L’hamamélis de Virginie (Hamamelis virginiana)

Drôle de phénomène que l’hamamélis : d’un côté, il adoucit la peau, répare les écorchures, résorbe les hématomes, et d’un autre, il se comporte, quand c’est l’heure de disperser ses graines, comme ces espèces pétaradantes qui usent de ce que l’on appelle la ballochorie, c’est-à-dire un mode de dispersion des semences pour le moins original : les fruits explosent littéralement, projetant des graines un peu partout. C’est donc à la fois Vénus et Mars qu’on voit apparaître en filigrane dans cet arbuste sympathique ^.^

Beau week-end à toutes et à tous, à bientôt :)

Gilles

Synonymes : noisetier d’Amérique, noisetier de sorcière (= witch-hazel en anglais), coudrier de sorcière, café du diable, digitaline des veines, fleurs d’hiver, arbre aux araignées d’or, aulne rayé, aulne moucheté, bois de tabac, noix cassante. Le terme même de « noisetier » est ici hors de propos, l’hamamélis n’étant pas une plante de la famille des Bétulacées.

Si l’étymologie ne nous renseigne guère sur ce qu’est l’hamamélis (aux dires de certains, il s’agirait de l’ancien nom accordé par Hippocrate au néflier, Mespilus germanica), en revanche, ses synonymes anglais et français nous en disent davantage : witch-hazel, qu’en français l’on traduit par « noisetier de sorcière ». Witch-hazel. Ça sonne bien. Ça me rappelle une chanson de l’artiste australienne Louisa John-Krol. On imaginerait presque les sorcières de Salem (sic) utiliser l’hamamélis pour jeter quelques sorts, à la façon dont on usait du noisetier autrefois en Europe. Mais je crois bien qu’il y a méprise. Quand bien même la Virginie est un état proche du Massachusetts où se situait anciennement Salem, dire de cet arbuste endémique au territoire nord-américain qu’il joua, dans cette zone géographique et culturelle, le même rôle que le noisetier, est, me semble-t-il, une belle manière de tordre le bras à l’histoire. Mais alors, d’où vient cette réputation de l’hamamélis d’être une plante impliquée dans la « sorcellerie de l’eau » ? D’après une source assez récente, « pour localiser les eaux souterraines, certains individus [de la tribu des Mohegan] ont utilisé une baguette d’hamamélis, de pommier sauvage ou de prunier sauvage. L’hamamélis pouvait également être utilisé pour localiser un trésor enterré »1. Bien que j’ai beaucoup de mal à imaginer un Amérindien usant d’une baguette de sourcier, l’on est dans l’obligation de constater que beaucoup de puits ont été creusés à l’abord d’hamamélis, un arbuste pour lequel on observe des croyances similaires à celles qui concernait le noisetier dans l’Ancien Monde, en particulier à travers ses accointances avec le mystérieux empire souterrain des eaux invisibles. Bien qu’il ne soit pas impossible que, anecdotiquement, certaines tribus amérindiennes, dont les Mohegan, aient pu s’atteler à cette tâche, cette pratique passe pour être une introduction propre aux colons blancs, de même que le nom anglais que porte la plante communément : « On pense que le nom de l’hamamélis provient des premiers colons qui utilisaient des branches fourchues de cette plante comme baguette de divination dans leurs recherches d’eau ou d’or, tout comme les branches de noisetier étaient utilisées en Angleterre »2 aux mêmes fins. Avant même que l’hamamélis ne reçoive le nom de witch-hazel, cette dénomination était réservée et appliquée à un autre arbre, l’orme (Ulmus glabra), d’où le wych-elm qu’on lit parfois, en compagnie d’un wych-hazel, deux mots dans lesquels la racine « wych » n’aurait aucun rapport avec la sorcière, mais avec la capacité de ces bois à « céder » à la présence d’eau souterraine, c’est-à-dire à y réagir (wych, dérivé du vieil anglais wic, serait à l’origine du mot wich qui désigne une source d’eau salée). Ainsi, avant même que l’hamamélis ne devînt le witch-hazel américain, les furcelles en bois d’orme et de noisetier portaient déjà, de manière embryonnaire, ce nom. Comme, de plus, les feuilles de l’hamamélis offrent une grande ressemblance avec celles du noisetier européen, espèce habituellement préférée pour y tailler d’un seul jet une baguette divinatoire, il n’est pas très difficile de comprendre que cette terminologie s’est ensuite transférée à l’hamamélis de Virginie. Mais, plus qu’à l’or, l’hamamélis permet d’atteindre d’autres considérations : « L’hamamélis attire la richesse, et surtout la richesse de la vie et du cœur. Pour les personnes découragées, malmenées par l’existence, pour celles qui jouent de malchance, quand le mauvais sort semble s’acharner ! Pourquoi pas aussi pour les « joueurs » qui attendent leur jour de chance ! Tous prendront durant deux mois de l’hydrolat d’hamamélis, à raison d’une grosse cuillerée à soupe très légèrement diluée le matin avant déjeuner. On peut ajouter une cuillère de miel »3. Quant aux Amérindiens, plus qu’à des baguettes, ce sont à des arcs auxquels ils songèrent quand ils considérèrent la forme flexueuse des rameaux souples de cet arbuste. Ils s’attachèrent surtout à tirer de cette plante une foule de remèdes que nous allons maintenant exposer. De nombreuses tribus, dont l’aire de répartition coïncidait avec celle de l’hamamélis de Virginie (c’est-à-dire le nord-est des États-Unis, jusqu’aux Grands Lacs à l’ouest et à l’état de Virginie au sud), tiraient parti des feuilles, des jeunes pousses, des bourgeons et de l’écorce de cet arbuste. Différents modes d’emploi étaient privilégiés : l’infusion, la décoction, le cataplasme et la friction locale qu’on réalisait le plus souvent à l’aide de feuilles fraîches. Ainsi employait-on déjà ce remède dermatologique sur les piqûres d’insectes, les coupures et les ecchymoses. Cette propriété de l’hamamélis sur l’interface cutanée fut remarquée par les Mohegan, les Cherokee, les Chippewa, les Iroquois, etc. L’hamamélis intervenait aussi en guise de remède pectoral (rhume, refroidissement, asthme, toux et autres maux de gorge), gastro-intestinal (stimulant de l’appétit, antidiarrhéique ; on l’employait tant contre les intoxications alimentaires que la dysenterie sanguinolente). Autre domaine d’action remarquable : l’exploitation des vertus analgésiques et anti-rhumatismales de l’hamamélis face à des affections locomotrices telles que l’arthrite, la lombalgie et les douleurs musculaires. On ne peut pas omettre non plus de faire la mention des propriétés gynécologiques de l’hamamélis (douleurs menstruelles), non plus que sa capacité à stopper les hémorragies (règles trop abondantes, hémorragie post-partum). Bien plus encore, l’hamamélis passait pour un fébrifuge, était considéré comme un dépuratif sanguin, un remède du cœur, des reins, des dents et des yeux. Grâce à ses graines – qui possédaient une valeur résolument sacrée – on parvenait même à déterminer si un malade allait ou non se rétablir.

En 1736, le célèbre botaniste John Bartram (1699-1777), qui parcourut les États-Unis pour collecter des végétaux, fit la rencontre de l’hamamélis. Peter Collinson (1694-1768), qui entretenait une correspondance avec Bartram, fut celui qui rapporta l’hamamélis en Europe au milieu du XVIIIe siècle. Mais ce n’est véritablement qu’au XIXe siècle que furent établies les propriétés thérapeutiques que nous lui connaissons, en particulier grâce aux travaux du médecin français Georges Dujardin-Beaumetz (1833-1895) qui feront entrer l’hamamélis dans la médication classique des troubles veineux. L’on doit aussi à d’autres chercheurs la mise en évidence des propriétés anti-infectieuses de cet arbuste sur des affections génito-urinaires dont la blennorragie. Par ailleurs, extraits hydro-alcooliques et aqueux donnèrent de bons résultats sur les germes Gram + et Gram -. Au début du XXe siècle, en 1910, de façon assez inexplicable, l’hamamélis s’absenta de la pharmacopée étasunienne avant d’y être réintroduit en 1995.

Pas assez grand pour être un arbre4, l’hamamélis a tout de l’arbuste sans pour autant être un arbrisseau : la preuve, c’est qu’il possède un tronc, certes modeste, mais un tronc qui, à la base, mesure en général 10 cm de diamètre, parfois davantage (jusqu’à 30 cm). Propriétaire de rameaux longs, souples et tortueux, l’hamamélis les recouvre d’une écorce lisse, brun grisâtre et squameuse, et les orne de grandes feuilles membraneuses coriaces à base asymétrique (ce qui renforce la ressemblance avec celles du noisetier). Plus ou moins elliptiques ou obovales, ces feuilles alternes sont bordées de grosses dents, fortement nervurées sur leurs faces supérieures, de couleur vert mat parfois bordées de rouge ou de jaune, couleur dont elles se parent avant de tomber une fois l’automne venu, étape qui précède l’apparition des fleurs, du milieu de l’automne jusqu’à bien avant dans l’hiver, alors que les autres plantes profuses de leurs fleurs se font rares pour les abeilles. Les fleurs de l’hamamélis, qui naissent sur les rameaux en amas nodulaires, s’entremêlent sous forme de touffes plus ou moins denses. Lorsqu’on isole un individu, l’on peut compter ses quatre pétales en forme d’étroites lanières un peu gondolées, de couleur jaune poussin étincelant. Agréablement parfumées, elles confèrent à l’hamamélis un aspect ornemental non dénué de charme. Lorsque le temps menace de se faire plus frais, les pétales s’enroulent afin de protéger le cœur de chaque fleur. Puis, le grand moment de la fructification arrive : le fruit de l’hamamélis adopte la forme d’une capsule ligneuse de couleur brune mesurant 15 mm de longueur. Chacun contient une à deux graines noires, dures, brillantes, fuselées comme un corps d’obus. En général, on retient moins que ces graines sont comestibles, bourrées qu’elles sont d’huile et de fécule. Au contraire, on se souvient mieux que l’arbuste, par une force mécanique qui lui est propre, est capable de projeter ses graines dans un « pop » sonore à une distance comprise entre 5 et 10 m. Tournant sur elle-même comme une hélice, la graine d’hamamélis peut atteindre la vitesse de 45 km/h. On appelle ballochorie ce mode de propagation des graines par projection et/ou explosion (voyez les exemples spectaculaires de la balsamine de l’HimalayaImpatiens glandulifera – et du concombre d’âneEcballium elaterium). Sachant que l’hamamélis mesure habituellement 3 à 5 m de hauteur sur autant de diamètre, les graines sont donc propulsées dans une zone où elles pourront germer sans être gênées par le sujet émetteur.

Comme une partie de son nom botanique nous l’enseigne – virginiana –, l’hamamélis est un arbuste d’origine nord-américaine, qui se cantonne, en gros, au quart nord-est des États-Unis et à l’est du Canada, s’étendant de la Nouvelle-Écosse jusqu’au Wisconsin. Il peuple le sous-étage des forêts de feuillus mixtes, dispersé en colonies, abrité à l’ombre des grands arbres, un peu à la façon du noisetier et du sureau par chez nous. Appréciant les sols riches, profonds et légèrement acides, l’hamamélis prend ses quartiers le long des lisières forestières, dans les vallées et les plaines humides, dans les ravins et les pentes rocheuses, le long des ripisylves, etc.

L’hamamélis de Virginie en phytothérapie

Feuilles fraîches et seconde écorce des jeunes rameaux, telles sont les fractions végétales de l’hamamélis mises à profit par la phytothérapie. Pourtant, en France, seules les premières intéressent visiblement le législateur (et encore à l’état sec), l’écorce de cet arbuste n’étant pas en vente libre. De saveur amère, elle n’est pourtant pas dénuée d’effets pour être ainsi mise à l’écart. On lui trouve des polysaccharides et des tanins, en particulier ceux à qui l’on donne les noms d’hamamélitanins et de pro-anthocyanidines, ce qui pourrait octroyer à cette écorce une réputation d’astringent. En réalité, pas tant que ça, puisqu’elle ne renferme guère plus de 3 % de ces substances contre 10 % dans les feuilles (on comprend mieux l’intérêt qui les fait préférer), tanins qui se présentent sous la forme d’acide gallique, une poudre blanc jaunâtre, styptique au palais et de saveur acide, mais aussi sous celle des substances nommées plus haut (pro-anthocyanidines et hamamélitanins), de même que des tanins catéchiques (catéchine, épicatéchine, gallocatéchine, épigallocatéchine). Avec cela, viennent plusieurs flavonoïdes (rutine, kaempférol, quercétine, astragaloside, myrécitroside), des polyphénols (acide caféique), des acides organiques (acide quinique). Quand on brûle les feuilles d’hamamélis, à l’issue de la combustion, l’on retire une grosse proportion de cendres (6 %) qui contiennent, entre autres, du fer, du potassium et du calcium. En revanche, quand on distille les feuilles fraîches, l’on obtient bien moins que ça d’huile essentielle (0,01 à 0,5 %), fraction si infime parfois qu’en aromathérapie l’on connaît essentiellement l’hydrolat d’hamamélis, obtenu, avec l’huile essentielle concomitante, par le biais d’un processus qu’on connaît sous le nom d’hydrodistillation à la vapeur d’eau.

Propriétés thérapeutiques

  • Veinotonique, vasoconstricteur veineux, protecteur des veines et des petites vaisseaux, renforce la paroi et améliore l’élasticité des veines, régulateur de la circulation sanguine (au niveau des membres inférieurs surtout), facilite le flux sanguin en direction du cœur, préventif de la santé cardiovasculaire, protecteur de l’endothélium vasculaire
  • Anti-inflammatoire, antiphlogistique, décongestionnant, analgésique, sédatif
  • Astringent et hémostatique puissant interne et externe, redonne de la fermeté à la peau, désinfectant et cicatrisant cutané5, vulnéraire, rafraîchissant cutané, régulateur de la sécrétion de sébum, photoprotecteur, lutte contre le vieillissement actinique
  • « Conditionneur capillaire : laisse les cheveux faciles à coiffer, souples, doux et brillants et/ou confère volume, légèreté et brillance »6
  • Apaisant oculaire
  • Renforce les muqueuses gingivales, tonique gingival
  • Tonique des muqueuses intestinales, antidiarrhéique, préventif contre le cancer du côlon
  • Antiseptique, antibactérien, bactériostatique (Staphylococcus aureus, S. epidermidis, Streptococcus pyogenes, S. oralis), antiviral (grippe, papillomavirus, Herpes simplex), agent antitrypanosomal
  • Anti-oxydant, antiradicalaire puissant, antimutagène
  • Tonique post-partum

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la circulation cardiovasculaire et veineuse : insuffisance, faiblesse et lenteur de la circulation veineuse, jambes lourdes et fatiguées, varice, varicosité, varicocèle, phlébite, séquelle de phlébite, phlébite bleue, ulcère de jambe, hémorroïdes, fragilité capillaire, couperose, purpura hémorragique, impatiences
  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : diarrhée, dysenterie, ulcère gastrique et intestinal, irritabilité gastro-intestinale, prolapsus intestinal, colite
  • Troubles de la sphère respiratoire : bronchite, catarrhe bronchique aigu, pharyngite chronique, laryngite chronique, amygdalite, mucosités pulmonaires épaisses, augmentation anormale de la sécrétion muqueuse et mucopurulente, ozène, hémoptysie, saignement de nez
  • Troubles de la sphère gynécologique : congestion utérine, congestion ovarienne, douleur sourde dans les ovaires, métrorragie congestive, hémorragie utérine passive, apporter davantage de confort au cours de la période prémenstruelle, règles trop abondantes, prolapsus utérin, ménopause (sécheresse vaginale, bouffées de chaleur, etc.), pertes vaginales (leucorrhée), vaginite, dysménorrhée, endométriose, kyste de Bartholin, bartholinite, faire retrouver à l’utérus une taille normale après un avortement ou une fausse-couche
  • Troubles de l’appareil génital masculin : congestion prostatique et testiculaire, douleur sourde dans les testicules
  • Affections cutanées : peau irritée, rougie, crevassée, brûlée par le soleil, coup de soleil, vieillissement cutané causé par l’action nocive des UVA sur la peau, rides, peau atone, mixte, grasse (à pores dilatés), brillante, impure, acnéique, manquant de fermeté, plaie, ulcère, tumeur, chancre, furoncle, érysipèle, démangeaison et fourmillement, gerçure, gelure, brûlure, échaudure, morsure, piqûre d’insecte, prurit, eczéma, ecchymose, écorchure, érythème fessier du nourrisson, dermatite des couches, dermatose péri-anale, fissure anale, névrodermite, cicatrisation des petites plaies après l’accouchement, hématome, hémorragie post-traumatique (avec du sang noir)
  • Troubles locomoteurs : contusion, entorse, coup, douleur musculaire, doigt écrasé ou pincé dans une porte
  • Affections bucco-dentaires : aphte, inflammation et irritation des muqueuses buccales, herpès, prophylaxie parodontale
  • Troubles de la sphère vésico-rénale : hématurie, polyurie, irritation vésicale
  • Affections du cuir chevelu : inconfort, irritation, hypersensibilité, pellicules
  • Affections oculaires : cerne, poche sous les yeux, infection, ophtalmie, yeux irrités, fatigue oculaire

Modes d’emploi

  • Infusion de feuilles : 20 à 50 g par litre d’eau bouillante en infusion pendant 10 mn. Pour le volume d’une seule tasse d’eau (un mug), cela équivaut, à peu près, aux quantités que contiennent une cuillère à café (1,5 g) et une cuillère à soupe (3 g). On peut bouillir la plante durant une poignée de secondes tout d’abord, puis laisser infuser hors du feu pendant 5 mn.
  • Décoction de feuilles : comptez 30 à 60 g par litre d’eau en décoction pendant 10 mn.
  • Extrait de plante fraîche (alcoolisé ou glycériné) : 20 à 25 gouttes dans un verre d’eau trois fois par jour pendant trois semaines.
  • Hydrolat aromatique : obtenu par hydrodistillation des feuilles fraîches de l’hamamélis. On peut l’appliquer en compresse sur les jambes lourdes par exemple (on peut faire de même avec l’infusion, une fois que celle-ci a refroidi). L’efficacité est augmentée avec un hydrolat aromatique sortant tout juste du réfrigérateur, lieu de garde privilégié des hydrolats en général, préparation qui, bien qu’étant très efficace, est sujette, parce que fragile, à une rapide dégradation7. On emploie, quelquefois, cet hydrolat par le biais de la voie interne, mais il me semble trop onéreux d’user de ce mode d’administration-là avec ce type de produit. Si vous recherchez un excellent hydrolat aromatique d’hamamélis, adressez-vous donc à Herbes & Traditions. Très agréablement parfumé, cet hydrolat dégage un parfum à l’odeur douce, légèrement boisée, qui fait un peu penser à celle du thé.
  • Cataplasme de feuilles sèches réduites en poudre (à défaut de pouvoir se procurer des feuilles fraîches) mêlées à du miel.

Note : dans le commerce, on croise de nombreuses spécialités présentant l’hamamélis en place centrale ou articulé au sein d’un complexe phytochimique plus élaboré. Par exemple, l’on trouve souvent des ampoules emplies de solution buvable, des gélules de poudre ou bien des comprimés dont la composition ne laisse pas de doute quant à leur destination : vigne rouge, marronnier d’Inde, fragon petit-houx, cassis, gotu kola ou encore ginkgo biloba, toutes ces plantes concourent, avec l’hamamélis, à renforcer la tonicité des parois veineuses et à activer la circulation sanguine, à la façon de la Jouvence de l’abbé Soury. L’hamamélis apparaît aussi dans des préparations homéopathiques sous forme de gouttes et de granules, seul ou en complexe (avec du calendula, de l’arnica, de la pâquerette, de la rue, etc.). L’hamamélis participe encore de nombreuses préparations : solution oculaire, bain de bouche, lotion après-rasage, lotion démaquillante, eau de toilette, gel/pommade/onguent de massage, etc.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Récolte : la feuille – seul fragment qui fasse partie de la pharmacopée française – se récolte à l’été et se fait sécher promptement.
  • Association : avec la vigne rouge, le fragon petit-houx, le cyprès, l’hydrastis, le marronnier d’Inde pour agir sur la circulation veineuse et ses maux ; avec le mélilot officinal pour la couperose et la sensation de chaleur dans les jambes lourdes ; en compagnie de la reine-des-prés et de la piloselle pour l’action diurétique. Notons que feuilles et écorces de noisetier sont de bons substituts à l’hamamélis.
  • Dans certains cas, bien que cela soit très étonnant, l’hamamélis est susceptible de déterminer une réponse allergique.
  • Autres espèces : l’hamamélis de Chine (H. mollis) l’hamamélis du Japon (H. japonica), l’hamamélis du Mexique (H. mexicana), l’hamamélis des monts Ozarks (H. vernalis), l’hamamélis aux grandes feuilles (H. ovalis), etc.

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  1. Gladys Tantaquidgeon, Folk medicine of the Delaware and related Algonkian Indians, 1972, p. 87.
  2. Source.
  3. Source.
  4. Le spécimen exceptionnel de Bedford en Virginie ne peut à lui seul suffire malgré ses 10,6 m de hauteur et un diamètre du tronc à sa base de 40 cm.
  5. « L’action astringente de ces derniers [NdA : les tanins] retient les protéines dans l’épiderme et les écorchures : la protection ainsi offerte accroît la résistance aux inflammations et favorise la cicatrisation des lésions cutanées » (Larousse des plantes médicinales, p. 104). Non seulement l’hamamélis protège les zones meurtries mais assure l’asepsie le temps de la cicatrisation.
  6. Source.
  7. « Des études de stabilité sur l’extrait aqueux (5 ° C + obscurité ; température ambiante + obscurité ; température ambiante + lumière) ont révélé que le profil phénolique avait changé lorsqu’il était exposé à la lumière. En particulier, les gallo-tanins se sont avérés très instables, ce qui peut entraîner des extraits de feuilles d’hamamélis altérés sur le plan phytochimique lors du transport et du stockage. » Source.

© Books of Dante – 2023

Le galinsoga (Galinsoga parviflora)

Pour avoir la chance de savoir quoi faire du galinsoga, il faut se lever tôt ou bien aller quérir l’information là où elle se trouve, c’est-à-dire ailleurs que dans la presse francophone. En Europe, on a déclaré la guerre à cette plante qu’on dit invasive. Mais si l’on s’arrête à ce bête jugement, on méconnait forcément l’ensemble des aptitudes de cette plante. Et vu ce qu’elle est capable de faire en tant que remède et aliment, on serait bienheureux de réviser l’opinion hâtive qu’on s’est faite à son sujet.

Un beau week-end à toutes et à tous :)

Synonymes : galinsoge, petit galinsoga, galinsoga à petites fleurs, soldat galant, herbe aux Français, herbe piment, sournette blanche. En anglais, les noms waterweed et quickweed rendent compte de l’extrême vitesse à laquelle le galinsoga est susceptible de se répandre.

A l’introduction du galinsoga en Europe, l’on a imaginé deux voies d’accès, qui eurent toutes les deux lieu à la fin du XVIIIe siècle, sans que l’une ait été exclusive de l’autre. En 1796 (il est parfois donné la date de 1776), l’on aurait introduit le galinsoga, en provenance du Pérou, au jardin botanique royal de Kew, près de Londres en Angleterre. Version alternative : en 1794, deux botanistes espagnols, Hipólito Ruiz López et José Antonio Pavón, adressèrent des graines de galinsoga à des correspondants situés à Madrid et à Paris. Entré par la grande porte des capitales européennes, il se serait ensuite échappé par la petite, discrètement, dans la nature, avant que son appétence pour les grands espaces ne soit remarquée et ne se traduise par le nom qu’on lui donna alors outre-Manche : Kew weed. Autrement dit : « mauvaise herbe de Kew ». Pourtant, tout avait bien débuté pour le galinsoga, qui tire son nom, non pas d’une obscure étymologie propre à sa sphère d’origine – n’y voyez pas là le nom d’un archaïque dieu inca –, mais à celui d’un homme, un Espagnol. En effet, le galinsoga fut nommé en l’honneur du directeur du jardin botanique de Madrid, également médecin particulier de la reine Maria Luisa de Parme (1751-1819) : Ignacio Mariano Martinez de Galinsoga (1756-1797). Le galinsoga allait-il s’attirer des lettres de noblesse ainsi placé sous la houlette d’un aussi glorieux personnage, un brave homme désireux de faire sortir des carcans les peuples opprimés ? A cet effet, en 1784 il se pencha sur la délicate question du port du corset par les femmes en rédigeant un ouvrage intitulé Démonstrations mécaniques des maladies provoquées par l’utilisation des corsets. Autant dire que notre homme était loin d’être étroit d’esprit. Mais cette lettre de noblesse se transmuta en véritable lettre de cachet, car, malgré le fait que le galinsoga se soit vu paré du nom d’un grand homme, il ne parvint pas à faire sauter les verrous mentaux que l’on s’inflige, par exemple, à coup de « c’est une mauvaise herbe », vous connaissez la musique, etc. ^.^ Monsieur Galinsoga ou pas, c’est la traversée du désert qui allait attendre le galinsoga au sortir des jardins botaniques de Londres, Madrid, Paris ou d’ailleurs. Cette suspicion vis-à-vis de tout ce qui provient de l’étranger était déjà bel et bien présente. Et les plantes « qui sont pas d’ici », on sait, à peu de chose près, ce qu’on leur réserve habituellement, c’est-à-dire un traitement diamétralement opposé à celui qu’on offre aux plantes « aussi pas d’ici », mais qu’on est allé chercher volontairement, soi-même, au loin (je crois que ce qui agace le contempteur des mauvaises herbes, c’est qu’elles ne présentent pas leurs papiers quand elles franchissent une frontière ; cette aptitude à la désinvolture de leur part, oui, j’ai bien la sensation que ça rend fou l’adepte de la bureaucratie pour lequel rien ne doit dépasser ; mais on ne peut exiger d’une sauvage qu’elle se comporte comme un troufion à la caserne). Depuis lors, on ne compte plus les études parues sur un laps de temps d’une vingtaine d’années dans lesquelles les auteurs, de provenance très diverse, exposent les mêmes faits, objectent d’identiques récriminations. Expliquons donc en quoi le galinsoga est vu comme une machine de guerre prête à tout péter. Tout d’abord, un aveu : la difficulté avec laquelle il est presque impossible de l’éradiquer en dit long sur l’angoisse de ceux qui voudraient le réduire à l’état de boulette de paille de rien du tout. Sentiment d’effroi de ceux auxquels les choses échappent… Avoir peur face à la vie… Tout de même ! Équipé d’une plasticité phénotypique transgénérationnelle, le galinsoga a effectivement de quoi inquiéter les épandeurs de mort chimique tous azimuts. Ce qui nous mène tout droit au champ si typique de l’agriculture intensive. S’il est frais, sablonneux, profond, plutôt acide, enrichi de matières azotés en veux-tu en voilà, il est fort probable que le galinsoga s’y installe avec préférence, s’il dispose aussi d’assez de lumière et d’un enfouissement des semences à faible profondeur (4 à 10 mm ; autant dire qu’il n’a pas besoin d’un labour profond). L’azote, surtout sous la forme de dépôts élevés dans les sols agricoles, semble être un facteur prépondérant, à ce que le galinsoga nitrophile devienne un envahisseur agressif (en Afrique, ce qui est pour les Occidentaux un cauchemar, passe pour un indice précieux : on repère plus facilement les sols fertiles et prospères dignes d’accueillir des cultures si le galinsoga s’y installe préalablement). Des facteurs propres aux sols concourent à la réussite (ou non) du galinsoga. Si l’ensemble des conditions de levée de dormance des semences sont réunies, alors c’est la porte ouverte à une prospérité démultipliée sachant que plusieurs générations de galinsoga peuvent se succéder au cours de la même année. A l’âge de deux mois, un pied de galinsoga peut produire de 2000 à 15000 graines, petits fruits dont le pappus aide à la propagation par le vent ou par le biais des poils des animaux de passage dans lesquels il s’emmêle. Bien que les premiers froids signent l’arrêt de mort du moindre galinsoga, cette plante aura néanmoins réussi à fleurir sans discontinuer de mai à octobre, formant pléthore de graines qui conservent une capacité germinative jusqu’à cinq années. D’autres facteurs permettent d’expliquer le succès du galinsoga. Cette plante profite très probablement de champignons mycorhiziens arbusculaires lui assurant un développement aisé dans un biotope secondaire. De plus, « certains rapports d’étude indiquent que le galinsoga présente des niveaux élevés de tolérance aux facteurs de stress abiotiques associés aux changements climatiques »1. D’autres « résultats ont suggéré que Galinsoga parviflora pourrait utiliser des stratégies de tolérance et de résistance de manière exhaustive, adoptant une variété de stratégies de défense telles que la croissance compensatoire, la défense physique et la défense chimique, ce qui serait propice au succès de son invasion »2. Ajoutons encore à cela sa résistance à certains herbicides comme le propyzamide, et l’on comprendra davantage la crainte des équarrisseurs de mauvaises herbes. Mais, alors qu’en Europe, on passe son temps à râler après les EEE (dont le galinsoga et cet autre, le bident poilu, Bidens pilosa), en Afrique (République démocratique du Congo, par exemple), on les emploie comme plantes médicinales pour traiter, entre autres, l’hypertension des personnes âgées. Imagine-t-on voir « parader » l’humble galinsoga aux côtés du vénérable (et maintenant vénéré) moringa ? Il faut le croire pour le voir ^.^ Pourtant, certains chercheurs, équipés d’un peu plus de sagacité que d’autres, étouffés par les financements massifs des lobbys de la chimie agricole, se posent de bonnes questions et tentent d’y répondre : ils ont parfaitement conscience que, pour l’heure, le rangement du galinsoga dans le clan honni des mauvaises herbes interdit presque toute investigation autre que celle qui consiste à dénicher le meilleur moyen de lutter contre les « sales bêtes ». Ainsi, le temps perdu à rechercher un moyen de contrôler le galinsoga, ne l’est pas à rendre compte de ses activités thérapeutiques. Comme si ce classement entravait d’autres manières de considérer cette plante, c’est-à-dire en tant que plante alimentaire et médicinale. « En dehors de ces avantages, plus d’efforts sont nécessaires pour surmonter l’obstacle vers les applications cliniques de la plante. Par conséquent, les futures études devraient continuer à isoler et à identifier les composés bio-actifs, en évaluant les mécanismes d’action et leur efficacité contre diverses maladies. L’étude de toxicité est fortement recommandée en milieu clinique pour permettre l’utilisation durable de cette plante médicinale potentielle »3. Quel gaspillage en raison d’une monomanie ! Aussi, j’espère que cet article saura rattraper un tout petit peu de ce temps égaré, car qui aime la vie ne peut pas faire au galinsoga un mauvais accueil. Il faut les voir, ces plantes pionnières, qui brisent des digues ou des résistances psychorigides qui ne disent rien de bon sur l’état du monde. Parce que le galinsoga est un adepte de la liberté qui fait fi de la bien-pensance de travers. Il nous fait observer que l’on peut déborder du cadre, que l’on n’est pas dans l’obligation de rester enferré dans les entraves que d’autres ont dressées sur notre chemin, que, parce qu’inaliénable, l’on n’est pas non plus forcé de sacrifier son intégrité spirituelle. Or, la mauvaise herbe irrite, car elle incarne la liberté, celle-là même que les pourchasseurs de pestes cherchent à réduire au silence. Qu’on dise d’un homme qu’il est comme du chiendent ou de la mauvaise graine, et c’est tout de suite perçu comme une insulte. Mais n’est-il pas préférable d’être de cette mala pianta-là, plutôt qu’un docile légume, bien emballé, bien propret, bien calibré, quand bien même il serait fade et sans goût, parce que sans âme ? C’est pourquoi la mauvaise herbe est l’ennemie du geôlier et du tortionnaire, parce qu’elle se soustrait et se renouvelle sans cesse face à ce pouvoir qui n’est que très relatif et peut, dès demain, être remis en question. Hier encore, l’on croyait avoir mis à bas le bleuet, aujourd’hui celui-ci fait montre, avec opulence, de ses capacités d’adaptation, jetant de son œil noir un clin en direction de l’empesteur de mort chimique qui ne doit pas en croire les siens ! Bienvenue dans la Vie. Grandiose, immense, inarrêtable. A ce sujet, offrons-nous en une bonne tranche qui se situe au début des années 1940, sous la forme d’un compte-rendu écrit par Auguste Quéney (1867-1961) et qu’il fit paraître dans le Bulletin mensuel de la Société linnéenne de Lyon (janvier 1942). Alors qu’ailleurs les hommes s’amusaient à s’entre-tuer, Quéney nous parle du galinsoga repéré dans la banlieue lyonnaise. Étant moi-même Lyonnais, cela m’intéresse de savoir que cette plante si décriée aujourd’hui était déjà présente dans le fief qui allait m’accueillir des décennies après la publication de ce communiqué. Ainsi, saurez-vous maintenant qu’au début des années 1940, le galinsoga avait été recensé en trois localités : à Écully (rue Clément, une petite rue bordée de vieux murs qui devaient déjà être là il y a 80 ans), à Caluire-et-Cuire (au nord de Lyon, chemin de Vassieux, où je ne serai pas étonné de l’y trouver encore), enfin à la limite du quatrième arrondissement de Lyon et de Caluire-et-Cuire, rue Pierre Brunier. Ça nous fait une belle jambe, n’est-ce pas ? ^.^ Certes, certes. Mais il y a dans ce type de dépêche, un je ne sais quoi d’inattendu et de poétique qui me fait le même effet que de prendre inopinément connaissance, comme ça m’est arrivé récemment, dans un vieux journal du début des années 1970, d’un entrefilet qui témoigne du départ des hirondelles pour des terres moins inhospitalières et dont le retour ranime toujours au cœur de l’homme de bien meilleurs sentiments. On s’est bien éloignés du galinsoga, mais cette aparté permet de rappeler que sur ce blog, on pourra toujours parler de la beauté du monde.

En ce qui me concerne, la première fois où j’ai rencontré cette plante est assez récente, puisque c’était l’été dernier. Je l’ai alors remarqué, poussant en masse dans un recoin de potager, tapissant à lui seul plusieurs m². J’ai pu observer à loisir la croissance de cette plante jusqu’à ce que le jardinier ne décide de tout raser :/ Pas de panique, je puis néanmoins vous en faire la description. Petite plante annuelle de 50 à 60 cm de hauteur (on a recensé des spécimens mesurant le double), très ramifiée, finement pubescente surtout en ses parties hautes, le galinsoga comporte une abondance de feuilles dont les pétioles décroissent de la base au sommet. Opposées, ovales, crantées de grosses dents plates et achevées d’une pointe aiguë, les feuilles inférieures, qui sont les plus grandes (elles mesurent 6 cm de longueur et 4 cm de largeur), portent des stries parallèles bien visibles. Les feuilles supérieures, quant à elles, sont plus petites et presque sessiles.

Dès le mois de mai fleurit le galinsoga. Astéracée oblige, on lui voit porter de petits capitules (4 à 7 mm) presque sphériques constitués de 15 à 50 fleurs jaunes en forme de tube, formant un disque central bombé comme un couvercle de marmite, cernées par trois à huit ligules blanches trifides. Chacune de ces multiples fleurs forme un akène surmonté d’une aigrette plumeuse, le pappus. Comme le galinsoga possède un cycle de vie court (il lui faut cinquante jours pour aller de la germination à la formation des graines mâtures), l’on peut observer, quand les conditions le permettent, une succession de levées au cours d’un seul été.

Devenu cosmopolite, le galinsoga a été répertorié en Amérique du Nord, en Europe, en Afrique, en Asie et même en Australie. S’acclimatant à bien des latitudes et longitudes, le galinsoga sait faire preuve d’une grande capacité à peupler des milieux très variés dont la singularité est qu’ils portent tous plus ou moins l’empreinte des activités humaines : champs arables de l’agriculture intensive tout autant que le jardin potager particulier, terrains vagues et décombres, friches, bords de routes, trottoirs et pied des vieux murs, etc. Remarquons surtout l’accointance du galinsoga avec les sols perturbés.

Le galinsoga en phytothérapie

Vu que le galinsoga s’est propagé à une large partie de la planète, l’on a observé qu’« en raison des variances génétiques, des changements écologiques et des variables environnementales, il existe une grande variété chimique, qui contribue à la diversité des propriétés pharmacologiques »4. Cette évidence permettra, sans doute, de mieux accepter le fait qu’un grand contraste existe entre la présence de cette plante dans les champs (qui s’y répand avec une plus grande facilité que la morelle noire à laquelle, par l’allure générale, elle ressemble beaucoup) et la foultitude d’informations d’ordre phytochimique dont nous disposons à son sujet. Cela, c’est ce qui se produit lorsqu’on passe son temps à pester face à une « invasive » qui n’est pas reconnue pour ses bienfaits scientifique et médicaux sur le sol européen. Tout concentré sur les modes lui permettant de l’éradiquer (!), l’Européen néglige, comme de bien entendu, d’autres objectifs de recherche. C’est aussi cela qui explique que je n’ai trouvé la présence du galinsoga que dans seulement deux ouvrages de ma bibliothèque, dont l’un préconise de se débarrasser de cette « sale mauvaise herbe », ainsi que le Français aime à appeler de telles plantes. J’appelle ça « passer à côté », ce qui n’arrange pas le galinsoga, herbe à haute cécité botanique d’un point de vue pharmaceutique sous nos latitudes. Si l’on concentre le regard sur la matière médicale qu’offre le galinsoga, l’on remarque qu’il est souvent question des parties aériennes (fleuries ou non), fraîches, considérées entières ou bien par le seul suc que l’on en retire. Ces parties aériennes, les feuilles en particulier, émettent quelque odeur une fois froissées. En revanche, quand on vient à les mâcher, elles demeurent assez insipides en bouche. Rien de bien fantastique, en somme. Est-ce pour autant une raison satisfaisante pour rejeter cette plante ? Je ne crois pas. Il faut, effectivement, dépasser la vision erronée que l’on peut avoir sur ce point, à savoir : plante inodore/insipide = plante inactive. Surtout depuis que l’on sait que des plantes contiennent des composants primaires et des métabolites secondaires, lesquelles se révèlent à la perspicacité des chercheurs à la suite de différentes méthodes d’extraction (par exemple, dans le domaine de l’aromathérapie, on a parfaitement connaissance que des molécules qui ne préexistent pas dans la plante fraîche, se retrouvent dans le vase florentin à l’issue de la distillation). Il existe bien d’autres manières de voir évoluer la composition chimique d’une plante entre le moment où elle est encore sur pied, entière et bien vivante, et cet autre-là où elle est cryobroyée et séchée, ou bien réduite à l’état d’extrait alcoolique ou aqueux, etc. La liste des composants biochimiques présentés ci-dessous tient compte de cette dimension et peut donner, par sa profusion (surtout en ce qui concerne ce « pauvre » galinsoga parfaitement inutile, n’est-ce pas ? ^.^) l’impression d’une exagération. Quoi ? Cette humblette petite plante serait capable de tout ça ? C’est sûr qu’à côté du peu d’égard qu’on lui réserve habituellement, ça peut surprendre. Une fois de plus, ce sont les flavonoïdes et corps flavoniques apparentés qui sont ici à l’honneur, molécules dont on a beaucoup parlé au fil des tout derniers articles parus sur le blog (pour rappel : griffe du diable, rooibos, scutellaire de Virginie, gaillet jaune, etc.). Sorte de fil jaune ? Allez savoir, je n’en sais rien moi-même. Bref, les flavonoïdes. Voilà les principaux : apigénine 7-β-D-glucoside, galinsosides A et B, lutéoline 7-β-D-glucopyranoside, kaempférol, parviside A, quercétine 3-O-β-glucuronide, isoquercitrine, rutine, patulitrine, quercétagétrine, querciméritrine, astragaline, miquélianine, trihydroxyflavanone, pentahydroxyflavanone. Ils se tiennent en bonne compagnie avec les acides phénols et polyphénols que voici : acide chlorogénique (le principal), acide protocatéchique, acide 4-hydroxybenzoïque, acide gallique, acide isovanillique et acide caféique. Au sujet de ce dernier, on observe aussi divers dérivés comme l’acide tricafféoylaltrarique (dur, dur), l’acide dicafféoylglucarique et le parviside B. La composition biochimique du galinsoga compte encore des phytostérols (β-sitostérol, 3-O-β-D-glucoside, 7-hydroxy-β-sitostérol, stigmastérol, 7-hydroxystigmastérol), des diterpénoïdes (phytol) et des esters aromatiques (galinosoates A, B et C). On distingue encore un alcool gras à longue chaîne, le triacontanol (ou alcool mélissylique), un élément très pertinent si l’on considère la vigueur avec laquelle le galinsoga se propage partout. En effet, améliorant la photosynthèse et la biosynthèse des protéines, c’est un véritable facteur de croissance pour la plante qui en contient. Au registre des éléments plus communs, on constate l’existence d’un certain nombre de vitamines dans les tissus du galinsoga, dont de la provitamine A, de la vitamine C et plusieurs vitamines du groupe B (B1, B2, B3), de même que plusieurs éléments minéraux (calcium, potassium, magnésium, fer, zinc…). Du tanin côtoie une fraction aromatique qu’on dit tantôt dominée par le β-bisabolène (46 %), tantôt par le γ-bisabolène (40 %), qu’accompagnent encore des molécules plus connues comme le β-caryophyllène et d’autres plus ou moins inconnues. On cite parfois la présence de saponines et, plus curieux, d’alcaloïdes, mais rien ne me permet d’asseoir confortablement cette assertion hormis quelques rapides citations isolées dans la littérature.

Propriétés thérapeutiques

  • Anti-infectieux : antibactérien (Bacillus subtilis, Micrococcus luteus, Staphylococcus aureus, Escherichia coli, Pseudomonas aeruginosa), antifongique (Candida albicans, Aspergillus niger), antiviral, nématocide (Meloidogyne incognita, Cephalobus litoralis), larvicide et inhibiteur de la ponte chez plusieurs espèces de moustiques dont Anopheles stephensi, Aedes aegypti, Culex quinquefasciatus, Anopheles subpictus, Aedes albopictus, Culex tritaeniorhynchus (c’est-à-dire pas moins que des insectes vecteurs de différentes maladies infectieuses comme l’encéphalite japonaise, le paludisme, la fièvre jaune, le virus zika, le chikungunya, la dengue, la fièvre du Nil, l’encéphalite de Saint-Louis…)
  • Anti-inflammatoire, analgésique, anti-oxydant puissant, antiradicalaire, inhibiteur de la peroxydation de l’acide linoléique, effet protecteur contre les UVA (photo-protecteur), protecteur des fibroblastes cutanés contre le stress oxydatif provoqué par les UVA
  • Cytotoxique (cancer du sein, leucémie)
  • Digestif, nutritif
  • Dépuratif sanguin, améliore la circulation du sang, antihypertenseur, hypoglycémiant
  • Hépatoprotecteur
  • Astringent cutané, cicatrisant
  • Améliore la mémoire (?)

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : diarrhée, vomissement, maux d’estomac, cancer colorectal (?)
  • Troubles de la sphère respiratoire : rhume, grippe, infection fébrile
  • Troubles de la sphère hépatobiliaire : douleur et inflammation hépatiques, jaunisse, diabète du type II, hyperglycémie
  • Troubles de la sphère cardiovasculaire et circulatoire : hypertension, cellulite, hémorragie, rosacée
  • Affections cutanées : blessure (sanguinolente, de cicatrisation difficile), plaie, coupure, lésion cutanée, photo-vieillissement, photo-cancérogenèse, furoncle, abcès, acné, eczéma, lichen, piqûre d’insecte et d’ortie (en Inde, Afrique et Indonésie : piqûre de scorpion, morsure de serpent)
  • Maladies infectieuses : maladies causées par des nématodes, infections causées par des bactéries uréolytiques, paludisme, fièvre jaune ; dysimmunité (bouton de fièvre, etc.), anémie
  • Troubles locomoteurs : articulation douloureuse, courbature
  • Maux d’oreille
  • Maux de dents

Modes d’emploi

Note : le galinsoga n’étant pas inscrit dans la pharmacopée française, il n’existe donc aucune spécialité faisant appel à lui en vente sur le territoire national. N’allez donc pas ennuyer votre pharmacien en lui demandant une plante dont il n’a, sans doute, jamais entendu le nom. De même du côté des plantes en vente libre : pas de trace de lui. A plus forte raison. Qu’est-ce que cela signifie donc ? Eh bien qu’il faut vous en remettre à vos propres moyens, c’est-à-dire imaginer la confection de plusieurs remèdes « maison » élaborés à partir de la plante recueillie à l’état sauvage dans le biotope secondaire qu’elle occupe, tout en prenant soin, comme toujours, de ne pas la récolter n’importe où. Vous pourriez même semer des graines dans votre jardin, si vous saviez où vous en procurer (en courant le risque, au passage, de répandre la plante partout, sauf, bien sûr, dans les zones où la levée de dormance de ses semences est impossible). Néanmoins, sachez que le galinsoga peut s’utiliser aussi bien frais que sec. Voici quelques modes d’emploi qui pourraient vous aiguiller.

  • Infusion : dans un litre d’eau, placez 20 g de feuilles et de sommités fleuries fraîches de galinsoga. Laissez infuser une dizaine de minutes à couvert, puis filtrez.
  • Poudre de feuilles : après récolte et séchage soigneux, l’on peut réduire en une poudre grossière les feuilles du galinsoga. Il est possible de mixer plus finement ces paillettes au pilon. Comptez une cuillerée à café de cette poudre mêlée à un jus de fruit, une compote, etc.
  • Teinture alcoolique : plongez dans le même poids d’alcool (rhum à 50°, par exemple), une quantité donnée de sommités fleuries fraîches de galinsoga grossièrement hachées. Laissez en contact permanent pendant trois semaines tout en remuant vigoureusement votre bocal une fois par jour. A l’issue, filtrez et conservez en bouteille opaque. A utiliser à raison d’une demi cuillerée à café diluée dans un verre d’eau, trois fois par jour. Étendue d’eau, cette teinture se prêtre bien à la lotion cutanée.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Récolte : on peut récolter les parties aériennes à l’état jeune jusqu’au moment où la plante se met à fleurir. Comme elle fleurit au début de l’été, en juin, on peut en bénéficier durant tout le printemps en ce qui concerne des « usages de bouche ». A destination d’une pratique phytothérapeutique, il est permis de collecter la plante même une fois qu’elle a fleuri.
  • Notons-le par précaution : le galinsoga, aux doses usuelles (thérapeutiques comme alimentaires), n’est pas toxique, comme le prouve l’usage qui veut qu’on en donne sans risque au bétail en guise de fourrage (il ne conviendrait cependant pas aux chèvres…). Dans son fief natal sud-américain, cela fait des générations maintenant qu’il est convié à la table en tant que légume vert, cette plante alimentaire étant fort appréciée dans bien des pays (Chili, Pérou, Colombie, Bolivie…), une appétence qui s’est propagée à d’autres aires géographiques comme l’Asie du Sud-Est ou bien l’Afrique (Afrique du Sud, Tanzanie, Zimbabwe…). Le galinsoga est un exemple typique de ces légumes-feuilles qu’on appelle les brèdes, en particulier lorsque ce sont des feuilles à cuire comme l’arroche, l’amarante, le cresson de Para ou l’inénarrable épinard. Parce que peu sapide, on a fait du galinsoga un aliment de famine, considération dont semblent ne pas se soucier les Boliviens et les Colombiens de Bogotá, puisque, dans ces deux pays sud-américains, l’ajiaco, sorte de plat national ayant toute l’apparence d’une soupe épaisse à la limite du ragoût, fait participer, en guise d’ingrédient aromatique, la guasca (manière dont on nomme le galinsoga en Colombie) qui, une fois cuite, révèle une saveur proche de celle du cul d’artichaut et du topinambour, trahissant la présence dans ses feuilles d’hydrates de carbone qui, tout comme la pomme de terre, ont pour fonction d’épaissir la préparation, de lui apporte du corps. L’amateur d’ajiaco profite aussi des protéines, des acides gras, des sels minéraux et des vitamines du galinsoga.
  • Phytoremédiation : le galinsoga, qu’on voue partout aux gémonies par chez nous, a été remarqué comme potentiellement herbicide (drôle, n’est-ce pas ? ^.^) et semble posséder une activité de contrôle de certains micro-organismes affectant tout d’abord les plantes puis l’homme par voie de conséquence »5. Autre chose de bien intéressant : le galinsoga prospère sur des sols dont la particularité peu amène est d’être contaminés au cadmium, un métal lourd. Et, dans cette catégorie des plantes phytoremédiatrices, le galinsoga est un champion, étant qualifié d’hyper-accumulateur, chose risible quand on considère que le cadmium est l’une de ces substances qui farcissent en masse les accumulateurs des véhicules électriques6. Bref. Plus un sol est pollué au cadmium, plus la biomasse des racines et des pousses du galinsoga diminue, alors que la teneur de la plante en cadmium augmente, ce qui, bien entendu, rend ce galinsola-là impropre à la consommation humaine. D’où la nécessité de se renseigner sur l’historique d’un lieu avant d’y procéder à la cueillette du galinsoga qui s’y trouverait.
  • Autre espèce : en France, l’on peut aussi croiser un cousin du galinsoga, le galinsoga cilié (Galinsoga quadriradiata).

_______________

  1. Source.
  2. Source.
  3. Source.
  4. Ibidem.
  5. Source.
  6. Cela me permet de glisser ici-maintenant une question qui me taraude l’esprit depuis quelques temps : est-ce sanitairement pertinent de conduire un véhicule qui embarque quantité de métaux lourds dans sa caisse ? Apparemment, ça ne dérange pas grand monde de se trimballer dans des bétaillères bourrées de nickel, cobalt, cadmium, etc. On ne va pas tous les citer, ça risque d’être long, vu que la plupart des métaux dits lourds – 41, au total – sont impliqués, peu ou prou, dans la fabrication des véhicules électriques. Et on pleurniche après le galinsoga. Pour ma part, je préfère que pousse le galinsoga dans les champs que de voir pulluler sur les routes ces gros SUV électriques dangereux.

© Books of Dante – 2023

La griffe du diable (Harpagophytum procumbens)

Il y a une quinzaine d’années, alors que la griffe du diable était fort à la mode, j’aurai pu écrire un texte à son propos. Mais, à ce moment-là, je savais que cette plante était largement menacée. Ne voulant pas ajouter une publicité bien inutile, je me suis abstenu. Aujourd’hui, les choses ne se sont guère arrangées, cependant on commence, tout doucement, à desserrer l’étreinte pharmaceutique qu’on avait appliquée à cette plante pendant des décennies (sans doute parce qu’une autre malchanceuse attire une convoitise qui s’est déplacée jusqu’à elle…). Quelque peu passée de mode, la griffe du diable n’est pas pour autant tirée d’affaire, la biopiraterie sévit toujours, et bien des faussaires seraient à même de nous faire passer des vessies pour des lanternes.

Un beau week-end à toutes et à tous :)

Gilles

Synonymes : harpagophyton, racine de Windhoek, cancer bush (crabe du Bush), devil’s claw (= griffe du diable).

On estime à environ 5400 le nombre d’espèces végétales faisant l’objet d’un usage médicinal traditionnel en Afrique, dont moins d’un dixième a été concerné – même de façon minime – par un développement commercial. L’harpagophytum fait partie de cette mince escouade, bien qu’il n’existe aucune mention d’utilisation autochtone de la griffe du diable avant le début du XXe siècle, ce qui est bien assez souvent le cas dès lors que des usages indigènes ne sont pas collectés et donc ignorés par la littérature. (J’ai bien peur que l’ethnobotanique des tribus sud-africaines soit plus famélique encore que celle des Amérindiens d’Amérique du Nord…) Néanmoins, « deux récits du XIXe siècle (Wood en 1870 et Cooke en 1882) font seuls référence à la griffe du diable, mais mettent l’accent sur sa ‘nature diabolique’ : ‘Le lecteur peut facilement imaginer les horreurs d’une plante qui est équipée de telles armes. Celui qui porte des vêtements n’a aucune chance d’en réchapper. Si une seule épine attrape son manteau, il est prisonnier. [… ] Si le lecteur veut se faire une idée de la puissance de ces épines, il peut le faire en poussant son bras au milieu d’un rosier épais, et en multipliant mentalement le nombre d’épines par cent, et leur taille par cinquante’ »1. On se demande bien comment une telle machinerie infernale aurait pu échapper à la sagacité des tribus autochtones parmi lesquelles les San, c’est-à-dire les Bochiman. Par la nature de leurs activités liées à la chasse et à la cueillette, ils devaient non seulement avoir parfaitement connaissance de cette plante, mais aussi avoir perçu, grappin aidant, le potentiel thérapeutique d’une telle manifestation végétale (qui apparaît évidente pour peu qu’on soit sensible aux signatures du monde végétal). Ce fut effectivement bien le cas, comme relaté par Anton Lübbert en 1901 puis par Hellwig un peu plus tard (1907). Dans deux ouvrages respectifs, ils expliquaient que l’harpagophytum est impliqué dans la guérison des plaies, de la toux, des désordres gastro-intestinaux (diarrhée, constipation, dyspepsie), ainsi que des maladies vénériennes. Bien mieux renseignés aujourd’hui qu’il y a deux siècles, nous savons que les Bantous d’Afrique du Sud, de même que les Hottentots (Khoï) usaient de cette plante comme matière médicale, puisque « des comptes rendus ultérieurs ont corroboré ces premiers enregistrements de l’utilisation traditionnelle des tubercules de griffe du diable principalement sous forme de perfusions et de décoctions à des fins digestives, gynécologiques, antalgiques, fébrifuge, antidiabétique, comme tonique général, pour les maladies infectieuses, et la poudre sèche comme pansement »2. Effectivement, les communautés rurales d’Afrique du Sud intégrèrent la griffe du diable au sein de leur pharmacopée, puisque cette plante s’avérait aussi capable de soulager affections cutanées (ulcère, furoncle), convulsions et accès épileptiformes infantiles et maladies du sang. Remarquons avant tout que l’harpagophytum était plébiscité pour les troubles digestifs d’une part, les affections locomotrices telles que l’arthrite et le rhumatisme d’autre part, en raison du lien – certes pas forcément apparent – qui les unit. Pourquoi donc ? Parce que « nombre de troubles arthritiques s’associent à une mauvaise digestion et à une mauvaise assimilation ; l’effet stimulant de cette plante sur l’estomac et la vésicule biliaire contribue à sa valeur thérapeutique comme remède anti-arthritique »3.

Du fait de la confrontation entre colons blancs originaires des Pays-Bas et populations autochtones, peut-on dire que, comme à chaque fois que l’Européen met/mettait un pied hors de son territoire, cette prise de contact entre les colons et la plante locale qu’est l’harpagophytum se soit déroulée dans le sang ? (Pour lui qui guérit les plaies, ce serait un comble !) Je dis ça parce que l’historiographie de l’harpagophytum expose l’épisode durant lequel, au début du XXe siècle, l’Allemand Gottreich Hubertus Menhert s’engagea en 1904 pour mener des combats face à la tribu des Hereros et pour, plus tard, mâter la révolte des Nama (d’aucuns prétendent que ces « guerres » furent prétexte à massacrer tout simplement ces populations ce que, d’ailleurs, le gouvernement allemand, dans une forme de repentance tardive, a récemment reconnu). A cette occasion, la présence de Menhert dans le sud de l’Afrique l’amena à faire la rencontre d’un guérisseur local dont il observa la prouesse dans la guérison des plaies. Jaloux de son savoir (et sans doute aussi animé d’un soupçon vindicatif à l’encontre de l’envahisseur), ce sorcier refusa de lui révéler l’emplacement de l’herbe magique capable d’un tel prodige. Puis, l’historiette, qui confine à la fable, explique que c’est le chien de Menhert, grâce à son flair extraordinaire, qui débusqua le repaire de la plante. Mais tout cela n’est pas autre chose qu’un ensemble de faits présenté selon le point de vue du conquérant, spectacle tout mâtiné d’un peu trop de gloriole affriolante pour être honnête. En réalité, comme presque partout ailleurs, une plante locale a été repérée par quelqu’un qui n’avait pas l’œil dans sa poche (rappelez-vous de Ginsberg avec le rooibos) qui échafaude toute une mythologie autour de la dite plante, au travers de laquelle il s’érige lui-même à son avantage. Cela, c’est de la science-fiction. Il y a, toujours, à la base, même si cela est tu pour d’évidentes raisons de marketing, un usage indigène de la plante pratiqué depuis des générations et cela où qu’on jette le regard, Amérique du Nord, Tibet ou comme, ici, sud-ouest africain. On a observé, dans le sud du continent africain, des phénomènes similaires qu’en Amérique du Nord : des populations indigènes ont révélé, au contact des colons étrangers, certaines connaissances thérapeutiques au sujet de plantes médicinales locales (ce fut exactement le cas de Lübbert et de Hellwig, sans que ceux-ci ne s’arrogent ce savoir). Revenons-en à Menhert. Ce n’est que durant la Seconde Guerre mondiale que, prisonnier dans le camp sud-africain d’Andalusia, il aurait partagé ses connaissances avec un autre codétenu allemand, scientifique de son état, Otto Heinrich Volk (1903-2000) qui, dit-on, aurait introduit l’harpagophytum en Allemagne au sortir de la guerre (1953) avant de se rendre à de nombreuses autres reprises en Afrique australe (1956, 1963, 1968, 1972, 1981, 1984 et 1985) afin d’y étudier l’ethnobotanique locale. Cela eut pour conséquence la publication d’une avalanche d’études dans le cours des années 1960, mouvement entamé dès 1958 par la première étude pharmacologique de la griffe du diable menée par Zorn. Il faudra patienter durant une vingtaine d’années avant que la griffe du diable ne soit connue en France, introduction tricolore à laquelle succède la première monographie européenne portant sur l’harpagophytum en 1981 et son inscription à la pharmacopée européenne en 1995.

Face à un engouement qui ne faiblissait pas mais qui, tout au contraire, ne faisait que croître, l’harpagophytum se trouva assez rapidement confronté à un problème de taille. L’alerte sur la pression écologique que l’industrie pharmaceutique fait peser sur la griffe du diable ne date pas d’hier, puisque dès 1975 les premiers textes à aller dans ce sens furent publiés ! La demande suscitée en Europe s’est confrontée à la réalité, c’est-à-dire à l’incapacité d’y répondre, les fournisseurs locaux ne pouvant pas la satisfaire (à l’instar du rooibos, comme nous l’avons récemment vu). Cela eut pour conséquence, entre autres, de faire mêler aux racines d’Harpagophytum procumbens celles d’H. zeyheni, cela dès la fin des années 1970, sans qu’aucune méthode ne puisse, alors, faire la différence entre les deux (ce qui n’est plus le cas à l’heure actuelle).

Alerter contre la biopiraterie, c’est ce que faisait déjà intelligemment Jean-Marie Pelt dans un ouvrage consacré aux nouveaux remèdes naturels : « On sait par exemple que les sites naturels de l’harpagophytum, omniprésent dans le traitement de l’arthrose et des douleurs rhumatismales, s’appauvrissent de manière inquiétante en Afrique du Sud-Ouest. Dans ce cas comme dans cent autres, il n’est plus possible, aujourd’hui, de se contenter de récolter les plantes actives dans la nature. Pour les préserver, leur culture s’impose. Il n’est pas davantage admissible de ‘pirater’ les ressources d’un pays du tiers-monde sans que ceux-ci obtiennent une juste rétribution de leurs apports »4. Il disait cela il y a déjà plus de 20 ans. Si la consommation d’harpagophytum depuis n’a pas fléchi, on observe que certaines spécialités sont conçues à partir de griffe du diable biologique, donc de la plante mise en culture. Ceci dit, un article récent, puisqu’il date de 2021, expliquait que la culture de l’harpagophytum selon les préceptes de l’agriculture biologique n’était pas économiquement viable. Un article de 2005 explique qu’en 2002, « année de pointe des exportations, 1018 tonnes de tubercules séchés ont été exportées d’Afrique australe [NdA : Namibie tout d’abord suivie de loin par le Botswana et l’Afrique du Sud], ce qui représente la récolte de millions de plantes. […] La récolte a amélioré les niveaux de revenu dans les communautés marginalisées, mais elle a également soulevé des questions de durabilité. En 2000, on a recommandé à la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) d’ajouter la griffe du diable à l’annexe II. En 2004, la proposition a été officiellement retirée en raison des efforts déployés par les États de l’aire de répartition pour aborder les questions de durabilité. Le remplacement de la collecte sauvage par la culture a suscité un débat sur les effets positifs et négatifs sur le revenu des exploitants et des agriculteurs ruraux. Les efforts de culture réussis ont impliqué des techniques de micropropagation et la culture de la plante sans eau ni engrais. Les gouvernements des principaux États de l’aire de répartition collaborent avec les collectivités locales pour élaborer des politiques et des règlements visant à protéger l’espèce et à déterminer une récolte durable »5 qui permet d’assurer la majeure partie de la production (80 %) dont la qualité, parce que conventionnelle, demeure faible, tandis que l’harpagophytum de certification biologique constitue seulement 5 à 10 % du volume de production et la certification Fair for life uniquement 1 %. A ce stade-là, on peut être certain que, bien que seules les racines tubéreuses secondaires soient employées comme matière médicale, bien des plantes sont intégralement détruites durant la récolte, empêchant aux populations d’harpagophytums de se maintenir. Je doute même qu’un arrachage respectueux (?) des racines tubérisées puisse autoriser la plante à s’assurer la survie sachant qu’elles ont pour fonction de stocker de l’eau de réserve et des nutriments. A l’heure actuelle en Europe, seuls les médecins les plus avisés déconseillent l’emploi de l’harpagophytum pour des raisons écologiques. Pour accompagner cette décroissance d’utilisation de cette plante, il est également remarquable que la production scientifique en rapport avec elle, après avoir connu un pic il y a 15-20 ans, voit aujourd’hui une diminution spectaculaire des études de recherches menées au sujet des principales propriétés thérapeutiques de la griffe du diable (propriétés anti-inflammatoire et analgésique). Pas certain que cela soit intégralement à mettre sur le compte d’une prise de conscience écologique…

L’harpagophytum est un drôle de phénomène botanique : en effet, il faut admirer la manière dont cette plante s’est prodigieusement adaptée à son milieu particulièrement âpre et avare, qui l’a obligée à devenir une plante xérophile. Pourtant, au centre de la plante (si tant est qu’on puisse le repérer au premier coup d’œil), une racine principale émerge un peu du sol. C’est de ce point que se répandent les tiges foliaires qui rampent sur le sol dans toutes les directions. Si l’on n’est pas capable de déceler la présence de cette première racine, il faut procéder à rebrousse-chemin : en remontant une tige à la façon d’un fil d’Ariane, on atteint l’épicentre souterrain de la griffe du diable qui peut s’enfoncer à pas loin d’un mètre de profondeur dans le sol. Ce système racinaire principal est accompagné de racines secondaires en forme de gros tubercules de 3 à 10 cm de diamètre et dont le poids peut atteindre 1,5 à 2 kg. C’est exactement là la matière médicale recherchée par l’industrie pharmaceutique. Rayonnantes, les tiges rampantes de l’harpagophytum sont densément couvertes de feuilles irrégulièrement lobées. De consistance un peu charnue, elles sont tapissées d’un très léger duvet qui donne à la plante une couleur vert grisâtre sur laquelle contraste vivement ses fleurs qui naissent à l’aisselle des feuilles. Magnifiques trompettes, ces fleurs sont parées d’une couleur rouge pourpre éclatant plus ou moins violacé. Une fois que la fleur fane, elle se métamorphose en une redoutable créature, la fameuse griffe du diable à laquelle la plante doit son nom : en effet, harpagophytum est construit selon le mot grec harpagos qui signifie « grappin, crochet », ce qui dessine bien les mains de L’Avare de Molière quand il convoite l’or qu’il chérit tant. Ces griffes étant terminées par des aiguillons, elles s’agrippent à merveille aux pattes des animaux passant à proximité. S’en suit une sarabande endiablée afin de s’en dépêtrer. Cauchemar des éleveurs africains, la griffe du diable ne voit pas là malice car c’est ainsi – par zoochorie – qu’elle assure sa propagation, cette griffe n’étant pas autre chose, in fine, qu’une très étrange gousse contenant jusqu’à une cinquantaine de graines noires allongées, ce qu’on peut avouer avoir du mal à lui concéder tant ces fruits ligneux de 15 cm de diamètre, munis d’un encorbellement de crochets acérés, ont tout l’air d’un piège à loup végétal si fantastique qu’on en oublierait presque sa fonction première.

L’harpagophytum est répandu sur les sols argileux et sablonneux, en bordure de chemin, sur les terres incultes ainsi que sur les sols riches en oxyde de fer. On le trouve dans la plus grande partie de la Namibie, au nord de l’Afrique du Sud, au sud-ouest du Botswana. Il est accompagné de H. zeyheri ssp. zeyheri et ssp. sublobatum sur l’ensemble du territoire de ce dernier pays.

La griffe du diable en phytothérapie

Essentiellement préoccupée de la partie souterraine de cette plante, la phytothérapie a su faire la distinction entre les racines primaires, quasiment inactives, et les racines secondaires tubérisées très amères qui, elles, recèlent une foule de constituants phytochimiques que nous allons exposer ci-après de manière synthétisée, en débutant par les principaux, c’est-à-dire les iridoïdes. De ce groupe s’est démarquée une substance nommée harpagoside, dont le taux de présence s’élève à 1-4 %, ce qui est sans doute à l’origine de l’extrême concentration dont il a été l’objet. Mais comme l’on a pu constater que seule cette molécule n’agissait pas toujours comme on le souhaitait, il a fallu compléter le portrait thérapeutique de l’harpagophytum, quitte à extraire de ses entrailles un véritable bouquet de ces iridoïdes parmi lesquels nous trouvons ces autres-ci : harpagide, harpagogide, pagide, pagoside (0,06 à 0,16 %), procumbide, O-α-D-galactopyranosylharpagoside, 8-cinnamoylmyoporoside, 8-féruloylharpagide… Mais cela est loin d’être totalement satisfaisant. C’est pourquoi il nous faut y ajouter des polyphénols (verbascoside : 0,2 à 0,4 % ; iso-actéoside : 0,2 à 1 % ; acides caféique, cinnamique et chlorogénique), des triterpènes (dérivés d’acides ursolique et oléanolique, acide 3-β-acétyloléanique), un phytostérol courant dans le règne végétal, le β-sitostérol, un glycoside triterpénoïde connu sous le nom d’harproside, enfin une quinone, l’harpagoquinone. Ajoutons encore quelques constituants élémentaires comme les sels minéraux et les oligo-éléments (phosphore, potassium, calcium, titane, manganèse, magnésium, fer, cuivre, rubidium, silice, strontium), les vitamines (B1, B2, B3, B5, B9, C), des sucres (saccharose, glucose, stachyose, raffinose) et quelques flavonoïdes (lutéoline, kaempférol).

Propriétés thérapeutiques

  • Anti-inflammatoire, antalgique, analgésique (en prise régulière, l’harpagophytum permet généralement d’alléger la quantité d’AINS et autres antalgiques dont certaines personnes sont coutumières), antirhumatismal, anti-arthritique, soutient le confort, la mobilité, la souplesse articulaire, améliore la mobilité et la flexibilité des tendons, anti-allodynique, antihyperalgésique, antinociceptif
  • Apéritif, digestif, stomachique
  • Stimulant des fonctions hépatobiliaires, cholagogue, hépatoprotecteur, permet une meilleure digestion des graisses
  • Antidiabétique, hypoglycémiant
  • Dépuratif sanguin et lymphatique, abaisse le taux d’acide urique dans le sang, régulateur et chélateur des ions ferreux Fe(2+) qui s’accumuleraient massivement dans l’organisme
  • Anti-oxydant, allège le stress oxydatif, inhibiteur de la peroxydase lipidique, inhibiteur de l’acétylcholinestérase et de la butyricholinestérase, neuroprotecteur (face aux métaux lourds comme l’arsenic)
  • Anti-infectieux : antiseptique, antifongique (Candida albicans, C. tropicalis), antipaludéen6
  • Modulateur immunitaire
  • Sédatif, anticonvulsivant (dépresseur du système nerveux central)
  • Utérotonique, spasmogénique7

Usages thérapeutiques

La racine de griffe du diable, par son action manifeste sur les inflammations chroniques et le stress oxydatif, est impliquée dans bien des affections découlant de ces deux perturbations, allant du cancer à l’obésité, en passant par la maladie d’Alzheimer (on en compte de nombreuses autres comme l’arthrite rhumatoïde, les maladies pulmonaires et cardiovasculaires, le diabète de type II, etc.).

  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : retrouver un confort digestif, dyspepsie, brûlure d’estomac, colite ulcéreuse, spasmes intestinaux, maladies intestinales inflammatoires
  • Diabète, hyperlipidémie
  • Troubles de la sphère vésico-rénale : colique néphrétique, inflammation rénale
  • Troubles locomoteurs : arthrose8 y compris de la colonne vertébrale, de la hanche et du genou9, poussée congestive d’arthrose, ostéoarthrite, douleurs d’origines diverses (musculaire, articulaire, due à l’effort, post-opératoire aiguë, neuropathique10, rhumatisme, rhumatisme dégénératif, érosion articulaire, ostéoporose post-ménopausique, tendinite, névralgie (sciatique), raideur musculaire, myalgie, fibrosite, douleur dorsale (lombalgie chronique), goutte, entorse
  • Affections cutanées : plaie, ulcère, furoncle, brûlure, irritation
  • Pléthore, prise de poids
  • Maux de tête
  • Durcissement des artères
  • Candidose
  • Douleurs menstruelles
  • Troubles du système nerveux : déficit cognitif, troubles neuropsychologiques, troubles de l’apprentissage et de la mémoire

Modes d’emploi

  • Infusion : comme la dose quotidienne de la drogue brute (racine en vrac débitée en petites morceaux ou poudre de la même) est estimée entre 4,5 et 9 g, on peut envisager une infusion répétée à trois reprises au cours de la journée, employant à chaque fois 1,5 à 3 g de la drogue sus-dite. Pour la réaliser, deux modus operandi : placer une cuillerée à soupe de racines de griffe du diable dans 0,5 l d’eau, porter à ébullition pendant 5 mn, puis laisser infuser hors du feu durant une dizaine de minutes. Autrement : on laisse macérer les racines toute la nuit, le lendemain seulement on porte à ébullition pendant 5 mn, puis l’on filtre avant consommation.
  • Poudre : à raison de 1,5 g par jour, à mêler à un jus de fruit ou à tout autre liquide à votre convenance.
  • Extrait liquide glycériné ou alcoolique : 30 gouttes deux fois par jour ou 20-25 gouttes trois fois par jour.
  • Macérât huileux : placer 250 g de racines sèches dans ¾ de litre d’huile d’olive pendant trois semaines (ou pratiquer le bain-marie durant trois heures). Il serait préférable de diluer la teinture-mère dans l’huile d’olive ou privilégier une base cire/glycérine pour ce faire. On en concevrait alors une sorte de baume plus qu’une huile de massage.

Note : dans le commerce de détails dévolu à ce type d’articles, on trouve pléthore de spécialités se présentant sous la forme de comprimés, granules homéopathiques, gélules, solutions buvables, gels ou encore roll-on. Ces préparations, convoquant les pouvoirs thérapeutiques de la griffe du diable, les associent souvent à bien d’autres substances telles que certaines vitamines (C, D3) ou oligo-éléments (manganèse, calcium, cuivre, soufre), quand il ne s’agit tout bonnement pas d’autres plantes avec lesquelles l’harpagophytum forme des synergies : ortie, cassis, curcuma (curcumine), poivre noir (pipérine), reine-des-prés, saule blanc, bambou, prêle, frêne, encens, bardane, renouée du Japon, grande camomille, arnica, clou de girofle, cannelle, etc.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Récolte : après l’arrachage (fastidieux !) des racines de l’harpagophytum, on les lave, on leur ôte la cuticule liégeuse qui les protège, on les coupe en rondelles, puis on les fait sécher au soleil ou à l’ombre (dans un endroit bien aéré et chaud dans ce cas).
  • Effets indésirables/secondaires : chez 3 % des personnes ayant fait appel aux effets thérapeutiques de la griffe du diable, l’on a observé divers troubles que l’on a parfois largement exagérés comme ce que prétend cette étude de 2013 : « En pratique, la racine de griffe du diable expose les patients au risque de troubles gastro-intestinaux supérieurs parfois graves, mais n’a pas d’efficacité établie au-delà d’un effet placebo. Il vaut mieux éviter »11. Il n’est pas malaisé de deviner que ses auteurs cherchent avant tout à jeter le discrédit sur la griffe du diable. Cependant, les troubles gastro-intestinaux sont bel et bien possibles lors de la prise interne de l’harpagophytum, puisque l’on a recensé diarrhée, nausée, vomissement, douleurs abdominales, ainsi que, pour quitter l’estomac et les intestins, des maux de tête, des vertiges, une tendance à l’hypersensibilité cutanée (type urticaire), de l’hypertension artérielle. Hormis quelques cas de toxicité aiguë, aucune toxicité chronique n’a été relevée par la littérature. Aux doses usuelles, il n’y a guère que les personnes facilement irritables du système digestif qui pourraient voire surgir des troubles tels que ceux que nous avons listés plus haut. On a remarqué que des hémorragies étaient possibles lorsque l’harpagophytum se trouvait associé à des AINS et/ou des anticoagulants. D’où la nécessité de respecter le point qui suit.
  • Il est impératif de se méfier des interactions médicamenteuses. L’on sait, par exemple, que l’harpagophytum ne fait pas bon ménage avec les médicaments hypoglycémiants et hypotenseurs. Aussi est-il préférable de demander conseil au médecin avant d’utiliser l’harpagophytum si vous êtes justiciable d’un traitement déjà en cours.
  • Dans quels cas particuliers ne pas faire usage de l’harpagophytum ? On en a relevés quelques-uns : compte tenu du fait que la griffe du diable stimule la sécrétion d’acide gastrique, elle est donc contre-indiquée en cas de gastrite, d’excès d’acidité gastrique et d’ulcère stomacal et duodénal. Les personnes sujettes à l’insuffisance rénale et au calcul biliaire éviteront pareillement la griffe du diable, de même que la femme enceinte et celle qui allaite. Enfin, il va sans dire que l’harpagophytum est rigoureusement destiné à l’adulte.
  • Certains commerçants peu scrupuleux auraient tendance à mettre sur le marché la racine primaire quasiment dénuée d’activité. Parfois, on la falsifie avec celle de cette autre griffe du diable qu’est Harpagophytum zeyheri.
  • Une cure d’harpagophytum ne peut se concevoir si l’on n’envisage pas de la poursuivre durant plusieurs mois, puisque ce n’est pas avant 3 à 4 mois que l’on voit poindre un résultat convainquant, car souvent le soulagement maximal de la douleur survient à ce moment-là. Cependant, il est bon d’observer une cure fractionnée : trois semaines de prise, suivie d’une, deux ou trois semaines d’interruption avant de reprendre pour un nouveau cycle de trois semaines consécutives, etc.

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  1. Source.
  2. Source
  3. Larousse des plantes médicinales, p. 105.
  4. Jean-Marie Pelt, Les nouveaux remèdes naturels, p. 197.
  5. Source
  6. Il a été remarqué « une activité antiplasmodique in vitro significative contre une souche résistante à la chloroquine et sensible de Plasmodium falciparum… » (Source).
  7. « Certains praticiens traditionnels de la santé d’Afrique du Sud ont affirmé que la racine secondaire d’Harpagophytum procumbens est un remède obstétrical utile pour l’induction ou l’accélération du travail, ainsi que pour l’expulsion des placentas retenus chez les femmes enceintes. […] Les résultats de cette étude in vitro indiquent que l’extrait aqueux secondaire de H. procumbens possède une action spasmogénique et utérotonique sur les muscles utérins des mammifères. Ces résultats confèrent une crédibilité pharmacologique aux utilisations obstétricales folkloriques suggérées de la racine secondaire de la plante pour l’induction et/ou l’accélération du travail, ainsi que pour l’expulsion des placentas retenus chez les femmes enceintes. » (Source).
  8. « L’arthrose est caractérisée par une inflammation chronique de faible grade, qui entraîne une dégénérescence de tous les tissus articulaires, comme le cartilage articulaire, l’os sous-chondral et la membrane synoviale, ce qui entraîne de la douleur et une perte de fonctionnalité. » (Source).
  9. « Dans cette étude (2000), la griffe du diable était au moins aussi efficace qu’un médicament de référence (diacérhéine) dans le traitement de l’arthrose du genou ou de la hanche et réduisait le besoin d’analgésiques et d’anti-inflammatoires non stéroïdiens. » (Source).
  10. « Harpagophytum procumbens coopère en synergie avec la morphine pour résoudre l’hyperalgésie et l’allodynie, deux symptômes typiques de la douleur neuropathique. » (Source).
  11. Source.

© Books of Dante – 2023

Le cocotier (Cocos nucifera)

Depuis qu’on s’est rendu compte que l’huile de noix de coco pouvait se substituer à un régime riche en glucides au cours de la maladie d’Alzheimer (en fait, elle nourrit bien mieux le cerveau que ne le feront jamais la plupart des glucides dans ce cas), on a pu constater que les acides gras saturés n’étaient pas forcément les monstrueuses substances dépeintes par une littérature sous influence ne remettant pas en cause une espèce de doxa répétée comme une antienne depuis des lustres.

On va donc profiter de cet article pour parler d’huile MCT (acides gras à chaîne moyenne), de régime cétogène (un peu), de monoï (parce qu’il faut bien voyager un peu et aller voir ce qui se passe ailleurs), etc. Enfin, bref, il y a une foule de choses qui vous attendent dans les lignes qui suivent ^.^

Une bonne lecture et un beau week-end à toutes et à tous :)

Les Marquises où flânent de nonchalantes vahinés insensibles à la folle marche du monde… D’emblée, de la noix de coco l’on peut facilement se faire une image mentale idyllique : celle d’une plage blanche ciliée sur son pourtour de troncs droits et hauts comme des sentinelles exposées aux embruns océaniques. Et, sur cette plage, la souple silhouette de la vahiné portant un lourd et voluptueux collier fleuri dont on pourrait croire qu’il embaume le monoï, substance magique protégeant et adoucissant sa peau, nourrissant et donnant de la brillance à ses cheveux, sublimant, dans une beauté irréelle, cette vénus polynésienne qu’est la vahiné. Mais tout ceci n’est-il pas qu’image d’Épinal ? C’est pourtant bien plus proche de Tahiti que ce que l’on imagine. Qu’en pensent donc les Marquisiennes ? Il est effectivement vrai de dire que le monoï (mono’i en tahitien, ce qui signifie « huile parfumée » : c’est on ne peut plus simple ; cette préparation cosmétique porte le nom de pani aux Marquises) participe de la forte identité culturelle qui prévaut dans bien des îles de Polynésie française et l’on peut, sans risque de se tromper, l’élire comme produit phare de la cosmotopée polynésienne (en tout cas marquisienne). Mais qu’est-ce que le monoï, au fait ? Il s’agit de la macération d’une ou de plusieurs espèces de plantes dans l’huile que l’on extrait de la noix de coco. Tout d’abord, on râpe celle-ci, puis on l’expose au soleil, ce qui provoque l’exsudation de l’huile de coco que, sous les Tropiques, l’on récupère facilement, les températures qui règnent là-bas empêchant à cette huile de demeurer figée comme elle l’est par chez nous. Enfin, l’on place les fleurs dans l’huile et on les renouvelle tous les deux ou trois jours, ce qui explique que le délai de préparation du monoï puisse approcher une semaine. Il est possible d’élaborer des monoï en mono, monoï simples à un seul type de fleur : nous connaissons bien le pani tia, c’est-à-dire le monoï à la fleur de tiaré (Gardenia taitensis), mais on utilise aussi le jasmin (pani pitate), le tamanu (pani tumanu), etc. Il existe aussi des compositions plus élaborées, monoï multiples cette fois, dans lesquelles une synergie de plantes est mise à macérer dans l’huile de coco : le pani umuhei. Initialement, l’umuhei est un petit bouquet composé de plusieurs plantes odorantes que les femmes portent dans leurs cheveux, mais qui, comme son nom l’indique, s’arbore comme une couronne de fleurs (c’est ce que signifie la racine « hei »). Il n’a pas qu’un seul rôle d’« accessoire de mode », car, comme le précise la racine « umu », cette décoration a principalement pour but de séduire les hommes, un umuhei étant, littéralement, une couronne aphrodisiaque, ce qui se devine assez bien relativement aux fleurs et aux racines utilisées dont les parfums sont particulièrement capiteux et sensuels : tiaré, ylang-ylang et vétiver, pour en citer quelques-uns. Y participent aussi d’autres plantes comme le curcuma, l’avaro, le bois tabou (un mot strictement polynésien), le pandanus ou encore l’agérate bleue. Souvent, on saupoudre la composition d’un mélange de poudres de feuilles de basilic, de menthe et de bois de santal. La noix de coco – que ce soit sous sa forme d’eau ou d’huile – est un excipient de choix, d’où sa citation à de multiples reprises dans les recettes cosmétiques comme le paku et le hoho, qui nécessitent la noix de coco, jamais réductible à son huile seule, puisque du cocotier, on utilise les fleurs, les feuilles et les bourgeons dans un but cosmétique.

L’omniprésence du cocotier en Polynésie française pourrait faire croire qu’il en est originaire, alors que pas du tout. Aussi, qu’en est-il réellement ? Quel en peut être le point d’origine ? On penche pour l’Asie du Sud-Est, voire l’Indonésie. De là, il se serait disséminé dans le Pacifique, faisant de Tahiti et des Marquises deux de ses nombreux ports d’attache, avant de jeter l’ancre en Amérique, où il parvint bien avant que Colomb ne foulât du pied la côte. Ce don d’ubiquité fait que le cocotier est présent dans bien des pays de la zone tropicale et intertropicale. Ne serait-ce qu’en Asie du Sud et du Sud-Est, il abonde. Celui qu’en sanskrit l’on appelle nârikela (ou nârikera) joue, pour la médecine ayurvédique, le rôle d’ingrédient thérapeutique depuis quatre milliers d’années. Cette prééminence explique aussi que dans de nombreux pays d’Asie le cocotier soit présent de la naissance à la mort : « il orne de ses fleurs la naissance du Cinghalais et éloigne les esprits mauvais de son tombeau »1. Impliquée dans les rites matrimoniaux, la noix de coco participe d’un jeu phallique – « casser la noix du cocotier pour le tâli » – auquel on procède au moment de célébrer les mariages tamouls. Par son eau et son lait, l’arbre de vie préside aux grossesses (ces liquides sont donnés à boire à la femme enceinte), mais aussi aux naissances. Au large de la Nouvelle-Guinée, dans les îles de l’archipel Bismarck, « à la naissance d’un enfant, on sème une noix de coco »2 dont on s’imagine qu’elle est si mystérieusement liée à l’enfant qui vient, que « lorsque l’arbre donne ses premiers fruits, l’enfant est compté au rang des adultes »3, l’arbre pouvant même indiquer le nombre d’années de vie accordées à tel ou tel. L’eau de Vie tirée de la noix de coco, que l’on utilise dès la naissance, dans une égale libation, baigne le visage du défunt avant son incinération : c’est, au Laos et en Birmanie, un rite purificatoire censé laver de « la pollution de la mort ». Indexé à la mort, le cocotier joue encore une fonction funéraire au travers d’une coutume qu’expose Angelo de Gubernatis : « Lorsqu’on ne retrouve plus le cadavre d’un mort et qu’on veut cependant lui faire honneur, on façonne un corps avec des roseaux, et on y attache en haut une noix de cocotier, qui est censée représenter la tête du trépassé ; on couvre le corps ainsi façonné de bois de palaça (Butea frondosa) ; après quoi, on prie et on le brûle »4. La noix de coco permet aussi une meilleure connexion au divin et au monde des esprits. Figuration du soleil et de la divinité solaire, la noix de coco est rendue accessible par le tronc du cocotier dont l’ascension est un moyen par lequel atteindre le ciel dans les mythes, afin de boire, tout là haut, la divine ambroisie qu’est la « liqueur » de coco. C’est pourquoi, aux divinités et aux esprits, l’on offre des noix de coco (c’est, par exemple, ce que l’on fait, avant de se lancer dans la construction de tout nouveau bâtiment d’habitation), et l’on n’hésite pas à voir du merveilleux dans la chute inopinée d’une noix de coco, comme si le saut de la coco dans le vide indiquait une réponse sinon une présence divine ou spirituelle. La noix de coco, vase d’abondance, est un « gage de vie riche et heureuse dans un environnement familier »5, assurant prospérité et douceur de vivre. Aussi coutumier pour les peuples des Tropiques que, pour nous autres, le chêne fut un temps, il ne faut pas s’étonner de voir le cocotier être placé en tous les lieux et moments de la vie humaine. S’il apparaît dans les représentations picturales (l’arbre céleste sous lequel le Bouddha connut l’Éveil est quelquefois figuré sous les traits d’un cocotier), c’est comme marqueur civilisationnel, ayant largement contribue à « la civilisation du végétal » (par et pour le végétal), aux côtés du bananier, deux plantes qui, bien qu’étant assez souvent stylisées, sont toujours parfaitement reconnaissables. De même qu’on reconnaît facilement un arbre, il en va de même du cocotier, sorte de palmier dont on conserve à l’esprit l’archétype comme ayant une valeur universelle, alors qu’en réalité, il existe au monde plus de 3000 espèces de palmiers, des géantes jusqu’aux naines. Malgré cette diversité végétale exubérante, l’on n’eut pas trop de mal à l’identifier dès sa « découverte » dans le courant du XVIe siècle, malgré les noms variés que porte l’espèce en Asie. Par exemple, « à Malais, l’arbre s’appelle trica, la noix hihor, à laquelle nous autres Portugais avons donné le nom coquo, explique le médecin et botaniste Garcia da Orta (1501-1568), à cause des trois trous qui représentent le museau d’un chat ou d’un animal semblable »6, tel le singe ou pourquoi pas le croquemitaine ! Les connaissances que l’on avait du cocotier il y a trois siècles en France sont assez fidèles à la réalité, et l’on trouve dans Lémery et Pomet de bien intéressantes informations dont nous allons maintenant procéder à la synthèse, ce qui nous permettra de dépasser l’image simiesque de la noix de coco ^.^


Noix de coco intégralement débarrassées de leur gangue fibreuse.


Tout d’abord, nous pouvons acquiescer aux paroles de Pierre Pomet au sujet de la noix de coco : « en un mot, c’est le fruit à noyau le plus gros, et le plus nécessaire qu’il y ait au monde, et duquel l’histoire serait si longue, qu’il y en aurait assez pour faire un cahier entier »7. Bien qu’assez longtemps considéré comme un simple objet de curiosité par les Occidentaux, il faut remercier cet auteur de s’être attardé sur un fruit dont le négoce, aux dires de Lémery, était considérable, en particulier celui provenant des Antilles. Simon Morelot, un siècle plus tard, ajouta même que la coco « est dans le pays où elle naît, ainsi que l’arbre qui la produit, une des productions végétales […] des plus utiles par les différents services qu’elle peut rendre, tant dans l’économie domestique que dans les arts »8. On peut remarquer plusieurs usages ancestraux qui perdurent encore dans tous les espaces géographiques où la noix de coco tient une place capitale. Par exemple, de l’enveloppe fibreuse de la drupe l’on tire une sorte de filasse qui porte le nom de bourre de coco. On en fabrique des toiles et des cordages. De la coque dure, on façonne divers objets comme des ustensiles de cuisine (bol, tasse, gobelet, vase, cuillère, fourchette et couteau), des ouvrages de tabletterie, etc. Enfin, par expression de l’amande, on retire de la noix une huile qui servit beaucoup comme huile de cuisine et d’éclairage. Remercions aussi Lémery pour nous avoir expliqué comment « fonctionne » la noix de coco. Lorsqu’elle est encore verte, « sa substance est une moelle blanchâtre, douce, bonne à manger, ayant un goût de noisette : elle contient beaucoup d’eau claire, odorante, agréable au goût, restaurante, désaltérante, propre pour rafraîchir les reins et le foie. Cette liqueur est assez commune ; car tout le long de l’année on trouve des noix de coco vertes dont quelques-unes contiennent trois ou quatre livres d’eau »9. Puis la noix gagne en maturité, sa moelle s’affermit, son eau disparaît peu à peu, se transformant en une substance spongieuse, douce et légère, au goût d’amande. De cette moelle incarnée, on tire un lait de coco, puis une crème. Quant à l’eau résiduelle de la coco à coprah, c’est elle qui cause l’odeur un peu rance qui s’échappe à l’ouverture du fruit.


Écorçage d’une noix de coco.


Première chose un peu embêtante quand on parle du cocotier comme d’un arbre, c’est de s’entendre rétorquer qu’il n’en est pas un, malgré une taille comprise entre 15 et 30 m. Ainsi donc, parce qu’il n’est pas un arbre il ne possède pas de tronc. Mais dans ce cas, comment se fait-il que sa tige (à défaut, pour l’instant, de l’appeler autrement) soit si dure, au point que si jamais elle s’abat sur une voiture elle peut l’écrabouiller ? Ce sont ses parenchymes et tissus vasculaires qui sont responsables de cette résistance. Il a beau avoir un cœur tendre, gorgé de douces et moelleuses réserves, il doit sa structure fibreuse aux canaux conducteurs de sève brute et de sève élaborée. C’est cela aussi qui fait qu’il se tient le plus souvent bien droit. Si on l’observe davantage encore, l’on peut remarquer que chez lui le cambium est absent, c’est pourquoi ce palmier ne peut être un arbre mais une herbe, et que son soi-disant tronc prend le nom de stipe. Or, comme cette « herbe » est capable de produire des noix de coco pendant plusieurs générations humaines (60 à 70 ans) et donc de devenir très vieille, cela contrevient à l’idée que l’on se fait généralement d’une herbe : petite taille, vie courte, victime de cécité botanique élevée. Malgré son évidente solidité, le cocotier partage avec le pin un inconvénient : s’il vient à être jeté à bas par la violence d’une tempête, il ne repousse pas, même si ses racines sont encore fichées dans le sol. C’est-à-dire que chez lui, comme le résume sobrement Jean-Marie Pelt, « tout le pouvoir est à la tête »10, ce qui sied parfaitement à celui que Linné surnommait « prince du royaume végétal », constat fort pertinent si l’on considère le statut de son unique bourgeon : c’est cela qui « condamne » le cocotier (et tous les palmiers avec lui) à aller toujours et seulement plus haut en un élan décidé par la volonté de son méristème apical solitaire. Cela explique que couper ce bourgeon, pour une raison ou pour une autre, a pour conséquence automatique la fin fatale du cocotier, alors qu’un chêne ne souffre pas qu’on lui scie une branche, possédant une infinité (ou presque) de méristèmes). Cet unique bourgeon terminal est donc ce qui confère au cocotier une allure édifiée selon un système colonnaire. Afin d’en assurer la protection, le cocotier l’enserre étroitement d’une rosette de feuilles constamment renouvelées et qui tombent au fur et à mesure qu’elles sont expulsées en périphérie, abandonnant une marque de leur passage sur le tronc (sic) du cocotier. Ces feuilles géantes (qui peuvent atteindre 5 m de long) sont constituées d’un rachis qui porte une double rangée de folioles parallèles de par et d’autre de cet axe central qui n’est pas autre chose que le pétiole de cette palme, main géante dite pennée parce qu’elle imite la plume de l’oiseau. Au sein de ce jaillissement foliaire qui a toute l’allure d’un feu d’artifice, les fleurs vont leur chemin. Sur le même cocotier, on observe un bouquet de fleurs mâles qui surmontent les fleurs femelles, rendant ainsi plus aisée la fécondation qui se traduit, au bout de neuf à douze mois de maturation, à la formation d’une drupe coriace et fibreuse, la noix de coco, réunie à ses congénères au point de former des grappes à la naissance des feuilles. Sous cette enveloppe lisse jaune ou verte, se dissimule une coque dure et osseuse, d’un seul tenant, marquée de trois sutures saillantes (ce qui donne au fruit entier une forme trigone) et creusée à la base des trois orifices inégaux dans lesquels les Portugais, rappelez-vous, crurent voir autrefois le museau d’un chat. A ce stade, la coque n’est pas encore brun foncé (elle devient ainsi en vieillissant), mais elle contient une amande tendre à chair blanche opaline et étincelante, creuse, à l’intérieur de laquelle on trouve l’eau de coco. Contrairement à la noisette et à la noix, qui ne sont pas « collées » contre les parois de la coque qui les protège, l’amande de la noix de coco s’est, en quelque sorte, externalisée et, à la façon d’une géode d’améthyste, tapisse finalement l’intérieur de la coque à laquelle elle adhère fermement.


Évidage de la noix de coco afin d’en extraire le coprah.


Si l’océan n’est que le vaste œil de la Terre, alors les palmiers et les cocotiers en sont les cils, bordant cet interface très étroit qui délimite l’eau de la terre, formant là une fragile ligne de suture. Les pieds dans l’eau salée, cette plante halophile est capable de l’aspirer à grande hauteur, de la stocker dans ses tissus et dans ses noix, où elle nous apparaît – une fois fendue en deux la dure coque – parfaitement dessalée et, au contraire, légèrement adoucie. Pareillement au coco-fesses (il s’agit du fruit du cocotier de mer, Lodoicea maldivica, qui forme la plus grosse graine du monde végétal, aujourd’hui en voie d’extinction, en particulier parce qu’il n’a pas pu se disséminer comme son cousin globe-trotter), la noix de coco peut voyager au gré des courants marins, accoster sur quelque île de paradis et, contrairement à son cousin des Maldives, y faire son nid, puisque la noix de coco résiste aux effets de l’eau de mer. C’est cela qui lui a permis de coloniser tous les littoraux de la zone intertropicale comme, par exemple, bon nombre de pays d’Asie du Sud (Sri Lanka, Inde) et du Sud-Est (Malaisie, Java, Thaïlande, Philippines), d’îles de l’océan Pacifique et de l’océan Indien, comme les Comores, les Seychelles ou la Réunion où il abonde partout, ce que ne manqua pas de remarquer Joseph Orme qui rédigea et fit paraître en 1914, à l’attention des petits propriétaires fonciers, un manuel pratique d’agriculture intertropicale, étant lui-même basé à la Réunion. Aujourd’hui, le cocotier couvre environ 12 millions d’hectares de culture dans le monde, situés en Asie du Sud-Est et dans les îles du Pacifique, bien évidemment, mais aussi en Afrique de l’Ouest et de l’Est, en Amérique centrale et du Sud, partout où ce palmier peut bénéficier de lumière solaire abondante, de chaleur (au minimum 28° C) et de pluie, le tout sur un sol bien aéré, drainé et humide. Ces 12 millions d’hectares sont tenus par une multitude de petits propriétaires, 10 millions pour être exact, ce qui représente, à peu près, un hectare (10000 m²) par personne. Mais beaucoup d’autres ne possèdent que quelques spécimens qui assurent la survie d’une famille, malgré les menaces de catastrophes naturelles (tsunami, cyclone) et d’infestation par des insectes ravageurs (comme le charançon rouge du palmier, Rhynchophorus ferrugineus) ou des maladies. Présent sur plusieurs continents, en des dizaines de pays (en 2017, il faisait l’objet de culture dans 93 pays au monde), le cocotier, cultivé par une infinité de personnes, est une espèce de palmier qui a fait l’objet d’une attention culturale particulièrement soutenue et renouvelée au fil du temps, ce qui est tout à fait propice aux innovations et aux améliorations. Par exemple, j’ai pu observer que – puisque l’on sait que le cocotier aime le sel de mer – l’on rajoute des algues dans les trous devant accueillir les semis, afin que les graines tirent profit du sodium. Il faut donc servir le cocotier (souvenez-vous que c’est un prince), sans quoi il ne peut vous rendre la pareille par ses multiples fonctions alimentaires et domestiques. Il peut même aller bien au delà et s’inscrire au sein d’une stratégie de culture écologique, comme cela se fait au Sri Lanka. Sur cette île ovoïde comme une noix de coco, l’on en consomme énormément, jusqu’à cent par habitant et par an. L’île compte 23 millions d’âmes. Faites le calcul ! Afin d’assurer cette consommation gargantuesque, les cultivateurs décidèrent tout simplement d’étendre la plante au delà de la zone où elle prospère naturellement. La température idéale était assurée dans ce nouveau territoire d’implantation, mais il n’en allait pas de même de l’humidité. Afin d’obvier à cette problématique cruciale, les cultivateurs imaginèrent un système fort original : entre chaque rangée de cocotiers, ils aménagèrent des fosses remplies de demi noix de coco vides, posées sur leur derrière à la manière d’un bol, offrant leur excavation concave à la façon d’oyas intégralement enterrées, le tout garni de toutes les parties non utilisées par les industries alimentaires et cosmétiques, autrement dit les parties ligneuses et fibreuses comme la bourre de coco. Une fois les trous rebouchés, ce système souterrain emmagasine, lors de la saison des pluies, une eau que les racines des cocotiers pourront venir puiser au moment d’une éventuelle pénurie. Sans cela, le climat hostile de ces régions ne pourrait autoriser la bonne venue du cocotier. C’est un système autrement plus judicieux que ces horribles baignoires géantes que l’on veut nous imposer un peu partout en France !


Styliser un cocotier ? Rien de plus simple. Où l’on constate qu’il peut subir le même traitement qu’un arbre. Illustration tirée de l’Exoticorum libri decem de Charles de l’Écluse (1605).


Le cocotier en phytothérapie

Si l’on avait conservé à l’huile de coco un statut d’épiphénomène propre aux îles du Pacifique sous la forme de monoï, il me serait aujourd’hui difficile de remplir correctement cette rubrique. De quoi vous aurais-je donc bien parlé ? De la farine de coco et de son merveilleux index glycémique de 35 ? Quand on contient 42 % de fibre (!) et 22 % de glucide, on ne peut pas être digne d’intérêt. Qu’un tel index soit situé à 35 ou à 75, peu importe, il pointe toujours du doigt ces substances empoisonnantes que sont les glucides. On nous casserait la tête de la même façon à propos du sucre de fleurs de coco, dont on est fier d’annoncer l’IG résolument bas (35, lui aussi), mais qui s’avère être composé à hauteur de 92 % de glucides. IG bas ou pas (l’IG est une forme d’arnaque qui fait passer un glucide quelconque pour quelqu’un de tout à fait respectable), c’est à bannir, car sous ses airs de ne pas y toucher, ça demeure néanmoins du sucre et donc une saleté. Il ne faut donc pas se laisser avoir par ce verbiage qui enrobe la réalité d’une bonne grosse couche doucereuse. De même, méfions-nous de la distinction qui est souvent opérée entre sucres « lents » et sucres « rapides » qui ne veut pas dire grand-chose, hormis un seul fait à retenir : d’un côté comme de l’autre, ce sont toujours des sucres à proscrire également.

De quoi donc puis-je m’entretenir si je ne peux pas me contenter de toutes les saletés sus-citées ? Du testa, c’est-à-dire de la coque dure et ligneuse ? Il paraît que si on la distille, on en obtient une huile goudronneuse empyreumatique fort utile en odontalgie. Mais le temps des créosotes végétales est bel et bien révolu. Si l’on applique à cette même coque des pratiques de charbonnage, l’on produit du charbon actif de noix de coco, la plupart du temps conditionné sous une forme telle qu’elle rend son ingestion très désagréable (contrairement à la poudre libre ou aux pastilles). Que nous reste-il donc ? Eh bien ce sur quoi la recherche médicale fait des émules (mais aussi des sceptiques) depuis une vingtaine d’années environ : l’huile vierge de noix de coco exprimée du fruit selon certaines conditions. Quand, au fur et à mesure de sa maturation, la noix de coco se vide de son eau de végétation (l’eau de coco), celle-ci se métamorphose en une pulpe blanche plus ou moins charnue qu’en cuisine l’on utilise sèche (il s’agit du coprah, que l’on peut râper, débiter en morceaux, etc.) ou fraîche, cuite ou crue. C’est cette pulpe que, sans solvant ni addiction de produits chimiques, l’on presse à froid afin d’en extirper l’huile de coco extra vierge, à distinguer de l’huile de coprah, obtenue en pressant les noix de coco que l’on aura fait sécher au soleil (elle est d’odeur moins agréable). Cette huile, solide à température ambiante, est une substance blanche d’allure crémeuse et de densité variant de 0,87 à 0,93, de conservation parfaite (non oxydable, elle ne rancit pas), de rendement intéressant (Roques expliquait qu’en pressant l’amande de 32 noix de coco, l’on avait obtenu 1,5 kg d’huile vierge de coco), elle est de digestion facile car elle forme, au contact des sels biliaires et des sucs pancréatiques une émulsion très fine facilement assimilable, ce qui en fait une excellente huile de cuisine, ce qu’elle doit à son formidable taux d’acides gras saturés dont nous allons maintenant rendre compte en établissant le profil biochimique de l’huile vierge de coco :

  • Acides gras saturés (tcm) : 64 % dont acide laurique (C12:0) : 48,20 % ; acide caprylique (C8:0) : 8 % ; acide caprique (C10:0) : 6,80 %
  • Acides gras saturés (tcl) : 30 % dont acide myristique (C14:0) : 18,60 % ; acide palmitique (C16:0) : 8 % ; acide stéarique (C18:0) : 3 %
  • Acides gras mono-insaturés : 4,8 % dont acide oléique (C18:1) : 4,8 %
  • Acides gras polyinsaturés : 0,80 % dont acide linoléique (C18:2) : 0,80 %

J’ai volontairement séparé en deux catégories les acides gras saturés : les tcm et les tcl. Qu’est-ce à dire ? Tcm comme abréviation de « triglycérides à chaîne moyenne », tcl comme celle de « triglycérides à chaîne longue ». Les premiers sont constitués de 6 à 12 atomes de carbone, les seconds de 14 à 22 atomes de carbone (au delà, c’est-à-dire 24 à 26 atomes, on parle de triglycérides à très longue chaîne, au contraire des triglycérides à chaîne courte comme l’acide butyrique par exemple : C4:0). Les tcm sont donc saturés et à chaîne moyenne : ils représentent à peu près les 2/3 de l’huile vierge de coco. C’est sans équivalent dans le monde végétal. C’est ce qui fait de la noix de coco un produit précieux, bien plus que tout ce que j’ai pu aborder en début de section ^.^ Pour dire à quel point ces acides gras saturés-là sont de grande valeur, on trouve maintenant dans le commerce une huile de coco dite fractionnée (c’est le nom qu’elle porte quand elle s’adresse à l’industrie de la santé et de la beauté, alors qu’elle conserve celui d’huile MCT (de l’anglais medium-chain triglyceride) dans un cadre strictement alimentaire). Cette huile se compose uniquement d’acide caprique (41 %) et d’acide caprylique (59 %), ce qui accroît d’autant sa stabilité et sa résistance à l’oxydation (quand bien même l’huile vierge de coco « nature » est très performante sur ces deux points). Le plus souvent incolore, sans goût et presque sans odeur (bien qu’extraite de la noix de coco, elle n’en possède pas le parfum), elle est parfois côtoyée, dans le commerce spécialisé, par une autre huile MCT spécifiquement constituée d’acide caprylique uniquement. Ces deux types d’huiles sont à base du régime cétogène (qui peut parfaitement se contenter d’huile vierge de coco et d’huile d’olive), riche en lipides et pauvre en glucides. L’intérêt, c’est que les lipides se substituent aux glucides et ne jouent jamais mieux leur rôle de carburant pour le cerveau (entre autres) qu’ils sont constitués d’un petit nombre d’atomes de carbone, les fameux tcm, les tcl, quant à eux, étant beaucoup plus difficilement métabolisés par le foie. Les tcm, convertis en cétones, constituent une excellente source d’énergie alternative au glucose pour le cerveau, mais également pour le cœur, les muscles, etc., pourvoyant rapidement l’énergie nécessaire aux organes qui en nécessitent, soutenant leur métabolisme. C’est cela qui les rend précieux au travers d’un régime cétogène. Sans aller jusque-là, je pense qu’ils peuvent et doivent se substituer au glucose, qui est non seulement un poison mais une bien piètre source d’énergie.

Pour en terminer là, je pense que l’huile vierge de coco et éventuellement les huiles MCT sont tout de même plus intéressantes que cet anecdotique extrait CO2 de noix de coco. Quel besoin est-il de mettre en branle une usine à gaz pour obtenir un produit qui ne dépare pas, au rapport de sa composition, celle d’huile vierge de coco ?

Enfin, si vous êtes fan de coco, sachez qu’une noix entière se constitue d’environ 40 % de matériau solide incomestible, c’est-à-dire la coque brune (dont vous êtes libre de faire ce que vous voulez ; on trouve dans cet article, ici et là, quelques suggestions d’utilisation), de 10 % d’eau et d’environ 50 % de chair de coco. Si l’on se concentre sur ce seul produit, on établit généralement sa composition ainsi : lipides (65 %), protéines (8 %), fibres (6 %), eau (4 %), sels minéraux (2,50 % dont fer, cuivre, potassium, etc.), vitamines (E, B6). On peut encore ajouter des polyphénols, des flavonoïdes, ainsi que des phytohormones appelées cytokinines.

Propriétés thérapeutiques

  • Laxative, stimulante du transit intestinal, vermifuge
  • Nutritive, tonifie et fortifie, énergétique à action rapide (les tcm permettent d’absorber plus facilement les nutriments solubles dans les matières grasses, c’est-à-dire les vitamines A, D, E, K, ainsi que le β-carotène)
  • Antidiabétique, améliore le profil lipidique sérique, inhibitrice de l’acétylcholinestérase, diminue la peroxydation lipidique, anti-oxydante, anti-inflammatoire, anticancéreuse
  • Immunostimulante
  • Anti-infectieuse : antibactérienne, antivirale, antifongique (les tcm s’incorporent à la membrane lipidique des bactéries et des virus, ce qui à terme mène à leur destruction), répulsive face aux insectes suceurs de sang (mouche, moustique, puce, tique, punaise de lit)
  • Neuroprotectrice, soutient la santé cérébrale
  • Favorise la fertilité féminine et masculine par action sur l’axe hypothalamo-pituitaire gonadique
  • Favorise l’hydratation et la souplesse de la peau, apaisante, adoucissante et émolliente cutanée ; nourrit, lisse et gaine les cheveux secs, abîmés et crépus ; démaquillante (à la façon de l’huile d’amande douce)

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : colique, dysenterie, digestion difficile, contrôle de l’appétit, atonie intestinale, vers intestinaux
  • Obésité, dyslipidémie, complications cardiovasculaires et hépatiques de l’obésité, perte de poids et de graisse abdominale11-12-13
  • Troubles du système nerveux et cérébral : améliorer la mémoire de travail et spatiale à long terme, la concentration, l’attention visuelle14, apporter la clarté mentale, assurer un équilibre neurologique, déclin cognitif (MCI15, maladie d’Alzheimer16), lésions cérébrales aiguës (dommages neuronaux), maladie de Parkinson (Il ne faut pas douter sur le fait que les corps cétoniques peuvent – et doivent – compenser la détérioration de l’absorption de glucose dans le cerveau pendant la phase de vieillissement cellulaire de l’organisme.)
  • Diabète de type II, résistance à l’insuline (L’huile vierge de coco, dit-on, montre la plus grande atténuation de la réponse glycémique. Ne serait-elle pas moindre si l’on arrêtait de consommer des glucides à tort et à travers ?)
  • Affections bucco-dentaires : stomatite, gingivite
  • Affections cutanées : mycose, dermatose, eczéma, peau sèche, cuir chevelu fragilisé, donner de la brillance aux cheveux crépus, cheveux ternes, secs, cassants et abîmés, poux, soins solaires (peau et cheveux)
  • Troubles de la sphère cardiovasculaire et circulatoire : hypertension, œdème provoqué par l’insuffisance cardiaque (L’huile vierge de coco possède un impact favorable sur la santé du cœur.)
  • Troubles locomoteurs : douleur articulaire, courbature

Modes d’emploi

  • Eau de coco en nature, le matin, à jeun.
  • Huile vierge de noix de coco : en usage externe, elle se prête bien au massage, à l’application cutanée (visage et corps), au masque capillaire. Par voie interne, on peut utiliser l’huile vierge de coco qui est proposée sous plusieurs conditionnements. Le plus courant, c’est le pot en verre à couvercle de plusieurs contenances (250, 400, 900 ml) dans lequel on se sert à la cuillère. Il existe aussi des gélules souples dosées à 1000 mg (ça ne fait jamais qu’un gramme…), présentées comme celles d’huile de bourrache ou d’onagre par exemple. Mais ça reste horriblement onéreux si l’on fait la conversion : 60 gélules d’un gramme chacune réunies dans un flacon en plastique au prix de 15 à 20 €, ça fait cher du kilogramme, alors que pour cette même somme, vous pouvez vous procurer le plus gros des pots d’huile vierge de coco, soit pas loin d’un kilogramme, au tarif bio qui plus est ! Ces gélules ne sont donc pas clairement adaptées à un régime cétogène ou, du moins, à une utilisation fréquente de l’huile vierge de coco dans l’alimentation de tous les jours. Quant à l’huile MCT, elle est tout de suite plus chère que l’huile vierge de coco de base, puisque pour un demi litre de cette huile en qualité bio, il faut généralement débourser entre 17 et 35 € la bouteille (un peu plus encore s’il s’agit de l’huile MCT composée à 100 % d’acide caprylique).
  • « Bullet proof coffee » : sous ce nom guerrier se dissimule une préparation toute bête, à savoir le café à l’huile, ce qui, pour les personnes non habituées, peut surprendre. Idéalement réalisé avec de l’huile MCT, si vous n’en avez pas, vous pouvez très bien faire comme moi : dans une tasse de café, de rooibos, de thé ou de cacao, placez une cuillerée à café généreuse d’huile vierge de coco et laissez fondre tranquillement avant de siroter votre mixture.

Note : on peut encore faire de l’huile de coco les mêmes usages culinaires que n’importe quelle autre huile végétale. Si elle est très adaptée aux différents types de cuisson, ça n’est pas le cas de l’huile MCT qui se cantonnera à un usage tel quel (trop fragile pour subir l’épreuve d’un feu trop vif par exemple).

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Récolte : capable de fructifier dès sa cinquième année, le cocotier produit des noix qui se ramassent au sol ou sur l’arbre, épreuve autrement plus acrobatique. Mais la noix tombée indique par sa chute sa parfaite maturité. On procède différemment, bien entendu, s’il s’agit de tirer profit de la noix de coco encore verte.
  • Alimentation : éloignons-nous un temps de la noix de coco et considérons l’inflorescence du cocotier : c’est de là que le toddy-tapper (le récolteur de sève de coco) recueille une « liqueur » qui s’écoule des inflorescences encore à l’état de bourgeon, le thelijja. En tendant des cordes fabriquées en fibres de coco entre chaque cocotier, il peut ainsi circuler d’un pied à l’autre sans jamais toucher terre. Quand cette sève commence à fermenter, elle prend le nom de toddy. On en tire du sucre en la faisant bouillir avec de la chaux vive. Elle s’épaissit tout d’abord en consistance de miel. Et si l’on prolonge l’ébullition, elle acquiert la solidité et la quasi rousseur du sucre non raffiné : on obtient alors le jaggery. La distillation de la sève du cocotier produit un alcool fort, connu sous le nom d’arrack. La pulpe sèche de la coco, autrement dit le coprah, peut donner lieu à la fabrication d’une farine qui participe à l’élaboration de pain en Inde. Et ce n’est pas la moindre utilisation que l’on peut faire de la noix de coco, qu’il est possible de confire comme le gingembre, d’intégrer dans des recettes aussi bien sucrées que salées, et dont il serait fastidieux de faire ici l’inventaire exhaustif. De l’intérieur du stipe du cocotier, surtout quand il est jeune, on retire parfois une substance alimentaire sucrée qui s’apparente au sagou. Quant au bourgeon apical du cocotier, il demeure un légume de luxe qui exige que l’on tue le cocotier pour pouvoir le déguster. Est-ce que cela en vaut la peine, sachant les multiples bienfaits que le cocotier prodigue aux hommes ?
  • Comme nous l’avons dit, avec la fibre de coco, on fabrique des cordes qui ont l’avantage de ne pas pourrir au contact de l’eau de mer, ce qui généralise son emploi dans la fabrication de bateaux et dans l’ensemble des activités liées à la pêche. Mais on en tire aussi des tapis, des brosses, un matériau isolant (qui remplace dans l’habitation les polymères synthétiques), ainsi que tout un tas d’autres objets usuels. Même chose du côté des feuilles géantes du cocotier : on peut avoir en esprit son usage comme protection face aux éléments. Elles servent donc effectivement, une fois savamment tressées, à fabriquer les toits et les cloisons des huttes, mais aussi des nattes, des tapis, des chapeaux, etc. On apprêta même ces feuilles en manière de papier, à la façon du papyrus, sur lequel il n’était pas rare qu’autrefois écrivirent les Hindous. Quant à la coque solide de la coco, elle se taille, se sculpte, se façonne et se grave, ce qui permet de réaliser avec elle différents types d’objets comme des ustensiles de cuisine (tasse, bol, cuillère) ou d’autres à visée plus décorative (bougeoir, etc.). Enfin, le bois des stipes (qui n’en est pas vraiment, puisqu’on ne peut parler de tronc, vu que le cocotier n’est pas, stricto sensu, un arbre, gna-gna-gna ^.^) est un excellent matériau de construction (charpente, plancher, navire, meubles, etc.). A l’aide du cocotier, on peut donc fabriquer sa maison, la meubler et y accueillir ses amis facilement, puisque le cocotier fournit aussi le boire et le manger ! Ainsi, « un village polynésien peut se nourrir, s’habiller, se chauffer, s’éclairer […] à partir d’une plantation de cocotiers »17. Ce palmier y possède le rôle qu’avait autrefois le sureau pour les Anciens : le bon à tout, toujours à portée de main. En Inde, on dit du cocotier qu’il possède 99 usages différents (bien qu’en réalité il en existe plusieurs centaines). Tout ce que nous venons de dire jusque-là en est, en quelque sorte, un peu la preuve, que l’on peut encore élargir à l’ensemble des domaines qui suivent ci-dessous.
  • La noix de coco s’est rendue indispensable dans bien des entreprises : en savonnerie, en chandellerie, en cosmétique (gel douche, shampooing, baume, préparation d’huile pour le corps, le visage et les cheveux), pour fabriquer des peintures, des vernis et des émulsifiants, etc.

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  1. Biba Vilayleck citant Émile Deschamp, La Voie des Arbres dans le Bouddhisme, p. 142.
  2. Mircea Eliade, Traité d’histoire des religions, p. 307.
  3. Ibidem.
  4. Angelo de Gubernatis, La mythologie des plantes, Tome 2, p. 102.
  5. Biba Vilayleck, La Voie des Arbres dans le Bouddhisme, p. 147.
  6. Angelo de Gubernatis, La mythologie des plantes, Tome 2, p. 102.
  7. Pierre Pomet, Histoire générale des drogues, p. 215.
  8. Simon Morelot, Nouveau dictionnaire des drogues simples et composées, Tome 1, p. 409.
  9. Nicolas Lémery, Dictionnaire universel des drogues simples, p. 267.
  10. Jean-Marie Pelt, La loi de la jungle, p. 64.
  11. « L’huile de coco vierge a réduit le poids corporel, les concentrations de glucose dans le sang, la pression artérielle systolique et la rigidité diastolique avec structure et fonction améliorées du cœur et du foie. » (Source).
  12. « Collectivement, l’administration orale d’extrait de réglisse et d’huile de noix de coco peut entraver l’hyperlipidémie et la stéatose hépatique en réduisant la synthèse lipidique hépatique. » (Source).
  13. « Les MCT ont gagné beaucoup d’attention en raison de leur capacité à induire la lipolyse résiduelle de glycéride et à améliorer l’absorption des graisses » qu’ils permettent aussi de mieux digérer. (Source).
  14. « Après deux à trois semaines de supplémentation, l’ingestion de TCM a amélioré la performance dans les tâches cognitives […] par rapport à un groupe placebo prenant un gel de glucides. » (Source).
  15. « Nos résultats suggèrent que les cétones dans le MCI peuvent s’avérer bénéfiques pour la cognition, au moins en partie parce qu’elles améliorent l’état énergétique du réseau cérébral, la connectivité fonctionnelle et l’intégrité axonale. » (Source).
  16. « Lorsque les TCM sont oxydés (bêta-oxydation), cela conduit à la formation d’acétyle coenzyme A. Rappelons que l’acétyle coenzyme A associé à la choline donne le neurotransmetteur acétylcholine, neurotransmetteur qui fait largement défaut dans la maladie d’Alzheimer. »
  17. Biba Vilayleck, La Voie des Arbres dans le Bouddhisme,p. 147.

© Books of Dante – 2023

La mélisse de calme (Lippia alba)

En langue créole, la verveine blanche porte le nom de mélisse de calme. Le premier de ces mots est trompeur, car cette plante est apparentée à une verveine, portant le nom latin de Lippia alba, et non à la Melissa officinalis, membre du vaste clan des Lamiacées. Le second mot l’est tout autant, car il ne traduit pas cet état de béatitude intérieure infinie que le moindre vol d’une mouche est incapable de briser. Il est la translation du mot « carme » que l’on connaît à travers la célèbre eau de mélisse des Carmes. Ce que l’on peut remarquer, c’est que par ces deux « erreurs » on peut renvoyer la verveine blanche à une certaine parenté qu’elle partagerait avec la mélisse officinale. Cette volonté unioniste semble sceller une certaine communauté thérapeutique, sachant que la mélisse de calme agit sur la sphère cardiovasculaire (elle traite l’hypertension, la tachycardie, ainsi que d’autres troubles cardiovasculaires), les perturbations gastro-intestinales, ainsi que les affections du système nerveux comme l’anxiété, étant considérée comme sédative et antidépressive. A peu de chose près, elle se rapproche donc de ce que la mélisse officinale prend en charge. L’on n’a donc pas eu tort de la surnommer « mélisse », qui plus est de « calme », terme qui, s’il renvoie à la manière erronée d’écrire le mot « carme », convient aussi très bien, car il souligne la capacité remarquable de cette plante à restaurer la tempérance dans le cœur et dans les émotions, aspect tout à fait visible encore dans son aptitude à endormir les enfants et à en calmer les pleurs.

Cette plante, parfois prônée pour ses qualités ornementales et condimentaires, fait l’objet, dans son aire d’origine, d’une pratique phytothérapeutique que l’on retrouve jusqu’en Guyane, Martinique et Guadeloupe où, à l’instar de la verveine citronnée des tisanes de grand-mère, la mélisse de calme est cultivée. Il est vrai que cet élégant sous-arbrisseau qui porte de jolis cônes de fleurs verticillées à l’aisselle de ses feuilles, ne manque pas d’un charme que l’hydrodistillation cherche à lui ravir afin de l’enfermer dans de petites bouteilles de verre opaque. Rare, peu accessible en terme de prix (Oshadhi la propose à pas loin de 26 € le flacon de seulement 3 ml !), on optera sans doute pour l’acquisition d’une huile essentielle plus commune et polyfonctionnelle avant de se jeter sur celle de verveine blanche pour laquelle il faut observer, je pense, la même retenue que vis-à-vis de cet autre produit précieux qu’est l’huile essentielle de mélisse officinale. De couleur jaune à brun clair, l’huile essentielle de mélisse de calme se compose de la façon suivante :

  • Sesquiterpènes (60 %) dont bicyclogermacrène (22,5 %), β-caryophyllène (16,7 %)
  • Oxydes dont 1,8 cinéole (17 %)
  • Monoterpènes (7,5 %)
  • Monoterpénols (2 %)

© Books of Dante – 5 juin 2023

Le rooibos (Aspalathus linearis)

Afin de ne pas conserver à l’esprit l’idée erronée que le rooibos est simplement une alternative au thé ou au café, je me suis attaché à exposer, à travers ce nouvel article, le profil thérapeutique du rooibos, afin de dépasser la vision par trop simpliste avec laquelle on le considère la plupart du temps. Pour ne vous en toucher que quelques mots, sachez donc que le rooibos est un fabuleux anti-oxydant, qu’il est anti-inflammatoire, anti-allérgique et qu’il constitue un bon remède à l’ensemble des maux qui affectent la société occidentale moderne, à savoir l’obésité, le diabète sucré de type II et la maladie d’Alzheimer entre autres. On voit donc qu’il ne s’agit pas que d’une agréable infusion de confort ^.^ Bienvenue donc au rooibos phytothérapeutique !

Beau week-end à toutes et à tous :)

Gilles

Synonymes : thé rouge, thé des montagnes, buisson rouge, red bush tea.

Désireux d’apprendre la langue du pays batave avant de se rendre aux Indes néerlandaises, le naturaliste suédois Carl Peter Humberg (1743-1828) fit escale au Cap où il demeura quatre années, de 1771 à 1775, ce qui fut pour lui bien pratique, étant entendu que des colons hollandais s’étaient établis à la pointe sud de l’Afrique un siècle plus tôt. Il passe pour avoir favorisé le commerce du rooibos (un terme issu de l’afrikaans, c’est-à-dire une langue dérivée du néerlandais que parlaient les colons hollandais en Afrique du Sud) avec l’Allemagne à la fin du XVIIIe siècle, époque à laquelle date aussi sa première description botanique établie par les Blancs. Mais n’ignorons pas que cette plante typique du sud du continent africain était parfaitement connue des Khoïsan1 qui l’utilisèrent bien avant l’arrivée de Jan van Riebeeck (1619-1677), le tout premier européen à avoir implanté une colonie en Afrique du Sud, à proximité du Cap de Bonne-Espérance, séparant d’environ 200 km le territoire d’élection du rooibos : le Cederberg (qui accueille depuis un demi-siècle une réserve naturelle). Ce qui ne fut tout d’abord qu’un phénomène local (à la façon du maté) attendit longtemps avant de gagner en notoriété. Au sein de l’historiographie du rooibos, l’on cite souvent le nom de l’homme d’affaires d’origine russe Benjamin Ginsberg (1886-1944) qui s’intéressa très tôt, dès 1903, au rooibos, débutant son commerce tout d’abord localement puis à plus large échelle. Non seulement il suscita l’adhésion pour cette espèce de « thé rouge », mais sa cueillette sauvage s’étendit tant que la matière végétale commença à manquer pour alimenter un marché en plein essor, Ginsberg fournissant de grandes quantités de rooibos à différentes entreprises qui reconditionnaient et revendaient la plante sous leurs propres marques, à l’instar de Ginsberg lui-même, créateur de la plus ancienne marque de rooibos sous forme d’infusion prête à l’emploi, Eleven O’Clock, qui existe toujours au reste et a su conserver un design ringard très moche ^.^ Face aux difficultés d’approvisionnement en rooibos, une plante qui ne pousse que dans le Cederberg et que l’on ne trouve nulle part ailleurs à la surface de la Terre, le docteur Pieter Le Fras Nortier (1884-1955) proposa, dès la fin des années 1920, de tenter la culture du rooibos qui, jusqu’à présent, ne faisait que l’objet d’une cueillette sauvage. Ses recherches furent fécondes, puisqu’en 1930 débuta pour la première fois la culture du rooibos en Afrique du Sud, implantant dans le paysage sud-africain une nouvelle industrie pourvoyeuse d’emplois. Il en profita lui aussi pour concevoir sa propre marque, Dr Nortier’s rooibos tea. Beaucoup plus tard, le docteur Annique Theron (1929-2016) constata qu’une infusion de rooibos avait eu le pouvoir de soulager sa fille Lorinda, alors en bas âge, supprimant chez l’enfant son agitation chronique, ses crampes d’estomac et ses vomissements. Deux ans plus tard, en 1970, elle fit paraître un livre qui relatait l’ensemble des découvertes qu’elle fit au sujet du rooibos : Allergies : an amazing discovery on rooibos. Comme le docteur Nortier avant elle, Theron commercialisa sa propre marque, Annique Rooibos. Tout cela favorisa davantage l’internationalisation du rooibos, propulsé hors de ses frontières à l’aube des années 1990 en direction des pays de l’hémisphère nord essentiellement. Certes, certes. Mais qu’en fut-il des populations locales ? On accuse souvent Ginsberg d’avoir favorisé l’exploitation du rooibos en direction de l’Europe au détriment des populations pauvres d’Afrique du Sud. Et que dire de ses « successeurs » ? En dehors d’Afrique du Sud, cela ne fut guère mieux, tant ce potentiel marché bien juteux attisa la convoitise des grandes groupes aux dents longues. Il y a moins de quinze ans, des entreprises étasuniennes et françaises tentèrent de revendiquer – au nom de quoi ? On se le demande… – la propriété du patrimoine végétal naturel qu’est le rooibos, rien que ça ! En 2012, l’une d’elles, dont le siège social est situé à Paris, procéda même à une demande d’enregistrement d’un certain nombre de marques incorporant les termes « rooibos » et « rooibos sud-africain ». Deux ans plus tard, ce fut au tour de deux méga groupes (capitalisés en bourse à hauteur de plusieurs centaines de milliards d’euros chacun) de tenter des actes similaires. Une fois de plus, l’outrecuidance occidentale, mâtinée de racisme et de ce paternalisme agaçant, semble s’être exprimée de la plus indélicate des manières, des entreprises, les mêmes ou d’autres encore, n’hésitant pas à user de moyens peu recommandables, tels que la biopiraterie. En refusant de compenser ou même de reconnaître les cultivateurs des ressources végétales originelles comme tels, on spolie la propriété intellectuelle, la biopiraterie n’étant pas apparentée à autre chose qu’un vol. Désormais, une loi datée de 2013 stipule que « le nom rooibos ne peut être utilisé que pour désigner le produit sec, l’infusion ou l’extrait qui est du rooibos pur à 100 % dérivé d’Aspalathus linearis et qui a été cultivé ou récolté à l’état sauvage dans la zone géographique du Cederberg ». Ce n’est qu’ainsi qu’il put être protégé de l’usurpation. Il aura fallu lutter âprement contre la pression de l’Occident, via l’OMC, pour que l’Afrique du Sud ne se fasse pas dépecer de ce qui « est considéré comme le patrimoine naturel de l’Afrique du Sud, un avantage pour un peuple, un système juridique, une nation, et le thé le moins cher qui soit et qui soigne de nombreux maux »2.

L’exploitation du rooibos en coopératives permet le développement de la région de production de la plante, puisqu’à travers environ 350 fermes impliquées dans cette industrie, ce sont 5000 personnes qui sont employées par ce secteur capable de produire annuellement 15000 tonnes de rooibos dont les 2/3 sont exportés vers l’Europe, l’Amérique du Nord et le Japon. Parallèlement à la culture du rooibos, majoritaire maintenant, de petits agriculteurs ont été amenés à exploiter la ressource sauvage, naturellement résistante à la chaleur et à la sécheresse. Fragile (puisqu’elle dépend des aléas météorologiques et de son exposition aux risques d’incendie), mais ô combien durable : alors qu’un rooibos sauvage peut vivre durant un demi siècle et produire durant ce laps de temps, son homologue cultivé ne dépasse pas une durée de production de six ans. Sauvage, le rooibos est également très rustique, à la façon de son cousin européen, le genêt à balai, ce qui l’autorise à tirer parti de son milieu et des éléments qui, parfois, s’y déchaînent.

Plante du soleil et de la sécheresse, le rooibos est un représentant d’une flore côtière riche de plus de 1300 espèces, dominée par les Astéracées, les Fabacées et les Iridacées, bénéficiant d’une toute petite zone géographique où règne le climat méditerranéen en Afrique du Sud, ce fameux Cederberg où les températures oscillent entre 0° C l’hiver et pas loin de 50° C durant la saison estivale, tandis que les précipitations annuelles s’échelonnent entre 180 et 500 mm. La nature du sol et le climat obligent les racines du rooibos à se frayer un chemin jusqu’à 3 m de profondeur et parfois davantage, afin d’y débusquer l’humidité. C’est cela qui fait qu’il est particulièrement adapté aux terrains secs, grossièrement sableux, infertiles, profonds, bien drainés, au pH acide, tels qu’on les voit dans le Cederberg, entre 450 et 900 m d’altitude. Grâce à l’ensemble de ses rameaux filiformes parallèles bien dressés, le rooibos atteint une taille de 1,5 m de hauteur, ce qui en fait un arbuste compte tenu du tronc, même bref, qu’il possède et qui projette au-dessus du sol sa brassée de rameaux. Ses longues feuilles linéaires, fractales des rameaux qui les portent, de couleur vert foncé, de texture un peu molle, ont aussi pour fonction de protéger la plante de l’évaporation de l’eau contenue dans ses tissus. Au printemps (octobre), de petites fleurs jaunes semblables à celles du genêt s’épanouissent et finissent par produire des fruits en forme de gousse ne contenant chacun qu’une seule graine de couleur jaune pâle, si dure qu’il faut la malmener un peu afin de faire croître la capacité germinative du rooibos.

Le rooibos en phytothérapie

Du mois de décembre à celui de février, c’est-à-dire à la période de l’été dans l’hémisphère sud, on procède à la récolte des feuilles linéaires du rooibos, puis on les coupe finement avant de leur faire subir deux traitements bien distincts qui vont présumer quelque peu de leur composition biochimique respective. Le premier, le rooibos dit rouge, est sans conteste celui que l’on connaît le plus. Il tire son nom de la couleur obtenue après une étape de broyage indispensable à la fermentation recherchée, qui oxyde la plante par le biais d’une action enzymatique, suivie d’un séchage en plein soleil. C’est cela qui lui procure aussi une douceur gustative et une belle couleur de rubis un peu fauve. Si l’on ne fait pas subir cette opération au rooibos, il reste vert après séchage, une étape qui est, en ce qui concerne cette plante, une épreuve bien plus complexe que celle de la fermentation. Bien que non oxydé comme le rouge, le séchage délicat du rooibos (dit vert pour l’occasion) explique qu’il soit moins fréquemment disponible que le rouge (dans le moindre magasin qui vendrait au moins un seul rooibos, il y a dix chances sur dix que ce soit un rouge). La complexité de l’obtention d’un tel produit explique sa cherté supplémentaire par rapport au rouge. Ce traitement alternatif, outre qu’il lui conserve sa couleur de maté, offre, en infusion, un goût et un parfum fort différents. Cette infusion de couleur brun jaunâtre dégage une saveur plus amère et acidulée que le rooibos rouge, fraîche et herbacée. L’engouement pour le rooibos a été l’occasion de publier plusieurs centaines d’études scientifiques dont un bon nombre s’est attaché à faire l’inventaire des composants biochimiques que cette plante abrite. C’est rendre compte de cette somme qui nous attend maintenant.

Tout d’abord, pour ceux à qui répugne le thé, et ce qu’il soit vert ou noir, sachez que le rooibos peut être une bonne alternative en rapport à son taux de tanin, toujours inférieur à 5 % (1 % le plus souvent, bien loin des 7 à 15 % de la plupart des thés). Cela explique son astringence très faible qui me le fait largement préférer au thé pour cette raison. A côté du tanin, nous trouvons de la vitamine C, des sels minéraux et des oligo-éléments (fer, cuivre, sodium, calcium, potassium, magnésium, manganèse, zinc, phosphore, fluorure), des acides phénols (tyrosol) et organiques (acide férulique). Mais ce qui, ici, tient le haut du pavé, c’est l’exubérante représentativité des flavonoïdes et corps flavoniques contenus dans le rooibos. Voici ceux que la littérature scientifique évoque le plus fréquemment : orientine et iso-orientine, vitexine et isovitexine, rutine, quercétine, quercétine-3-O-robinobioside, quercétol, isoquercitrine, isorhamnétine, hespéridine, lutéoline, hyperoside, fisétine, chrysoériol, ériodictyol, acide phénylpéruvique-2-O-β-D-glucoside. Mais ce qui rend unique cette plante, ce sont les dihydro-chalcones comme la nothophagine et la phlorétine, mais, par-dessus tout, cette molécule à laquelle la plante a accordé son nom, c’est-à-dire l’aspalathine, une substance présente uniquement dans le rooibos et son proche cousin qu’est le lanky capegorse (Aspalathus pendula). Comme cette substance s’oxyde à travers l’étape de la fermentation, on en trouve moins dans le rooibos rouge que dans le vert. Comme toute plante soumise à des modifications des facteurs climatiques d’un lieu à l’autre, ce que l’on observe au sujet des huiles essentielles (les chémotypes) s’applique aussi à propos d’autres molécules non aromatiques. C’est le cas des chalcones dont certains sont spécifiques selon qu’un rooibos évolue dans telle ou telle zone. Par exemple, du côté de la ville de Wupperthal, à l’ouest du pays, on trouve des rooibos qui contiennent de la siéboldine et de la phloridzine, substances que l’on ne retrouve pas forcément ailleurs, comme par exemple dans les rooibos cueillis à proximité de Nieuwoudtville. Pour achever ici cette liste, sachons enfin que le rooibos contient une petite fraction d’essence aromatique que l’on peut extraire à la vapeur d’eau à basse pression (bien qu’elle ne le soit jamais à grande échelle, ce qui menacerait le commerce de la plante sous la forme habituelle d’infusion). Cette essence contribue néanmoins à procurer des arômes ligneux, verts et herbeux au rooibos ou, au contraire, et selon sa composition, des notes fruitées et florales.

Propriétés thérapeutiques

Le « drame » du café, du thé et maintenant du rooibos, c’est de les réduire à une boisson qui n’aurait pas d’autre vertu que celle de contenter notre besoin de confort tout au long de la journée, jusqu’à en oublier, voire méconnaître, ses effets thérapeutiques précis sur l’organisme (et ses méfaits, aussi) : que ce soit en bien comme en mal, les plantes que nous venons de nommer ne peuvent pas rester inactives sur l’organisme, à plus forte raison si on les consomme chaque jour. Ces infusions ne sont pas que de l’eau « salie » par l’immersion d’une plante x ou y dans l’eau pendant une poignée de minutes. Par exemple, pour ne se concentrer que sur le rooibos, sa célèbre molécule, l’aspalathine, n’est pas que ce qui donne sa couleur à une infusion de rooibos, cela va bien au delà, chose qu’on ne peut que concéder quand on apprend que le rooibos est considéré comme un « aliment fonctionnel pour le cerveau » et « une boisson de santé générale ».

  • Anti-oxydant, protecteur contre le stress oxydatif, protecteur de l’ADN des cellules contre l’oxydation, antiradicalaire3, lutte contre la formation d’AGE issus de la glycation, anticancéreux et préventif du cancer
  • Antidiabétique, améliore la libération d’insuline et l’absorption de glucose par les cellules musculaires, protecteur des cellules pancréatiques β, antihyperglycémique
  • Anti-inflammatoire, supprime la formation de cytokines pro-inflammatoires au niveau du foie
  • Immunomodulant, modulateur de la stéroïdogenèse surrénalienne4
  • Digestif, calmant de l’inconfort gastro-intestinal, action prébiotique intestinale
  • Anti-infectieux : antibactérien, antiviral, promeut la santé générale pendant un épisode infectieux
  • Préventif des maladies cardiaques, soutien cardiométabolique, anti-thrombotique, inhibe l’oxydation du cholestérol LDL, inhibe l’activité de l’enzyme de conversion de l’angiotensine
  • Neuroprotecteur (le stress oxydatif semble plus facilement marquer une empreinte funeste dans le cerveau en raison de sa forte exigence en oxygène, 1,5 % de la masse corporelle d’un individu requérant 20 % de tous l’oxygène absorbé et consommé), améliore les performances cognitives et possède un impact favorable sur la neurotransmission striatale dopaminergique, réducteur de l’anxiété, apaisant du système nerveux central
  • Protecteur de la peau contre les UVB, photo-protecteur, stimulant de la production de mélanine, apaisant cutané
  • Anti-allergique (stimule la production du cytochrome P450, enzyme essentielle à la métabolisation des allergènes)
  • Antispasmodique
  • Propriété ostéoblastique : assure une meilleure santé osseuse et accroît la densité osseuse

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : crampe d’estomac, ulcère gastrique, brûlure d’estomac, douleur gastrique, constipation, diarrhée, colique du nourrisson, colite, nausée, vomissement, toxicose à la fumonisine B1 (mycotoxine produite par des champignons du genre Fusarium et qui contaminent particulièrement les céréales comme le maïs et le blé)
  • Troubles de la sphère respiratoire : grippe, asthme, allergie respiratoire (rhume des foins)
  • Troubles de la sphère cardiovasculaire et circulatoire : hyperglycémie chronique, dommages cardiaques induits par le diabète, maladies cardiovasculaires5, rosacée, cellulite, varice, hémorroïde, hypertension, accident vasculaire cérébral (Chose étonnante, un article de 2017 émanant de l’université de Bellville en Afrique du Sud explique que dans ce pays 240 personnes sont affectées chaque jour par un AVC. Faut-il croire qu’il n’existe pas de perle à côté de ce dragon-là ? Que si ! Bien qu’on ne puisse pas crier hourra à la panacée. En attendant, les Sud-Africains auraient tout intérêt à se tourner vers une ressource on ne peut plus locale et consommer de façon régulière le rooibos, puisqu’il a montré des effets tout à fait bénéfiques et profitables auprès des personnes qui souffrent d’une affection prédisposant à l’AVC.)
  • Affections cutanées : acné, eczéma, psoriasis, candidose (mycose unguéale), pied d’athlète, verrue, crevasse (du talon surtout), démangeaison et irritation (qui peuvent être d’origine allergique), vieillissement cellulaire (rides), cicatrice, vergeture, coup de soleil
  • Affections oculaires : yeux fatigués, rougis, larmoyants
  • Troubles de la sphère nerveuse : irritabilité, tension nerveuse, insomnie, maux de tête d’origine nerveuse, amélioration de la mémoire spatiale à long terme (chez le rat, certes, mais « quand même ! », comme disait Sarah Bernhardt), dégénérescence liée à l’âge, maladie d’Alzheimer
  • Diabète sucré du type II (et ses complications), glucotoxicité6
  • Obésité7 (état inflammatoire chronique de bas grade)
  • Cancer : lésion cancéreuse cutanée, lésion hépatique précancéreuse, etc.
  • Sécheresse buccale (syndrome de Sicca)

Modes d’emploi

  • Infusion : comptez une demi à une cuillerée à café (soit 1 à 2 g) de rooibos par tasse d’eau (un mug : 20 cl) en infusion dans une eau non bouillante : on préconise 90 à 95° C, mais une température de seulement 85° C semble très satisfaisante pour extraire un maximum de composés phénoliques et, partant, de substances anti-oxydantes. La durée d’infusion, souvent située autour de 5 à 6 mn, peut être portée à 10-15 mn au grand maximum. Afin de mieux respecter les dosages, le rooibos en vrac est plus adapté à l’opération que celui en infusette toute prête (le rooibos est plus cher au poids qui plus est sous cette forme).
  • Poudre : elle s’absorbe comme n’importe quelle poudre, diluée dans un corps gras, du miel, un peu d’eau tiède citronnée, etc. On peut encore la faire macérer quelque temps dans un demi verre de vin rouge avant d’absorber le tout.
  • Cataplasme : ici l’infusette peut nous être d’un grand secours. On fait infuser pendant 10 mn une infusette de rooibos dans moitié moins d’eau qu’on en utilise pour faire une infusion à boire et en respectant le modus operandi donné plus haut. Grâce à l’infusette, qu’on trempe au fur et à mesure des besoins, on applique le rooibos à même la peau comme si on la tamponnait d’une éponge. C’est bien pratique sur l’eczéma, l’acné, les irritations cutanée, etc. Cela évite de « s’en mettre partout » ^.^ Si vous ne disposez pas d’infusette, un petit pochon de toile fine en coton ou en lin fera parfaitement l’affaire. Glissez-y une cuillerée à café de rooibos, faites infuser 10 mn dans 10 cl d’eau portée à 85-90° C. Ceci fait, essorez un peu votre sachet et commencez les applications. A condition que cela ne dégouline pas, il est également possible de maintenir l’infusette/le sachet en toile en place grâce à un bandage en un lieu précis du corps.
  • Gelée de rooibos : parfaitement inconnue (du moins anecdotique) par chez nous, il s’agit d’une infusion de rooibos cuite avec un sirop au sucre. Elle possède la consistance de la gelée de coing. On dilue simplement l’équivalent d’une cuillerée à café de cette gelée dans une tasse d’eau chaude ou froide. C’est une alternative (hélas sucrée !) à l’infusion qui n’apporte rien de bien fantastique.

Note : sous le seul rapport du rooibos rouge, en vrac ou détaillé en infusette, on voit poindre de plus en plus de mélanges aromatisés ayant pour base le rooibos, parfois couplé au maté et/ou au thé vert. Les concepteurs de tels mélanges ne manquent ni d’imagination ni d’audace, puisqu’ils font appel à une foultitude d’ingrédients dont la vanille, les agrumes, les fruits « exotiques » (mangue) ou non (framboise, fraise), le gingembre et autres épices, des plantes médicinales aux effets reconnus (verveine citronnée, menthe poivrée), etc. Tout cela est bien beau mais ne me dissuade pas d’observer fidélité auprès du rooibos rouge nature, en particulier celui d’origine sauvage…

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Récolte : à l’été (décembre-février), on sectionne les rameaux de la plante sur une longueur de 30 à 50 cm. On les broie, on les place en tas afin que s’opère la fermentation, puis on les fait sécher au soleil. Le rooibos se conserve à l’abri de la lumière, dans une boîte hermétique gardée en un lieu frais (on peut le ranger au réfrigérateur).
  • Aux doses usuelles, le rooibos présente une complète innocuité et peut s’envisager chez l’enfant, le sportif, pendant la grossesse et l’allaitement. On recense cependant des cas anecdotiques d’irritation hépatique aiguë et des atteintes rénales, réalisables uniquement à doses trop appuyées, alors qu’à doses normales, le rooibos a parfaitement su montrer son caractère hépatoprotecteur et préventif de la stéatose hépatique. Il permet même la régénération des cellules hépatiques endommagées. On évitera toutefois l’usage du rooibos concomitamment à la prise de médicaments censés lutter contre l’hyperglycémie et la dyslipidémie, puisque des interactions entre la plante et ces médicaments restent possibles.
  • Après avoir appris que la médecine traditionnelle chinoise considérait le rooibos comme profitable et utile pour lutter contre le désintérêt sexuel8, qu’elle n’a pas été ma surprise de prendre connaissance, par le biais de plusieurs études récentes (aucune n’a plus de dix ans), que le rooibos pouvait avoir un effet sur les ovaires et la reproduction féminine9. Une autre étude de 2017 avançait déjà les effets hormonosuppresseurs du rooibos, un potentiel anti-reproductif dont il faut savoir prendre compte au travers d’une consommation régulière de cette plante10. Du côté masculin, il a été observé que le rooibos, tout comme le thé d’ailleurs, diminuait la sécrétion de testostérone, alors qu’en 2014 des chercheurs ont établi que les rooibos rouge et vert avaient une incidence sur la vitalité des spermatozoïdes, améliorant, dans le cas du rooibos vert, « la concentration, la viabilité et la motilité des spermatozoïdes »11. En revanche, il est parfaitement établi que le rooibos est capable de prolonger la fertilité des cailles, oiseaux de feu luxurieux dont l’ardeur amoureuse n’est plus à démontrer ^.^
  • Contrairement au thé, le rooibos ne nuit pas l’absorption du fer (en raison de son faible taux de tanin), et à l’inverse de la caféine du café, le rooibos ne fait pas de tort à la bonne santé osseuse.
  • En rinçage des cheveux bruns et châtain foncé, le rooibos leur donne de la brillance.
  • En cuisine, l’infusion de rooibos est largement utilisée en Afrique du Sud. Quelques exemples d’utilisation : on peut faire tremper des fruits secs (figues, raisins, etc.) toute une nuit dans du rooibos. Cela permet de les aromatiser avant un éventuel usage culinaire. Faire mariner du bœuf ou du poulet dans une infusion de rooibos permet d’attendrir la viande. On peut confectionner, sur le mode du thé glacé, un rooibos du même type : il est possible d’y ajouter du sucre, du jus de citron et toutes autres choses qui vous paraîtraient convenables à l’occasion.
  • Risques de confusion : il faut savoir faire la différence entre le rooibos et plusieurs autres « thés » sud-africains dont le honeybush, autre fabacée d’Afrique du Sud, dont on trouve plusieurs espèces (Cyclopia intermedia, subternata, genistoides, sessiliflora, etc.) et dont on se sert comme plantes à infusion, à l’instar du rooibos. Puis vient le thé de brousse (Athrixia phylicoides), une astéracée elle aussi riche en flavonoïdes et en polyphénols qui fait l’objet d’un emploi thérapeutique pour lutter contre l’hypertension et le diabète. Enfin une géraniacée, Monsonia burkeana, qui possède, tout comme les plantes précédentes, d’importantes propriétés anti-oxydantes et anti-inflammatoires.
  • Autres espèces : voici quelques-unes des espèces dont on peut croiser le nom dans la littérature scientifique médicale (ce qui est bien peu au regard des 260 et quelques espèces d’aspalathus recensées) : Aspalathus pendula (dont nous avons déjà brièvement parlé), Aspalathus carnosa, Aspalathus callosa, Aspalathus hispida, etc.

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  1. Khoïsan est le terme par lequel on regroupe deux populations unies par des caractéristiques linguistiques et génétiques, les Khoï (Hottentots) qui sont des pasteurs et les San (Bochiman) des nomades chasseurs-cueilleurs.
  2. Source.
  3. « L’exposition au stress psychologique chronique peut être liée à une augmentation des espèces réactives d’oxygène (ROS) ou des radicaux libres, et par conséquent, une exposition à long terme à des niveaux élevés de stress oxydatif peut causer l’accumulation de dommages oxydatifs et finalement conduire à de nombreuses maladies neurodégénératives. […] Cette conclusion est démontrée par la capacité du rooibos à inverser l’augmentation des métabolites liés au stress, prévenir la peroxydation lipidique, rétablir la dégradation des protéines induite par le stress, réguler le métabolisme du glutathion. » (Source).
  4. « Des études in vitro sur les cellules surrénales H295R ont montré que le rooibos et la rutine, l’un des composés flavoniques les plus stables présents dans le rooibos, réduisaient considérablement les niveaux de cortisol et de corticostérone dans les cellules stimulées par la forskoline pour imiter une réponse au stress. » (Source).
  5. « L’ensemble des recherches menées à ce jour souligne clairement les avantages du rooibos en tant qu’aliment fonctionnel thérapeutique à la fois préventif et complémentaire dans le contexte des maladies cardiovasculaires. » (Source).
  6. « Les extraits verts et fermentés d’Aspalathus linearis ont démontré de très vastes mécanismes antidiabétiques, car ils ont révélé plusieurs activités prometteuses qui pourraient être utiles dans la lutte contre la résistance à l’insuline, l’inflammation, le stress oxydatif, la glycation des protéines et la β pancréatique, dysfonctionnement cellulaire et la mort avec une forte tendance à atténuer l’hyperglycémie postprandiale et le dysfonctionnement métabolique qui en résulte en raison d’un contrôle glycémique médiocre. » (Source).
  7. « Nos données montrent que les solides solubles dans l’eau chaude du rooibos fermenté inhibent l’adipogenèse et affectent le métabolisme des adipocytes, ce qui suggère son potentiel pour prévenir l’obésité. » (Source).
  8. De plus, « il pénètre les canaux rénaux, de la rate, du cœur et du foie. Les principales fonctions sont de tonifier le rein et de bénéficier de l’essence, nourrir le Qi et la rate, nourrir le Yin et provoquer la production de fluide corporel, tranquilliser l’esprit et soulager la douleur. » (Source).
  9. « Le nombre limité d’études in vitro suggère une influence du rooibos sur les fonctions fondamentales des cellules ovariennes, ainsi que son applicabilité potentielle pour contrôler la reproduction féminine. » (Source).
  10. Source.
  11. Source.

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