Synonymes : tanacée, tanarido (en provençal), herbe aux vers, herbe aux lombrics, herbe aux mites, herbe sainte, herbe de saint Marc, herbe de sainte Marie, herbe amère, balsamite amère, sent-bon (ça dépend pour qui…), baume, barbotine, espergonte, ganelle, remise, athanase (le mot athanasia désigne habituellement l’« immortelle ». On explique parfois le mot « tanaisie » par celui-ci).
L’on a coutume de dire que la tanaisie n’apparaît en aucun cas dans les textes de l’Antiquité. Pourtant, il est bien possible que la tanacita se dissimule derrière cette plante que le pseudo-Apulée appelle herba artemisia tragantes dans un texte, l’Herbarius, qui daterait du IV ème ou du V ème siècle après J.-C. (chez le pseudo-Dioscoride, on peut lire le mot tanaceta). Si cela est vrai, cela signifierait donc que cet auteur très peu connu (qu’on appelle aussi Sextus Apuleius Barbarus), serait le premier à donner quelques informations thérapeutiques au sujet de la tanaisie qui « est bonne pour les douleurs de la vessie, la strangurie, les douleurs aux cuisses, aux nerfs, aux pieds ainsi que pour les fièvres ».
Même plus tard, style Haut Moyen Âge, l’on n’est pas certain de savoir exactement si l’ambrosia du moine-poète Strabo n’est pas en réalité une variété de tanaisie (la variété crispum ?). En attendant, il dit cette plante emménagogue. En tous les cas, cela ne peut être ni l’ambroisie divine, ni sa consœur « diabolique » aux agressifs grains de pollen. Un peu plus tard, fin IX ème siècle, c’est là qu’on est sûr et certain de bien identifier la plante, tanazita, au sein du Capitulaire de Villis. Si ce texte en recommande et en ordonne la culture dans les jardins impériaux, l’on peut imaginer d’en faire remonter l’implantation et les usages quelques siècles (?) auparavant. On imagine que son origine est orientale, qu’elle serait venue là à la faveur des grandes invasions qui marquèrent le continent européen au milieu du premier millénaire. Il faut toujours un peu de temps avant qu’une plante venue d’ailleurs ne soit plébiscitée : voyez la tomate et la pomme de terre, par exemple, initialement boudées par les Européens à leur arrivée en Europe au XVI ème siècle. Quoi qu’il en soit, vers l’an 900, la tanaisie est suffisamment populaire des points de vue culinaire, vétérinaire et médicinal pour que le Capitulaire de Villis la compte au nombre des herbes impériales.
D’un point de vue médicinal, au Moyen-Âge l’on considère que la tanaisie est tonifiante, stomachique, fébrifuge et emménagogue. Du moins est-ce Hildegarde qui nous renseigne sur les usages que l’on faisait d’elle au XII ème siècle. Selon elle, la Reynfan – ainsi la dénomme-t-elle – « est efficace contre toutes les humeurs superflues qui s’écoulent » (1), comme la toux, le rhume, le catarrhe bronchique. Elle intervient aussi sur la sphère digestive. C’est pourquoi il faut « en manger souvent, cela adoucira l’estomac, l’allégera et assurera une bonne digestion » (2). Elle agit aussi sur la vessie (strangurie, lithiase), ainsi que sur l’utérus (douleurs menstruelles, aménorrhée, dysménorrhée). L’on peut oser dire que, dans une certaine mesure, la tanaisie est une plante de la Femme. Mais si elle aide les règles, elle devient aussi abortive à trop fortes doses, « vertu » qui était fréquemment mise à contribution au Moyen-Âge en temps de famine, par exemple. Ensuite, Hildegarde préconise la tanaisie contre les fièvres tierces et donne l’exemple d’un onguent de sauge et de tanaisie qu’on applique sur les contusions à la suite d’un coup ou d’une chute. Pour finir, elle fait référence à une plante qu’elle appelle tanacet dans un autre texte. J’aimerais bien y voir la tanaisie, mais n’en suis pas du tout certain. Voici néanmoins ce qu’elle en dit : « Si, sous l’effet de pensées multiples et diverses [surmenage ?], les connaissances et le bon sens de quelqu’un viennent à disparaître, au point qu’il sombre dans la folie, que cette personne prenne du tanacet et trois fois autant de fenouil, qu’elle fera cuire ensemble dans de l’eau ; après avoir rejeté les herbes, une fois l’eau refroidie, qu’elle en boive souvent le suc » (3).
Les dernières décennies médiévales s’écoulent puis s’achèvent, et l’on n’a toujours pas entraperçu la seule petite ligne, la moindre allusion à ce qui fait généralement la renommée de la tanaisie, c’est-à-dire une référence claire aux propriétés antiparasitaires et vermifuges de celle qu’à bon droit l’on appelle communément l’herbe aux vers. La première mention tardive de cette admirable propriété prend place dans l’œuvre de Léonard Fuchs qui écrit que « les fleurs dans le vin ou le lait réussissent merveilleusement chez les enfants pour expulser les vers de l’intestin ». Mais si l’on en juge par la manière dont Otto Brunfels (1488-1534) appelait la tanaisie – wurmsot (wurm signifiant « ver » en allemand), l’on prend conscience que cette vertu vermifuge est bien plus anciennement connue que cela. L’on prétend même que certains réceptuaires médiévaux en font état. Ce qui est curieux, c’est qu’on n’en ait pas parlé auparavant, car l’on n’omettra pas de considérer que les vers sont un problème plus qu’épineux au Moyen-Âge : ils sont partout, témoins opiniâtres d’un criant manque d’hygiène (au sens large du terme). Et, face aux vers, la tanaisie fait, si je puis me permettre, mouche ! Elle « combat tous ces hôtes indésirables mais également poux, puces et le maître de la vermine lui-même » (4). La tanaisie fraierait-elle avec le domaine des ombres ? Quel mystère se cache-t-il dans le ver ? Eh bien, l’on peut affirmer que la tanaisie possède un étroit rapport avec la nuit et l’obscurité, dans le sens où elle débusque les malignes petites bestioles qui peuplent les sombres recoins de notre anatomie. Et si elle fait fuir le ver, il n’y a pas de raison pour qu’elle ne parvienne pas à déloger celui qui l’incarne, du moins ses sbires et toutes les ficelles traîtresses qu’ils tendent insidieusement dans l’ombre, ce qui nous place dans un plan plus mental et psychique, l’envers n’étant pas autre chose que le reflet de l’endroit. « C’est lors de la pleine lune d’août, célébrée par une ancienne fête païenne, qu’il fallait faire provision d’herbe aux vers [et d’autres plantes. En] bouquets magiques suspendus devant la maison et l’étable, [elles] écartaient le mauvais œil, les démons, la grêle et la foudre […] Un fagot d’herbe aux vers, allumé et passé sous le lit d’un enfant, chassait les influences malignes et rendait celui-ci ‘gai et beau’ » (5), au contraire de celui qui, assailli et tourmenté par les vers, exprime son embarras par une expression renfrognée dont on peut se demander l’origine. Il n’est pas toujours question d’envoûtement, fort heureusement ! Vous avez vu à quoi ressemble la tronche du gamin des publicités pour le Vermifuge Lune ? Qui souffre le martyre sous l’œil égrillard de la Lune dont on se demande si elle ne se fiche pas un peu de ce lamentable enfant vermineux !
Dans l’idéal, on devrait (se) vermifuger tous les mois à l’approche de la pleine Lune (trois jours avant, trois jours après) ; au moins, deux fois dans l’année. L’on a observé, probablement empiriquement, une corrélation entre lunaison et capacité d’une substance vermifuge à mieux faire son office. Vermifuge Lune ! Tout une époque, avec slogan publicitaire chanté, composé par le poète Robert Desnos (1901-1945), s’il vous plaît :
Le bon Vermifug’ Lune
Fait la joie des parents
Le bon Vermifug’ Lune
La santé des enfants.
Si votre enfant a des cauchemars
Si sa langue est chargée
Si son intestin n’est pas libre
Donnez-lui la fameuse cure de bon Vermifuge Lune.
Le bon Vermifuge Lune
Est la source de santé de l’enfant
Vous trouverez le bon Vermifuge Lune
Chez votre pharmacien sous forme de poudre ou de sirop.
On en donne aux p’tites filles
Pour que leur regard brille,
On en donne aux garçons,
Qui devienn’t forts comm’ des lions.
Bien. Après cette page de publicité, revenons-en à nos moutons, parce que « outre la vertu de fortifier l’estomac et de tuer les vers, [Jean-Baptiste Chomel nous explique en 1712 que] la tanaisie est apéritive, hystérique et céphalique ; elle emporte les obstructions et nettoie les conduits de l’urine : elle est utile dans l’hydropisie, dans la jaunisse et dans les pâles couleurs ». A quoi le Dictionnaire de Trévoux (XVIII ème siècle) ajoute qu’elle est vulnéraire et « bonne pour la colique néphrétique, pour exciter les menstrues, pour les vapeurs et pour les vents ». Enfin, l’on peut dire que c’est un diurétique et un très bon fébrifuge.
Évidemment impliquée dans la pratique médicale qui s’adresse à l’homme, la tanaisie est presque aussi connue comme remède vétérinaire. Au Moyen-Âge, on use surtout de ses vertus insectifuges. Des bouquets de rameaux frais suspendus là où c’est nécessaire permettent d’éloigner certaines insectes dits nuisibles (c’est un succédané du pyrèthre, autre insecticide populaire). On peut placer des feuilles fraîches de tanaisie dans les armoires à linges, entre le sommier et le matelas. Ainsi, elles luttent efficacement contre les puces et les punaises, ainsi que les mites et les fourmis que son odeur insupporte. On peut faire de même dans la niche ou le panier d’un chien, ou sur les lieux que fréquentent les chats habituellement. Dans les poulaillers, la tanaisie met les poux en fuite. Avec elle, on soigne les coliques des animaux, on l’utilise aussi pour les vermifuger, et dans certains coins d’Allemagne, « on verse du suc de tanaisie extrait par compression dans les ruches malades » (6).
Dans le garde-manger, ses feuilles servirent même d’« emballage » pour assurer aux pièces de viande une bonne conservation, en éloigner les mouches et, par voie de conséquence, les vers.
Au jardin, l’on peut fabriquer un insecticide naturel en faisant macérer un demi kilogramme d’absinthe fraîche et la même quantité de tanaisie, également fraîche, dans dix litres d’eau pendant quelques jours. C’est là un produit efficace que l’on pulvérise face au doryphore (Leptinotarsa decemlineata), à l’altise du chou (Phyllotreta nemorum) et aux vers qui accablent les fruitiers.
La plupart de ces modes d’emploi seront d’autant plus efficaces que la tanaisie aura été employée fraîche : en ce cas, une fois coupée, elle prodigue ses qualités olfactives pendant longtemps. C’est ce qui, pense-t-on, lui a valu le nom latin de tanacetum, tiré du grec tanaos qui signifie « grand âge », car la plante, même coupée, résiste longtemps sans se faner, un peu à la manière d’une immortelle (athanasia, comme nous l’avons souligné).
Il n’y a pas que les feuilles de chou qui apprécient les bons offices de la tanaisie. En Europe centrale, « l’arôme très persistant des feuilles plaît tellement que les femmes en conservent dans leurs livres de prières avec l’hysope et le romarin » (7), sans doute comme protection, parce que la tanaisie, alias herbe sainte, forme avec l’hysope et le romarin un excellent trio chasse-diable. Cette plante, venant au secours des écritures saintes, explique peut-être par là ses surnoms d’herbe de saint Marc et de sainte Marie…
Cette affection pour le parfum de la tanaisie était aussi partagée par les Anglais du siècle d’Élisabeth I ère. Sa saveur, dit-on, fut fort goûtée, comme quoi, palais et langue, papilles gustatives et olfactives, s’adaptent selon les époques (autrement dit : c’est culturel). Plus tôt déjà, le Mesnagier de Paris, soit l’un des plus importants documents gastronomiques du Moyen-Âge, fait la part belle à cette plante, dont l’arôme subtile et l’intense amertume joue le rôle de condiment dans un certain nombre de recettes, comme celle des œufs à la tanaisie par exemple, qui nous rapproche d’un usage britannique plus tardif où le suc de tanaisie apportait son parfum à des omelettes sucrées pour lesquelles la tanaisie imprima jusqu’à son nom, puisqu’on les appelait tansies, pluriel du mot tansy qualifiant la plante en anglais.
Rustique et vivace, la buissonnante tanaisie se fixe en terre à l’aide d’une puissante souche rhizomateuse qui peut s’avérer envahissante, ce qui donne lieu, parfois, à des touffes coloniaires de tanaisie qui ne sont pas s’en rappeler celles de sureau hièble.
Ses tiges dressées, creuses mais dures, sont longitudinalement striée. Leur hauteur peut atteindre voire dépasser 120 cm (on peut trouver des sujets de 150 à 160 cm). Bien que peu ramifiées, les tiges très feuillées de cette plante renforcent son aspect buissonneux. Des feuilles amples, alternes, très dentées, dites pennatilobées, comptent généralement une douzaine de folioles de par et d’autre de l’axe foliaire.
La floraison est très particulière : les capitules jaune d’or de la tanaisie sont aussi intenses dans leur couleur que les feuilles. Ils ont la particularité, bien que perchés sur des pédoncules d’inégale longueur, d’être alignés sur le même plan et de présenter leur forme discoïde, joints les uns aux autres de manière très drue, comme on peut aussi le voir chez l’achillée. Il faut dire que ces capitules, intégralement formés de fleurons tubulés, ne comportent pas de ligules qui obligeraient à un éloignement minimum d’un capitule à l’autre. Pas de ligules ? On se serre les uns contre les autres comme des petits pois dans leur cosse. Ces capitules en bouton de chemise d’un centimètre de diamètre fleurissent de juin à octobre et laissent place à de minuscules têtes comme celles du tournesol où sont enchâssés des akènes sans aigrette, ourlés chacun d’un rebord membraneux formant couronne.
La tanaisie est une plante relativement courante en plaine et en moyenne montagne (1500 m maximum). On l’observe assez peu dans l’Ouest et dans le Sud de la France, mais partout ailleurs elle sait se distinguer en ces lieux qui marquent la proximité de l’homme ou de ses passages : talus, haie, bordure de chemin, décombres, déblais, tas de détritus, terrains vagues et incultes, abord des voies ferrées, prairies et jardins. Dans tous les cas, sur sols assez humides, ensoleillés ou placés à mi-ombre.
La tanaisie en phytothérapie
Voici une plante similaire en vertus à l’absinthe ou encore à la matricaire. Ça annonce dès lors le pedigree si je puis dire, et cette exigence de rappeler que la tanaisie, bien qu’elle n’ait jamais été aussi glorieusement vantée depuis des temps immémoriaux comme la sauge, pour prendre un exemple évident, n’en est pas moins une plante qui mérite d’être (re)connue, et non négligée parce que quelques mains hasardeuses (et pas forcément bien intentionnées) lui ont collé une estampille à faire peur. Nous aurons ici l’opportunité de nuancer la soi-disant toxicité de la tanaisie. J’en utilise moi-même en petite quantité tous les jours ou presque, et je ne suis (toujours) pas mort !
A l’état frais, par temps chaud, la tanaisie, dès qu’on l’approche, propage dans l’atmosphère une odeur pour le moins entêtante, qui peut être étiquetée comme désagréable, voire repoussante pour certains, alors que d’autres y perçoivent comme un parfum camphré ou balsamique. Sur la question de sa saveur, là, on est unanime : tout comme l’absinthe, la tanaisie est très amère et âcre, et développe même des relents quelque peu épicés et/ou nauséeux. Cette amertume s’explique par des lactones sesquiterpéniques, dont l’un est connu depuis longtemps, la tanacétine. Viennent ensuite une flopée de flavonoïdes (cynaroside, orientine, lutéoline, etc.) et d’acides (malique, citrique, oxalique, butyrique, caféique, chlorogénique). La partie tannique est assurée par l’acide gallique et l’acide tanacétotannique. A cela, que peut-on encore ajouter ? Les substances suivantes : de la gomme, une coumarine (au moins), de l’inuline (dans la racine), du manganèse (quantité remarquable), un pigment jaune, enfin une huile grasse et une huile éthérée ou essence aromatique spéciale, que l’on extrait des sommités fleuries et des feuilles par le biais de la classique méthode de l’hydrodistillation qui permet d’obtenir au grand maximum 0,6 % d’huile essentielle dont la couleur varie du jaune au vert foncé, avec une tendance à brunir quand elle s’oxyde. Sa saveur âcre et amère la rend redoutée, d’autant que son point éclair très bas, 21° C, fait d’elle un produit facilement inflammable.
Avec l’absinthe, l’armoise vulgaire, l’hysope officinale et d’autres encore, l’huile essentielle de tanaisie est interdite à la vente libre en France, elle ne peut être délivrée que par un pharmacien (monopole pharmaceutique), puisque classée parmi les huiles essentielles à haute teneur en cétones monoterpéniques. A nouveau, nous retrouvons ces thuyones, plus précisément α & β-thuyone (qu’anciennement on appelait, pour l’occasion, tanacétone). Voici un petit tour d’horizon concernant la composition biochimique de cette huile essentielle :
- Cétones monoterpéniques : α-thuyone, β-thuyone, camphre, artémisiacétone, camphone, isopinocamphone, pipéritone
- Esters : acétate de chrysanthényl
- Oxydes : 1.8 cinéole
- Monoterpènes : limonène, sabinène, paracymène
- Sesquiterpènes : germacrène D
- Monoterpénols : bornéol
Selon l’origine de la plante, le taux de cétones est très différent. Il peut s’affoler avec des fractions de pas loin de 90 %, ou bien s’assagir un peu et stationner autour de 40 %. Parfois, c’est la β-thuyone qui domine largement (87,6 %), ou bien c’est à l’α-thuyone que revient la plus grosse part du gâteau cétonique (26 %), au coude-à-coude, non pas avec une autre cétone, mais un ester, l’acétate de chrysanthényl (30 %).
Qu’elle provienne de Roumanie, de Slovénie ou encore de France, on observe, comme nous l’avions remarqué à travers l’huile essentielle d’armoise vulgaire, d’énormes disparités moléculaires.
Propriétés thérapeutiques
- Tonique amère, stimulante (parfois trop : on la dit alors excitante)
- Tonique digestive, stomachique, vermifuge
- Fébrifuge (elle est, sur ce point, équivalente à la camomille romaine et à la petite centaurée)
- Mucolytique
- Diurétique
- Antispasmodique
- Emménagogue
- Détersive, résolutive, antiseptique cutanée
- Insectifuge, insecticide, antiparasitaire
Usages thérapeutiques
- Troubles de la sphère gastro-intestinale : digestion difficile, atonie des voies digestives, dyspepsie nerveuse, diarrhée chronique, colite spasmodique, douleur gastrique, gastrodynie (?), parasites intestinaux (ascarides, oxyures, ténias)
- Troubles de la sphère gynécologique : aménorrhée, aménorrhée asthénique, dysménorrhée atonique ou nerveuse, menstruations irrégulières, leucorrhée, engorgement des seins au moment du sevrage, préparation à l’accouchement (le faciliter et le rendre moins douloureux), prévenir les fausses couches (?)
- Troubles de la sphère circulatoire : varice, hémorroïde
- Troubles de la sphère pulmonaire : rhume, catarrhe bronchique
- Troubles locomoteurs : entorse, foulure, lumbago, crampe et spasmes musculaires, points douloureux de la goutte, rhumatisme, rhumatisme chronique, carie osseuse
- Œdème, hydropisie, anasarque, engorgement lymphatique
- Affections cutanées : plaie, plaie suppurante, ulcère (atonique, sordide, gangreneux, vermineux), gerçure, contusion, ecchymose
- Anémie, chlorose, faiblesse, épuisement, convalescence
- Faiblesse et épuisement nerveux, nervosisme, état dépressif (?)
- Fièvre, fièvre intermittente, fièvre intermittente rebelle
- Rage de dents
Modes d’emploi
- Infusion et infusion concentrée de sommités fleuries, de feuilles ou de semences.
- Décoction de la plante entière.
- Macération dans le vin blanc ou rouge, le cidre, la bière, l’huile d’olive.
- Sirop.
- Teinture alcoolique.
- Poudre de semences dans du sirop, dans du miel, délayée dans un peu de vin.
- Cataplasme de feuilles (ou de la plante entière) cuites en décoction dans l’eau ou le vin. On filtre, on épuise le liquide et l’on applique la plante localement.
Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations
- Récolte : les feuilles, généralement en juillet (ou plus tôt : si besoin au printemps), les sommités fleuries tout au long du mois d’août, enfin les semences dès qu’elles sont bien mûres, en septembre-octobre par là. Rappelez-vous que ces semences sont des akènes sans aigrette, c’est-à-dire qu’ils ne s’envolent pas au premier coup de vent comme le fait si bien le pissenlit ; en revanche, les pieds défleuris peuvent être picorés par les oiseaux. Aussi, si vous souhaitez récupérer quelques graines, il vous faudra veiller au grain ;-)
- Séchage : il est très facile, la tanaisie n’étant pas trop difficile sur ce chapitre et présente l’immense avantage de ne rien perdre de sa saveur, ni de ses propriétés thérapeutiques une fois sèche. Pour cela, on réunit les sommités fleuries en bouquets pendus la tête en bas. On peut aussi les placer en guirlande sur un fil tendu, ou à plat sur des claies. Une feuille qui reste bien verte une fois sèche est un bon indice de réussite.
- Toxicité : hormis les caractéristiques de son huile essentielle, il n’y a pas grand-chose à « reprocher » à la tanaisie : « Dans la pratique médicale, cette action toxique [nda : id est user de la tanaisie en interne aux doses physiologiques] ne peut constituer un écueil à l’emploi de la tanaisie, les doses auxquelles ont la prescrit représentant une proportion très faible du principe actif » (8). Cependant, un usage modéré et peu prolongé sera de rigueur.
L’huile essentielle de tanaisie est, de fait, épileptisante, convulsivante et tétanisante. Les premiers symptômes d’intoxication surviennent avec des doses faibles (2 à 3 g), le décès peut être provoqué par une plus importante quantité (5 à 15 g). Avant d’en arriver à une issue aussi funeste, on observe une augmentation du rythme respiratoire et du pouls, ainsi que du rythme cardiaque. Certains organes internes tendent à se dégrader (par exemple, l’utérus est affecté d’hémorragies non fonctionnelles). Les pupilles se dilatent, le sujet hallucine et convulse à la manière d’un animal enragé. On appelle ce phénomène la rage tanacétique, caractérisée par un excès de salive et une tendance à vouloir mordre. Les pertes de conscience s’accompagnent d’une paralysie qui peut mener à un arrêt respiratoire ou cardiaque.
C’est pour l’ensemble de ces raisons qu’on a abandonné l’emploi thérapeutique de l’huile essentielle de tanaisie vulgaire. Si vous devez avoir affaire à une huile essentielle de tanaisie, ce ne saurait être que celle de tanaisie annuelle (Vogtia annua). - Alimentation : il ne faut pas s’attendre à tirer de la tanaisie plus qu’une maigre pitance. Ce sont surtout les semences qui sont condimentaires, saupoudrées avec parcimonie sur les viandes et le gibier, les pâtés, les gâteaux. Les feuilles, qui servirent autrefois de substitut au houblon dans l’industrie brassicole, peuvent s’émietter finement une fois sèches (penser à ôter la nervure centrale) et ainsi agrémenter une salade toute simple (de la laitue, par exemple) ou bien plus complexe, en mélange avec des feuilles d’ortie sèches, de l’ail des ours, etc. Dans son Grand Dictionnaire de cuisine (1873), Alexandre Dumas expliquait très clairement que la tanaisie comptait au nombre des dix plantes recommandées pour l’assaisonnement.
- Des fleurs, l’on obtient un pigment jaune d’or qui, après mordançage par l’alun, est apte à teindre la laine. Des semences, l’on tirerait, parait-il, un pigment vert.
- Autres espèces : une variété, tout d’abord : Tanacetum vulgare var. crispum. Ses feuilles crépues lui valent d’entrer dans la composition de bouquets en fleuristerie.
D’autres tanacetum :
– Tanacetum annuum (nom remplacé par Vogtia annua) : la tanaisie annuelle (ou tanaisie bleue)
– Tanacetum parthenium : la grande camomille
– Tanacetum corymbosum : la tanaisie en corymbe
– Tanacetum coccineum : le pyrèthre rose
– Tanacetum cinerariifolium : le pyrèthre de Dalmatie - Faux ami : la « tanaisie sauvage ». C’est ainsi qu’on surnomme parfois la potentille ansérine (Potentilla anserina), en raison d’une similarité foliaire avec la tanaisie.
_______________
1. Hildegarde de Bingen, Physica, p. 69.
2. Ibid.
3. Hildegarde de Bingen, Les causes et les remèdes, p. 202.
4. Erika Laïs & Laurent Terrasson, Mes plantes magiques, p. 57.
5. Ibid., p. 58.
6. Paul-Victor Fournier, Dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France, p. 275.
7. Ibid.
8. Henri Leclerc, Précis de phytothérapie, p. 31.
© Books of Dante – 2020