L’ashwagandha (Withania somnifera)

Autrefois rasayana selon l’Ayurvéda, aujourd’hui nootrope d’après la science moderne, l’ashwagandha ne cesse de faire parler de lui ces dernières années. Accompagné de la rhodiole, du ginseng et du schisandra, l’ashwagandha fait partie de cette petite tribu de plantes dites adaptogènes, profitables tant aux malades qu’aux personnes en bonne santé, chez lesquelles elles augmentent un certain nombre de capacités physiques et cérébrales, sans grever l’organisme d’aucune sorte.

Beau week-end à toutes et à tous :)

Gilles

Synonymes : ajagandha, withania, ginseng indien, ginseng ayurvédique, cerise d’hiver, cerisier en grappes, baie du sommeil, coqueret somnifère,

Étant donné son aire de répartition géographique, qui s’étend de l’Afrique à la zone frontière entre la Chine et l’Inde, l’ashwagandha a pu, depuis des millénaires, profondément infuser dans la plupart des systèmes médicaux présents dans cette vaste étendue et que l’on ne peut bien évidemment pas réduire au seul Ayurvéda (bien que le terme même d’ashwagandha signe une appartenance manifeste à ce système médical), puisque la médecine yunâni (qui lui donne le nom d’asgand et le reconnaît comme tonique, aphrodisiaque et emménagogue) et la tradition médicale siddha surent, toutes les deux, profiter des propriétés thérapeutiques de l’ashwagandha et abandonner derrière elles des traces de ces emplois parfois fort anciens, à l’image de l’Ayurvéda qui a inscrit depuis au moins 3000 ans des informations relatives à l’utilisation de l’ashwagandha dans la littérature médicale ayurvédique dont la Charaka Samhita et la Sushruta Samhita (deux traités contemporains de Dioscoride qui traita, lui aussi, de l’ashwagandha dans sa Materia medica) et dont le dernier comprend le nom d’un très célèbre chirurgien de l’antiquité indienne, Acharya Sushruta, qui aurait vécu au VIe siècle avant J.-C. Il explique que, selon lui, l’ashwagandha est à ranger au nombre des rasayana, c’est-à-dire des substances dites « rajeunissantes », parce qu’elles endiguent le phénomène de vieillissement du corps et de l’esprit, qu’elles augmentent l’énergie mentale et physique disponible, donc, globalement, la longévité (le mot adaptogène n’est, bien sûr, par prononcé, mais on en pressent quelque peu l’idée)1. Furent même distinguées les Medhya rasayana relatives à l’esprit, aux capacités mentales et intellectuelles2 et les Vajikarana rasayana à réputation aphrodisiaque. Il est bien possible aussi que l’ashwagandha ait tiré bénéfice de cette racine miraculeuse dont parle l’Atharva-Véda, la jangida, douée de qualités superposables à celles de l’ashwagandha, en particulier son statut aphrodisiaque (on n’en dirait pas tant des rôles de panacée et d’amulette magique tenus par la jangida). Dans la foultitude de compositions intégrant la racine d’ashwagandha mises au point par les médecines du sous-continent indien, on en dénombre un certain nombre fabriqués par les vaidyas (médecins pratiquant l’ayurvéda) et qui sont de véritables potions d’amour dont on peut acheter les succédanés auprès des guérisseurs mobiles qui vendent des plantes médicinales dans les rues indiennes depuis des générations. Par aphrodisiaque, on a entendu que l’ashwagandha est censé conférer au sexe de l’homme la force du cheval. Ce qui est intéressant dans le sens où dans le nom même d’ashwagandha se dissimule un animal aux allures équines. Effectivement, ce nom se décompose comme suit : açva, « cheval » et gandha, « parfum, odeur ». De là, on en a déduit, un peu bêtement, il faut bien l’avouer, que la racine fraîche de l’ashwagandha possédait la même odeur qu’un cheval (de surcroît mouillé, selon certaines interprétations fantaisistes que, heureusement, l’on ne croise pas très fréquemment). Le mot gandha à lui seul est très éclairant : on le retrouve dans celui qui désigne les gandharvas, esprits masculins pendants des apsaras (ou « nymphes »). Or, certains de ces gandharvas, s’ils sont parfois figurés sous l’allure chimérique d’un oiseau et d’un homme, adoptent aussi la conformation hybride mieux connue par chez nous de l’homme et du cheval sous la forme du centaure. Curieusement, on observe une frappante similitude entre le centaure grec et le gandharva indien, en ce que ce dernier, gardien des herbes magiques indiennes (dans chaque herbe se dissimule un gandharva ou une apsara), passe pour un fin connaisseur des herbes médicinales, à la manière de son homologue grec qui ne consent pas facilement à révéler ses secrets aux hommes (à l’exclusion de Chiron). Ces êtres mythiques mi-homme mi-bête, habitant au sein même des odeurs émises par les plantes médicinales (« Les chevaux qui se meuvent au milieu des parfums », selon Angelo de Gubernatis), pourraient représenter, dans le cas de l’ashwagandha, la force « animale » de la plante déployée par son gandharva protecteur. Ainsi, lorsqu’on se remémore la réputation sulfureuse du centaure, un être que l’on dit libidineux au point de sauter sur tout ce qui bouge, on saisit mieux l’association qui lie cet être mythologique à l’ashwagandha aphrodisiaque. Selon l’Ayurvéda, bien que cette plante médicinale puisse se charger des défaillances sexuelles menant, par exemple, à l’infertilité et à l’impuissance, l’ashwagandha ne se résume pas qu’à une simple fonction de nature sexuelle. Si l’ashwagandha est tonique et fortifiant, c’est avant tout pour entraver la faiblesse générale et l’asthénie nerveuse, amender la sensation de brouillard mental que l’on peut éprouver en certaines occasions, ainsi que l’insomnie, ce qui concorde bien avec son statut de Medhya rasayana. En effet, l’Ayurvéda le fait intervenir pour un grand nombre de troubles respiratoires (bronchite chronique, asthme, phtisie, etc.), comme remède topique et oculaire, en cas de douleur et d’inflammation… Si, aujourd’hui, l’on devait traduire toutes ces anciennes données en termes modernes et y ajouter les découvertes récentes au sujet de l’ashwagandha, le libellé évoluerait nécessairement. L’on pourrait commencer par dire que l’ashwagandha est un support des systèmes nerveux, cérébral, immunitaire, reproducteur, cardiopulmonaire et endocrinien3. Comme elle agit de manière aspécifique, elle est à même de balayer selon un spectre très large. Et c’est dans ce sens que l’ashwagandha est tout à fait légitime pour porter l’étiquette d’adaptogène, faisant prioritairement en sorte que l’homéostasie soit respectée et le stress diminué. Ce dernier intervient en raison des déséquilibres induits par le milieu et qui sont d’origines très diverses (tension mentale et physique imposée à l’individu, toxiques environnementaux, etc.). L’exposition à un stress prolongé (distress chronique surtout) est un véritable poison pour le corps et l’esprit, induisant des phénomènes neurodégénératifs au niveau des cellules neuronales tels que caryorrhexie, condensation et fragmentation de la chromatine, espacement intracellulaire, bleb membranaire. Ajoutons à cela que l’accumulation de dérivés actifs de l’oxygène peut conduire à l’apoptose des cellules, et l’on trouvera là de bonnes raisons de se prémunir du stress. Comment inhiber son action ? Il existe plusieurs moyens parmi lesquels le respect d’un régime alimentaire ne comprenant ni alcool ni café (qui sont à proscrire, malgré les apparences sournoises), la suppression du tabac, la pratique d’une activité physique et/ou sportive régulière, le respect d’une durée de sommeil adéquate, la relaxation et la méditation, des pratiques sociales saines, etc. Il s’agit de privilégier l’une de ces propositions ou la totalité et de s’y garder, sans, bien sûr, oublier le rôle que peuvent tenir les adaptogènes dans l’équation. Pourquoi ne pas faire appel à ce miracle mystérieux qu’est l’ashwagandha ? Non seulement il permet au corps et à l’esprit de s’adapter sans trop de dommage à telle ou telle situation4, mais en plus de cela il autorise tel ou tel individu à activer l’une ou l’autre de ses propriétés : l’anxieux y trouvera l’apaisement, l’asthénique chronique un ressourcement durable. Les plantes adaptogènes « possèdent cette intelligence profonde qui fournit au corps ce dont il a besoin »5, comme si, en pénétrant dans l’organisme d’une personne, elles « sentaient » intuitivement, dès l’abord, de quoi il retourne (même si l’on peut affirmer cela de toutes les plantes médicinales…). Mais il faut savoir se départir des éléments qui relèvent du marketing et considérer une plante comme ce qu’elle est, tout simplement, sans en faire des tonnes à son propos. Car à force de la barder des meilleures intentions du monde (ce qui confine à la panacée qui n’existe pas et donc au mirage thérapeutique), on peut être amené à en faire un usage déplorable, aussi bien pour soi-même que pour la plante. Or, on le sait bien, l’ashwagandha n’échappe pas à cette évidence et ne peut pas être utilisé ad vitam æternam (d’autant plus que, selon la perspective d’une « gestion » écologique de la ressource, ça n’est pas tenable). L’ingestion d’un adaptogène (ou autre) ne peut pas se satisfaire d’elle-même et doit nécessairement s’accompagner de multiples modifications de son état d’être et de faire, parfois conséquence mais surtout complément de l’administration de l’adaptogène proprement dite. Il en va des adaptogènes comme des huiles essentielles : s’il est incontournable d’être secondé par le coup de pouce d’une poudre de plante et/ou d’une huile essentielle bien choisie(s), il ne faut cependant pas tout attendre des plantes dont l’objectif n’est pas de se substituer à la volonté et à l’intention, mais simplement de les réveiller et de les accompagner sur le difficile chemin du retour à soi-même.

L’ashwagandha est un élégant petit sous-arbrisseau de la famille des Solanacées, atteignant une hauteur d’environ 75 cm à plein développement (et jusqu’à 2,5 m de façon exceptionnelle). Au ras du sol, on lui voit un pivot central à partir duquel s’érigent des rameaux flexueux et s’enfonce une racine longiligne formée de fragments tubérisés, à la surface ridulée, de couleur beige à fauve. Qui souhaite les extraire du sol devra prendre en compte qu’elles y pénètrent profondément (jusqu’à 40 cm). Les sols secs et rocailleux, parfois arides à semi-désertiques, sur lesquels s’épanouit l’ashwagandha peuvent laisser redouter le pire pour la plante : mais celle-ci n’est jamais plus prospère qu’elle évolue sur un sol sec dénué d’eau (elle rappelle beaucoup la griffe du diable sur ce point). Cet environnement hostile ne l’empêche pas de déployer de grosses feuilles ascendantes (caractéristique variable selon le climat, ce me semble…), couvrant des rameaux droits ascendants et pubescents. Ces feuilles dessinent un ovale à grosses nervures, dont la clarté tranche avec le vert franc des limbes (tel qu’on lui voit sous climat tempéré ; en effet, celles de l’ashwagandha des zones plus arides paraissent un peu pelucheuses, au point que la verdure des limbes n’est plus aussi marquée). A l’aisselle de ces ellipses de texture assez épaisse naissent des fleurs en cloche à cinq pétales velus et jaune verdâtre, tout à fait typiques des Solanacées (très comparables à celles de la belladone, surtout). Ces fleurs étonnantes forment à terme de petites baies rondes d’un centimètre de diamètre dont la caractéristique consiste à s’enfermer, à l’image des « amour-en-cage », au centre d’une enveloppe végétale formée des cinq carpelles soudés entre eux et dont la structure évanescente laisse deviner, avec l’âge, la couleur rouge orangé vif de ces baies.

D’est en ouest, l’ashwagandha se répartit aux continents asiatique et africain. Bien que présent à l’ouest de la Chine, cette plante ne prospère pas dans les zones les plus orientales de ce vaste pays. En revanche, elle est très présente dans le sous-continent indien (Sri-Lanka, Inde, Népal, Pakistan), s’étend au Proche-Orient (Israël, Irak, Arabie-Saoudite) et se rencontre non loin de là, en Afrique (Égypte, Mozambique, Afrique du Sud, et même jusqu’aux atlantiques îles Canaries). En Europe du Sud, il arrive de croiser l’ashwagandha en quelques rares zones méditerranéennes particulièrement bien exposées. Partout ailleurs en Europe, l’on a essentiellement affaire à de l’ashwagandha cultivé par les jardins botaniques et les laboratoires de recherche pharmaceutique (Pologne, Allemagne, Suisse, Grande-Bretagne).

L’ashwagandha en phytothérapie

Le joli feuillage de l’ashwagandha n’a pas incité le physico-chimiste à l’exploration de ses tissus, non plus que les baies, petites billes rouge vif, dont on entrevoit que rarement les bienfaits dans la littérature. Bien qu’elles recèlent l’une et l’autre des substances fort intéressantes6, c’est majoritairement la partie souterraine de l’ashwagandha qui a fait l’objet des études de recherche scientifique les plus poussées. C’est d’ailleurs dans ce sens-là que nos propos vont maintenant se diriger, en abordant tout d’abord ces lactones stéroïdiennes que sont les withanolides qui présentent beaucoup d’analogie avec les ginsénosides du ginseng, d’où le surnom de ginseng indien que l’on octroie communément à la plante dans plusieurs langues. Parmi eux, se trouvent les withanolides A-R (on reconnaît au withanolide D une action thérapeutique majeure), les sito-indosides VII-X, la withaférine A (impossible de ne pas la nommer quand l’on aborde l’ashwagandha), la viscolactone, les withasomniférols, enfin des substances propres uniquement à la racine de l’ashwagandha : les withanosides I-XI. A cela il est possible d’ajouter des saponines stéroïdiennes, mais surtout des alcaloïdes de même nature tels que anaférine, somnine, somniférine, tropine, withanine, isopelletiérine, ashwagandhine, ashwagandhinine, anahygrine, cuscohygrine, etc. Parmi les polyphénols, on distingue quelques acides phénoliques (acides chlorogénique et isochlorogénique) et flavonoïdes (rutine, quercétine). Quelques corps lipidiques (acides gras) et protéiques (acides aminés : tryptophane, acide glutamique, acide aspartique, glycine, alanine, cystine, tyrosine) complètent le tableau. Enfin, quelques traces d’essence aromatique méritent d’être relevées, ainsi qu’un formidable (soi-disant) taux de fer.

Propriétés thérapeutiques

  • Tonique, fortifiant, nootrope7, adaptogène, sédatif du système nerveux, stabilisateur du comportement et de l’humeur, neuroprotecteur, myéoloprotecteur, inducteur du sommeil, favorable au repos et à la relaxation, antidépresseur, éclaircissant de l’esprit
  • Anti-oxydant8, antiradicalaire, inhibe la peroxydation des lipides, protecteur face au stress oxydatif, anti-inflammatoire puissant9
  • Cytoprotecteur, anti-néoplasique, antidégénérateur, inhibe la croissance tumorale et métastatique par réduction de l’angiogenèse10, inducteur de l’apoptose, anti-proliférant, chimio-préventif, augmente la radiosensibilité des cellules cancéreuses
  • Aphrodisiaque, soutient le bon fonctionnement de la fertilité masculine11
  • Cardioprotecteur, cardiotropique, abaisse la pression artérielle, augmente le taux d’hémoglobine sanguin (hématopoïétique), augmente la quantité de globules rouges et blancs, hypotenseur, favorise une meilleure oxygénation du sang12, anticoagulant
  • Hépatoprotecteur, hypoglycémiant, hypolipidémique, antidiabétique
  • Anti-infectieux : antifongique, antiviral, antibactérien, antiseptique, anti-protozoaire ; immunopotentialisant
  • Inotrope (réducteur de l’activité locomotrice), nutritif des tissus osseux et musculaires, chondroprotecteur
  • Favorise la repousse capillaire, retarde le blanchissement des cheveux
  • Diurétique
  • Analgésique
  • Antileucotriène, anti-asthmatique
  • Fébrifuge

Usages thérapeutiques

  • Troubles du système nerveux : stress chronique (biologique, physique et chimique), trouble anxieux généralisé, nervosité, tension mentale, hyperactivité, TDAH, trouble bipolaire, TOC, schizophrénie (réduction du stress et de l’anxiété), insomnie (amélioration de la qualité du sommeil chez les personnes âgées), limite le nombre de réveils nocturnes (ce qui, en réduisant la latence du sommeil, c’est-à-dire le temps nécessaire à l’endormissement, augmente la durée totale du sommeil), troubles de la mémoire13, de la cognition et de l’apprentissage, maladies neurodégénératives (sclérose en plaques, maladie de Huntington, maladie de Parkinson14, maladie d’Alzheimer : à travers ces diverses maladies, l’on observe des pertes de mémoire, une capacité réduite d’acquérir de nouvelles informations, la déficience de compétences pratiques. En ce qui concerne strictement Parkinson, des lésions et une perte de cellules nerveuses a lieu au sein même de ces régions cérébrales qui produisent la dopamine, c’est-à-dire la substance noire du cerveau)
  • Surmenage, épuisement nerveux, burn out, anémie, asthénie, fatigue saisonnière, grande fatigue chronique, fatigue surrénale, convalescence après épisode infectieux, hospitalisation (risque infectieux, fatigue)
  • Troubles de la sphère respiratoire : toux, bronchite, emphysème, tuberculose (adjuvant), éosinophilie pulmonaire tropicale
  • Maladies infectieuses : paludisme, leishmaniose, parasitose à trypanosomes, SARS-CoV et SARS-CoV-2
  • Troubles locomoteurs : arthrite, polyarthrite rhumatoïde, goutte, rhumatisme articulaire, faiblesse musculaire
  • Affections cutanées : furoncle, ulcère, dermatose immunodépendante (lupus), alopécie légère à modérée
  • Hypothyroïdie
  • Troubles des sphères génitales masculine et féminine : impuissance, stérilité, oligospermie, amélioration des fonctions sexuelles chez la femme15
  • Troubles de la sphère cardiovasculaire et circulatoire : hypertension artérielle, leucopénie (il s’agit d’une chute du nombre de leucocytes sanguins ; en ce sens, l’ashwagandha peut intervenir dans le cas d’une leucopénie induite par l’utilisation de médicaments anticancéreux tels que la cyclophosphamide)
  • Affections cancéreuses : sarcome, cancer (sein, prostate, côlon, intestin, col de l’utérus, ovaires, thyroïde, poumon, cerveau, peau)
  • Diabète de type II (l’ashwagandha diminue la glycémie et l’insulinémie sanguines, les lipides sanguins et les marqueurs du stress oxydatif)
  • Dyspepsie flatulente

Modes d’emploi

  • Décoction de racine sèche d’ashwagandha dans un volume d’eau estimé à un litre : déposez 5 g de cette racine et portez vivement à ébullition, puis réduisez nettement le feu afin de mener une décoction pendant 5 à 10 mn. Après quoi, laissez infuser 10 mn supplémentaires hors du feu et à couvert.
  • Poudre de racine (mode d’emploi le plus fréquemment usité en Occident) : comptez un à deux grammes répartis au cours de la journée (si l’on fait le choix de la poudre abritée dans des gélules gastro-résistantes, l’on rencontre moins de difficulté pour quantifier de si petites quantités. Par bonheur, des magasins spécialisés dans le domaine qui nous occupe – je pense en l’occurrence à Terra éléments, par exemple – fournissent, avec les poudres de plantes qu’ils commercialisent, de petites cuillères doseuses en plastique, parfaitement conçues pour l’usage qui nous intéresse. Après avoir déposé la poudre au fond d’un verre, on verse par-dessus de l’eau tiède, puis on mélange bien afin d’obtenir un liquide homogène et, en principe, dénué de grumeaux (il est préférable d’absorber tout de suite cette préparation avant qu’une partie de la poudre ne se redépose au fond du verre). On rencontre parfois la poudre des feuilles d’ashwagandha : il est recommandé de procéder de la même manière que précédemment. Afin de renforcer l’efficacité de la poudre d’ashwagandha, on suggère souvent d’ajouter à la préparation aqueuse que je viens d’exposer une fraction de lipides (huile de coco, ghee), qui favorisent la métabolisation des principes actifs de cette racine. C’est l’ashwagandha garita ayurvédique. En tous les cas, il faut savoir que l’ashwagandha gagne énormément à être absorbé conjointement à un corps gras.
  • Teinture alcoolique de racines sèches : comme il est possible de se procurer de ces racines dans le commerce spécialisé, il est autorisé d’imaginer une « teinture maison » en procédant comme suit : plongez 1/5 de ces racines débitées en petits tronçons dans 4/5 d’alcool à 70° pendant au moins trois semaines. Durant ce laps de temps, veillez à secouer vigoureusement et quotidiennement la préparation. De cette teinture, l’on fera l’usage quotidien suivant, semblablement à ce que l’on peut faire d’un extrait alcoolique de plante fraîche : 20 à 25 gouttes diluées dans un demi-verre d’eau tiède trois fois par jour.

Note : le commerce spécialisé offre bien d’autres préparations alternatives telles que des extraits liquides en ampoule et capsule, des gélules d’extrait standardisé à haute teneur en withanolides, ainsi que, mais plus rarement, un extrait CO2 supercritique s’attachant à exploiter non pas la puissance thérapeutique de la racine d’ashwagandha, mais celle de l’huile contenue dans les graines des fruits de Withania somnifera, autrement dit une quantité anecdotique négligeable difficilement exploitable, mais dont on connaît au moins les propriétés émétique et antifongique.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Récolte : la plante fraîche met à disposition ses feuilles dont on peut faire une infusion théiforme, ainsi que ses fruits assez analogues à ceux de son cousin alkékenge ou coqueret. En ce qui concerne ses racines, l’observance doit être un peu plus stricte, puisque l’extraction ne se destine qu’aux racines ayant atteint la fin de la deuxième année de vie de la plante. Elle devra être préférée de nature biologique, puisque cette plante est globalement menacée dans son milieu d’origine. Elle disparaît, dit-on, en raison de la déforestation (sic), et surtout parce que depuis une trentaine d’années environ, elle est devenue une coqueluche victime de son succès. Aussi, localement, n’hésite-t-on pas à retirer du sol cette racine (comme ailleurs on l’a fait pour la griffe du diable ou la rhodiole), quitte à épuiser un filon en quelques années pour remplir une marmite qui n’est déjà pas bien pleine. Mais il est vrai que l’écologie, c’est un truc de riches… Bref, si l’on souhaite obvier à la délicate question de la destruction des richesses végétales, l’on optera donc pour la culture de l’ashwagandha, réalisée en bio ou par ses propres moyens, ce qui s’avère possible pour assurer ses besoins personnels. A cette occasion, précisons la vertu bio-accumulatrice de la racine d’ashwagandha : c’est-à-dire qu’elle est particulièrement douée pour extraire du sol tout ce qui s’y trouve, y compris, hélas, les métaux lourds, que l’on retrouvera à terme dans la racine, devenant de fait inutilisable. Il faut donc se méfier du terrain où l’on souhaite implanter l’ashwagandha avant toute mise en culture et éventuelle déconvenue.
  • Ce ne sont pas les quelques effets indésirables de l’ashwagandha (excitation, toux, inappétence, constipation, hyposialie, crampes nocturnes, éruptions cutanées) qui lui doivent d’être inscrit sur la liste B de la pharmacopée française. Pour rappel, cette liste estime que les substances qui y figurent possèdent des effets indésirables potentiels supérieurs au bénéfice thérapeutique attendu, ce qui ne peut être qu’une blague de mauvais goût, tant les propriétés et usages de l’ashwagandha ont été étudiés et établis. C’est qu’il ne faudrait pas que cet aphrodisiaque naturel vienne concurrencer un médicament comme le viagra qui se vend comme des petits pains !… En terme d’effets secondaires, on a remarqué de la somnolence (normal !…), des maux de tête et quelques désordres gastro-intestinaux (nausée, vomissement, diarrhée). Quelques cas de lésions hépatiques ont été répertoriés, la dysfonction hépatique survenant à la suite de la prise d’ashwagandha avec de multiples médicaments anxiolytiques. Mais, hormis ces cas marqués par l’abus, l’ashwagandha ne présente pas de toxicité systémique notable comme l’ont notifié de nombreuses études sur ce sujet.
  • Interactions médicamenteuses : l’ashwagandha n’est pas compatible avec des médicaments sédatifs, anxiolytiques, antidépresseurs16, barbituriques, anti-épileptiques, immunosuppresseurs, luttant contre l’hypertension (digoxine) et le diabète, enfin ceux ayant pour charge de régler une hyperthyroïdie (l’ashwagandha étant lui-même un stimulant thyroïdien, sa prise concomitante avec un médicament augmentant l’activité de la thyroïde pourrait conduire à une thyrotoxicose).
  • Enfin, dans tous les derniers cas suivants, il sera prudent de ne pas faire intervenir l’ashwagandha : grossesse (serait à même de provoquer une fausse couche), allaitement, chez l’enfant trop jeune, en cas de préparation imminente à un acte de chirurgie opératoire, en cas de cancer de la prostate hormonodépendant (en effet, comme nous l’avons indiqué plus haut, l’ashwagandha augmente le niveau de testostérone circulant dans l’organisme). Et, dans tous les autres cas, on se souviendra de ne pas faire de l’ashwagandha un traitement au long cours (trois mois consécutifs maximum).

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  1. « L’ashwagandha est classé comme un rasayana utilisé pour promouvoir la santé physique et mentale, assurer la défense contre les maladies et les facteurs environnementaux défavorables et arrêter le processus de vieillissement » (Source).
  2. Curatif de l’esprit, l’ashwagandha est capable, tout comme le gotu kola, de favoriser la formation des dendrites cérébrales, compensant et réparant si besoin le réseau pré-existant.
  3. L’ashwagandha augmente la sécrétion des hormones thyroïdiennes T3 (triiodothyroxine) et T4 (thyroxine), améliore les sécrétions gonadiques et normalise les sécrétions surrénaliennes en abaissant notamment le niveau du cortisol.
  4. L’ashwagandha permet d’accroître le niveau global d’énergie, la force à fournir et le temps durant laquelle on devra l’appliquer, maximise l’endurance et la résistance au froid… D’un point de vue plus psychique et mental, la mémoire immédiate, générale et à court terme s’améliore, de même que concentration et attention. De plus, sous l’influence de l’ashwagandha, il a été remarqué que le temps de réaction face à une nouvelle information diminue alors que parallèlement les fonctions cérébrales la traitent beaucoup plus rapidement qu’à l’habitude. Enfin, l’ashwagandha émousse les déficits cérébraux que rencontrent fréquemment les personnes âgées.
  5. animamundiherbals.com
  6. Dans les baies, l’on trouve des tanins, des acides aminés, ainsi que des flavonoïdes. Quant aux feuilles, elles se composent de substances identiques, auxquelles s’ajoutent des alcaloïdes, des acides phénoliques, mais surtout ce qui fait la spécificité de l’ashwagandha, ce sont des withanolides et des withanones, bien plus fréquents dans les feuilles que dans la racine qui, elle, a absorbé toute l’attention des chercheurs.
  7. Le mot nootrope a été forgé par le chimiste roumain Corneliu E. Giurgea (1923-1995) dans les années 1970 en unissant les deux racines grecques nöos, « penser » et tropein, « guider ». C’est par ce terme que l’on désigne principalement les substances qui agissent sur les fonctions cérébrales (mémoire, apprentissage) lorsque celles-ci sont altérées (ce qui distingue très nettement le nootrope de l’adaptogène). « Dans de nombreux cas, les nootropes améliorent la plasticité des érythrocytes et inhibent l’agrégation, ce qui améliore les propriétés rhéologiques du sang et augmente son flux vers le cerveau » (Source). De nombreuses autres plantes adaptogènes sont également classées parmi les nootropes : le ginkgo, le ginseng, la rhodiole, le schisandra, le guarana, le maca, le gotu kola, la bacopa, l’éleuthérocoque, etc.
  8. L’ashwagandha augmente le taux de glutathion dans le foie et la vessie, réduit l’activité du TNF-α (facteur de nécrose tumorale), accroît l’activité d’enzymes telles que la superoxyde dismutase et la catalase, enfin, inhibe les effets de l’interleukine-1 (IL-1) et de son isoforme pro-inflammatoire, IL-1β.
  9. Réduit la quantité de protéines inflammatoires (IL-10) et les marqueurs inflammatoires (CRP, IL-6, TNF-α).
  10. L’ashwagandha présente l’intérêt de pouvoir être utilisé conjointement à la radiothérapie et aux médicaments anticancéreux de la chimiothérapie classique, sans causer d’énormes effets secondaires à l’économie générale et tout en minimisant les dommages causés à l’ADN par les cellules cancéreuses.
  11. Dans un vieil article daté de 1983, on peut lire que l’ashwagandha inhiberait la fertilité masculine, alors qu’il est capable, in fine, d’augmenter le nombre des spermatozoïdes, leur motilité, ainsi que leur viabilité. Plus que de serrer la ceinture (d’Aphrodite !), l’ashwagandha et sa force de cheval empêche la réduction du niveau de testostérone, mais également des hormones lutéinisante et folliculostimulante. Si l’on associe ces derniers effets à ceux-ci – abaissement du cortisol sanguin, maintien et production de DHEA (androsténolone, impliquée dans la production de testostérone), gestion du stress – l’activité sexuelle masculine s’en trouve davantage facilitée (sans compter que l’ashwagandha module aussi l’activité de neurotransmetteurs et d’hormones associés au désir sexuel : dopamine, sérotonine, prolactine, corticostérone…).
  12. « VO2 max est la quantité maximale d’oxygène qu’une personne peut utiliser pendant une activité intense. C’est une mesure de la condition physique du cœur et des poumons. Avoir un VO2 max optimal est important pour les athlètes et les non athlètes. Un faible VO2 max est associé à un risque de mortalité plus élevé, tandis qu’un VO2 max plus élevé est associé à une source de maladie cardiaque à faible risque » (Source).
  13. « Le déficit de mémoire est l’un des principaux effets négatifs du stress chronique. Le système cholinergique module la mémoire non seulement à travers les cellules neuronales, mais aussi via des interactions avec des cellules non neuronales, suggérant que la microglie peut influencer la fonction synaptique et la plasticité, contribuant à la cognition et à la fonction mémoire » (Source).
  14. « La pathologie de la maladie de Parkinson entraîne la dégénérescence des neurones dopaminergiques en accumulant des corps obscènes, de l’α-synucléine, en abaissant les antioxydants, en augmentant l’inflammation neuronale et en modifiant la forme des neurones » (Source).
  15. « Une remarquable étude pilote de 2015 sur la fonction sexuelle des femmes a révélé que parmi 50 femmes, celles qui prenaient de l’extrait de racine d’ashwagandha avaient une fonction sexuelle améliorée, une excitation plus facile, une lubrification plus facile, de meilleurs orgasmes et une satisfaction sexuelle globale améliorée. Alors que les sociétés pharmaceutiques continuent de se jeter sur un ‘viagra femelle’, l’ashwagandha semble à la hauteur de sa réputation, en cochant toutes les cases » (Source).
  16. Parmi eux, l’on trouve « la réboxétine (douleur testiculaire et dysfonctionnements éjaculatoires), la sertraline (diarrhée sévère), l’escitalopram (myalgie, douleurs épigastriques, nausées, vomissements, syndrome des jambes sans repos et toux sévère) et la paroxétine (myalgie généralisée, ophtalmie et hypertension oculaire) » (Source).

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La cheminée, point focal du foyer

Voici un article qui satisfera peut-être votre sens de l’introspection, du repliement, de l’introversion, etc. C’est de saison. On hiverne. On hiberne pour peu qu’on soit un tantinet savant. Comme l’ours, on se garde de la froide morsure de monsieur Gel. On attend que ça passe. On se serre les coudes. On se tient (au) chaud. On se raconte des histoires. Et pour ça, rien de tel qu’une bonne cheminée.

Beau week-end à toutes et à tous :)

Gilles

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Si l’on recherche au moins une analogie entre la yourte sibérienne et la maison conventionnelle bâtie en dur, peut-on la découvrir ? Oui, et je vous en donne une : la yourte, ensemble de peaux cousues entre elles et jetées sur une armature en bois, possède, à son sommet, une ouverture par laquelle passait autrefois la fumée du foyer situé à son aplomb, avant que ne s’y engouffre le tuyau métallique d’un lourd poêle de fonte. Ne trouve-t-on pas un équivalent dans nos maisons plus modernes ? Bien sûr que si ! Il s’incarne à travers la cheminée qui vise au même but. Qu’est-ce c’est, en somme, qu’une cheminée ? L’illustration ci-dessous se propose d’en signaler les principaux éléments :

Parfois, l’on fait recouvrir la notion de foyer par celle de cheminée, or c’est assez inexact : le foyer est au cœur de la cheminée ce que la cheminée est au cœur de la maison (bien que maintenant le mot foyer prenne plus le sens d’habitation dans son intégralité). Rapprocher la cheminée de l’idée même de cœur n’est pas stupide : l’organe cardiaque ne passe-t-il pas pour le centre de la maison humaine, c’est-à-dire le corps de l’homme ? Cœur et cheminée sont centraux, tout comme l’est le trou de la yourte qui laisse passer le tuyau de poêle. Par analogie, on peut attribuer à la cheminée le rôle d’axis mundi, de même que cela était aussi le cas du poteau central soutenant la tente nomade d’Asie centrale ou de la yaranga tchouktche : tout autour de lui grimpaient les fumées du foyer, en direction du sommet du dôme protecteur, afin qu’elles s’en échappent. Par cet orifice, on pouvait voir les étoiles en levant les yeux, et juste assez mais pas trop, il laissait entrer une partie du cosmos toute imprégnée de bénédiction céleste. Eh bien, tout comme l’archaïque yourte, la cheminée est aussi un lieu animé par un flux et un reflux, son conduit étant le chemin qui dessine des allers-retours, exhalant une respiration témoin de la présence de la vie au sein de la maison et, par extension, de la maisonnée. (De ce conduit de cheminée, l’on aurait pu déduire sa connivence lexicale avec le verbe cheminer, puisqu’il est question, à travers ce fût vertical, d’ascension et de descension. Or cheminée provient du latin caminata/caminus, « fourneau ». Il n’a donc pas de rapport.) A l’inverse, lorsque le foyer est éteint, le vent du dehors peut s’engouffrer dans le conduit et y pousser des gémissements qui donnent comme une voix à la maison.

Parce que centre et axe du monde (certes microcosmique), la cheminée autorise l’unité : la famille s’unit autour du foyer de la cheminée afin d’y ponctionner sa part de chaleur et de lumière, tout simplement de vie (parfois, sur le linteau de la cheminée, on grave les armoiries de la famille, ce qui renforce le point central de réunion). En son sein, la flamme s’anime pour renforcer un symbole propre au feu (une coupe creuse au centre de laquelle on pique une bougie que l’on allume, partage une symbolique équivalente, bien que diminuée dans son rayonnement d’action). Aussi sûrement que le cœur d’une femme enceinte pourvoie aux besoins biologiques du petit être qu’elle porte, le foyer, centre d’intensité dynamique et de condensation énergétique, est celui auprès duquel saisir les nourritures mystiques (quid, au reste, des nourritures terrestres cuites à l’exposition des rayons cosmiques ?), car aussi sûrement que le sang parvient au cœur pour en repartir vivifié, la cheminée accueille les plaintes, les craintes, les désirs et les vœux : tant de requêtes s’y pressent, qu’il est manifeste que les flammes réchauffent les corps et les âmes qui s’en retournent, restaurées dans leur foi et leur allant. « Le centre n’est donc point à concevoir, dans la symbolique, comme une position simplement statique. Il est le foyer d’où partent le mouvement de l’un vers le multiple, de l’intérieur vers l’extérieur, du non manifesté au manifesté, de l’éternel au temporel, tous les processus d’émanation et de divergence, et où se rejoignent, comme en leur principe, tous les processus de retour et de convergence dans leur recherche de l’unité »1. Cet apparentement entre la maison et le corps humain, la cheminée et le cœur, enclot encore davantage l’homme au sein de la maison. L’on utilise, pour remplacer l’expression « au centre de » cette autre-ci : « au cœur de… », voire « au sein de… ». Dans ce sein-là, il ne faut pas s’imaginer celui de la femme, mais le comprendre dans le sens de « parmi ». Or, il se rapproche fort du giron qui, au sens figuré, concerne bien le sein maternel. Plus que la déesse Hestia, la cheminée semble nous connecter à des divinités de la Terre-Mère plus anciennes encore.


Des fouilles effectuées dans d’antiques oppidums gaulois ont révélé que le foyer était souvent contigu à l’autel, quand il ne s’y superposait pas ! De nombreux chenets découverts dans ces sites reflètent un symbolisme solaire lié à la fécondité dont le feu est capable. Ainsi donc le foyer fut-il souvent un sanctuaire où le culte était célébré, des icônes épinglées, voire parfois un autel sacrificiel où étaient effectuées les offrandes.


A y regarder d’un peu plus près, le foyer peut être également vu comme une voie de communication. Ceux qui ont suivi les aventures de Harry Potter se souviennent peut-être de cette scène dans laquelle Sirius Black vient converser secrètement avec le jeune sorcier, en se dissimulant dans les braises rougeoyantes de l’âtre, nouveau mot choisi bien à propos. Âtre, issu de l’ancien français astre, n’a pourtant pas de rapport avec les corps célestes (auxquels on a comparé les cendres qu’il produit ; les étoiles sont parfois assimilées aux cendres de l’arbre cosmique). Astre provient plus assurément du mot aitre, dont l’un des sens communs se rattache à celui de portique. L’âtre marque, en effet, le seuil d’une voie de communication entre le dedans et le dehors, le terrestre et le spirituel, le bas et le haut. Cet axe communicationnel se dessine aussi par le truchement d’événements inattendus : dans certains contes, d’une fève ou de toute autre graine tombée par inadvertance dans les cendres froides d’un foyer éteint, naît une plante à la croissance prodigieuse, escaladant l’intérieur du conduit de cheminée, puis se propulsant si haut dans le ciel que l’on ne distingue rapidement plus son extrémité toujours ascendante. Dans les contes, c’est généralement cette voie-là qu’emprunte le héros guidé vers une dimension d’ordre supérieur et dont l’expérience requiert une altération positive de la conscience (avec l’hypoxie qui règne à haute altitude, ça aide ^.^). Mais revenons sur terre et tirons-nous une bûche (au Québec, cela signifie s’asseoir tous ensemble autour du feu pour discuter, ce qui tombe admirablement bien), car il n’y a pas mieux pour renforcer le lien social que de se réunir autour du feu, comme on le faisait autrefois à l’occasion de la veillée. Au sujet de la bûche, l’on constate de nombreuses observances, croyances et superstitions qui reflètent l’importance incarnée par la cheminée. Apprécions donc la croyance suivante : il fallait veiller à ne pas placer une bûche dans l’âtre par son extrémité la plus forte, car c’était l’assurance de connaître la pauvreté pendant sept ans. Qu’est-ce que cela peut bien vouloir signifier ? Il faut offrir à la bouche de la cheminée la plus large portion de bois, l’alimenter avec générosité et non pingrerie. Ce qui s’ensuivra dépendra donc de la prodigalité de l’homme, la cheminée ne renvoyant, in fine, que le reflet des égards avec lesquels l’homme la traite (et se traite lui-même par voie de conséquence).


Spécifique à la nuit de Noël est la bûche qui n’est pas censée s’éteindre. Sa grosseur se doit d’être proportionnelle à la durée de la nuit du solstice toute proche. Plus la cheminée est alimentée par une grosse bûche, plus elle brûlera longtemps en assurant protection à la maisonnée. Dans ce but l’on privilégiait le chêne dont la dureté et la noblesse sont légendaires. En effet, le conduit de la cheminée est un mode d’accès privilégié par les forces hostiles du dehors. Gare si ce passage est mal gardé ! En revanche, le conduit de cheminée est également emprunté par les fées, lorsqu’elles doivent venir soigner les enfants et porter assistance aux affligés.


La douce chaleur du feu de cheminée n’est pas que l’occasion d’un assoupissement bienheureux, le chat sur les genoux. Il est parfaitement vrai que dans le silence on parvient à entendre des choses inaudibles au sein du brouhaha de la vie quotidienne : une braise qui crépite, une bûche qui chuinte, une flamme qui gémit… Elles sont toutes perceptibles à la condition que le foyer soit ouvert et que l’environnement immédiat exempt d’une pollution sonore rendant impossible l’écoute attentive du feu qui aiguise l’esprit, car « jusqu’au tison ardent qui brûle dans la cheminée, tout bois a son langage prophétique »2. Effectivement, les flammes augurales permettent une connaissance intuitive : par les formes qu’elles dessinent, sans compter les multiples bruits qui jaillissent du foyer, l’on peut y voir des signes, en tirer des interprétations, ce qui possède son importance, le feu étant impliqué dans pas moins que la purification, la conjuration, la fécondité et la génération (et donc l’amour, puisque la conjonction de l’homme et de la femme est visible dans la paire formée par le feu et son écrin). Comme l’on considère l’âtre comme le lieu de manifestation des épiphanies, il faut s’efforcer de tendre l’oreille, chose bien pratique pour percevoir les réponses aux questions que l’on adresse au feu. Plus que de tirer les marrons des flammes, ce sont quelques-unes de ses braises qu’autrefois l’on prélevait. Leur valeur dépendait du bois utilisé pour allumer le feu. C’est pourquoi l’on s’autorisait/s’interdisait diverses essences de bois selon les circonstances. On classait les braises au rang de talisman dont les fonctions étaient multiples, en particulier protectrices contre bien des calamités (orage, maladie, malédiction, influences néfastes diverses et variées). Puis, au-delà de la braise viennent les cendres. Elles occupent au moins trois axes symboliques : selon le symbolisme chrétien, auprès duquel on ne s’attardera pas très longtemps, les cendres évoquent la tristesse, la morosité et la mort (bien avant cela, au sein de l’empire perse, la coutume qui consistait à se couvrir la tête de cendres évoquait la même idée). Parce qu’elles représentent le peu qu’il reste après la combustion du bois, on les a comparées aux os qui saillent suite au complet décharnement d’une dépouille. Mais il nous faut réfléchir à ce que sont les cendres : la part irréductible par le feu, l’indestructible résidu qui maintient sa présence inexorable. Que sont les cendres ? Des sels. Ainsi promeuvent-elles les deux axes suivants : l’enrichissement et la purification. En ce qui concerne le premier d’entre eux, c’est avant tout visible via les pratiques agricoles : on favorisait la germination et la fécondation des cultures en répandant des cendres sur la terre, assurant ainsi le retour cyclique de la vie végétative3. Il arrivait même qu’on protège celles qui avaient tout juste levé des insectes et des maladies en y pulvérisant un mélange d’eau et de cendres. Mais on se méfiait de la quantité, car l’on apprit très vite que la cendre, de nature yang, peut brûler et tuer. Enfin, la purification s’illustrait à travers le lavage domestique : on prenait grand soin de recueillir les cendres des nuits de la Saint-Jean et de Noël, car elles formaient, pensait-on, une excellente lessive. Les cendres sont encore à l’origine du nom d’une très célèbre héroïne de contes de fée : par son nom, Cendrillon4 signale la position très inférieure qu’elle occupe par rapport à sa belle-mère et à ses belles-sœurs, ainsi que le fait qu’elle soit corvéable à merci, nettoyer la cheminée faisant partie des nombreuses et ingrates tâches qu’on lui a attribuées. Remarquons que la belle-mère de Cendrillon n’est pas un personnage attaché à la cheminée, elle n’y fait pas la cuisine, par exemple. Cela paraît normal dans le sens où cette cheminée relie Cendrillon à l’image de sa mère défunte. Dormir près des cendres est, peut-être, une manière de montrer l’attachement spirituel et affectif de Cendrillon à sa mère. Mais ce thème est si archaïque, qu’il ne serait pas surprenant de rencontrer, de façon fort dissimulée, la trace d’une connexion à une très ancienne déesse-mère au travers de cette cheminée qui possède bien des traits féminins singuliers décidément. Dans le conte slave de Vassilissa-la-très-belle, sa belle-mère et ses belles-sœurs, aussi peu sympathiques que celles de Cendrillon, prennent la décision de laisser le feu de la cheminée s’éteindre, ce qui en dit long sur leur propre nature féminine dévoyée et enjoignent à la jeune fille de se rendre chez Baba Yaga la sorcière pour lui réclamer quelques braises. Après toute une série d’épreuves subies auprès de cette terrible mère de substitution, Vassilissa retourne à la maison, portant à la main un crâne aux yeux ardents fiché sur un bâton. « Lorsque la belle-mère et ses filles la virent, elles se précipitèrent sur elle, disant qu’elles étaient demeurées sans feu depuis son départ et qu’elles avaient eu beau tout faire pour essayer d’en allumer un, il s’éteignait toujours. Vassilissa entra dans la maison avec un sentiment de triomphe, car elle avait survécu à son dangereux voyage et rapporté le feu. Mais le crâne fixa son regard incandescent sur la marâtre et ses filles, et ne les quitta plus des yeux, si bien qu’au matin il avait réduit le cruel trio en cendres »5.

Pour en terminer là, sachez qu’il est préférable de ne pas inaugurer une cheminée tout neuve le jour de la Sainte-Jeanne-d’Arc (30 mai) et celui de la Saint-Laurent (10 août). Vu le destin de la première et l’hagiographie du second, on comprend aisément pourquoi ^.^

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  1. Jean Chevalier & Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, p. 189.
  2. On appelle la divination par les flammes pyromancie. Angelo de Gubernatis, La mythologie des plantes, Tome 1, p. 266.
  3. D’après Angelo de Gubernatis, « les Albanais brûlent des branches de cerisiers la nuit du 23 au 24 décembre, la nuit du 1er janvier et la nuit du 6 janvier, c’est-à-dire dans les trois nuits consacrées au nouveau soleil, et on garde les cendres de ces branches pour en féconder la vigne. On dirait que, par cet acte, ils brûlent les démons cachés dans l’arbre qui empêchaient la végétation » (Angelo de Gubernatis, La mythologie des plantes, Tome 2, p. 57).
  4. En Anglais, elle porte le nom de Cindirella, ce qui ne rend pas honneur aux qualités de cœur et d’esprit de la jeune fille : le mot cendres dispose de deux termes anglais, ash et cinders. Mais le premier est très différent du second dans son sens même puisqu’il évoque les cendres pures issues d’une combustion complète, tandis que cinders représente les escarbilles, c’est-à-dire le résultat d’une combustion incomplète. En forgeant le nom Cindirella sur le mot cinders, l’anglais a retiré à Cendrillon la plus grande partie de sa pureté intrinsèque.
  5. Clarissa Pinkola Estés, Femmes qui courent avec les loups, pp. 119-120.

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La sauge rouge (Salvia miltiorrhiza)

Presque inconnue au bataillon par chez nous, cette sauge possède des racines rouge sang qui nous informent, par cette signature évidente, d’une destination thérapeutique principale : assurer préventivement et curativement le bon état des systèmes cardiovasculaires et circulatoires. C’est dans ce sens que la médecine traditionnelle chinoise l’utilise depuis deux bons millénaires sous le nom de dan shen.

Bonne lecture et beau week-end à toutes et à tous :)

Synonymes : sauge chinoise, danshen (en Chine), dansam (en Corée).

Peu familière en Europe, la sauge rouge est apparue çà et là dans quelques ouvrages généralistes (dont certains écrits/traduits en français) il y a moins d’une trentaine d’années. A la lecture de ce qu’il faut parfois nommer entrefilets, l’on apprend que cette sauge a intégré la médecine extrême-orientale depuis au moins deux bons millénaires, sinon plus, puisqu’il est fait mention d’elle dans le Classique de la matière médicale du laboureur céleste, plus connu sous le nom de Shennong bancao jing (1er siècle après J.-C.). Grâce à un texte comme celui-ci, l’on peut savoir à quoi l’on réservait la sauge rouge en Chine ancienne. Quand l’on apprend qu’elle fut classée au rang des « herbes de haute qualité » par la médecine traditionnelle chinoise, cela devrait aussi nous en dire davantage à son sujet : c’est ainsi que l’on appelle, en Chine, les plantes médicinales comptant très peu d’effets secondaires, tout en étant impliquées dans le traitement de nombreuses maladies. Plus précisément, la médecine traditionnelle chinoise indique que la sauge rouge, de nature froide et amère, s’applique principalement à chasser les excès de chaleur du Cœur et du Foie. De plus, l’on affirme de la sauge rouge qu’elle revigore et nourrit le sang, qu’elle métamorphose le « vieux » sang en sang « neuf », tout en le refroidissant. De ce fait, on peut la considérer comme antipyrétique et à même de délivrer les « points chauds » du corps des stases sanguines qui les encombrent (l’accumulation localisée d’un excès de vieux sang trop chaud est à l’origine des troubles que l’organisme éprouve en ces endroits : l’estomac, les intestins, le cœur, le foie, l’appareil génital féminin, etc.). Utilisable seule, la sauge rouge est souvent employée conjointement à d’autres plantes promues par la médecine traditionnelle chinoise, afin de faire profiter l’être humain de la réunion de vertus similaires. Par exemple, la sauge rouge liée au shan za (Crataegus pinnatifida, une sorte d’aubépine) est impliquée dans le traitement des maladies cardiovasculaires, ce qui est tout à fait pertinent, l’aubépine étant réputée pour l’action qu’elle porte sur la sphère cardiaque. Il en va de même lorsque la sauge rouge est associée au sanqi (Panax notoginseng) : ce duo prend en charge des maladies coronariennes (artériosclérose, thrombose, hypertension), mais également cérébrovasculaires, sans oublier les troubles de l’oreille interne. Quand la sauge rouge et le huang qi (Astragalus membranaceus) unissent leurs forces, ces deux plantes peuvent venir à bout des lésions cérébrales causées par ischémie cérébrale. En reprenant les mêmes, c’est-à-dire la sauge rouge, cette aubépine, ainsi que le notoginseng, et en leur additionnant le lotus, on obtient une formule spécialement calibrée pour s’attaquer à cette infiltration graisseuse du foie qu’est la stéatose hépatique (non alcoolique).

Dans les années 1930 débutèrent les premières études scientifiques portant sur la racine de sauge rouge. Par exemple, l’académie chinoise des sciences médicales se chargea d’étudier les composants hydrosolubles de cette plante, suivie plus tardivement par le Collège médical de Shangai et l’Institut de matière médicale de Shangai qui s’occupèrent d’isoler d’autres composants, dont le danshensu, qui tire son nom de celui de la plante en chinois, dan shen. Grâce à l’héritage de la médecine traditionnelle chinoise et la recherche scientifique moderne, on explique facilement le très large emploi qui est fait de la sauge rouge en Asie orientale, la plante ne limitant pas son aire de répartition à la seule Chine (elle vit aussi en Corée, au Japon, au Vietnam, ainsi qu’à Taïwan). D’un point de vue cérébral, la sauge rouge apporte son aide aux cellules sous hypoxie, leur permettant de survivre, tout en préservant les gaines de myéline qui protègent les neurones, ce qui la rend précieuse dans le traitement de la maladie d’Alzheimer. Ensuite, l’on sait désormais que la sauge rouge est une plante dont les substances anti-oxydantes sont capables de réduire le niveau du cholestérol LDL oxydé (chez le lapin). Or, l’on sait que le cholestérol oxydé entre en ligne de compte dans les pathologies cardiovasculaires et circulatoires (quand l’on dit : “J’ai du cholestérol”, ça ne veut rien dire, puisque tous le monde en a, et heureusement. Le seul cholestérol dont il faut se soucier, qu’il soit LDL ou HDL, c’est le cholestérol oxydé par l’organisme à cause des molécules pro-oxydantes et des radicaux libres). En raison de la qualité anti-oxydante de la sauge rouge que nous venons d’évoquer, cette plante lutte donc face au stress oxydatif, chose qui lui est d’autant plus permise qu’elle est aussi antiradicalaire. Comme en plus de cela elle stimule l’apoptose des cellules cancéreuses, elle est largement plébiscitée dans une grande variété de cancers. Elle va même jusqu’à bloquer la croissance des tumeurs en les affamant par suspension de l’approvisionnement sanguin tumoral. Elle permet donc la réduction des tumeurs, la diminution des douleurs provoquées par la chimiothérapie et l’allongement de la durée de vie des patients cancéreux. A propos de la sphère hépatique, la sauge rouge prend en charge les fibroses hépatiques et, plus globalement, le diabète dont les effets cérébraux sont connus et étudiés : par le biais d’une hyperglycémie, on voit surgir des effets très indésirables sur l’activité du cerveau. Cette hyperglycémie est à l’origine du déclin de l’apprentissage et de la mémoire à long terme, par affaiblissement synaptique et modification structurelle au niveau neuronal. Il ne s’agira, dans ce cas, pas seulement d’employer la sauge rouge mais de revoir drastiquement sa consommation de glucides à la baisse.

La sauge rouge est une plante vivace de modeste gabarit (30 à 60 cm de hauteur), dont les feuilles très parfumées sont caduques. Assez larges, épaisses, de couleur vert franc, elles sont rugueuses sur le dessus, caractéristique qu’elle partage avec beaucoup d’autres sauges dont les S. officinalis, pratensis et sclarea. Lancéolées et dentées, elles sont constituées chacune de trois folioles. Que vienne la floraison et c’est un drôle de spectacle qui se déploie : de robustes hampes florales quadrangulaires érigent petit à petit une structure à l’extrémité de laquelle sourdent de tout petits boutons floraux de couleur bordeaux foncé. Quand ils viennent à éclore, s’en extraient de grandes fleurs typiques des Lamiacées, pourvues de grandes corolles groupées en verticilles, et dont la grandeur dépasse très largement celle du calice, couvrant alors la plante d’une profusion bleu violet du plus bel effet.

Cette plante apprécie les sols bien drainés, ce qui peut paraître normal, sachant qu’elle délivre l’organisme des stases, qui sont des immobilisations, comme on l’aura compris (du latin stasis, « arrêt »). Elle élit domicile jusqu’à 1200 m d’altitude et on la rencontre préférablement dans les clairières forestières, les zones herbeuses, les rives des cours d’eau, etc.

La sauge rouge en phytothérapie

Les amateurs de sauge officinale se contentent principalement des sommités fleuries de cette plantes ou de ses seules feuilles. On pourrait en déduire qu’avec la sauge rouge le choix se porterait sur ces mêmes fractions végétales. Or il n’en est rien. Si cette sauge est dite rouge, ça n’est pas relatif à la couleur de ses fleurs qui, comme nous l’avons précisé un peu plus haut, ne sont pas colorées ainsi mais de bleu lavande. Aussi, d’où vient donc cet adjectif rouge ? Pour le mieux comprendre, il faut s’efforcer de déterrer la plante, d’en brosser vigoureusement les racines. Après cet énergique traitement, la réalité apparaît : la racine principale de cette sauge, grosse comme le petit doigt, est d’aspect rougeâtre extérieurement, une évidence qui saute moins facilement aux yeux lorsque cette racine, débitée en tronçons, est vendue à l’état sec dans les boutiques spécialisées. Comme j’ai sous les yeux de la racine séchée de sauge rouge, je peux effectivement témoigner du fait que la dessiccation amoindrit la teinte rouge de cette racine, la faisant virer à la couleur rouille. Son cœur fibreux n’est en revanche pas de cette couleur, entremêlant une teinte ivoire à un fond brunâtre. En Chine, la sauge rouge est conditionnée de diverses manières, à la différence de l’Europe où on ne peut pratiquement se la procurer qu’à l’état sec, en sachet kraft (comme sur le site calebasse.com par exemple). Cela limite donc forcément les usages subséquents que l’on peut faire de cette plante dont la première recommandation concerne l’entretien des artères, d’autant plus que la littérature scientifique s’est ingéniée à distinguer deux classes moléculaires de nature très différente : l’une regroupe des substances hydrophobes mais lipophiles, tandis que dans l’autre se cantonnent des substances hydrophiles cette fois. Dans le premier groupe, citons les quinones diterpéniques telles que la cryptotanshinone, les tanshinones (I, IIA, IIB, III, IV), les isotanshinones (I, II), les dihydrotanshinones, les tétrahydrotanshinones, les trijuganones (A, B), ainsi que des molécules complémentaires comme le salviol, la miltirone et le danshenol A. Le second groupe, quant à lui, réunit donc des molécules hydrophiles parmi lesquelles on compte une bonne cinquantaine d’acides phénoliques dont les acides salvianoliques, l’aldéhyde protocatéchique, les acides norsalvianoliques, le danshensu, le tanshinol, et d’autres substances mieux connues du lecteur occidental (acides caféique, chlorogénique, protocatéchique, rosmarinique, lithospermique, férulique, isoférulique, etc.).

Comptant pas moins de 200 composants supposément actifs, la sauge rouge renferme encore des triterpènes pentacycliques rencontrés lors de notre étude récente portant sur l’orthosiphon, c’est-à-dire les acides ursolique, maslinique, asiatique et oléanolique. Enfin, la sauge rouge recèle des sucres, des acides aminés, des saponines, des acides organiques, ainsi que quelques flavonoïdes (de la lutéoline entre autres).

Dans certains articles de littérature scientifique, il est signalé que la racine de sauge rouge est amère. Pour l’avoir goûtée telle quelle, je puis vous assurer que non. Même une décoction aqueuse d’une demi-heure ne forme pas une boisson dans laquelle flotte le moindre soupçon d’amertume. C’est même plutôt fade, sans saveur particulière, hormis un arrière-fond de goût de poireau cuit à l’eau, à mi-chemin avec une odeur d’artichaut vapeur.

Propriétés thérapeutiques

  • Régénératrice des vaisseaux sanguins, favorable à l’angiogenèse et à l’artériogenèse (suite à un AVC par exemple), améliore la micro-circulation, tonique de la circulation sanguine, anti-thrombotique, maintient un système micro-vasculaire sain, tonique veineuse, vasodilatatrice, stimulante cérébrovasculaire, anticoagulante, antiplaquettaire1, 2
  • Anti-oxydante (la racine de sauge rouge est d’autant plus anti-oxydante qu’elle est sèche), lutte contre le stress oxydatif, antiradicalaire, anti-inflammatoire, inhibe la peroxydation lipidique
  • Neuroprotectrice, améliore les fonctions cérébrales et la concentration, sédative du système nerveux, inductrice du sommeil
  • Anticancéreuse (inhibe la prolifération des cellules cancéreuses dont elle induit l’apoptose), anti-carcinogène, anti-néoplasique, antifibrotique
  • Anti-infectieuse : antifongique, antibactérienne (Bacillus subtilus, Aliivibrio fischeri) ; insecticide ; immunomodulante ; module la consommation d’énergie par le corps
  • Hépatoprotectrice
  • Néphroprotectrice
  • Digestive
  • Cicatrisante
  • Anti-allergique
  • Régularise les menstruations
  • Atténue la destruction des cartilages articulaires
  • Préventive de l’obésité

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère cardiovasculaire et circulatoire : AVC ischémique, bradycardie, palpitations, angor, dépôt ferreux dans le cœur, rétablissement après crise cardiaque (il faut avouer que la sauge rouge est plus efficace en prévention qu’en curation), hyperlipidémie, cardiomyopathie diabétique, resténose artérielle, ischémie myocardique, infarctus du myocarde, arythmie cardiaque, fibrose cardiaque, hypertrophie du cœur3
  • Troubles du système nerveux : déficit et troubles mentaux post-ichémiques, syndrome dépressif lié au stress, dépression, anxiété, irritabilité, déficit d’apprentissage et de mémoire, troubles neurologique d’origine éthanolique (la sauge rouge lutte contre la neurotoxicité alcoolique4), maladie d’Alzheimer (amélioration des symptômes), maladie de Parkinson, maladie de Huntington, lésion médullaire
  • Troubles de la sphère gynécologique : assurer une meilleure régularité des menstruations, aménorrhée, douleur menstruelle périodique, symptômes de la ménopause (bouffées de chaleur…), fibrome utérin
  • Troubles de la sphère respiratoire : asthme allergique, maladie pulmonaire obstructive chronique, bronchite
  • Troubles de la sphère hépatobiliaire : hépatite (virale, chronique), fibrose hépatique, pancréatite, diabète et ses complications
  • Troubles de la sphère vésico-rénale : insuffisance rénale chronique
  • Troubles locomoteurs : ostéoporose post-ménopausique, sénile et secondaire, fracture osseuse (la sauge rouge favorise la cicatrisation osseuse), arthrite
  • Affections cancéreuses : ostéosarcome, carcinome épidermoïde de la tête et du cou, cancer (prostate, estomac, sein, côlon, colorectal)
  • Xérostomie (par hyposialie)
  • Maladies infectieuses : covid-19, SARS, grippe
  • Affections cutanées : acné, psoriasis, furoncle, ulcère, abcès (réduction de l’enflure)
  • Affections oculaires : améliore la vision, retarde la perte de vision (cf. rétinopathie diabétique)
  • Colite ulcéreuse

Modes d’emploi

  • Décoction de racines sèches : dans un demi-litre d’eau froide, faites macérer 10 à 15 g de racine de sauge rouge pendant une dizaine de minutes. Puis portez à gros bouillons. Dès que ceux-ci apparaissent, baissez le feu au maximum et faites doucement réduire la décoction de moitié à petits bouillons.
  • Poudre de racines : comptez 3 g de cette poudre répartis à deux ou trois moments dans la journée. On la trouve parfois conditionnée sous la forme de gélules microdosées.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Récolte : comme nous le savons, la sauge rouge est strictement native de l’est du continent asiatique. Cependant, certains pépiniéristes la proposent à la vente, des grainetiers, comme Kokopelli, disposent de ses semences. Si le cœur vous en dit, vous pouvez tout à fait envisager de vous livrer à la culture de cette plante dont la racine pourra être déterrée dès la fin de l’automne et jusqu’au début du printemps.
  • L’utilisation régulière de la sauge rouge (trois semaines de cure suivies d’une semaine d’arrêt, etc.) ne donne pas lieu à la survenue d’effets indésirables graves. Bien au contraire, « les utilisateurs de cette herbe rapportent généralement une grande satisfaction, y compris une diminution des symptômes de maladies comme le diabète, les maladies cardiaques et l’asthme, ainsi qu’un sentiment général de calme lors de la prise de l’herbe. D’autres utilisateurs signalent que le supplément ne fonctionne pas du tout pour eux »5. Cependant, restent possibles les manifestations désagréables suivantes : réaction allergique (démangeaison), maux de tête, étourdissement, somnolence, essoufflement, désordres gastro-intestinaux (nausée, diarrhée). En revanche, elle est contre-indiquée chez les personnes sujettes à des troubles de la coagulation (et davantage encore chez les personnes traitées à la warfarine, dont la sauge rouge potentialise les effets), ainsi qu’en cas d’hypertension artérielle, d’actes chirurgicaux à venir. On lit parfois que la femme enceinte et celle qui allaite doivent s’en abstenir, mais comme l’inverse est aussi notifié, il est difficile de trancher. Enfin, « les composants de la plante peuvent également diminuer l’activité des enzymes produites par le foie. Étant donné que beaucoup de ces enzymes décomposent les médicaments, la Salvia miltiorrhiza pourrait rendre plus difficile pour le corps d’éliminer les médicaments, y compris les sédatifs et les antihistaminiques »6. On prendra donc garde aux interactions entre ces médicaments et la sauge rouge.

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  1. « Selon des études sur les cellules, Salvia miltiorrhiza peut aider le cœur et diminuer la pression artérielle en activant les canaux ioniques qui aident à élargir les vaisseaux sanguins, diminuant les niveaux de protéines liées au stress dans les cellules des vaisseaux sanguins, aidant les cellules des vaisseaux sanguins à survivre lorsqu’elles sont blessées » (Source).
  2. « La tanshinone VI, un diterpénoïde extrait de Salvia miltiorrhiza, améliore la récupération post-hypoxique de la contractilité myocardique. Cela suggère que la tanshinone VI peut protéger le cœur contre l’hypoxie ou les lésions de ré-oxygénation et améliorer la fonction cardiaque post-hypoxique » (Source).
  3. « L’accumulation de preuves suggère que la sauge rouge et ses composants préviennent les maladies vasculaires, en particulier l’athérosclérose et les maladies cardiaques, y compris l’infarctus du myocarde, l’ischémie/reperfusion myocardique, l’arythmie, l’hypertrophie cardiaque et la fibrose cardiaque » (Source).
  4. « Une série de quatre expériences animales réalisées en Italie a montré que l’extrait de racine de sauge rouge réduisait l’absorption d’alcool par le tractus gastro-intestinal, réduisait le besoin d’alcool, réduisait le taux d’alcool dans le sang et affectait même la capacité de l’animal à distinguer l’alcool de l’eau. Les chercheurs ont conclu que l’utilisation de médicaments semblables à la sauge rouge ‘peut constituer une nouvelle stratégie pour contrôler la consommation excessive d’alcool chez les alcooliques humains’» (Source).
  5. Source.
  6. Ibidem.

© Une publication Books of Dante garantie 100 % intelligence naturelle – 2024

Marché des herbes médicinales de Chengdu (province du Sichuan, Chine).

La rhodiole (Rhodiola rosea)

Après le travail consacré au schisandra en décembre, nous poursuivons l’étude des plantes adaptogènes avec la rhodiole pour bien débuter l’année, qu’au passage je vous souhaite fort bonne ;)

Belle lecture et bon week-end à toutes et à tous :)

Gilles

Synonymes : racine arctique, racine dorée, racine de rose, ginseng tibétain, orpin rose, hong jing tian (红景天), couronne de roi.

Tout lecteur situé à l’occident de l’Europe, entre le 1er siècle après J.-C. et jusqu’à il y a peu, dut parfaitement ignorer l’existence de la rhodiole, tout d’abord parce que durant la fraction la plus reculée de cette période temporelle, on n’escaladait pas les montagnes – chasse-gardée des divinités – non plus que l’on s’aventurait dans les froides contrées où se croise préférablement cette plante qui apprécie rien moins que le froid qu’elle trouve en altitude et aux latitude élevées. Cela explique que pendant environ ces deux millénaires, l’on ait très peu remarqué la rhodiole et ses usages en Europe. Certes, les données la concernant ne sont pas tout à fait absentes, mais elles sont bien maigres en rapport avec celles qui sont parvenues de Scandinavie, de Russie et d’Asie.

Dans sa Materia medica, Dioscoride fit apparaître un très bref chapitre (Livre IV, 37) au sujet « de la racine à odeur de rose que les Grecs appellent Rhodia riza ». Selon lui, broyée et appliquée sur le front et les tempes, elle dissiperait les douleurs de tête. Un commentateur de Dioscoride écrivit même à sa suite que cette plante « fortifie le cerveau par son agréable odeur », ce qui peut être considéré comme les prémices de la littérature thérapeutique à l’égard de la rhodiole (avant même que d’y voir sa spécificité d’adaptogène qu’à l’époque l’on ne connaissait pas, du moins peut-être pas sous ce terme-là). Beaucoup plus tard, à la Renaissance, Léonard Fuchs (1543) puis Jérôme Bock (1551) concédèrent une part de leur attention à la rhodiole dans leur New Kreuterbuch. En 1648, ce fut au tour de Simon Paulli d’accorder une place à la rhodiole dans sa Flora danica. Remarquons qu’à cette époque, les rhizomes de rhodiole étaient vendus en certaines apothicaireries européennes. Grâce à Simon Paulli nous approchons de l’aire de répartition, d’action et d’usage de la rhodiole, en tant que l’homme est scandinave et que l’Europe septentrionale compte parmi les principales zones d’existence de la rhodiole. Mais Paulli écrivait en latin, ce qui lui permettait de se faire comprendre de ses contemporains, attendu que le latin était alors la langue scientifique internationale. Malheureusement, dès lors qu’on se tourne en direction des terres du nord, le panorama s’obscurcit. Hormis ce que l’ethnobotanique est capable de nous transmettre (tant sur les mœurs scandinaves, groenlandaises que russes), il est à remarquer que la relative méconnaissance des langues slaves et scandinaves par les Européens de l’ouest fut sans doute un frein quant à une meilleure compréhension de la rhodiole. Nous pouvons néanmoins en dire un peu à son sujet. A quoi donc servait la rhodiole à tous ces peuples lointains et presque inconnus des Européens ? Cette plante, qu’on dit abusivement viking (comme si « être viking » consistait à appartenir à une ethnie géographiquement identifiée et localisée), il est vrai qu’elle était vantée pour son efficacité à combattre le scorbut d’après Erik Pontopiddan et d’autres auteurs, en raison de son exceptionnelle richesse en vitamine C. Bien des noms vernaculaires norvégiens de la rhodiole disent son attachement indéfectible au rocher (berg) et à la montagne (fjell), symboles de force, de pérennité et de présence intangible. Est-il possible que ces significations aient été transmises du support à ce qui y pousse ? Vu le courage dont sait faire preuve la rhodiole, c’est bien possible. Plus que d’être le symbole de la vie que porte la montagne et le rocher austère battu pas les vents glaciaux, la rhodiole semble aussi avoir bénéficié de l’aura d’une divinité telle que Thor, dieu nordique du tonnerre et de la lumière. Cette promiscuité de la plante avec les hautes sphères divines explique qu’elle soit encore très largement reconnue pour protéger contre le feu de la foudre, à l’instar de la grande joubarbe (Sempervivum tectorum) par chez nous, avec laquelle la rhodiole partage une identique fonction : l’installer sur le toit des maisons permet d’en assurer la protection. Cette présence haut perchée, qu’on s’imagine de plus en plus essentiellement décorative au XXIe siècle (bien que de tels toits ne soient pas si fréquents qu’on le croit en Norvège), renvoie, outre la fonction protectrice, à une mission qui serait également purificatrice (comme semble le suggérer l’un de ses noms norvégiens, systegras), en référence probable à la capacité supposée de la rhodiole d’écarter les mauvais esprits. Si l’on dépasse le cadre de la seule Norvège, l’on constate que des régions les plus nordiques de l’Amérique septentrionale jusqu’aux confins de la Sibérie, la rhodiole a transmis aux hommes qui vivent dans ces différents territoires, des messages à peu près similaires : en Amérique du Nord, les Inuits du Nunatsiavut (territoire autonome géré par les Inuits, situé au nord-est du Québec) et du Nunavik (territoire québecois situé au-delà du 55e parallèle nord) considèrent la rhodiole comme un agent de rajeunissement physique et mental. En Sibérie, on eut la même connaissance intime, car la réputation de cette plante native de contrées contraignantes offrant des conditions d’existence difficiles, est bien établie : elle permet à l’homme de s’assurer une surplus de force physique et d’aiguiser sa mémoire (toutes choses bien utiles quand on vit dans un grand désert glacé immaculée où tout ressemble à tout – du moins pour l’œil extérieur inexpérimenté). Sa vertu bénéfique sur la longévité trouva aussi un large écho, aussi bien en Russie qu’en Géorgie. La rhodiole permettrait, dit-on, d’amener les gens à 100 ans et plus. Autre trait caractéristique : la propension de la rhodiole à tonifier la fonction sexuelle. En Sibérie, l’on affirme que la plante est aphrodisiaque et qu’il suffit d’offrir des rhizomes de rhodiole aux couples nouvellement mariés pour leur garantir la survenue de beaux enfants bien résistants. On la retrouve en tous les cas dans la recette de très nombreuses potions d’amour, peut-être de celle que la légende prête à Daniel de Galicie (1201-1264), qui était vraisemblablement un sacré chaud lapin, collectionnant de nombreuses et innombrables prouesses, dont le rhizome de rhodiole aurait été responsable. (Mais qu’en dit l’histoire ? Je n’ai hélas pas pu mettre la main sur des informations nettes et précises qui feraient le lien entre la rhodiole et cette personnalité, outre ce que l’on nous présente comme une évidence et que l’on débusque partout copiée et collée sans discernement.) Dans le sud du Tyrol, on s’imaginait même qu’une décoction de la plante dans du lait provoquait la grossesse (une étude russe de 2002 paraît aller dans ce sens). L’empirisme compile des siècles de connaissances qui ne sont pas toujours les croyances naïves de peuples irréfléchis. Concernant les pouvoirs de la rhodiole en tant que tonique sexuel, cela fut mis en évidence scientifiquement en 1931 par le botaniste et nutritionniste Leonid Utkin (1884-1964), confirmant de fait les croyances folkloriques sur ce point (ce qui est heureux, tant la science donne parfois l’impression de renâcler à converger vers les mêmes points focaux que l’empirisme). D’un point de vue plus domestique, les usages de la rhodiole sont davantage inégaux : le plus répandu néanmoins était celui permettant de tirer de la plante de quoi se laver les cheveux (Norvège, Islande, îles Féroé). En effet, les tanins dont la plante est bourrée, ça dégraisse le cuir… chevelu ^.^ On la disait même capable de favoriser la repousse capillaire, surtout lorsqu’on employait une rhodiole cueillie avant qu’on n’entende le cri du coucou au printemps. Ensuite, la rhodiole constitua également une nourriture de subsistance, plus rarement en Scandinavie qu’au Groenland, différence qui s’expliquerait par une saveur styptique propre à la Scandinavie et qui n’inciterait pas à une consommation massive de cette plante en Norvège et en Suède, par exemple, bien que de façon exceptionnelle, son rhizome séché fut réduit en poudre avec de l’écorce de bouleau afin d’améliorer l’ordinaire. Du côté du grand nord canadien et de l’Alaska, on observa moins de réticence. On consommait les tiges fermentée, les feuilles et les boutons floraux cuits dans de la graisse ou de l’huile. On en préparait une sorte de « choucroute » en les faisant macérer dans des tonneaux remplis d’eau, après quoi on les égouttait et on les faisait fermenter. On enfouissait même les rhizomes récoltés afin de constituer des réserves pour plus tard. Contrairement à ce que pourrait laisser penser l’ensemble de ces motifs d’utilisation, bien peu de cas semble avoir été fait des qualités médicinales de la rhodiole (du moins, l’on peut penser que la transmission et la conservation des traces de tels usages – s’ils ont eu lieu – n’ont pas été assurées). En Alaska, l’on préparait une infusion théiforme. Parfois, la rhodiole subissait une décoction afin de régler les maux d’estomac et l’inconfort intestinal. On mâchait le rhizome frais dont le suc se mêlait à la salive, puis l’on recrachait ce mélange sur les plaies et les blessures afin de les aider dans leur cicatrisation. La rhodiole était encore regardée comme diurétique, remède oculaire et remède pulmonaire contre la tuberculose et la grippe. Du côté de la médecine traditionnelle chinoise, qui emploie plusieurs rhodioles dont R. rosea, on est plus expansif : la rhodiole agirait principalement sur les organes dont elle tonifie le Qi, lorsqu’il y a déficience de yin (Cœur, Rein, Foie, Rate et Poumon). Elle est globalement considérée comme dissipatrice de la chaleur et contreviendrait donc aux personnes qui ont toujours froid l’hiver (mais comme c’est aussi une tonique surrénalienne, elle agit donc face à la fatigue surrénalienne dont l’un des nombreux critères distinctifs est justement la sensation générale d’avoir toujours froid : elle aurait donc tendance, de fait, à réchauffer ces personnes, ce qui est plutôt contradictoire avec le premier constat que nous avons amené…).

En 1999, Zakir Ramazanov fit paraître un livre intitulé New secrets of effective natural stress and weight management using Rhodiola rosea and Rhododendron caucasicum : the georgian secrets of longevity, stress and natural weight management. Ce biochimiste russe né en 1955 à Moscou émigra aux États-Unis dès la chute de l’empire soviétique en 1991. Il emprunta à cette occasion un seuil permettant de faire transiter des connaissances jusqu’alors jalousement conservées par l’URSS pour cause de Guerre Froide. Ayant emporté avec lui une foule de documents écrits en russe, il en entreprit la traduction en anglais afin de rendre publiques les vertus de la rhodiole aux États-Unis. Grâce à Ramazanov, l’on sait maintenant que la rhodiole participa de la Guerre Froide, depuis sa « redécouverte » par les scientifiques soviétiques dans les années 1960 et son implication dans les domaines spatiaux et militaires. Durant la guerre d’Afghanistan (1979-1989), on trouvait, dans le paquetage des soldats de l’armée soviétique, des racines de rhodiole. Les mamans qui adressaient des colis à leurs fils embourbés dans l’enfer afghan, y adjoignaient également des racines de rhodiole, dans le but qu’ils s’adaptent mieux à cette situation hors du commun (fatigue, angoisse, etc.). Ramazanov lui-même, qui servit comme soldat durant le même conflit, avoua que la rhodiole lui permit de se rétablir à la suite d’un grave choc post-traumatique. En cela, les autorités soviétiques ne s’étaient guère trompées, puisque dès 1969, le ministère de la santé de l’URSS recommandait l’usage de la rhodiole dans le traitement des désordres neuropsychiatriques (syndrome asthénique, névrose, dystonie vasculaire, hypotension, schizophrénie de type asthénique). A la même époque, l’URSS appliqua les mêmes principes au domaine sportif, faisant entrer la rhodiole en ligne de compte afin d’assurer la préparation des athlètes soviétiques aux grandes manifestations sportives telles que les Jeux olympiques. Quand on prend connaissance du palmarès de l’URSS puis de la Russie aux JO organisés entre 1960 et 2000, on peut constater que les adaptogènes eurent probablement leur part de responsabilité dans l’obtention d’un tel résultat : en dix éditions, l’URSS/Russie se plaça première à six reprises en nombre de médailles gagnées et deuxième à quatre reprises, culminant aux JO de Moscou de 1980 avec 195 médailles conquises ! Les sportifs ne furent pas les seuls à profiter des bons effets des plantes adaptogènes : on élargit leur utilisation à bien d’autres domaines : danseurs de ballet, joueurs d’échec, musiciens (pianistes, violonistes), etc.

Ouvrir la boîte de Pandore n’est jamais sans danger. Après l’effondrement du bloc soviétique, la rhodiole fut libre de voguer vers de nouveaux horizons afin de s’y faire une seconde jeunesse, objectif à sa portée vu qu’elle s’y connaît un peu dans ce domaine. Mais, transitant d’un bloc à l’autre, elle tomba nécessairement dans quelque chose qu’elle ne connaissait pas, un truc qu’on appelle le « marché ». Or, sous la pression du même marché, on put constater au fil du temps la quasi disparition de la plante, parfois en quelques années, de zones où, autrefois, elle était endémique et plus ou moins répandue. C’est le cas au Tibet (mais il n’est en aucun cas une exception). En d’autres lieux, certaines espèces de rhodioles ont déjà disparu, d’où les efforts de mise en culture consentis çà et là (Scandinavie, Suisse, Russie, Mongolie, etc.), ce qui permet aujourd’hui de se procurer de la rhodiole de qualité biologique (qui ne remplace certes pas la plante prélevée dans la nature), sans avoir l’impression de passer pour un monstre sans cœur dénué de la moindre once de responsabilité écologique. Mais même la disponibilité de la plante au format biologique (quand bien même elle aurait été cultivée le plus respectueusement possible, en pleine conscience, etc., vous connaissez la musique), ne doit pas nous inciter à faire d’elle un usage inconsidéré, mais toujours réalisé à bon escient. Je discerne, dans tout cela, une chose frappante : on fait venir une plante de zones géographiques inhospitalières afin de pourvoir, en général, des individus citadins, vivant en plaine, au sein d’un climat tempéré, et dont les conditions géographiques et climatiques d’existence n’ont absolument rien de comparable. Cette plante est censée les aider à surmonter des conditions d’existence liées à des facteurs tout à fait différents, c’est-à-dire sociaux, relatifs au travail et à l’idéologie capitaliste ultralibérale qui veut toujours plus avec moins, quitte à ce que ses affidés et pseudo-esclaves se « dopent » avec des plantes venues de pays où ils ne résisteraient pas une minute ! Cela signifie-t-il qu’il faille écumer le monde entier à la recherche de plantes et de molécules qui permettent au capitalisme d’assurer, pour quelques temps encore, sa survie ? La plante adaptogène permettant au chasseur de la toundra de plus facilement nourrir sa famille n’a pas tout à fait la même valeur dès lors qu’on l’applique à la logique d’un marché bien souvent décorrélé du réel, puisque l’adaptogène n’y sert plus qu’à chasser plus de… millions ! Est-ce moral qu’une plante – quelle qu’elle soit – serve bien malgré elle de si sombres méfaits ? Et si jamais il arrive à ce type de plantes d’être délaissées dans leur version naturelle, de manquer à l’appel (disparition, surexploitation, maladie, etc.), et qu’on en décide la culture quand c’est possible, on les parque en rangs serrés comme des esclaves. On comprend un peu mieux pourquoi le marché des compléments alimentaires et des « super-aliments » a le vent en poupe, à l’aune d’une société détraquée, en somme. On ne peut pas, à la longue, arroser d’une plante adaptogène comme la rhodiole, une société malade comme l’est la société occidentale. Une plante ne peut, à elle seule, procurer le bonheur si on ne se l’accorde pas déjà (à) soi-même (hélas, le trafic de drogues au niveau mondial contredit le fondement de cette idée souhaitable…), ni ne peut corriger les erreurs humaines. Si la société est un danger pour ses membres qu’elle rend malheureux, alors il faudra bien en changer, puis ne plus s’évertuer à corriger une erreur en inventant une nouvelle erreur, enfin accorder à la plante un repos bien mérité. Que les plantes adaptogènes enrichissent et éclairent la vie des gens, tel était le vœu d’un homme qui fit énormément pour la connaissance et la vulgarisation des adaptogènes (éleuthérocoque et ginseng entre autres), le pharmacologue russe Israel Brekham (1921-1994), dont le but ultime n’était autre que d’offrir une « pilule » destinée à tous, jeunes comme vieux, riches comme pauvres.

La rhodiole est une petite plante tapissante de la famille des Crassulacées uniquement attachée aux climats montagneux et/ou circumpolaires de l’hémisphère nord. Elle est donc à la fois de nature arctique et alpine, ce qui explique que la carte ci-dessus compte des points jaunes fort éloignés du cercle polaire : vivant en altitude, la rhodiole est présente aussi bien dans la Sierra Nevada californienne que sur les plateaux tibétains. En plus du froid, elle a aussi besoin de terrains secs, siliceux et calcaires, tels que les prairies subalpines, les éboulis et zones rocailleuses de haute montagne. Affectée par la dormance hivernale, la seule fraction subsistante de la rhodiole se tapit dans le sol, sous forme d’un épais rhizome tubéreux et rampant (jusqu’à 5 cm de section), à croissance lente, garni de radicelles glabres. Au printemps, on voit surgir de nouvelles pousses dont l’allure rappelle fidèlement celles de la grande joubarbe, tiges circulaires et raides sur lesquelles s’insèrent des feuilles acuminées de forme ovale, parfois crénelées sur leur pourtour, très rapprochées les une des autres, comme si elles souhaitaient protéger la tige qui les porte comme une carapace, ce qui fait que lorsque la plante est jeune et qu’on l’observe de haut, elle ressemble à un petit chou. Ces feuilles succulentes se parent d’une couleur vert bleuâtre à grisâtre plus ou moins glauque, qui n’est pas sans analogie avec la teinte de certaines euphorbes, bordées de rouge vineux, avant de finir par tourner au rouge orangé flamboyant avec le temps. Bien qu’hydrophobes, les feuilles de la rhodiole ne sont pas couvertes de pruine comme on pourrait l’imaginer au premier abord. La floraison est l’occasion de constater que la rhodiole est dioïque : des fleurs jaunes pour les sujets mâles, rouge vif écarlate à pourpres pour les femelles. Les inflorescences sont organisées en corymbes terminaux de fleurs charnues, serrées les unes à côté des autres en plateau. Chaque fleur compte quatre sépales et quatre pétales exserts (parfois cinq) qui éclosent préférablement au plus fort de l’été.

Dans des villes européennes de basse altitude (Berlin, Varsovie, etc.), il existe des jardins botaniques où il est possible de rencontrer cette sympathique plante robuste qu’est la rhodiole, mais je ne suis pas certain qu’elle s’y plaise autant que dans son habitat naturel. Peut-être est-il préférable d’aller la contempler au jardin botanique du col du Lautaret, perché à une altitude plus proche des standards auxquels la rhodiole est habituée (2100 m).

La rhodiole en phytothérapie

Très rares sont les indications suggérant une utilisation thérapeutique des parties aériennes de la rhodiole, qui ne sont pourtant pas tout à fait dénuées d’activité, si l’on en juge par les nombreux flavonoïdes (comme la quercétine) qu’on y a trouvés, ainsi que le formidable taux de vitamine C qu’abritent les feuilles succulentes de cette plante : 3,3 % (contre « seulement » 1,2 % pour le rhizome, ce qui est déjà très impressionnant). Cela fait de la rhodiole la plus riche source de vitamine C présente dans la fraction septentrionale-circumpolaire du globe. Laissons là les parties aériennes, puisque de tout temps, c’est le rhizome qui emporta les suffrages, et pour cause : bien que de saveur âpre et astringente, son parfum de rose et/ou de violette est suffisamment attrayant pour qu’on le préfère, bien que cela ne puisse pas être là un unique critère sélectif, certes décisif dans l’attribution de son nom latin à la plante (rhodiola et rosea font tous les deux référence à la proximité olfactive du rhizome de rhodiole avec le parfum de la rose). Il importe donc d’aller au-delà de ce signe apparent de bonne disposition à faire du bien (on peut le dire : vous imaginez-vous rencontrer le parfum de la rose quelque part au sein d’un désert glacé et rocailleux où pas grand-chose d’autre ne pousse ?).

Nous avons parlé d’astringence : 9 à 27 % de tanins y sont pour quelque chose, dont de l’acide ellagique et ses dérivés (ellagitanins : pédunculagine, casuarinine, stachyurine, etc.), de l’acide gallique, du gallate de méthyle, des proanthocyanidines, etc. Acides phénoliques (acides caféique et chlorogénique), flavolignanes, méthoxyflavones et flavonoïdes (catéchine, kaempférol, herbacétine, aromadendrine, rodioline, rodionine, rodiosine, etc.) renforcent la part accordée aux polyphénols. Mais ce qui, par-dessus tout, singularise la rhodiole ce sont des phényléthanoïdes dont la salidroside (ou rhodioloside : 0,3 à 2,1 %) et le tyrosol, présents à presque toutes les espèces de rhodiolas, au contraire des corps chimiques suivants que sont les phénylpropanoïdes, en l’occurrence les rosavines A-E, la rosarine, la rosine et la rosiridine.

Propriétés thérapeutiques

  • Adaptogène : non seulement il s’agit de l’un des meilleurs adaptogènes1, mais il fait varier ses effets selon la dose à laquelle on l’administre : à dose unique, il s’associe au système sympathico-surrénalien et permet de fournir un mécanisme de réponse rapide afin de contrôler la réaction aiguë de l’organisme à un stresseur (parallèlement à une réduction de la sécrétion de cortisol, et à celle d’adrénaline et de noradrénaline par le biais de la glande médullo-surrénale et des terminaisons nerveuses du système sympathique). A doses multiples, la rhodiole s’accorde avec l’axe hypothalamo-hypophyse-surrénalien, conjointement à la sécrétion hormonale de l’hypophyse et du cortex surrénalien ; activatrice hormonale (1/ sérotonine, 2/ dopamine, 3/ acétylcholine, 4/ norépinéphrine, 5/ épinéphrine…2), antidépressive, anxiolytique, nootrope, ergogénique (non seulement au niveau des muscles : la rhodiole augmente l’énergie directement au sein des cellules de la plupart des organes), stimulante et régulatrice du système nerveux central, psychostimulante, neuroprotectrice, lutte contre la neuro-inflammation (elle est une réponse au stress)
  • Anti-inflammatoire, anti-oxydante, lutte contre le stress oxydatif, antiradicalaire
  • Cardioprotectrice, anti-arythmique cardiaque, stimulante de la circulation sanguine, anti-thrombotique, hypolipidémique, antihyperlipidémique
  • Antidiabétique, hypoglycémiante
  • Anticancéreuse, cytostatique, antiproliférative, antimutagène3, soutient l’immunité du patient cancéreux
  • Emménagogue, utérotonique (?)
  • Fonction favorable sur la sphère sexuelle, aphrodisiaque
  • Anti-infectieuse (antibactérienne), renforce la capacité de l’organisme à lutter contre les infections par un effet immunostimulant aspécifique
  • Inductrice d’un sommeil sain et réparateur, réductrice de la latence du sommeil
  • Fébrifuge
  • Protectrice cutanée (elle entrave la production de radicaux libres induite par des facteurs exogènes tels que les UV, la pollution atmosphérique, l’air froid et sec, ainsi que toutes les autres choses à même d’affecter la peau)
  • Inhibe la xanthine oxydase, la tyrosinase et la lipoxygénase
  • Améliore la qualité des perceptions visuelles et auditives

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère respiratoire : hypoxie, mal des hauteurs (hypoxie montagnarde, œdème pulmonaire, hypertension pulmonaire), toux (pneumonie, hémoptysie, hématémèse), tuberculose, bronchite, angor, rhume, refroidissement
  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : manque d’appétit, diarrhée
  • Troubles de la sphère cardiovasculaire et circulatoire : AVC ischémique, artériosclérose, insuffisance cardiaque, maladies cardiovasculaires inflammatoires (avec hyperlipidémie, hémogliase et hypertension)
  • Troubles de la sphère gynécologique (aménorrhée, pertes vaginales anormales, dépression de la ménopause) et génitale (impuissance, troubles de l’érection, éjaculation précoce)
  • Troubles du système nerveux : stress4, anxiété, nervosité, apathie, motivation faible, état dépressif léger à moyen, dépression, envie suicidaire, traumatisme, déprime après épisode infectieux, difficulté d’endormissement, hypersomnie, déficit de l’attention, déficience cognitive, hyperactivité
  • Surmenage, épuisement professionnel, burn out, fatigue saisonnière, fatigue surrénalienne, convalescence (après maladie, opération chirurgicale)
  • Troubles locomoteurs : arthrite, douleur articulaire et musculaire, atonie et faiblesse musculaire
  • Diabète et ses complications (névropathie diabétique, ostéoporose, douleur neuropathique, affections cardiovasculaires) : marqué par une progression du stress oxydatif, le diabète de type II est le reflet des phénomènes inflammatoires et pro-oxydants provoqués, entre autres, par une alimentation déréglée (en premier lieu les glucides quels qu’ils soient et les huiles végétales polyinsaturées). Quand on est diabétique et que l’on continue de ne pas se soucier assez de son régime alimentaire dont on ne révoque pas définitivement les pires éléments, l’on perpétue donc les délétères effets du stress oxydatif sur l’organisme (visible entre autres par un dysfonctionnement des cellules β du foie)
  • Maladies neurodégénératives (Alzheimer, Parkinson)
  • Cancer, fatigue physique et déficience cognitive chez le cancéreux
  • Affections cutanées : brûlure, échaudure, blessure topique traumatique avec hématome, autres inflammations cutanées

Note : avant de passer à la section suivante, précisons davantage la qualité de la rhodiole en tant qu’adaptogène. Que ce soit d’un point de vue physique comme psychique, la rhodiole augmente le niveau d’énergie disponible au cours de la journée, ce qui permet à l’organisme une capacité accrue à fournir des efforts plus longs et plus intenses qu’à l’habitude, en augmentant non seulement la force musculaire (par gain de masse), mais aussi l’endurance, la cadence et les performances tant mentales, psychiques que physiques. Physiquement, la rhodiole permet de mieux résister au bruit, au froid, au manque d’oxygène, ainsi qu’à tout autre changement de situation générateur de stress. Et, surtout, elle autorise, après effort, une récupération plus rapide (par exemple, le nombre de battements cardiaques par minute revient plus rapidement à la normale), tout en atténuant les effets physiologiques causées par les facteurs de stress. Enfin, psychiquement, elle soutient les fonctions cognitives en augmentant l’attention et la mémoire, en régulant l’humeur, en adaptant l’organisme au stress émotionnel et en conférant à l’individu un moral d’acier.

Modes d’emploi

  • Poudre de rhizome (parfois préalablement microdosée en salidroside et/ou rosavines) : comptez 0,35 à 1,2 g journellement. Chez le sportif, en montagne, ainsi qu’à haute altitude (avion), il est possible d’augmenter le dosage. On trouve la poudre sous forme de gélules toutes préparées ou en vrac. Lisez bien les étiquettes avant tout achat (provenance, origine, grammage, dosage en salidroside et/ou rosavines, etc.).
  • Décoction de rhizome sec : comptez une cuillerée à café de rhizome brisé en menus morceaux en décoction dans 0,3 l d’eau pendant 2 ou 3 mn, puis laissez infuser pendant encore 10 mn.
  • Extrait hydro-alcoolique : dans un litre d’alcool à 60° (dans l’idéal ; à défaut, du rhum à 50° fera très bien l’affaire), faites macérer 30 à 50 g de rhizome frais de rhodiole pendant au moins trois semaines dans un lieu sombre. A l’issue, filtrez, pressez, exprimez bien les fragments de rhizome. Comptez 20 gouttes de cet extrait par prise, à diluer dans un demi verre d’eau, à raison de trois prises quotidiennes.

Note : il existe aussi des extraits aqueux tout prêts dans le commerce (sous forme d’ampoules… mais ça revient cher), ainsi que d’autres complexes aux compositions délirantes et dont les objectifs avoués regroupent la lutte contre le stress et la fatigue, le regain de bonne humeur, la stabilisation du poids, la fonte graisseuse, la minceur et la légèreté, etc.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • On insiste généralement sur la sûreté de la rhodiole et sur l’absence d’accoutumance et d’effets secondaires graves. De là à dire qu’elle est inoffensive… : « La racine de rhodiole (R. rosea) est généralement bien tolérée. Les effets indésirables les plus courants sont les étourdissements et la sécheresse buccale. R. rosea peut avoir des effets additifs avec les hypoglycémiants en raison de l’α-glucosidase. Elle peut également avoir des effets additifs avec les antihypertenseurs, en raison de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ACE). R. rosea peut augmenter les niveaux des médicaments qui sont des substrats de CYP2C9, et peut avoir des effets additifs avec le losartan (antihypertenseur). R. rosea peut théoriquement augmenter les niveaux de substrats de glycoprotéine P et peut interférer avec les traitements immunosuppresseurs en raison de ses effets immunostimulants »5. Elle n’est pas très compatible avec la grossesse et l’allaitement, ainsi qu’avec les personnes sujettes à l’irritation facile, aux bipolaires, aux insomniaques (en tous les cas, évitez les prises tardives après 16h30 et privilégiez les prises matinales et méridiennes), ainsi qu’à toutes celles ayant des antécédents d’épisodes maniaques, aux personnes traitées par psychotropes, etc.
  • On recommande de procéder par cure de deux à trois semaines, suivies de deux semaines d’interruption, avant de reprendre éventuellement les prises pour deux à trois nouvelles semaines. Contrairement à d’autres plantes lentes à manifester leurs propriétés, la rhodiole n’est pas peu prompte à agir, bien des personnes ayant fait appel à ses bons offices se sont étonnées de ressentir dès les premiers jours des effets très positifs.
  • Adultération : « La variation des constituants phytochimiques présents dans les produits à base de rhodiole disponibles pour les acheteurs européens via Internet et d’autres sources est une cause majeure de préoccupation. L’adultération avec différentes espèces, et d’autres adultérants parfois inconnus, semble être banale. Des systèmes et des pratiques de fabrication de bonne qualité, y compris ceux requis en vertu de la DPMT (Directive sur les produits de phytothérapie traditionnelle), permettent aux consommateurs d’être assurés que les produits sont authentiques et répondent à des spécifications élevées en matière de qualité et de sécurité »6. Dans le commerce, on trouve parfois de la rhodiole qui n’en est pas, Rhodiola rosea ayant été mélangée ou substitué à Rhodiola crenulata qui diffère de par son profil biochimique (sans rosavines).
  • Autres espèces : R. sacra, R. fastigiata, R. bupleuroides, R. kirilowii, etc.

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  1. « Rhodiola rosea est le plus actif des adaptogènes végétaux produisant, dans les trente minutes suivant l’administration, un effet stimulant qui se poursuit pendant au moins quatre à six heures » (Source).
  2. 1 + 2 + 3 + 4 = amélioration de l’humeur et sensation manifeste de bien-être général ; 1 + 4 = stimulation cognitive, etc.
  3. « Il est souligné que les extraits de Rhodiola rosea sont des antimutagènes en raison de leur capacité à augmenter l’efficacité des mécanismes de réparation de l’ADN intracellulaire » (Source).
  4. En sa qualité d’adaptogène, la rhodiole est à même de lutter contre le stress dont on distingue cinq types : physique, psychique, infectieux, métabolique et neuro-endocrinien. On dit d’un adaptogène qu’il doit être capable de renforcer l’organisme à propos de trois de ces cinq types de stress.
  5. Nutramedix.com.
  6. Source.

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