Le cajeput, arbre à grippe

Le cajeput est un arbre qui fait partie de la grande famille des mélaleuques dont on trouve des représentants en Asie du sud-est ainsi qu’en Océanie. Dans la force de l’âge, il atteint généralement 15 à 20, ce qui en fait un arbre assez petit pour le climat dans lequel il évolue. Il ne lui déplaît pas de pousser dans l’eau (il partagerait alors la signature du saule de nos contrées ; en effet, le cajeput est antirhumatismal et anti-grippe, comme le saule).
Semper virens à vie courte (25 ans tout au plus), il est en revanche doté d’une vie végétative très développée.
Apparemment, au XVII ème siècle, la marine marchande hollandaise était déjà bien implantée dans l’aire de répartition géographique du cajeput. Si l’on en croit les sacro-saintes sources, ce serait les Hollandais naviguant qui rapportèrent trace de l’existence du cajeput, cet arbre à l’écorce blanche qui résiste aux feux de forêt et dont le nom en malais se dit kaja putih ou kajoupouti (« arbre blanc »).
Bien qu’étant connu depuis ce temps, l’intérêt pour les huiles essentielles de mélaleuques, dont le cajeput, n’apparaîtra que bien plus tard, au tout début du XX ème siècle.

cajeput

1. Huile essentielle : composition et description

Comme d’autres représentants de la famille des Myrtacées (eucalyptus globuleux, eucalyptus radié, niaouli, etc.) le cajeput est un arbre à eucalyptol (maintenant, on dit 1.8 cinéole) tout à fait typique.

  • 1.8 cinéole : 50 à 70 %
  • Alpha-terpinéol : 5 à 15 %
  • Limonène : 4 %
  • Linalol : 3 %

Soit quatre molécules constituant au ¾ cette huile essentielle. Le cajeput présente un profil biochimique proche de celui d’un autre mélaleuque plus connu, le niaouli (M. quinquenervia). En revanche, il se distingue de l’arbre à thé (ou tea tree, M. alternifolia) (1).
Dans le commerce, on trouve plus souvent l’huile essentielle de cajeput du Vietnam (M. leucadendron). Les deux huiles essentielles se valent mais occasionnent parfois des confusions dans un marché trop souvent gangrené par les falsifications (2).
Fraîche et boisée, l’huile essentielle de cajeput est marquée par la note parfumée des essences à 1.8 cinéole. Par l’odeur, on est plus proche d’un eucalyptus radié, par exemple. Liquide et mobile, cette huile essentielle est le plus souvent incolore à jaune pâle, mais il lui arrive aussi d’être verdâtre. Elle est extraite par distillation à la vapeur d’eau des feuilles et bourgeons cueillis juste avant floraison puis légèrement fermentés.

CPG HE Cajeput

2. Propriétés thérapeutiques

Elles sont proches des huiles essentielles de ravintsara, niaouli, arbre à thé, eucalyptus globuleux et eucalyptus radié.

  • Anti-infectieuse majeure à large spectre d’action (sur les sphères pulmonaire, intestinale et urinaire ) : antibactérienne, antifongique, antivirale, antiseptique atmosphérique, antiparasitaire
  • Expectorante, mucolytique, anticatarrhale
  • Antinévralgique, antalgique, anti-inflammatoire
  • Antispasmodique
  • Immunomodulante
  • Décongestionnante veineuse, augmente la circulation vasculaire
  • Radioprotectrice : tout comme les huiles essentielles d’arbre à thé, de niaouli et de lavande fine, le cajeput offre un effet protecteur en cas de séances de rayons
  • Sudorifique
  • Insecticide, répulsive

3. Usages thérapeutiques

  • Infections d’origine respiratoire (bronchite, laryngite, pharyngite, tuberculose, rhinite), urinaire (cystite, urétrite) et intestinale (entérite, dysenterie), infections virales (herpès génital, grippe), et parasitaires (parasites intestinaux)
  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : spasmes gastriques, vomissements
  • Troubles musculo-articulaires : rhumatismes, douleurs articulaires et musculaires
  • Troubles circulatoires : hémorroïdes, varices
  • Troubles cutanés : acné, eczéma, psoriasis, pityriasis, zona, plaies, démangeaisons, écorchures
  • Névralgies dentaires et auriculaires
  • Par ses propriétés répulsives, l’huile essentielle de cajeput offre une protection contre trois insectes responsables de maladies (dengue, paludisme, encéphalite) avec un pouvoir deux fois supérieur aux huiles essentielles de citronnelles.

4. Modes d’emploi

  • Voie orale diluée
  • Voie externe diluée (friction, massage)
  • Voie externe pure (geste d’urgence, névralgie dentaire)
  • Inhalation
  • Diffusion atmosphérique

5. Contre-indications et remarques

A chaque fois que l’on aborde une huile essentielle, les précautions sont de mise. Le cajeput ne fait pas exception à cette règle. Sachant qu’à ma connaissance il n’existe aucune huile essentielle dénuée d’effets plus ou moins indésirables, il est de mon devoir de présenter celles qui concernent l’huile essentielle de cajeput.

=> En cas de massage on dilue. Cela permet d’éviter les problèmes d’irritation cutanée.
=> En cas de diffusion atmosphérique et d’inhalation directe au flacon, on fera attention aux sujets sensibles niveau sphère respiratoire. D’autant plus quand on sait que certaines huiles essentielles de cajeput frelatées (entendre : falsifiées) occasionnent des crises d’asthme.
=> En cas de grossesse : cette huile essentielle est déconseillée durant les trois premiers mois.


  1. Moins célèbre que niaouli et arbre à thé aujourd’hui. En revanche, dans les années 1960, le docteur Valnet évoquera autant le niaouli et le cajeput, faisant complètement l’impasse sur l’arbre à thé.
  2. « Elle est souvent reconstituée et, contenant du pinène droit, elle devient dextrogyre. Les médicaments chimiques sont souvent dextrogyres. L’huile essentielle de cajeput naturelle est lévogyre » (Michel Faucon, Traité d’aromathérapie scientifique et médicale, p. 572). Par analyse, on peut déterminer si une huile essentielle est naturelle ou coupée avec d’autres substances. Si c’est le cas, son pouvoir rotatoire est modifié et de lévogyre devient dextrogyre. Or le fait de couper une huile essentielle, de la trafiquer donc, diminue considérablement sa puissance vibratoire par rapport à l’huile essentielle naturelle exempte de modification.

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Les résines aromatiques : des baumes pour votre peau ! (Mais pas seulement…)

Dans la Nature, de multiples plantes ont, jusqu’alors, permis aux hommes de se soigner. Selon les plantes, ce sont les feuilles, les fleurs, les racines, les graines, le bois, etc. que l’on emploie. Ces parties végétales auront été séchées, concassées, broyées, pilonnées, pulvérisées afin de permettre d’en faire tisanes et décoctions, emplâtres et cataplasmes…
Mais, au sein des plantes, il existe une partie dont on ne parle pas toujours. Il s’agit de la sève. Qui, chez certaines espèces végétales se nomme la résine. On y a tous été confrontés au moins une fois, à cette substance collante que secrètent les troncs de pin et de sapin.
S’il est plus fréquent de distiller les feuilles ou les fleurs des plantes aromatiques pour en extraire l’huile essentielle, n’oublions pas de mentionner qu’on distille également la résine d’un petit nombre de plantes. Ce sont les huiles essentielles qui en sont tirées que je vais vous présenter aujourd’hui, une petite dizaine parmi les plus connues :

  • Baume du Pérou (Myroxylon balsamum var. pereirae)
  • Benjoin de Sumatra (Styrax benzoe)
  • Ciste ladanifère (Cistus ladaniferus)
  • Copaïba (Copaifera officinalis)
  • Élémi de Manille (Canarium luzonicum)
  • Encens (Boswellia carterii)
  • Myrrhe (Commiphora molmol)
  • Styrax d’Anatolie (Liquidambar officinalis)

Les huit espèces végétales listées ci-dessus sont toutes des arbres, des arbustes ou de petits arbres que l’on rencontre dans différentes régions du monde (Amérique du sud, Amérique centrale, Asie du sud-est, Afrique de l’est, péninsule arabique, Europe méditerranéenne). Bien qu’étant issus de plusieurs familles botaniques, ces arbres et arbustes présentent tous une caractéristique commune : de leur tronc exsude naturellement une résine (ou gomme oléorésine pour certains d’entre eux), hormis le ciste pour lequel ce sont les feuilles qui transpirent. Si l’arbre fait l’objet d’une culture par l’homme, il est possible d’inciser son tronc afin de favoriser l’écoulement de la résine qui, selon l’espèce végétale, la localisation géographique, la nature du sol et le moment de l’année, peut être de texture et de couleur variable (par exemple, la résine d’oliban récoltée sur un même arbre variera du blanc au roux en fonction de la saison). Par la suite, les résines sont distillées en alambic traditionnel, c’est-à-dire à la vapeur d’eau (à l’exception du benjoin qui subit un traitement différent permettant d’obtenir, non pas une huile essentielle, mais une absolue). Les substances ainsi créées sont toutes dissemblables par leur couleur (du brun presque noir à l’incolore), leur liquidité (du pâteux à la liquescence), leur composition chimique et leur parfum (vanillé, épicé, boisé, cuir, etc.).
En revanche, si l’on se penche sur les propriétés et usages thérapeutiques de notre petit groupe d’huiles essentielles, on remarque qu’elles ont toutes pour vertu d’agir sur la peau et ses affections. Ce sont donc ces propriétés et multiples usages que nous allons maintenant aborder.

Baume du Pérou
Baume du Pérou

Les propriétés

  • Anti-inflammatoire cutanée : copaïba, myrrhe, styrax
  • Antiparasitaire cutanée : baume du Pérou
  • Antiprurigineuse : baume du Pérou
  • Astringente : ciste, élémi
  • Cicatrisante : baume du Pérou, benjoin, ciste, élémi, encens, myrrhe (1)
  • Coagulante : ciste
  • Désclérosante : ciste, élémi, encens, myrrhe
  • Hémostatique : ciste
  • Régénératrice cutanée : ciste, encens

Les usages

  • Abcès : élémi, styrax
  • Acné : benjoin, ciste, myrrhe
  • Brûlure : benjoin, ciste, encens, myrrhe
  • Cicatrisation : baume du Pérou, benjoin, ciste, élémi, encens, myrrhe
  • Coupure : ciste
  • Crevasse : ciste, encens
  • Démangeaisons : benjoin, élémi
  • Dermatose parasitaire (gale, teigne) : baume du Pérou
  • Eczéma : benjoin, ciste
  • Engelure : benjoin, encens, styrax
  • Entaille : ciste
  • Escarres : ciste, élémi, encens, myrrhe
  • Gerçures : ciste, encens
  • Peau sèche, fatiguée, asphyxiée : benjoin, ciste, encens
  • Pityriasis : benjoin
  • Plaie : benjoin, copaïba, élémi, encens, myrrhe, styrax
  • Plaie atone : élémi, encens, myrrhe
  • Plaie infectée : ciste
  • Plaie saignante : ciste
  • Psoriasis : benjoin, ciste
  • Rides : ciste, encens
  • Ulcère : benjoin, ciste, copaïba, élémi, encens, myrrhe, styrax
  • Vergetures : ciste, encens

Résine d'oliban
Larmes d’oliban sur le tronc de l’arbre

Comment les utiliser ?

Bien qu’étant bienfaitrices pour la peau, ces huiles essentielles ne sauraient se passer d’une dilution dans une huile végétale ou autre (environ 3 à 5 % d’huile essentielle et 95 à 97 % de substrat) dont la nature variera en fonction de l’action souhaitée :

  • Couche cornée : HV avocat, argan, olive, rose musquée, onagre ; macérât huileux de millepertuis
  • Épiderme : HV calophylle, amande douce, bourrache ; cire liquide de jojoba
  • Derme : HV sésame, noisette, macadamia, noyaux d’abricot

Sachez aussi que les huiles végétales, outre le fait qu’elles offrent une base de dilution aux huiles essentielles, sont aussi douées de propriétés thérapeutiques. Par exemple, le calophylle est anti-inflammatoire alors que le germe de blé permet une régénération cutanée. D’autres sont cicatrisantes, telles l’amande douce et l’olive. Ainsi, il est possible d’élaborer différentes synergies composées de plusieurs huiles essentielles et huiles végétales à destination d’une affection cutanée donnée.

Résine de myrrhe
Résine de myrrhe

Prolongement

Il y a quelques années de cela, travaillant sur l’huile essentielle d’encens d’oliban, une chose m’a frappée. Après étude, je me suis aperçu que cette huile essentielle portait ses actions thérapeutiques sur deux domaines : la peau et la sphère respiratoire. Or, il se trouve que le système respiratoire est constitué de l’interface cutané et de la sphère respiratoire. D’ailleurs, en médecine traditionnelle chinoise, c’est le méridien du poumon qui gère ces deux sous-ensembles, ce qui explique la corrélation entre problèmes cutanés et problèmes respiratoires. Mais ce n’est pas tout. Ayant passé au crible toutes les huiles essentielles présentées dans cet article, l’évidence est là : les deux domaines de prédilection de notre petit groupe aromatique sont la peau et la sphère respiratoire. A noter que peau et poumon sont deux de nos principaux émonctoires.
Les plantes balsamiques, c’est-à-dire qui contiennent du baume, sont bien dotées de la propriété du même nom, balsamique. Autrement dit : sédatif des muqueuses enflammées, en particulier des muqueuses respiratoires.

  • Baume du Pérou : bronchite aiguë, chronique ou asthmatiforme, toux, grippe, tuberculose
  • Benjoin : affections respiratoires catarrhales
  • Ciste : infections ORL
  • Copaïba : infections bronchopulmonaires catarrhales
  • Elémi : bronchite, toux
  • Encens : bronchite, bronchite catarrhale, bronchite asthmatiforme, asthme, laryngite
  • Myrrhe : bronchite
  • Styrax : toux, pneumonie, bronchite catarrhale

Étonnant comme, une fois de plus, la Nature fait bien les choses. Ne trouvez-vous pas ? :-)


  1. « Lorsqu’on incise l’écorce de cette plante [la myrrhe], elle réagit en sécrétant de la gomme-résine, véritable pansement naturel, pour cicatriser son écorce » (Michel Faucon, Traité d’aromathérapie scientifique et médicale, p. 463). On serait tenté de penser de même pour les autres espèces abordées ici.

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