La crème Budwig

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Catherine Kousmine (1904-1992), médecin d’origine russe, a fait la remarque suivante : l’ensemble des denrées alimentaires ont vu leur prix augmenter pendant la Seconde Guerre Mondiale. Sauf l’huile. C’est en tentant de découvrir pourquoi, qu’un employé d’huilerie, qui est l’un de ses patients, lui offre un début de piste : les techniques d’extractions ont été modifiées. Les industriels ont été autorisés, afin d’accroître les rendements, d’effectuer un pressage à chaud des oléagineux communément utilisés alors.

Au cours de ses recherches, le Dr Kousmine met en évidence la dangerosité de cette nouvelle pratique propre à l’industrie de l’huilerie : l’étanchéité des membranes cellulaires est altérée du fait de la carence en acides gras essentiels dans l’organisme.

Quand une cellule se divise, sa membrane s’accroît mais elle doit contenir suffisamment d’acides gras à sa surface pour y parvenir. Si le processus de remplacement des anciennes cellules par de nouvelles s’arrête, c’est donc le début de la dégénérescence (au niveau de la peau, du foie, du pancréas, et des glandes stomacales et intestinales) et de la formation des tumeurs. Il faut donc augmenter la résistance des membranes des cellules en utilisant des lipides polyinsaturés nécessaires à l’organisme.

 

Elle met en place un régime à base d’huile de lin et de fromage blanc afin de permettre aux cellules cancéreuses de respirer, car, selon Otto Warburg, prix Nobel de médecine en 1931, la principale cause de la croissance des cellules cancéreuses est le manque relatif d’oxygénation. Elle appellera cette crème « budwig », en hommage à Johanna Budwig, pharmacienne allemande, qui a énormément travaillé sur les huiles et les margarines.

 

Quelques effets de la carence en acides gras essentiels sur l’organisme :

 

* Sur le cœur : un manque d’huiles polyinsaturées dans l’organisme entrave l’oxygénation du sang et force le cœur à pomper davantage pour irriguer la même quantité de tissus.

 

* Sur le cerveau : dysfonctionnement du cerveau et du système nerveux.

 

* Sur le foie, le pancréas, les amygdales : ils ne peuvent pas correctement produire leurs sécrétions tant qu’il y a carence de lipides insaturés dans l’organisme.

 

Recette de la crème Budwig :

 

– 8 cuillerées à café de fromage blanc maigre

– 4 cuillerées à café d’huile végétale de première pression à froid riche en acides gras polyinsaturés

 

Émulsionner l’ensemble puis ajouter :

 

– le jus d’un citron

– 2 bananes écrasées ou 4 cuillerées à café de miel

– 4 cuillerées à café de céréales complètes crues fraîchement moulues (riz complet, épeautre, orge, avoine, sauf blé et seigle trop riches en gluten et jamais plus d’une à chaque fois)

– 4 cuillerées à café de graines oléagineuses complètes fraîchement moulues (graines de tournesol, sésame, lin ou une douzaine d’amandes ou de noisettes)

– fruits frais de saison en morceaux.

 

Voici une liste des principales huiles les plus riches en acides gras polyinsaturés :

 

– onagre : 79 %

– carthame : 78 %

– chanvre : 75 %

– noix : 72 %

– tournesol, pépins de raisin : 65 %

– germe de blé : 63 %

– bourrache, soja : 62 %

– maïs : 53 %

– pépins de courge : 52 %

– sésame : 41 %

 

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Le moustique tigre, un opportuniste paresseux

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Il s’agit d’un insecte qui provient d’Asie du sud-est et qui, comme son nom l’indique, est relativement agressif, tant par sa volonté farouche d’envahir la France (et partant, l’Europe), qu’à travers ses douloureuses piqûres.

Le moustique tigre, rayé de blanc et de noir, d’où son nom, était encore inconnu en France métropolitaine il y a seulement 10 ans. Espèce invasive à l’instar de la renouée du Japon, le moustique tigre vrombit sur la Côté d’Azur depuis 2004. Année après année, il monte d’un cran. Il s’est lancé à l’assaut du territoire, à tel point qu’il est devenu persona non grata dans un certain nombre de départements du sud de la France. Tant et si bien que dès les premiers jours du mois de mai et jusqu’à la fin de l’été, une veille sanitaire est mise en place. Pourquoi ? Parce qu’Aedes albopictus est le principal pourvoyeur d’une maladie qui a défrayé la chronique il y a quelques années : la « maladie de l’homme penché », médiatiquement plus connue sous le nom de chikungunya. A l’heure actuelle, des pays comme l’Italie et la Croatie, par exemple, sont durablement touchés par la présence du moustique tigre. Le climat métropolitain va-t-il également lui être favorable ? Bonne question. De l’eau (stagnante, de préférence) et une température comprise entre 25 et 30° C, et le moustique tigre prolifère. On comprendra que les fortes pluies et les chaleurs non moins fortes de ces dernières semaines peuvent représenter des conditions idéales à sa propagation. Un autre facteur de dispersion se trouve être l’homme lui-même. En effet, ce moustique suit l’homme à la trace en voyageant avec lui.

 

Ici, en Seine-et-Marne, le plus grand département d’Île-de-France, à l’est de Paris, nous semblons relativement épargnés. Même si ce département et ceux qui lui sont limitrophes ne sont pas (encore ?) concernés par la pandémie, il n’en reste pas moins que le moustique tigre y est présent. Dans quelle proportion ? Je ne saurais dire. Mais le fait est qu’il est bel et bien là, pour avoir découvert un téméraire spécimen sur mon bras gauche pas plus tard qu’hier.

 

 

COMMENT ENDIGUER SA PROPAGATION ?

 

Avec un tel insecte, mieux vaut jouer la carte de la prudence et de la prévention. Or, il se trouve que le moustique tigre est un insecte anthropique, c’est-à-dire qu’il apprécie plus particulièrement le voisinage de l’être humain, lequel, sans le savoir, laisse à sa disposition des conditions favorables à son bon développement, le climat estivale se chargeant de parachever le tout. Tout objet pouvant contenir de l’eau, le creux d’un vieux pneu abandonné au fond du jardin, une coupelle d’eau sous un pot de fleurs, etc., tout lui est bon. Il faudra donc veiller à la présence de toutes ces menues choses, anodines en apparence, susceptibles de faire le bonheur de notre moustique.

Par ailleurs, évitez autant que faire se pourra les sous-bois humides aux heures les plus chaudes de la journée. Sortez relativement couvert, chose pas toujours très agréable par temps chaud, badigeonnez vous d’huiles essentielles (préalablement diluées) aux propriétés insectifuges telle que la célèbre citronnelle (Cymbopogon nardus), et/ou ses acolytes que sont le géranium odorant (Pelargonium graveolens), le lemongrass (Cymbopogon flexuosus), le palmarosa (Cymbopogon martinii), bien que leur rémanence soit bien inférieure à celle du niaouli (Melaleuca quinquenervia) qui, elle, peut assurer une protection d’environ huit heures.

 

 

QUE FAIRE EN CAS DE PIQÛRES ?

 

Malgré un ensemble de précautions, la piqûre est toujours possible. Même si vous n’avez pas clairement identifié votre agresseur, ne tardez pas d’avoir un « placard » de dix centimètres de diamètre sur la peau, quand bien même l’on est tous différemment sensibles à la piqûre d’un même insecte, sensibilité qui varie aussi en fonction de l’endroit du corps où la piqûre se situe.

Certains symptômes comme de fortes fièvres et des douleurs articulaires peuvent mettre de vingt-quatre à quarante-huit heures avant d’apparaître, et ceci dans le cas où le moustique tigre piqueur serait porteur du virus du chikungunya. Ceci étant dit, même en l’absence de virus, une piqûre de moustique tigre peut occasionner une boursouflure rouge de la peau plus ou moins étendue, une sensation de chaleur cutanée, un œdème (ce qui est normal, le corps réquisitionne de l’eau afin de lutter contre l’inflammation).

 

 

QUELS PRODUITS UTILISER ?

 

  • De la glace placée dans un sachet appliqué et maintenu sur la piqûre.

  • Des compresses d’eau froide additionnée des huiles essentielles suivantes :

    • Menthe poivrée (Mentha x piperita) : antinociceptive, analgésique, antalgique.

    • Lavande aspic (Lavandula spica) : antitoxique, anti-inflammatoire.

    • Niaouli (Melaleuca quinquenervia) : analgésique, anti-inflammatoire.

  • De la crème à base de teinture d’arnica.

  • De l’huile végétale de millepertuis (huile rouge).

  • Des cataplasmes d’argile verte.

 

N. B. : en zone tropicale, le moustique tigre est susceptible de propager plus d’une trentaine de virus dont certains d’entre-eux provoquent des maladies comme la dengue et l’encéphalite de Saint Louis.

 

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Rosa et caetera

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S’il est bien une plante qui possède une ambivalence que d’autres ne lui contestent pas, c’est bien la Rose. Il est vrai qu’elle appartient à tous et à personne dans le même temps, elle semble insaisissable…

C’est pourquoi, afin de faire un peu de clarté sur la Rose, je me suis autorisé à élaborer un petit organigramme qui, je le souhaite, aura sa petite utilité. Bien entendu, je n’y inclue volontairement pas les 45 000 et quelques sortes de roses qui existent de par le monde à ce jour. Seules sont abordées celles qui sont douées de vertus médicinales et pour lesquelles beaucoup d’encre a coulé à ce jour.

Comme indiqué sur cet organigramme, le rosier originel était déjà présent il y a plus de 40 millions d’années. Certes, il devait être fort différent de l’image que l’on se fait instinctivement de la rose. Peut-être avait-il quelque ressemblance avec ce que nous nommons aujourd’hui, Rosa canina, notre bien actuel églantier dont un des cousins, Rosa moschata, présente des caractères fort similaires : rosacées tous les deux, leurs fleurs – simples – ne sont composées que de cinq pétales rose pâle.

Tout ces ancêtres n’ont que peu à voir avec les rosiers dits modernes. Si leurs qualités ornementales sont moindres, ils conservent pour eux des propriétés médicinales indéniables que la rose moderne ne viendrait pas leur chipoter.

Cet organigramme – petit arbre généalogique – montre donc les différents liens qui unissent une petite dizaine de plantes : la rose de Provins et la rose de Damas qui, issues de la même mère mais de père différent, sont donc demi-soeurs, mais également d’autres roses plus « périphériques » mais néanmoins importantes : par exemple, la Rosa x alba – la rose blanche d’York – dont Michel Joyaux nous dit qu’« on a aussi cultivé, en Bulgarie, la rose blanche, plus rustique que la rose de Damas : on l’utilisait souvent pour constituer des haies de protection autour des champs de roses de Damas ». Nous retrouvons aussi la Rosa x centifolia qui est, à l’heure actuelle, avec la rose de Damas, la seule rose dont on distille les pétales en vue d’en extraire une essence destinée principalement à l’industrie de la parfumerie.

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Huile végétale de rose musquée du Chili (Rosa mosqueta)

Très proche botaniquement de l’églantier (Rosa canina), le rosier musqué est endémique du territoire américain et pousse plus particulièrement dans les Andes chiliennes.

Tout comme son cousin européen, le rosier musqué du Chili produit des fruits – les cynorhodons – extrêmement riches en vitamine C. Mais, en ce qui nous concerne, ce qui nous intéresse se cache à l’intérieur de ces mêmes fruits, à savoir : les akènes (graines) dont on exprime à froid l’huile qu’ils contiennent. L’huile végétale ainsi obtenue est particulièrement riche en acides gras polyinsaturés (80 %) lesquels sont nécessaire à la bonne régénération cellulaire et permettent également aux parois cellulaires de demeurer souples.

Rose musquée

Composition :

* Acide linolique (44 %), acide alpha-linolénique (36 %), acide oléique (16 %), acide palmitique (3 %), acide stéarique (1 %), vitamines A, D, E, K

Huile végétale fluide extraite des akènes (graines) qui se trouvent dans les cynorhodons. De couleur orange et à la franche odeur de graines fraîches.

Propriétés thérapeutiques :

* Nourrissante cutanée, régénératrice cellulaire, cicatrisante, tenseur cutané, protectrice solaire, radioprotectrice, anti-oxydante

Usages thérapeutiques :

* Brûlures, en prévention d’un traitement de radiothérapie (en compagnie des huiles essentielles de lavande fine, de niaouli et/ou d’arbre à thé), cicatrices, chéloïdes, crevasses, escarres, acné, psoriasis, eczéma, vieillissement cutané, rides, taches de vieillesse, peaux déshydratées, sèches, fragiles, ternes, couperose, vergetures, coups de soleil

Modes d’emploi :

* Cette huile végétale est particulièrement adaptée à des emplois qui touchent la couche cornée et l’épiderme.

* Elle peut être associée à une ou plusieurs autres huiles végétales ainsi qu’à une ou plusieurs huiles essentielles en fonction du résultat escompté bien entendu.

Huiles végétales

Huiles essentielles

Cicatrices

Rose musquée, calendula, macadamia

Bois de rose, carotte, néroli, ciste, rose de Damas, patchouli, encens, santal blanc, sauge sclarée, etc.

Brûlures

Rose musquée, amande douce, argan

Camomille romaine, encens, niaouli, géranium, lavande aspic, lavande fine, ylang-ylang, etc.

Protection solaire

Rose musquée, calophylle inophyle, olive, avocat,

Lavande fine, niaouli, ylang-ylang, etc.

Précautions d’emploi :

* L’oxygène, la chaleur et la lumière sont les ennemis de l’huile végétale de rose musquée. Il faudra donc veiller à la conserver au réfrigérateur afin qu’elle ne s’oxyde et ne s’altère pas.

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L’argan, l’or liquide du Maroc…

 Typique du sud-ouest marocain, l’arganier est un arbre trapu de 6 à 10 m de hauteur qui pousse sur le sol d’une zone semi-aride classée réserve mondiale de la biosphère par l’UNESCO. Cela s’explique par le fait qu’il ne pousse nulle part ailleurs que dans cet écosystème, bien que des tentatives de cultures aient été réalisées sans grand succès en d’autres lieux.

frutto-argania-spinosa

Ses fruits ressemblent à de grosses olives charnues : à l’intérieur, on trouve une à trois amandes comestibles qui renferment la fameuse huile que l’on obtient par expression mécanique, après avoir traditionnellement ramassé les fruits sur l’arbre, les avoir séchés au soleil et, enfin, décortiqués manuellement.

Bien que les rendements soient faibles (2 à 3 litres d’huile pour 100 kg de fruits), la fructification intervient assez rapidement dans la vie de l’arbre, aux environs de la cinquième année. De plus, il se régénère de lui-même très facilement, par rejet ou par germination, ce qui entretient naturellement le parc d’arganiers bien que son écosystème soit l’objet de menaces (déforestation, surpopulation, etc.).

Huile végétale (extraite des amandes par pression mécanique à froid) :

* Acide oléique (45 à 48 %), oméga 6 (30 à 35 %), acide palmitique (12 à 13 %), acide stéarique (5 à 6 %), vitamine E (40 mg au 100 g)

Propriétés thérapeutiques :

* Anti-inflammatoire, hypocholestérolémiante (apte à réduire les traces de lipides dans le sang), anti-oxydante, raffermissante cutanée, assouplissante cutanée, nourrissante cutanée, cicatrisante, protectrice cutanée, préventive d’un certain nombre d’affections (diabète, arthrite, rhumatisme, hypertension, troubles cardio-vasculaires, etc.).

Usages thérapeutiques :

* Troubles cutanés (peaux matures, sèches – y compris en cas de desquamations importantes (1) -, dévitalisées, sensibles ; vieillissement cutané, brûlures, gerçures, vergetures, acné, varicelle, coups de soleil). Hormis cela, elle rentre en ligne de compte dans de nombreuses autres affections cutanées en compagnie d’huiles essentielles (rose de Damas, néroli, ciste ladanifère, bois de rose, géranium odorant, nard de l’Himalaya, patchouli, lavande fine etc.) : psoriasis, eczéma, impétigo, plaies atones, ulcères variqueux, escarres, érythèmes, etc.

* Soins capillaires : nourrit les cheveux, freine leur chute, redonne de l’éclat, les fortifie lorsqu’ils sont secs, cassants, abîmés ou sujets aux pellicules.

* Ongles cassants.

* Études en cours : l’huile végétale d’argan pourrait être préventive d’un certain nombre de cancers (en particulier cutanés), de maladies dégénératives et cardio-vasculaires.

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1. L’huile végétale d’argan agit par hydratation de la peau, ce qui limite les pertes d’eaux responsables du dessèchement cutané.

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La rose de Provins, Rosa gallica officinalis

La rose de Provins, entre mythes et réalité…

 Rosier de petite taille dont les feuilles, composées de cinq folioles dentelées, vert franc, contrastent nettement avec la couleur de ses fleurs veloutées rose vif. Ses tiges, vertes également, sont munies de petits aiguillons très acérés.

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Avicenne (980-1037), médecin arabe du Moyen-Âge, recommande déjà le confit de pétales de rose afin de lutter contre des affections pulmonaires telles que celle que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de tuberculose. Mais, bien avant cela, puisque Pline l’Ancien l’évoque déjà, la rose est très prisée durant l’Antiquité. Elle entre alors dans la confection de boissons, de confitures, etc. qui semblent avoir tant des vertus culinaires que médicinales. La rose étant un végétal polyvalent (horticulture, parfumerie, vie sociale, etc.), il n’est pas étonnant qu’on en ait fait un aliment qui est également un médicament. Car ce qui a bon goût peut également soigner. Les gelées, sirops et autres liqueurs, avant même de tomber dans le domaine culinaire, ont avant tout été employés comme thérapeutiques, à l’image de ce que l’on nomme aujourd’hui les apéritifs et les digestifs. Les vertus médicinales de ces boissons s’oublient à travers l’emploi qu’on peut en faire actuellement, qui a donc davantage à voir avec le plaisir qu’avec une nécessité de guérir une affection (cf. la bénédictine, la grande chartreuse, le génépi et tant d’autres).

Bref. Revenons-en à la rose. Attar (1), zuccar (2) (ou djelendjoubin), miel, pommade et vinaigre rosâts sont autant de termes qui expriment bien la place de la rose dans la pharmacopée et dont certains d’entre-eux, « exotiques », indiquent l’implication des Arabes dans l’obtention de produits issus de la rose.

Au XIX ème siècle, le même confit de pétales de rose qu’Avicenne préconisait neuf siècles plus tôt, est toujours recommandé par Rocques, de même que par Henri Leclerc un siècle plus tard, même s’il est vrai qu’au cœur du XIX ème siècle, la rose de Provins, et, plus largement, la thérapeutique à base de rose, est très loin de faire florès comme cela était encore le cas aux XVII ème et XVIII ème siècles. Dès la fin du XVIII ème siècle, la rose de Provins est déjà persona non grata. Pourtant, comme nous l’avons évoqué plus haut, elle possède des qualités médicinales indéniables. Tonique, astringente et détersive, elle s’emploie aussi bien lors d’hémorragies et de diarrhées qu’en gargarisme contre l’angine et en soin de la peau pour venir à bout des plaies suppurantes, par exemple.

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Au XIII ème siècle, « un personnage flamboyant […] a joué un grand rôle. Il s’appelait Thibaud IV le Chansonnier, Comte de Champagne. Il rapporte de sa croisade personnelle (1239-1240) la gallica officinalis, rapidement surnommée rose de Provins. Elle devient alors produit de commercialisation » (Marcel Mazoyer, p. 157). La culture de la rose à Provins représente une manne au Moyen-Âge. C’est à cette époque qu’elle sera baptisée gallique (= gauloise de France), terme « qui entretient une confusion avec la Rosa gallica, son églantine de mère » (Marcel Mazoyer, p. 158).

Si l’on accorde à Thibaud IV (1201-1253) d’avoir ramené la Rosa gallica officinalis à Provins, certaines sources contestent cette paternité. On évoque Robert de Brie, ainsi que le bon Roi René… Polémique qui date déjà de deux siècles. Ce qui n’exclue pas que des rosiers étaient déjà présents dans les jardins monacaux du Moyen-Âge (3). Certains estiment que les roses qui y étaient cultivées à des fins médicinales seraient celles que l’on appelle aujourd’hui les roses de Provins, ce qui accréditerait la thèse de son introduction par Thibaut IV au XIII ème siècle. Ceci étant dit, il est bon de noter que la guerre des roses n’a pas eu lieu qu’en Grande-Bretagne. Si aucun épisode de l’histoire française n’est désigné comme tel, il n’en reste pas moins que s’arroger la propriété d’une rose comme la rose de Provins n’a pas que vertu identitaire, il en va également de considérations économiques non négligeables…

Si l’on sait que les principales artères provinoises étaient bordées d’échoppes vendant une multitude de produits issus de la culture de la rose aux XVII-XVIII ème siècles, on sait moins si de tels usages avaient lieu quatre siècles auparavant.

Si du XVII ème au XVIII ème siècle, on trouve des traces d’éloges, ils deviennent de plus en plus rares au XIX ème siècle. Petit florilège :

Pierre Pomet, un botaniste du XVII ème siècle indique que les roses de Provins « surpassent en beauté et en bonté toutes celles qui viennent des autres endroits […]. Elles se conservent beaucoup plus longtemps que les autres, tant dans leur couleur, que dans leur odeur […]. Les véritables roses de Provins sont si estimées aux Indes qu’il y a des temps où elles s’y vendent au poids de l’or, et qu’il en faut à quelque prix que ce soit ». Apologie dithyrambique, s’il en est.

Louis Liger, dans sa Maison rustique (1762) évoquera aussi la rose de Provins, « dont on se sert en conserve dans les cours du ventre. On employe aussi ces mêmes fleurs dans le vin aromatique et les ulcères ».

Au XIX ème siècle, bien que la rose de Provins soit tombée dans une relative désuétude (pour ne pas dire disgrâce), certains irréductibles médecins la tiennent toujours en haute estime. « On avait l’impression, dix-neuf siècles après Pline, qu’elles étaient toujours aussi prisées » (4).

Comment expliquer le déclin de la rose de Provins ?

A la fin du XVIII ème siècle, Jacques-Louis Descemet (1761-1839), pépiniériste et rosiériste de son état, cultivait quatre roses différentes au jardin des apothicaires de Paris, dont la rose de Provins. Celle dont Linné établira le nom latin en 1759 n’était pas encore totalement discréditée en cette toute fin de XVIII ème siècle, même si certains provinois, comme Opoix en 1775, s’alarmaient du déclin de la rose de Provins.

  1. La concurrence

Dès la fin du XVIII ème siècle, d’autres villes françaises telles que Fontenay-aux-Roses et Puteaux et des pays, comme c’est le cas de l’Inde, mettent à disposition du marché français des rosiers ornementaux. Les modes changent, comme nous le verrons plus loin. Fontenay-aux-Roses fut, dès le XVII ème siècle, fournisseur officiel de la cour du roi de France en matière de roses. C’est dire si la concurrence était déjà historiquement et politiquement établie.

  1. Les progrès médicaux

On alloue à la rose de Provins de moins en moins d’usages médicinaux, lesquels étaient jusque là relayés par des apothicaires qui, peu à peu, laissent la place à la corporation des pharmaciens et aux progrès balbutiants de la chimie de synthèse.

Les tiraillements entre médecine officielle et apothicaires/herboristes ne datent pas d’hier, cela ira en s’accélérant lors des premières décennies du XIXème siècle. Devant l’explosion des découvertes scientifiques en matière de médecine, le rosier de Provins sera progressivement dédaigné.

  1. L’apparition d’un phénomène nouveau

Dès le début du XIX ème siècle, on cultive la rose non plus pour ses qualités médicinales mais pour ses vertus ornementales. C’est ce que fit, par exemple, l’impératrice Joséphine à château de Malmaison. A la veille d’un siècle qui verra le phénomène de l’hybridation se répandre comme une traînée de poudre, on ne peut dire que le rosier de Provins surfe sur la vague des rosiéristes, bien au contraire : « l’heure était aux hybrides de thé des rosomanes et aux nomenclatures des rhodologues, non aux roses rouges des potions magiques de jadis » (5).

Tout cela a pour conséquence l’arrachage des derniers champs de rosiers de Provins à la fin du XVIII ème siècle. La culture de la rose à Provins est quasi inexistante au début du XIX ème siècle, sans compter que le rosier de Provins, rustique et non remontant (il ne fleurit qu’une fois l’an, en mai/juin) est alors beaucoup moins attrayant que bien des hybrides, issus de la frénésie des rosiéristes, qui inonderont le marché à la même époque, même si nombre de ces hybrides à visée ornementale ont depuis lors disparu…

Depuis, après un XIX ème siècle qui ne lui aura laissé que peu de place, puis la Première Guerre Mondiale qui a sonné le glas de l’hégémonie française en matière de roses (même s’il est vrai que la rose française se porte bien, même encore en ce début de XXI ème siècle), on peut se demander comment le rosier de Provins a bien pu arriver jusqu’à nous après quasiment deux siècles de dénigrement, voire d’indifférence (6).

Ainsi donc, quelles traces le rosier de Provins a-t-il laissées dans cette ville ? Où sont passés les champs de rosiers, ainsi que les échoppes qui bordaient la rue centrale de Provins ? De tout cela, il n’y a presque plus rien sinon l’actuelle Roseraie de Provins qui s’étend sur trois hectares et qui, contrairement à ce qu’indique son nom, n’expose pas que des rosiers mais également un jardin de simples médiévaux. Une roseraie qui semble davantage être un hommage posthume à la rose de Provins que l’expression concrète d’une empreinte laissée là par le rosier de Provins (7). Laissée à l’abandon entre 1994 et 2006, la Roseraie de Provins accueille le public, à nouveau, depuis 2008… (8).

Pour la première fois cette année, la ville a fêté sa rose. En effet, la fête de la rose rend honneur à la fleur qui a fait toute la renommée de cette petite cité médiévale, une rose qui est devenue l’un des symboles de la ville, patrimoine historique de Provins.

Outre la Roseraie, il existe l’Alambic rose de Provins mais il se situe dans les Yvelines, à Versailles, et distille de la Damas ! Quelques commerces (cf. annuaire), principalement situés en ville haute – particulièrement touristique ! – tentent, malgré tout, de se faire le relais de la rose de Provins en proposant divers produits élaborés à base de Rosa gallica officinalis.

Dans la réédition du guide illustré Provins et ses environs (dont l’édition originale date de 1911), on ne trouve qu’une seule mention relative à la rose de Provins, page 31 : « Les roses de Provins ont une juste place dans l’histoire. Écarlate et simple, douée de parfum durable et de vertu médicale, cette fleur fut, dit-on, apportée des croisades par Thibaut IV […]. Toujours vivace bien que peu apparente, elle a valu à Provins le poétique synonyme de Ville ou Cité des roses ». Bien maigre témoignage… La rose de Provins ne serait-elle qu’une mystification ? N’est-elle qu’un « faire-valoir » permettant à la ville d’asseoir une relative hégémonie touristique, une arlésienne botanique dont tout le monde parle mais que personne ne voit jamais ? Est-il tout à fait normal que certains massifs de rosiers de Provins aient été mis en place au Jardin Garnier alors que ces rosiers sont toujours dans leur bac en plastique ? N’est-ce qu’une mise en scène qui, une fois la fête de la rose terminée, verra ces mêmes rosiers être relégués dans des serres inaccessibles au public ? Bien des questions demeurent, raison pour laquelle il va être nécessaire et incontournable d’aller enquêter sur place. Alors, nous en saurons sans doute davantage sur les traces que la rose a laissé à Provins.

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1. Attar : mot arabe qui signifie « huile essentielle ».

2. Zuccar : autre mot arabe qui désigne le confit de pétales de roses.

3. A cette époque, elle n’est plus diabolisée comme cela a été le cas lors des premiers siècles de notre ère, ayant été christianisée via le culte de Marie, il est donc tout à fait normal de la trouver dans les jardins de simples.

4. Michel Joyaux, La rose, une passion française, p. 127.

5. Ibid. p. 127.

6. Michel Joyaux (La rose, une passion française, p. 221.) indique que « dans certaines expositions de province, les roses commençaient à tenir la vedette. Par exemple, à celle de Provins, en 1894, les Cochet, de Grisy-Suisnes, avaient fait sensation en présentant une collection de roses de… Provins, auxquelles, d’ailleurs, la ville ne s’était jamais vraiment intéressée. » Étonnante ironie de l’histoire.

7. Près de 400 variétés sont présentes à la Roseraie, parmi elles, des hybrides de thé et des rosiers dit modernes, ceux-là même qui ont relégué la rose de Provins aux oubliettes, il y a deux siècles…

8. La roseraie de Provins a été créée au milieu du XX ème siècle par un certain Jean Vizier dont l’histoire provinoise a, semble-t-il, oublié le nom…

Annuaire :

La Roseraie de Provins, 11 rue des prés, 77 160 Provins.

L’Alambic rose de Provins, 2 rue de la concorde, 78 000 Versailles.

A la croisée des chemins, 8 rue couverte, 77 160 Provins.

Elixior, 7 rue couverte, 77 160 Provins.

La savonnerie de la rose, place du Chatel, 77 160 Provins.

La ronde des abeilles, 3 rue des beaux-arts, 77 160 Provins.

Breth’s, 9 place Saint-Ayoul, 77 160 Provins.

Pâtisserie Gaufillier, 2 rue Victor Garnier, 77 160 Provins.

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