécialités telles que des « complexes » permettant de soutenir les fonctions cérébrales (concentration, mémoire), de conserver clarté et tranquillité mentales, de combattre les effets du décalage horaire (jet lag), etc.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Récolte : les parties aériennes du bacopa sont réunies en petits bouquets, séchées puis moulues à basse température et à l’abri des rayons du soleil.
  • Faut-il déconseiller le bacopa à la femme enceinte et à celle qui allaite ? C’est ce que, sans trop de raison, on lit un peu partout. Pourtant, il semblerait que le bacopa puisse avoir de bénéfiques effets sur la dépression de la femme enceinte…
  • Le bacopa agit de façon progressive dans le temps, que d’aucuns disent (trop) long (ne sont-ce pas plutôt les guérisons promptes et à marche forcée qui sont trop rapides ?). Bref. Le bacopa exige qu’on ne restreigne pas son utilisation à une poignée de semaines. Par exemple, trois à six semaines ne semblent pas suffire à faire émerger les effets positifs de la plante qui, pour cela, doit se prendre régulièrement pendant au moins trois mois.
  • Effets indésirables : comme à toutes plantes actives, on en rencontre bien quelques-uns : désordres gastro-intestinaux (nausée, diarrhée par augmentation de la motilité intestinale, ballonnements, crampe gastrique), bouche sèche, fatigue excessive, réaction allergique sévère.
  • Interactions médicamenteuses : avec des médicaments contre la maladie d’Alzheimer (donepezil), anticholinergiques, anti-inflammatoires (advil), antidépresseurs (amitriptyline ; certains médicaments antidépresseurs, croisés avec le bacopa, peuvent causer de fâcheuses conséquences : mal de dos et hyperhidrose (avec agomélatine), infarctus (avec moclobémide)). De plus, le bacopa peut inhiber les remèdes antithyroïdiens et accroître l’activité des médicaments métabolisés par le cytochrome P450.
  • Hormis cela, le bacopa est une plante tout à fait dénuée de pouvoir addictif.
  • Afin d’assurer vos approvisionnements, mieux vaut s’adresser à une filière sûre plutôt que de s’en remettre à un vague fournisseur dont il est impossible de savoir d’où proviennent les plantes qu’il propose à la vente. Cette précaution est valable pour au moins deux raisons : la possible adultération du produit et la contamination aux pesticides et métaux lourds (plomb, mercure, arsenic, cadmium, chrome), ce qui est particulièrement le cas des plantes ayurvédiques en provenance directe d’Inde.
  • Le bacopa frais est une plante alimentaire paraît-il très agréable, non seulement par son goût, mais aussi parce qu’elle affiche une haute valeur nutritionnelle.
  • Associations : afin d’agir sur la sphère cérébrale : gotu kola, ginkgo, ashwagandha… ; comme antipyrétique : poivre noir, basilic… ; face aux affections cutanées : curcuma, neem… ; afin de calmer l’esprit : mélisse, camomille, passiflore.

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  1. Cité par la médecine ayurvédique, dans la Charaka Samhita notamment, sous le nom de brahmi, le bacopa peut se confondre assez facilement avec le gotu kola (Centella asiatica) qu’on appelle de même en Inde, à la différence que le gotu kola porte ce nom au nord du pays, le bacopa au sud. Cette manière commune de les nommer ne peut pas seulement s’expliquer uniquement par le port rampant au ras du sol qu’on leur voit fréquemment. Cependant, bien des points de dissemblance apparaissent de l’une à l’autre : bien qu’aquatique, le gotu kola est une plante moins succulente que sa consœur ayurvédique. Même thérapeutiquement, ils n’ont pas le même profil. Cela se voit au niveau de l’interface cutanée, sur la façon dont le gotu kola provoque une diurèse plus importante que le bacopa, enfin sur le fait que si le bacopa est une plante apte au recouvrement des pouvoirs de la fertilité, le gotu kola est classé comme potentiel abortif. En définitive, mieux vaut conserver le nom de brahmi au seul bacopa et accorder au gotu kola le synonyme de mandukaparni.
  2. Par l’expression « medhya rasayana », l’on veut précisément spécifier que le bacopa est impliqué dans le rajeunissement (rasayana) du domaine de l’intellect, de l’esprit (medhya). Mais les vieux sages de l’Inde ne se sont pas contentés que de cela, qui est, tout au plus, la moindre des choses que l’on peut dénicher sur des sites francophones qui traitent du bacopa. Voici encore en quoi il est impliqué du point de vue de l’Ayurvéda : la longévité (ayushya), le rajeunissement du système nerveux (majjadhaty rasayana), le sommeil (nidrajanana), le cœur (hrdaya), l’énergie vitale (jivaniya) et la force (balya), la voix (svara) et le teint de la peau (varna). En résumé, l’on peut dire que « l’Ayurvéda est la connaissance complète de la vie. Le bacopa aide à atteindre l’objectif principal de l’Ayurvéda qui est de prévenir et de traiter les maladies et d’améliorer la durée de vie en maintenant un équilibre approprié entre le corps, l’esprit et l’âme » (Source).
  3. « Les bacosides aident à réparer les neurones endommagés en améliorant l’activité de kinase, la synthèse neuronale, et la restauration de l’activité synaptique, et finalement la transmission d’impulsion nerveuse » (Source).
  4. La maladie d’Alzheimer n’est pas seulement une affection qui fait perdre la boule. Elle abrège aussi considérablement l’existence. En plus du bacopa, on peut conseiller plusieurs vitamines (B6, B9, B12, E) et oméga-3 (poissons gras).
  5. Source.

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L’avocat (Persea americana)

Il a tout d’un fruit mais comme il n’est pas sucré, il est permis d’en douter (c’est là un écueil culturel : on sait bien que ce qui naît d’une fleur est, botaniquement, un fruit). Celui-là est justement intéressant de par son très faible taux de glucides et par ses lipides mono-insaturés qui le rapprochent de l’olive.

Dans ce nouvel article, nous présentons un portrait synthétique de l’avocat, sans oublier de mentionner son huile végétale qui, bien que peu courante, n’est pas moins intéressante. On verra aussi que par ailleurs, loin de chez nous, on utilise bien autre chose de l’avocatier, ses feuilles et ses noyaux par exemple.

Un beau week-end à toutes et à tous :)

Gilles

Consommé en Amérique centrale depuis au moins 10 000 ans, la culture de cet arbre tropical et subtropical avait déjà cours dans son aire de répartition naturelle bien avant l’immixtion des Espagnols en Amérique au début du XVIe siècle. Dérivé du nahuatl ahuácatl, le mot avocat fait expressément référence à sa forme de bourse testiculaire, doublée d’un fait marquant : l’avocatier est un arbre dont les fruits fabriquent du « beurre », un beurre dont les nombreuses tentatives pour en déterminer le goût disent à quel point il laissa perplexe les observateurs en son temps. « Les Aztèques, qui connaissaient la vie, en firent macérer la chair avec d’autres herbes et racines pour confectionner un élixir de longue vie et, naturellement, considéraient le ‘testicule’ frais comme un remontant de premier ordre »1. Vraisemblablement, il n’en fallut pas davantage aux missionnaires espagnols pour jeter l’anathème sur l’avocat, diabolique et grumeleuse créature invitant à la lascivité butyreuse peu compatible avec l’étroitesse de leur jugement et l’observance stricte de leurs règles morales. Par exemple, en raison de la texture épaisse de la chair moelleuse et extrêmement riche de l’avocat, ils le condamnèrent aux mêmes règles d’abstinence que la viande. Bien plus tard, au début du XXe siècle siècle, d’autres individus cherchèrent à favoriser cette conversion en direction de l’avocat. Dire qu’ils désiraient faire leur beurre n’est pas du tout inapproprié. Ils rédigèrent à cet effet un fascicule commercial argumentant en faveur de l’avocat, non par philanthropie, mais parce que la société pour laquelle ses auteurs travaillaient, la West India Gardens d’Altadena en Californie, était spécialisée dans la culture et la vente de plantes et d’arbres subtropicaux, dont l’avocatier bien sûr. Aujourd’hui, « on » nous demande de substituer le beurre par l’huile de tournesol ou je ne sais quelle infâme margarine végétale au prétexte que c’est meilleur pour la santé, alors que c’est parfaitement faux (bonjour les graisses partiellement hydrogénées mais complètement cancérigènes !). Tss. Tout au long du XXe siècle, on a pu observer ce phénomène : les changements alimentaires ont plus souvent été le fait de l’insistance des grandes firmes agro-alimentaires qu’ils n’ont trouvé leur origine dans une réflexion sensée menée entre les populations et les instances scientifiques et nutritionnels d’un pays donné, et que l’on rêverait tout à fait indépendants d’un pouvoir politique dont les lobbys industriels graissent tant la patte qu’on pourrait, à bon droit, les accuser de tremper les doigts dans le petit pot où faire bon beurre et accabler le dos des pauvres moutons que nous sommes. A celui qui aime le fromage, on dit de manger un substitut façonné avec de la noix de cajou, mais c’est toujours les mêmes qui s’engraissent au passage. Je place en note de bas de page une partie de l’argumentaire en faveur de l’avocat selon nos prosélytes californiens du siècle dernier2.

Arrivé en 1758 sur les îles Bourbon et Maurice, la culture de l’avocatier y demeura anecdotique jusqu’au tournant du XXe siècle (de même que dans la plupart des autres pays où parvint à s’exporter cet original du nouveau monde). En France, on ne faisait pas couramment référence à l’avocat avant la seconde moitié du XXe siècle. Je me souviens que Leclerc y fit brièvement allusion dans les années 1920 comme un aliment agréable. Bien probable que quelques marchands parisiens proposaient ce fruit quasiment inconnu dans l’entre-deux-guerres. Mais on était alors très loin de s’appesantir sur ses bienfaits thérapeutiques qu’on ne soupçonnait même pas, contrairement à aujourd’hui, ce que nous verrons en détails tout à l’heure. Pour l’instant, attardons-nous un peu sur les utilisations de l’avocat dans la zone géographique où il est natif. Tout d’abord, on peut constater un usage médicinal massif, car ce ne sont pas moins que racines, écorce, fruits, semences et feuilles qui sont usités par la pharmacopée. A Cuba, l’avocat s’enorgueillit d’une liste de propriétés apte à faire pâlir la moindre herbe médicinale de renom. Ainsi, il serait antitussif, carminatif, antidiarrhéique, diurétique, cholagogue, dépuratif et stomachique. On lui prête même des vertus abortives, ce dont sont aisément capables les feuilles fraîches de cet arbre. Au Chili, elles sont aussi mobilisées auprès de la sphère gynécologique, mais seulement comme emménagogues, ainsi que comme toniques de l’estomac et de l’appareil respiratoire. En Afrique, de même qu’en Amérique du Sud, les mêmes feuilles sont impliquées dans les soins apportés aux diabétiques. Dans les mêmes zones géographiques, auxquelles il faut ajouter les Antilles, l’écorce de cet arbre, parce qu’astringente entre autres, prend la fonction de vermifuge et d’anti-dysentérique, ce qui la rapproche des vertus du pépin dont une astringence en partie partagée est, elle aussi, largement mise à profit au travers des dévoiements gastro-intestinaux, comme au Mexique, où il remédie aux diarrhées et dysenteries, affections et douleurs bucco-dentaires comme la pyorrhée alvéolo-dentaire. L’aguacate, comme on l’appelle au Mexique, est encore convié en cas de parasitose intestinale, d’asthme, de névralgie intercostale et de rhumatisme. En Amérique centrale, les feuilles adoptent quelquefois une fonction aromatique pour parfumer les ragoûts de viande et de légumes. Des graines fraîches, on peut retirer un liquide qui forme une encre fonçant à l’air libre, et grâce à laquelle on peut marquer de façon quasi indélébile les textiles naturels tels que le lin et le coton. La couleur de cette encre une fois sèche est assez proche du rouge brunâtre plus ou moins prononcé qu’arborent les pépins quand ils sont parfaitement secs et aussi durs que le bois de l’avocatier. A ce propos, il y a une douzaine d’années, je me suis amusé à récupérer un certain nombre de pépins d’avocat afin de procéder à une activité manuelle qui peut surprendre : la gravure sur pépin d’avocat ! Comme la plante forme une graine à deux cotylédons, il est possible de séparer les deux parties lorsqu’elle est fraîche. Avec un peu de chance, cela forme deux surfaces circulaires plus ou moins plane sur lesquelles il est possible de graver ce que l’on veut. A cette époque, j’avais difficilement incisé ces surfaces devenues aussi dures que la pierre, afin de me constituer un jeu de runes. C’est assez amusant de voir tracées Raido et Teiwaz à la surface du pépin d’un fruit exotique !

Effectivement – bien que l’adjectif « exotique » ne veuille rien exprimer de précis – l’avocatier est une espèce d’arbre répandue à l’Amérique centrale jusqu’à une bonne partie de l’Amérique du Sud, plus précisément englobant tout ce qui se situe entre le Mexique et l’Amazonie brésilienne, en passant par les Antilles. A l’intérieur de ce territoire disparate, des observations botaniques ont mené la taxinomie binominale à davantage de précision pour caractériser trois variétés naturelles : l’avocatier mexicain (Persea americana var. drymifolia), l’avocatier guatémaltèque (P. americana var. guatemalensis) et l’avocatier antillais (P. americana var. americana). C’est à partir de ces sous-espèces sauvages que l’on a procédé à la greffe des cultivars et la culture organisée en vergers agricoles, comme les orangers. Le travail horticole des avocatiers a été si intense, qu’à l’heure actuelle l’on compte d’innombrables variétés qui réunissent toutes les saisons de fructification, toutes les tailles et caractères de fruits, de l’avocat ovale à l’avocat piriforme, de celui à l’épiderme lisse à cet autre grumeleux, de celui qui conserve une robe verte même une fois mâture à celui qui s’endeuille de pourpre noirâtre. Malgré toutes ces dissemblances, que l’on ait affaire aux uns ou aux autres, ils nous apparaissent toujours comme des avocats. Pourtant, certains d’entre eux possèdent un col plus ou moins allongé, comme une cucurbite d’alchimiste, alors que chez un autre cultivar, on a l’impression que le « cou » de l’avocat est rentré dans ses épaules, tant il est ramassé sur lui-même, comme renfrogné. Monsieur l’avocat au long col est-il plus disert que son homologue rondouillard ? Lui voit-on la pomme d’Adam ? C’est bien possible et peut-être plus pratique pour plaider sa cause ^.^ Mais, dans un cas comme dans l’autre, ces avocats n’en restent pas moins des baies dont le gabarit varie de la taille d’un œuf de poule standard à celle d’un gros œuf pesant 1 à 2 kg.

Dans la nature, l’avocatier peut atteindre une hauteur de 15 m pour un diamètre du tronc approchant un mètre, tout couvert d’écorce grisâtre et crevassée. Rouges et translucides, aux nervures jaune pâle, quand elles sont jeunes, les feuilles de l’avocatier tournent ensuite à un vert franc et brillant. Très longues (jusqu’à 25 cm), les feuilles elliptiques de l’avocatier s’achèvent par une pointe acuminée. Ses feuilles semper virens s’accompagnent de panicules de fleurs hermaphrodites. Cette floraison assez fade par ses couleurs ne laisse rien présager du fruit qui viendra ensuite. Mais elles sont douées d’un mécanisme assez époustouflant sur lequel, généralement, l’on ne s’attarde guère : « Ces fleurs sont dichogameuses (les parties mâles et femelles mûrissent séparément), et chaque fleur ne s’ouvre que deux fois. Les fleurs de type A sont fonctionnellement femelles le matin, se ferment à midi, puis rouvrent en tant que mâles fonctionnels l’après-midi du lendemain. Les fleurs de type B sont fonctionnellement femelles l’après-midi, se ferment le soir, puis rouvrent le lendemain matin en tant que mâles fonctionnels. Lorsque les deux types de fleurs sont cultivés ensemble, ce chevauchement temporel des parties mâles et femelles matures favorise la pollinisation croisée et, par conséquent, une plus grande production de fruits »3.

L’avocatier, aussi bien présent en bordure de mer qu’à haute altitude (2000 m), adopte préférablement un emplacement sur sol riche et lâche, humide mais bien drainé, exposé en plein soleil et à une température jamais inférieure à 4° C.

La culture de l’avocatier s’est maintenant répandue à plusieurs continents dont l’Amérique centrale (Costa Rica, Guatemala, Mexique), l’Amérique du Sud (Chili, Pérou, Colombie, Brésil), les Antilles (Cuba, Haïti, République dominicaine), l’Afrique (Afrique du Sud, Tanzanie, Kenya, Ouganda), la côte méditerranéenne (Maroc, Tunisie), l’Europe méridionale (péninsule ibérique, Italie, Corse), l’Asie (Philippines, Indonésie), l’Océanie (Australie, Nouvelle-Zélande) et l’océan Indien (île Maurice, île de la Réunion).

Comme l’avocat est le quatrième fruit tropical le plus consommé au monde, on fait suivre la production en conséquence. Pour 2020, les cinq plus gros producteurs mondiaux d’avocats étaient le Mexique, la Colombie, le Pérou, l’Indonésie et la République dominicaine, activité agricole très souvent exercée au mépris du respect écologique dû aux espèces végétales et animales, ainsi qu’aux ressources en eau.

L’avocat en phytothérapie

Selon l’un des trois types d’avocats dont nous avons révélés l’existence il y a quelques lignes de cela, et les cultivars dont on sait qu’ils sont innombrables, l’avocat diffère forcément selon son origine, sa variété et la saison de récolte. Cela est, du moins, visible sur un point : la proportion d’eau qu’il contient. De 59 à 85 %, ce qui représente un écart considérable. C’est cela qui explique que d’un avocat à un autre, la texture de sa chair soit plus ou moins aqueuse ou butyreuse. De cela, une belle proportion de lipides est responsable. Ne faisant que croître durant la maturation du fruit (durant ce laps de temps, la quantité d’huile augmente par le biais d’une dégradation enzymatique de la paroi cellulaire du parenchyme du fruit), cette part lipidique plafonne aux alentours de 20 % (mais oscille entre 7 et 39 % selon la variété). Pour compagnons obligés, on lui voit des protéines en tout petit nombre (2 % à peine), infime fraction néanmoins constituée d’un bel échantillon d’acides aminés, dont les huit acides aminés essentiels à la santé humaine, et des glucides (7,5 à 8,5 % en moyenne). Non avare de vitamines (provitamine A, vitamines B1, B2, B3, B5, B6, C, E, K), l’avocat est également bien doté en macro et micro-éléments (potassium, phosphore, magnésium, manganèse, zinc, fer, cuivre, calcium, sodium). En cherchant bien, on trouve encore dans la chair de l’avocat des acides organiques (acide malique, acide citrique), de la chlorophylle, ainsi qu’un sesquiterpénoïde du nom d’acide abscissique (qui joue une fonction de phytohormone).

Ce sont aux lipides contenus dans l’avocat que celui-ci doit l’onctuosité de sa pulpe. Afin d’obtenir une huile extra vierge, on s’interdit l’utilisation de solvants organiques (car ils sont à même de former des isomères trans) et tout procédé thermique qui dépasserait une température de 50° C. Seul un mécanisme mécanique d’extraction de l’huile peut lui valoir cette « appellation », ainsi que l’emploi de fruits de haute qualité (l’huile dite « vierge » s’obtient selon un processus identique à la différence près que seule évolue la qualité des dits fruits, cette huile pouvant se contenter d’avocats marqués par des « défauts d’aspect »). Une fois ces critères réunis, on expurge préalablement la pulpe d’une partie de son eau, en la battant pendant deux heures à environ 45° C. Puis on procède à la pression mécanique à froid, et enfin à une phase de centrifugation. La toute dernière étape consiste à filtrer l’huile brute obtenue afin d’en retirer les impuretés.

D’odeur douce un peu terreuse et à la typique saveur d’avocat, cette huile de couleur jaune ambré à vert foncé, parfois brune, est épaisse. L’expression permet de recueillir une huile très résistante : elle ne s’oxyde pas facilement et supporte de hautes températures, jusqu’à 250° C (point éclair : 130° C), ce qui la place au même rang que l’huile d’olive en terme de stabilité thermique. De densité comprise entre 0,9 et 0,92, elle est légèrement acide, son pH s’étalant, selon une courte fourchette, entre pH 6,7 et pH 7 (presque neutre, autant dire qu’elle est relativement bien équilibrée). Lorsque cette huile végétale est entreposée à basse température (moins de 10° C), elle se trouble et/ou se fige, ce qui n’a rien en soi de problématique, puisqu’elle retrouve sa texture habituelle une fois replacée à température ambiante (précision utile pour les personnes qui stockent les huiles végétales au réfrigérateur).

La composition biochimique de cette huile végétale est très intéressante mais aussi très variable d’une production à l’autre, à l’image des huiles essentielles :

  • Acides gras mono-insaturés : 70 % dont acide oléique (63 %), acide palmitoléique (6 %)
  • Acides gras saturés : 17 % dont acide palmitique (16 %), acide stéarique (1 %)
  • Acides gras polyinsaturés : 9 % dont acide linoléique (8,5 %), acide linolénique (0,5 %)
  • Insaponifiables : 2 à 12 %, dont beaucoup de phytostérols (3,5 à 4,5 mg par gramme d’huile ! On y distingue le très classique β-sitostérol, mais également d’autres molécules lipidiques un peu moins connues telles que le campestérol, le campestanol, le stigmastérol, le sitostanol et le Δ5-avénastérol)
  • Provitamine A, vitamines B3, B8, C, D, E (α-tocophérol, γ-tocophérol) et K
  • Pigments : chlorophylle, caroténoïdes

Note : la variabilité dont nous faisions allusion plus haut se connaît surtout au sujet de l’acide oléique, principale molécule de cette huile végétale. Selon les lieux de provenance, on observe des huiles d’avocat dans lesquelles l’acide oléique oscille de 55 à 75 %. On observe un phénomène similaire à propos de cet acide peu courant qu’est l’acide palmitoléique (oméga-7) : certains lots n’affichent qu’un taux de 2 %, alors que dans d’autres il grimpe à près de 10 %.

Soucieux de ne pas tolérer davantage de déchets que nécessaire, certains chercheurs ont imaginé la possibilité de tirer partie de la peau de l’avocat, ainsi que de sa semence qui, la plupart du temps, atterrissent dans le tas de compost (ce qui est moins avilissant que d’achever son existence parmi les ordures ménagères). Effectivement, c’est là un point sur lequel attacher son attention, sachant que dans un avocat 15 % de sa masse totale est constituée par son pépin et 18 % par sa peau. Résultat : 1/3 de déchets, 2/3 de pulpe consommable. Selon que l’avocat est rond ou piriforme, on observe de grandes disparités qui sont lisibles dans ces données consécutives à quelques mesures que j’ai effectuées à la maison :

  • Avocat rond : pépin (19 %), peau (22 %), chair (59 %)
  • Avocat piriforme : pépin (11 %), peau (14 %), chair (75 %)

Autrement dit, à poids égal, un avocat rond possède moins de chair qu’un avocat en forme de poire. C’est pourquoi je n’achète que de ce dernier type-là, et vous invite à faire de même, puisque l’expérience montre que les avocats ronds sont munis d’un pépin plus volumineux que les autres.

Bref. Nos zélés chercheurs n’ont pas eu tort de se pencher sur ces rebuts que sont peau et pépin, puisque dans la première, qui a été savamment analysée, ils ont découvert des pigments (chlorophylles a et b, caroténoïdes dont de la lutéine), de la vitamine E (α-tocophérol), des flavonoïdes (épicatéchine et cyanidine B2), etc. Quant au pépin, un petit coup d’œil à l’ethnobotanique renseigne à propos de son emploi ancestral par les habitants des zones tropicales et subtropicales du globe où évolue l’avocat. En ces lieux, les gens tirent partie au maximum des ressources offertes par cet arbre. Bien loin de rejeter le pépin parmi les immondices, ils en ont fait une matière médicale à part entière, car outre qu’il contient une essence aromatique qui rappelle fortement l’huile essentielle de laurier noble (l’avocatier est un laurus), on lui trouve aussi quantité d’alcaloïdes oxindoles et benzoxozinones. Vraisemblablement, en pressant le pépin, on en retire une huile végétale de composition plus variée en terme d’acides gras, mais en grande majorité ce sont des acides gras polyinsaturés, contrairement à l’huile de pulpe, aux trois-quarts constituée d’acides gras mono-insaturés comme l’on sait.

Peu avare de ses bienfaits, l’avocatier fournit encore une matière thérapeutique au travers de ses fleurs (flavonoïdes : kaempférol, quercétine, isorhamnétine), de ses feuilles et de son écorce (essence aromatique, tanins, flavonoïdes).

Propriétés thérapeutiques

Considéré comme aliment (en raison des catégorisations excessives propres à l’Occident pour lequel il est difficile d’unir le condimentaire et le thérapeutique ; heureusement que le Monde ne se réduit pas à l’aune dont l’Occident se sert pour tenter de réduire les choses à moins que rien…), l’avocat est aussi une matière médicale dont les bienfaits se vérifient tout d’abord dans l’assiette. Aliment de santé quotidien (le docteur Valnet disait de lui qu’il est un « aliment presque parfait »), il peut également être préconisé dans le menu des malades. Bien mûr, il se digère très bien et complète les forces du convalescent sans surcharger le système digestif. Tout comme l’amande, c’est un aliment de croissance, pourvoyeur de nombreuses vitamines et acides aminés indispensables à l’organisme. La femme enceinte peut largement faire appel à lui, ainsi que l’enfant, l’adolescent et le sportif.

Le fruit :

  • Anti-infectieux : antibactérien (anti-colibacillaire), antifongique, vermifuge (davantage la peau seule que la chair du fruit)
  • Anti-oxydant, antiradicalaire (réduction des radicaux libres au niveau hépatique), diminue le phénomène de peroxydation lipidique, augmente la viabilité cellulaire des cellules exposées au stress oxydatif, anti-inflammatoire, inhibe les effets délétères du paracétamol au niveau hépatique (nécrose, dommage causé à l’ADN)3
  • Préventif du cancer, cytoprotecteur
  • Promeut la synthèse du collagène et la ré-épithélialisation, cicatrisant
  • Neuroprotecteur, équilibrant nerveux
  • Anti-thrombotique, anti-agrégeant plaquettaire, hypoglycémiant
  • Carminatif
  • Soutient la santé des os, de la peau et des phanères
  • Soutient la santé oculaire

L’huile végétale :

  • Hydratante, régénératrice cutanée, assouplissante, tonifiante, nourrissante, cicatrisante, photoprotectrice, stimulante capillaire
  • Anti-oxydante, anti-inflammatoire
  • Protectrice cardiovasculaire

La feuille :

  • Anti-oxydante
  • Hypotensive, vasorelaxante, hypoglycémiante
  • Antivirale, antipaludéenne
  • Antitussive
  • Emménagogue
  • Carminative
  • Astringente

Le pépin :

  • Anti-infectieux : mycobactéricide, antiviral, nématoïdal, anthelminthique
  • Anticancéreux
  • Anti-oxydant, antiradicalaire, anti-âge
  • Cicatrisant

Usages thérapeutiques

Le fruit :

  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : diarrhée, autres affections gastro-intestinales et hépatobiliaires
  • Troubles de la sphère cardiovasculaire et circulatoire : maladies cardiovasculaires et ischémiques
  • Affections cutanées : plaie, plaie suppurante, blessure, repousse capillaire
  • Croissance, convalescence, grossesse
  • Surmenage, nervosité, anxiété, stress par exposition chronique au cortisol, dépression
  • Arthrite
  • Diabète
  • Cancer
  • Dégénérescence maculaire liée à l’âge
  • Perte auditive neurosensorielle

L’huile végétale :

Bien qu’étant plus particulièrement destinée au corps, au visage (y compris le contour des yeux) et aux cheveux, cette huile végétale peut s’absorber par voie orale et ce pour des raisons thérapeutiques mais aussi culinaires. Bon, c’est parti pour vous montrer de quoi l’huile végétale d’avocat est capable ! ^.^

  • Peau (du cou, du visage, des mains et des pieds, des coudes, des genoux et des talons) : peau sèche, fragile, dévitalisée, très abîmée, sensible (celle du bébé y compris), vieillissement cutané (rides, peau abîmée par la rudesse du climat : soleil, vent, gel), irritation, démangeaison, eczéma, psoriasis, vergeture, cicatrice, crevasse, gerçure
  • Cheveux : redonne brillance et vitalité aux cheveux secs, cassants et ternes, active la repousse capillaire (également transposable aux ongles ; c’est la cystine et la vitamine B6 qui sont responsables de l’action de cette huile végétale sur les ongles et les cheveux)

Mais, comme je l’ai dit, ça n’est pas qu’une huile végétale cosmétique, hein, il serait dommage de s’arrêter en si bon chemin, n’est-ce pas ?

  • Troubles du système cardiovasculaire et circulatoire : elle abaisse aussi les taux de triglycérides sanguins. Elle prend soin des artères et du cœur, et prévient donc les pathologies associées (la consommation d’avocat va également dans ce sens)
  • Troubles locomoteurs : arthrose, douleurs musculaires
  • Asthénie, anxiété, déprime

Le pépin :

  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : diarrhée, dysenterie, ballonnement
  • Occlusion hépatique
  • Toux
  • Herpès

Modes d’emploi

  • La pulpe bien mûre, soigneusement écrasée et mélangée, peut s’appliquer sur les blessures, les plaies et les ecchymoses.
  • Avocat en nature, pelé et épépiné, dans l’alimentation générale, seul ou accompagné selon votre goût (recettes innombrables).
  • Huile végétale : elle peut s’appliquer localement en massage sur les points de la peau qui le requièrent, sur l’extrémité des cheveux abîmés, en masque capillaire. Huile de base pour les huiles essentielles, l’huile végétale d’avocat est encore ingestible, chose réalisable à la cuillère ou grâce aux gélules « soft-gel » que les fabricants enferment dans des récipients en plastique.
  • Il existe encore bien des spécialités surtout à visée cosmétique telles que lotion pour le visage, crème de soin pour les pieds et les mains (mais que l’on peut aussi appliquer au niveau des coudes, des genoux et des talons), huile de massage composée, shampooing, baume à lèvres, etc.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • En cuisine, on ne présente plus l’avocat. De multiples recettes lui ont rendu grâce, même si son usage a tardé en Europe. Importé par les Espagnols au XVIIe siècle, il est considéré comme un aliment de luxe alors que dans sa terre d’origine on le surnomme beurre du pauvre. Sachez que l’huile végétale d’avocat, dont on a passé en revue les usages pharmaceutiques et cosmétiques, peut également s’utiliser en assaisonnement comme l’huile d’olive avec laquelle elle entretient plus que cette proximité, étant sensiblement identiques d’un point de vue moléculaire. Bien plus, sa résistance à la chaleur lui permet d’être employée en tant qu’huile de cuisson, bien que sa rareté et son coût contredisent quelque peu cet emploi…
  • En raison de son statut de fruit climactérique, la dureté des avocats que l’on trouve sur les marchés n’indique pas un défaut de maturation ou une cueillette hâtive sur l’arbre. En effet, l’avocat est de ces fruits qui ne mûrissent qu’après avoir été cueillis. Pour en activer la maturation à la maison, il faut placer les avocats auprès de fruits dispersant de l’éthylène, comme les bananes par exemple. Un avocat parfaitement mûr doit pouvoir se manger à la petite cuillère une fois ouvert en deux. Si ce n’est pas le cas, sa maturation est inachevée, ce qui peut rendre sa consommation responsable de dévoiements de ventre, ce qui n’est point aussi grave que ce que réserve son latex qui peut provoquer des allergies ou ses feuilles fraîches, toxiques pour plusieurs animaux dont les chèvres et les autruches, et plausiblement pour la femme enceinte, puisque cette fraction végétale de l’avocatier (de même que son écorce) est susceptible d’interrompre le cours d’une grossesse.
  • Les pépins d’avocat ne sont pas non plus exempts d’une toxicité (prostration, faiblesse, etc.) qu’il reste néanmoins à relativiser puisque la DL50 a été fixée à 707 mg au kg, ce qui fait environ une cinquantaine de grammes pour un adulte de 75 kg, soit environ l’équivalent d’un à deux de ces pépins, que l’on n’avale jamais sans quelques difficultés… Mais c’est parce que nous ne les voyons jamais que sous cette forme, sur laquelle nous ne nous attardons généralement pas, sauf pour y piquer trois allumettes. Mais dans les pays où l’on fait usage du pépin d’avocat comme matière médicale, on le découpe en fines tranches (ce qui n’est pas très difficile lorsqu’il est frais), puis on les fait sécher avant de les torréfier. C’est une fois cette dernière opération achevée que l’on peut pulvériser ces tranches de pépins. Sous cette forme-là, peut-être bien que les abus seraient davantage possibles.
  • En conclusion des trois points précédents, on peut avancer sans l’ombre du moindre doute que l’avocat (le fruit) est tout à fait dénué de génotoxicité et de tout autre toxicité que ce soit.
  • Prenez soin de vous approvisionner par le biais d’un réseau sûr, car l’huile végétale d’avocat est parfois adultérée par adjonction d’huiles végétales de palme, de colza, etc.

_______________

  1. Jean-Luc Hennig, Dictionnaire littéraire et érotique des fruits et légumes, p. 86.
  2. « Dans les conditions primitives, les hommes se tournaient vers les animaux pour se nourrir. C’était un état de sauvagerie. Nous le dépassons. Très bientôt, il n’y aura plus de place pour les animaux destinés à être consommés. C’est obligatoire. C’est la nature. Nous devons obtenir notre nourriture en plus grande quantité à partir d’une superficie minimale. Et nous devons avoir de la nourriture contenant les mêmes éléments que les animaux nous ont donnés. Parmi ces substituts, l’avocat ne s’offre-t-il pas comme un produit de grande importance ? »
  3. « Dans le cerveau, une amélioration de la fonction mitochondriale a été observée, ainsi qu’une diminution des taux de radicaux libres, de peroxydation lipidique et une amélioration du rapport glutathion réduit/oxydé. Ces résultats démontrent que la supplémentation en huile d’avocat prévient le dysfonctionnement mitochondrial du cerveau et du foie des rats diabétiques » (Source).

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Du patchouli en Espagne !


Le flacon découvert dans le mausolée de Carmona en 2019.


Dans la province de Séville, près de la ville de Carmona, une découverte archéologique a eu lieu en août 2019 : un mausolée collectif du 1er siècle apr. J.-C. Prévu pour huit personnes, il n’était occupé par les restes que de trois hommes et trois femmes. Parmi elles, l’une a attiré l’attention des archéologues : dans un boîtier en plomb en forme d’œuf, était enfermée une urne funéraire en verre munie de poignées latérales. A l’intérieur de cette urne se trouvaient divers objets, outre les restes incinérés d’une femme de 40 ans : trois perles plates et rondes en ambre, des fragments de tissu et… un joli petit flacon de 7 cm de longueur. L’analyse a démontré qu’il est façonné en cristal de roche, ce qui est extrêmement rare dans l’empire romain, les objets de ce type étant surtout conçus avec du métal, du verre ou de la céramique. Les chercheurs ont constaté que le flacon était hermétiquement bouché par un fragment de dolomite enrobé d’une substance bitumineuse noirâtre jouant un rôle imperméabilisant. Au fond du flacon demeurait un reliquat dont les chercheurs sont parvenus à déterminer la composition, ce qui n’eut pas été possible sans la coexistence de plusieurs facteurs : le mausolée, non pillé, est resté à l’abri de la lumière durant des siècles. On sait aussi que le plomb est un bon protecteur. Enfin, le sceau bitumineux a soustrait le contenu du flacon à l’attaque oxydative de l’air. Ainsi, l’état de conservation exceptionnel de ce flacon en quartz l’a autorisé à voyager sans encombre par delà les siècles. Par l’intermédiaire d’analyses (chromatographie en phase gazeuse et spectrométrie de masse entre autres), les chercheurs sont arrivés à dessiner précisément le contour biochimique de ce qui résidait au fond de cet unguentarium. A une huile végétale (peut-être d’olive) étaient mêlées plusieurs molécules aromatiques qui ont fait pencher, durant un temps, les chercheurs du côté du nard de l’Himalaya (Nardostachys jatamensi). Une grosse fraction de sesquiterpènes (aromadendrène, seychellène, α-guaiène, α-cubébène, etc.) a été à l’origine de cette hypothèse. Mais quand ils ont vu surgir du patchoulénol, le doute n’a plus été permis, puisque ce sesquiterpénol est absent de l’huile essentielle de nard de l’Himalaya. Bien qu’on soit certain qu’il s’agisse de patchouli, l’on n’est en revanche pas parvenu à déterminer si c’était là le patchouli bien connu des aromathérapeutes et autres amateurs d’huiles essentielles, c’est-à-dire Pogostemon cablin. Mais la découverte est suffisamment ahurissante pour qu’on n’ait pas à s’appesantir plus longtemps sur ce type de question. Cependant, l’on ne peut pas affirmer que ce flacon contient de l’huile essentielle de patchouli : en effet, le procédé de l’hydrodistillation était inconnu à cette époque, qui faisait davantage intervenir l’extraction à froid de substances odoriférantes diverses dans l’huile végétale, ainsi que l’enfleurage, technique longue et coûteuse que la parfumerie moderne connaît encore bien de nos jours.

On trouvait donc du patchouli en Espagne romaine ? Pourquoi pas ? L’on a bien découvert des monnaies romaines dans la vallée de l’Indus, ce qui est la preuve éclatante de la circulation des hommes et des marchandises d’est en ouest, et inversement. Ce qui rend cette découverte encore plus exceptionnelle, c’est que, jusqu’à ce jour, l’on ignorait que les Romains pussent apprécier le parfum lourd, terreux et boisé du patchouli. Doit-on, dès lors, en conclure que l’empire romain cocotait le patchouli à tout-va ? Certes non ! Le flacon de cristal de roche est un marqueur de richesse, tout comme le patchouli de par sa provenance exotique. Et vu l’usage social qui en fut fait en l’occurrence, il ne s’agissait clairement pas d’étaler son goût du luxe. Aussi, une question reste entière : quelle fonction put jouer ce parfum au patchouli pour cette défunte ?

© Books of Dante – 2024


Divers unguentarium romains (musée archéologique d’Antalya, Turquie).


Le brocoli (Brassica oleracea var. italica)

Un de mes légumes favoris ! ^.^ Bourré de nutriments bien intéressants, ce n’est pas seulement un bête aliment avec lequel se sustenter : en effet, il possède de véritables propriétés thérapeutiques comme n’importe quelle autre plante médicinale.

Beau week-end à toutes et à tous :)

Gilles

Déterminer le point d’origine du brocoli est loin d’être d’une simplicité sans pareil. Autrement dit, ça n’est pas exactement comme de ces choses qu’on dit bêtes comme chou, ainsi que le veut l’expression. Pour parvenir à réaliser un tel exploit, il faudrait au moins identifier l’ancêtre du brocoli, c’est-à-dire celui de tous les Brassica oleracea, le brocoli n’étant, au fond, qu’une variété, au même titre que le chou kale frisé, par exemple (Brassica oleracea var. sabellica). Mais n’est-ce point une gageure sans nom ? Existe-t-il, quelque part, une plante sauvage contemporaine présentant avec ces plantes domestiques des similitudes botaniques ? On a accordé au chou sauvage maritime le nom de Brassica oleracea. C’est bien qu’il doit y avoir une raison… Cela ne veut pas pour autant signifier que ce chou sauvage est l’aïeul du brocoli, mais que c’est peut-être un descendant encore sauvage de l’ancêtre. Bête comme chou, disions-nous ? Cependant, il apparaît que « l’affirmation selon laquelle les choux cultivés ont une origine unique et descendent tous de l’espèce sauvage Brassica oleracea est contredite par les comparaisons génomiques récentes de plus de 200 choux sauvages et cultivés »1. En fait, le chou actuel est plus proche d’un autre chou sauvage, Brassica cretica, natif de la partie est du bassin méditerranéen. Si c’est le cas, Brassica oleracea ne peut être l’ancêtre, puisqu’il est inconnu dans cette région actuellement. Qu’en était-il, cependant, il y a 3000 ans ? Je n’en sais trop rien, mais un fait avéré consiste en la découverte de graines de chou dans la ville du Levant de Tell Tweini vieilles de 3300 ans, ce qui semble suggérer une culture antique d’un chou. On n’a donc pas tout à fait tort d’admettre l’Europe orientale comme fief d’origine du chou. A ce stade archaïque-là, on peut encore supposer que le brocoli actuel n’existait pas encore, puisque c’est une invention de l’homme qui ne trouve absolument aucun équivalent dans la nature sauvage. Il paraît que c’est grâce aux Étrusques, considérés comme de géniaux horticulteurs, que l’élaboration du brocoli débuta. En tant que marins avertis, ils étaient en contact avec d’autres points de la mer Méditerranée, d’où ils rapportèrent, peut-être, le fameux Brassica cretica oriental. En tous les cas, on les tient pour responsables de l’introduction d’un brocoli archaïque dans toutes les localités proches de l’Italie (Phénicie, Grèce, Corse, Sardaigne et Sicile). Il est donc inexact de dire que la consommation des brocolis (quels qu’ils furent) fut initiée par les Romains les premiers. De plus, le doute persiste lorsqu’on lit quelques passages de l’Histoire naturelle de Pline : celui-ci évoque des choux aux formes monstrueuses (cela suffit-il à en faire des brocolis ?), dont il donne des conseils de culture et de récolte, et Apicius plusieurs recettes de cuisine. Même en une époque moins distante que l’est le Moyen Âge, on n’est guère certain de l’introduction médiévale du brocoli en France. En revanche, il est à peu près assuré que la culture de ce légume avait cours en Italie au XVIe siècle, d’où l’épouse du roi de France Henri II, Catherine de Médicis, le rapporta en 1533 comme partie de sa dot. Certains offrent des bouquets de roses à l’occasion des mariages, d’autres des brassées de brocolis et d’artichauts ^.^ Ce n’est que beaucoup plus tard que le brocoli gagna la Grande-Bretagne : dans la première édition du The Gardener’s Dictionary de Phillip Miller (1724), on lui voit porter le nom d’« asperge italienne », ce qui est pour le moins curieux. Son épopée étasunienne ne débutera que deux siècles plus tard, lorsque deux émigrants de Messine (Sicile) embarquèrent pour les États-Unis avec, dans leurs poches, des graines de brocoli. Ils furent à l’origine de la première tentative de culture commerciale du brocoli en Californie, à San José. Aujourd’hui, ce même état fournit 90 % des brocolis produits aux États-Unis, ce qui leur assure la troisième place en tant que producteurs mondiaux, après la Chine (1ère) et l’Inde (2e). La demande a tant grossi ces dernières années que, depuis le début des années 1990, on estime multipliée par trois sa consommation mondiale en l’espace de seulement trois décennies. Bien d’autres pays de par le monde se sont engagés dans cette culture (bien que le brocoli soit de culture délicate : cette plante est sensible à bien des stress biotiques et abiotiques), aussi bien en Europe (Italie, Espagne) qu’en Asie (Pakistan, Bangladesh). De 2007 à 2021, on a même vu les productions annuelles de la Turquie et de l’Algérie augmenter respectivement de 122 et 287 % ! Par ailleurs, on trouve des cultures plus anecdotiques en Allemagne et en Norvège. Ces expériences permettent de rendre compte de la variabilité de la texture, de la saveur et de l’odeur des brocolis, ces deux pays étant soumis chacun à des températures moyennes différentes de ce que l’on trouve en Italie ou en Espagne, par exemple. Même constat pour la photopériode : l’intensité et la durée de l’exposition solaire durant le cycle de croissance de la plante sont très différentes de l’Allemagne à la Norvège. Ainsi, un brocoli cultivé au nord de la Norvège forme de gros bourgeons floraux de couleur uniforme au goût plus doux que ce qui se produit en Allemagne, c’est-à-dire des brocolis plus amers qui rappellent davantage l’idée que l’on se fait du chou en général. Ces influences climatiques ont donc une incidence très nette sur les qualités organoleptiques et la composition phytochimique de ces brocolis. Mais d’où qu’ils proviennent, tous ces brocolis partagent un même point commun : seule la tête fleurie du brocoli est commercialisée et vendue. Le reste (feuilles et tige), qui représente environ 75 %, est jeté, ce qui occasionne énormément de déchets. Il s’en trouve encore quand on a affaire à une tête de brocoli : sa tige, qui fait comme une poignée, soit 30 % de sa masse, est, elle également, jetée, alors qu’elle est comestible : il suffit simplement de la peler, de la découper en rondelles, avant de la faire cuire avec les fleurons. Or, une tige de brocoli sans les fleurons, c’est-à-dire démunie de ce qui lui fait mériter qu’on s’attache à lui, ne vaut pas mieux, dans l’imaginaire, qu’un vulgaire trognon de chou, aliment de gueux et de traîne-savates, pas plus glorieux que ces rebuts que l’on retrouve dans le caniveau après que le marché hebdomadaire a plié bagage. Plus proche de la poubelle que du garde-manger, les déchets végétaux ménagers, dont la tige de brocoli, sont attachés à une certaine idée de l’indigence, comme on peut le voir dans un conte de Giambattista Basile : « Nous allons nous fricasser quatre trognons de brocolis pour traînasser encore cette misérable vie », dit une mère à son fils2. Dans un autre conte de Basile, on peut lire ceci : « La mère rentra avec un petit tas de brocolis, qu’elle débita avec la queue pour ne pas en perdre une miette »3. Ce qui devait être un crève-cœur, tant le brocoli était apprécié dans le sud de l’Italie il y a quatre siècles, au point qu’un autre personnage de Basile qualifie d’amis les brocolis qu’il doit abandonner, forcé qu’il est de quitter Naples. D’autres passages disent bien encore la haute estime dans laquelle on tenait ce légume. En deux endroits de son œuvre, Basile le place en opposition avec un symbole négatif : « Qui plante des tithymales ne peut récolter des brocolis »4 ; « Il pousse comme la mauvaise graine, et s’épanouit comme les brocolis »5. Pour dire à quel point il revêt une importance capitale, un proverbe populaire donnait ainsi les trois mots par lesquels on jurait à Naples : fraude, putain et… brocoli !

Le brocoli en phytothérapie

Quand on dit d’un être humain qu’il est un véritable légume, c’est qu’il est généralement muet et un peu neuneu sur les bords. Comme le brocoli. Si l’on se contente de le mâcher au cours d’un repas sans jamais lui poser la moindre question, alors c’est certain qu’il gardera la bouche bien close (de toute façon, l’on sait qu’il est interdit de parler la bouche pleine, mais… quand même !) Qu’a donc à dire le brocoli pour sa défense ? Faisons le compte, c’est amusant (car qui irait imaginer qu’un tel légume puisse être bardé d’autant de qualité ?).

Dire qu’il est bourré d’eau ne devrait pas être étonnant : elle représente 89 à 92 % de sa masse. Ça ne laisse pas beaucoup de place pour le reste. Mais nous savons maintenant qu’une substance n’a pas besoin d’être présente en grand nombre pour bien agir. Débutons par le B.A-BA. Tenez, les protéines, par exemple : le brocoli n’en compte que 2,4 % du total, mais se paie le luxe d’aligner une ribambelle d’acides aminés dont les huit qu’on qualifie d’essentiels (tryptophane, thréonine, leucine, isoleucine, lysine, méthionine, valine et phénylalanine), sans oublier tous ces autres-là : cystine, tyrosine, arginine, histidine, alanine, glycine, proline, sérine, acide aspartique et acide glutamique. Du côté des lipides, pas grand-chose à dire avec à peine un demi-pourcent. Les chiffres grimpent un peu au sujet des glucides : environ 10 % dont 2,4 % de fibres. Chez les vitamines et les sels minéraux, l’on observe une belle représentativité :

  • Vitamines : provitamine A (β-carotène), vitamines B (1, 2, 3, 6, 9), C, E (α-tocophérol, γ-tocophérol), K ;
  • Sels minéraux : calcium, fer, magnésium, phosphore, potassium, sodium, zinc, cuivre, manganèse, sélénium.

Cette dernière information ne serait pas tout à fait complète si l’on omettait d’aligner deux mots à propos des composés soufrés : les glucosinolates (600 à 1200 mg aux 100 g frais), de natures très différentes selon les cas : indoliques, aromatiques, aliphatiques. Dans le brocoli, ce sont ces derniers qui dominent. Donnons les noms les plus couramment rencontrés dans la littérature scientifique : glucoraphanine, gluconapine, glucoérucine, glucoibérine, gluconigrine, gluconasturtiine, glucobrassicine, néoglucobrassicine, 1-méthyloxybrassicine, 4-méthyloxybrassicine, etc. Mais toutes ces substances sont des précurseurs inactifs (du moins, pour nous, thérapeutiquement) de tout un tas d’autres molécules qui, pour être métabolisées à l’intérieur de l’organisme, doivent passer par un certain nombre d’étapes bien nécessaires. Par exemple, si les choses se déroulent comme il faut, la glucoraphanine se métamorphose en sulforaphane, la glucoérucine en érucine, la glucoibérine en ibérine. On appelle isothiocyanates les produits de ces conversions enzymatiques. Pour que ça marche, il est nécessaire que le brocoli soit placé en contact avec une enzyme présente dans l’intestin grêle, la myrosinase. Mais les glucosinolates subissent également une décomposition grâce au microbiote gastro-intestinal. Puis, au bout de deux à trois heures, les isothiocyanates sont absorbés par l’intestin grêle. Nous donnerons plus loin des conseils qui permettent de profiter au mieux des vertus du brocoli à propos de ces fameux isothiocyanates. En attendant, poursuivons le tour d’horizon des composés bio-actifs du brocoli. Si la plus grosse part échoit à ces composés dits soufrés, ils sont talonnés par toute une classe moléculaire que l’on connaît beaucoup mieux, les polyphénols. Nous voyons des acides phénoliques (nombreux dérivés d’acides sinapique et hydroxycinnamique, acides caféique, chlorogénique, quinique, férulique, abscissique), mais la plupart d’entre-eux sont également de nature soufrée (acide isoférulique 3-sulfate, acide caféique 4-sulfate, acide 4-(sulfooxy)benzoïque, acide 4-(sulfoooxy)phénylacétique, acide 4-sulfate d’acide férulique, acide 4-sulfate vanillique). Par rapport, on compte bien moins de flavonoïdes (kaempférol, myricétine, quercétine), d’anthocyanes (surtout présents dans les variétés violettes de brocoli) et d’autres tanins (acide gallique). Enfin, le brocoli se distingue encore par des pigments, chlorophylle et caroténoïdes (lutéine, β-xanthophylle), ainsi que par un acide soufré dont on parle abondamment ces derniers temps, l’acide α-lipoïque.

Voilà. Toutes ces informations portaient donc sur les fleurons de brocoli que l’on peut se procurer chez le primeur. Il nous manque encore de nous attarder sur trois formes alternatives de brocoli nées des graines de cette plante : l’huile végétale, les germes et les micro-greens (ou baby greens).

Des semences du brocoli, on retire à froid une huile végétale au léger parfum de chou, de couleur jaune verdâtre, plus ou moins liquide à épaisse et de densité comprise entre 0,9 et 0,92. Voici de quoi il retourne en terme de composition biochimique :

  • Acides gras mono-insaturés : acide érucique (40 % ; peut varier de 25 à 45 %), acide oléique (22 % ; peut varier de 15 à 40 %), acide éicosénoïque (8,5 %) ;
  • Acides gras polyinsaturés : acide linoléique (13 %), acide linolénique (6,2 %) ;
  • Acides gras saturés : acide palmitique (2,8 %), acide stéarique (1,4 %).

A quoi ça sert ? Eh bien, à pas grand-chose. Comme il est déconseillé d’en faire un usage oral (pourquoi ? pas de réponse à cette question…), elle s’adresse spécifiquement aux cheveux et à la peau du visage. Les cheveux secs, bouclés, frisés et indisciplinés y gagneront, nous dit la réclame, de même que les peaux sèches, mâtures et endommagées. Comme s’il n’existait pas déjà mieux et moins cher (exemple : l’huile végétale de rose musquée du Chili) ! On s’oblige bien pour rien. Il s’agit du même genre de sottise que celle d’aller presser des pépins de raisin pour voir ce que ça donne, espèce d’opportunisme mal voilé qui inonde, qui plus est, le marché des huiles végétales à haute teneur en acides gras insaturés, comme si on avait besoin de ça. Et dire que de toutes ces graines que l’on écrase ne naîtront point ce dont nous parlerons finalement : les germes et les micro-greens. La différence entre les deux tient à la durée de culture : si les graines germées se récoltent au bout de sept jours de croissance maximum, il faut généralement patienter entre une et trois semaines avant de faire de même des micro-pousses, auxquelles on doit clairement voir les premières feuilles bien développées pour mériter un nom pareil. Vivement colorées, les germes et micro-pousses sont aussi plus savoureuses et riches de très nombreux nutriments : il a été remarqué qu’à huit jours, il y a concentration maximale en nutriments : vitamine C, sels minéraux, chlorophylle, flavonoïdes, acides phénoliques, anthocyanes… En moyenne, elles en contiennent quatre à six fois plus que les fleurons de brocoli : petite taille mais grands pouvoirs ! Ce qui paraît normal : la très jeune plante fragile et vulnérable assure sa survie en emmagasinant dans ses tissus des substances répulsives contre les insectes prédateurs, au premier rang desquels les glucosinolates (elles contiendraient dix à cent fois plus de glucoraphanine que les fleurons de brocoli, à poids équivalent).

Pour en terminer là, sachez que les feuilles et la tige d’une tête de brocoli, qu’habituellement l’on jette au compost, ne sont pas aussi inintéressantes qu’il y paraît. Dans l’écorce de la tige (la fraction la moins alimentaire qui soit, parce que trop ligneuse), l’on a déniché des acides feruloyquiniques et sinapoylquiniques. Quant aux feuilles, que d’aucuns s’imaginent toxiques (!), elles recèlent des pigments (chlorophylle, caroténoïdes), des vitamines (C, K), des sels minéraux (calcium, manganèse) et une fraction considérable de polyphénols totaux qui devraient nous empêcher de leur faire rejoindre les épluchures banales et incomestibles.

Propriétés thérapeutiques

  • Anti-inflammatoire (augmente la production de médiateurs anti-inflammatoires tels que IL-10 et IL-22), anti-oxydant, réducteur du stress oxydatif (par inhibition de l’action de IL-1, IL-1β, IL-6, IL-8, TNF-α, etc.), antiradicalaire, chélateur des ions ferreux Fe2+, anti-nociceptif, analgésique
  • Anticancéreux, inducteur de l’apoptose, antiprolifératif, chimio-préventif6
  • Immunostimulant, immunomodulant7, stimule l’activité des cellules NK8
  • Anti-infectieux : antibactérien, antifongique9, antiseptique
  • Neuroprotecteur (cellules neuronales), améliore les fonctions cognitives (bénéfique à la santé cérébrale)
  • Inhibiteur de l’acétylcholinestérase
  • Soutient globalement plusieurs organes comme le foie, le côlon, la prostate, le cœur, ainsi que le système circulatoire

Concernant les seules graines germées et micro-pousses du brocoli, l’on peut établir les propriétés thérapeutiques (non des moindres) suivantes :

  • Anti-inflammatoires, anti-oxydantes, antiradicalaires
  • Anticancéreuses, inductrices de l’apoptose, antiprolifératives
  • Antidiabétiques, anti-obésigènes (inhibent la lipogenèse et la glycogenèse)
  • Antibactériennes

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : gastrite, colite ulcéreuse, infection gastrique à Helicobacter pylori, maladie de Crohn,
  • Réduction des risques de maladies métaboliques : obésité, diabète de type II et ses conséquences sur les os et les organes
  • Affections cancéreuses : réduction du risque de cancer (côlon, vessie, prostate, poumon, pancréas), cancer hormonodépendant (sein, prostate), cancer de l’estomac, carcinome pulmonaire, carcinome hépatocellulaire, adénocarcinome colorectal
  • Réduction du risque de maladies cardiovasculaires
  • Infections bactériennes, virales et fongiques
  • Troubles du système nerveux : troubles neurologiques, neuropathie, déclin cognitif, vieillissement prématuré et sénescence liés à l’âge, amélioration de l’humeur chez l’autiste, maladies neurodégénératives (Alzheimer)
  • Troubles locomoteurs : ostéoporose, sciatalgie
  • Acné
  • Grossesse (supplémentation en germes et/ou micro-pousses favorable)

Modes d’emploi

  • Extrait standardisé des parties aériennes du brocoli : sous forme de poudre libre ou de gélules gastro-résistantes. Selon les fabricants, les doses journalières sont variables. Veuillez vous référer aux préconisations du fabricant.
  • Extrait standardisé de semences de brocoli : sous forme sèche ou glycérinée.
  • Poudre de semences et semences entières en vrac : elles peuvent accompagner le brocoli frais (fleurons) cru ou cuit selon les besoins afin d’en renforcer l’action (à défaut, on peut leur substituer des graines de moutarde blanche).
  • Huile végétale de semences de brocoli : application locale sur la peau et les cheveux.
  • Fleurons de brocoli : crus s’ils sont tolérables ainsi, bouillis à l’eau, cuits à la vapeur dans une cocotte traditionnelle ou dans un appareil du type vitaliseur de Marion.
  • Graines germées et micro-pousses : à consommer fraîches quotidiennement.
  • Poudre de germes de brocoli : s’utilise à la façon de la levure maltée ou de la poudre de germes de blé.

Note : profitons de cette section pour nous accorder un peu plus de temps sur la compréhension des meilleurs modes de cuisson du brocoli en tant que légume. Mais, avant tout, il est utile de savoir que la manière dont on fera cuire le brocoli ne suffit pas. Effectivement, afin que se produisent les diverses réactions chimiques dont nous avons parlées plus haut (glucosinolates + action de la myrosinase = isothiocyanates), on a tout intérêt, lorsqu’on prépare le brocoli en vue de sa consommation ultérieure, de le découper en petits morceaux. Cela est profitable car cela imite, certes artificiellement, l’agression que subit la plante lorsque des insectes prédateurs viennent l’attaquer. Cela déclenche la production de myrosinase par la plante et sa mise en contact subséquente avec les glucosinolates, aboutissant à la production de composés soufrés à l’origine d’une modification du goût des tissus végétaux, rendant le brocoli du coup un peu moins propre à la consommation (du point de vue de l’insecte). En ce qui nous concerne, ces mêmes substances, qui sont loin d’être nocives dans des quantités raisonnables, sont exactement ce que nous recherchons à travers la consommation du brocoli. Afin d’accroître encore davantage la production de myrosinase, il convient d’ajouter le broyage dentaire mécanique, ainsi que la mastication longue et satisfaisante de brocolis crus ou cuits al dente, car ce sont, là encore, autant d’« agressions » que reçoivent les brocolis que nous sommes en train de manger.

Il est donc primordial de veiller à ce que la myrosinase fasse bien son travail. Contentons-nous déjà de signaler qu’elle est sensible à la chaleur et très soluble dans l’eau. Cela signifie que l’ébullition fait, en partie, disparaître cette précieuse enzyme, et que bouillir à l’eau le brocoli est loin d’être la meilleure des options de cuisson (la relative destruction de la myrosinase par une chaleur excessive rendrait, de fait, inopérant le mécanisme de production d’isothiocyanates et donc, à terme, la perte de la quasi totalité des propriétés et usages liés aux isothiocyanates du brocoli). Afin de bénéficier au mieux de ces mêmes vertus, plusieurs solutions s’offrent à nous :

  • Consommer le brocoli à l’état cru : on le découpe finement et on l’expose à l’air libre pendant un quart d’heure avant consommation ;
  • Faire de même, mais laisser à l’air libre pendant 1h30 avant toute cuisson (même du genre sautée au wok) ;
  • Cuisson à la vapeur douce : le brocoli doit encore être croquant et non pas se désagréger. Cela impose donc une cuisson légère et non trop appuyée (5 mn maximum) grâce à un vitaliseur plus qu’une cocotte qui a l’inconvénient de cuire à trop haute température et à lessiver complètement les légumes, même ceux placés dans le panier-vapeur en hauteur (l’eau de condensation qui couvre l’intérieur du couvercle de la cocotte retombant sur les légumes, ce qui n’arrive jamais avec un vitaliseur).

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • La consommation normale de brocoli ne s’accompagne habituellement d’aucun effet toxique, du moins nocif pour la santé humaine. A la condition, bien entendu, de le consommer bio, ce qui passe pour la moindre des précautions, le brocoli étant un super bio-accumulateur. Ainsi, selon les terrains où il est implanté, il absorbe tout un tas de joyeusetés qui s’y trouvent et qui ne sont pas exactement compatibles avec la santé (hydrocarbures aromatiques polycycliques, composés organiques volatils, dioxines, furannes, polychlorobiphénols, etc.). Passé cet écueil, il faut tout de même savoir qu’une consommation excessive de brocoli n’est pas recommandée. Par exemple, quand il est cru, il peut causer des diarrhées et désobliger les intestins irritables (SII). Il existe d’autres conditions qui sont inconciliables avec une consommation régulière de brocoli : les traitements anticoagulants (cf. la grande richesse du brocoli en vitamine K), les problèmes de thyroïde, l’administration concomitante d’analgésiques (paracétamol).
  • Lorsqu’on se procure des brocolis, il est bon de les préparer en cuisine sans plus attendre, sans quoi le jaunissement les guette. Le brocoli est très sensible à l’éthylène qui hâte sa maturation et son flétrissement. Cette décoloration s’accompagne de pertes nutritionnelles : ce sont autant de chlorophylle, caroténoïdes, flavonoïdes, acides phénoliques et glucosinolates qui disparaissent ainsi. Des méthodes (qui emploient du permanganate de potassium, des rayons UV-C et de l’oxyde de titane) permettent d’obvier un temps à ce problème. Mais à quel prix ? Très fragile, le brocoli est également sensible à l’action de l’oxygène de l’air, si bien qu’il se conserve mieux et plus longtemps sous hypoxie que sous normoxie10.
  • Nous avons vu plus haut que la cuisson à la vapeur était la plus profitable au brocoli (contrairement à l’ébullition qui fait chuter la proportion de glucosinolates totaux de 50 %). En revanche, elle amoindrit les capacités anti-oxydantes du brocoli. Autre détail intéressant : la congélation s’avère un bon moyen de conserver des niveaux égaux de chlorophylle, de caroténoïdes et d’acides phénoliques. Elle améliore même les capacités anti-oxydantes de ce légume.
  • Parmi les très nombreux cultivars de brocolis, dont beaucoup sont des hybrides F1, on distingue surtout des variétés vertes (Avenger, Iron Man, Umpqua, Beneforte, Packman, Early Green, Tlaloc, Waltham, De Cicco) et quelques-unes violettes ou pourpres (Rosalind Purple, Purple Peacock…).

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  1. Espèces, n° 43, mars 2022, p. 57.
  2. Giambattista Basile, Le Conte des contes, p. 57.
  3. Ibidem, p. 341.
  4. Ibidem, p. 288.
  5. Ibidem, p. 307.
  6. « Les légumes crucifères contiennent des substances phytochimiques qui aident à créer un soutien immunitaire et anti-oxydant dans l’organisme en induisant une protection supplémentaire des enzymes impliquées dans la détoxification des carcinogènes et leur élimination du corps » (Source).
  7. « L’extrait de germe de brocoli riche en sulforaphane peut être un nutraceutique potentiel pour prévenir et réguler les réponses immunitaires excessives dans les maladies inflammatoires » (Source).
  8. Les cellules NK (natural killer) sont des lymphocytes du système immunitaire inné qui tiennent un rôle dans la réponse immunitaire adaptative. Elles sont censées surveiller les cellules infectées (défense antivirale) et la naissance des tumeurs. Elles tuent ces cellules tout en épargnant les cellules saines. Peut-on parler de frappe chirurgicale ?
  9. « Des extraits bruts ont été obtenus à partir de fleurons et de tiges du cultivar de brocoli Avenger et l’effet inhibiteur a été démontré contre les bactéries pathogènes (Bacillus cereus, Staphylococcus xylosus, S. aureus, Shigella flexneri, S. sonnei, Proteus vulgaris), champignons phytopathogènes (Colletotrichum gloeosporioides, Aspergillus niger) et levures (Candida albicans et Rhodotorula sp.). Il a été montré que les échantillons traités avec des enzymes protéolytiques avaient une réduction d’environ 60 % de l’activité antibactérienne contre Staphylococcus xylosus, suggérant que les composés protéiques pourraient jouer un rôle dans l’effet inhibiteur » (Source). Selon qu’il est cru ou cuit, le brocoli ne se comporte pas de la même manière sur les germes bactériens. Par exemple, il a été souligné que le brocoli cru n’agit guère que sur Bacillus cereus, tandis qu’une fois cuit, il inhibe la croissance bactérienne dans l’estomac et l’intestin grêle supérieur d’un nombre considérable de germes.
  10. « La concentration de sulforaphane dans les fleurons de brocoli était significativement plus élevée de 1,9 à 2,8 fois après deux jours d’entreposage sous hypoxie à environ 0 % d’O2 et à environ 24 % de CO2 à 20 °C, que cette augmentation n’a pas été observée après le stockage sous normoxie à environ 0 % d’O2 sans CO2 à 20 °C. De plus, après deux jours, la concentration de sulforaphane sous hypoxie était de 1,6 à 2,3 fois supérieure à celle sous normoxie. Ces résultats suggèrent que le stockage sous hypoxie avec des niveaux élevés de CO2 peut augmenter la concentration de sulforaphane dans les bouquets de fleurons » (Source).

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Le coléus (Coleus forskohlii)

En ce jour des crêpes et des chandelles, on peut presque dire que l’hiver s’achève tranquillement ^.^ Voici, en revanche, un tout nouvel article qui nous place aux antipodes des frimas févri… Euh ! Par curiosité, je me suis amusé à chercher s’il existait un adjectif relatif au mois de février, eh bien, je crois qu’il reste à inventer. On pourrait dire « févriéen » ? Hum, ça fait bizarre. Bref. Oui, nous nous rendrons sous les tropiques à la rencontre du coléus, une plante médicinale dont on connaît un cousin ornemental par chez nous, ce qui a donné lieu à pas mal de confusion (il ne faudrait pas s’imaginer qu’au coléus splendidement chamarré s’applique l’ensemble des propriétés et usages décrits dans ce nouvel article).

Un beau week-end à toutes et à tous :)

Gilles

Synonymes : vieux garçon (en raison d’une croyance qui veut que le coléus porterait malheur aux couples mariés), faux boldo, menthe indienne, ortie d’appartement, terevete, torbangun, bangun-bangun.

Synonymes latins : Plectranthus barbatus, Coleus barbatus, Plectranthus forskohlii.

Parmi le genre Plectranthus, Coleus forskohlii est sans aucun doute possible la plante la plus employée médicalement par les pratiques traditionnelles ayant cours en Inde. C’est ainsi que, sans surprise, on la rencontre au sein de la médecine ayurvédique qui lui a accordé le nom de makandi. Cet antique système de santé utilise aussi bien ses rhizomes que ses feuilles, et recense une foule d’affections pour lesquelles le coléus entre en ligne de compte : maladies pulmonaires (asthme), cardiovasculaires (hypertension, défaillance cardiaque, glaucome) et hépatiques. On lui trouve encore une fonction pour combattre le cancer et l’obésité, entraver les convulsions et les douleurs spasmodiques d’origine musculaire. Enfin, le coléus convient en cas d’hypothyroïdie, d’insomnie et de miction douloureuse. Cette plante ne demeura pas circonscrite à l’Inde seule puisqu’elle prit place dans la quasi totalité du sous-continent indien, intégrant les systèmes médicaux des zones limitrophes, comme au Pakistan, au Sri Lanka et au Bangladesh, par exemple. Elle fit de même en Afrique orientale (Kenya, Ouganda, Rwanda, Somalie, Tanzanie, Malawi) et centrale (Congo, Gabon), et plus loin encore, en Amérique du Sud (Brésil, Guyane française). Dans bien des pays que nous venons de nommer, les systèmes de soins sont rudimentaires et, quand ils existent, défaillants. Pour ne prendre l’exemple que de la Tanzanie, dans certaines régions de ce pays d’Afrique de l’Est, on compte moins d’un médecin pour 100 000 habitants, et les trajets pour joindre un centre de santé se comptent en heures de marche. Alors, en ces conditions, l’on comprend que l’herboristerie traditionnelle prenne le pas sur les bonnes intentions de la modernité qui ne quitte guère les capitales et autres grandes villes de la plupart de ces pays. Ainsi le coléus est-il, là-bas, l’une des nombreuses herbes des pauvres (celles-là même que préconisait Cazin en France au XIXe siècle) que récoltent et utilisent les guérisseurs locaux, en raison d’un désert médical dont on n’oserait rêver en France… Quand l’on tient une plante médicinale de la trempe du coléus, on ne passe pas à côté, on l’exploite aussi bien pour son feuillage que pour ses parties souterraines. Et, à l’énoncé de ce qui suit, on constatera qu’on aurait tort de s’en priver tant le rayon d’action médical du coléus est étendu. D’un seul tenant, j’ai regroupé les principales indications médicales observées à l’endroit du coléus en Asie, Afrique et Amérique du Sud (c’est-à-dire, pour être précis, l’ensemble des pays listés plus haut). Débutons sans plus tarder cet inventaire conséquent : affections intestinales (colique, diarrhée, nausée, spasmes intestinaux, gastrite, infections), désordres hépatiques, troubles respiratoires (asthme, bronchite, rhume, refroidissement, pneumonie), affections cardiaques (angor, hypertension). D’un point de vue locomoteur, il est aisé de se rendre compte que le coléus est, là encore, d’une grande utilité, puisqu’on le convie pour des inflammations et douleurs spasmodiques, des douleurs musculaires généralisées, maux de dos, raideur cervicale, luxation et rhumatisme. Il prend également soin des yeux (conjonctivite), des oreilles (otite), de la gorge et de la bouche (amygdalite, troubles gingivaux et dentaires). C’est encore un excellent topique sur plaies et ecchymoses, et on le dit aussi emménagogue, aphrodisiaque et abortif pris oralement (ce que la science moderne n’a pas encore pris le temps de vérifier, à ma connaissance). Face à une telle pléthore de moyens, on ne sera guère étonné d’apprendre que les utilisations du coléus dépassent le strict cadre médical : en Inde, au Kenya et au Gabon, la plante est appliquée en cas de morsure de serpent, tandis qu’ailleurs on extrait des feuilles une substance insectifuge qui écarte certains insectes des stocks de céréales, les mettant ainsi à l’abri des ravageurs. Le coléus se distingue encore par bien des usages forts intéressants : il améliore la nature des terres destinées à la culture de céréales comme le maïs, prévient l’érosion des sols, produit un engrais vert non négligeable, marque les limites en formant des haies (on n’a pas écarté la qualité ornementale de cette plante), enfin, on accorde au feuillage une valeur alimentaire qui se destine tant au bétail qu’aux êtres humains. Parmi les usages les plus inattendus qu’il m’a été donnés de découvrir, celui-ci est sans doute le plus exceptionnel : les Kikuyus, peuple d’Afrique de l’Est, nomment la plante “papier toilette”, parce que ses feuilles molles et duveteuses servent très justement à cette fonction ^.^ Autant en dire de même de la bardane chez nous !

Il s’en fallut de peu que le coléus ne demeure aux marges du monde scientifique moderne : comme à l’époque où il fit ses premières armes pour le compte de l’Ayurvéda, tout recommença en Inde pour le coléus. Dans les années 1970, des recherches menées simultanément par le CDRI (Central Drug Research Institute) de Lucknow et le Hoechst India Limited de Bombay parvinrent au même résultat : le premier isola le coléonol, le second la forskoline, qui sont, l’un et l’autre, la même molécule. On recherchait donc le principe actif du coléus et l’on découvrit la forskoline, ce qui n’est déjà pas si mal. On constata que cette molécule possède des propriétés assez proches de celles de l’éphédrine, mais sans en présenter les désavantages, ce qui la popularisa dans l’objectif de la perte de poids et de la fonte de la masse graisseuse. Un heureux événement en somme, l’éphédrine ayant été bannie ici et là (en France, par exemple). A la suite des chercheurs indiens, bien d’autres pays (Brésil, Chine, Afrique de l’Est) s’engagèrent eux aussi dans des programmes de recherche, après avoir fait les beaux jours du coléus au travers d’un usage traditionnel de cette plante qui, loin d’avoir été abandonné, est toujours d’actualité.

Si l’on est nombreux à avoir une petite idée de ce qu’est un coléus (pour un Occidental lambda, c’est une plante verte d’intérieur – enfin, pas si verte, vu la luxuriance de son feuillage panaché souvent très coloré), il est en revanche plus malaisé d’identifier celui qu’on dit forskohlii, adjectif latinisé dans lequel il est impossible de reconnaître la moindre racine grecque ou latin d’un mot usuel, et pour cause : il a été forgé sur la base du nom d’un naturaliste suédois, Pehr Forsskål (1732-1763), qui donna de la plante la première description botanique au XVIIIe siècle. Imitons-le.

Notre coléus est une plante vivace de la grande famille des Lamiacées et dont les tiges quadrangulaires – bien que très fragiles et cassantes – l’autorisent quand même à se dresser à une hauteur moyenne de 50 à 60 cm. Les feuilles molles et assez épaisses de cette plante, opposées une à une, s’insèrent sur la tige grâce à un pétiole assez long qu’une fraction rétrécie du limbe accompagne, à la manière d’une goulotte. Selon l’angle de vue avec lequel on observe la surface de ces feuilles, certaines paraissent blanchâtres : c’est le signe évident qu’elles sont légèrement duveteuses sur le dessus. D’ailleurs, au toucher, l’on remarque bien qu’elles sont veloutées. Un peu gaufrées, ces feuilles vert assez clair, sont régulièrement dentées sur leur pourtour. Quant aux fleurs bleu violet clair, elles s’organisent en sommités que l’on désigne par le terme de racème en vocabulaire botanique. Ces fleurs, assez grêles, se déploient entre juin et septembre, et font mériter à la plante l’un de ses noms latins, puisque plectranthe est la réunion des racines grecques plektron, « éperon » et anthos, « fleur ». Et il est vrai que lorsqu’on regarde de plus près l’une de ces fleurs, elle donne l’impression de posséder un petit menton barbu.

A la lecture de cette description, vous aurez peut-être l’impression qu’elle ne cadre pas avec l’idée que vous vous faites d’un coléus, et que cela n’a rien de comparable avec ce qui orne vos plates-bandes ou votre intérieur. Sans doute parce qu’il y a un abus de langage à travers le mot coléus. En réalité, bien des coléus n’en sont pas, mais se trouvent être des plectranthes, un genre très voisin que les botanistes ont réorganisé ces dernières années. Il en va des coléus comme des camomilles : combien de fleurs semblables à des marguerites sont-elles affublées d’un sobriquet généraliste dans l’ignorance qu’on est de les désigner autrement ? Un très célèbre coléus, rangé maintenant parmi les plectranthes, est très connu comme plante ornementale : il s’agit de l’ex Coleus blumei, la plectranthe fausse-scutellaire (Plectranthus scutellarioides). Il en existe tant de variétés et cultivars qu’il n’est pas interdit de se dire qu’on a affaire à une plante différente dès que la morphologie foliaire et les coloris évoluent. Les fleurs de cette espèce sont moins spectaculaires que celles de Coleus forskohlii, mais, généralement, ce ne sont pas elles auxquelles on prête attention, mais au feuillage : les feuilles, losangiques, lancéolées, arrondies, ondulées sur leurs marges, présentent un grand spectre coloré, variant du vert jaune pâle au pourpre profond, tout en passant par une kyrielle de verts, des rouges, du rose et du violet, du bronze et du brun, du bistre et de l’ocre, etc. Il s’agit là, bien sûr, des multiples résultats de l’intervention humaine dans le but d’obtenir des cultivars horticoles. On a si peu chômé dans le domaine spécifique du coléus qu’on compterait actuellement plusieurs centaines de cultivars différents de cette plante (peut-être même 2000 !), de quoi assurément contenter tous le monde. C’est une plante que j’affectionne particulièrement bien, qui pousse vivement et qui se prête très facilement au bouturage. D’ailleurs, ce mode de reproduction végétatif permet de prendre conscience que, de la plante-mère sur laquelle on prélève une bouture et ce que cette dernière devient au bout de plusieurs semaines de soins en toute autonomie, de très grandes dissemblances sont observables. D’un pied-mère, il m’est arrivé de prélever trois générations de boutures qui m’ont donné, chacune, une plante au feuillage très diversement coloré à chaque expérience.

Au contraire du coléus du pépiniériste et du fleuriste, Coleus forskohlii, qui se cantonne aux zones tropicales et subtropicales du sous-continent indien, d’Afrique et d’Amérique du Sud (sur sol riche, humide, bien drainé, à exposition lumineuse modérée) est en très net recul : un article de 2010 signalait (déjà, hélas…) que ce coléus était en danger en Inde et que, malgré ce constat, sa culture ne semblait pas être envisagée (j’ignore ce qu’il en est depuis lors).

Le coléus en phytothérapie

Il y a une cinquantaine d’années, l’on pouvait affirmer sans risque que le coléus laissait augurer un vaste potentiel pharmacologique. Du moins, c’est ce que l’on supposait, étant donné que les informations concernant ses effets thérapeutiques étaient pratiquement inexistantes (d’un point de vue scientifique, bien que très abondantes selon les systèmes de santé traditionnels). Bien que la littérature scientifique moderne ait fait paraître des informations concernant le coléus depuis les années 1960 environ, ce n’est véritablement qu’au tournant de la décennie suivante – imaginez un peu, ça ne date que d’un tout petit demi-siècle – que les choses sérieuses débutèrent pour le coléus, qui allait de fait, s’échapper du strict cadre de la médecine traditionnelle, par laquelle il fut, pendant longtemps, abondamment utilisé, alors même qu’on en ignorait la plupart des principes actifs et des modes d’action. Mais nul besoin de la science pour faire en sorte que “ça” marche. Tant qu’elle joue son rôle d’huissier pour constater les dires des Anciens afin de les confirmer ou pas, c’est, en l’occurrence, tout ce qu’on lui demande.

On ne peut pas se passer d’évoquer celle par laquelle tout a débuté il y a 50 ans : la forskoline. Parce que c’est, en quelque sorte, la molécule historique du coléus, et qu’elle possède des caractéristiques uniques, ce que renforce encore davantage le fait que le rhizome de Coleus forskohlii est, à ce jour, la seule fraction du monde végétal à contenir cette molécule (à l’exception de Blumea aromatica). Le rhizome abrite précisément cette molécule au niveau de ses cellules liégeuses (plus on grimpe dans les étages supérieurs de la plante, et moins l’on y trouve de forskoline). Mais il ne s’agit jamais là que de l’un des quarante et quelques diterpénoïdes de labdane que compte ce coléus, puisque nous trouvons également ceux-ci : isoforskoline, plectrabarbène, 13-épi-sclaréol, 1,9-didéoxyforskoline…, auxquels on peut adjoindre d’autres diterpénoïdes dits d’abiétane : barbatusine, plectrinone A, 14-désoxycoléone U… C’est vraiment cela qui fait la spécificité du coléus dont l’analyse biochimique, très souvent concentrée sur ces deux familles moléculaires, a tout de même pris le temps de lancer quelques investigations parallèles afin de nous faire connaître quels sont les autres composants du coléus. Rappelons qu’une plante, quelle qu’elle soit, ne peut se réduire à une seule molécule/classe moléculaire, comme on l’a souvent cru (une plante = un principe actif = un effet thérapeutique). On sait depuis que c’est faux. Ainsi donc, le coléus abrite des composants qui ne nous sont pas étrangers tels que les triterpénoïdes pentacycliques (acide bétulique, acide bétulinique, α-amyrine), quelques polyphénols (acides phénoliques : acide rosmarinique, dérivés d’acide caféique, acide vanillique ; flavonoïdes : genkwanine ; tanins : acide ellagique ; anthocyanes) et acides carboxyliques. Mentionnons aussi l’existence de lactones monoterpéniques, anthraquinones, alcaloïdes, saponines et stéroides.

Avant de passer à la section suivante, il me semble important de mentionner que l’épais rhizome succulent du coléus, de couleur brun doré, de goût légèrement amer et piquant, développe une agréable odeur aromatique. A y regarder de plus près, l’on se rend compte que cette fraction souterraine recèle une essence aromatique dont l’hydrodistillation et l’extraction au CO2 supercritique n’offrent qu’un médiocre rendement (0,03 à 0,45 %). Ces produits visqueux, de couleur rouge brun foncé, à l’arôme qui se partage entre le boisé et l’épicé, sont l’objet de variations très importantes en terme de composition biochimique, attendu que la provenance joue un rôle majeur. Certaines études ont travaillé sur ces huiles essentielles, aussi bien au Brésil, en Italie qu’en Inde. Sans surprise, ces trois produits sont fort dissemblables. Ce qui explique les grands écarts lisibles dans les données indiquées ci-dessous à titre informatif :

  • Sesquiterpènes : 40 à 65 %
  • Sesquiterpénols : 17 à 37 %
  • Monoterpènes : 9 à 38 %
  • Diterpènes : 2 à 7 %

En Asie, on utilise fréquemment un fongicide du nom d’hexaconazole afin de lutter contre les ascomycètes et les basidiomycètes qui affectent le riz ainsi que d’autres cultures maraîchères. Il apparaît qu’une étude s’est ingéniée à comparer la quantité de pigments et d’anti-oxydants produits par deux coléus, le premier étant non traité, le second recevant le traitement antifongique. Les chercheurs ont ensuite pu constater que le coléus traité fabriquait davantage de pigments (chlorophylle, caroténoïdes, anthocyanes, xanthophylles) que l’autre. Même chose pour les substances anti-oxydantes telles que les polyphénols et la vitamine C. Si cela constitue un heureux résultat pour le biochimiste, cela rend compte du fait qu’une association plante/champignons provoque des résultats forts différents dès lors qu’on retire l’un des protagonistes, la plante devant fabriquer une plus grande quantité de pigments et d’anti-oxydants, non pas pour les beaux yeux du chimiste et du pharmacologue, mais parce que ces substances servent déjà la plante avant de nous être utiles. Par exemple, les flavonoïdes, qu’on ne trouve pas en masse dans le coléus, permettent aux végétaux de se protéger plus efficacement des attaques microbiennes en cas de blessure accidentelle de leurs tissus.

Propriétés thérapeutiques

On a beaucoup étudié et écrit à propos de la seule forskoline. S’il est vrai que la dernière décennie écoulée s’est majoritairement concentrée sur cette molécule, il existe, parmi ses cousines (diterpénoïdes de labdane) des composés qui, à eux seuls, sont bien intéressants du point de vue thérapeutique : par exemple, la 1,9-didéoxyforskoline possède des propriétés anti-inflammatoires et analgésiques, alors que diverses autres molécules ont fait la preuve d’effets prometteurs vis-à-vis d’affections cancéreuses (cancer de l’estomac, du sein, de l’utérus, adécocarcinome endométrial). C’est le cas du 13-épi-sclaréol qui est antiprolifératif, du FSK88 qui stimule l’apoptose, de la barbatusine qui inhibe l’activité cellulaire dans le carcinome pulmonaire de Lewis et la leucémie lymphocytaire. Je précise que dans les données qui vont suivre, on lira les propriétés thérapeutiques générales du coléus, sans s’arrêter sur celles que l’on réduirait à une seule molécule.

  • Anti-oxydant, anti-inflammatoire (y compris par un effet chélateur des ions ferreux), antiradicalaire (DPPH ou diphénylpicrylhydrazyle, superoxyde, peroxyde d’hydrogène, radical hydroxyle, etc.)
  • Anticancéreux, antiprolifératif, cytotoxique, antitumoral, antileucémique
  • Cardiotonique, inotrope positif, chronotrope positif, vasodilatateur coronarien, hypotenseur, réducteur de la pression intraoculaire (PIO), anti-agrégeant plaquettaire puissant, hypolipidémiant, améliore le flux sanguin en direction du cerveau
  • Dépresseur du système nerveux central (à fortes doses), neuroprotecteur
  • Antisécrétoire et anti-ulcéreux gastrique, spasmolytique des muscles lisses gastro-intestinaux, réduit l’appétit, antidiarrhéique (diarrhée causée par les endotoxines d’Escherichia coli), stimulant du flux biliaire
  • Décongestionnant respiratoire, bronchospasmolytique, bronchodilatateur, améliore la fonction pulmonaire et la relaxation trachéale, réduit l’inflammation des bronches (en agissant au niveau des principaux marqueurs inflammatoires tels que TNF-α, IL-1β, IL-4, IL-5, IL-6, IL-8, IL-17, IL-17A, MCP-1, MIG, IP-10 et CRP)1
  • Anti-infectieux : antiplasmodique, antifongique (Aspergilus niger, A. fumigatus, A. ruantiii, Proteus vulgaris, Candida albicans)
  • Cicatrisant, photoprotecteur (UVA, UVB)
  • Stimulant thyroïdien
  • Lipolytique (réducteur de la graisse et du poids corporel)
  • Inhibiteur de l’acétylcholinestérase cérébrale

Au sujet de l’huile essentielle de coléus :

  • Anti-infectieuse : antibactérienne (Staphylococcus aureus, S. epidermidis, E. coli, Listeria monocytogenes, Streptococcus mutans, S. typhimurium, Proprionibacterium acnes), antifongique (Candida albicans), larvicide (sur pas moins que Aedes aegypti, A. albopictus*, Culex quinquefasciatus, C. tritaeniorrhynchus**, Anopheles subpictus***), antivirale
  • Bronchodilatatrice, anti-asthmatique
  • Hypotensive, chronotrope positive, inotrope positive
  • Anti-inflammatoire (par chélation des ions ferreux), anti-oxydante, antiradicalaire (DPPH)
  • Spasmolytique
  • Galactogène

* Vecteur de la dengue. ** Vecteur de l’encéphalite japonaise. *** Vecteur du paludisme.

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère respiratoire : bronchite, toux, expectoration difficile, rhume, rhume des foins, asthme, angine, lésions pulmonaires2
  • Troubles de la sphère cardiovasculaire et circulatoire : insuffisance cardiaque, hypertension, circulation sanguine cérébrale3
  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : diarrhée, colique, lésion gastrique (liée à l’alcool, au stress causé par le froid), constipation
  • Affections cutanées : plaie, lésion et ulcère cutanés, éruption, brûlure, hématome, eczéma, psoriasis, vitiligo, perte capillaire
  • Troubles locomoteurs : entorse, crampe, arthrite de Lyme
  • Maladies neurodégénératives : Alzheimer, Huntington, Parkinson, sclérose en plaques, sclérose latérale amyotrophique, myélome multiple
  • Troubles de la sphère hépatobiliaire : fibrose hépatique, diabète
  • Cancer : estomac, poumon, sein, utérus4
  • Maladies infectieuses : fièvre typhoïde, paludisme
  • Réduction de la consommation éthanolique chez l’alcoolique, restauration relative de l’humeur chez le dépressif et le schizophrène
  • Affections oculaires : glaucome5, cataracte6
  • Ototoxicité causée par la cisplatine
  • Obésité : réduction du poids corporel total, décomposition sous-cutanée des graisses

Note : concernant cette dernière indication, la forskoline fut très tôt mise à contribution parce que l’on s’est rendu compte qu’elle “active une enzyme, l’adényl cyclase, messager cellulaire qui transporte les informations depuis l’extérieur jusqu’à la cellule, qui a son tour active une substance, l’AMP cyclique. Il suffit de retenir que cette série de réactions conduit les cellules graisseuses à fondre […]. Pour les faire fondre, il faut faire intervenir deux processus : la thermogenèse, qui est la production de chaleur de l’organisme par augmentation du métabolisme cellulaire, et la lipolyse, qui est la combustion naturelle de ces graisses. Or, la forskoline active ces deux processus. Le résultat est donc une perte de masse graisseuse, donc de poids !”7. C’est là une opinion partagée par un certain nombre d’études entreprises ces vingt dernières années. En 2013, des chercheurs écrivirent ceci : « Comme l’obésité a atteint des proportions épidémiques, la gestion de cette maladie mondiale est d’importance clinique »8. Eh bien, qu’on se le dise ! Une étude plus ancienne encore, puisqu’elle remonte à 2005, ne redoutait pas d’affirmer cela : « L’administration d’extraits de Coleus forskohlii a réduit le poids corporel, la consommation alimentaire et l’accumulation de graisse chez les rats. Nos résultats suggèrent que Coleus forskohlii peut être utile dans le traitement de l’obésité »9. Certes, du rat à l’homme, il y a plus qu’un saut de puce, mais un article de 2010 ne disait pas moins : chez le rat, la forskoline, administrée à raison de 2 mg par jour, a réduit considérablement le poids corporel et le volume de graisse de souris obèses. Les mêmes auteurs affirmaient également que “l’application topique de crème à base de forskoline avait réduit la graisse locale des cuisses de femmes obèses, sans régime ou exercice”10. Malgré un certain enthousiasme, les chercheurs favorables à la forskoline comme agent anti-obésité, n’écartent pas de leur esprit que le travail de recherche et d’étude doit se poursuivre afin que les mécanismes d’action de cette drogue soient mieux compris et l’ampleur des effets anticipés, ce qui permettra un dosage et une posologie optimaux. Sur le long terme, cela assurera une sécurité et une prévention des potentiels effets secondaires. Sauf que, face à une pléthore d’études pleines d’allant et d’engouement, quelques voix discordantes s’élevèrent et se firent entendre. Une étude parue en 2005 dans un journal anglais (Journal of the International Society of Sport Nutrition) stipulait que moins que de faire perdre de la masse graisseuse aux personnes obèses, la forskoline permettait tout juste d’atténuer la prise de poids : même combat qu’avec l‘orthosiphon !11 Enfin, une étude plus récente (2020) affirme qu’une médication comme la forskoline serait plus nuisible qu’utile12.

Modes d’emploi

Nous savons parfaitement que le coléus ne se réduit pas à sa seule forskoline, mais, à son propos, il importe de faire la révélation suivante : cette molécule possède une faible solubilité dans l’eau. Comme, de plus, elle est aussi affectée d’une activité orale médiocre, on n’imaginera donc pas en profiter au travers d’une infusion ou même d’une décoction aqueuse de rhizomes de coléus. On profiterait forcément d’autres choses contenues dans le coléus, mais pas de la forskoline (cela explique sans doute les résultats très discordants observés à propos de l’activité de la forskoline vis-à-vis de l’obésité…). Cela n’est peut-être pas encore gagné, puisqu’on a pu faire le constat que l’extraction aqueuse appliquée au coléus ne lui convenait pas très bien, l’eau étant, en l’occurrence, un moins bon extracteur que l’alcool, du moins en ce qui concerne la fraction constituée par les polyphénols (flavonoïdes, acides phénoliques). Cependant, qu’on se rassure, la recherche, opiniâtre, a mis au point un dérivé soluble de la forskoline qui porte le nom de code de NKH477.

  • Poudre de rhizome : comptez ½ cuillerée à café mêlée à un demi-verre d’eau tiède, à raison de deux prises par jour. Comme l’on sait que la forskoline est liposoluble, on gagnerait peut-être à mélanger préalablement cette poudre à du ghee ou de l’huile vierge de noix de coco. On trouve cette poudre sous forme de vrac, ainsi qu’en gélules microdosées.
  • Extrait standardisé : à 10 % de forskoline (500 mg par jour), à 20 % (250 mg par jour).
  • Extrait hydro-alcoolique : dans un demi-litre d’alcool (titrant 40 à 60°), plongez (si vous pouvez vous en procurer) des rhizomes secs de coléus et faites les macérer pendant un bon mois.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Récolte : dans son fief d’origine, le coléus se déchausse préférablement du sol en automne, qui se trouve être la saison où le taux de forskoline est le plus élevé dans les rhizomes.
  • Effets indésirables : troubles gastro-intestinaux (diarrhée), cutanés (éruption, démangeaison, dermatite périanale), nerveux (agitation, troubles du sommeil).
  • Contre-indications : grossesse, allaitement, ulcère gastrique et intestinal (la forskoline peut augmenter l’acidité qui règne dans l’estomac), insuffisance rénale polykystique autosomique dominante ou récessive, hypotension, prévision d’opération chirurgicale.
  • Incompatibilités médicamenteuses : le coléus n’est pas compatible avec des traitements contre la NASH, les hypertenseurs, antidiabétiques, AINS, antiplaquettaires (clopidogrel), anticoagulants (warfarine, aspirine, enoxaparine), neurologiques, thyroïdiens. De plus, le coléus potentialise des molécules telles que l’épinéphrine, l’éphédrine et la pseudo-éphédrine.
  • Malgré ces désavantages, le coléus fait état d’une cytotoxicité réduite dans la plupart des cas non listés ci-dessus13.
  • Comme beaucoup d’autres plantes, le coléus fait, hélas, l’objet d’adultérations, ce que le client occidental qui achète des poudres lointaines n’est pas en mesure de s’apercevoir (à plus forte raison quand les plantes se présentent sous cette forme-là). Il importe donc de savoir que dans les poudres de rhizome de coléus, l’on trouve parfois d’autres ingrédients tels que des feuilles de thé et de soja, etc., venant sophistiquer des lots entiers de coléus vendus comme tels.
  • Des feuilles du coléus, on tire une teinture naturelle de couleur verte. Fait assez rare pour avoir le mérite d’être souligné.
  • La racine du coléus est parfois cuite puis mangée en Asie. Quant aux feuilles, dont on n’a rien dit dans les sections précédentes, elles participent à une infusion théiforme ou prennent part, comme additif condimentaire aromatique, pour parfumer les pickles (cornichons, etc.).
  • Pour en terminer là, sachez que l’huile essentielle/extrait CO2 de coléus fait preuve d’une excellente tolérance cutanée (qui rappelle celle propre à toutes les huiles essentielles riches en sesquiterpènes, patchouli et nard de l’Himalaya en tête). Elle ne provoque donc aucun cas d’irritation cutanée, ni érythème et œdème cutané.

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  1. Source.
  2. « Nous émettons l’hypothèse que le prétraitement à l’isoforskoline atténue les lésions pulmonaires aiguës induites par les lipopolysaccharides (endotoxine) » (Source). Ces endotoxines se situent sur la membrane externe des germes Gram -. L’extrait de coléus entrave donc la production de cytokines pro-inflammatoires stimulée par les lipopolysaccharides des bactéries.
  3. « La forskoline a pour effet d’augmenter le flux sanguin dans le cerveau, vers le myocarde et les reins malgré une diminution de la pression artérielle moyenne. La forskoline n’a pas modifié la consommation d’oxygène cérébral, ce qui indique que l’augmentation du flux sanguin cérébral est un effet vasodilatateur direct » (Source).
  4. A été observé une « amélioration de la sensibilité aux médicaments antitumoraux conventionnels dans les cellules cancéreuses » (Source).
  5. « Le Ginkgo biloba augmente la circulation vers le nerf optique, la forskoline (un extrait de Coleus forskohlii) a été utilisée avec succès comme agent topique pour réduire la pression intraoculaire et les injections intramusculaires de Salvia miltiorrhiza ont montré des avantages pour améliorer l’acuité visuelle et la vision périphérique chez les personnes atteintes de glaucome » (Source).
  6. Plusieurs autres substances peuvent inhiber ce phénomène oculaire parmi lesquelles nous trouvons les caroténoïdes (lutéine), les xanthophylles (zéaxanthine), les vitamines (provitamine A, vitamine B9), la panthétine, la mélatonine, ainsi que le glutathion dont la production duquel peut être favorisée par les vitamines C et E, le sélénium, l’acide lipoïque, etc.
  7. Source.
  8. Source. Le sujet certes, grave mais le jeu de mots, quoique très probablement involontaire, m’a bien fait sourire ^.^
  9. Source.
  10. Source.
  11. Source.
  12. Source.
  13. « Plectranthus barbatus est un candidat potentiel pour une utilisation thérapeutique en raison de sa faible toxicité dans les cellules humaines saines » (Source).

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Voici la plectranthe fausse-scutellaire, communément appelée coléus.