Olfactothérapie et anosmie

nez

L’olfactothérapie est une méthode qui intègre tant la propriété volatile des huiles essentielles et des essences que leurs capacités à agir globalement sur la sphère psycho-émotionnelle de l’être humain. Comme son nom l’indique, l’olfactothérapie fait appel à l’olfaction d’huiles essentielles (mais également d’essences et de certaines absolues) en vue de rétablir chez l’individu des déséquilibres émotionnels plus ou moins importants. Nous savons que les huiles essentielles présentent des propriétés calmantes, sédatives, anxiolytiques, neurotropes, etc., qu’un certain nombre d’entre elles ont une action sur le système nerveux. L’olfactothérapie est donc assez proche, dans son concept, de l’aromachologie, une branche de l’aromathérapie qui étudie les effets des substances parfumées sur la psyché. Mais là où l’aromachologie s’occupe du système nerveux, l’olfactothérapie se charge de la dimension émotionnelle propre à chaque individu.

Il s’agit donc d’une approche très subtile, à l’image de la voie privilégiée propre à cette thérapie : des inspirs et des expirs réguliers, directement au flacon. On ne peut donc parler de doses physiologiques. Pour utiliser un parallèle rapide, on peut dire de l’olfactothérapie qu’elle est à l’aromathérapie ce que l’homéopathie est à la phytothérapie. Ce n’est donc pas la quantité d’huile essentielle utilisée qui compte mais sa qualité d’ordre spirituel, émotionnel et vibratoire.
L’olfactothérapie reprend donc à son compte certaines d’entre les propriétés du sens de l’olfaction : induire des modifications humorales et comportementales, permettre la réminiscence de souvenirs camouflés dans les limbes de ce que l’on appelait autrefois le rhinencéphale, un lieu qui « est le siège de toutes les dépendances, des plaisirs et des émotions, ainsi que le lieu où la mémorisation […] s’effectue » (Michel Odoul & Elske Miles, La phyto-énergétique, p. 122).
L’olfactothérapie vise non seulement à calmer les insomnies, à apaiser les excès, cela l’aromathérapie classique peut s’en charger. Bien plus, l’olfactothérapie permet une communication avec notre propre inconscient tout en s’affranchissant des conditions limitantes du cortex, le siège de la raison. Cette technique permet donc une meilleure connaissance de soi en autorisant un retour réflexif sur nos propres émotions et sentiments. D’ailleurs, Bachelard ne disait-il pas qu’une « odeur […] est le centre d’une intimité » ?

Quand on sait que l’anosmie – c’est-à-dire la perte totale ou partielle de l’odorat – peut mener à la dépression, on comprend aisément dans quelle mesure l’olfactothérapie, lorsqu’elle se destine à des personnes dont le sens de l’odorat n’est pas défectueux, peut apporter de bienfaits.
L’anosmie, dont les causes sont variées (chimiques : psychotropes, cadmium, cocaïne, pilule contraceptive ; pathologiques : sinusite, rhinite, syndrome de Kallmann ; anatomiques : anomalies congénitales, lésions tumorales, etc.) résulte principalement d’une altération du nerf olfactif, alors que les cellules olfactives qui tapissent les muqueuses nasales sont intactes. C’est donc ce qui fait le lien entre l’extérieur (les molécules aromatiques perçues par les cellules olfactives) et l’intérieur (système limbique) qui fait défaut.
Bien moins spectaculaire que la cécité, l’anosmie n’en demeure pas moins un handicap quotidien pour ceux qui en souffrent, d’autant plus cruel que les cellules olfactives sont stimulées par des molécules aromatiques sans que l’anosmique en ait conscience. Ainsi la perturbation de la libido, tout comme la dépression sont-elles des conséquences de l’anosmie. Si celle-ci est d’origine psycho-émotionnelle, l’olfactothérapie peut permettre à une personne anosmique de recouvrer son sens de l’odorat bien qu’elle ne soit d’aucun recours si la cause est pathologique (par exemple, lors de la détérioration accidentelle du nerf olfactif).

© Books of Dante – 2014

L’olfaction, comment ça marche ?

Nouvel extrait de mon deuxième ouvrage : Parfums sacrés, essai d’aromathérapie énergétique et spirituelle ;-)

Honni et négligé tant par des philosophes que des scientifiques1, le sens de l’odorat, qui n’a pas toujours été en odeur de sainteté, à l’instar de celui du toucher2, jouit depuis quelques décennies seulement d’un blason redoré.

L’odorat, c’est-à-dire le sens de la perception des odeurs, est un sens puissant mais beaucoup moins estimé culturellement que la vue ou l’ouïe. C’est un sens archaïque, non pas au sens désuet du terme, mais dans le sens qu’il appartient à la période la plus ancienne de l’histoire d’un individu, ce qui n’a pas empêché certains de le taxer d’antédiluvien.

Depuis Kant, de l’eau aura coulé sous les ponts. Aujourd’hui, l’on sait que c’est aux environs de sept mois in utero que l’enfant acquière ses premières sensations olfactives. L’odorat apparaît donc bien avant le sens de la vue, plus tardif. Par l’intermédiaire de ce travail olfactif préliminaire, l’enfant, une fois né, est capable de reconnaître sa mère grâce à son odeur.

Cependant, afin que la reconnaissance olfactive de la mère par l’enfant se fasse, il est nécessaire que cette dernière n’utilise ni savon, ni aucune autre matière parfumée car le bébé ne la reconnaît plus « si elle vient à se laver et à se parfumer »3.

L’odorat est donc un sens primitif mais pas au sens péjoratif du terme. Il faut comprendre primitif comme premier, alors que l’appendice nasal, cette « partie la plus en avant de la personne »4, en est l’avatar qui se voit comme le nez au milieu de la figure ! Ce qui en fait le plus direct, et le plus sensible aussi, de tous nos sens. Mais, de l’iceberg, il n’en est que la partie visible. « Symbole de clairvoyance, de perspicacité, de discernement, [il est] plus intuitif que raisonné »5. Symbolique que l’on retrouve dans l’expression « avoir du flair » qui accorde davantage la primauté à l’intuition qu’à l’olfaction au sens strict.

Comment comprendre que le sens de l’odorat est un sens intuitif ? Pour cela, il faut creuser au centre du cerveau. A l’intérieur des narines, on trouve les muqueuses nasales. A cet endroit se déroulent des échanges entre l’intérieur et l’extérieur. Dans ce sas, nous trouvons des dizaines de milliers de cellules olfactives6 qui sont de véritables neurones extérieurs.

Tout d’abord, les cellules olfactives détectent une odeur x ou y : on parle alors de seuil de détection. Si la même odeur est à nouveau rencontrée plus tard, les cellules olfactives la reconnaissent : on parle de seuil de reconnaissance ou d’identification. Lors du premier seuil, on détecte donc une odeur sans pouvoir l’identifier, et pour cause, on ne la connaît pas ! Tandis qu’au seuil suivant, on peut mettre un nom sur l’odeur reconnue7, nom dont l’essence même dépendra de superlatifs et de comparatifs qui ne sont pas toujours à même de bien la décrire.

Voici donc maintenant comment se synthétise le voyage d’une odeur inconnue jusqu’au centre du cerveau : molécules aromatiques en quantité suffisante → nez → muqueuses olfactives tapissées de cellules olfactives → nerf olfactif → système limbique8 + hypothalamus reptilien.

Le système limbique, siège de la mémoire émotionnelle, permet l’encodage et le stockage dans le cortex olfactif des informations olfactives. Ces dernières sont alors ordonnées, triées, comparées, soupesées, etc. en bon/mauvais, agréable/désagréable, bénéfique/nocif, etc. Les informations olfactives sont ensuite transformées en images mentales.

Quant à l’hypothalamus reptilien, il donne la marche à suivre en fonction des conclusions prises par le système limbique. Il y aura attraction si l’odeur est appréciée, répulsion si elle est détestée. L’odeur suscite donc une modification humorale et/ou comportementale, donc une prise de décision, parfois malgré nous, ainsi qu’une anticipation face à une odeur en particulier qui peut être vectrice de stress9.

S’il s’agit non pas d’une odeur inconnue mais d’une odeur connue, le chemin est le même à une exception près : lorsque l’odeur est reconnue, cela provoque le réveil des souvenirs et des émotions liés au contexte de la première rencontre avec l’odeur en question. Lorsqu’elles sont détectées ou identifiées, les odeurs ne sont pas filtrées. On en prend donc plein le nez ! Le cerveau reptilien n’impose donc aucune censure, le chemin entre le nez et le système limbique est si direct que le cerveau reptilien n’a pas le temps d’y mettre son grain de sel. Bien plus que des pieds-dans-la-porte, les odeurs provoquent de véritables pieds-dans-le-nez !10 Ces informations olfactives ne sont pas toutes soumises au gril de la conscience, une fraction dissimulée peut revenir plus tard à la faveur d’un stimulus.

Comme nous l’avons dit, le système limbique est à la fois le siège des émotions et de la mémoire.

A travers cette approche de l’olfaction, nous pouvons nous rendre compte de l’intrication de la mémoire et des émotions, terreau fertile de l’olfactothérapie, méthode que nous évoquerons un peu plus loin dans ces pages.

L’on sait aujourd’hui que la mémoire travaille conjointement avec l’odorat. Que les odeurs provoquent la remontée de souvenirs et d’émotions liés au contexte de leur rencontre avec elles. A ce titre, c’est très souvent à base d’images que nous ancrons les souvenirs olfactifs11. Ainsi, il est plus facile de remonter dans le temps et dans ses souvenirs grâce aux odeurs que de compter sur des photographies qui illustrent des événements dont le seul visionnage ne permet pas toujours d’ancrer un instant, figé sur la pellicule, dans un contexte particulier12.

Pour comprendre la portée chimique d’un sens tel que l’odorat, il faut se pencher plus avant sur les échanges qui se déroulent au sein du cerveau. A la suite des stimuli olfactifs reçus par le système limbique, ce dernier envoie toute une foule de messagers chimiques. En fonction de la qualité du stimulus, la réponse chimique dépendra.

Parmi ces messagers, on trouve l’enképhaline, neurotransmetteur de l’analgésie, elle permet donc de lutter contre les sensations de douleur. Nous trouvons également les endorphines qui jouent à peu de chose près le même rôle que l’enképhaline à cela près qu’elles permettent une augmentation de la sensation de bien-être, en compagnie de la dopamine, « substance neurochimique qui stimule les circuits cérébraux de la motivation et du plaisir »13 et de l’ocytocine « qui renforce le désir de liens, […] le fait d’établir des liens suscite alors du plaisir et un sentiment de bien-être »14.

Enfin, nous n’oublierons pas la déjà très célèbre sérotonine impliquée dans la gestion de l’anxiété entre autres. Se déroulent donc au sein de l’être humain de véritables réactions chimiques en chaîne, sept glandes produisant pas moins de cinquante hormones !

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1. Comme, par exemple, Montaigne qui disait : « Les odeurs me changent, et agissent en mes esprits selon ce qu’elles sont ».

2. Kant, Hegel, Darwin, Freud, Simmel, etc.

3. Dont l’étude, chère à certains praticiens de la psychologie sociale, démontre la surprenante puissance.

4. Jean-Marie Pelt, Les langages secrets de la Nature, p. 135.

5. David Fontana, Le nouveau langage secret des symboles, p. 97.

6. Jean Chevalier & Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, p. 665.

7. Le nez humain en compte environ 10 millions.

8. On passe d’un seuil à l’autre en fonction du nombre de molécules x ou y contenues dans 1 ml d’air.

9. Il comprend, entre autres, l’hippocampe, plus volumineux chez la femme que chez l’homme (mémoire affective), l’amygdale (traitement de la peur, de la colère et de l’agressivité) qui, elle, est plus volumineuse chez l’homme que chez la femme et le septum (affectivité, sexualité).

10. Par exemple, se préparer à fuir face à une odeur qui provoque une sensation de peur. Du reste, il est bien connu que, face au stress, les deux options possibles sont la lutte ou la fuite, moyens permettant d’abaisser le niveau de ce stress.

11. Cependant, n’oublions pas que « ce n’est pas la senteur qui bouleverse, mais plutôt ce dont elle renouvelle la présence affective ». Brigitte Munier, Le parfum à travers les siècles, p. 81. 

12. C’est un mécanisme qui procède d’une synesthésie odorat-vue ou odorat-ouïe.

13. C’est presque à se demander si une photographie n’a pas davantage le rôle de combler la mémoire qui fait défaut que de susciter son retour à la conscience. L’on sait que les neurones olfactifs se renouvellent sans arrêt. On comprend mieux le rôle que peuvent avoir les odeurs à travers une maladie comme la maladie d’Alzheimer, bien plus que ne pourrait l’avoir une image, même s’il est vrai que l’hippocampe est la première structure atteinte dans la plupart des cas de maladie d’Alzheimer, la mémoire affective et émotionnelle s’en trouve donc érodée. L’hippocampe, s’il est malmené, induit divers niveaux d’amnésie au prorata des dommages subis.

14. Louann Brizendine, Les secrets du cerveau féminin, p. 65.

15. Ibid. p. 65.

© Books of Dante – 2013