Quelques correctifs intéressants au sujet de la renouée du Japon


Les jeunes pousses comestibles de renouée du Japon.


Sur Y*utube (entre autres), on assiste depuis quelques années à l’irruption d’une pléthore de vidéos toutes plus ou moins intitulées de la même façon : « Comment se débarrasser de la renouée du Japon ? » Il faut les voir se casser la nénette, nos « vidéastes » en « mauvaises herbes », faisant surgir les « conseils » aussi promptement que si les conditions de levée de dormance de quelque « mauvaise graine » étaient réunies !

Au fil des années, l’observation directe aidant, j’ai affiné la compréhension plus subtile de cette plante et revu de fond en comble l’idée que je me faisais naguère d’une plante invasive, c’est-à-dire une vision beaucoup trop simpliste pour seulement être prise au sérieux. Or, c’est en évoquant la notion de plante bio-indicatrice que le « concept » de plante invasive se fissure.

Dans le récent article que j’ai rédigé au sujet de la renouée du Japon (il n’est pas très vieux, je l’ai posté il y a moins de deux ans, le 28 mai 2021), j’attirais l’attention sur la question de la comestibilité de cette plante. C’est une polygonacée, et comme beaucoup de plantes de cette famille (oseille, rhubarbe, etc.), elle contient des oxalates de calcium, susceptibles d’encrasser l’organisme. Au delà de ce problème somme toute mineur (il faudrait faire une énorme consommation de ce type de végétaux avant que cela ne devienne problématique), je dois vous rappeler pour quelle autre raison j’imaginais que la consommation de renouée du Japon était parfaitement aberrante. Je me cite : « Si la renouée est utilisée en Asie, tant comme plante médicinale qu’alimentaire, il n’est pas recommandé d’en faire les mêmes usages en France à l’issue d’une cueillette, car elle pousse la plupart du temps sur des sols artificiels non exempts de produits polluants (herbicides, pesticides, métaux lourds ; parmi ces dernières substances, ce sont les rhizomes qui les concentrent prioritairement, puis les feuilles, enfin les jeunes pousses). Ce qui est fort dommage, car cela nous prive d’en déguster les pousses tendres, crues comme cuites, comme cela se pratique au Japon, où une cuisson à la vapeur les apparente aux turions d’asperge. »

La renouée du Japon est connue pour être effectivement une plante qui indique la présence de métaux lourds dans le sol. Estimés à 41, on se préoccupe surtout des principaux que voici : plomb, nickel, mercure, cuivre, arsenic, chrome, cadmium, sélénium, zinc. Dans son biotope primaire asiatique, la renouée du Japon ne vient que sur des zones naturellement riches en fer et en nickel. Ainsi, quand elle trouve, dans un biotope secondaire, la présence artificielle de métaux lourds dans un terrain particulier, elle s’y installe, attendu que ce sont ces mêmes métaux lourds qui provoquent la levée de la dormance des graines de renouée du Japon. Elle ne s’installe pas là pour se nourrir elle-même des métaux lourds, non. Mais elle entretient une relation endomycorhizienne avec un champignon spécifique qui, lui, en fait ses repas quotidiens (de la même façon que Candida albicans bouffe du manganèse). A eux deux, ils chélatent donc les métaux lourds présents dans le sol. Auparavant, j’avais cru comprendre que ces mêmes métaux, captés par la plante, se retrouvaient à terme stockés dans ses tissus, en rendant la consommation régulière dangereuse. Mais, ô surprise ! J’apprends que des analyses menées sur des échantillons de renouée prospérant sur des zones souillées aux métaux lourds n’en contenaient pas eux-mêmes ! C’est pourquoi il faut regarder la renouée du Japon d’un autre œil, abandonner les idées reçues à son propos, d’autant plus qu’elle fournit une aide fort appréciable pour pas cher du tout. Résumons : la présence envahissante de renouée en un lieu donné signale une pollution massive aux métaux lourds. Visuellement, elle nous alerte : là où elle pousse, on ne peut pas concevoir d’y construire une maison, d’y établir un potager, etc. Capable, si on lui en laisse le temps, de gérer les métaux lourds, elle finit par disparaître une fois son travail achevé. A ce moment, il est possible d’envisager d’y planter ses légumes sans risquer de s’intoxiquer aux métaux lourds, chose d’autant plus facilitée par les couches successives laissées au sol année après année, isolant la biosphère de la zone polluée dans le sol et y fabriquant une couche de terre arable à la surface. Le temps qu’elle prendra pour soigner le sol saura aussi profiter au bétail (c’est un excellent fourrage) et aux abeilles, étant très nectarifère, en particulier en période estivale qui, lorsqu’elle est trop sèche, prive de fleurs les abeilles. Non seulement, plus il fait sec et plus elle pousse (elle est économe en eau), mais sa floraison fournit du nectar aux abeilles, tandis que toutes les autres fleurs sont au chômage technique pour cause de sécheresse.

Cette plante est donc, ni plus ni moins, qu’une bénédiction, pour reprendre le propos de Gérard Ducerf. Ainsi, si vous avez de la renouée du Japon chez vous, réfléchissez bien avant d’en envisager l’extraction qui ne résoudrait pas le problème que révèle la renouée : la présence de métaux lourds. Car, alors, la renouée du Japon, vous ne l’aurez plus, mais les métaux lourds si.

© Books of Dante – 2023


Très mellifères, les fleurs de renouée du Japon sont profitables aux abeilles.


Le pavot de Californie (Eschscholzia californica)

Cousin de notre commun coquelicot qui rougit actuellement les campagnes de ses quatre pétales sanglants, le pavot de Californie ou – attention à ne pas s’embrouiller dans l’écriture – esch… eschsch… eschscholzia (ouf ! ^.^) est un intéressant ressortissant de la famille des Papavéracées que l’on connaît depuis quelques décennies déjà en Europe mais sur lequel je ne m’étais pas encore appesanti. C’est aujourd’hui chose faite grâce à ce tout nouvel article :)

Bonne lecture et beau week-end à toutes et à tous ! :)

Gilles

Synonymes : eschscholzie, coquelicot doré, rayon de soleil californien, coupe d’or.

Je tiens à faire remarquer que le plus ancien livre en ma possession qui expose le pavot de Californie n’est en aucun cas un ouvrage dédié à l’usage des plantes médicinales. Bien que cette plante ait foulé pour la première fois le sol européen aux environs de l’année 1800, on n’en trouve pas trace durant tous le XIXe siècle. En revanche, c’est admirablement figuré que je le vois aux pages 162 et 163 de l’Étude de la plante (1903), ouvrage que l’on doit à l’un des chantres de l’Art Nouveau, Maurice Pillard Verneuil (1869-1942). C’était donc alors aux industries d’art que l’on réservait le pavot de Californie, en l’occurrence comme motif de papier-peint. L’ouvrage en question n’indique pas s’il se réservait exclusivement à la chambre à coucher, ce qui eût constitué un excellent choix, à la condition d’avoir connaissance des qualités somnifères et sédatives de cette jolie plante qui révèle, en fermant ses fleurs quand disparaît le soleil, son accointance stricte avec le domaine diurne et lumineux, et son efficacité à mater les soubresauts qui pourraient venir agiter la période qui lui succède chaque soir.

« En contraste avec cette gracieuse fleur, son nom nous paraît assez barbare, et dans sa résonance, et plus encore dans son orthographe, si fréquemment défigurée »1. Fournier, qui écrivit cela près d’une cinquantaine d’années après l’apparition remarquée du pavot de Californie dans l’ouvrage de Pillard Verneuil, ne s’arrêta pas à l’écueil du nom écorchable à loisir, puisqu’il fit alors paraître des informations qui comptaient parmi les premières portant sur l’escholtzia dans la littérature médicale de vulgarisation française. Le chanoine ne s’endormit donc pas sur ses lauriers et savait parfaitement que ce pavot est tout aussi somnifère que ses cousins plus célèbres par chez nous que sont le pavot justement dit somnifère (Papaver somniferum) et le coquelicot (Papaver rhoeas). Ce qui est tout à son honneur, car il ne laissa pas impressionné par l’apparent barbarisme d’un nom que l’on doit au poète et botaniste Adelbert von Chamisso (1781-1838) qui nomma en 1820 la plante ainsi en l’honneur de son collègue et ami Johann Friedrich von Eschscholtz (1793-1831), à la suite de leur participation à l’expédition scientifique organisée par Otto von Kotzebue (1787-1846) en Californie au début du XIXe siècle. Nos trois Allemands ne se seraient très certainement pas attendus à ce que cette « copa de oro »2 devint un jour l’emblème floral de la Californie. C’est pourtant bien ce qui arriva à ce pavot en 1903 sous l’impulsion d’une botaniste américaine, Sara Plummer Lemmon (1836-1923), ce qui explique que, partout sur les routes californiennes, l’on voit des panneaux de ce type (la Californie est si folle de son poppy que depuis 1974 le 6 avril a été institué comme journée de l’escholtzia) :

Si la Californie devint un « Golden State »3 en raison du pétrole et de l’or qu’on y découvrit (la Californie connut elle aussi son goldrush entre 1848 et 1855), elle ne le demeura pas moins grâce à la profusion frénétique qui agite sa flore au printemps. Alors que les colons blancs creusaient la terre pour en extirper leur bonheur, d’autres se contentaient de ramasser ce qui poussait à sa surface sèche et minérale : effectivement, nombreuses furent les tribus amérindiennes californiennes à utiliser l’escholtzia à travers des usages variés et étendus, quand bien même certaines s’en gardèrent, considérant la plante comme poison, précaution contredite par les emplois alimentaires qu’en firent les Luiseño, les Nisenan et les Mendocino. Chez les premiers d’entre eux, l’on se contentait de mâcher la fleur comme si c’était un chewing-gum, peut-être afin de tirer bénéfice des effets analgésiques de la plante sur la sphère bucco-dentaire. En tous les cas, c’est ainsi que faisaient les Mendocino face aux maux gastro-intestinaux douloureux (colique), maux de tête ou encore de dents. C’était encore un remède dermatologique dont on se servait pour venir à bout des plaies suppurantes, un médicament émétique et anti-inflammatoire. Par ses vertus supposément narcotique et stupéfiante (ce qu’il n’est absolument pas en réalité), il s’avéra capable de jouer le rôle d’aide pédiatrique précieuse : les indiens Costanoan disposaient des fleurs de pavots de Californie tout autour des couches des enfants afin de les aider à mieux s’endormir, et si jamais ils avaient des poux, une décoction des fleurs était lotionnée sur leur cuir chevelu afin de les tuer. En revanche, ils en interdisaient l’usage auprès des femmes enceintes et allaitantes, le pavot de Californie n’intervenant qu’au moment du sevrage afin de stopper la lactation des femmes. Ainsi procédait-on pour tarir le lait des femmes chez les Yukis, les Mendocino et les Pomos pour qui l’escholtzia méritait le surnom de « milk disappear plant ».

Plante annuelle dans sa patrie d’origine (elle peut ne pas l’être dans des régions d’adoption au climat plus doux où elle aura été importée), le pavot de Californie est une plante intégralement glabre dont les feuilles découpées en très fines lanières, de couleur bleu grisâtre à vert glauque, tranchent résolument avec la forme de la corolle : quatre pétales solitaires fichés au sommet d’un long pédoncule, peints en un jaune orangé vif et étincelant : à le regarder de plus près, on se rend compte que le cœur de la fleur tire sur le orange et se dégrade – à la manière de certaines toiles de Rothko – vers une teinte davantage jaunâtre extérieurement. Ces fleurs, qui se ferment lorsque le temps devient venteux ou que les températures se rafraîchissent, portent parfois des couleurs alternatives : du rouge, du rose ou du blanc. Dans tous les cas, selon comment l’on observe ces pétales souples et robustes, ils s’avèrent très réfléchissants sous un angle particulier, animés à leur surface d’un effet qu’on peut dire soyeux. Pour conserver une unité de ton avec les pétales, le pollen de l’escholtzia est lui aussi orange et très prolifique (la couleur orange est celle de l’abondance). Les fleurs du pavot de Californie, d’odeur singulière qui peut rebuter quelques-uns4, forment à fructification de longues gousses (3 à 9 cm) en forme de silique, cylindres qui s’ouvrent longitudinalement en deux valves dont la déhiscence peut les faire exploser en un claquement bref qui libère une profusion de petites graines noires ou brun foncé, à l’origine des vastes peuplements si typiques de la Californie et dont l’un des plus célèbres s’étend sur plus de 700 ha : Antelope Valley California Poppy Reserve (jetez un œil sur cette petite vidéo), au nord du comté de Los Angeles. Il existe bien d’autres de ces prairies à pavots en Californie (Bear Valley, Point Buchon, etc.) où, au pavot de Californie, se mêlent diverses sous-espèces, le pavot de Californie étant capable de beaucoup de variations botaniques, ce qui ne l’empêche pas d’être protégé par l’état californien. Parfois, comme à Figueroa Mountain, on voit le pavot de Californie mêler ses corolles oranges aux épis bleu violet des lupins nains (Lupinus nanus), ce qui provoque un effet saisissant qui vaut le coup d’œil ^.^5.

Le pavot de Californie apprécie les zones ouvertes ensoleillées bien drainées, les vallées et prairies sablonneuses à tendance désertique telles qu’on les voit du nord de la Californie jusqu’au sud-ouest du Mexique, grimpant jusqu’à 2000 m dans la sierra qui borde presque la frontière qui unit la Californie à son voisin le Nevada, autre état dans lequel on voit s’égailler le pavot de Californie qui, bien que portant ce nom, ne se cantonne aucunement à la seule Californie puisqu’on l’observe plus au nord (Oregon, Washington) et à l’est (Arizona, Nouveau-Mexique).

La beauté naturelle de la fleur d’escholtzia fait que les jardiniers s’en emparèrent et en obtinrent de très nombreux cultivars dont tous ne sont pas oranges, loin de là. Quelques exemples : White Linen et Ivory Castle (blanc), Carmine King et Mikado Red (rouge), Red Chief (rouge intense), Purple Gleam (pourpre), Mission Bells (multicolore), etc. Si des cultures raisonnées propagèrent la plante en dehors de l’aire où elle est native, certaines introductions accidentelles eurent lieu : ce fut le cas au Chili où des graines de pavot de Californie se trouvèrent mélangées à des semences de luzerne. Ainsi, depuis les années 1850-1900, il a adopté, dans ce pays d’Amérique du Sud, un caractère invasif : comme de nombreuses autres plantes, une fois transporté en dehors de son fief originel, le pavot de Californie est susceptible de devenir envahissant, se développant prioritairement dans les milieux perturbés par l’homme (comme c’est bizarre ! Ça ne vous rappelle pas la renouée du Japon et la vergerette du Canada ? ^.^). Or c’est ainsi que cela se déroule au centre de ce pays où l’on observe un remarquable degré de convergence dans la structure végétale avec la Californie et un climat de type méditerranéen similaire, mais avec une capacité reproductive plus appuyée chez le pavot chilien qui, malgré un climat plus sec, est souvent plus grand que son homologue californien (surtout en l’absence de concurrence) et plus résistant face aux insectes qui décideraient de le brouter. Pourtant, également présent en Argentine, en Australie et en Afrique du Sud, il ne semble pas s’y comporter de cette façon.

Si les populations implantées dans des états américains limitrophes et d’autres pays tendent à s’étendre, on observe un phénomène inverse dans le lieu d’origine du pavot de Californie : « Dans son aire de répartition indigène, la plante est menacée par des altérations de l’habitat et la contamination génétique des populations sauvages par des gènes de cultivars issus de plantations de fleurs sauvages en bordure de route. […] En raison des récentes introductions humaines, Eschscholzia californica occupe désormais de nombreux États américains en dehors de son aire de répartition d’origine. Dans ces états, on peut dire que cette espèce a considérablement augmenté. Cependant, dans son aire de répartition d’origine, une grande partie de son habitat a été convertie en champs agricoles irrigués ou en milieu urbain. Au sein de cette aire de répartition originelle, il est très probable qu’Eschscholzia californica ait diminué depuis le début du XXe siècle »6. C’est sans compter la fréquentation des prairies à pavots de Californie au moment des « super bloom season » durant lesquelles le nombre de visiteurs monte en flèche. Cette production florale exubérante est l’occasion de comportements menaçants pour les plantes : familles aux enfants nombreux qui s’éparpillent parmi les fleurs, semi-célébrités qui viennent là se faire photographier parce que ça fera trop chouette sur Insta, foulant au pied ce qui fait le symbole de toute une région, ces autres encore qui nous rejouent une célèbre scène du Magicien d’Oz, etc. Ce phénomène n’est pourtant pas constant : il surviendrait seulement une fois au cours d’une décennie (je parle des super bloom, pas des imbéciles qui piétinent les plantes ; ceux-là, on peut compter sur eux l’année durant…). Pour profiter d’un tel événement, certains mettent les grands moyens en place : en mars 2019, « un couple a fait atterrir un hélicoptère au milieu d’un champ de pavots de Californie. Lorsqu’un garde-forestier s’est approché du couple, ils sont retournés à l’hélicoptère et se sont enfuis. La réserve a répondu à l’incident dans un message depuis supprimé sur Facebook : ‘Nous n’avons jamais pensé qu’il serait explicitement nécessaire de déclarer qu’il est illégal de faire atterrir un hélicoptère au milieu des champs et de commencer à marcher hors des sentiers. Nous avions tort’ »7. J’ai toujours été persuadé que c’était le pavot à opium qui rendait cinglé. Apparemment, son cousin provoque des dérèglements très étranges chez l’être humain… ^.^

Le pavot de Californie en phytothérapie

De cette jolie petite plante, l’on utilise exclusivement les parties aériennes fleuries, irriguées par un latex limpide dénué de l’aspect laiteux que l’on voit à ceux de la chélidoine et du coquelicot. Ce suc médicinal est abreuvé de substances alcaloïdiques, dont les alcaloïdes isoquinoléiques en tête (groupe qui est celui auquel appartient cet alcaloïde célèbre en médecine qu’est la morphine), particulièrement nombreux dans cette plante puisqu’on en compte de dix à vingt : berbérine, protopine, hunnemanine, macarpine, chélérythrine. Leur tiennent compagnie des alcaloïdes de type benzophénathridine (chélidonine, homochélidonine, fumarine, sanguinarine, norsanguinarine) et de type pavinique (escholtzine, californidine, caryachine, norargémonine, bisnorargémonine). Usines de fabrication de tous ces alcaloïdes, les acides aminés sont également présents en très grandes quantités dans les tissus de la plante, en particulier la L-tyrosine, mais aussi l’alanine, la phénylalanine, la leucine, la valine et la thréonine. La couleur des pétales de ce « coquelicot » annonce la présence d’isoflavones et de flavonoïdes (rutine, quercitrine), dont les très connus caroténoïdes (eschscholtzxanthine, rétro-carotène-triol, etc.). Pour en terminer là, citons l’existence d’une essence aromatique contenue dans les pétales de la fleur du pavot californien : si on les distille, on obtient une huile essentielle à cétones (eschscholtzione, entre autres).

Note : les alcaloïdes, qui sont des métabolites formés par la plante, exposent ici un portrait du pavot de Californie évoluant à l’état sauvage. On sait que leur production par la plante réagit à différents facteurs de stress : les rayons UV, les infections pathogènes, les blessures, etc. Une plante cultivée ne saurait présenter un tel profil du fait des protections que l’homme lui fournit.

Propriétés thérapeutiques

  • Antispasmodique, sédatif à doses marquées, anxiolytique à doses légères
  • Analgésique (dont l’effet perdure longtemps même après la fin d’utilisation)
  • Hypnotique, somnifère doux, inducteur du sommeil
  • Normalise les fonctions psychologiques (adaptogène ?), favorise le bien-être physique et mental
  • Antifongique (sur Alternaria, Fusarium, Curvularia, Helminthosporium)

Usages thérapeutiques

  • Troubles du système nerveux : insomnie et autres troubles du sommeil (réduit la durée de l’endormissement, permet de retrouver un sommeil naturel réparateur de qualité, évite les réveils répétitifs au cours de la nuit), anxiété faible à modérée, angoisse, troubles du comportement chez l’enfant (neuropathie infantile, énurésie nocturne), excès de nervosité, rumination mentale
  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : spasmes digestifs douloureux d’origine nerveuse
  • Troubles de la sphère respiratoire : coqueluche, toux spasmodique
  • Troubles locomoteurs : crampes et spasmes musculaires, courbatures
  • Maux de tête et migraine d’origine nerveuse
  • Traitement des dépendances (avec le millepertuis et la folle avoine)

Modes d’emploi

Bien qu’on connaisse, depuis une bonne vingtaine d’années, l’escholtzia sous forme de spécialités pharmaceutiques déclinées selon des apparences très variées (comprimés et gélules à avaler, solutions à boire, gommes à mâcher, etc.), accompagnées ou non de mélatonine, de vitamine B6 ou encore de magnésium, elles sont surtout réservées aux problèmes de détente et de sommeil qui affectent les enfants ainsi que les personnes adultes par trop incommodés par les soporifiques et les narcotiques énergiques. Ceci dit, sachez cependant qu’on trouve dans le commerce de détails de quoi se faire une bonne vieille infusion d’escholtzia, puisque parfois la plante sèche est vendue en vrac (de même qu’en poudre, au reste).

  • Infusion de sommités fleuries sèches : comptez 20 g par litre d’eau (ou une cuillerée à soupe par tasse d’eau) en décoction pendant une poignée de secondes, suivie d’une dizaine de minutes d’infusion à couvert.
  • Poudre : qu’elle se présente en vrac ou façonnée en gélules dosées, il faut réussir à prendre 1 à 1,5 g de la drogue quotidiennement.
  • Extrait hydro-alcoolique : 25 gouttes trois fois par jour (il existe aussi un extrait glycériné pour celles et ceux qui veulent s’affranchir des préparations alcoolisées).

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Récolte : s’il vous prenait l’envie de semer quelques pavots de Californie dans votre jardin, sachez qu’il se cueille peu avant la fin de la période de floraison, en fin de journée. On le fait sécher sur une grille au maillage fin, en un lieu sec et bien aéré.
  • De nombreuses autres plantes qui se destinent au domaine du sommeil et de la relaxation peuvent heureusement s’associer à l’escholtzia. Voici quelles sont les plus courantes : passiflore, valériane, fleur d’oranger, mélisse officinale, aubépine, coquelicot, lavande officinale, basilic, lotier corniculé, nénuphar, lotus, tilleul, houblon, camomille, mélilot, angélique des jardins, verveine citronnée, etc. Voilà. Plus qu’à trouver quelles sont les plantes avec lesquelles vous entrez le plus en écho et concocter la synergie parfaite ^.^
  • Quelques précisions sur ce que n’est pas le pavot de Californie : ce n’est pas un narcotique et il ne possède aucun effet neuroleptique, antidépresseur, anti-épileptique, antihistaminique et myorelaxant.
  • Dans le cadre d’un usage normal, le pavot de Californie ne provoque pas de phénomène d’accoutumance ni toxicité aux doses usuelles : une « étude suggère que toutes les préparations testées provenant du millepertuis, du pavot de Californie, de la valériane, de la lavande et du houblon, à des concentrations allant jusqu’à 30 µg/ml, ne présentent aucun potentiel cytotoxique ou génotoxique et ne compromettent pas la viabilité des cellules placentaires »8. Son utilisation peut être responsable d’effets oniriques particuliers : « Les rêves étranges sont un effet secondaire de la prise de cette plante chez certaines personnes »9.
  • On veillera cependant à le déconseiller chez la femme enceinte ou allaitante, chez l’enfant de moins de six ans, enfin en cas de glaucome.
  • Autres espèces : le pavot jaune du désert (E. glyptosperma), le pavot pygmée (E. minutiflora), le pavot de Lemmon (E. lemmonii), le pavot de San Benito (E. hypecoides), etc.

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  1. Paul-Victor Fournier, Dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France, p. 382.
  2. C’est la façon dont les Espagnols appelèrent premièrement la plante une fois qu’ils la découvrirent dans son milieu naturel, c’est-à-dire, grosso modo, la Californie.
  3. Ou encore Golden West et Land of Fire pour d’évidentes raisons. Il paraîtrait que cette couleur jaune orangé du pavot de Californie, vue de l’océan Pacifique, aidait les premiers Espagnols à se repérer en naviguant le long des côtes au printemps.
  4. C’est un membre des Papavéracées, une tribu qui compte parmi ses rangs des plantes à odeur vireuse comme le pavot somnifère et la grande chélidoine, détail à ne pas oublier.
  5. Le pavot de Californie n’est pas la seule plante à se prêter à l’exercice de l’explosion florale printanière, nombreuses sont celles à en faire tout autant, apportant leurs jaunes (Oncosiphon pilulifer, Geraea canescens, Amsinckia menziesii, Lasthenia californica, Encelia farinosa), leurs roses (Abonia villosa, Œnothera speciosa, Calandrina ciliata), leurs blancs (Phacelia cicutaria, Gilia angelensis), leurs bleus (Nemophila menziesii, Salvia columbariae, Lupinus sparsiflorus) et leurs violets (Dipterostemon capitatus, Phacelia minor).
  6. Source.
  7. Source.
  8. Source.
  9. Source.

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La scutellaire de Virginie (Scutellaria lateriflora)

Voici une plante dont on parle encore peu, sans doute parce qu’elle a été occultée par sa cousine asiatique, la scutellaire du Baïkal. Pourtant, cela aurait dommage de se priver de tout ce que cette plante a à offrir, puisqu’elle est d’une grande aide dans les troubles du système nerveux, son grand domaine d’élection demeurant les troubles d’anxiété généralisée (mais pas que). Vu le XXIe siècle à la sauce occidentale qu’on est en train de se concocter, je pense que cette plante a tout lieu d’être présente auprès de nous. Rien que de savoir qu’elle existe et ce qu’elle peut faire pour nous, c’est se sentir mieux armé encore face à tout ce que ce monde peut offrir de brutal et d’angoissant.

Une belle lecture à toutes et tous, excellent week-end ! :)

Gilles

Synonymes : toque, grande toque, scutellaire américaine, grande scutellaire, scutellaire bleue, pimprenelle bleue, scutellaire casquée, fleur de casque, bonnet de quaker, chien fou, etc.

« Les scutellaires sont de petites Labiées, peu usitée d’ailleurs, dont le trait caractéristique réside dans la forme du calice dont la lèvre supérieure porte une bosse saillante, formée par une sorte de repli transversal, qui, loin d’être inerte, sous le choc d’un insecte ou de la pluie, ainsi qu’à la fin de la floraison déclenche le rapprochement des deux lèvres et la fermeture du calice. Les corolles violacées ou roses dépassent longuement le calice et leur lèvre supérieure en forme de voûte abrite les quatre étamine à filets parallèles. Les fleurs sont groupées deux par deux au long de la tige et tournées toutes du même côté. Ce sont des plantes des marécages, tourbières, bois et prés humides, ainsi que du bord des eaux »1. Cela, c’est ce dont on peut prendre connaissance si l’on s’attarde à la page 887 du Dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de Paul-Victor Fournier, demi-colonne qui s’étend sur des caractéristiques générales avant d’exposer en moins d’un quart de page des informations relatives à la seule scutellaire que compte le territoire national, la scutellaire casquée, alias Scutellaria galericulata, dont le désintérêt flagrant n’apporte rien à la lecture de ces maigres paragraphes. Pour peu qu’on soit curieux, on aura tôt fait d’apprendre que de l’autre côté de l’océan Atlantique, le territoire de l’Amérique du Nord comprend de nombreuses plantes de ce type, dont la plus connue et commune est sans aucun doute la scutellaire de Virginie. Alors que les Européens négligeaient leur scutellaire endémique, les descendants des premiers colons du Vieux Continent en Amérique du Nord apprirent de ces nouvelles scutellaires dont ils croisèrent le chemin. Mais cela ne se fit pas sans mal, comme on peut l’imaginer. Bien avant cela, on se doute bien que les scutellaires firent l’objet d’un usage médicinal par les tribus amérindiennes présentes sur place. Quand on prend connaissance des informations préservées dans les recueils ethnobotaniques, l’on constate à quel point c’est vrai : bien des tribus (parmi lesquelles les Delaware, les Ojibway, les Mendocino, etc.) usaient de plusieurs espèces de scutellaires (S. californica, incana, parvula, angustifolia, elliptica, etc.), et cela pour des maux très variés, ces plantes regroupant des propriétés stomachique, vomitive et laxative, mais aussi tonique nerveuse et emménagogue. Aussi bien remèdes gynécologiques que rénaux, ces scutellaires entraient en ligne de compte dans le traitement de la diarrhée, des frissons fébriles, des troubles cardiaques et des douleurs oculaires. Pour en venir plus précisément à la scutellaire de Virginie maintenant… Les comptes-rendus ethnobotaniques mentionnent le fait qu’elle fut employée par les tribus des Miwok (contre la toux et le rhume) et des Iroquois (pour les maux de gorge, en prévention de la variole). Mais ce qui est plus abondamment relayé dans la littérature, ce sont les relations des Cherokees avec cette scutellaire. Des infusions de racines de scutellaire de Virginie étaient effectivement utilisées par eux comme antidiarrhéique et remède gynécologique dont les vertus emménagogues étaient profitables aux femmes lors des périodes menstruelles. De plus, des décoctions de racines ont été usitées pour aider à l’expulsion de l’arrière-faix (le placenta) après l’accouchement et pour remédier aux douleurs ressenties dans les seins. Cette plante passa encore auprès des Cherokees comme un médicament actif sur la sphère rénale et comme tonique nerveux. Observons qu’aujourd’hui ce sont essentiellement les parties aériennes de cette plante et non pas ses racines qui font l’objet d’une pratique thérapeutique, ce qui peut expliquer qu’entre ce que l’on reconnaît aujourd’hui à la scutellaire de Virginie et ses utilisations traditionnelles par les Cherokees, il n’y ait aucune corrélation apparente dans beaucoup de cas. Malgré les quelques sources d’informations concernant l’ethnobotanique amérindienne de la scutellaire de Virginie, rien ne semble vraiment affirmé à propos des fondements ancestraux de l’utilisation historique de cette plante qui pousse un peu partout sur le territoire nord-américain et qui, par conséquent, a dû voir passer des dizaines de générations amérindiennes successives. Malheureusement – et c’est un fait qu’il importe de mettre en lumière –, « une grande partie de la médecine traditionnelle des peuples autochtones d’Amérique du Nord a été perdue en raison de la décimation de la population et du déplacement de leurs terres par les conquérants européens »2. De langue iroquoise, la nation cherokee vivait initialement dans une zone située à l’est/sud-est des États-Unis actuels au moment où les premiers colons entrèrent en contact avec elle (cf. carte). Les guerres entretenues entre les Cherokees et les Blancs eurent pour conséquence la reddition de vastes étendues de terres au profit de ces derniers. La découverte d’or sur le territoire de la Géorgie n’arrangea pas non plus les affaires des Cherokees, déjà fragilisés par l’Indian Removal Act, loi de déportation des Indiens votée par le Congrès les 24 avril et 26 mai 1830, et qui entérinait le déplacement de plusieurs tribus le long de la « Piste des larmes », funeste entreprise réalisée de 1831 à 1839, période marquée par le traité de New Echota du 29 décembre 1835 qui força les Cherokees à céder toutes les terres qu’ils occupaient à l’est du Mississippi. Outre les morts que cela occasionna, de nombreux savoirs furent abandonnés, égarés et détruits en chemin. Or, à l’époque de cette déportation des Cherokees en direction d’un Ouest moins prospère, la scutellaire de Virginie n’était entrée que récemment dans la pharmacopée étasunienne : bien que mentionnée pour la première fois dans la décennie 1775-1785, elle faisait déjà partie bien avant cette date de la pharmacopée domestique des colons européens, celle-là même qui s’était construite au fur et à mesure des contacts entretenus avec les diverses tribus amérindiennes présentes sur place. Comment donc continuer à apprendre si l’on soustrait la source d’information principale ? Ce faisant, on se coupe de toute une fraction étendue de savoirs accumulés au fil des générations par les Amérindiens. Malgré un usage relativement récent de cette plante par la pharmacopée des États-Unis, au XIXe siècle, on en savait assez pour affirmer les traits caractéristiques suivants : la scutellaire, considérée comme diurétique et emménagogue, brille surtout par les grands services qu’elle rend en tant que tonique du système nerveux : elle favorise le sommeil et calme les convulsions épileptiques. Cette plante qui lutte contre l’irritabilité est fort utile dans tous les cas où elle peut faire prévaloir ses qualités neurotoniques et sédatives face à la chorée, à la danse de Saint-Guy, aux tremblements, au delirium tremens, à l’hystérie, à la schizophrénie, à la monomanie et à « cette condition indéfinie connue sous le nom de nervosité »3. Aujourd’hui, confortée dans ces observations précurseuses dans le domaine de la santé mentale et nerveuse, la médecine moderne assure que « la scutellaire est un traitement sûr pour presque tous les dysfonctionnements du système nerveux de nature légère ou chronique, allant de l’insomnie à la peur en passant par les maux de tête nerveux, et comme revigorant-palliatif de base lorsqu’il s’agit d’évacuer le stress »4. Et dire que l’irruption des opiacés et surtout des médicaments anxiolytiques issus de la chimie de synthèse a failli décider de l’arrêt de l’utilisation de cette plante par la médecine ! Quand on constate déjà ce qu’elle sait faire et ce qui nous reste à révéler de son profil thérapeutique, l’on se dit qu’il aurait été dommage que cette plante se perde elle-même tout à fait, ce qui aurait pu alors être l’occasion d’un commentaire grinçant de ma part quant à l’utilité de déplacer/tuer des centaines/milliers de gens si c’est pour en arriver là. Mais non, je ne me l’autorise pas, je préfère continuer à grandir au contact de la scutellaire de Virginie, plante qui parait tout à fait adaptée à mes conditions : en adéquation avec les personnes minces, elle est particulièrement remarquable en ce qu’elle les aide à éviter de brûler l’énergie par les deux bouts, puisque, en général, elles sont guère capables de conserver longtemps de bonnes réserves, ne mesurant pas l’étendue de l’énergie accumulée (ou encore son manque), ce qui explique que, très souvent, ces personnes vivent au-dessus de leurs moyens énergétiques. Or, vivre sur un grand pied quand on n’a pas le sou n’est point trop commode !

Afin d’étoffer le portrait thérapeutique de la scutellaire de Virginie, ajoutons encore ses bons effets sur nombre d’affections nerveuses telles que l’excitabilité, l’agitation, l’incapacité de contrôle et de coordination des mouvements musculaires, les secousses, les soubresauts, les névralgies, le délire marmonnant, et même jusqu’aux enfants dont les dents se font et qui sont rendus irascibles pour cela, capables même d’enrager facilement, à la manière de ces adultes qui pètent les câbles (nerveux), sortent de leurs gonds au point d’être hors d’eux-mêmes, tous états d’extrême tension prête à voler en éclats à la faveur d’un stimulus imprévu, un bruit trop fort et soudain très souvent (ces réactions excessives au bruit rappellent ce que nous avons dit au sujet de cette autre plante nootrope qu’est le gotu kola). Être hors de soi. Cette image n’est-elle pas saisissante ? Où se trouve-t-on lorsqu’on est mis en dehors de soi-même ? Imaginez-vous le pouvoir bien trop puissant du stimulus capable de nous faire quitter notre propre place et forcer notre esprit à battre la campagne ? Un tel stimulus a tant de pouvoir sur nous, qu’en peu d’effort il nous désarme, dissocie corps et esprit même pour un temps bref, scinde en deux parts ce qui devrait former une unité. On est donc à la merci de ce qui provoque ce stimulus particulier (lieu, circonstance, personne…) quand on sort de ses gonds. Le mieux, bien entendu, serait de l’identifier au plus vite afin de le neutraliser pour qu’il ne fasse plus peser sur nous le poids de ses menaces. Sur ce point, la scutellaire de Virginie peut nous venir en aide. Si le kawa (Piper methysticum) est impliqué dans « les troubles phobiques, paniques et obsessionnels compulsifs », l’orpin rose (Rhodiola rosea) et le safran (Crocus sativus) le sont dans la dépression, et le jujubier (Zizyphus jujuba), la fleur de la passion (Passiflora incarnata) et maintenant la scutellaire dans tous ce qui concerne les troubles anxieux. L’anxiété est un bien grand mot qu’il importe de rendre avec plus de netteté et de précision, plusieurs degrés de stress séparant un malaise léger d’une peur panique. Quelle que soit l’identité exacte de cette anxiété, on observe souvent des répercussions d’ordre somatique grevant l’économie du corps de problèmes de santé et accablant les individus qui en sont les victimes de difficultés dans le fonctionnement social et professionnel. Aux comorbidités connexes habituelles de l’anxiété, s’ajoutent les signes physiques de sa manifestation dans le corps, c’est-à-dire une pâleur du visage, une transpiration anormale, de l’hyperventilation, des troubles de la déglutition (dysphagie, nausée) et du tractus intestinal (diarrhée), des palpitations cardiaques, des tensions dans la tête et dans les muscles, etc. Eh bien, face à tout cela, sachez que les flavonoïdes de la scutellaire de Virginie se lient aux récepteurs cérébraux impliqués dans la modulation de l’anxiété, que cette plante contient encore de la glutamine, un acide aminé qui, bien qu’il ne soit pas « essentiel », est impliqué dans la réponse immunitaire de l’organisme face au stress oxydatif qui connaît de graves conséquences à travers des maladies neurodégénératives et neuropsychiatriques telles que les maladies d’Alzheimer et de Parkinson, la dépression et, donc, l’anxiété. Enfin, par la présence d’acide γ-aminobutyrique (GABA), la scutellaire est capable d’inhiber l’anxiété. Grâce à la scutellaire, qui me paraît être l’une des grandes plantes nootrope dont le XXIe siècle a/aura besoin, l’humeur s’améliore globalement sans affecter les capacités cognitives ou le niveau énergétique général. « Les avantages les plus souvent rapportés par les patients à leurs praticiens étaient d’être plus calmes, de constater une amélioration des habitudes et de la qualité du sommeil et une meilleure capacité à faire face aux situations stressantes. Les effets positifs étaient l’élévation de l’humeur, l’énergie accrue, le fait d’être plus concentré et de se sentir généralement plus détendu »5. On pourrait même convier la scutellaire de Virginie à la gestion de la schizophrénie numérique. C’est en lisant le petit livre qu’accorde Anne Alombert à ce sujet (récemment paru aux éditions Allia), que je me suis dit que cette lecture concomitante à la rédaction de cet article ne tenait rien du hasard. L’on sait que la surexposition informationnelle aux écrans, outre qu’elle provoque des troubles psychiques, détruit aussi les capacités d’attention, cette même attention dont je parlais conjointement à mon article sur le gotu kola. Ce trouble de déficit de l’attention est la résultante d’une surcharge cognitive et informationnelle vectrice de stress et d’anxiété. Or la scutellaire n’est-elle pas bien capée pour lutter contre une telle anxiété ? A la condition de seconder ses efforts en se coupant au mieux de la source stressante impliquée par cette hyper-connexion aux écrans et aux réseaux. Peut-être êtes-vous l’une des nombreuses victimes de l’économie de l’attention qui mobilise votre hypervigilance, jamais à votre profit, mais à celui de quelques lobbys soucieux d’industrialiser les esprits, car « dans un monde surchargé d’informations, les attentions individuelles deviennent une ressource rare, qu’il s’agit de canaliser et d’orienter afin d’influencer les comportements des agents dans la bonne direction »6, celle-là même souhaitée par les mêmes lobbys, à vos dépens, bien entendu. Comme la scutellaire permet de s’amender de diverses addictions (tabac, café, alcool) et d’assurer un sevrage aux barbituriques et autres anxiolytiques de synthèse, je me suis demandé dans quelle mesure elle pouvait avoir une implication pour aider à décrocher des écrans et de l’industrie mortifère qui va avec… Ce qui serait souhaitable, sachant que la pratique assidue des réseaux sociaux aggrave l’anxiété et la dépression7. Or, ce qui traverse votre attention sculpte votre cerveau. A quoi peut bien ressembler un cerveau exposé à un tel déluge de stimulations répétées et de qualité aussi médiocre généralement, hum ? ^.^

La scutellaire de Virginie est une robuste plante vivace d’assez petit gabarit (60 à 80 cm) aux tiges quadrangulaires élancées, dressées et très ramifiées, portant des feuilles arquées en gouttière, régulièrement opposées le long des tiges. Grossièrement crénelées, ces feuilles sont couvertes de fins poils glandulaires. Survenant dès le mois de juin, la floraison de la scutellaire bleuit la plante de petites fleurs hermaphrodites tubuleuses en forme de « casque ».

La scutellaire prospère sur les environnements bien ensoleillés (quoi qu’elle puisse tolérer d’être exposée à mi ombre), sur des sols humides mais bien drainés d’une très grande partie de l’Amérique du Nord s’étendant, d’est en ouest, de Terre-Neuve à la Colombie-Britannique, et du nord au sud, de l’Ontario à la Floride. Au sein de cette vaste étendue territoriale, on la croisera surtout en bordure d’étang (je l’imagine bien tenir compagnie à Thoreau lorsqu’il passa ses 2 ans, 2 mois et 2 jours près de l’étang de Walden ^.^) et de rivières (ripisylves), à proximité des canaux, des marais, des tourbières et des prairies très humides.

La scutellaire de Virginie en phytothérapie

Demeurée longtemps concentrée sur la racine de la scutellaire du Baïkal, plante plébiscitée depuis des siècles par la médecine traditionnelle chinoise, la phytothérapie occidentale a cru bon devoir se tourner en direction de la plus commune des scutellaires du continent nord-américain. En comparaison, l’usage de la scutellaire du Baïkal est beaucoup plus ancien, comme l’atteste cette information : « En 1973, au nord-ouest de la Chine, on découvrit 92 tablettes en bois dans une tombe datant du IIe siècle de notre ère. Parmi les plantes prescrites sous forme de décoctions, de teintures, de pilules et d’onguents, figurait la scutellaire du Baïkal »8. Du côté de la scutellaire de Virginie, l’on ne constate rien de tout cela, attendu que les tribus amérindiennes, dont les colons ont « hérités », n’ont laissé aucune information manuscrite et que le plus ancien usage (re)connu de cette plante par les colons, remonte au temps où ceux-ci se permirent de rester à l’écoute des savoirs autochtones ancestraux, ce qui est plus pratique, avant même de les faire disparaître une bonne fois pour toute, d’une manière ou d’une autre…

Très nombreuses, réparties sur au moins trois continents (Europe, Asie, Amériques), les scutellaires sont, parmi plusieurs centaines d’espèces (un nombre qu’on estime entre 350 et 470), six à sept dizaines à présenter des intérêts pour le thérapeute. Malgré cette vaste distribution et une représentativité fort étendue, il apparaît que d’une espèce à l’autre, les composants phytochimiques, s’ils conservent peu ou prou les mêmes fonctions (se protéger face aux prédateurs, s’adapter aux conditions météorologiques, etc.), se localisent diversement selon la plante considérée : alors que la médecine traditionnelle chinoise s’en va déterrer la scutellaire du Baïkal afin de tirer partie de sa racine comme matière médicale, on n’observe rien de comparable au sujet de la scutellaire de Virginie : en effet, si dans les racines de cette dernière plante, on trouve à peu près les mêmes composants que dans la scutellaire asiatique, ceux-ci y sont présents en beaucoup plus petites quantités : c’est que le mode d’accumulation de ces substances diffère selon les espèces. C’est pourquoi l’on préfère accorder plus d’attention aux parties aériennes de la scutellaire de Virginie qui possède dans son feuillage ce que la scutellaire du Baïkal stocke dans ses parties souterraines. Bien que davantage connue et étudiée, j’ai volontairement laissé de côté la scutellaire du Baïkal, premièrement parce qu’on en utilise la racine (il faut donc tuer la plante, et j’ai du mal avec la plupart des remèdes racines pour cela, surtout s’ils sont issus de plantes qui se cultivent mal ou pas/peu), qu’on l’emploie de manière bien trop large et qu’elle en vient donc à se raréfier. Je ne puis donc pas faire la promotion d’une plante sur laquelle pèse la menace d’une extinction. Celle-là, j’aimerais qu’on la laisse tranquille et qu’on la substitue par une plante plus courante, exploitable de manière raisonnée et moins risquée pour la survie de l’espèce (ce qui ne veut pas dire qu’il faut reporter la pression sur celle-ci !…). Cela tombe très bien : la scutellaire de Virginie est toute trouvée pour jouer un rôle médical en phytothérapie, sans pour autant complètement se confondre avec sa cousine asiatique, l’une n’étant pas la copie-carbone de l’autre. En tous les cas, la phytopharmacothérapie n’a pas à rougir d’accueillir une telle plante dans ses rangs, car elle vaut mieux que d’être seulement une cousine américaine éloignée de la menthe poivrée ! Au vu de ce qui va suivre, vous allez très rapidement vous rendre compte que mes recherches, loin d’être vaines, m’amènent à présenter une plante dont il aurait été fort dommage de se priver. Entamons donc le recensement des composants biochimiques qui ont agité les méninges des chercheurs ces vingts dernières années (je serai le plus bref et ordonné possible ^.^). Allez, c’est parti ! : des alcaloïdes indoles (mélatonine, sérotonine), des phytostérols (β-sitostérol, daucostérol), des polyphénols (verbascoside, acide caféique, acide p-coumarinique), des glycosides phénylpropanoïdes (martynoside) et phényléthanoïdes (leucosceptoside A), des iridoïdes (catalpol), des dihydropyranocoumarines (scutéflorine A, scutéflorine B, décursine). Pas mal jusque-là, hein ? Mais ça, c’est juste le hors-d’œuvre. Accrochez-vous pour la suite ^.^ On va souffler avec des trucs faciles, tiens : tanins, acides organiques (acide férulique, etc.), vitamine C, polysaccharides. Voilà que ça se complique maintenant avec les lignanes (syringarésinol 4-O-β-D-glucopyranoside), les triterpènes pentacycliques (acide ursolique) et les diterpénoïdes néolédanes (scutellaterine A, scutellaterine B, scutellaterine C, ajugapitine et scutécyprol A). Cependant, la palme d’or revient au grand groupe des flavonoïdes et apparentés : la scutellaire de Virginie en contient tant qu’il a fallu que j’en limite le nombre aux plus fréquemment cités dans la littérature scientifique, ce qui n’est pas de la tarte, sachant que chaque année il s’en découvre de nouveaux dans la même plante ! Voici ceux dont on parle prioritairement depuis ces deux ou trois dernières décennies : la baïcaline, la baïcaléine, la scutellarine, la latériflorine, la wogonine, l’ikonnikoside I et l’oroxyline A. Additionnons-y la fournée suivante : dihydrobaïcaline, wogonine 7-β-glucuronide, isoscutellarine, isoscutellarine 8-O-β-D-glucuronide, scutellaréine, apigénine, apigénine 7-O-β-glucuronide, apigétrine, lutéoline, lutéoline 7-β-glucuronide, hispiduline, naringénine, naringénine 7-O-β-glucuronide, oroxyline A-7-O-glucuronide, dihydro-oroxyline A, chrysine, 2-méthoxy-chrysine-7-O-glucuronide, dihydrochrysine, etc. Comme si ça ne suffisait pas, sachez qu’il existe une fraction aromatique dans les parties aériennes de cette plante, bien qu’elle ne me semble pas faire l’objet d’un commerce particulier au sein des articles d’aromathérapie. Voici néanmoins quelques données chiffrées qui permettent, comme d’habitude, de rendre compte des disparités biochimiques selon le lieu de provenance des plantes. On va ici comparer une huile essentielle de scutellaire de Virginie typiquement nord-américaine (plante cultivée et distillée dans l’état du Montana, aux États-Unis) avec une autre d’origine iranienne.

Iran :

  • sesquiterpènes (75 à 80 %) : dont δ-cadinène (27 %), calaménène (15,2 %), β-élémène (9,2 %), α-cubénène (4,2 %), α-humulène (4,2 %) et α-bergamotène (2,8 %) ;

USA :

  • diterpénols : dont octénol (27,5 %), phytol (14,8 %) ;
  • sesquiterpènes : dont β-caryophyllène (8,8 %), trans-α-bergamotène (4,1 %), α-humulène (3,2 %), germacrène D (1,5 %) ;
  • phénols : dont thymol (2,6 %), carvacrol (1,1 %) ;
  • monoterpénols : dont linalol (1,1 %).

Propriétés thérapeutiques

  • Tonique du système nerveux, trophorestauratrice du système nerveux central, sédative, calmante (sans causer de perte d’énergie ni de vigilance), antispasmodique, anticonvulsivante, anxiolytique, antipsychotique, relaxante, neuroprotectrice, euphorisante (à doses appuyées)
  • Anti-infectieuse : antibactérienne, antivirale
  • Hépatoprotectrice, antidiabétique (par inhibition des cellules pancréatiques)
  • Diurétique, protectrice du système urinaire
  • Anticancéreuse, antiferroptose, inhibe la métastase des cellules cancéreuses, anti-angiogenèse, anti-néoplasique
  • Cardioprotectrice, stimulante de la circulation sanguine dans la région pelvienne
  • Anti-inflammatoire, anti-oxydante puissante, antiradicalaire
  • Astringente légère
  • Décontractante musculaire
  • Effet œstrogénique (in vitro)

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : dyspepsie nerveuse, reflux gastro-œsophagien, anorexie, affections intestinales de nature inflammatoire
  • Troubles de la sphère gynécologique : maintien d’un cycle menstruel fonctionnel, promotion de la fertilité féminine, syndrome prémenstruel, règles douloureuses, douleur dans les seins
  • Troubles de la sphère respiratoire : toux, rhume, rhinite allergique, asthme, infection grippale (abaisse la fièvre si elle est trop élevée, calme la toux et la sensation d’essoufflement, réduit les palpitations cardiaques, l’irritabilité et l’anxiété que suscitent de tels épisodes)
  • Troubles du système nerveux : stress, anxiété, angoisse (et crise d’angoisse), nervosité, agitation, hyperactivité, TDAH, choc nerveux, crise de panique, épreuve péniblement nerveuse (examen, entretien d’embauche, etc.), déprime, état dépressif, dépression légère, insomnie et autres troubles du sommeil, épuisement nerveux et mental (après un épisode infectieux, par exemple), épilepsie, convulsions, sclérose en plaques, encéphalomyélite, migraine d’origine nerveuse, addiction (tabac, alcool, café), sevrage (barbituriques, anxiolytiques)
  • Troubles locomoteurs (dont beaucoup d’origine nerveuse) : fibromyalgie, ostéomyélite, contractures et spasmes musculaires (muscle tendu, contracture dorsale, nuque raide, mâchoires serrées…), tics nerveux, névralgie, arthrose, arthrite rhumatoïde, rhumatisme
  • Troubles de la sphère cardiovasculaire et circulatoire : hyperlipidémie, prévention des maladies cardiaques ischémiques (comme l’infarctus), maladies cardiovasculaires et cérébrovasculaires
  • Affections cutanées : allergie cutanée, piqûre d’insecte, herpès labial
  • Insolation sévère
  • Affections cancéreuses : fibrosarcome, carcinogenèse9

Modes d’emploi

  • Infusion des sommités fleuries (fraîches comme sèches) : comme la scutellaire n’est pas très fan de l’eau bouillante et des longues ébullitions qui dénaturent la plante, il est préférable de procéder ainsi : faites bouillir la quantité d’eau voulue, patientez quelques instants afin qu’elle tiédisse un peu et à ce moment seulement, versez la plante dans l’eau à raison d’une à deux cuillerées de plante sèche pour la valeur d’une tasse d’eau et laissez infuser pendant 10 à 15 mn.
  • Poudre : conditionnée le plus souvent sous la forme de gélules titrées, il arrive aussi de pouvoir se procurer de la poudre de scutellaire en vrac. En ce cas, l’on compte ½ cuillerée à café délayée dans ½ verre d’eau tiède.
  • Teinture : certains, qui la disent préférable à l’infusion de l’herbe (surtout si elle est sèche), préconisent d’élaborer une teinture de scutellaire fraîche de la manière suivante : placez, si vous en avez, une part de plante fraîche dans cinq parts d’alcool le plus fort possible. Durant la première semaine de macération, ouvrir le bocal tous les jours et mélangez bien vigoureusement à la cuillère, puis les deux semaines suivantes, remuez juste le bocal une fois par jour. A l’issue, passez, filtrez et exprimez. Si l’alcool utilisé pour cette opération s’avère trop faible pas sa teneur (40-50°), il faudra sans doute songer à étaler la durée de macération à six semaines. En terme de dosage, l’on convient qu’ils sont (peuvent être) plus appuyés lorsqu’on a affaire à une teinture « maison » : ¼ de cuillerée à café dans ½ tasse d’eau chaude trois fois par jour est amplement satisfaisant. En revanche, avec l’extrait hydro-alcoolique de scutellaire que j’ai repéré dans le commerce, il en va tout autrement : on considère une dose de 5 à 20 gouttes diluées dans un verre d’eau comme convenable.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Récolte : sur les pieds âgés de deux à quatre ans, on prélève les parties aériennes abondamment fleuries au milieu de l’été (juin-septembre), puis on les fait sécher en les suspendant tête en bas sur une ficelle. Quand la matière végétale craque souplement sous les doigts, on détache les feuilles et les sommités fleuries des tiges principales.
  • On rencontre souvent l’information d’après laquelle la scutellaire de Virginie serait hépatotoxique. Cette fausse réputation provient de lots adultérés par la présence de plantes du genre Teucrium (germandrées) dont certaines sont hépatotoxiques. A l’état sec, il est difficile de distinguer les unes de l’autre, ce qui autorise les mélanges frauduleux. Seules des analyses poussées permettent de déceler les lots problématiques. Cependant, la scutellaire de Virginie pourrait endommager le foie chez les sujets prédisposés à cette fragilité. Cette hépatotoxicité relative disparaît néanmoins à l’arrêt des prises.
  • Tout au contraire de ce sombre portrait, la scutellaire de Virginie est généralement une plante bien tolérée, sans aucune toxicité marquée et dont les effets secondaires, relativement mineurs, se soldent par un sentiment de somnolence en journée, des troubles digestifs légers, des nuits agitées emplies de rêves tout en vivacité (ce qui peut être intéressant ^.^ Certaines tribus amérindiennes mentionnèrent l’usage de cette plante pour obtenir des visions…). En revanche, en cas de surdosage (de la teinture essentiellement), l’on voit surgir des phénomènes plus « inquiétants » (vertige et étourdissement, stupeur et tremblements, convulsions, tics nerveux, sentiment de confusion, irrégularité du rythme cardiaque, etc.).
  • Si la scutellaire de Virginie est compatible avec la lactation et l’allaitement, elle doit tout à fait être évitée durant la grossesse car susceptible de provoquer une fausse couche.
  • La scutellaire de Virginie est incompatible avec la prise de « calmants » (du type benzodiazépines) et d’alcool.
  • Il s’avère possible d’associer cette plante avec d’autres médicinales à visée sédative et calmante : la damiana, la lavande officinale, la mélisse citronnée, le millepertuis, la passiflore, l’eschscholtzia, etc.
  • Médecine vétérinaire : en Amérique du Nord, cette plante est utilisée auprès des animaux de compagnie en proie à l’anxiété, à ceux qui supportent difficilement le transport automobile et ceux qui sont potentiellement sujets aux crises d’épilepsie.
  • Autres espèces : la scutellaire à casque européenne (S. galericulata), la petite scutellaire (S. minor), la scutellaire barbue (S. barbata), la scutellaire de Cuba (S. havanensis), etc.

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  1. Paul-Victor Fournier, Dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France, p. 887.
  2. Source.
  3. John W. Fyfe, Specific diagnosis & specific medication, p. 715.
  4. Matthew Wood citant Michaël Moore, Traité d’herboristerie énergétique, p. 420.
  5. American skullcap (Scutellaria lateriflora) : an ancient remedy for today’s anxiety ?, Brock et al, 2010.
  6. Anne Alombert, Schizophrénie numérique, p. 20.
  7. Source.
  8. Larousse des plantes médicinales, p. 134.
  9. « L’oroxyline A […] a un grand potentiel dans le traitement de multiples cancers, y compris le cerveau, le sein, le col de l’utérus, le côlon, l’œsophage, la vésicule biliaire, l’estomac, l’hématologie, le foie, les poumons, la bouche, les ovaires, le pancréas et la peau. Toutefois, l’absence d’études pharmacocinétiques, d’évaluations de la toxicité, d’études de normalisation des doses et d’effets indésirables limite l’optimisation de ce composé en tant qu’agent thérapeutique » (Source).

© Books of Dante – 2023

Cathedral Woods


Cathedral Woods, Intervale, New-Hampshire (États-Unis).


A travers de larges allées, où déambulaient autrefois les promeneurs endimanchés, transpire un sentiment fort lointain. D’anciennes émotions plus ou moins fugaces se devinent encore. Là débute la piste menant au repaire de la bête qui a abandonné derrière elle des signes compréhensibles de ses seuls congénères ; ici s’engage le sentier qui file, sinueux, en direction de cet arbre fabuleux qu’on appelait le Magicien, un bouleau dont les branches semblaient vouloir saisir les cieux, pour en capter les divins effluves. On peut alors imaginer que sous l’écorce de cet arbre se dissimulait une entité spirituelle et qu’un culte secret s’organisait par et à travers cet arbre sacré. « Dans des circonstances périlleuses, on recherche ces temples couverts de lierre, ombragés de vieux chênes, parce que c’est au milieu des bois, loin du bruit des passions humaines, que s’exerce avec le plus de force cette puissance morale qui guide et console le malheur »1. Mais, parfois, les idoles sont abattues : le bouleau sorcier des Appalaches fut jeté à bas par une tempête dans les années 1930. Depuis, les hautes colonnes des pins gardent la marche qui mène au cœur des secrets que recèle le bois cathédrale

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  1. Joseph Roques, Nouveau traité des plantes usuelles, Tome 3, pp. 546-547.

© Books of Dante – 2023


L’arbre Magicien, Intervale, New-Hampshire (États-Unis).


Le gaillet jaune (Galium verum)

Le gaillet jaune est-il un caille-lait, autrement dit est-il capable de faire cailler le lait comme semble le prétendre sa longue utilisation à travers l’industrie fromagère de plusieurs pays ? Aujourd’hui encore, le doute subsiste. Bien qu’on se soit quelque peu éloigné de cette question aujourd’hui, l’interrogation demeure encore bel et bien prégnante, tant et si bien que hormis cela, on peut se demander à quoi peut bien servir ce cousin du gaillet gratteron qui a eu droit à une tribune ici-même il y a quelques semaines. Nous répondons, autant que possible, à la question des usages thérapeutiques du gaillet jaune dans ce nouvel article.

Bonne lecture et beau week-end à toutes et à tous :)

Gilles

Synonymes : gaillet vrai, galliet, gallait, caille-lait, caille-lait jaune, caille-lait officinal, herbe à cailler, bonsang, petit muguet, herbe de la Saint-Jean, herbe à la Vierge.

J’ignore si les plus anciennes paroles font toujours autorité, mais il s’avère que du temps de Dioscoride puis de Galien, l’on professait déjà des caractéristiques propres au gaillet jaune érigées comme des évidences indiscutables. C’est ainsi qu’on le considérait comme apte à stopper les écoulements de sang, bien que cela ne soit pas là sa principale prérogative. (Aujourd’hui, c’est tout juste si on lui reconnaît une aptitude à endiguer les saignements de nez. Il est, à ce titre, beaucoup plus efficace pour guérir les brûlures et, surtout, les blessures.) Mais revenons-en à nos moutons. Le nom même de cette plante, gaillet, fait référence à l’une de ses propriétés qui n’est pas médicinale : dans gaillet, on peut entendre comme une contraction de l’expression « gaille-lait », autrement écrit caille-lait. Ce qu’il faut considérer, pour comprendre cette dénomination, c’est que depuis au moins 2000 ans, l’on se sert de cette plante comme présure végétale, ce qui n’est pas une information exactement inutile, mais qui fut à l’occasion de quelques exagérations, comme celle qui voulait que la seule présence de cette plante dans l’étable suffise à la métamorphose du lait en fromage ! Mais l’idée générale rencontra ses détracteurs en les personnes de Bergius, Parmentier et Déyeux pour lesquels le gaillet jaune n’avait strictement aucun rôle à jouer là-dedans, démonstrations à l’appui. Malgré cela, l’idée fausse (?) poursuivit son chemin, se propagea à nombre d’articles contenus dans des encyclopédies et des livres de botanique et de phytothérapie, et ce jusqu’à nos jours, répétée maintes et maintes fois au sein de ces divers ouvrages dont les auteurs ne se sont vraisemblablement pas donnés la peine de vérifier la véracité des dires qu’ils partageaient. C’est, par exemple, le cas cas du Dictionnaire dit de Trévoux qui publia un texte allant dans ce sens en 1771. Or, une quarantaine d’années plus tard, dans le Dictionnaire des sciences médicales (1812), Louis-Benoît Guersent mena une charge contre cette prétendue propriété et précisa même qu’il faudrait supprimer le mot caille-lait en raison du fait qu’il rappelait « une idée entièrement fausse »1. En revanche, il était parfaitement d’accord avec le fait que le gaillet jaune est propre à parfumer et à colorer les fromages, utilisé conjointement à l’emprésurage en Hollande (pour le gouda), ainsi qu’en Angleterre, pays qui, en la circonstance, développa la culture du gaillet jaune pour ce faire au XIXe siècle puis au début du XXe siècle (avant qu’elle ne périclite avec l’irruption des colorants de synthèse). Ainsi faisait-on dans le comté rural de Chester, région anglaise jouxtant le nord du pays de Galles, depuis devenu le Cheshire, où sévit un drôle de chat sorti tout droit des méninges de Lewis Caroll… ^.^ Cette activité complémentaire mais néanmoins disjointe de celle de la présure proprement dite, n’a pourtant pas empêché la plante de s’appeler cheese rennet en langue anglaise, c’est-à-dire « présure de lait » littéralement. En définitive, est-il, oui ou non, un caille-lait autrement que par son nom, comme on le prétend ? Roques apportait, sur ce point, une opinion bien plus subtile et nuancée que de brutaux oui et non : « les fleurs ont des nectaires remplis d’une sorte de miel qui s’aigrit par une dessiccation lente, et passe à l’état d’acide acétique ; ce qui pourrait expliquer la propriété qu’ont ces fleurs de faire cailler le lait. Ainsi les deux chimistes que nous venons de citer [NdA : Déyeux et Parmentier] pourraient bien n’avoir pas tout à fait raison »2. Pourtant, selon les analyses menées un siècle plus tard par D. Aye (1929), on lui trouva bien trop peu d’enzymes coagulantes pour qu’une aussi infime fraction (1 mg pour 8 à 10 g de gaillet) puisse être à l’origine d’une activité si originale. En fait, « le gaillet agirait plutôt en créant des conditions optimales au développement de micro-organismes déjà présents dans le lait »3. Tout semble décidément tourner autour du lait, jusqu’au mot gaillet lui-même que l’étymologie fait émaner du grec galion et du latin gala, « lait », ce qui nous mène tout droit au mot galactogène qui désigne une propriété à même d’activer la sécrétion lactée. Or, dans tous les cas précédents, on donne le gaillet comme une plante censée figer un liquide (le sang d’une blessure, le lait, etc.), chose très étonnante que de le voir jouer une fonction soi-disant galactogène, c’est-à-dire permettant d’activer la mobilité du lait. Mais l’on n’est pas obligé de réagir à ce que dirent les Anciens. Matthiole, dans ses commentaires sur Dioscoride, ne fit en aucun cas allusion au gaillet caille-lait : de son temps, cet usage en tant que présure était inconnu des bergers italiens qui utilisaient pour cela une autre plante, la carline. Le plus curieux, au travers de cette chronique fromagère, c’est que l’idée même de fixité induite par l’activité de caillage du lait semble s’être transposée à une activité thérapeutique que l’on suppose à cette plante, celle d’être antispasmodique. Observons même le sens étymologique du mot coaguler : cela veut dire « rendre fixe ». Il s’agit donc de concentrer et de densifier, de figer quelque chose qui ne l’est pas afin de lui faire acquérir un impassible immobilisme. De la même façon que « lac coagulatur in caseum », on a pensé pouvoir indiquer le gaillet jaune dans une affection qui, à l’agitation, en est le dramatique avatar : l’épilepsie. Puisque le gaillet jaune caille le lait, qu’il le fait passer du fluide mouvant au fixe ordonné, ne serait-il pas possible, par le truchement de je ne sais quelle signature magique cachée, qu’il remette aussi de l’ordre chez le sujet épileptique dont les crises extraordinaires sont à l’image du lait non caillé, c’est-à-dire insaisissables ? Je ne sais pas si cette association d’idées s’est faite dans l’esprit des médecins de l’ancien temps, mais elle paraît trop tentante pour être passée sous silence. En attendant, on évoqua tout autant les vertus coagulantes du gaillet jaune en même temps que sa soi-disant implication dans le traitement de l’épilepsie. A force de lectures entreprises à ce sujet, il s’avère que nombreux furent les praticiens qui le conseillèrent dans ce but (Murray, Mérat, Hufeland, Kœnig, Lémery, etc.), réputation qui sera à l’origine de l’élaboration de compositions à visée anti-épileptique aujourd’hui parfaitement oubliées (comme l’élixir de Larnage, du nom de la petite ville drômoise située à côté de Tain-l’Hermitage, l’élixir de Taillotte… mais ce n’était pas le gaillet jaune qui entrait dans leur préparation, mais le blanc !) Pour Nicolas Lémery, il n’y a rien de plus simple que le traitement de l’épilepsie par le gaillet, plante que l’on « estime pour l’épilepsie, pourvu qu’elle ait été simplement infusée quelques temps dans de l’eau froide […] et qu’on en boive l’infusion à l’ordinaire »4. Un contemporain de Lémery, le médecin anatomiste Daniel Tauvry, mort très jeune à 31 ans, fit même du gaillet jaune un spécifique de ce désordre nerveux qu’est l’épilepsie, ce qui est tout bonnement grandiose ! Le Dictionnaire de Trévoux ne fit pas moins que de lui emboîter le pas : « Ces deux plantes [NdA : gaillets jaune et blanc] sont à présent recommandées pour l’épilepsie. On prend l’une et l’autre indifféremment, ou bien l’on en fait une décoction, ou on les prend infusées à froid » à la manière qu’indiquait Lémery5. A l’inverse de ce que soutenait Tauvry, dans le Dictionnaire des sciences médicales du début du XIXe siècle, on demeura plus mesuré : « Les observations que nous avons jusqu’à ce jour, sont fort peu nombreuses et très peu concluantes ; elles sont dues, pour la plupart, à M. Bonafons, médecin de Perpignan. Dans toutes ses expériences, il a commencé par saigner et purger les malades, et leur a fait prendre ensuite, pendant trois jours consécutifs, quatre onces de suc exprimé des sommités fleuries de gaillet, et pendant un mois une infusion théiforme de cette plante. Les malades, qu’il obligeait de rester au lit, ont presque toujours transpiré assez abondamment, et plusieurs de ceux dont il parle ont guéri : ‘Mais je n’aurais garde, dit-il, de considérer ce remède comme un spécifique constant, car je m’en suis servi dans d’autres cas sans succès’. On ne peut qu’approuver la sage réserve de M. Bonafons, quand on considère que l’épilepsie est une maladie qui tient à une foule de causes différentes, très souvent obscures, et que la saignée et le purgatif ont pu produire beaucoup plus d’effet que le suc de gaillet, qu’il ne donnait qu’après »6. Que conclure ? L’on ne sait finalement même pas si le gaillet jaune est un caille-lait et encore moins un remède de l’épilepsie, deux réputations qui semblent usurpées. Mais allez savoir, après tout, « si la vérité est dans les faits, elle ne se présente pas sous le même aspect à tous les yeux »7. Plus probable fut sans doute la capacité dépurative du gaillet jaune que souligne son surnom de « bonsang », plante destinée à « ceux qui se feraient justement du ‘mauvais sang’ »8, au sens propre comme au figuré. Mais bon, allez, ne nous en faisons pas trop.

Vivace, le gaillet jaune se propage sous terre par l’intermédiaire de racines grêles traçantes, mais également par voie aérienne puisqu’il peut arriver à ce gaillet de propulser ses stolons à l’horizon. Selon ce qui se trouve dans son environnement proche, le gaillet jaune dresse ses 20 à 70 cm ou les conserve semi-couchés, à l’égal de son cousin gratteron. Cette plante très ramifiée possède des tiges qui ne sont quadrangulaires qu’au sommet alors qu’à la base elles sont quasiment rondes. Dans tous les cas, elles portent ces caractéristiques verticilles de feuilles/stipules aux extrémités mucronées, courtes pièces foliaires linéaires et luisantes au-dessus, si petites qu’il faut y regarder de plus près pour s’assurer qu’elles sont bien velues et grisâtres sur leurs faces inférieures et que leurs bordures sont un peu enroulées, à la manière d’une chips en train de se faire dorer les flancs au four. Dès le mois de mai, le rustique gaillet jaune déploie sa floraison qui dure jusqu’à fin septembre : elle prend l’allure de denses panicules de toutes petites fleurs, croix jaunes très odorantes formant, à fructification, des akènes lisses et noirs, glabres et résistants comme des légumes secs.

Naturellement présent à la majeure partie de l’Europe ainsi qu’à une partie de l’Asie, le gaillet jaune, artificiellement introduit en Amérique du Nord, a également été repéré au Groenland. Dès les plus basses altitudes de bord de mer, le gaillet s’élève jusqu’à, parfois, 2000 m. Il est très possible de croiser le chemin de cette plante fréquente partout en France, sur des emplacements ensoleillés et des sols secs bien drainés, calcaires, neutres à alcalins, tels que les prairies sèches, les pelouses, les landes, les talus, au bord des routes et sur tout autre sol sablonneux, rocailleux et gravillonneux. Chaque année, je le vois occuper une étroite bande de terre qui longe une haie en bordure de champ : la « haie jaune ». Pour l’instant occupée par des coucous, suivront les gaillets jaunes en compagnie des croisettes, puis l’année se terminera avec le jaune plus pâlot des linaires.

Le gaillet jaune en phytothérapie

Bien que le sujet ait déjà été abordé, cette plante contient-elle un quelconque principe végétal dont la fonction s’approche de la présure et, si oui, quel est son mode d’action ? Voici la question casse-tête qu’on s’est assénée jusqu’au XIXe siècle sans que, toutefois, une unanimité ait été atteinte. Le XXe siècle, pour lequel la question importait peu (ou était considérée comme résolue… Mais, en ce cas, quelle est la réponse à cette question ?), prit la peine de dépasser cet écueil fromager, véritable caesus belli ! Le hic, c’est que pignoter le même bout de gras ne permet pas toujours de voir au delà d’une anecdote digne d’une énigme posée par le Sphinx ! Mais comme cette interrogation n’entre pas dans le cadre du propos qui va suivre, abandonnons-la dès à présent, puisqu’il nous reste à exposer un aspect plus judicieux qui, lui, ne tient en rien du mirage : l’odeur mielleuse de la plante, en particulier de ses sommités quand elles sont pleinement épanouies. Effectivement, le pouvoir odoriférant du gaillet jaune est très puissant, d’autant plus si l’on en croise une colonie sous le chaud soleil de juillet. Il s’agit d’un parfum si lourd et sucré, qu’il est parfois perçu comme désagréable par des narines qui n’entretiennent pas d’affinité élective avec lui. De cette odeur, une essence aromatique est responsable. Mais il existe à son sujet un flou à peu près semblable à celui du pouvoir présurisant du gaillet jaune. Ce n’est pas exactement le silence radio, mais des communiqués rares et contradictoires. D’une part, il est dit qu’elle est constituée à hauteur de 50 % par deux molécules, le squalène (?) et le cis-3-hexen-1-ol, un alcool gras à l’intense odeur d’herbe et de feuilles vertes. Par le biais d’autres sources, l’on apprend que l’on peut tirer une essence aromatique aussi bien des feuilles que des sommités fleuries : dans le premier cas, elle est majoritairement composée de 2-méthylbenzaldhéhyde (26 %), dans le second de germacrène D (28 %). On y trouverait encore ce sesquiterpène bien connu, le β-caryophyllène. Avec la présente sensation de tourner en rond, je constate que nous n’avons encore rien dit de la saveur du gaillet jaune : un peu amère et herbacée quand il est frais, on lui trouve aussi une touche acidulée et astringente. Cependant, une fois la plante sèche, odeur et saveur s’annulent à peu près.

Fidèle à la famille des Rubiacées, le gaillet jaune affiche à l’analyse des iridoïdes (aspéruloside, dérivés hydroxycinnamiques), des anthraquinones, des acides phénols, des polyphénols (comme l’acide chlorogénique). N’oublions pas les nombreux flavonoïdes (rutine, diosmine, diosmétine, diosmétine 7-O-β-D-glucopyranoside, quercétine-3-O-β-D-glucopyranoside, isorhamnétine, isorhamnétine 3-O-α-L-rhamnopyranosyl-(1-6)-β-D-glucopyranoside) et les alcanes, les glycosides et les polysaccharides, de même que les lignanes tels que le pinorésinol-4-O-β-D-glucopyranoside (une molécule active face au stress oxydatif qui occasionne des dommages hépatiques et dont on sait qu’il est, avec l’inflammation chronique, un prérequis au diabète), l’épipinorésinol et le médiorésinol (une substance antifongique et antibactérienne). Et puis ceux-là encore : des triterpènes pentacycliques (acides ursolique et rubifolique). Au rang des substances plus courantes, nous trouvons des acides organiques (acide citrique), des tanins (acides gallique et gallotannique), des sels minéraux comme le potassium et de la vitamine C. La racine, peu usitée en phytothérapie, recèle un pigment rouge que nous évoquerons ultérieurement.

Propriétés thérapeutiques

  • Sédatif léger, calmant, antispasmodique, inhibiteur du stress
  • Sudorifique, dépuratif rénal et hépatique, diurétique léger
  • Laxatif, cholagogue
  • Anti-infectieux : antibactérien, antifongique, antiparasitaire
  • Anti-oxydant
  • Cytotoxique
  • Immunomodulant9
  • Galactogène (?)

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère hépatobiliaire : obstruction du foie, lithiase biliaire
  • Troubles de la sphère vésico-rénale : lithiase (urinaire, rénale), cystite, rétention d’urine, hydropisie, oligurie, assurer un meilleur confort urinaire
  • Troubles de la sphère cardiovasculaire et circulatoire : prévention des phlébites et des varices, obstruction des glandes mésentériques, palpitations, ischémie cardiaque10, saignement de nez
  • Troubles locomoteurs : articulation enflée, douleur articulaire et musculaire
  • Affections cutanées : plaie, plaie cancéreuse, ulcère (rebelle, d’aspect cancéreux), dartre invétérée, eczéma, psoriasis, dermatose rebelle, gale, tumeur ganglionnaire ulcérée (et autres tumeurs cancéreuses localisées au visage et au cou : par exemple, carcinome laryngé), autres inflammations et éruptions cutanées, blessure, brûlure
  • Affections bucco-dentaires : ulcère de la bouche, stomatite aphteuse
  • Troubles du système nerveux : nervosité, irritabilité, angoisse, insomnie légère (le gaillet jaune procure un sommeil bon et sain), hystérie (plus précisément : « petits accidents de l’hystérie » selon Henri Leclerc. Quoi que recouvre cette formulation…), épilepsie (? Comme nous l’avons vu, le gaillet jaune possède une longue et très ancienne réputation de médicament anti-épileptique, mais il a été plus souvent en usage à travers des affections nerveuses généralement mineures. Dans ces cas-là, on ne le considère nullement comme une panacée spécifique, tout juste comme un auxiliaire. J’ai de gros doutes quant aux soi-disant vertus anti-épileptiques du gaillet jaune…)

Modes d’emploi

  • Infusion de sommités fleuries fraîches : comme l’eau s’empare facilement des principes du gaillet jaune, ne nous privons pas d’en faire l’infusion à destination de la voie interne. En ce cas, il faut compter une cuillerée à café de plante finement hachée pour la valeur d’une tasse d’eau bouillante, soit 10 à 15 g par litre d’eau. Pour un usage externe, plutôt que d’opter pour la décoction qui abîme la plante, mieux vaut procéder à une infusion concentrée de 30 à 70 g par litre d’eau à couvert pendant un bon quart d’heure.
  • Extrait hydro-alcoolique : 20 à 25 gouttes diluées dans un demi verre d’eau trois fois par jour. Dans 10 cl de rhum à 50°, faites macérer pendant trois semaines 20 g de gaillet jaune frais cisaillé en petits morceaux. A l’issue, filtrez, pressez et conservez en petites bouteilles opaques.
  • Feuilles froissées en application locale.
  • Pommade : on l’obtient en broyant 100 g de gaillet jaune frais que l’on mêle à 50 g de poudre d’écorce d’orme. On fait cuire longuement et doucement le tout pendant plusieurs heures dans une livre de saindoux.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Récolte et séchage : dès le matin, « on doit le récolter lorsqu’il est en fleur et par un beau temps. Disposé en guirlandes, on le fait sécher promptement, pour le conserver ensuite dans des boîtes et à l’abri de la lumière. Ses fleurs noircissent, et il perd de ses propriétés en vieillissant. Comme on peut se le procurer facilement, on fera bien de ne pas le garder au delà d’un an »11, ce qui invite à n’en pas cueillir plus qu’il n’est besoin. Alors qu’on considère généralement que les mois de récolte courent de juin à fin septembre, on préconise parfois de cueillir le gaillet jaune juste au moment où il fleurit, avant libération du pollen. Quand il s’agira de « s’enherber », on ramassera le gaillet jaune au printemps en compagnie d’autres plantes dépuratives et, si besoin est, ses racines à l’automne. Le séchage du gaillet jaune, bien qu’assez simple, doit cependant être des plus prompts et soigneux. Il s’effectue mieux lorsqu’on suspend les tiges en petits bouquets lâches à une ficelle. Le gaillet jaune, particulièrement odorant lorsqu’il est frais, prend, en séchant, un parfum peu avenant, contrairement à l’aspérule qui développe tous ses arômes grâce à la dessiccation. De conservation très brève, on ne le gardera pas plus d’une année en raison de sa détérioration rapide à l’état sec.
  • Ferment lactique : jamais deux sans trois ! Pour Lieutaghi, d’accord avec Fournier, la chose est on ne peut plus simple et n’appelle pas de contradiction : « Il suffit de faire infuser quelques sommités fraîches, contuses, dans le lait tiède qui ‘prend’ plus ou moins vite selon la température ambiante »12. Plus précisément, il faut compter 15 à 20 g de ces sommités fleuries fraîches (ou 5 g à l’état sec) pour un litre de lait. Bien sûr, ce ferment lactique qui donne une teinte jaune et un arôme délicat au fromage, agit parfois de façon aléatoire, en fonction de sa concentration dans la plante utilisée. Mais alors, d’où vient que des auteurs comme Morelot, Cazin, Reclu et jusqu’au Larousse médical récusent cette propriété ? Une expérimentation non concluante peut-elle provenir d’une erreur d’identification ? (Par exemple, quand on observe de près l’illustration qui se trouve en marge du tout petit article que Larousse réserve au gaillet jaune, on peut se demander si l’auteur de la rubrique en a déjà vu un : effectivement, cette illustration montre un gaillet gratteron !). Pourtant, on reconnaît maintenant la présence d’un « quelque chose » (une enzyme du nom de chymosine quand ce ne sont pas des progalines A et B qui sont invoquées…) qui fait plus ou moins bien cailler le lait dans le gaillet. Face à une question aussi épineuse, comme rien ne vaut l’expérience, je me réserve le droit d’essayer par moi-même dès que poindront les premières têtes fleuries de gaillet jaune. Marchera, marchera pas. On verra bien. Mais si ça ne marche pas, cela ne veut pas forcément dire que la chose est impossible mais que je m’y serai probablement mal pris… Ce qui est tout à fait envisageable ^.^
  • Matière tinctoriale : le gaillet possède un point commun à de nombreuses autres rubiacées (garance, gaillet gratteron, etc.) : une racine tinctoriale permettant d’obtenir une teinture rouge orangé sur la laine. Abondant dans les espaces septentrionaux (Islande, Écosse, Laponie…), le gaillet jaune y fut souvent utilisé dans ce but en lieu et place de la garance, non seulement absente de ces zones, mais surtout hors de prix. Cependant, le pouvoir tinctorial de ce gaillet apparaît moindre que celui de la garance, à moins qu’il faille, là encore, compter sur une question de concentration et de mode opératoire. A ce titre, voici ce que suggère Roques : « La racine arrachée en automne ou au printemps, bien nettoyée et disposée par couches avec la laine filée, ensuite bouillie avec la petite bière, teint la laine en rouge »13. On peut plus simplement faire bouillir laine et gaillet jaune dans la même eau additionnée d’alun. Enfin, achevons ce tour d’horizon en compagnie de Thierry Thévenin qui propose dans un ouvrage plus récent (il a tout juste quinze ans) un modus operandi différent : « Vous devez par exemple utiliser 500 grammes de cette racine finement moulue pour un petit litre de bain de teinture, orange saumoné, que vous pouvez toutefois renforcer, selon l’antique recette persane, avec… du yaourt séché »14. C’est à croire que le gaillet jaune n’est pas prêt de nous voir changer de crèmerie !…
  • Autres espèces : il existe, du gaillet jaune, une sous-espèce qui se distingue par son absence de parfum, le gaillet de Wirtgen (G. verum ssp. wirtgenii). On connaît bien sûr le gaillet gratteron (G. aparine), étudié ici même il y a quelques semaines, le gaillet blanc (G. mollugo) auquel on croît voir dans le gaillet dressé (G. album) une sous-espèce. On peut encore mentionner le gaillet piquant (G. asprellum), le gaillet des sables (G. arenarium), le gaillet maritime (G. maritimum) et le gaillet de Paris (G. parisiense). Remarquons, pour nous arrêter là, que celui qu’on appelait autrefois gaillet croisette a été retiré des gaillets bien qu’il fasse toujours partie du genre Galium : il porte aujourd’hui le nom latin de Cruciata laevipes (qui remplace Galium cruciata).
  • Le gaillet jaune, qui nécessite des cures brèves, peut entrer en interaction avec certains médicaments anticoagulants et anti-agrégeants.
  • Dans de vieux bouquins, on peut apprendre des choses comme celle-ci à propos du gaillet jaune : des animaux que l’on nourrirait en partie avec de la poudre de racine de gaillet jaune deviendraient étiques, c’est-à-dire atteints d’étisie, autrement dit d’extrême maigreur. Quelle drôle d’idée !…
  • A l’identique avec le gaillet gratteron, le gaillet jaune servit autrefois au rembourrage des matelas comme en atteste un de ses noms vernaculaires anglais, Lady’s bedstraw. Une légende chrétienne explique aussi que la litière dans laquelle Jésus fut couché après sa naissance était composée de fougères et de gaillet. On intégra vraisemblablement le gaillet aux plantes de la litière de la Vierge Marie, c’est-à-dire un groupe de plantes dont on garnissait les lits des femmes en couche afin de préserver du malheur les futures mères et les enfants à naître.

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  1. Louis-Benoît Guersent, Dictionnaire des sciences médicales, Tome 3, p. 441.
  2. Joseph Roques, Nouveau traité des plantes usuelles, Tome 2, pp. 267-268.
  3. La Garance voyageuse, n° 141, Printemps 2023, p. 26.
  4. Nicolas Lémery, Dictionnaire universel des drogues simples, p. 382.
  5. Dictionnaire de Trévoux, Tome 2, p. 157.
  6. Louis-Benoît Guersent, Dictionnaire des sciences médicales, Tome 3, p. 442.
  7. François-Joseph Cazin, Traité pratique et raisonné des plantes médicinales indigènes, p. 219.
  8. Thierry Thévenin, Les plantes sauvages : connaître, cueillir et utiliser, p. 195.
  9. « Tous les extraits étudiés avaient un effet stimulant marqué sur l’activité de transformation des cellules sanguines immunocompétentes. » (Source).
  10. « Nos résultats ont démontré pour la première fois que l’extrait de G. verum préserve la contractilité cardiaque, la fonction systolique et diastolique ainsi que les dommages structurels du cœur après une ischémie. De plus, l’extrait de G. verum modulait l’activité des enzymes antioxydantes et atténuait la production de pro-oxydants. » (Source).
  11. François-Joseph Cazin, Traité pratique et raisonné des plantes médicinales indigènes, p. 217.
  12. Pierre Lieutaghi, Le livre des bonnes herbes, p. 250.
  13. Joseph Roques, Nouveau traité des plantes usuelles, Tome 2, pp. 267-268.
  14. Thierry Thévenin, Les plantes sauvages : connaître, cueillir et utiliser, p. 195.

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