Huile essentielle de vétiver

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Bien qu’on cultive un vétiver « expatrié » dans diverses régions du monde aujourd’hui (USA, Brésil, Réunion, Madagascar, Kenya…), cette plante est originaire du sud-est asiatique (Inde, Sri Lanka, Birmanie, Pakistan, Thaïlande, Cambodge, Indonésie…).
Ses probables origines indiennes (le mot « vétiver » provient de la langue tamoul) expliquent pourquoi on trouve dans un certain nombre de textes sanskrits des références au vétiver, tant pour ses qualités odorantes et culinaires, qu’à travers un ensemble de préparations médicinales, l’Ayurvéda en faisant grand usage. Aujourd’hui encore, le vétiver est très estimé en Inde ; sur les marchés, on pourra le découvrir sur l’étal du gandhika (qui est aussi un prénom féminin signifiant « parfumé »), le marchand d’épices, entre une multitude de bâtonnets d’encens et des copeaux de bois de santal. Associé à de la gomme arabique, on en fait des boulettes qu’on brûle sur des charbons ardents.
Ses propriétés insectifuges sont également mises à l’honneur. Ses racines, une fois tressées, entrent dans la confection de tapis et de stores. Lorsque l’air est relativement humide, cela permet à ces paravents de décharger dans l’atmosphère des habitations des effluves parfumés qui mettent en fuite les insectes, moustiques entre autres (cela en fait donc un diffuseur d’huile essentielle tout ce qu’il y a de plus naturel). D’ailleurs, le terme javanais qui désigne le vétiver – akar wangi – fait directement référence aux pouvoirs odoriférants de la racine fibreuse du vétiver, puisque ce terme signifie « racine parfumée ».
Les racines du vétiver sont si longues et si résistantes, que la plante répond parfois au sobriquet de « chiendent des Indes » (qui a déjà tenté d’arracher de notre chiendent qui prolifère partout saura ce que je veux dire ^^). Elles s’enracinent si profondément que la plante est parfois utilisée pour lutter contre l’érosion des sols. Cela en dit long sur la capacité du vétiver à résister contre vents et marées, ce qui, du reste, rend sa récolte ardue et fort fastidieuse, un exercice exigeant de retourner des quantités conséquentes de terre afin d’en extraire les racines qui s’enfoncent parfois à près de trois mètres sous la surface. Ces racines servent, comme chaume, à la fabrication des toitures, comme aliment pour le bétail. Par ailleurs, la plante présente des capacités dépolluantes (comme le ginkgo, par exemple).

De la famille des Poacées (blé, chiendent, riz, herbe de la pampa…), le vétiver possède l’allure typique des citronnelles : une grosse touffe de feuilles lancéolées partant du sol et grimpant jusqu’à 2,50 m de hauteur, et, sous la terre, une longue barbe de racines plus ou moins blanchâtres.

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L’huile essentielle de vétiver en aromathérapie

Contrairement aux citronnelles, lemongrass et autre palmarosa, la partie végétale du vétiver qui intéresse le distillateur se situe sous la terre. Les racines sèches sont distillées par vapeur d’eau à haute pression. Ces racines, fines et denses, devront préalablement avoir passé environ un an sous terre avant d’être récoltées. Ce sont surtout celles de plans vieux de deux à trois ans qui sont arrachées. La distillation permet d’obtenir une huile essentielle « lourde » (densité : 0,99 à 1,02) ; le rendement, moyen, s’étalonne entre 1 et 2 %. L’analyse moléculaire révèle que cette huile essentielle est riche de molécules dites « rares » : sesquiterpènes et sesquiterpénols se partagent le gros des troupes (respectivement 20 et 35 %). On trouve aussi des cétones sesquiterpéniques et des acides, à hauteur de 12-13 % pour chacune de ces familles (ces proportions peuvent varier en fonction de la provenance de l’huile essentielle : Haïti, Madagascar, Réunion…). Cette huile essentielle de couleur brune à verdâtre est relativement épaisse et visqueuse. Pour en faciliter l’emploi, il est préférable de l’acheter dans un conditionnement muni d’une pipette et non d’un codigoutte qui aura rapidement tendance à s’encrasser. Ceci dit, dans ce cas précis, la lenteur du codigoutte permet d’apprendre la patience, d’autant que le vétiver est une huile essentielle « zen », faut pas trop la presser ^^, ce qui laisse tout le temps d’apprécier son odeur persistante, bien connue dans le monde des parfumeurs, que l’on peut qualifier de terreuse, boisée, fruitée, douce, chaude sans excès.

Propriétés thérapeutiques

  • Tonique circulatoire artérielle et veineuse, décongestionnante veineuse, lymphotonique, vasodilatatrice majeure
  • Antalgique, anti-inflammatoire
  • Calmante et apaisante cutanée, régénératrice cutanée, cicatrisante, raffermissante, anti-inflammatoire cutanée, régulatrice des excès de sébum
  • Immunostimulante
  • Stimulante endocrinienne (hypophyse, pancréas)
  • Emménagogue
  • Apaisante des muqueuses digestives
  • Insectifuge, antiparasitaire

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère circulatoire : insuffisance coronarienne, coronarite, vascularite, congestion lymphatique, varice, phlébite, hémorroïdes, rétention d’eau, œdème des membres inférieurs, couperose
  • Troubles hépatopancréatiques : insuffisance hépatique, insuffisance pancréatique, adjuvant dans le diabète par son effet stimulant sur le pancréas secrétant l’insuline
  • Douleurs locomotrices : douleurs articulaires, arthrite, névralgie, sciatique
  • Asthénie physique et psychique, épuisement, déficience immunitaire
  • Troubles cutanés : peaux sèches, réactives et sensibles, eczéma, urticaire, acné, piqûre d’insecte, transpiration excessive, séborrhée
  • Aménorrhée, oligoménorrhée
  • Stress, angoisse, dépression
  • Mites, gale, teigne, oxyures

Propriétés psycho-émotionnelles et énergétiques

D’aucuns affirment que le puissant système racinaire du vétiver autorise de fait à associer son huile essentielle au chakra de la racine et que, donc, elle « ancrerait et enracinerait ». C’est une explication insatisfaisante, peu convaincante et beaucoup trop restrictive. Pourquoi ?

=> Parce que le vétiver, c’est un feu modéré, mais un feu quand même (cf. acides, sesquiterpénols).
=> Parce que le vétiver, c’est de l’eau (cf. sesquiterpènes).
=> Parce que le vétiver, c’est de la terre, mais en très faible proportion (cf. cétones).

Si l’on considère que l’élément associé au chakra de la racine est la Terre, force est de constater qu’il est sous-représenté chez le vétiver. S’il est un chakra qui concerne particulièrement l’huile essentielle de vétiver, c’est Vishuddha ou chakra de la gorge, gérant la tranquillité d’esprit, la capacité de se détacher des pensées (on est très loin de s’enraciner…), tout cela permettant une disponibilité d’écouter autre que soi-même, et cela, dans l’apaisement et la relaxation. Ceux qui rabâchent, qui s’impatientent, qui coupent la parole, etc., ou, au contraire, qui sont muets et incapables de se faire entendre, devraient essayez l’huile essentielle de vétiver en liaison avec le chakra de la gorge, centre de la création abstraite, lui-même en relation avec le chakra sacré, siège de la création concrète.

Modes d’emploi

  • Voie orale diluée
  • Voie cutanée diluée ou pure si vous la supportez bien
  • Olfaction
  • Diffusion atmosphérique

Précautions d’emploi

  • Huile essentielle réservée à l’adulte. En éviter l’emploi chez la femme enceinte ou allaitant, ainsi que chez l’enfant de moins de six ans.

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La morelle douce-amère (Solanum dulcamara)

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Synonymes : douce-mère, herbe à la fièvre, vigne de Judas, vigne de Judée, morelle grimpante, crève-chien, etc.

L’Antiquité ne semble pas avoir retenue cette morelle, à moins qu’il ne faille en deviner la présence derrière des appellations trompeuses, chose qui, une fois de plus, rend difficile son identification exacte. Il y a eu diverses tentatives d’identification de la douce-amère dans la littérature antique. On a cru la reconnaître dans le strychnos hypnotikos de Dioscoride, ainsi que dans le smilax des jardins et le smilax lisse du même médecin. Cependant, il est peu probable que ces noms fassent référence à la douce-amère, si l’on en croit les descriptions de Dioscoride qui ne correspondant en rien au portrait de la douce-amère. C’est sans doute Matthiole, grand spécialiste de Dioscoride, qui est celui ayant été capable de discerner la morelle douce-amère sous le masque de celle que Dioscoride appelait ampelos agria, la « vigne sauvage », qu’il disait laxative et antihydropique. Or, il a été reconnu, par la suite, que la morelle douce-amère possédait bel et bien ces deux propriétés. Dioscoride note également que, de son temps, les baies constituaient une matière cosmétique de choix, ce que Matthiole ne manque pas de confirmer : il « rapporte que les femmes de Toscane usent […] de la douce-amère comme cosmétique et qu’elle s’emploie également en décoctions vineuses contre l’hydropisie et la constipation » (1), ce qui semble être une bonne piste. Au temps de Matthiole (XVI ème siècle), on distingue enfin, contrairement au Moyen-Âge, la douce-amère de la morelle noire, comme en atteste la dulcis amara de Jérôme Bock (1546). C’est chez cet auteur qu’on la rencontre pour la première fois sous ce nom, puis chez Dodoens sous sa forme actuelle, dulcamara, qui se décompose en dulcis (« doux ») et amara (« amère »). Ce mot « fait allusion aux deux goûts successifs de la plante sous l’action du ferment salivaire qui dédouble les glucosides » (2). Ce qui n’est pas tout à fait exact, puisque lorsqu’on mâche la tige de la douce-amère, c’est, en premier, l’amertume que l’on perçoit, laquelle laisse place à une saveur douce et sucrée qui pourrait faire oublier la toxicité non négligeable de cette plante…
Dès la Renaissance, on constate une sorte d’engouement pour cette morelle, et nombreux seront ceux qui l’appelleront désormais par son nouveau nom de dulcamara. Cette unanimité sera pourtant de courte durée puisque, tout comme cela s’est produit pour la morelle noire, les siècles suivants verront des avis contradictoires émerger au sujet de la douce-amère : pour certains, elle est tout à fait dénuée d’effets, pour d’autres, c’est tout le contraire. Aussi, dur-dur de s’y retrouver dans cette cacophonie d’experts.
En 1780, Carrère met largement en avant les vertus dépuratives de la douce-amère, suivi en 1820 par Desfosses qui découvre dans la plante ce qu’il croit être de la solanine, mais qui n’en est pas, comme le prouvera Masson près d’un siècle plus tard (1912). Il s’agit non pas de solanine mais de solacéine, un glucoalcaloïde propre à cette morelle.

La douce-amère est un sous-arbrisseau vivace, plus rampant que grimpant, et dont les tiges peuvent atteindre et parfois dépasser deux mètres. Tout comme la salsepareille, elle porte des feuilles aux formes diverses, mais elle est particulièrement reconnaissable en deux points. Le premier, ce sont ses fleurs violettes à grosses anthères jaune vif, disposées en inflorescences lâches (juin-septembre). D’un diamètre de un à deux centimètres, elles présentent des pétales étalés qui se recourbent vers l’arrière, comme celles de la morelle noire. Le second, ce sont des baies, tout d’abord vertes, puis jaunes, enfin rouge écarlate à maturité.
La douce-amère est assez fréquente dans la nature. On la trouve sur sol fertile, dans les bois humides, les haies, les longs des cours d’eau, en bordure de chemin, au pied des vieux murs et, parfois, il lui arrive de pousser sur d’autres végétaux, comme les saules têtards, par exemple (ça, c’est quand elle se prend pour une orchidée ^^).
Endémique à l’Europe, à l’Asie tempérée et au nord de l’Afrique, jusqu’à 1500 m d’altitude.

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La morelle douce-amère en phytothérapie

A l’instar de la morelle noire, la douce-amère est quelque peu passée de mode, même s’il est vrai qu’au contraire d’autres plantes impérissables dans le domaine de la phytothérapie, la douce-amère n’ait jamais vraiment déplacé les montagnes.
Les baies rouge vif de cette morelle sont-elles la matière médicale qui nous intéresse chez cette plante ? Gorgées de fructose, riches d’une huile végétale proche de celle que produit le ricin, ces baies contiennent aussi de l’acide citrique et de l’acide acétique, ainsi qu’un pigment qui leur donne cette jolie couleur rouge, identique à celui de la tomate, la lycopine. De fait, l’on pourrait en juger que ces baies sont sans véritable danger, si ce n’était la présence d’un glucoalcaloïde – la solacéine – très semblable à la solanine de la morelle noire, substance que l’on rencontre également dans une autre partie de la plante : ses tiges. Celles-ci sont récoltées à l’âge d’un an, en fin d’automne, tronçonnées en morceaux de cinq centimètres, fendus dans le sens de la longueur, avant d’être employés tel quel ou bien mis au séchage (délai de garde maximum : un an).

Propriétés thérapeutiques

  • Laxative
  • Diurétique
  • Stimulante
  • Sudorifique
  • Expectorante
  • Dépurative
  • Résolutive
  • Antirhumatismale, antigoutteuse

Ces propriétés peuvent paraître nombreuses concernant une plante peu plébiscitée aujourd’hui. Nombreuses mais légères. On retiendra surtout la propriété dépurative de cette morelle qui s’exprime davantage par le biais d’un usage interne, contrairement à la morelle noire qui vise les mêmes affections mais par voie externe.

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère respiratoire : asthme, coqueluche, pneumonie, bronchite chronique, catarrhe chronique, toux spasmodique
  • Troubles cutanés : acné, eczéma sec et suintant, herpès, psoriasis, dartre, prurigo, ulcère, ichtyose
  • Rhumatismes, goutte, douleurs ostéocopes

Modes d’emploi

  • Infusion
  • Décoction
  • Sirop
  • Vin diurétique

Précautions d’emploi

  • Bien que, au contraire de la morelle noire, la douce-amère ne contienne aucun alcaloïde mydriatique de type solanine, il n’en reste pas moins qu’on observe de l’une à l’autre peu de différences en terme de toxicité.
  • Une utilisation massive de douce-amère provoque les inconvénients suivant : nausée, vomissement, diarrhée, crampes, étourdissement, vertiges, anxiété, agitation, mouvements convulsifs des mains, des lèvres et des paupières, paralysie de la langue, affaiblissement du pouls, dyspnée, mort.
  • En dehors des cas provoqués par surdosage, on prendra soin de ne pas administrer la morelle douce-amère chez l’enfant, la femme enceinte et les personnes sujettes aux irritations des voies digestives et urinaires.

  1. Paul-Victor Fournier, Dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France, p. 899
  2. Ibid.

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La morelle noire (Solanum nigrum)

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La morelle tire son nom du latin populaire morellus évoquant la couleur brune, mais cette origine proviendrait aussi du bas latin maurella, « brun comme un Maure », ce que souligne l’adjectif niger, c’est-à-dire « noir », tout cela étant très probablement lié à la couleur des baies de la morelle une fois qu’elles sont mûres. Ses nombreux noms vernaculaires en disent davantage à son sujet : herbe à gale, raisin de loup, tomate du diable, crève-chien, tue-chien, herbe aux magiciens…, soit un ensemble d’appellations qui ne sont pas sans rappeler une certaine belladone dont la morelle est une cousine. Malgré cette proximité et cette similitude, nous aurons l’occasion de montrer que la morelle est bien moins virulente que sa grande sœur, que l’on appelle parfois morelle furieuse ! Dans la grande famille des Solanacées, la morelle se classe au rang des « intermédiaires », n’ayant aucune commune mesure avec les solanacées héroïques (1) telles que jusquiame, datura, mandragore et belladone. Si l’on peut comparer la morelle à une autre solanacée dont le niveau de toxicité est équivalent, ce serait la pomme de terre, par exemple.

Chez les Anciens, la morelle tient aussi bien lieu de plante médicinale que de légume cultivé. En effet, les jeunes pousses de morelle, une fois cuites à la vapeur, sont comestibles. Elles furent prisées par les paysans grecs durant la Deuxième Guerre Mondiale, qui leur a imposé des restrictions alimentaires (de même qu’ailleurs on jetait son dévolu sur le topinambour quand la pomme de terre venait à manquer).
Théophraste parle d’une morelle qu’il appelle strychnos, laquelle serait comestible selon le botaniste. Les descriptions de Dioscoride évoquent très largement la morelle noire, alors que celle que Pline désigne sous le nom de strichnus, peu détaillée, ne nous permet pas d’en savoir davantage à son sujet.
La période médiévale est un peu plus prolixe en ce qui concerne la morelle noire. La maurella de Macer Floridus, qu’il dit d’une nature très froide, s’employait en cataplasme contre les douleurs de tête, les dartres rongeantes, le feu sacré, les égilops (ulcères de la paupière). En instillant du suc de morelle dans les oreilles, on en faisait cesser les douleurs (otites). En friction, elle stoppait tant les démangeaisons cutanées que l’hyperménorrhée. En revanche, pour Hildegarde de Bingen, la morelle noire qu’elle appelle nachtschade, est chaude et sèche, mais, tout comme Macer Floridus, l’abbesse souligne les propriétés sédatives et antalgiques de la plante : en effet, Hildegarde appliquait des cataplasmes de morelle sur les douleurs cardiaques et pectorales, sur les pieds et jambes douloureux, les articulations et les enflures, ainsi que sur les dents en cas de douleur dentaire. Cette réputation narcotique et calmante sera largement relayée au Moyen-Âge. Au XIII ème siècle, l’évêque italien Théodore Borgognoni, qui était aussi un chirurgien réputé, employait la morelle noire comme anesthésiant avant d’opérer ses patients. On l’employait encore dans les otites, les phlegmons du sein, on en fit même un topique contre les crises hépatiques et la goutte.
Au tout début de la Renaissance, Matthiole soulignera que la morelle est une plante prompte à « rafraîchir, dessécher et modérer ». En cela, elle entrait comme matière médicale dans une foule d’affections parmi lesquelles les cardialgies, les douleurs néphrétiques, la strangurie, la rétention d’urine, les coups de soleil, les ulcères, toutes affections douloureuses comme on peut le constater.

La morelle noire est une plante au port buissonnant, non sarmenteuse, contrairement à la morelle douce-amère. Ses tiges grisâtres, poilues ou glabres, portent des feuilles pétiolées vert foncé, vaguement ovales et pointues, irrégulièrement dentées. Les tiges, parfois couchées, permettent à la plante d’atteindre une hauteur de 60 cm quand elles sont dressées.
La floraison qui se déroule entre juin et septembre/octobre voit cette plante se couvrir de petites fleurs blanches de 15 mm de diamètre aux proéminentes anthères jaune d’or. Cinq pétales en étoile se recourbent vers l’arrière avec le temps. Les baies, tout d’abord vertes, deviennent d’un beau noir mat à pleine maturité : de petites billes d’un centimètre de diamètre. Chez les sous-espèces du sud de la France, les baies sont de couleur jaune ou orange. Comme ses cousines belladone, datura et jusquiame, la morelle noire dégage une odeur fétide.
Elle est commune en plaine, ainsi qu’en moyenne montagne, mais jamais à plus de 1 700 m d’altitude. Localisée en Europe et en Asie, elle peuple les friches, les terrains vagues et les décombres. Mais, parfois, on la voit s’aventurer dans les champs et les jardins, à tel point qu’elle en devient un adventice gênant pour les cultures.

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La morelle noire en phytothérapie

Bien qu’il ne soit plus tellement courant d’utiliser cette plante dans le cadre de phytothérapie « maison », indiquons tout de même que l’on emploie la plante fraîche au summum de sa maturité, à l’exclusion des racines (la plante sèche est pratiquement inactive). En terme de principes actifs, nous retiendrons surtout la présence d’un alcaloïde dont nous avons déjà parlé lorsque nous avons récemment abordé la pomme de terre : la solanine. Cette substance amère possède des propriétés semblables aux alcaloïdes présents dans la belladone et la jusquiame, mais en beaucoup plus faibles, ce qui, pour autant, n’est pas une autorisation à employer la morelle noire à tort et à travers, ne serait-ce que par la difficulté à estimer justement sa toxicité, une tâche rendue extrêmement ardue pour diverses raisons et qui donnent la curieuse sensation que la morelle est une coquine qui se joue de nous.
Tout d’abord, l’on peut mettre en avant la maturité de la plante. Il nous est conseillé d’employer cette plante au maximum de sa maturité. Or cette dernière est difficilement évaluable et ne donne pas d’indices précis sur la toxicité réelle de telle ou telle partie d’une plante qui se permet le tour de force d’être annuelle, bisannuelle ou vivace quand les conditions le lui permettent. Par exemple, la concentration de solanine diffère selon l’âge de la plante, d’après ce qu’indique Bernard Bertrand. Mais, à première vue, comment savoir si un spécimen a un ou deux ans ? Paul-Victor Fournier mentionne, lui, que la plante, lorsqu’elle est jeune et donc petite, contient peu de solanine, et que son taux augmente dans la plante au fur et à mesure qu’elle avance en maturité et que le fruit mûr représenterait l’apex de la toxicité de la morelle noire, ce que contredit Bernard Bertrand, affirmant que les baies mûres et noires de la morelle ne contiennent pratiquement plus d’alcaloïdes ! Selon cet auteur, les baies de morelle se comporteraient à la manière de celles de la tomate, c’est-à-dire qu’à l’état vert baies de morelle et baies de tomate sont incomestibles car trop chargées en solanine, laquelle disparaîtrait presque à totale maturité de ces deux fruits (pour information, une tomate bien mûre contient, en moyenne, seulement 0,0006 % de solanine, alors que ce taux est sept-cents fois supérieur chez la tomate encore verte). Le problème, avec la morelle, c’est que son fruit est noir bien avant maturité. Ce n’est donc pas la couleur qui indique la maturité de la plante. C’est peut-être cela qui explique que la consommation de ces baies est tantôt inoffensive tantôt problématique. Les faits sont clairs : il a été constaté l’empoisonnement d’enfants mettant en cause ces baies, mais également d’animaux (chiens, oiseaux, moutons, écureuils…), avec, pour certains d’entre eux, le décès à la clé. Par ailleurs, des auteurs ont expérimenté sur eux-mêmes la toxicité de la morelle en absorbant infusion de plante sèche, suc frais, baies, sans dommage pour eux. Fournier relate même que « pendant la Deuxième Guerre Mondiale, on a vu des prisonniers russes en absorber des litres » (2). Alors ? Peut-on conclure que seul l’état d’avancement de la maturité des baies de morelle noire est préjudiciable, ou bien d’autres facteurs entrent-ils en ligne de compte. En réalité, il en va aussi de la quantité absorbée, du biotope qu’occupe la plante, mais aussi de la résistance et de l’âge du sujet, etc.

Propriétés thérapeutiques

  • Sédative
  • Analgésique
  • Narcotique
  • Antispasmodique
  • Diurétique
  • Résolutive

Note : la solanine est caractérisée par une action sédative lente (quatre à six heures), même à hautes doses, mais elle est plus persévérante que la morphine (cf. Fournier, p. 898).

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : spasmes gastriques, entéralgie, hyperchlorhydrie, crise gastralgique, ulcère gastrique, dyspepsie, typhlite, autres gastropathies douloureuses
  • Douleurs rhumatismales, arthrite, sciatique, névrite
  • Spasmes de la vésicule biliaire
  • Coqueluche
  • Affections cutanées : abcès, ulcère, contusion, hématome, brûlure, dartre, panaris, phlegmon, furoncle, chancre, gerçure des seins, fissure des mamelons, prurit (hémorroïdaire, anal, vulvaire), eczéma suintant, parakératose psoriasiforme
  • Troubles de la sphère urinaire : cystite, urétrite, rétention d’urine
  • Troubles de la sphère gynécologique : métrite, salpingite, leucorrhée
  • Troubles de la sphère génitale chez l’homme : orchite

Modes d’emploi

  • Suc frais
  • Alcoolature
  • Décoction de feuilles pour lavage, bain, compresse
  • Cataplasme de feuilles fraîches

Précautions d’emploi

La toxicité de la morelle noire s’exprime surtout en cas de surdosage : douleurs gastro-intestinales, nausée, vomissement, diarrhée, vertige, sifflement d’oreilles, maux de tête, délire, congestion du visage, assoupissement. Au-delà, des phénomènes assez similaires à ceux que produit l’intoxication à la belladone apparaissent (mydriase pupillaire, hallucinations…). Dans le pire des cas, le décès peut survenir.


  1. Toutes les plantes héroïques ne sont pas des Solanacées, puisqu’on trouve dans ce groupe de plantes le pavot et l’aconit. Soulignons au passage que le mot même de « solanacée » provient du latin solamen/solaris qui signifie consoler, réconforter, soulager.
  2. Paul-Victor Fournier, Dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France, p. 897

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La pomme de terre (Solanum tuberosum)

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Patate, la bien nommée ! On pourrait penser à un terme argotique bien de « chez nous », alors que pas du tout. Il provient du mot caraïbe batata, c’est-à-dire initialement la patate douce. Il se transformera en patata (espagnol), potato (anglais), tartufo (italien), duquel dernier le français s’inspira en nommant la pomme de terre de manière originale, cartoufle, qu’on devine dans l’appellation allemande kartoffel.

Si l’on connaît avant tout la pomme de terre comme légume dans l’alimentation, elle n’en possède pas moins de multiples vertus médicinales occultées par la prégnance alimentaire qu’on lui fait porter. Et pour cause : elle est à la base de l’alimentation de millions de personnes dans le monde et se hisse à la quatrième place des plantes alimentaires les plus consommées, derrière le blé, le riz et le maïs. Pourtant, avant d’en arriver là, tout n’a pas été sans mal.
Originaire de Chiloé, un archipel au sud du Chili, la patate s’est implantée dans les Andes et faisait partie de l’alimentation des Incas. C’est là que les Espagnols, venus conquérir l’Amérique du sud, croisèrent son chemin. En 1533, lors d’une expédition qui s’est déroulée sur l’actuel territoire de la Colombie – contrefort des Andes, région fraîche et montagneuse – la pomme de terre est découverte par les hommes de Pizarre. Enfin, celles qu’ils rencontrèrent, c’est plutôt Solanum andigena, la vieille aïeule des très nombreuses variétés domestiques actuelles. C’est très probablement cette espèce archaïque que cultivaient encore les Incas lors de l’arrivée des Espagnols. Très rapidement, ceux-ci pressentirent le potentiel de la plante. Ainsi fut-elle rapportée en Espagne dans les années 1534-1535, ainsi qu’en Italie. En 1550, Piedro de Cieza, compagnon de Pizarre, fait paraître sa Chronique espagnole du Pérou dans laquelle on trouve la première description de la pomme de terre. Dès la seconde moitié du XVI ème siècle, elle est cultivée dans différents pays européens, mais seulement comme ornementale, sa valeur alimentaire n’ayant été reconnue que bien après. Pourtant, en 1588, le gouverneur de Mons, Philippe de Sivry, adresse au botaniste arrageois Charles de l’Escluse deux tubercules ainsi qu’un dessin de la plante. Il y goutte, y trouve une saveur de navet. Malgré le portrait qu’il fit paraître d’elle en 1601 (Rarorium plantarum historia), la propagation de la pomme de terre fut assez lente en Europe, sauf, bien entendu, en Espagne. Il faut dire que les Espagnols flairèrent le bon coup, puisque la pomme de terre est de culture relativement aisée : un tubercule mis en terre donne naissance, trois à cinq mois plus tard, à un kilogramme de tubercules à la récolte !
En Angleterre, la pomme de terre n’arrive qu’en toute fin du XVI ème siècle et, dès la fin du siècle suivant, elle devient une ressource alimentaire importante, qu’on qualifie même d’élixir de longue vie. En revanche, en France, on la boude, on la craint même. Si effrayante qu’on l’accuse de propager la lèpre. Il faut dire, qu’en France, on commence déjà par consommer les feuilles et les baies !… Or la pomme de terre, outre ses tubercules, est toxique dans son entièreté. En Allemagne, au contraire, c’est tout autre chose puisque Charles de l’Escluse y favorisera la propagation de la pomme de terre. C’est là que la rencontre, « à chaque repas dans sa gamelle », le pharmacien des armées françaises, Parmentier, en 1763, alors fait prisonnier. Dès son retour en France, « il entreprend de faire adopter ce légume pour remédier aux disettes ». On la cultive dans l’Artois, les Vosges, le Limousin, la Franche-Comté. Ailleurs, on s’y oppose et sa culture est même interdite dans certaines provinces. « Parmentier s’attacha à l’introduire dans l’alimentation. Ce ne fut, comme on le sait, pas sans peine, car la première pomme de terre présentait un goût âcre. Parmentier perfectionna les méthodes de semis et multiplia les espèces […]. La population toutefois, demeurait très méfiante. Pour emporter son adhésion, intelligemment soutenue par Louis XVI [NDA : qui arborait à sa boutonnière une fleur de pomme de terre comme d’autres un pin’s douteux…], Parmentier usa de nombreux stratagèmes. Il fit notamment planter des champs de pommes de terre dans la banlieue de Paris […] et  »les fit garder ostensiblement le jour, pour exciter le peuple à les piller la nuit » »(1). Avant même la fin du siècle des Lumière (1793), la surface cultivée en pommes de terre atteint les 35000 h, surface qui sera décuplée vingt ans plus tard, sous Napoléon. L’on peut dire que l’exotisme de la pomme de terre aura été un frein à son instauration parmi d’autres plantes potagères. Et sa banalité actuelle fait oublier qu’elle n’est présente dans nos assiettes que depuis très peu de temps, à l’instar de la tomate et de la courgette, pour ne citer qu’elles. Pourtant, les avantages de la pomme de terre sont légions : de culture relativement aisée, elle est abondante, de bonne conservation, bon marché et disponible toute l’année. Quoi de mieux pour assurer la survie d’un pays tout entier ? C’est ce que fit, par exemple, l’Irlande, mais c’était sans compter sur le principal ennemi de la pomme de terre, le mildiou, un champignon microscopique qui aime se développer dès que la température de l’air dépasse 15° C. Il fut à l’origine de la misère – en fait une véritable catastrophe sanitaire – qui toucha l’Irlande dès 1846 et qui s’étendit pendant cinq à six longues années. Dans les Andes, on plante plusieurs variétés dont certaines sont résistantes au mildiou, ce qui fait que si des parcelles sont touchées, d’autres permettent la subsistance. Ce système simple évite les famines. Ce que ne firent pas les Irlandais, hélas pour eux, pour lesquels la pomme de terre était à la base de l’alimentation de la population. Où l’on voit que, déjà, la monoculture intensive n’a pas que du bon…
Pendant ce temps, en France… L’on met à profit la pomme de terre pour ses vertus médicinales. Rappelez-vous que les Français ne consommèrent, au début, que les feuilles et les baies de cette plante. Eh bien, Cazin, soit le plus grand phytothérapeute français du XIX ème siècle, prescrivait des infusions de feuilles pour soigner les catarrhes pulmonaires et les toux sèches. Bien que toxiques, les feuilles, à petites doses, agissent comme un remarquable antispasmodique en raison d’un alcaloïde – la solanine – dont nous reparlerons un peu plus loin.
Dans les campagnes, « à l’époque où la cheminée était le centre de la demeure, il était courant de mettre des pommes de terre dans le feu, de les glisser dans une chaussette qu’on enroulait autour de son cou pour soigner un mal de gorge » (2) ou bien de la déposer, une fois râpée, sur brûlures et orgelets, d’en faire des cataplasmes qu’on place sur le ventre (colique), la poitrine (angine, bronchite, refroidissement) ou sur la tête (migraine).

Les tubercules (arrondis, ovoïdes, sphériques, de diverses couleurs en fonction des très nombreuses variétés – environ 3000 à ce jour) ne sont pas des racines. Il s’agit d’une poche de réserves nutritives (amidon) que la plante stocke au fur et à mesure de sa croissance. Ces tubercules portent les fameux yeux qui ne sont autres que des germes qui produiront tiges feuillues, épaisses et ramifiées, nouvelles racines, nouveaux stolons et, enfin, nouveaux tubercules. La fleur, à volumineuse anthère jaune, est blanche ou violette et fleurit l’été. Elle assure une reproduction sexuée et permet donc une hybridation naturelle entre variétés dont de nouvelles apparaissent chaque année. Après fanaison, des baies de couleur vert jaunâtre contenant pas loin de trois-cents graines apparaissent en lieu et place des fleurs.

Celle que l'on appelle aussi morelle tubéreuse est une proche parente de la morelle noire : en effet ces deux plantes contiennent toutes deux de la solanine

Celle que l’on appelle aussi morelle tubéreuse est une proche parente de la morelle noire : en effet ces deux plantes contiennent toutes deux de la solanine

La pomme de terre en phytothérapie

L’unique partie comestible de cette plante est aussi celle dont on se sert en phytothérapie : le tubercule, qu’on appelle « patate », ainsi que sa fécule. Dans la pomme de terre, on trouve 15 à 25 % d’un amidon facilement assimilable, des protéines, des vitamines (C, mais surtout celles du groupe B : B1, B5, B6, B9), de nombreux sels minéraux (1 %) dont la présence et la teneur dépendent de la nature du sol (sodium, potassium, calcium, magnésium, manganèse, phosphore, soufre, fer, cuivre…).

Propriétés thérapeutiques

  • Pomme de terre : nourrissante, énergétique, digeste, minéralisante, antiscorbutique, émolliente, adoucissante, cicatrisante, anti-ulcéreuse, favorise les fonctions intestinales, calmante, diurétique
  • Jus de pomme de terre crue : adoucissant, émollient, calmant, diurétique, antispasmodique, sédatif et cicatrisant des muqueuses digestives, s’oppose à l’hyperacidité gastrique, adjuvant dans le diabète
  • Fécule : émolliente

Usages thérapeutiques

  • Pomme de terre : entretien général de la santé, contusion, panaris, brûlure, engelure, gerçure, phlegmon, coup de soleil, douleurs articulaires et dorsales (arthritisme, lumbago)
  • Jus de pomme de terre crue : insuffisance hépatique, encombrement des voies biliaires, lithiase biliaire, dyspepsie, hyperacidité gastrique, gastrite aiguë et chronique, gastroduodénite, ulcère gastrique et duodénal, constipation, scorbut, hémorroïdes, glycosurie
  • Fécule : inflammation intestinale, diarrhée avec irritation, entérite, dysenterie, diabète, excoriation, dartre, inflammation cutanée, brûlure, gerçure, plaie atone, phlegmon, érysipèle, ulcère de jambe

Dans l’ensemble, une consommation régulière de pommes de terre est profitable aux cardiaques, aux néphrétiques, aux arthritiques, aux diabétiques, aux obèses. Elle convient aussi en cas de régime déchloruré.

Modes d’emploi

  • Alimentation
  • Jus cru
  • Fécule (cataplasme)
  • Pomme de terre crue et râpée (cataplasme)
  • Teinture-mère

Précautions d’emploi

  • Le jus cru n’est pas une boisson des plus agréables. On peut l’aromatiser à sa convenance avec du miel, du jus de carotte ou de citron. On l’absorbera quelques minutes avant les repas.
  • La fécule s’utilise tel quel, en saupoudrage. Il est possible d’y adjoindre un peu d’eau afin d’en constituer un emplâtre pâteux.
  • La pomme de terre requiert d’être correctement cuite. D’après la plupart des thérapeutes, la meilleure des cuissons reste encore celle que l’on réalise au four (pommes de terre « en robe des champs », pommes de terre cuites « à la diable »). Notons que la cuisson à la vapeur est davantage profitable que la cuisson à l’eau par ébullition (dans ce dernier cas, on les consommera immédiatement, leur délai de garde au réfrigérateur ne devant pas excéder vingt-quatre heures).
  • Étant donné que la pomme de terre absorbe beaucoup de substances environnementales, il est plus que préconisé d’éviter les pommes de terre traitées aux engrais et pesticides chimiques. De plus, ces pommes de terre non biologiques accumulent davantage de sels de potassium, potentiellement nocifs à la longue.
  • La pomme de terre appartient à la famille botanique des Solanacées. Ce seul nom impose de respecter certaines précautions afin d’éviter des désagréments. Bien que l’on n’en consomme que le tubercule, la pomme de terre est toxique dans toutes ses autres parties, en raison de la présence d’un alcaloïde, la solanine. On la trouve à hauteur de 1 % dans les baies, beaucoup moins dans les feuilles et les fleurs (0,02 %). Or, à ce dernier taux, on peut déjà rencontrer des cas d’intoxications plus ou moins graves. Mais la plupart des intoxications sont beaucoup plus insidieuses. Si l’on trouve dans la « peau » de la pomme de terre de faibles proportions de solanine (0,002 à 0,01 %), sans véritable danger pour la santé, il s’avère qu’il existe des circonstances qui accroissent ce taux :
    → Les pommes de terre verdies doivent être évitées (0,06 % de solanine)
    → Les pommes de terre exposées même brièvement au soleil voient leur teneur en solanine quadrupler. « Renouveler l’opération, cas des patates vendues sur les marchés, et il est facile de comprendre l’étendue des dégâts » (3). Tout comme les endives, il faudrait protéger les pommes de terre de la lumière.
    → Les pommes de terre germées : en effet, même si l’on prend soin de soustraire ses pommes de terre de la lumière du jour, les tubercules sont toujours, même dans l’obscurité, objet d’une activité végétative, bien visible par les germes qui finissent par apparaître tôt ou tard. Dans les germes, le taux de solanine grimpe à 0,1 % !
    Que faire ? Dégermer si besoin est. Peler obligatoirement une pomme de terre germée, l’épluchage supprimant alors une partie des toxines mais… pas toutes ! Et celles qui restent ne sont pas détruites par la chaleur d’une cuisson. Ne suis-je pas trop alarmiste ? Disons que la consommation de pommes de terre bas de gamme n’est pas sans danger, surtout si elle est régulière. En effet, la solanine s’accumule dans l’organisme au fil du temps ! Peuvent alors survenir des maux de tête, des nausées, des vomissements, des diarrhées, des coliques, des sensations de malaise et de vertige, un affaiblissement du pouls…
    Ces pommes de terre de mauvaise qualité, une fois pelées, doivent être cuites, il n’est pas, alors, question de les réserver pour plus tard. Pourquoi ? Parce que la solanine est un agent cicatrisant. Lorsqu’on pèle une pomme de terre, celle-ci, agressée, réagit en augmentant son taux de solanine. Intelligente, la patate !
  • La pomme de terre entre dans la fabrication de boissons alcoolisées obtenues par distillation, telles l’aquavit et certaines vodkas. Autant dire que ce ne sont pas des boissons de santé, bien qu’on les surnomme parfois « eaux-de-vie ». la distillation de la pomme de terre provoque la formation d’alcool amylique, autrement dit du pentanol, substance irritante, narcotique et hautement inflammable.

  1. Jean Valnet, Se soigner avec les légumes, les fruits et les céréales, p. 384
  2. Christophe Auray, Remèdes traditionnels de paysans, p. 60
  3. Bernard Bertrand, L’herbier toxique, p.156

© Books of Dante – 2016

Un jeune pied de pomme de terre

Un jeune pied de pomme de terre