Vous avez des problèmes de concentration récurrents ? Vous vous sentez inopérant au sein d’une atmosphère bruyante ? Vous craignez que la folle vie urbaine ne vous rende prématurément neuneu ? Dans ces cas, il serait peut-être bon de s’arrêter un brin auprès du gotu kola afin d’écouter ce qu’il a de profitable à vous raconter ;) En tous les cas, je suis bien heureux de vous offrir la somme d’informations qui vous attend !
Bonne lecture ! Un beau week-end à toutes et à tous :)
Synonymes : hydrocotyle asiatique (de hýdôr, « eau » et kotylé, « écuelle, cuvette »), pied de biche asiatique, bevilacque, brahmi, mandookaparni, pegaga, pancaga, codagen, pesequinus, vallarai. Par ailleurs, cette plante porte pas loin d’une cinquantaine de noms différents sur le seul territoire de l’Inde !
Quand les bio-hackers du XXIe siècle proclament que le gotu kola représente un « cofacteur adaptogène de l’illumination spirituelle », il ne faut pas se dire qu’ils sont tombés sur la tête, se détourner de leurs dires et classer l’affaire. Ce serait de l’ignorance et une insulte adressée à l’encontre de cette plante fabuleuse qu’est le gotu kola, alias Centella asiatica. Si l’on se réfère à l’histoire de cette plante, il n’y a rien d’absurde dans ce propos, puisqu’il reflète, en une seule phrase, le statut qu’elle occupe depuis la création de la médecine ayurvédique il y a de cela plusieurs millénaires1. « L’Ayurvéda est le plus ancien système de médecine au monde, son antiquité remontant aux Védas. Il adapte une approche holistique unique à toute la science de la vie, de la santé et de la guérison. Les domaines de considération en Ayurvéda sont la gériatrie, le rajeunissement, la nutrition, l’immunologie, la génétique et la conscience supérieure »2. Voilà déjà une idée très claire du bain dans lequel on a amené le gotu kola à baigner, lui qui fut employé par les rishis et les yogi pour qu’ils améliorent leur « compétences méditatives », afin de les mener au développement de la conscience de soi, du bien-être émotionnel et à la prise en compte de la réalité suprême (ou brahmique). Mais ce guérisseur traditionnel de l’esprit fut également considéré comme celui du corps, c’est pour cela qu’on lui octroya le statut d’herbe de longévité. Effectivement, « les textes ayurvédiques décrivent un ensemble de mesures de rajeunissement permettant de donner une subsistance biologique aux tissus corporels. Ces remèdes, appelés Rasayanas, sont prétendus agir comme micronutriments […]. Ceux spécifiques au tissu cérébral sont appelés Medhya Rasayanas. Ces Rasayanas retardent le vieillissement du cerveau et aident à la régénération des tissus neuronaux en plus de produire des antistress, adaptogènes et effets améliorant la mémoire. En plus de la longue tradition de preuves textuelles et fondées sur l’expérience pour leur efficacité, certaines études récentes menées sur ces remèdes traditionnels selon des paramètres scientifiques ont montré des résultats prometteurs qui ont été examinés pour fournir de l’avance à d’autres études »3. Parmi ces Medhya Rasayanas, l’on ne s’étonnera pas d’y trouver le mandookaparni, autrement dit le gotu kola, flanqué de plantes que l’on connaît plus ou moins bien en Europe : l’ashwagandha (Withania somniferis), le brahmi4 (ou hysope d’eau, Bacopa monnieri), le shankapushpi (ou liseron indien, Convolvulus pluricaulis) et le shatavari (Asparagus racemosus).
En Inde, il existe cette légende : un éléphant mangeait du gotu kola, ce qui eut pour conséquence de fortifier sa mémoire et d’accroître considérablement sa longévité. Voyant cela, l’homme fit de même, illustrant un proverbe cinghalais ayant cours au Sri Lanka : « Deux feuilles de gotu kola par jour éloignent la vieillesse ». Ce ne me semble pas être une fable fantaisiste, d’après ce qui va suivre, qui est pourtant encore plus énorme. Si nous contions, dans notre article portant sur l’angélique des jardins, l’histoire d’Annibal Camoux, ce Niçois soi-disant mort à plus de 120 ans, à peu près à la même époque naissait un Chinois nommé Li Ching-Yun, qui estimait la date de sa naissance à 1734 (elle pourrait être plus ancienne : 1677). Eh bien, on prétend que cet herboriste chinois, accessoirement maître de qigong, aurait vécu plus de 250 ans (256 exactement) et qu’il aurait été marié à 24 reprises au cours de sa longue existence. « Je pense, expliquait-il, que la raison pour laquelle j’ai vécu aussi longtemps et que je suis toujours bien en santé, c’est que rien ne m’a irrité depuis que j’ai 40 ans. Pour cette raison, mon cœur est très calme, paisible et divinement tranquille. C’est pourquoi je suis libre de toute maladie, toujours en bonne santé et heureux ». Le gotu kola avait, semble-t-il, sa préférence. Il en consommait quotidiennement l’infusion. D’où ce prodigieux résultat. Cela peut paraître certes merveilleux, mais il n’en reste pas moins que « le gotu kola agit sur les tissus les plus anciens et les plus primitifs du corps, les polymères de la matrice qui lient les cellules entre elles et régulent l’activité cellulaire »5. Peut-on dire que le gotu kola en appelle à notre ancestralité ?
Le gotu kola est une plante qui permet d’avoir du temps à soi, de se retirer du monde, de se plonger dans « l’abandon confiant aux pouvoirs de l’imaginaire et de la rêverie »6, cherchant tout bonnement à se placer face à ce que l’on peut appeler la tyrannie de la vie moderne, urbaine, technologique et bruyante. Comment cela ? Il peut paraître bien étonnant que cette humble petite herbe puisse, comme on l’a sous-entendu plus haut, être capable de préparer un individu à une séance de relaxation, voire de méditation. Pourtant, régulièrement absorbée, une infusion de gotu kola semble avoir sur le cerveau et le système nerveux de bien agréables dispositions, effets qu’ainsi l’on peut décrire : se centrer autour d’un calme intérieur, clarifier sa pensée, élargir sa sensibilité et sa créativité, augmenter sa concentration. Et surtout, le gotu kola est susceptible de réduire la vigilance et les temps de réaction, tout en améliorant l’attention. A elle seule, cette simple phrase peut ne vouloir rien dire si l’on ne sait pas faire la distinction entre vigilance et attention. La vigilance est une hyper surveillance et elle est tout à fait différente de l’attention que l’on présente souvent comme une tension douloureuse vers quelque chose de fixe. C’est un mot qui, hélas, met tous nos sens en alerte et nous stresse plus qu’autre chose, par exemple, au travers du « Fais attention aux voitures ! » de la mère à son enfant, parfois même prononcé alors qu’aucune voiture ne survient. Cette manière de « faire attention » est bien différente de celle qui transparaît dans la phrase suivante : « Elle a été très attentionnée avec moi ». On n’y décèle aucune possible survenue de catastrophe potentielle. Or, l’attention qu’est censée procurer le gotu kola n’adopte aucune de ces deux formes, même si, par la bienveillance, elle se rapproche de la seconde. L’attention dont je veux parler est veille et attente : « le sujet attentif exerce ses facultés librement tout en s’ouvrant à la chose même, où il accepte volontairement de s’oublier lui-même et d’accorder à l’objet la faveur d’un regard exclusif »7. D’après la philosophe Simone Weil (1909-1943), « l’attention consiste à suspendre sa pensée, à la laisser disponible, vide et pénétrable à l’objet […]. La pensée doit être vide, en attente, ne rien chercher, mais être prête à recevoir dans sa vérité nue l’objet qui va y pénétrer ». A cette vacuité de l’esprit s’ajoute un effort libre et volontaire « qui consiste à écarter les solutions qui s’imposent trop rapidement, à repousser les sollicitions extérieures, à se détourner de tout ce qui paraît accessoire à l’objet choisi »8. C’est donc cette propension à l’attention que le gotu kola est capable de promouvoir, tout en abaissant le seuil de cette vigilance (qui est parfois bien pire, puisqu’on parle d’hypervigilance), véritable nuisance au bonheur personnel, car elle prend au piège ceux qui sont trop empressés à répondre à toutes les excitantes requêtes comme si leur vie en dépendait ! Or, plus le monde se peuple de sources de stimulations diverses et variées, plus le niveau de vigilance augmente, jusqu’à devenir pathogène. Les motifs d’inattention, pour trop nombreux qu’ils soient aujourd’hui, ne sont pourtant pas une invention propre au XXIe siècle, puisque Charles Baudelaire déjà s’en plaignait. La conspiration de la vie moderne – à travers la triple alliance maléfique de la technologie intensive, de l’urbanisme et de l’argent – rend impossible l’attention sous la forme que nous en avons donnée plus haut. Surmonter les distractions passagères et les parasitages récurrents qui nous agacent est donc salutaire, car s’y abandonner nous empêche d’accéder à des états de conscience non inclus dans le « pack de la vie ordinaire », fait de stimuli, de SMS et de notifications incessantes, d’images « épileptogènes », de lumières violentes et insidieuses qui se répandent partout, etc. Par exemple, ne devient-on pas généralement plus détendu en dormant chaque nuit dans un noir presque parfait et naturel plutôt qu’au sein des artificielles lumières de la Cité ? Mais, plus qu’à la lumière, le gotu kola permet d’augmenter notre résistance à une autre sorte de manifestation : le bruit. Effectivement, grâce à une consommation régulière de cette plante, l’on observe une réduction de la sensibilité à la réaction de sursaut et un effet de surprise moindre face aux bruits forts qui surgissent de manière aléatoire et impromptue. Il est bien entendu qu’un bruit soudain, bien qu’étant une agression subite et parfois violente, est heureusement un phénomène non chronique. Malgré cela, il occasionne une réponse cérébrale et la sécrétion de différentes hormones impliquées dans le stress en réponse à un danger potentiel, comme, par exemple, le célèbre cortisol. Mais s’il s’agit d’une réaction chronique face aux différentes et continuelles sources de bruits, la sécrétion hormonale devient presque constante et les dérèglements s’instaurent. On comprend dès lors l’implication de la pollution sonore dans la mauvaise santé des citadins, relativement plus exposés aux nuisances de toutes sortes survenant continuellement et en surabondance. De fait, comme le cerveau est incapable de baisser la garde, l’on est sur les nerfs et en phase de « distress » chronique. Tout cela mène à l’épuisement et à la maladie (érosion de l’immunité, troubles du sommeil, maladies cardiovasculaires, etc.), à la perte de plusieurs années d’espérance de vie, enfin à la mort prématurée (selon l’Agence européenne de l’environnement, on estime à 10000 le nombre des victimes annuelles à une exposition chronique au bruit).
La Ville et la folle vie qui y règne ne sont donc pas idéales pour (re)conquérir le silence intérieur – celui-là même que promeut le gotu kola – juste pendant du silence censé nous environner et dans lequel il est bon de trouver refuge, préférablement avant que le besoin ne s’en fasse sentir (car, à ce moment-là, on est déjà saturé). Si le cerveau est rendu abruti par le bruit, le silence lui fait le plus grand bien (imaginez avec du gotu kola en prime !). Le bruit, qui occasionne des troubles du sommeil, fait perdre une partie de son activité au cortex préfrontal, associé aux capacités de planification et de raisonnement. S’en suit un dérèglement émotionnel, une incapacité à prendre les bonnes décisions (y compris celle permettant de sortir de l’impasse dans laquelle on est enferré !), ainsi que la chute de la capacité à éprouver compassion, empathie et amour de soi : le bruit chronique mène donc bien véritablement à l’abrutissement ! Quoi de plus normal, à force d’exposer les cellules nerveuses à de perpétuelles agressions ? Déjà qu’en dehors de ce cadre délétère le cerveau se régénère lentement, alors, en raison du bruit (entre autres), l’on imagine la catastrophe. On connaît l’exemple de l’hippocampe, logé au centre du cerveau : cette toute petite fraction cérébrale est impliquée dans la mémorisation et dans l’apprentissage. Il s’y crée, quand les conditions requises sont réunies, des neurones tout neufs grâce auxquels on échappe assurément à Alzheimer. Parce que cela nous amène à une autre façon de penser, le cerveau utilise ces neurones comme de nouveaux outils pour façonner des dendrites neuronales et des arbuscules axonaux s’épanouissant en une sorte de « jardin cérébral » où une certaine « flore » devient le reflet de l’existence de son hôte. Le scientifique espagnol Santiago Ramón y Cazal (1852-1934) expliquait ainsi que « tout homme peut, s’il le désire, devenir le sculpteur de son propre cerveau », prouesse rendue possible grâce à ce que l’on appelle la plasticité synaptique, « aptitude du système nerveux à ‘pousser’, c’est-à-dire modifier sa structure et son fonctionnement en fonction des stimulations de l’environnement »9. En poursuivant une existence urbaine bruyante et polluée, l’on se coupe de cette possibilité de voir ces chemins neuronaux se former (et nous-mêmes les emprunter !), on se met à distance, dans le même temps, de champs d’applications qui nous demeureront définitivement clos. Aux sur-sollicitations de cette vie « moderne », il faut, autant que l’on peut, leur opposer les vertus que procure l’absence de bruit. Voyez comme le gotu kola se superpose ici au silence ! Tant est que l’on pourrait prendre l’un pour l’autre car, c’est un fait bien avéré, le gotu kola procure au cerveau les mêmes bénéfices qu’une cure de silence. Comme l’on ne peut pas vouloir tirer bienfait d’une plante si l’on ne réunit pas toutes les chances par devers soi, il est donc utile de faire bonne mesure, c’est-à-dire de se respecter autant qu’on respecte la plante : il est indispensable de procéder à une approche rituelle silencieuse, puisque la préparation et l’absorption d’un « thé » de gotu kola ne me semble pas compatible avec une ambiance sonore discordante.
Apiacée comme nous l’avons dit, le gotu kola n’en est pas moins le membre le plus atypique de cette famille botanique : à bien l’observer, on pourra peiner à lui trouver la moindre ressemblance avec un pied de persil, de carotte sauvage ou encore d’angélique des jardins. Ici, pas de grandes feuilles en frondes bien découpées, ni ombelles de fleurs minuscules composant une forme de plateau, piste d’atterrissage pour les insectes et parfois de petits oiseaux. Mais nous avons donné l’étymologie du mot hydrocotyle qui peut se réduire à « écuelle d’eau », un terme qui rend bien compte des feuilles circulaires, légèrement évasées au centre desquelles démarre un pétiole : pourtant, cette vision ne s’applique pas au gotu kola mais à l’hydrocotyle vulgaire présente en France. Il est un fait : à bien considérer cette feuille, il est difficile de penser aux Apiacées. De même lorsqu’on détaille la feuille réniforme du gotu kola qui rappelle davantage celle du lierre terrestre par sa rondeur quelque peu bossuée. Ces feuilles paraissent solitaires ou par groupes de trois à chaque nœud de la tige qui s’en va rampante, rougeâtre, striée et glabre comme les deux faces du limbe des feuilles. Côté sol, sous les feuilles, fait pendant un faisceau de racines qui permet à cette plante stolonifère de s’enraciner de loin en loin et de tapisser de grandes surfaces tout en demeurant de taille modeste (maximum 15 cm de hauteur). D’avril à juin surgissent de petites fleurs, groupées par trois ou quatre, au sommet de pédoncules qui s’érigent au-dessus du moutonnement foliaire du gotu kola. Habituellement blanches, il leur arrive aussi d’être roses ou pourpres.
Le gotu kola recherche les expositions franchement ensoleillées ou ombragées de façon mitigée, de préférence à basse altitude (moins de 600 m, mais il a parfois été observé plus haut, entre 1200 et 1500 m), dans des zones où peut s’ébattre cette plante vivace semi aquatique, c’est-à-dire aussi bien des sols humides que carrément détrempés (fossés, canaux, bordures d’étang, cours d’eau montagneux, etc.).
Bien loin de se cantonner à son unique aire d’origine, le gotu kola s’est étendu à la plupart des territoires où les conditions climatique – tropicales et subtropicales – lui permettent de prospérer, autrement dit : l’Asie (Chine, Sud-Est asiatique, Indonésie, Malaisie, Népal), l’Afrique (Afrique du Sud, Madagascar), les Amériques (Mexique, Colombie, Venezuela, sud-est des États-Unis : en Floride ; ils ont déjà des pythons de Birmanie, alors pourquoi pas la jolie herbette qui serpente avec eux ? ^.^), l’Océanie et le Pacifique (Australie, Tahiti, Hawaï, Fidji, îles Cook, Samoa, Tonga).
Le gotu kola en phytothérapie
Face à l’immensité des savoirs empiriques qui ont irrigué pas moins que la médecine ayurvédique, la médecine traditionnelle chinoise et la médecine traditionnelle coréenne depuis des siècles (avant de se répandre aux zones d’exportation de première intention que sont le Sud-Est asiatique, le Bangladesh, le Népal, les îles indo-malaises ; puis de seconde intention : les îles Fidji, l’île Maurice, Madagascar, le Brésil, etc.), la science a bien dû s’emparer du « phénomène gotu kola ». C’est ce qui explique que de 1967 à l’an 2000 à peu près, de très nombreux rapports scientifiques furent édités pour relater les diverses propriétés thérapeutiques de cette plante dont les savoirs traditionnels se prévalaient depuis des lustres. On en voit la trace sur un site comme PubMed : en tapant « gotu kola » dans la barre de recherche de ce site, ce sont plus de 1000 articles qui surgissent, dont un quart concerne la dernière décennie écoulée. Cette plante stimule tant la recherche à dire vrai qu’il ne se passe pas une année sans que l’on expérimente de nouvelles choses ou que l’on découvre des composants biochimiques que la plante avait tenus secrets jusque-là, etc. Devant une telle avalanche d’informations, il a fallu disséquer et sélectionner l’essentiel et le pertinent, l’exhaustivité ne pouvant sacrifier le confort de lecture. Mais attelons-nous plutôt à l’inventaire des substances biochimiques dignes d’intérêt contenues dans le gotu kola. On trouve, tout d’abord, des éléments très communs dans les parties aériennes du gotu kola (ses racines ne font pas l’objet d’un emploi thérapeutique) : des tanins, des sucres, des vitamines (B, C, G…), des sels minéraux et oligo-éléments (fer, sélénium, calcium, sodium, potassium, magnésium), une huile végétale contenant plusieurs acides gras (palmitique, stéarique, lignocérique, oléique, linolénique, linoléique), une essence aromatique. Voici maintenant toutes ces autres substances précieuses que l’on retire de ces parties fraîches qui possèdent une odeur herbacée (devenant quelque peu vireuse une fois sèches). Commençons premièrement par les triterpènes pentacycliques dont le plus célèbre est sans nul conteste l’asiaticoside que, pendant longtemps, l’on extrayait d’une seule source, la Centella asiatica (on a depuis découvert ce corps dans l’écorce d’une espèce de schefflera). Mais se contenter uniquement de cela, équivaudrait à laisser l’arbre dissimuler la forêt, car ces triterpènes pentacycliques sont très nombreux. Voici les noms de ceux qui ressortent généralement régulièrement dans la littérature : asiaticoside B, madécassoside, acide asiatique et acide madécassique. A ce quartet, l’on peut additionner pas loin d’une dizaine d’autres molécules de même nature : brahmoside, brahminoside, centelloside, schéffoléoside A, thankunisside, acides brahmique, centellique, terminolique, corosolique, ursolique, isothankunique. Arrivés là, si l’on croit que ça en est terminé avec la composition biochimique du gotu kola, eh bien l’on se trompe, puisque l’on a encore recensé une flopée de flavonoïdes (rutine, quercétine, kaempférol, catéchine, lutéoline, castilliférol, castillicétine) et d’acides aminés (glycine, acide aspartique, acide glutamique, α-alanine, phényle-alanine), puis des phytostérols, des ginsénosides, des polyphénols (acides rosmarinique, chlorogénique), un alcaloïde (l’hydrocotyline), quelques acides organiques (acide malique), etc.
Propriétés thérapeutiques
- Cicatrisant (favorise la prolifération cellulaire et la biosynthèse du collagène10 au site des plaies tout en réquisitionnant les antioxydants enzymatiques et non enzymatiques tels que la vitamine E, l’acide ascorbique, le glutathion peroxydase, la catalase, le superoxyde dismutase….), répare et régule le métabolisme des tissus conjonctifs, prévient la formation de chéloïde et de vergeture, hydrate, nourrit, assainit, purifie, raffermit et protège (de la pollution, de l’air sec, etc.) le tissu cutané, retarde le vieillissement cutané, antiprurigineux, anti-psoriasique
- Fluidifiant de la circulation sanguine, actif sur la micro-circulation et la perméabilité capillaires, augmente la circulation sanguine cérébrale (stimulant et oxygénant cérébral, avec, pour action connexe : dépuration du cerveau des toxines et des déchets métaboliques qui l’encombrent), vasodilatateur, cardioprotecteur, stimulant de l’angiogenèse (synthèse de nouveaux vaisseaux sanguins)
- Tonique nerveux, neuroprotecteur, nootrope (avec très peu d’effets secondaires), augmente l’arborisation dendritique de certaines régions cérébrales impliquées dans la mémorisation et l’apprentissage (hippocampe, amygdale), améliore la mémoire de travail et la mémoire à long terme, réduit la vigilance et les temps de réaction tout en améliorant l’attention, favorise la neurogenèse, accélère la réparation des neurones endommagés, augmente l’activité des enzymes anti-oxydantes dans toutes les régions du cerveau, stimulant du système nerveux central, sédatif, antidépresseur, anxiolytique, soutient un bon niveau de GABA dans le cerveau
- Adaptogène doux (évite l’augmentation des taux de cortisol et d’adrénaline et augmente la résistance aux stress physiques, mentaux et chimiques, procure force et endurance), renforce les glandes surrénales, tonique, revitalisant
- Anti-infectieux : antifongique, antiprotozoaire (Entamoeba histolytica), larvicide (auprès de certaines espèces de moustiques), antibactérien (sur germes Gram + comme le staphylocoque doré, le SARM, la lèpre à ses débuts par plausible action dissolutive de l’asiaticoside sur la couverture cireuse de Mycobacterium leprae), antiparasitaire (bilharziose), antiviral (HSV-2)
- Anti-inflammatoire, antirhumatismal
- Diurétique léger
- Rafraîchissant
- Favorise la croissance des ongles et des cheveux
- Cytotoxique (entre autres sur les cellules fibroblastiques)
- Apaiserait la gueule de bois, favoriserait la désintoxication à l’opium
Usages thérapeutiques
- Troubles de la sphère cardiovasculaire et circulatoire : varice et varicosité, phlébite, ulcère de jambe, AVC, crise hémorroïdaire, lymphœdème, cellulite11, insuffisance veineuse, œdème de la cheville, pieds enflés, micro-angiopathie veineuse hypertensive chronique, sclérodermie systémique, ischémie cérébrale
- Troubles de la sphère gastro-intestinale : lésion gastrique (causée par l’alcool), dysenterie, douleur abdominale, prévention de la fibrose hépatique
- Troubles de la sphère respiratoire : asthme, bronchite, tuberculose (dans certains cas)
- Affections cutanées : plaie, plaie de longue curation, blessure, brûlure, réaction aiguë aux rayonnements de la radiothérapie, coup de soleil, peau rougie, irritée, enflammée, acné, eczéma (chronique, rebelle), lichen, prurigo, formation anormale de cicatrice, chéloïde, vergeture, élastose, lésion chirurgicale, cancer de la peau (mélanome)
Note : une peau saine et lumineuse est le brillant reflet d’une santé intérieure épanouie.
- Troubles locomoteurs : arthrite, rhumatisme, douleur articulaire et musculaire, fibromyalgie
- Parodontite chronique
- Trouble de la sphère cérébrale et nerveuse : affections liées à une activité accrue de la phospholipidase A2 (épilepsie, sclérose en plaques, AVC), traumatisme crânien, mauvaise mémoire, déficit cognitif, retard mental, TDAH, trouble de l’humeur chez les personnes âgées, fatigue mentale, trouble anxieux généralisé, stress, anxiété, anxiété sociale, anxiété d’approche, nervosité, irritabilité, timidité, déprime, dépression, insomnie
- Convalescence et rétablissement après une épreuve nerveusement pénible
Modes d’emploi
- Infusion de la plante sèche (forme sous laquelle on la trouve le plus couramment par chez nous) : comptez une cuillerée à café pour la valeur d’une tasse d’eau bouillante en infusion à couvert pendant 10 mn. Pour un usage externe (lotion et compresse), procédez à une infusion concentrée de 5 g de gotu kola dans 10 cl d’eau bouillante à couvert pendant 20 mn.
- Infusion composée à visée neurofortifiante : mêlez à parts égales les plantes suivantes : scutellaire casquée (Scutellaria lateriflora), verveine bleue (Verbena hastata), millepertuis, camomille romaine, romarin et gotu kola. Variante pour soutenir l’activité cérébrale : 1/3 de romarin, 1/3 de ginkgo biloba et 1/3 de gotu kola.
- Poudre : libre, en gélule. Comptez 2 à 4 gélules par jour selon leur contenance à prendre avant les repas. Sinon, 1,5 à 2 g de poudre (environ ¾ d’une cuillerée à café) par jour, mêlée à un peu d’eau tiède ou à un corps gras (en Inde, on l’incorpore au ghee, le beurre clarifié et on l’absorbe ainsi). Variante : comptez 1 g de poudre de gotu kola et 1 g de poudre de feuilles de ginkgo biloba par jour. Il importe de maintenir cette cure pendant plusieurs mois, tout en ménageant des interruptions (voir plus loin).
- Teinture alcoolique : 12 à 30 gouttes deux fois par jour.
- Cataplasme : mélangez deux cuillerées à café de poudre de gotu kola à 25 ml d’eau, puis appliquez localement.
- Pour les plus aventureux d’entre vous, une pratique ayurvédique connue sous le nom de nasya consiste à faire pénétrer par le nez un certain nombre de gouttes d’huile dans laquelle on aura fait macérer le temps nécessaire les plantes choisies. Le gotu kola se prête bien à cette pratique médicale.
Il existe bien d’autres préparations pharmaceutiques et cosmétiques qui font participer le gotu kola comme des pommades et baumes cicatrisants pour les pieds et les mains, des gels et crèmes anti-rides, des extraits glycérinés, des macérâts huileux, des shampooings, des savons, de l’aloe vera enrichi au gotu kola et jusqu’à l’incontournable collagène en poudre additionné de gotu kola.
Note : dans le commerce de détail spécialisé, l’on trouve de l’extrait titré de Centella asiatica (TECA). Comme c’est un produit à demi-vie courte (2 à 4h30), il importe donc de multiplier au mieux les doses par trois afin de couvrir une journée entière. Sont préconisées des cures de six semaines suivies d’une interruption de quinze jours. Ceci dit, l’on a observé que dès 0,5 g par jour l’anxiété diminuait, que l’humeur s’améliorait autour de 0,75 g quotidien et que la mémoire de travail s’optimisait aux environs de 1,25 g par jour.
Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations
- Récolte : celle des parties aériennes est possible toute l’année. Puis elles se consomment immédiatement en l’état, crues comme cuites. On en peut faire des salades, des currys, des jus (comme cela se pratique dans le sud de l’Inde et dans le Sud-Est asiatique), des chutney, etc. En revanche, une fois sèche, il vaut mieux garder cette plante de toute humidité sachant à quel point elle peut être hygrométrique. Si le séchage est envisageable, la conservation du gotu kola sous forme de poudre s’avère fort difficile en dehors d’une atmosphère complètement sèche. En Europe, l’on ne trouve guère le gotu kola que sous la forme de plante sèche en vrac. Et pour le consommateur européen, c’est là que ça se complique : bien que ne faisant pas l’objet d’une préoccupation majeure de la part de l’IUCN, cette plante a été largement cultivée afin de répondre à une demande croissante. Mais cette surexploitation a mené à ce que cette culture ait été plus souvent mal faite que bien, en particulier en Asie, ce qui doit nous interroger quant à la qualité du matériel végétal recueilli. En effet, du gotu kola est cultivé dans des zones souillées aux métaux lourds, tout à fait indésirables lorsque l’on recherche, tout au contraire, un retour à la santé et à l’équilibre (cette plante exige une pureté de l’eau telle que celle qu’on concède au cresson). Or, comme le gotu kola est un aspirateur à saletés… Où croyez-vous, qu’à terme, elles se retrouvent, considérant que nous nous situons au dernier maillon de la chaîne trophique, hum ? ^.^ De plus, l’absence de réglementation, la rareté des contrôles effectués, la volonté farouche de faire du fric sur le dos du vivant, mènent à proposer sur le marché des produits adultérés et/ou frelatés, donc dangereux. La prudence est donc de mise, en particulier sous le climat dans lequel on vit qui ne permet pas la culture de cette plante. Il faut donc s’en remettre à des fournisseurs dont la sûreté est incontestablement avérée.
- Toxicité : aux doses recommandées, il n’en a été observée aucune. En revanche, quelques effets secondaires ont été répertoriés : allergie cutanée (dermatite de contact), sensation de brûlure au lieu de l’application topique, maux de tête, maux d’estomac, nausée, étourdissement, vertige, somnolence. Il est parfois dit que la plante serait photosensibilisante. C’est bien une apiacée, mais contient-elle pour autant des furocoumarines ?
- Incompatibilités médicamenteuses : le gotu kola est déconseillé en cas de prise d’anxiolytiques et de somnifères de synthèse. Il n’est pas non plus compatible avec un sevrage aux benzodiazépines.
- Grossesse : on attire parfois l’attention sur le fait que le gotu kola est malvenu au cours d’une grossesse. Bien que considéré sans danger, on appelle néanmoins à la précaution durant cette période.
- Fertilité : par certains de ses composés (asiaticoside, thankunisside), le gotu kola serait capable de réduire la fertilité masculine en abaissant le niveau de testostérone sérique et en diminuant le nombre de spermatozoïdes.
- Il est préférable de privilégier les prises en début et milieu de journée et d’oublier cette plante en soirée afin qu’elle ne vienne pas entraver le sommeil, etc.
- Il a été remarqué que la vitamine E potentialisait la puissance thérapeutique du gotu kola.
- Autres espèces : l’hydrocotyle à ombelle (Hydrocotyle umbellata), espèce américaine ; l’hydrocotyle vulgaire (Hydrocotyle vulgaris), d’origine européenne et dont on parle encore dans quelques bouquins de phytothérapie du début du siècle dernier pour n’en pas dire grand-chose ; l’hydrocotyle verticillée (Hydrocotyle verticillata), présente sur la partie nord de l’Amérique du Sud ; l’hydrocotyle à tête blanche (Hydrocotyle leucocephala) d’Amérique du Sud et d’Amérique centrale, etc.
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- Le gotu kola est, par exemple, mentionné dans le Sushruta Samhita. Cette herbe tridoshique rajeunit Pitta (feu), calme Vata (air) et réduit les excès de Kapha (terre).
- Source.
- Ibidem.
- Le nom brahmi est un mot sanskrit qui s’applique aussi bien au bacopa qu’au gotu kola ; on estime que les associer forme une bonne synergie.
- Matthew Wood, Traité d’herboristerie énergétique, p. 267.
- Mona Chollet, Sorcières. La puissance invaincue des femmes, p. 29.
- Jean Lacoste, L’idée de beau, p. 115.
- Ibidem, p. 118.
- Michel Le Van Quyen, Cerveau et nature, p. 148.
- Le collagène est une protéine qui constitue 30 à 35 % du total protéinique présent dans l’organisme. Il assure la cohésion, l’élasticité et la régénération de l’ensemble des tissus dans la composition desquels il entre. On distingue plusieurs types de collagènes : bien qu’il en existe plusieurs dizaines, on évoque surtout les collagènes I, II et III. Le premier est le plus abondant, on le trouve dans les tissus osseux, la peau et les tendons. Le collagène II prête renfort aux cartilages, tandis que le collagène III apparaît dans les muscles et les parois des vaisseaux sanguins.
- « La cellulite, un syndrome clinique qui touche principalement les femmes, implique des changements spécifiques dans les tissus dermiques et sous-cutanés conjonctifs, conduisant à des altérations vasculaires et hypertrophiques dans les tissus adipeux et à l’altération conséquente de la structure des tissus » (Source).
© Books of Dante – 2023
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