Le saphir

Du latin sappirus, du grec sappheiros, de l’hébreu sappir, de l’araméen sampir, tout cela emprunté sans doute à une langue indienne bien plus ancienne, autant dire que le saphir vient de loin. Ces étymologies, si elles font bien sûr référence à son nom, véhiculent un autre message : « la plus belle des choses. » Rien que ça!

Bien que relativement méconnue en lithothérapie comme l’indique M. Boschiero dans son Guide des pierres de soins, il n’en reste pas moins que le saphir a joui d’une grande réputation auprès des joailliers et des rédacteurs de lapidaires, en particulier à l’époque médiévale.

L’évêque de Rennes, Marbode, écrira dans son Lapidarius (XI ème siècle) : « Le saphir a une beauté pareille au céleste trône ; il désigne le cœur des simples, de ceux dont la vie brille par les mœurs et la vertu. » Hum. Je comprends mieux pourquoi maintenant l’émeraude était associée au Pape, surtout quand on pense à un type comme Borgia… Bref. La suite. Marbode, donc, indiquait l’emploi du saphir contre mensonges, envies et terreurs nocturnes, le saphir passant pour un puissant dissipateur de ténèbres. De par sa couleur usuelle – le bleu azur – il est symbole de la sphère céleste et donc du royaume de Dieu. C’est ainsi qu’il s’oppose à l’émeraude.

A ce bleu azur, on associe les aspects suivants : l’authenticité, le calme, la créativité, la compréhension, l’intuition, l’intelligence, l’introspection, la loyauté, la paix, la patience, les pensées élevées, la royauté, la tolérance, la vérité, etc.

Et nous verrons que ces aspects liés au bleu reviendront après Marbode, à travers les écrits laissés par un certain nombre de personnalités dont l’une, et pas des moindres, Hildegarde de Bingen dira du saphir qu’il est bouillonnant, que sa nature est davantage de feu que d’air ou d’eau et qu’il représente la charité emplie de sagesse.

Saint Louis, au XII ème siècle, indiquera que méditer sur le saphir amène l’âme vers la contemplation des cieux, sa valeur ouranienne et cosmique étant déjà bien marquée. Le Grand Albert mentionne également cette pierre précieuse : elle y est préconisée afin de retrouver la paix intérieure, la dévotion et la piété ; de même, elle permettrait de modérer l’ardeur des passions intérieures.

Dans ce Moyen-Âge, que certains considèrent comme obscur sinon obscurantiste, le saphir avait donc valeur de libérateur : il libérait la vue au sens propre (troubles oculaires) comme au sens figuré (en permettant de se libérer de prisons psychiques et émotionnelles telles que la colère et l’ignorance), tout en développant les facultés créatrices et imaginatives, l’intuition et les perceptions extra-sensorielles afin de guider l’esprit et l’aider à faire la distinction entre ce qui est favorable de ce qui ne l’est pas. Voilà pourquoi cette pierre de la vision juste a été considérée, aussi bien en Occident qu’en Orient, comme un puissant talisman contre le mauvais œil, bleu négatif véhiculant l’apitoiement sur soi, l’indifférence, la mélancolie et la tristesse, la peur et le mépris…

A la Renaissance, la mode des lapidaires est toujours fort en vogue et le saphir n’y fait pas exception. Jean de la Taille, dans son Blason des pierres précieuses, affirme que le saphir permet de garder une bonne mémoire et de viser le bon côté de chaque chose, alors qu’Anselmus Boëtius de Boodt, médecin et minéralogiste du XVII ème siècle, l’indique contre la dysenterie, les maux et affections cardiaques, les inflammations cutanées, les troubles oculaires, ainsi que – nous y revoilà! – le mauvais œil.

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Plus près de nous, M. Boschiero distingue nettement les différentes couleurs du saphir. Parce qu’il est hélas vrai que la couleur qui lui est le plus communément associée n’est autre que le bleu. Or, il peut se parer de bien d’autres couleurs comme le jaune plus ou moins nuancé de orange, le vert, le rose, le violet, le noir, etc.

Synthétisons :

* Quand il est bleu clair, le saphir s’associera aux chakras de la gorge et du 3° œil Il possède des propriétés analogues à l’aigue-marine et à la topaze bleue. Il vise la douceur et la tendresse, facilite les échanges et développe les perceptions extra-sensorielles.

* Quand il est bleu franc, il est destiné aux chakras supérieurs, 3° œil et couronne. Il permet de développer l’imagination, l’inspiration et la créativité, apporte calme et apaisement (lutte en cela contre insomnie et migraines, troubles intérieurs peu propices à la paix), vise une spiritualité élevée.

* Quand il est jaune, on l’associe aux deux chakras inférieurs que sont le plexus solaire et le sacré. Il joue alors le même rôle que la citrine.

On purifiera le saphir à l’eau distillée salée et on le chargera sur un macle de quartz ou à la lumière lunaire (là, je suis étonné qu’on ne puisse pas l’exposer au soleil… Possible déperdition de ses couleurs en ce cas?)

Sans doute confondu avec le lapis-lazuli et l’azurite durant l’Antiquité, le saphir n’en est pas moins apprécié depuis aussi longtemps. C’est une variété de corindon, tout comme le rubis en est une autre, la couleur bleue du saphir étant liée à des inclusions d’oxyde de fer et d’oxyde de titane, chaque inclusion donnant lieu à une couleur bien particulière.

Books of Dante – 2011

Le rubis

Si beaucoup d’encre a coulé à propos du rubis, cela aura été plus à tort qu’à raison. Au Moyen-Âge ainsi qu’à la Renaissance, on parle de carbunculus, de carboucle, de carboncle, de carbuncle, de charboncle, de charbuncle, d’escarboucle, etc. pour désigner le rubis mais également toute pierre brillant d’un rouge et vif éclat. Voilà pourquoi on a associé à ces termes, sans réel discernement, le grès rouge, le grenat, etc. lesquels, nous en conviendrons, n’ont que peu de rapport avec le corindon qui nous préoccupe. Ce qui n’a pas facilité l’identification aisé du rubis, c’est que ces anciens termes désignent aussi ce que l’on appelait « charbon », infection bactérienne plus connu sous le nom d’anthrax. Cependant, aura été associé à cet ensemble de termes le synonyme de lumière, plus précisément de « lanterne », le rubis n’étant pas autre chose qu’une braise rougeoyante, un brandon ^^

Bref. On ne les confondra pas avec les almandins et les pyropes qui ont chacun à voir avec les grenats et non avec le rubis (du latin médiéval rubinus, du latin classique rubeus, rouge). A travers ce flou minéralogique plus ou moins volontairement entretenu, il aura été facile de faire passer des grenats pour des rubis, tout comme l’on vend des vessies pour des lanternes.

Sans doute sont-ce les légendes associées au rubis qui auront fait de lui l’escarboucle dont on parle. Par exemple, l’évêque Marbode (XI ème siècle) estime que les dragons et les vouivres portaient un rubis en guise d’unique œil. Mais que, dans ce cas précis, on parlait alors d’escarboucle, une sorte de grenat, chère à nombre de contes et légendes médiévaux.

Enfin, bon, bref, escarboucle et rubis n’ont pas grand-chose à voir, hormis une commune couleur. En puisant dans le domaine du fantastico-magique, on aura attribué au rubis de folles propriétés. Frédéric Portal nous dit que « s’il changeait de couleur, c’était un sinistre présage, mais il reprenait sa teinte pourprée lorsque le malheur était passé ; il bannissait la tristesse et réprimait la luxure, il résistait victorieusement au venin, prévenait la peste et détournait les mauvaises pensées. » Wow !

Le fait qu’il puisse changer de couleur, même si cela semble impossible, est intéressant. La couleur rouge du rubis, fort justement associée à Mars, est la couleur de la Vie et du Sang, la couleur de l’énergie vitale donc, ainsi que de la transformation ; elle symbolise royauté, puissance et passion amoureuse. Mais dès que cette couleur vire au rouge sombre, apparaissent avarice, impulsivité, colère, despotisme, égoïsme, instinct passionnel et pulsions sexuelles dégradantes. Portal n’a pas tout à fait tort ^^

Quant à ses propriétés antivenimeuses, quelle plante, quelle pierre n’a pas été, au Moyen-Âge comme à la Renaissance, affublée d’un tel pouvoir ! Nous tombons sous le coup des bézoards (à la Harry Potter, presque ^^), ces objets tant végétaux que minéraux réputés pour être d’efficaces contre-poisons et antidotes qui, bien qu’ayant été largement employés au Moyen-Âge naquirent en des temps plus anciens, en ces temps durant lesquels l’emploi du poison était affaire quotidienne, pour un oui, pour un non, dans la Grèce et la Rome antiques.

Malgré tout, des indications plus pertinentes ont fait leur petit bonhomme de chemin jusqu’à nous. Par exemple, les propriétés liées au sang. On croit le rubis hémostatique ; chez les Russes, pierre de sang par excellence, le rubis est considéré comme bon pour le cœur et, par extension, bon pour la vigueur. Le rubis est une pierre dont la couleur varie du rouge pâle au rouge dit « sang de pigeon ». ce sont des oxydes de fer en plus ou moins grande quantité qui sont responsables de cette coloration.

De par sa couleur et ses propriétés, c’est une pierre étroitement liée au chakra racine. Les personnes chez lesquelles ce chakra est trop actif (personnes autoritaires, colériques, hypertendues, violentes), cette pierre exerce un attrait évident. Mais elle ne fait qu’accroître les tendances sus-décrites. Tout au contraire, étant symbole de pouvoir, de courage et de force, elle sera alors très bénéfique aux personnes effacées et timides, voire craintives. Elle enracine ceux qui ont la tête dans les nuages et autres rêveurs pour qui la réalité matérielle n’est qu’un lointain souvenir. D’autres propriétés lui sont associées : stimulateur et régulateur du système sanguin, anti-asthénique. De plus, elle éloigne mélancolie et tristesse et enraie les tendances suicidaires.

L’extraction des rubis remonte à des temps déjà anciens, les plus anciens documents relatant cela remontent au VI ème siècle de notre ère, il est raisonnable de penser que cette activité est plus ancienne encore. Au Moyen-Âge, le rubis est très largement utilisé aux côtés du saphir comme pierre précieuse d’ornement sous forme de cabochon (forme simple qui trouve son origine dans les limites de façonnage propres à cette époque, ainsi qu’à la volonté de perdre le moins possible de matière comme la taille peut l’occasionner).

Sur l’image ci-dessous représentant la couronne du roi de Bohème Venceslas (XIV ème siècle), nous voyons des saphirs et des rubis dont l’un, le plus gros, ne pèse pas moins de 250 carats.

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Enfin, je ne saurais trop recommander la prudence dès lors qu’on à affaire au rubis, celui-ci, de par sa rareté, a été et est encore l’objet de trafics plus ou moins douteux. Le terme même de rubis étant l’occasion d’inventer de nouvelles appellations pour les associer à des pierres déjà existantes qui n’ont aucun rapport avec le rubis. Nous pouvons donc trouver le rubis de Bohème (quartz rose), le rubis mexicain (opale de feu), le rubis spinelle (spinelle rouge), etc.

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Rhomboédriques ou tabulaires, les cristaux bruts de rubis sont parfois façonnés sous forme de cabochons, en particulier lorsqu’il s’agit d’un rubis étoilé. C’est la réflexion de la lumière sur des aiguilles de rutile qui forme cette étoile mouvante.

© Books of Dante – 2011

L’émeraude

Dotée de puissance et de multiples pouvoirs, l’émeraude a été désignée comme le plus puissant talisman en particulier à travers les traditions populaires médiévales.

Comme de nombreuses autres substances, tant minérales que végétales, l’émeraude n’échappe pas à la scission très nette qui s’est installée entre aspects fastes et néfastes. Par exemple, dans la tradition chrétienne, elle est associée aux plus dangereuses créatures des Enfers (n’oublions pas la fameuse émeraude tombée du front de Lucifer lors de sa chute). Mais, comme la lame d’une épée, l’émeraude est à double tranchant : issue des Enfers, elle peut se retourner contre ces mêmes créatures infernales puisqu’elle connaît tous leurs secrets… Ceci dit, la pierre du Pape, c’est l’émeraude. Cherchez l’erreur…

Pierre de la lumière verte, elle porte en elle une forte valeur ésotérique dont l’illustration la plus frappante et la plus emblématique est sans nul doute aucun la fameuse Tabula Smaragdina qui recèle le Secret de la création des êtres et la Science des causes de toutes choses. C’est donc une pierre de savoir, de connaissance et de sagesse, mais elle n’échappe pas à l’ambivalence. A l’aspect béni s’oppose l’aspect maudit, les valeurs ouraniennes et chthoniennes se sont progressivement divisées sous l’influence du christianisme qui fit des premières le « Bien », des secondes le « Mal ».

Voilà donc pourquoi l’alchimie aura été qualifiée de science maudite, l’émeraude – pierre d’Hermès – étant à la fois Graal et dragon. A ce titre, le trésor de Munich contient une statue équestre de Saint Georges exécutée à la fin du XVI ème siècle par Friedrich Sustris. La voici :

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Nous voyons Saint Georges en bleu saphir (couleur céleste) juché sur un cheval blanc (couleur solaire) qui terrasse le dragon, le saphir sec et solaire s’opposant à l’aqueuse et lunaire émeraude.

Bref. Dragon ou pas, il n’en reste pas moins que l’émeraude possède un potentiel réel. Pierre de la clairvoyance (elle est douée de propriétés oculaires ^^), placée sur la langue, elle est censée permettre la conversation avec les esprits afin de connaître l’avenir. Elle apporte aussi richesse et fertilité spirituelles, avive la mémoire et affine la concentration : ce sont toutes ses propriétés neurotoniques et neurotropes qui sont ainsi mises à l’honneur.

Apaisante, elle apporte la paix intérieure et harmonise les différents plans (physique, intellectuel, émotionnel) entre-eux. C’est sans doute pour cette raison qu’elle a la réputation d’être efficace en guise d’amulette contre les terreurs, la panique, les démons et leurs maléfices. On dit d’elle qu’elle rend impossible toute fascination, au sens d’attrait irrésistible et paralysant, bien entendu (du latin fascinatio : enchantement, charme).

Pierre du cœur associée à Vénus chez les Romains, elle trouve donc tout naturellement sa place sur le chakra du cœur. Elle permet d’effacer les peines affectives comme l’affirmera déjà en son temps Hildegarde de Bingen (XII ème siècle) : « Celui qui souffre du cœur (…) conservera sur lui une émeraude. »

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Bien que puissante, elle est dite timide et solitaire, raison pour laquelle on ne l’associera jamais qu’avec des pierres roses (rhodonite, rhodocrosite, etc.), le rose étant l’autre couleur du cœur, ou bien des pierres incolores comme le diamant afin d’en intensifier les effets. Surtout pas d’autres pierres, cela lui ferait perdre immédiatement ses pouvoirs, à la façon de sa couleur qui pâlit à la lumière du soleil. Eh oui ! N’oublions pas que l’émeraude est une pierre lunaire. Ainsi donc, on la purifiera à l’eau distillée sans sel, et cela peu souvent, n’absorbant que peu les énergies négatives.

L’émeraude est un béryl comme en sont également l’aigue-marine, la morganite ou l’héliodore par exemple. Ce sont avant tout leurs couleurs qui les distinguent, l’émeraude arborant une couleur allant du vert jaune au vert bleuté en passant par la fameuse couleur vert franc et soutenue dit vert smaragdin.

Le vert est associé au don de soi, à la régénération (chez les Aztèques, l’émeraude symbolise le renouveau printanier), au calme, à l’équilibre, à l’espoir, à la franchise, à l’harmonie, à l’ouverture, à la sincérité, à la guérison… Différents aspects qui sont indubitablement propres à l’émeraude elle-même.

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Van Gogh : digitale, absinthe et saturnisme

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Cette toile de Vincent Van Gogh représente le Docteur Gachet. Elle a été exécutée en 1890, durant les derniers mois de l’existence du peintre à Auvers-sur-Oise.

Si l’on observe cette toile, on constate, au premier plan, une plante : il s’agit d’une tige de digitale, plante hautement toxique et tonique cardiaque réputé.

Ce médecin s’occupa de Vincent lors de son ultime séjour (mai-juillet 1890).

Une hypothèse veut que le Docteur Gachet ait prescrit de la digitale à Vincent, car, croyait-on, elle aurait le pouvoir de guérir la folie. Pourquoi donc n’aurait-elle pas pu soigner Vincent après ses épisodes douloureux à Arles avec Gauguin et ensuite à Saint-Rémy de Provence ?

Cette hypothèse repose sur le fait qu’une intoxication à la digitale induit des hallucinations ainsi qu’une coloration de la vision en jaune. Or, nombreuses sont les toiles de Vincent à faire prévaloir cette couleur. Mais ce qui ne colle pas, c’est que ces toiles jaunes (Champ de blé avec vue d’Arles, La plaine de la Crau, Moisson en Provence, Les tournesols, La maison jaune, Le café de nuit, Le semeur, etc.) datent d’une période antérieure * à l’arrivée de Vincent à Auvers-sur-Oise et, donc, de sa rencontre subséquente avec le Docteur Gachet, l’homme à la digitale… Cette tendance au jaune se retrouve aussi dans la période suivante ** mais dans une moindre mesure.

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La maison jaune, à Arles.

Des sources qui ont l’air de rumeur annoncent qu’en 1888, alors que Vincent était à Arles, le Docteur Gachet prescrivait sa fameuse digitale à Vincent : impossible. Les deux hommes ne se connaissaient pas encore ! Fraude intellectuelle ? A-peu-près ? Négligence ? Bref, exit la digitale.

Orientons nos recherches ailleurs. Plus d’une centaine de psychiatres se sont, à ce jour, penchés sur le cas de Vincent. Certains ont évoqué la schizophrénie, d’autres un trouble bipolaire. Enfin, l’épilepsie et la syphilis furent mis au banc des accusés.

Ces possibles maladies peuvent être aggravées par des problèmes supplémentaires qui s’y grefferaient donc : surmenage, manque de sommeil, alcool, etc.

Alcool. En particulier, l’absinthe, que Vincent consommait volontiers et, déjà, lors de son séjour à Arles, sa période « jaune ».

L’absinthe, fameuse fée verte, « atroce sorcière » selon Verlaine qui en bu lui-même pas mal, est bien connue, en particulier par l’un de ses principes actifs, la thuyone, un terpène semblable au THC. Or, la thuyone peut faire surgir, à haute dose, une maladie qui se nomme xanthopsie, trouble visuel qui amène à voir les objets en jaune, d’où, peut-être, la prédominance de jaune dans les toiles de Vincent lors de son passage dans le sud de la France.

Mais, en 1991, on met en évidence une aberration : avant d’avoir absorbé suffisamment de thuyone pour voir apparaître ce trouble visuel, l’ingestion d’alcool, à elle seule provoque la mort bien avant les effets désastreux de la thuyone en elle-même. La mort, sinon la démence. Quoique l’épisode de l’oreille coupée (Arles, le 24 décembre 1888) survienne en pleine crise de démence, après consommation d’absinthe par Vincent, coutumier du fait.

Lune de fiel pour Vincent. Ne peignit-il pas une petite toile sobrement intitulée « L’absinthe » (1887) lors de son passage à Paris, avant l’échappée belle en Provence ? La voici :

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Comme l’indique Benoît Noël, auteur du petit livre Un mythe toujours vert : l’absinthe paru à L’esprit frappeur en 2000, cette toile porte en elle une symbolique mortuaire :

« À sa manière, cette nature morte est un autoportrait et l’on admettra ou pas, en l’observant en détail, que la croisée de la fenêtre puisse suggérer une croix fichée au beau milieu du tableau et que la table en marbre évoque plus ou moins une dalle mortuaire pour ne rien dire du verre à l’allure de calice. D’aucuns prétendront donc que l’absinthe creuse la tombe de l’artiste et que la messe est dite ! »

Une autre hypothèse a été avancée. Vincent aurait pu être victime d’un empoisonnement au plomb que contenaient les tubes de peinture qu’il utilisait ou… ingérait. Cette intoxication au plomb porte un nom : le saturnisme (Saturne est le symbole du plomb en alchimie).

C’est bien possible après tout, d’autant plus que le XIX ème siècle a vu une explosion des cas de saturnisme, en particulier à travers l’emploi de peintures à la céruse de plomb.

Le saturnisme est une intoxication aiguë ou chronique par le plomb. Il est inducteur de troubles qui sont réversibles ou non en fonction du seuil de toxicité.

En se rendant dans le sud de la France, Vincent chercha à fixer la lumière, ses jaunes, ses soufres, ses ors…

Lumière qui manquait cruellement à son Brabant natal et qui avait bien du mal à percer à travers ses toiles (cf. la loupiote falote de ses « mangeurs de pommes de terre »).

Le Sud fut une explosion solaire. Si le plomb est la cause indirecte ou non de la mort de Vincent, il reste encore incrusté dans ses toiles, là, sous le vernis…

Du plomb à l’or, telle aura été la mutation de Vincent, à l’image de ces vitraux sertis de plomb qui laisse passer la lumière céleste…

Il est vrai que la chaleur du Sud fait vibrer les couleurs. Si on prend en compte les toiles peintes par Vincent à Auvers-sur-Oise durant les deux derniers mois de son existence, on constate que le jaune est bien moins utilisé que lors de son passage dans le Sud. Faut dire qu’Auvers-sur-Oise c’est pas trop dans le Sud, aussi ! Au-delà de cet argument qui n’en est pas un, la quête de l’or du ciel par Vincent n’a rien d’un hasard comme nous l’apprend la lettre 522 à son frère Théo :

« Nous avons maintenant une merveilleuse et puissante chaleur sans vent, c’est mon affaire. Un soleil, une lumière qui, faute de meilleures appellations, je peux seulement qualifier de jaune, jaune soufre pâle, jaune citron pâle. Mais que le jaune est beau ! Et comme je verrai mieux le Nord après ! »

Vincent est très influencé par Monticelli, qui était pour lui un modèle et dont la couleur de prédilection était le jaune ! Il est vrai que Vincent était victime d’accès de paranoïa, de profonde mélancolie et de graves défauts psychiques. Il en a conscience lui-même comme il l’indique dans la lettre 481 :

« Notre neurose (névrose) provient en partie de nos mœurs artificielles, mais elle est aussi une part d’héritage lourde de conséquences, car, dans notre civilisation l’homme s’affaiblit de génération en génération. Prends notre sœur Wil ; elle n’a ni bu, ni vécu dans la débauche, et il y a pourtant une photographie d’elle, où elle a un regard d’aliéné – c’est la preuve que nous aussi, si nous ne voulons pas nous leurrer sur notre véritable état de santé, nous faisons partie de ceux qui souffrent d’une neurose longtemps préparée ».

A Arles, hallucinations visuelles et auditives se poursuivent, Vincent s’imagine qu’on veut l’empoisonner, ses comportements inquiètent la population, une pétition est signée par le voisinage et vise son internement. Mais nous ne sommes pas encore à Saint-Rémy.

« Au lieu de manger suffisamment et régulièrement, je me serais maintenu avec du café et de l’alcool. Mais pour atteindre le ton jaune intense que j’ai atteint cet été, il a fallu que je me stimule pas mal ».

On peut se poser la question de savoir ce que Vincent entend par « stimulant »… dans cette lettre n° 581.

En mai 1889, Vincent demande son propre internement à l’asile de Saint-Rémy de Provence, à condition de pouvoir encore travailler. Mais de nombreuses crises de démence pendant lesquelles il ingurgite le contenu de ses tubes ont pour conséquence de le voir être interdit de toute activité créatrice, d’autant plus que les crises de plus en plus fréquentes, de plus en plus intenses, de plus en plus rapprochées mettent Vincent sur le carreau.

Désireux de revenir dans le Nord, il entreprend donc son ultime voyage à Auvers-sur-Oise. « Mais que le jaune est beau ! Et comme je verrai mieux le Nord après ! » indique-t-il dans la lettre n° 522.

Enfin, le 27 juillet 1890, soit deux jours avant sa mort, il se tire un coup de pistolet en pleine poitrine. Du plomb dans un cœur d’or…

Vincent est une étoile, et, pour le citer une dernière fois :

« Ces étoiles brillent toujours et existent dans d’autres sphères ; elles poursuivent dans d’autre mondes le travail qu’elles ont interrompu sur Terre ».

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*[Arles, février 1888-mai 1889]

**[Saint-Rémy de Provence, mai 1889-mai 1890]

© Books of Dante – 2008

Le symbolisme du violet

Le violet porte en lui de multiples symboliques. Il peut être, tour à tour, symbole de chagrin, de deuil religieux comme de noblesse.

Couleur rare à l’état naturel, couleur secondaire, pour peu qu’on sache qu’elle se compose de deux parts de magenta pour une part de cyan, elle peut nous en dire beaucoup sur elle.

Tout comme nous l’avions fait pour le symbolisme du noir, venons-en à nous pencher sur l’arcane qui suit la Mort dans le Tarot de Marseille, la lame XIIII, la Tempérance :

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Nous y voyons un ange tenant dans chacune de ses mains une vasque rouge et une vasque bleue. Le rouge est puissant, symbole d’action, il implique une certaine force de par son caractère martien. Au contraire, le bleu, tout en sagesse vénusienne, autorise une certaine douceur.

Et c’est cet équilibre entre le rouge chthonien et le bleu cosmique que la lame XIIII nous indique, c’est-à-dire la tempérance, autrement dit, modération et sobriété. C’est donc l’alliance des sens et de l’esprit, de la passion et de l’intellect, de l’amour et de la sagesse, etc. Le violet, bien qu’invisible sur cette lame, quand bien même les deux fluides s’unissent, semble être le résultat d’une transfusion spirituelle. Si cette couleur apparaît en guise de mystère, c’est très certainement parce qu’elle est la couleur du secret. En son sein « va s’accomplir l’invisible mystère […] de la transformation ». Raison pour laquelle le violet peut revêtir un fort pouvoir initiatique. Un rapport avec le pouvoir spirituel et magique, s’entend, étant une couleur de transmutation permettant d’atteindre la blancheur. A ce titre, le violet est une couleur permettant de faire accéder la conscience à de hautes sphères, il n’est donc pas étonnant que le chakra de la couronne soit lié à cette couleur précisément.

On retrouve l’alliance du rouge et du bleu sur une enluminure qui se trouve dans l’édition de Perceval le Gallois datant de 1997. La voici. Observons bien la disposition des couleurs bien loin d’être placées au hasard.

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Perceval – en rouge – est alors guerrier. On retrouve donc bien ici le symbole de Mars. Face à lui, Gornemant de Goort, va procéder à l’adoubement de Perceval, autrement dit le faire chevalier. Remarquons maintenant le bleu dans les hauteurs de la nef, un bleu qui donne à la scène le calme qu’une telle cérémonie requiert. « Désormais, il est un initié. Il est un homme complet, à la fois expérimenté dans la connaissance de soi-même et connaisseur des mystères de l’intériorité ».

Et c’est cela, la noblesse du chevalier, l’idée de devoir douloureux, de sacrifice mais également la signature de sa grandeur, même s’il est vrai qu’à travers cela le violet est couleur d’apaisement puisque l’ardeur du rouge – ici le tempérament guerrier de Perceval – s’y dilue. Le violet est donc symbole d’obéissance – sinon d’obédience – et de docilité. C’est d’autant plus vrai à bien considérer l’adoubement qui faisait du chevalier le vassal du seigneur. Obéissance et docilité, on retrouve ces deux notions dans la couleur de la robe de l’évêque dont l’étymologie nous apprend dans quelle mesure ce personnage peut être un modérateur.

Dans l’édition de Perceval le Gallois illustrée par Heraclius (Jean-Luc Leguay), sur aucune des enluminures présentes nous ne trouvons la couleur violette quand bien même le mot « violet » est mentionné dans le texte de Chrétien. Hormis cette ultime enluminure qui clôture l’ouvrage de Chrétien de Troyes :

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Nous y voyons Perceval portant une tunique non pas rouge mais pourpre [1]. Il tient le Graal dans sa main droite, à ses côtés la lance qui saigne et la Sainte-Eponge.

Perceval parviendra-t-il à utiliser le Graal à bon escient ? Se parera-t-il un jour de violet ? Nous ne le saurons pas, cette couleur, cette pourpre, indique un certain inaccomplissement dans la quête de Perceval narrée à travers ce roman médiéval également inaccompli parce qu’inachevé par Chrétien de Troyes. Décidément, ce violet est bien mystérieux… ^^

[1] Petit clin d’œil à ceux qui s’intéressent à l’héraldique : pourpre signifie violet dans l’art des blasons.

Sources :

Le langage secret des symboles, David Fontana, Éditions Solar, 1994.

Dictionnaire des symboles, Jean Chevalier & Alain Gheerbrant, Robert Laffont, 1982.

Perceval le Gallois, Chrétien de Troyes, Éditions Ipomée-Albin Michel, 1997.

Signes et présages dans la vie quotidienne, Jean-Louis Victor, Éditions De Vecchi, 1997.

L’univers des cristaux, Jennie Harding, Le courrier du livre, 2007.

ABC de la radionique, Michel Grenier, Grancher, 2006.

©  Books of Dante – 2012

La magie des plantes : alchimie et aromathérapie

Considérons une plante x ou y. En tant qu’organisme vivant, elle est dotée d’une aura, comme vous et moi (enfin, j’espère pour vous ^^). Autrement dit, elle est habitée d’une énergie. C’est une partie de cette énergie que la plante vous prodigue lorsque vous utilisez ses feuilles, ses racines, ses graines, etc. à l’occasion d’une infusion, d’une décoction ou à travers n’importe quelle autre forme galénique qui soit. Mais qu’en est-il des huiles essentielles ? Pour tenter de comprendre ce qu’il se passe, revenons quelque peu en arrière.

Avant tout, la matière végétale de base devra être exempte de toute forme de pollution ainsi que de tout autre additif de nature chimique et pernicieuse versé par la main de l’Homme. Ce n’est que dans ces conditions (entre autres) qu’elle pourra être distillée dans un alambic.

Décortiquons.

Pour fonctionner, un alambic a besoin d’une source de chaleur (élément FEU). A l’intérieur de ce même alambic, on dispose une certaine quantité d’eau (élément EAU). Sous l’action combinée du feu et de l’eau, nous obtenons une vapeur d’eau (élément AIR) qui va entraîner les molécules volatiles aromatiques dans le serpentin. La matière métallique avec laquelle l’alambic est fabriquée renvoie, quant à elle, à l’élément TERRE. Nous avons là nos quatre éléments. Mais tout cela n’est que fragmentaire. En effet, les éléments ne se réduisant pas qu’à un seul quaternaire. Observons plutôt.

Maintenant, qu’en est-il de la Lumière ? (celle-là même que la plupart des ésotériqueux boutonneux ainsi que d’autres qui ne sont plus en âge d’être infestés de bubons acnéiques oublient, ou méconnaissent, ou ignorent, etc.). On la retrouve dans la plante même, grâce au fabuleux système qui s’appelle selon ce terme magique : photosynthèse (photos, en grec, signifiant lumière). Laquelle même photosynthèse permet à la plante de tirer ses bienfaits grâce à l’étoile que nous nommons Soleil. L’Obscurité, le pendant nécessaire de la Lumière, quant à elle, est symbolisée par l’intérieur de l’alambic, véritable athanor. Mais arrivé là, cela n’est pas fini. Il nous manque le septième et dernier élément, et pas des moindres : la Nature. Ceux qui savent compter auront constater que nous avons entre nos mains 7 éléments, chiffre magique. La Nature n’étant autre que la plante placée dans l’alambic.

Comme nous le savons, après des réglages techniques minutieux digne d’un horloger et un modus operandi qui varie d’une plante à l’autre, nous obtenons l’huile essentielle (ou huile éthérée comme disent nos cousins « germains » :) ) qui flotte sur un hydrolat aromatique. Cette distillation est donc une séparation entre le subtile et l’épais (étant, lui, représenté, par la masse végétale initiale que l’on retrouve à l’état de « gâteau » dans l’alambic en fin de distillation quand les petites fées s’en sont allées ailleurs).

La distillation permet donc l’extraction (étymologie : tirer au dehors) d’une substance extirpée d’une plante par la force et le bon vouloir des éléments (que l’on se penche sur la distillation de l’hélichryse d’Italie – Helichrysum italicum ssp. serotinum – ou de la rose de Damas – Rosa damascena, et l’on se rendra très rapidement compte qu’il s’agit d’une toute autre histoire).

Comme si l’on mettait à l’air libre, comme si l’on faisait exploser à la face du monde ce que la plante possède de plus précieux mais que nous, trop pressés, ne savons voir, ne sachant que passer auprès de la plante d’un pas trop rapide. Ce que cette distillation permet d’obtenir est ce que Paracelse nommait la quinte essence, c’est-à-dire la cinquième essence, pur produit des quatre éléments réunis. Nous pouvons aisément dépasser le concept paracelsien (une connaissance s’appuyant sur une autre connaissance pour ne pas grandir ne saurait être nommée connaissance). Nous parlerons désormais, non plus de quinte essence mais d’octople essence, autrement dit : la réunion des 7 éléments cités plus haut qui en donnent un autre, le huitième, symbole d’infinitude.

Quand sonne le glas, l’esprit d’une personne se détache de son corps physique. N’en est-il pas de même lors du procédé que l’on nomme distillation, épreuve de séparation d’une infime fraction éthérée/énergétique/spirituelle du corps même de la plante ? Le parallèle est, par trop, flagrant pour ne pas être repéré sinon souligné. De ce fait, un flacon d’huile essentielle, empli de l’âme/esprit d’une plante, quand bien même la plante utilisée pour la produire est morte, cette huile essentielle est, toujours et encore, capable de nous délivrer de multiples messages. Si elle le veut. Parce que, sachez qu’une huile essentielle ne vous donnera jamais plus que ce que vous êtes capable de donner pour elle.

Entrer en communication plus profonde avec l’esprit d’une plante (enfermé dans un flacon à l’image du génie dans sa lampe ^^) ne saurait se passer d’un certain savoir-faire qui demande de s’aligner avec elle selon un même diapason. Moui, je vois d’où je suis assis les dubitatifs sarcastiques qui, dans leur fors intérieur, se disent : « Il est fou, il parle aux plantes… » De là, je leurs rétorque qu’on apprend davantage des plantes, en bonne communion, qu’avec bien des êtres humains (qu’ils se rappellent ce que l’on nomme les réseaux trophiques. La plante est, et sera, toujours le premier maillon avant l’Homme).

Ainsi donc, lorsque j’observe l’aura que propage une huile essentielle, en vertu du même principe de séparation que j’ai indiqué plus haut, je suis en mesure de dire qu’en aucun cas une huile essentielle, disons de gingembre, ne possède la même couleur d’aura qu’une main de gingembre toute fraîche.

L’Aromathérapie ne saurait donc être reléguée au vague rang d’une seule et simple technique thérapeutique. C’est une poly-technique énergétique et, partant, magique, selon la simple équation qui veut que énergie => magie. Et notez bien que je n’ai pas placé un « = » entre ces deux termes, la magie procédant de l’énergie et non l’inverse comme cela est bien trop souvent dit malgré mon goût.

Pas magique, l’Aromathérapie ?

© Books of Dante – 2012.

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