La lavande papillon (ou stoechade)

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Certaines sources mentionnent que la lavande stoechade était connue des anciens Grecs et Romains. Apparemment, ils s’en servirent comme remède détoxiquant et en guise de contre-poison. Il faut cependant accueillir ces informations avec la plus grande réserve sachant la toxicité de cette lavande. Dioscoride semble y faire référence. Théophraste parle d’une lavande de mer. Bien que maritime, la lavande stoechade n’est certainement pas la plante dont parle le médecin grec, mais bien plutôt une saladelle.
Il existe peu d’informations relatant ses emplois passés. Dans les années 1940, Fournier rapporte qu’on extrayait artisanalement les principes actifs de cette lavande en Espagne. « On suspend les épis fleuris, tête en bas, dans des bouteilles que l’on expose au soleil ». La solution obtenue était employée comme hémostatique et antiseptique sur les plaies.

Si les caractères morphologiques des lavandes et des lavandins occasionnent souvent des confusions, avec la stoechade, il est impossible de se tromper. Les fleurs violet-pourpre sont serrées en épi carré et surmontées de houppettes originales : des bractées qui font ressembler chaque épi à un papillon ventru. Les feuilles, duveteuses et grisâtres (d’où le nom de lavande cotonnée qu’on lui donne parfois), sont particulières dans le sens où elles grimpent jusqu’aux sommités fleuries contrairement aux autres espèces de lavandes. C’est une plante qui affectionne les sols riches en silice, les coteaux arides, la garrigue, les bords de mer. On la trouve essentiellement sur le littoral méditerranéen : Corse, sud de la France (massif de l’Estérel, îles d’Hyères), Portugal, Espagne, Sardaigne…

1. Huile essentielle de lavande stoechade : composition et description

  • Cétones monoterpéniques : fenchone, camphre, verbénone (70 à 80 %)
  • Monoterpènes (15 %)

Comme chez toutes les lavandes, ce sont les sommités fleuries qui sont distillées. L’huile essentielle obtenue est de couleur jaune clair à orangé. Son parfum est décrit comme herbacé et fleuri, avec une touche de romarin et de lavande aspic (en raison de la présence de camphre, entre autres). Certains auteurs considèrent son parfum comme médiocre. Cependant, on ne peut lui reprocher de n’être ni original ni entêtant.

2. Propriétés thérapeutiques

  • Anticatarrhale, mucolytique, expectorant, décongestionnante des voies respiratoires
  • Antibactérienne spécifique (sur Pseudomonas aeruginosa ; à noter que rares sont les huiles essentielles à venir à bout de cette redoutable bactérie responsable de maladies nosocomiales)
  • Anti-inflammatoire
  • Cicatrisante
  • Décontractante musculaire
  • Tonique psychique

Peu de propriétés (comparativement à d’autres huiles essentielles), mais des actions ciblées et très puissantes.

3. Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère respiratoire : bronchite chronique, sinusite chronique, otite d’origine infectieuse, otite séreuse, mucoviscidose (en compagnie de la menthe pouliot – Mentha pulegium – que nous aborderons dans un prochain article)
  • Troubles musculaires : crampes, douleurs, préparation à l’effort chez les sportifs (action similaire à celle de la gaulthérie couchée – Gaultheria procumbens)
  • Troubles cutanés : plaies (accidentelles et chirurgicales), eczéma sec, urticaire, dartre, pityriasis, escarres, piqûres d’insecte, brûlures, chéloïde, cellulite
  • Inflammations diverses : stomatite, hémorroïdes, sciatique

4. Modes d’emploi

  • Voie cutanée diluée
  • Inhalation
  • Diffusion atmosphérique (avec prudence)

5. Contre-indications

S’il convient d’être prudent avec les huiles essentielles de sauge officinale (Salvia officinalis) et d’hysope officinale (Hyssopus officinalis) par exemple, avec celle de lavande stoechade, il est obligatoire d’être très prudent. En effet, la très forte proportion de cétones monoterpéniques nécessite de prendre les précautions qui s’imposent. Cela fait de cette huile essentielle un produit hautement neurotoxique et abortif. De fait, elle est :
– Interdite à la femme enceinte et à celle qui allaite
– Interdite chez le bébé et l’enfant (sauf en cas d’otite séreuse chez ce dernier)
– Interdite chez la personne neurologiquement fragile.
Même une personne non concernée se gardera d’en faire un usage au long cours. C’est une huile essentielle extrêmement puissante à tel point qu’on ne saurait en faire un usage massif et immodéré, un aspect que nous n’hésiterons pas à rappeler lorsque nous aborderons l’huile essentielle de menthe pouliot (Mentha pulegium) qui contient elle aussi une cétone monoterpénique, la pulégone, dans une proportion avoisinant parfois les 90 %.

© Books of Dante – 2014

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Les huiles essentielles à cétones

Plantes à cétones

Déjà, alors que nous abordions les huiles essentielles à phénols, nous avions levé un sourcil. Aujourd’hui, à travers le sujet qui nous occupe, il est tout préférable de tiquer. En effet, parce que dans le monde de l’aromathérapie, les cétones se trouvent être les molécules les plus délicates à manier en raison du potentiel toxique qui les habite. Bien entendu, il ne s’agira pas de les condamner mais de rendre compte de cet aspect qui est relatif d’une huile essentielle à une autre.

Fort nombreuses, les cétones élisent domicile dans diverses familles botaniques (Astéracées, Lamiacées, Cistacées, Myrtacées…). Les huiles essentielles qu’on en extrait contiennent parfois d’importantes quantités de cétones, bien que cela n’indique pas forcément que de telles huiles essentielles seraient plus toxiques que d’autres qui en contiendraient moins. Cela s’explique par le fait que toutes les cétones ne sont pas exactement dotées de la même dangerosité. Par exemple, l’huile essentielle d’aneth, contenant 30 à 45 % de carvone, présente moins de risque qu’une huile essentielle de romarin officinal à camphre, dans laquelle on ne trouve seulement que 15 à 25 % de camphre. Il n’est pas uniquement question de quantité mais aussi de la nature de la cétone considérée (de même qu’il existe des cétones agressives dites monoterpéniques, on rencontre des cétones gentilles dites sesquiterpéniques). Si le carvone, dont nous venons de parler, est moins problématique, il demeure pourtant que certaines cétones comme le camphre (ou bornéone), la thujone, le pinocamphone, la pulégone, etc. sont des molécules qu’il convient de bien connaître avant toute utilisation car c’est la rigoureuse connaissance d’un produit qui permettra d’en tirer profit au mieux sans tomber dans certains pièges peu recommandables.

La toxicité des cétones est donc affaire de relativité. Elle tient à plusieurs facteurs : la nature de la cétone, sa concentration dans l’huile essentielle, les doses employées et leur périodicité, la voie d’administration, le seuil de tolérance du patient, la nature même du patient.
Par exemple, pour une même huile, on considère que la voie orale est plus risquée qu’une application cutanée. Par ailleurs, en ce qui concerne la voie orale, la toxicité est inégale d’une cétone à l’autre comme le suggèrent les données suivantes :

++++ : lavande stoechade, menthe pouliot, sauge officinale, hysope officinale
+++ : romarin officinal à camphre, menthe poivrée, menthe des champs, eucalyptus mentholé
++ : hélichryse d’Italie, romarin officinal à verbénone, carvi, lavande aspic
+ : aneth, menthe verte

Nous avons parlé des dangers liés à l’emploi de telles huiles essentielles. Précisons lesquels. Tout d’abord, certaines cétones sont neurotoxiques (camphre, thujone, pulégone…), sans compter que cet effet est cumulatif dans le temps. Le processus d’intoxication est le suivant : dysfonctionnement neuronique => excitation => stupéfaction => dépression => crise clonique => coma (éventuellement suivi d’un décès). Ensuite, certaines huiles essentielles à cétones sont abortives (sauge officinale, hysope officinale, thuya occidental…), elles traversent la barrière placentaire et peuvent grandement endommager le fœtus.
Aussi, les femmes enceintes et celles qui allaitent, les bébés, les enfants ainsi que les personnes neurologiquement fragiles se priveront de l’emploi d’huiles essentielles à cétones.
Cependant, il n’appartient pas au premier venu de se procurer aisément ces huiles essentielles puisque un certain nombre d’entre elles entre dans la liste des huiles essentielles placées sous monopole pharmaceutique (cf. JO n° 182 du 8 août 2007).

Venons-en maintenant aux propriétés thérapeutiques générales des huiles essentielles à cétones :

  • Négativantes
  • Action sur le système nerveux central : stimulantes à faibles doses
  • Action sur la vésicule biliaire : cholagogues et cholérétiques
  • Anti-infectieuses (moins puissantes que les phénols) : antibactériennes, antifongiques, mais surtout antivirales
  • Antiparasitaires
  • Mucolytiques (elles permettent de drainer le mucus excessif hors de l’organisme)
  • Lipolytiques (se dit d’une substance qui a la propriété de dissoudre les corps gras lors de la digestion, Wikipédia)
  • Désclérosantes et cicatrisantes

Comme toujours, il existe des spécificités. Par exemple, l’huile essentielle de romarin officinal à verbénone est un bon équilibrant endocrinien tandis que celle de sauge officinale est antisudorifique.

Liste (non exhaustive) des huiles essentielles à cétones : aneth (30 à 45 %), carvi (45 à 65 %), ciste ladanifère (5 à 10 %), coriandre (4 à 6 %), curcuma (65 %), eucalyptus mentholé (35 à 40 %), eucalyptus à cryptone (6 %), fenouil doux (3 à 5 %), géranium bourbon (6 à 9 %), hélichryse d’Italie (10 à 15 %), hysope officinale (50 %), lavande aspic (10 à 15 %), lavande stoechade (75 %), lavandin abrial (7 à 11 %), lavandin grosso (6 à 8 %), lavandin super (3 à 7 %), menthe des champs (30 %), menthe poivrée (32 %), menthe pouliot (75 à 80 %, parfois 90 %), menthe verte (45 à 70 %), romarin officinal à camphre (15 à 20 %), romarin officinal à cinéole (5 à 10 %), romarin officinal à verbénone (10 à 15 %), sauge officinale (60 à 70 %), thuya occidental (70 %).

© Books of Dante – 2014