Le moringa (Moringa oleifera)

Certains l’appellent « l’arbre des miracles », d’autres « l’arbre du paradis », et il va bien falloir expliquer pourquoi : s’agit-il d’une hallucination collective ou bien le moringa est-il doté d’un sacré tempérament au point de faire merveille partout où il passe ? Quelques éléments de réponse se trouvent dans ce tout nouvel article.

Un beau week-end à toutes et à tous :)

Gilles

Synonymes : moringue, mouringue, mourongue, neverdier (dans la langue bambara : névrédié), arbre aux baguettes de tambour, arbre de vie, arbre d’éternité, arbre miracle, le meilleur ami de la mère.

C’est sans énormément d’espoir que je me suis hasardé à consulter La mythologie des plantes d’Angelo de Gubernatis lors de ma collecte de données au sujet du moringa. Pourquoi pas, après tout, me suis-je dit en mon for intérieur ? Ces recherches ne me donnèrent pas plus qu’une fois l’occasion de satisfaire ma curiosité, puisque la lecture du premier tome m’a permis de mettre la main sur une mention bien esseulée du mot « moringa », curieusement placé comme adjectif dans le nom latin binominal que voici : Hyperanthera moringa, synonyme du nom latin usuel du moringa, à savoir Moringa oleifera. C’est ce même arbre que l’on croise aussi dans un ouvrage plus tardif, le Cours élémentaire de matière médicale de Desbois de Rochefort, sous un autre synonyme latin, Guilandina moringa. Bien avant encore, on en trouve trace dans Lémery qui assure que « sa racine est estimée un alexipharmaque propre contre les poisons, contre les maladies contagieuses, contre les morsures des serpents les plus venimeux et des autres insectes, contre la colique, contre la ladrerie ; on s’en sert extérieurement et intérieurement »1. Si l’on poursuivait notre remontée dans le temps, l’on s’apercevrait que l’Antiquité (Grèce, Rome, Égypte) avait parfaite connaissance de cette plante dont elle usait des semences dans les cosmétiques et les parfums. Plus loin encore, la médecine ayurvédique nous expliquerait les vertus thérapeutiques du moringa face au paludisme, aux douleurs articulaires, à l’asthme et aux calculs rénaux. Sur ce dernier point, l’on se rapproche des raisons qui amenèrent Desbois de Rochefort à dérouler une demi page au sujet de cet arbre dans les termes suivants : « Ce bois appartient à un arbre du Malabar, de Ceylan et du Mexique, qu’on nomme Guilandina moringa, L. Il n’a pas d’odeur, et ne fait sentir au goût qu’une légère amertume ; il contient un principe gommeux et un principe résineux (celui-ci est plus abondant que l’autre), et très peu d’huile essentielle. Ce bois a été, et est encore très employé dans les maladies des reins. Cependant je l’ai employé à haute dose et continué longtemps, sans en retirer aucun effet. Peut-être sa réputation n’est-elle due qu’aux substances vraiment efficaces avec lesquelles on le joint ordinairement, comme les baumes, etc. On le donne en infusion aqueuse ou vineuse, à la dose d’un gros jusqu’à une once »2. Ici, je souhaiterais mettre en perspective les propos de Desbois de Rochefort avec le peu qu’en dit Angelo de Gubernatis à propos du moringa, qui tient en une phrase, que voici : « Différentes plantes indiennes ont tiré leur nom de la lumière »3. Il explique un peu plus loin que le moringa en fait partie. On pourrait en conclure que cet arbre est protecteur face aux démons (dans le cas contraire, pourquoi donc en planterait-on sur les places de la plupart des villages d’Inde et d’Afrique ?). Rappelez-vous aussi des prétendues vertus alexipharmaques du moringa. N’est-ce point de cette réputation que lui viendrait le nom de névadaye, francisé en neverdier, anglicisé en never die, d’où ses fréquents surnoms d’arbre de vie ? Celui-ci n’est-il pas censé être la lumière du monde, derrière laquelle les âmes humbles et les esprits modestes s’abritent ? Et ces démons, face auxquels la lumière du moringa est censée lutter, ne peut-on y voir une figuration des maladies ? Et dans cette lumière les nombreuses vertus thérapeutiques de cet arbre (dont il nous faudra rendre compte tant leur caractère précieux les rend incontournables au XXIe siècle) ? Mais, avant cela, tentons de mettre en évidence le caractère hégémonique dont a su faire preuve le moringa.

Aujourd’hui, si l’on observe attentivement une carte de répartition mondiale du moringa, l’on peut constater sans peine qu’il s’est bien éloigné de son fief natal, une zone située au nord-ouest de l’Inde. En effet, il peuple plusieurs continents, essentiellement dans les zones tropicales et intertropicales, ce qui représente un large territoire sur lequel prospérer : l’Afrique4, l’Asie5 et l’Amérique du Sud6. On le trouve encore à l’état de culture au Moyen-Orient (Arabie-Saoudite), ainsi qu’en certains états des USA relativement adaptés par leur climat aux exigences du moringa comme la Floride et Hawaï. Mais il ne s’est pas établi dans tous les pays compris entre les tropiques du Cancer et du Capricorne parce qu’il serait, comme d’autres plantes, une espèce invasive (selon l’être humain lambda-bêta, une espèce invasive soumet l’homme et son environnement à plus de complications qu’elle n’est capable de lui prodiguer de bienfaits, ce qui n’est pas autre chose qu’une vue de l’esprit). Non, non, si le moringa s’y trouve, c’est parce qu’il y a été invité ! Par exemple, au début du XXe siècle, Joseph Orme signalait sa présence sur l’île de la Réunion où on le cultivait.

Expliquons donc quelles sont les raisons qui poussèrent les hommes à implanter chez eux cet arbre venu d’ailleurs. Nous pouvons en déceler au moins deux, d’une importance cruciale : alimentaire et médicinale. En Inde, cette plante ayurvédique qu’est le moringa joue également le rôle de plante vivrière en compagnie de la noix de coco et de bien d’autres plantes, à l’instar du kanjero (Digera arvensis, une amarantacée). On l’y cultive pour ses feuilles et ses fruits (consommés frais, conservés au vinaigre, etc.). Cette fonction alimentaire s’est également étendue à l’Afrique. Selon les pays, le moringa y côtoie d’autres plantes prometteuses du même type. Il y est si fréquent qu’on s’imagine parfois qu’il est originaire du continent africain. Dire qu’il y fait des miracles, ça n’est pas usurper sa réputation, puisqu’il fait profiter, en particulier auprès des populations les plus pauvres, de ses bienfaits qui ne sont pas que médicinaux (ils le sont davantage de notre point de vue européen, pour qui la valeur alimentaire du moringa est moins pertinente), mais alimentaires principalement, contrecarrant les délétères effets endémiques de la dénutrition et, plus grave encore, de la malnutrition, obviant, un peu, aux douloureux problèmes de l’anémie et des carences diverses, porte grande ouverte aux maladies. Par exemple, il faut savoir que « la dénutrition contribue à 45 % des décès dans le monde chez les enfants de moins de 5 ans, avec un temps d’intervention optimal avant l’âge de 24 mois. Le microbiote du lait maternel aide à établir le microbiote intestinal infantile et a un impact sur la santé intestinale et nutritionnelle du nourrisson […] Les feuilles de Moringa oleifera fournissent des concentrations élevées de nutriments (y compris les protéines, le fer, la provitamine A) et augmentent la production de lait ; cela peut améliorer la quantité et la qualité du lait maternel et améliorer la santé infantile »7. Le moringa est-il, pour autant, aussi galactogène qu’on le dit ? Si on pas mal ergoté sur le statut controversé du moringa en tant que plante galactogène, il apparaît cependant qu’« il semble influencer plusieurs variables pendant la grossesse et dans la période postnatale comme le profil hématologique de la mère, la production de lait, le développement socio-personnel de l’enfant et l’incidence de la morbidité au cours des six premiers mois de vie »8. Dire en revanche que c’est une bonne plante de la femme, c’est ne pas se tromper. Et s’assurer de la réalité des propriétés galactogènes du moringa permettrait de comprendre dès lors mieux son surnom de « meilleur ami de la mère » qu’on lui octroie parfois. Comment est-il parvenu à opérer un tel tour de force ? Pour répondre à cela, il faut s’intéresser au rôle agro-écologique crucial du moringa. « Les moringa produisent des espèces agroforestières polyvalentes très prometteuses en raison de leur culture facile, de leur croissance rapide et de leur adaptation à un large éventail de conditions environnementales »9. Il exige peu d’entretien et devient rapidement productif. Il améliore la qualité des sols, lutte contre les effets de la déforestation et résiste sans peine durant la moitié de l’année à la sécheresse. Ses racines en pivot fouillent profondément le sol à la recherche de l’eau souterraine. De plus, comme elles sont tubéreuses, elles retiennent l’eau qu’elles captent comme des éponges. Lorsque la plante est coupée, que ses jeunes feuilles sont grillées par le soleil, l’arbre reverdit aussitôt les premières pluies tombées. C’est pourquoi on le trouve aussi dans les zones arides et semi-arides du globe, dans lesquelles les précipitations sont comprises entre 250 et 1500 mm annuels. Non seulement capable de stocker l’eau dans ses réserves, il est aussi en mesure de purifier celle qui n’est pas immédiatement consommable par l’homme. Ce sont deux auteurs français, Jean Kerharo et Armand Bouquet, qui consignèrent ce fait dans un livre paru en 1950 : au Soudan, dans la région du Kordofan septentrional, les femmes soumettent les graines du moringa à une utilisation domestique pour le moins originale et utile afin de purifier l’eau tirée du Nil. Pour cela, rien de plus simple : elles broient des graines puis les mélangent à l’eau. Elles remuent le tout pendant cinq minutes, puis abandonnent l’eau à un repos de deux heures. Par floculation, les graines de moringa débarrassent l’eau de la plupart de ses impuretés et éliminent jusqu’à 98 % des bactéries, la rendant ainsi buvable sans encombre (en laboratoire, 200 mg de graines broyées sont suffisants pour purifier un litre d’eau). Comme si cela ne suffisait pas, le moringa est aussi un dépolluant du cadmium, décontamine l’eau de son palladium et offre sa protection face à d’autres polluants comme le pétrole10 ! Ajoutez à cela que le feuillage du moringa est un excellent fourrage pour les animaux et qu’il représente aussi un engrais vert non négligeable, que son bois de chauffe et de construction est rapide à obtenir, etc., comment ne pas le considérer comme une manne tombée du ciel, ce que peut traduire son surnom d’arzan tiiga, autrement dit « arbre du paradis » ? Quand, enfin, il a pris le temps de mener à bien toutes ces fonctions salutaires, il lui arrive encore d’être convié par le médecin, parce que, après enquête auprès des guérisseurs traditionnels, il s’avère que cette plante est mise à profit pour soigner l’hypertension (Congo) et lutter contre le cancer (Malawi). Quant aux Européens, qui le connaissent un peu sous forme de poudre ou de feuilles sèches émiettées, s’ils ont la chance d’échapper aux deux affections citées ci-dessus, ils n’en sont pas moins exposés au diabète, par exemple, ce qui n’est en rien une perspective réjouissante (à terme, le diabète est une maladie mortelle, rappelons-le), d’autant plus qu’on le subit à un âge de moins en moins avancé (ce qui signifie que l’on passe plus de temps de son existence à supporter la maladie). Aussi, le moringa, entre autres antidiabétique, apparaît-il comme l’une des armes permettant de s’assurer une longévité accrue en bonne santé, ce qui n’est possible qu’en l’associant à une hygiène alimentaire saine qui bannit la plupart des glucides, dont les sucres, nos ennemis mortels, ainsi que les huiles végétales polyinsaturées, autre poison que l’on passe sous silence bien trop souvent à mon goût et que, au contraire, l’on encense dans la plupart des cabinets de naturopathie ! Avec la mode des « super aliments » et des alicaments, le même Européen aura tout lieu de se méfier de la provenance du moringa dont il fait l’acquisition, car comme cet arbre ne se développe pas en Europe, nous sommes entièrement tributaires de l’étranger en ce qui concerne les approvisionnements. La méfiance est de rigueur quand l’on sait que des individus peu scrupuleux, sentant le vent de la demande émanant de l’Occident tourner favorablement pour eux, n’hésitent pas à entreprendre la culture du moringa à marche forcée. C’est ainsi qu’en Tunisie, on a mis en place une culture intensive du moringa afin de le vendre sur le marché européen. Outre que cette pratique représente un coût écologique considérable (des terres agricoles sont détruites, de l’eau est détournée, etc.), le moringa qu’elle produit n’a pas plus de valeur que le brocoli californien conventionnel dénué de toutes qualités nutritionnelles. De plus, il entre en concurrence avec le moringa équitable, 100 % biologique et naturel, dénué de tout produit chimique dangereux, celui-là même qu’il faut préférer pour toutes ces raisons.

Le moringa est un arbre d’assez modeste stature, puisqu’il n’excède généralement pas la dizaine de mètres. Sa « silhouette maladroite, chaotique, comme brisée, est familière à tous les habitants des zones rurales »11, habitués à son écorce qui rappelle la texture et la nature du liège et ses rameaux au bois mou, qui signalent, ce me semble, une accointance du moringa avec les forces humides du dessous et le combat qu’il mène sans relâche afin de ne pas sombrer dans le feu de la fournaise des pays dans lesquels on le trouve de plus en plus abondamment. Cette résistance au feu solaire lui permet sans dommage d’endurer des températures moyennes de 25 à 40° C (mini : 1 à 3° ; maxi : 38 à 48°). Le moringa est aisément reconnaissable à l’allure de ses feuilles composées longues d’un demi-mètre qui feraient presque croire à l’appartenance du moringa à la famille nombreuse des Fabacées, alors qu’il n’en est rien (c’est l’un des quelques représentants de la petite famille botanique des Moringacées, comprenant treize espèces répandues aux régions semi-arides d’Afrique, de Madagascar, d’Arabie-Saoudite et d’Inde). Caduques, ces feuilles tripennées possèdent des folioles attachées par un petit pétiole. Quant aux inflorescences, qu’on a plutôt tendance à méconnaître au profit des feuilles, elles s’organisent en grappes très parfumées de fleurs blanc crème comptant cinq pétales. La fructification les transforme en fruits longilignes de 20 à 25 cm qui pendent dans le vide à la manière des « baguettes » du catalpa. Leur allure de gousse renforce encore la similitude avec les Fabacées. Mais dès lors qu’on les ouvre, la ressemblance s’évanouit : serties dans une pulpe spongieuse, on y trouve de nombreuses graines en rien semblables à des haricots, et pour cause, elles ont comme caractéristique originale d’être trigones et triplement ailées, bien que très légèrement.

Le moringa en phytothérapie

Le moringa est tant plébiscité pour ses vertus alimentaires et thérapeutiques depuis une vingtaine d’années, qu’en établir le portrait biochimique peut s’avérer complexe, tant la recherche scientifique s’est ingéniée à le disséquer sous toutes les coutures, s’attachant à établir nombre de données concernant aussi bien ses fruits, ses graines que ses feuilles. Dans sa quasi intégralité, la plante rappelle, par son odeur, l’essence de moutarde : il n’y a pas de hasard a ce qu’on ait fait une association entre l’odeur de sa racine et le raifort, celle de ses feuilles et le cresson. Il n’est pas très étonnant de réunir ici-même ces trois brassicacées quand l’on sait que ce qui les unit chimiquement au moringa, ce sont les glucosinolates, le nom moderne de ce que, autrefois, l’on appelait hétérosides soufrés, souvent responsables de la saveur âcre des aliments qui en contiennent, mais également de leur caractère lacrymogène, de même que les thiocarbamates (niazinines A et B, niazicine A, niazimine A, niaziminine B) et les isothiocyanates (moringine). C’est donc sans surprise que l’on apprendra que le moringa est riche en soufre. Mais avant d’aller imaginer qu’il n’est pas autre chose qu’un brocoli géant, sachez également que le soufre n’est pas le seul élément minéral que compte cette plante, puisqu’on y a décelé de nombreux sels minéraux et oligo-éléments (7 à 11 %) qui participent à la valeur alimentaire et thérapeutique du moringa : fer, calcium, potassium, zinc, magnésium, sélénium, manganèse, cuivre, cobalt, chrome, aluminium, nickel. Le moringa est en revanche pauvre en phosphore. A ce contingent minéral s’en ajoute un autre, de nature vitaminique (provitamine A, vitamines B1, B2, B3, B6, C, D, E, K). D’un point de vue plus strictement nutritionnel, attribuons à cet article quelques données chiffrées qui donneront mieux compte du profil moléculaire des feuilles de moringa que, dans bien des pays, l’on consomme comme légume :

  • Eau : 8 % ;
  • Lipides : 10 à 32 % ;
  • Glucides (dont fibres) : 40,5 à 42,5 % ;
  • Protéines : 22 à 29 %, dont des peptides, ainsi que les huit acides aminés essentiels (leucine, isoleucine, lysine, méthionine, thréonine, phénylalanine, valine, tryptophane) et quelques autres (asparagine, proline, acide aspartique, acide glutaminique, GABA).

Si l’on additionne tous ces composants, on se rend compte qu’ils occupent la majeure partie de la composition biochimique du moringa. Or, pour accéder à la complétude, il faut savoir aller chercher dans le détail des éléments qui, bien que n’étant présents qu’en infime quantité parfois, n’en sont pas moins efficaces (la Nature prend soin de diluer ces éléments dans les tissus des plantes, afin que leur consommation n’occasionne aucun trouble fâcheux). Voyons donc voir de quoi il retourne pour le moringa : des acides organiques (malique, acétique, citrique, succinique, cinnamique), des saponines, des lignanes, une très faible quantité d’alcaloïdes (trigonelline, etc.), des lactones (osthrutine), enfin diverses hormones végétales comme la zéatine et l’acide abscissique. Mais ce qui tient le haut du pavé, chez le moringa, ce sont les polyphénols, substances de plus en plus étudiées et décrites, et pour cause, elles s’avèrent anti-oxydantes et antiradicalaires, donc à même de venir lutter contre les maladies à caractère inflammatoire que connaissent nos sociétés occidentales modernes. Parmi ces polyphénols, les plus massivement présents ce sont les flavonoïdes, tant par la masse moléculaire que par leur nombre (on en compterait au moins une demi centaine), et parmi lesquels des noms nous sont déjà bien connus (apigénine, rutine, astragaline, catéchine, myricétine, quercitrine, glucosides de kaempférol, de lutéoline et de quercétine), d’autres moins (querciméritrine, gossypétine, vicénine-2, undulatoside A). A ceux-ci, s’ajoutent des caroténoïdes, des pro-anthocyanes et ces molécules non moins précieuses que sont les acides phénoliques, également pléthoriques (acides férulique, caféique, chlorogénique, néochlorogénique, gallique, coumarique, vanillique, syringique, trichosamique, stéaridonique, etc.).

Tout ce que nous venons de dire jusque-là concerne les feuilles du moringa, partie végétale la plus fréquemment disponible dans le commerce de détail en France (on trouve aussi, à de rares occasions, les graines, mais cela reste anecdotique : encore faut-il savoir quoi en faire). Mais il est une autre raison de s’attacher au moringa, contenue dans ses graines même et qu’on en extirpe dès qu’elles sont bien mûres et séchées : une huile très fine qu’on appelle communément huile de ben (ou huile des horlogers). 26 à 38 % du poids d’une graine sèche sont constitués d’un assemblage lipidique de couleur jaune, toujours fluide (sauf à 0° C, seuil à partir duquel il devient solide), très résistant à l’oxydation. De goût fade et presque sans odeur (c’est à cela qu’on peut repérer une huile de ben de bonne qualité, au contraire de celle obtenue par expression à chaud qui est âcre, amère et cathartique), cette huile végétale peut néanmoins s’utiliser aux mêmes fins que l’huile d’olive. De densité généralement comprise entre 0,912 et 0,917, l’huile végétale de ben possède une composition biochimique bien particulière, exprimée de façon chiffrée ci-dessous :

  • ACIDES GRAS SATURÉS : 13 à 24 % dont acide palmitique (5 à 9 %), acide stéarique (5 à 10 %), acide arachidique (3 à 5 %), acide béhénique (2 à 9 %) ;
  • ACIDES GRAS INSATURÉS : 74 à 82 % dont acide oléique (65 à 80 %), acide palmitoléique (< à 3 %), acide linoléique (0 à 1 %), acide linolénique (0,1 à 0,2 %).

Note : l’acide béhénique (ou docosanoïque), bien qu’acide gras saturé, est cependant formé d’une longue chaîne de carbone (cette molécule comprend 22 atomes de carbone) et, comme tous les acides gras à longue chaîne, il est mal absorbé par l’organisme au niveau de l’intestin grêle.

Propriétés thérapeutiques

  • Anti-infectieux : antibactérien sur plusieurs germes Gram + et Gram -, mais plus efficacement sur ceux de nature positive (Staphylococcus aureus, Enterococcus faecalis, Bacillus anthracis, B. subtilis, Salmonella enteritidis, Porphyromonas gingivalis, Escherichia coli, Streptococcus sp., Proteus mirabilis, Pseudomonas aeruginosa, Mycobacterium phlei, M. tuberculosis), antiviral, antifongique (Cryptococcus neoformans, Aspergillus flavus, A. niger, Penicillium crysogenum, Candida albicans), antiseptique, immunostimulant (soutient une réponse immunitaire saine, maintient l’homéostasie du système immunitaire)
  • Anti-oxydant (de plus, le moringa augmente la sécrétion d’enzymes anti-oxydantes dans le cerveau), lutte contre le stress oxydatif, antiradicalaire, réducteur de la peroxydation lipidique, anti-inflammatoire
  • Anticancéreux, antitumoral, cytotoxique, anti-proliférant, pro-apoptotique
  • Digestif, carminatif, anti-ulcéreux gastrique, gastro-protecteur, laxatif, purgatif, protecteur hépatique
  • Antihypertenseur, stimulant cardiaque et circulatoire, régulateur de la glycémie sanguine (hypoglycémiant), dépuratif du sang, antihyperlipidémique, abaisse le taux d’insuline sanguin12, 13
  • Diurétique, protecteur rénal
  • Neuroprotecteur, améliore le fonctionnement cérébral, anti-épileptique, augmente la mémoire et les fonctions cognitives, apporte davantage de clarté mentale tout en stabilisant l’humeur
  • Modère les effets du vieillissement cutané, photo-protecteur, assainissant du cuir chevelu, stimulant de la repousse capillaire
  • Antispasmodique
  • Antipyrétique
  • Favorise la bonne santé osseuse
  • Améliore la vue
  • Stimulant du sperme : c’est une chose d’autant plus étonnante que l’on apprend, dans certaines études, que le moringa posséderait une action entravant la fertilité… On dispose d’assez peu de sources permettant d’asseoir le contraire. On sait néanmoins que le moringa exerce un effet notoire sur la spermatogenèse du… lapin, qu’il améliore la fonction testiculaire chez le… rat (on fait ce qu’on peut avec ce qu’on a !…). Pour l’instant, il passe pour davantage bénéfique pour les animaux mâles que femelles, auprès desquels on observe un impact à travers l’axe hypotalamo-hypophysaire-gonadique. Enfin, un article de 2019 révélait ceci : « Moringa oleifera est un aliment de base important, connu pour sa valeur nutritionnelle et médicinale, et il est généralement prescrit par les herboristes au Nigeria et dans d’autres pays tropicaux pour le traitement des problèmes d’infertilité masculine et des maladies de la reproduction chez les femmes. Bien que les propriétés aphrodisiaques et le potentiel d’amélioration de la fertilité chez les mâles aient été rapportés, les mécanismes sous-jacents de l’activité restent incertains »14

Ajoutons quelques informations concernant les autres fractions végétales du moringa :

  • Fleur : tonique, stimulante, diurétique
  • Écorce de racine : antivirale, anti-inflammatoire, analgésique
  • Huile de ben : adoucissante, émolliente, hydratante, restructurante et réparatrice cutanée, cicatrisante, anti-inflammatoire

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère hépatobiliaire : résistance à l’insuline, stéatose hépatique non alcoolique, diabète du type II, hyperlipidémie15, hyperglycémie, obésité16
  • Troubles de la sphère vésico-rénale : goutte, rhumatisme, hydropisie, œdème, névropathie diabétique
  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : constipation, colite ulcéreuse, MICI
  • Troubles de la sphère respiratoire : bronchite, asthme, rhume
  • Troubles du système nerveux : maladies neurodégénératives (Alzheimer, AVC, Parkinson, démence…), stress, anxiété, insomnie
  • Troubles locomoteurs : spasmes musculaires, convulsions, douleur articulaire, renforcement des os fragiles, ostéoporose
  • Affections cancéreuses : mélanome, lymphome, cancer du sein
  • Affections cutanées et du cuir chevelu : plaie, vieillissement cutané, infection de la peau, cheveux gras
  • Troubles de la sphère cardiovasculaire et circulatoire : migraine, hypertension artérielle

Note : le moringa est encore profitable à toutes les personnes fatiguées, empreintes de faiblesse générale, anémiées et carencées parce que malnutries, à toutes celles qui se remettent d’une asthénie physique et/ou psychique consécutive(s) à un épisode morbide ou à une hospitalisation, aux convalescents, aux valétudinaires, aux dépressifs, ainsi qu’aux femmes allaitantes ou celles confrontées à la ménopause. Le sportif saura aussi apprécier son aide, puisque le moringa est capable de retarder l’accumulation d’acide lactique durant l’effort. Pour en terminer là, on peut encore faire une remarque d’importance : le moringa est un atout de la bonne santé gériatrique17.

Note 2 : l’huile de ben s’adresse essentiellement au soin de la peau et des cheveux (rougeur cutanée, peau grasse, trop sèche, squameuse, mâture, rides et ridules, cheveux gras, etc.).

Modes d’emploi

  • Infusion de feuilles sèches de moringa : comptez une cuillerée à café de feuilles sèches émiettées pour une tasse d’eau, en infusion pendant 10 mn. Comme le moringa n’apprécie pas trop les hautes températures, on prendra soin d’opérer alors qu’elles ne dépassent pas 85° C. Cette recommandation exclut, de fait, toute décoction de la plante. D’ailleurs, afin de favoriser l’extraction des éléments contenus dans les feuilles de moringa, il est plus judicieux d’augmenter le temps d’extraction que la température à laquelle elle se déroule. On peut ainsi pousser la durée de l’infusion jusqu’à 30 mn. En ce cas, on enferme la quantité de plante nécessaire dans un pochon en toile textile, puis on le glisse, retenu par une ficelle, dans une bouteille thermos de volume convenable et emplie d’une eau chauffée à 85° C. La déperdition de chaleur étant moindre, l’extraction n’en sera que meilleure après une demi-heure passée dans le bain.
  • Poudre de feuilles : elle s’ingère à raison d’une cuillerée à café par dose unitaire et se mélange, pour ce faire, à un jus de fruit, à du lait (y compris végétal) ou à tout autre liquide, même chaud, qui respecte la marge thermique de 85° C à ne pas dépasser.
  • Macération alcoolique : elle s’obtient en faisant macérer la poudre dont nous venons de parler dans de l’alcool à 70° (si possible), pendant trois semaines consécutives. Pendant ce laps de temps, il est utile de remuer et de secouer la macération.
  • Huile de ben : au gré des besoins corporels et capillaires, elle peut s’additionner à d’autres huiles végétales ou essentielles. Elle est particulièrement adaptée au massage long et profond.
  • Feuilles fraîches frictionnées localement sur l’instant (ne vaut que sous les latitudes où prospère le moringa, bien entendu).
  • Graines : au contraire du point précédent, les consommer est possible, puisqu’on trouve maintenant dans quelques boutiques spécialisées des sachets de ces graines, qu’ingénieusement l’on range auprès de tous ces soi-disant « super aliments », ce qui n’est pas autre chose que du marketing. N’ayant jamais consommé le moringa sous cette forme, je ne puis vous en dire davantage au sujet de ces graines.

Note : dans le commerce de détail, l’on croise une multitude de spécialités faisant appel aux pouvoirs thérapeutiques du moringa, comme divers mélanges de plantes utilisables comme infusion de confort, des crèmes capillaires, des shampooings, etc.²

Selon que l’on utilise l’eau ou l’alcool comme extractif, l’on n’obtient pas, in fine, tout à fait les mêmes composants dans les macérations. Si l’eau s’empare préférablement des tanins, des saponines et des flavonoïdes du moringa, la macération alcoolique extirpe en commun uniquement les flavonoïdes et va chercher dans la trame des tissus de la plante des substances inaccessibles à l’eau, comme les alcaloïdes et les acides phénoliques. Il va donc de soi qu’une teinture alcoolique obtenue avec de l’alcool à 70° n’a pas la même destination qu’une infusion. Mais il n’est pas impossible d’unir les forces de ces deux préparations. On dit souvent que les extraits éthanoliques prévalent sur leurs homologues aqueux comme antibactériens, par exemple. Mais tant l’extraction par l’alcool que celle par l’eau sont capables de retirer du moringa des classes moléculaires réputées lutter contre les infections : c’est le cas des alcaloïdes, des phénols, des tanins et des saponines.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Nous avons dit plus haut de l’huile de ben qu’elle portait le bien curieux nom d’huile des horlogers. C’est-à-dire qu’outre ses emplois plus « conventionnels » en savonnerie, cosmétique et parfumerie (elle est utilisée pour l’extraction des essences aromatiques), elle est mise à profit par l’industrie horlogère car elle ne rancit pas, assurant aux pièces mécaniques le meilleur fonctionnement possible.
  • Le moringa est déconseillé durant la grossesse et ne doit pas être usité concomitamment à un traitement antidiabétique ou antihypertenseur. Par ailleurs, comme cette plante médicinale est susceptible d’accroître la coagulation sanguine, les personnes à risque (caillot sanguin, thrombose, hémogliase) s’en méfieront. Point supplémentaire non négligeable, on ne lui connaît aucune cytotoxicité. Cependant, le moringa est capable de diminuer l’efficacité des médicaments contenant de l’hormone T4 (en inhibant la conversion de cette hormone en hormone T3). Enfin, il peut encore inhiber les enzymes P450 CYP3A4, ce qui peut mener au ralentissement du métabolisme de certains médicaments.
  • Alimentation : dans de très nombreux pays, on fait un large usage culinaire du moringa (fruits, graines, fleurs, feuilles et racines). Par exemple, les feuilles, dont le goût se rapproche de celui des feuilles de navet, se consomment à la manière du cresson et des épinards, plus communément comme brèdes. A l’état cru, il est possible de les substituer aux feuilles de coriandre fraîche afin d’aromatiser certaines recettes de curries, des salades, etc. Les gousses, encore tendre, sont cuites à l’eau et consommées comme des asperges, en tant que légume d’accompagnement, sautés, etc. Quant aux graines, elles font office d’amuse-gueule durant l’apéritif. Enfin, la racine du moringa, de saveur très piquante, mérite pour cela son usage condimentaire en tant que succédané du raifort, etc.
  • Autres espèces : le moringa africain (Moringa stenopetala), le moringa voyageur (Moringa peregrina), etc.

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  1. Nicolas Lémery, Dictionnaire universel des drogues simples, p. 578.
  2. Louis Desbois de Rochefort, Cours élémentaire de matière médicale, Tome 1, p. 448. Dans une édition plus tardive (1817), on trouve la note de bas de page suivante : « On croit que c’est du fruit et de la noix du Guilandina moringa qu’on retire par expression l’huile de behen ou de been » (Ibidem, Tome 2, p. 11).
  3. Angelo de Gubernatis, La mythologie des plantes, Tome 1, p. 209.
  4. Madagascar, Réunion, Mozambique, Congo, Ouganda, Kenya, Éthiopie, Soudan, Libye, Tunisie, Algérie, Sénégal, Guinée-Bissau, Côte-d’Ivoire, Burkina Faso, Ghana, Nigeria, Cameroun, etc.
  5. Népal, Chine, Corée du Sud, Japon, Philippines, Indonésie, Malaisie, Cambodge, Singapour, Bangladesh, Sri Lanka, etc.
  6. Nicaragua, Caraïbes, Bolivie, Colombie, Pérou, Brésil, Équateur, Paraguay, etc.
  7. Source.
  8. Source.
  9. World Review of Nutrition and Dietetics : Plants in human health and nutrition policy, p. 56.
  10. « Le pétrole brut endommage le foie et augmente la génération de radicaux libres. C’est peut-être ce qui se passe chez les humains et les animaux vivant dans la région du delta du Niger au Nigeria qui sont continuellement exposés au pétrole brut après l’exploitation. Moringa oleifera a pu atténuer cet effet, ce qui en fait un agent hépatoprotecteur puissant contre l’exposition aux hydrocarbures » (Source).
  11. Francis Hallé, Plaidoyer pour l’arbre, p. 119.
  12. « Les feuilles de Moringa oleifera ont le potentiel de réduire les taux d’insuline, les taux de glucose dans le sang, le TNF-α et le nombre de follicules chez les patients atteints du syndrome des ovaires polykystiques » (Source).
  13. « Le glucose, l’insuline et le HOMA-IR étaient significativement réduits » (Source).
  14. Source.
  15. « La stéatose hépatique non alcoolique, la résistance à l’insuline […] étaient associées à l’hyperlipidémie » (Source).
  16. «  Le moringa a modifié positivement la composition du microbiote intestinal, augmentant de manière significative l’abondance de bactéroïdes, de Ruminococcus sp. et d’Oscillibacter sp., tout en diminuant l’abondance relative de Blautia sp., d’Alistipes sp. et de Tyzzerella sp., qui sont étroitement associés à l’obésité » (Source).
  17. «  Le vieillissement en santé est très important. La nutrition et la santé des personnes âgées sont souvent négligées. Les interventions nutritionnelles pourraient jouer un rôle important dans la prévention des maladies dégénératives des personnes âgées et dans l’amélioration de leur qualité de vie » (Source).

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Kunzéa+fragonia

Un peu d’aromathérapie, pour changer. Voici un drôle d’article, comme je n’aime pas trop en écrire. Mais je ne fais qu’y donner mon avis, après tout. Sans cela, la devise du blog ne serait pas ce qu’elle est.

Un beau week-end à toutes et à tous,

Gilles

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Les huiles essentielles de kunzéa (Kunzea ambigua) et de fragonia (Taxandria fragrans) en aromathérapie

Synonymes (pour kunzéa) : white cloud, tick bush, tasmanian spring flower.

Synonymes (pour fragonia) : fragrant agonis, coarse agonis, coarse tea tree.

Toutes deux issues des rameaux feuillés et fleuris des plantes respectives dont on les tire, les huiles essentielles de kunzéa et de fragonia sont le résultat de l’hydrodistillation à la vapeur des parties récoltées pour une durée variable selon la plante considérée : si le fragonia se contente généralement d’1h30, le kunzéa exige davantage de temps : 30 à 60 mn suffisent tout juste à extirper les molécules les plus volatiles parmi lesquelles l’α-pinène. Mais si l’on souhaite faire remonter la fraction la plus dense (en l’occurrence, ces sesquiterpénols que sont le globulol et le viridiflorol entre autres), il faut s’obliger à prolonger la distillation pendant au moins trois heures, parfois quatre ou cinq. La technique de l’hydrodistillation à basse pression élabore, dans un cas comme dans l’autre, des huiles essentielles incolores (voire colorées d’un jaune très pâle), fluides, mobiles, transparentes, de densité équivalente : 0,9 pour kunzéa, 0,89 pour fragonia. La seule différence très nette d’un point de vue physico-chimique tient dans le parfum de ces deux huiles essentielles : si elles possèdent en commun une odeur décrite comme douce et florale, celle de fragonia l’est davantage encore selon la littérature, s’ouvrant en direction d’une fraîcheur « cinéolée » qui se mêle à une note légèrement citronnée et balsamique très aérienne. Quant à l’huile essentielle de kunzéa, elle est moins expansive, m’apparaît plus épicée et résineuse, alourdie par ses sesquiterpénols, au contraire du fragonia qui bénéficie de la volatilité bien plus prononcée de ses oxydes et de ses monoterpènes. Une autre façon de distinguer ces deux huiles essentielles, c’est encore d’observer leur composition biochimique respective :

Note : concernant l’huile essentielle de kunzéa, ces proportions aromatiques peuvent drastiquement évoluer d’un lot à l’autre, en particulier au sujet des molécules suivantes : α-pinène (0,6 à 62,5 %), viridiflorol (0,3 à 38 %), globulol (0,5 à 22,6 %) et 1,8-cinéol (0 à 12,5 %).

Propriétés thérapeutiques

Kunzéa :

  • Anti-infectieuse : antifongique, antivirale, antibactérienne (Klebsellia sp., Staphylococcus aureus, Enterobacter sp.), antiparasitaire, insectifuge (punaise, tique, moustique)
  • Immunostimulante, positivante
  • Antiseptique des voies respiratoires
  • Antispasmodique
  • Anti-oxydante, anti-inflammatoire
  • Anti-rhumatismale, anti-arthritique
  • Stimulante, « rajeunissante », tonique cérébrale, anxiolytique
  • Analgésique

Fragonia :

  • Anti-infectieuse : antifongique (Candida albicans), antivirale, antibactérienne (Klebsellia sp., Proteus mirabilis, Pseudomonas aeruginosa, Acinetobacter baylyi)
  • Immunostimulante, positivante
  • Anti-asthmatique, expectorante, décongestionnante nasale
  • Antispasmodique
  • Anti-oxydante, anti-inflammatoire
  • Inductrice du sommeil, en améliore la qualité, revitalisante, endigue les élans dépressifs

Usages thérapeutiques

Kunzéa :

  • Troubles locomoteurs : douleurs musculaires et articulaires, affections neuromusculaires
  • Troubles de la sphère circulatoire : varice, hémorroïde, maux de tête
  • Affections cutanées : ulcère, brûlure, parasitose cutanée (gale, teigne), piqûre d’insecte
  • Troubles du système nerveux : agitation, problème de concentration, stress, tension nerveuse, état dépressif (dépression saisonnière surtout)
  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : inflammation intestinale, maladie de Crohn (dans ce dernier cas, je ne crois vraiment pas que ce soit très pertinent, la flore de Crohn étant déjà très pauvre… Or, l’on vient de dire, il y a seulement quelques lignes, que l’huile essentielle de kunzéa était un parfait antibactérien…)
  • Fatigue chronique
  • Dépendance et sevrage (drogues, tabac, aliments)

Fragonia :

  • Troubles locomoteurs : douleurs musculaires et articulaires, tension musculaire, étirement douloureux, arthrite, arthrose, rhumatisme, crampe, entorse
  • Affections cutanées : acné, impétigo, mycose, herpès, lichen, peaux irritées, grasses, enflammées, fatiguées, aux pores dilatés
  • Troubles du système nerveux : agitation, anxiété, angoisse, sentiment de négativité, état dépressif, insomnie
  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : ballonnements
  • Troubles de la sphère respiratoire : bronchite, catarrhe bronchique, congestion des sinus, rhume, pneumonie, amygdalite
  • Troubles de la sphère gynécologique : leucorrhée, vaginite, inconfort lié aux menstruations (migraine, aménorrhée, troubles hormonaux)

Note : il paraît que l’huile essentielle de fragonia pourrait être de quelque utilité face à la maladie de Lyme. Je n’en dirai pas davantage.

Modes d’emploi

  • Utilisation en interne : on préconise un usage limité (une goutte par prise, trois fois pas jour, pendant une semaine) de ces deux huiles essentielles, qui sont encore peu protocolarisées sous nos latitudes. Elles s’absorbent per os dans les substrats habituels (huile d’olive, miel, etc.).
  • Massage : on s’y soumettra ou pas selon l’état général de la peau, en l’occurrence pour tout ce qui concerne les lésions et douleurs locomotrices profondes. Il est nécessaire, dans tous les cas, de diluer convenablement ces huiles essentielles dans une huile végétale adaptée au besoin qui s’impose. L’huile essentielle de fragonia peut éventuellement s’appliquer pure ou diluée à 50 % sur la peau dans certains cas.
  • Dispersion atmosphérique.
  • Inhalation humide, olfaction directement au flacon, inhalation radiale.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Ni pour l’une, ni pour l’autre, la littérature spécialisée n’a retenu de précaution particulière à prendre, hormis celle, dictée par l’habitude, de ne pas en faire usage durant les trois premiers mois de grossesse.
  • Ces deux huiles essentielles sont riches en monoterpènes (surtout celle de kunzéa), ce qui les expose à un phénomène contraignant mais naturel : l’oxydation. Il est donc impératif de soigneusement stocker ces huiles essentielles dans un lieu qui minimise les pertes, au réfrigérateur, par exemple (à l’instar des huiles végétales dites fragiles, si fragiles en fait qu’elles sont déjà oxydées avant d’arriver à cette étape où, soigneusement, vous pensez les affranchir de la vilaine méchante oxydation en les réservant soigneusement au réfrigérateur, ah ah ! ^.^ On se demande alors pourquoi il n’en serait pas de même de kunzéa et de fragonia…).
  • Autres espèces : on doit s’en douter, Kunzea ambigua et Taxandria fragrans ne sont pas seules dans leur genre, puisqu’il existe bien d’autres plantes de ce type : – Pour les Kunzea : rawinuiri ou kanuka (K. robusta, à ne pas confondre avec le manuka qui est une autre espèce), makahikatoa (K. serotina), rawinitoa (K. amathicola), arbre à thé blanc (K. ericoides) ; – Pour les Taxandria : taxandrie à feuilles étroites (T. angustifolia), taxandrie à floraison abondante (T. floribunda), taxandrie à feuilles de genévrier (T. junipera).

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Une fois n’est pas coutume, j’entame la rédaction de cet article par la fin. Mais pourquoi donc ? Parce que j’ai besoin de certaines informations libellées ci-dessus afin d’alimenter le propos qui attend d’être partagé ci-après. Dans le cas contraire, je me serais confronté à des allers-retours disgracieux ^.^ Parfois, pour y voir plus clair, il importe d’inverser les perspectives, et de se positionner à la façon du Pendu du tarot de Marseille. Aussi, cul par-dessus tête, zou !…

Commençons tout d’abord par dire qu’il ne s’agit pas là, malgré l’architecture classique de ce que vous venez de lire, d’un article « habituel et conventionnel », sans quoi je n’aurais jamais associé, au sein d’un même texte, deux plantes dont le principal point commun est d’appartenir à la même famille, celle des Myrtacées. Aurait-on idée, par exemple, de rédiger un article de même facture entremêlant des données concernant la menthe poivrée et cette autre lamiacée qu’est le romarin officinal ? Certainement que non. Alors, pourquoi donc s’aventurer sur un terrain si délicat ? Je m’en vais vous expliquer tout ça.

La première fois qu’il m’a été donné de prendre connaissance de l’existence du kunzéa et du fragonia, il y a une quinzaine d’années, ces deux huiles essentielles se présentèrent simultanément à moi, comme s’il s’agissait là de deux sœurs jumelles, qui plus est siamoises. Je me rappelle qu’il n’était pas même possible d’évoquer l’une sans que l’autre ne se radine ! Cela peut paraître exagéré, mais c’est bien comme cela qu’elles nous furent présentées. C’est à peine si l’on s’interrogea sur l’allure de ces plantes, par exemple : les quelques rares photos disponibles en ce temps-là étaient-elles dignes de confiance ? Non, il n’était question que de leurs huiles essentielles et c’est tout, propulsées par un mouvement qui me rappelle beaucoup ce que nous voyions dans l’ancien temps, c’est-à-dire cette appétence pour les produits d’origine « exotique » dont on ne sait pas même qui ou quoi les fabrique. A cette époque, je trouvais cela fort inconfortable, c’est pour cette raison que je n’ai pas pris l’initiative d’écrire quoi que ce soit (de manière publique) à propos de ces deux huiles essentielles (pour en dire quoi ?), tant le peu que je découvrais se révélait, d’un site à l’autre, de la même mouture. Quand tous les sites jargonnent les mêmes informations, ça n’est pas nécessairement la preuve que l’on peut leur faire confiance… Dans toute cette littérature, je fus confronté à quelque chose face auquel j’ai toujours buté, et qui devait nous expliquer, à tous, le pourquoi de l’union gémellaire de ces deux huiles essentielles. Voici la chose : « Kunzéa est l’expression du principe masculin alors que fragonia manifeste l’énergie féminine. Associées l’une à l’autre elles représentent l’équilibre parfait à l’image du symbole chinois du Tao : yin et yang. Une personne en excès de yin sera naturellement plus attirée par fragonia, alors qu’une personne yang manifestera plus d’affinité aromatique pour kunzéa ». Tout d’abord, n’est-ce point illogique d’ajouter du yin au yin, du yang au yang ? Ne risque-t-on pas ainsi d’accroître les déséquilibres ? Quand je me sens carencé en yang, que mon yin est excessif par rapport à lui, je n’ajoute pas, par-dessus le marché, des trucs yin ! De plus, qu’il me soit permis de dire ici que ce truc me rebute toujours et que, distance prise, je peux, parce que j’en ai envie aujourd’hui (chose qui n’était pas vraie hier) expliquer pourquoi je ne puis être d’accord avec cette pseudo-évidence ainsi résumée : « kunzéa est yang, fragonia est yin ». Dit comme ça, ça claque, ça en impose. On n’ose pas – nous qui ignorons tout de ces deux huiles essentielles de provenance lointaine – émettre la moindre objection, susurrer le plus petit doute. Pire, on répète de-ci de-là cette information comme si elle émanait de la cuisse de Jupiter ! De fait, d’autres s’engouffrèrent avec facilité et, semblerait-il, volupté dans cette brèche béante, prêts à convenir sans résistance de l’aptitude de l’huile essentielle de kunzéa à s’appliquer à merveille le long du méridien Gouverneur, d’essence yang. Bien que la ficelle soit trop grosse, on n’hésita pas à faire entrer en résonance sa copine fragonia avec le second grand méridien, le méridien Conception, qui obéit, lui, à une essence de nature strictement yin. Pourquoi se gêner ? Et voilà, le tour était joué. Sans davantage se poser de question, vraisemblablement, on libéra cette information un peu partout sur la toile. Mais sur quoi se base-t-on pour proférer puis établir de telles assertions ? Les fleurs des deux espèces, nous dit-on, peuvent faire l’objet d’une comparaison : celles du kunzéa possèdent des étamines profuses qui dépassent de beaucoup en longueur les pétales, comparativement aux fleurs beaucoup plus discrètes et ramassées du fragonia. De fait, on a conclu que kunzéa = yang, fragonia = yin. Continuons. Il paraît que lorsqu’on abaisse un rameau de fragonia, il se relève moins vigoureusement qu’un rameau de kunzéa auquel on fait subir le même type d’exercice. La mollesse érectile du fragonia le cantonne donc nécessairement au domaine du yin, tandis que le kunzéa, plus prompt à redresser ses fringantes baguettes, ne peut qu’obéir à une puissante impulsion yang par nature. Il semble même que l’on puisse opérer une partition yin/yang de ces huiles essentielles grâce à leur parfum. On nous dit ceci : « Fragonia délivre son parfum beaucoup plus aisément que Kunzea ambigua ». N’y voit-on pas là une contradiction ? Comment une huile essentielle qui « délivre son parfum beaucoup plus aisément » pourrait-elle bien être de nature yin ? Le yang n’est-il pas le déploiement et l’expression excessive, le yin l’introversion et la contention ? Partant de là, on peut légitimement se demander dans quelle mesure les « équations » kunzéa = yang et fragonia = yin sont tenables. On ne peut pas dire d’une personne (ou de n’importe quoi d’autre) qu’elle est yin ou yang. Pourquoi donc – suis-je tenté de m’interrompre ? Parce qu’il en va du yin et du yang, tout comme des éléments (Eau, Feu, Terre et Air) : un être humain quelconque ne peut, à lui seul, être constitutif d’un seul élément à l’exclusion des autres. Même chose pour les deux aspects du Tao, qui, rappelons-le, ne s’opposent pas mais se complètent. D’ailleurs, si tel n’avait pas été le cas, pourquoi donc se serait-on ingénié à faire figurer dans chaque partie un petit point de la couleur qui lui fait face, hum ? D’autant plus que le yin et le yang n’existent pas dans la nature. Par exemple, aucune espèce vivante sur la planète, qu’elle soit d’origine animale ou végétale, ne peut se targuer de porter un noir ou un blanc qui soient parfaits : le blanc 100 % blanc ou le noir 100 % noir, ça n’existe tout bonnement pas. Ce ne sont que deux illusions, du blanc et du noir nuancés par un petit quelque chose qui n’est ni du blanc ni du noir. Aussi, comment prétendre que cela pourrait s’appliquer aux huiles essentielles de deux plantes issues de la Nature ? N’a-t-on pas compris que le yin et le yang étaient une abstraction ? Que le pur yang aveugle quiconque le contemple d’assez près ? Que le yin disparaît à peine on l’évoque ? Pour en revenir au faux couple kunzéa/fragonia, qu’est-ce qui permet d’affirmer que l’une est solaire, l’autre lunaire ? Pas grand-chose à vrai dire. Pour cela, il eut au moins fallu que l’une fût hypothermisante, l’autre hyperthemisante, par exemple. Voyons d’autres critères d’opposition complémentaire :

  • La couleur physique de ces huiles essentielles : l’un est-elle claire et l’autre foncée ? Non, elles sont toutes les deux incolores (voire jaune très pâle).
  • La texture de ces huiles essentielles : l’une est-elle ultra mobile et l’autre visqueuse comme le vétiver ? Non, elles sont toutes les deux très fluides.
  • La densité de ces huiles essentielles : l’une est-elle inférieure à 1, l’autre supérieure à 1 comme peuvent l’être les huiles essentielles de gaulthérie ou encore de clou de girofle ? Que nenni ! Kunzéa est donnée à 0,9, fragonia à 0,89 (en moyenne).
  • La capacité de ces huiles essentielles à s’oxyder : l’une est-elle bourrée de terpènes qui s’oxydent facilement lorsqu’ils prennent un coup de chaud et l’autre non ? Bien que kunzéa contienne davantage de monoterpènes que fragonia (60 % contre 45 %), ces deux huiles essentielles restent très exposées au phénomène d’oxydation.
  • Le caractère positivant ou négativant de ces huiles essentielles : l’une est-elle positivante (donc yang) et l’autre négativante (donc yin) ? Non, pour cela il aurait fallu qu’elles affichent une composition biochimique diamétralement opposée l’une de l’autre, que l’une des deux, fragonia par exemple, se constitue d’esters, de cétones et/ou d’aldéhydes terpéniques. Or, l’on constate que ce n’est pas le cas. Lorsqu’on observe le référentiel électrique de Pierre Franchomme, il est très aisé de remarquer que les molécules constitutives des huiles essentielles de kunzéa et de fragonia, c’est-à-dire les monoterpènes, les oxydes, les monoterpénols et les sesquiterpénols, apparaissent toutes en bas du référentiel (donc en zone positivante).
  • Le profil thérapeutique de nos deux huiles essentielles est-il, de l’une à l’autre, si différent, qu’on puisse, à leur endroit, parler de yin et de yang ? Non, pour cela, je vous renvoie aux propriétés thérapeutiques principales : toutes les deux sont anti-infectieuses, immunostimulantes, antispasmodiques, anti-inflammatoires, anti-oxydantes, etc. Seule la propension de l’huile essentielle de fragonia à agir sur la sphère gynécologique peut laisser entrevoir une accointance yin, mais c’est bien peu au regard des nombreux points trop communs que nous avons listés jusque-là. Sans l’apparition très nette de caractéristiques éminemment yin ou yang, l’on ne peut que révoquer en doute l’idée initiale qui souhaite faire de kunzéa une huile essentielle yang et de fragonia une huile essentielle yin.

Poursuivons en corsant davantage notre affaire : la médecine traditionnelle chinoise considère six couples de méridiens principaux : ceux liés aux organes yin et les autres rattachés aux entrailles yang. Les méridiens yin (ils sont ascendants, ce qui est un bel exemple de complémentarité) sont les suivants : Gros intestin, Estomac, Intestin grêle, Triple foyer, Vessie et Vésicule biliaire. Quant à ceux du Poumon, de la Rate/pancréas, du Cœur, du Maître-cœur, des Reins et du Foie, ils obéissent au principe yang (ils sont descendants, autre bel exemple de complémentarité). Tous ces méridiens peuvent, chacun, connaître des faiblesses et des perturbations. Regroupons donc sous la même bannière celles qui relèvent des méridiens yang, avant de faire de même pour les méridiens yin :

  • Faiblesses des méridiens yang : doute, regret, ressassement, obsession, subjectivité, influençabilité, soumission, humiliation, inquiétude, panique, susceptibilité, jugement. Question : l’huile essentielle de kunzéa est-elle à même – elle qu’on prétend de nature yang – de prendre en charge tout ou partie de ces défaillances ?
  • Faiblesses des méridiens yin : tristesse, arrogance, rumination, contrariété, violence émotionnelle, émotivité, pulsion passionnelle, désir d’imposer son pouvoir, peur, passivité, témérité, colère, désarroi. Question : l’huile essentielle de fragonia est-elle à même – elle qu’on prétend de nature yin – de prendre en charge tout ou partie de ces défaillances ?

Je ne possède les réponses à aucune de ces deux questions, n’ayant pas réfléchi sur ce point. Mais si tel avait été le cas, cela permettrait de remettre encore un peu plus d’ordre au sein de cette soi-disant partition entre le yin et le yang que fragonia et kunzéa se partageraient. Je ne m’étendrai pas davantage sur le sujet. En revanche, je m’autoriserai à mettre en doute les propriétés psycho-émotionnelles des huiles essentielles de kunzéa et de fragonia, surtout celles qui ont été construites selon le prédicat de leur supposée nature yang et yin (elles seraient alors peu fiables), en particulier celles que l’on rattache à fragonia qui, pour moi, n’a rien de strictement yin, alors que, en revanche, en affirmant que kunzéa est yang (plus yang que yin, en fait), l’on se trompe moins (j’ai compilé dans une note de bas de page quelques-unes de ces propriétés et usages que j’avais glanés il y a une douzaine d’années sans trop savoir qu’en faire). En tous les cas, cette nuance n’enlève en rien à ce « fameux » couple kunzéa-yang/fragonia-yin sa bizarrerie et son caractère fantasmatique.

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  1. Concernant kunzéa, j’avais relevé des choses de ce style : « Joue un rôle prépondérant dans l’acceptation de la douleur : permet d’accepter et de supporter la douleur physique et de l’utiliser comme un moteur de guérison » ; « Capable de lever le réflexe de procrastination » ; « En libérant les nœuds psychiques, kunzéa apaise et relâche les tensions et les douleurs corporelles ». Voici maintenant pour fragonia : « Favorise la réconciliation entre des personnes en conflit ou qui ne raisonnent qu’en terme de domination ou de soumission » ; « Fragonia est capable de recréer des conditions de paix et d’harmonie envers soi-même, elle facilite la réconciliation avec son propre ‘moi’ » ; « En facilitant l’introspection, elle permet d’améliorer la qualité des séances de psychanalyse et favorise le rêve », etc. Qu’est-ce qu’on s’amuse, c’est fou.

© Une publication Books of Dante garantie 100 % intelligence naturelle – 2023

Voici une photo pas très jolie du fragonia (il existe très peu de chose parmi les images libres de droit). Mais bon, ça vous donne une petite idée de ce à quoi ressemble cette plante…

La porte et le seuil

Aujourd’hui est un jour un peu particulier, puisque c’est l’anniversaire du blog. Outre l’étonnement que l’on peut ressentir face à une telle longévité (je ne vous cache pas que j’ai failli abandonner plusieurs fois), on peut rapidement faire les comptes afin de mettre en balance le travail accompli jusque-là : 11 ans, plus de 700 articles, 5 bouquins (un sixième est en cours de finition à l’heure où je vous parle). Puisque nous franchissons un nouveau cap, je me suis amusé à rédiger un petit texte sur les valeurs symboliques du seuil et de la porte, que je vous invite à emprunter avec moi.

Bonne lecture et beau week-end à toutes et à tous :)

Gilles

Porte latérale de l'église du hameau de Cornusson, rattaché à la commune de Caylus (Tarn-et-Garonne).

La porte, qu’elle se ferme ou s’ouvre à volonté, tous le monde sait ce que c’est. Qui ne passe pas à travers l’une d’entre elles au moins une fois dans la journée ? Parfois, avec une telle aisance qu’on en oublierait presque son existence (ce qui est plutôt amusant, sachant qu’un passage de porte induit souvent une forme d’amnésie sur ce que l’on était venu chercher dans la pièce en question !), et à d’autres avec tant de résistance que cela peut nous faire plus ou moins intuitivement comprendre l’une des fonctions majeures de la porte. Avant d’en arriver là, mentionnons tout d’abord que la porte est formée d’un montant fixe, le dormant, et d’un battant mobile qui pivote selon l’axe formé par les gonds, l’huis.

Autrefois, le mot porte, du latin porta, désignait un lieu de passage obligé, comme la porte d’une ville, et se distinguait de fores, la porte d’une maison. Puis la porte ne conserva plus seulement cette première définition, mais concerna aussi l’objet matériel par lequel on régule la respiration entre l’extérieur et l’intérieur (et inversement).

Artémis, gardienne des portes, portait aussi le nom de Jana, un mot très proche de celui qui forme le nom de cette autre divinité plus connue, présidant aux portes et aux passages, le dieu Janus. Dérivant de janua, Janus, désigne, initialement, un passage ouvert non scellé, prenant une valeur synonyme de jour, non pas à l’image de ceux de la semaine, mais à la manière de la clarté (exemple : on a percé un jour à travers un mur). Porte, qui a également supplanté huis, correspondit donc par la suite à l’association des parties fixe et mobile, c’est-à-dire le battant et l’huis, avant de ne s’adresser plus qu’à la seule fraction mobile. D’un ensemble solidaire, le mot porte a donc fini par ne plus désigner que la partie mobile qui, paradoxalement, peut demeurer close selon les circonstances.

Nous avons parlé de respiration. J’aime bien cette image appliquée à la porte. Autrefois, les cités chinoises étaient dotées de quatre portes, une à chaque point cardinal : elles n’avaient pas seulement pour fonction de faire entrer et sortir marchandises et populations, mais de faire pénétrer et d’expulser, à la manière d’une cellule, le nécessaire et le superflu, d’interdire l’accès aux forces impures et de l’autoriser à celles faisant montre de dignité. Bien que le mouvement soit simplement inversé, sortir n’a pas la même valeur qu’entrer : le cheminement entre A et B n’a rien de comparable à celui qui consiste à filer de B à A (même si, ici, la distance AB = BA). Et cela, la porte le signale bien : c’est par le passage à travers la porte que l’on transite d’un état à un autre, puisque « franchir une porte, c’est changer de niveau, de milieu, de centre, de vie »1. Brièvement, l’on peut dire que la porte identifie la limite entre monde profane et monde sacré : portail de la cathédrale, torii japonais, torana hindou, etc. La porte exclut de fait le grondement du bruit de la vie quotidienne et l’éclatante lumière étourdissante du soleil, pour laisser place à l’inconnu mystérieux et silencieux, aux ténèbres qui révéleront le trésor initiatique. Paradoxalement, c’est en quittant un lieu violemment éclairé par la lumière du jour que l’on pénètre dans un autre où un type de lumière fort différent se fait jour. C’est pourquoi « la porte évoque aussi une idée de transcendance, accessible ou interdite selon que la porte est ouverte [NdA : principe actif : ciel, yang] ou fermée [NdA : principe passif : terre, yin], franchie ou simplement regardée »2. Effectivement, tant que A n’a pas rejoint B, on demeure dans une forme d’opposition qui se mue en réunion quand le franchissement du seuil se produit. Voilà un autre terme d’importance : le seuil (du latin solum, « sol »). On peut s’y maintenir afin d’exprimer le désir d’entrer en empruntant la porte dont l’accès imminent est une quasi invitation en direction d’une réalité supérieure. C’est que le passage du seuil, qui n’a pourtant rien d’aisé, possède une valeur psychologique dynamique par l’ouverture qu’un tel geste induit. Le seuil représente une opportunité à franchir la barrière de l’obstacle. Or, cette invitation, qui ne se réalise jamais sans pureté d’âme, opère non seulement une transition mais également une transmutation véritable. Des miracles se produisent lorsque des êtres doués d’une grande force morale et d’une piété à toute épreuve enjambent d’un pas cette ligne de pouvoir. Car, en pénétrant soi-même au sein d’un lieu alternatif défendu par une porte et son seuil, on prend position dans un autre monde, parfois par le biais de portes secrètes ou dérobées (dont l’absence visible signale déjà l’initiation débutante) qui mènent souvent à des lieux imaginaires, fantastiques, dangereux parfois, où l’intégrité de celui qui y parvient est mise à l’épreuve. Je veux parler de tous ces lieux propres à un monde généralement non humain, auxquels on accède, de temps à autre, pour une courte durée (après quoi, les portes se referment, conservant captifs les retardataires et les oublieux : c’est là un motif fréquent dans les contes de fées) : salle des trésors, château merveilleux, labyrinthe, caverne souterraine et autres lieux à haute valeur initiatique. Ou bien, en pénétrant dans tel ou tel lieu, on fait entrer avec soi un monde intérieur, c’est-à-dire sa propre richesse personnelle (d’âme, non pas de bourse). Afin de parer aux inconvénients, on a décrété le seuil intouchable dans bien des bâtiments religieux (temple, sanctuaire, mausolée, etc.) et on l’a souvent muni de gardiens tels que les fameux gardiens du seuil, mais aussi le dragon, le troll, le davrapala, Cerbère, etc. L’on sait donc que c’est par lui qu’on passera et auprès de nul autre. Passer outre, c’est commettre une transgression, c’est adopter la nature d’un passe-muraille, d’un resquilleur non déclaré en somme. Qu’est-ce qui pourrait bien motiver pareille attitude ? Frapper à une porte sans obtenir de réponse, ne pas parvenir à l’ouvrir, lutter face à une porte dont la solide serrure est fermée à double-tour, etc. N’ayant pas été initié, comment l’intrus pourrait-il prétendre se considérer comme tel par sa seule présence usurpée ? Dans ce cas, on le congédie, on l’exclut de la manière la plus simple qui soit : en le flanquant à la porte ! Quand un lieu demeure fermé à soi, mieux vaut passer son chemin plutôt que de forcer les portes. Cette interdiction est peut-être une suggestion à partir en quête de nouvelles compétences qui permettront de les ouvrir plus tard, qui sait ? Aussi, à quoi bon écouter aux portes en dernière extrémité ? Bien sûr, on pourrait trouver dans cette activité quelque consolation : les portes ne sont-elles pas prévues pour abriter le mystère et donc le secret ? N’est-il pas envisageable, à défaut d’obtenir son ticket d’entrée, de s’attarder auprès de l’huis clos, d’où sourdra peut-être quelque rumeur ? Mais nous concernent-elles ? Non, mieux vaut se retirer, même si l’on sait que derrière elles s’abritent souvent bien des réponses à nos questions (mais une réponse reçue conformément à une question non mûrement réfléchie peut-elle être d’un quelconque intérêt ?) L’on n’obtient donc pas ce que l’on désire en s’emparant du seuil par la force. Il y a nécessité impérieuse d’y accéder de manière idoine et non pas répréhensible comme, par exemple, en y pénétrant sans qu’on y soit invité. Sauter le mur place celui qui commet cette infraction (parfois doublée d’une effraction lorsque la serrure de la porte vient à être brisée), dans le rôle d’un profanateur, ce qui est parfaitement inacceptable. Afin de ne pas troubler l’ordre de ces choses-là, encore faut-il placer des interdits et des tabous suffisamment puissants. Ce que l’on instaura à la porte des cathédrales prit également place à la porte de tout-un-chacun, l’être humain ayant eu à cœur de chercher par tous les moyens à protéger « sa place sacrée à l’intérieur », c’est-à-dire une porte physique garante de son intégrité non seulement matérielle mais également mentale et psychique, afin que toutes les mauvaises choses s’y cassent le nez. On observe donc de multiples superstitions et croyances à l’endroit du seuil et de la porte, l’objectif étant de causer le plus de difficultés à quiconque tenterait de les franchir sans y être qualifié. Au registre des croyances d’ordre général, on reste convaincu qu’il est inconcevable d’entrer dans une maison en franchissant le seuil du pied droit, qu’il est nécessaire de l’enjamber sans jamais poser exactement le pied dessus, ni buter contre, car cela serait alors un bien mauvais présage (surtout pour une jeune mariée qui se rend à l’église ou dans sa future demeure. Pour obvier à ce type de malchance, dans les pays slaves la belle-mère accueillait sa bru sur le seuil de sa maison avec du pain et du sel, alors qu’en Corse elle faisait de même avec une quenouille et quelques herbes chères aux femmes). Enfin, on considérait fréquemment que lorsqu’on entrait par une porte, il importait de sortir par une autre (ou une fenêtre à la rigueur), cela afin d’égarer les forces malveillantes (cela rappelle qu’au Japon on ne passe jamais par un torii si l’on n’est pas certain de revenir par le même chemin).

Torii (Kyoto, Japon).

Recensons donc maintenant les multiples occasions pour lesquelles on fait intervenir la valeur symbolique du seuil, puis établissons une synthèse de ses diverses fonctions.

Tout d’abord, le seuil est poste d’observation (on prend connaissance des augures lisibles dans les cieux à partir du seuil, de même que c’est en ce point précis que l’on peut voir les âmes des trépassés, le seuil étant, l’on s’en doute, un lieu de passage entre ce monde-ci et les autres). Ensuite, assez semblable à un autel, le seuil est un lieu d’offrandes, amoureuses entre autres. Par exemple, un jeune homme dépose sur le seuil de la femme qu’il aime un rameau à la symbolique particulière (cerisier, pêcher, chèvrefeuille, etc.). Mais par le truchement du seuil, l’on peut contrarier cette offrande : on écarte un rival en déposant du sel sur le seuil de la femme que l’on convoite également. De pareilles malversations peuvent aussi s’appliquer au seuil des granges et des étables : certaines « poudres magiques » ou amulettes (intégrant autant des ingrédients d’origine animale que végétale) dans lesquelles on a insufflé une énergie malfaisante, trouvaient place sous le pas de la porte des étables. Ainsi, à chaque passage des animaux au-dessus de la charge maléficieuse, il en mourait à force quelques-uns. En cas de doute, l’on pouvait là encore saupoudrait le seuil des bâtiments d’un peu de sel, ce type de sortilège l’ayant en grande répulsion. L’enterrement d’amulette était aussi préconisé dans un but salvateur : on enfouissait les remèdes sous le pas des portes. De cette manière, ils avaient tout loisir de porter leur bénéfiques influences sur les animaux malades à chaque fois que ceux-ci transitaient de l’intérieur à l’extérieur, et inversement, comme au travers d’une arche magique. Voici, tiré de l’œuvre de Paul Sébillot, un exemple d’offrande qui utilise le seuil pour s’accomplir : « Plusieurs récits de l’est de la France rapportent que les nains se plurent à rendre service aux hommes jusqu’au jour où ils éprouvèrent leur ingratitude ; comme les Korrigans de Bretagne, ils n’ont cessé leurs relations avec eux, et n’ont abandonné le pays qu’à la suite d’actes irrévérencieux ou méchants commis à leur égard. […] Les Lutons du Trou-Manteau, sorte de grotte près de Ben-Ahin-les-Huy, étaient en bons rapports avec un homme du pays ; ils venaient jusqu’au seuil de sa maison, à la nuit tombante, prendre les menus objets qui avaient besoin d’être raccommodés et les présents que le bonhomme y ajoutait de bon cœur. Mais sa femme qui était méchante, voulut le brouiller avec les petits hommes ; elle déposa en cachette sur le seuil, du sel au lieu de farine, du tan moulu au lieu de café, et des tartines moisies. Le lendemain à son lever, elle s’aperçut que sa cuisine avait été complètement dévalisée ; elle courut à la porte, et vit tous les objets qu’elle croyait perdus transportés sur le toit et parfaitement rangés, et quand le mari les descendit du toit, il découvrit dans un seau les ironiques présents que la mégère avait faits aux lutins ; il la châtia durement, mais il ne revit jamais ses amis les petits hommes »3.

Haut lieu de la protection, le seuil suffisait parfois à protéger toute une maisonnée à lui seul, parce que s’il incarne un grand pouvoir, il est aussi l’endroit privilégié par lequel cherchent à pénétrer les mauvaises influences si jamais la garde vient à s’y relâcher (que serait la plus belle des portes sans serrure solide et des gonds qui s’arrachent du mur ?). Ces manifestations dangereuses se traduisent de diverses façons : maléfices, cauchemars, revenants, actes de sorcellerie, etc. Pour les contrecarrer, on pouvait faire appel aux plantes (herbes de la Saint-Jean par exemple, mais pas seulement : rameau de sapin, immortelle, carline, etc.), déposer un vase empli d’eau ou de sel à l’entrée des lieux de vie, fixer à la porte une paire de cornes liées entre elles avec un fil de couleur rouge, quand ce n’était pas tout simplement un fer à cheval ou bien une pierre trouée qu’on suspendait à la porte à l’aide d’une ficelle. Pour protéger le seuil, on pouvait encore y tracer une ligne ininterrompue avec une craie blanche ou bien dessiner cette ligne avec de petites graines comme celles de lin et de fenouil. Enfin, le sang d’un agneau, d’un bélier ou d’un coq, déversé sur le seuil, était censé protéger, par le sacrifice de l’animal, l’intégralité de la maison. Parfois, des morceaux de charbon tirés de l’âtre, puis refroidis, prenaient place sur le linteau de la porte quand les femmes s’apprêtaient à quitter leur maison, la laissant seule. Cela avait pour fonction d’écarter les intrusions (quelles qu’elles soient) pendant leur absence. De plus, il n’était pas rare de faire appel aux images saintes qu’on punaisait en certains endroits secrets de la porte et du seuil.

(Précisons que la créativité était la bienvenue, et que plusieurs protections pouvaient être mises en œuvre simultanément. Nous donnerons un exemple de ce type en citant à nouveau Paul Sébillot.)

Face aux aléas météorologiques, autre grand facteur d’inquiétude, l’on disposait sur le seuil plusieurs objets : un trépied de fer pour préserver des éclairs et du tonnerre lorsque l’orage grondant menaçait, de même qu’une hache placée fer en haut, manche en bas, en équilibre contre le tenant de la porte. Pour faire cesser la grêle, on installait sur le seuil une médaille ou une pièce de monnaie sur laquelle figurait une croix (pour ce faire, on employait encore tout un tas d’autres objets : griffes de chat, dents humaines, sabots de vaches, ainsi que les fameuses pierres de foudre qui étaient le plus souvent d’archaïques haches néolithiques ou bien des fragments de silex remarquables par leurs forme et coloris). Plus rarement, afin de briser le risque de grêle, on disposait pincette et pelle de cheminée en croix sur le seuil. Comme l’on voit, la question des perturbations liées à une météo dévastatrice était prise très au sérieux, au point qu’on vit même des curés, plantés sur le seuil de leurs églises, lancer des imprécations à la face du ciel empli de nuées menaçantes, ce qui n’est pas sans logique : sachant que l’entrée d’une église est généralement située à l’ouest, lorsqu’on se tient à sa porte et que l’on regarde à l’extérieur, on dirige donc son regard en ce lieu lointain où le soleil se couche et au-delà duquel ce ne sont que ténèbres.

Le motif des objets usuels dessinant une croix sur le seuil est très fréquent. Parmi eux, l’on voit souvent le balai dont le symbolisme est si évident qu’on n’insistera pas dessus. Lui tiennent compagnie la hache et la fourche (on satisfait parfois au rituel en le plaçant seul en travers de la porte). Deux bouts de bois font aussi office, ainsi qu’une fourchette et un couteau.

Dalle de seuil en albâtre provenant du palais d’Assurbanipal (MMA, New-York).

Voici, pour en terminer là, un second extrait tiré du Folklore de France que l’on doit à Sébillot. Il met en œuvre toute une série de gestes permettant de se prémunir de l’irruption malveillante d’une revenante surnommée lavandière de la nuit en lui barrant le seuil : « Une femme de Plougastel-Daoulas étant allée à la nuit close, un samedi, laver son linge, vit arriver une grande femme mince portant sur la tête un énorme paquet de draps, qui, après lui avoir reproché d’avoir pris sa place, lui dit de retourner à la maison et qu’elle ne tardera pas à lui rapporter son linge tout lavé. Revenue chez elle, la laveuse raconte son aventure à son mari, qui lui dit qu’elle a rencontré une Maouès noz ou femme de nuit ; par son conseil, elle suspend le trépied à sa place, balaie la maison, met le balai la tête en bas dans un coin, se lave les pieds, en jette l’eau sur le seuil de la porte et se couche. Le fantôme ne tarde pas à arriver et à demander l’entrée de la maison : comme on ne lui répond pas, il ordonne au trépied de lui ouvrir. ‘Je ne puis, répond le trépied, je suis suspendu à mon clou. — Viens alors, toi, balai — Je ne puis, on m’a mis la tête en bas. — Viens alors, toi, eau des pieds. — Regarde-moi, je ne suis plus que quelques éclaboussures sur le seuil de la porte’. La femme de nuit s’éloigne alors en grondant »4. Il est vrai que pour dormir sur ses deux oreilles, mieux vaut bien fermer sa porte durant la nuit et chérir ce dispositif si utile pour s’abriter des influences qui rendent parfois ce monde si infréquentable…

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  1. Jean Chevalier & Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, p. 781.
  2. Ibidem, p. 782.
  3. Paul Sébillot, Le folklore de France, Tome 1, pp. 459-460.
  4. Ibidem, Tome 2, p. 424.

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L’eupatoire pourpre (Eutrochium purpureum)

Troisième eupatoire que nous passons en revue cette année, l’eupatoire pourpre n’en est plus une, puisqu’elle a été déclassée du genre Eupatorium pour rejoindre celui des Eutrochium. Le nom vernaculaire français d’eupatoire pourpre a néanmoins été conservé, et j’ignore bien par quoi on pourrait le remplacer, d’autant plus que cette plante n’est pas endémique en Europe : plus une plante est utilisée, et cela pour des raisons très diverses, et plus on lui connaît de noms vernaculaires, ce qui n’est pas son cas en France. On évitera donc de l’appeler eutrochie, néologisme scabreux dont on se passera bien ^.^

Bonne lecture beau week-end à toutes et à tous :)

Gilles

Synonymes : eupatoire rouge, herbe à la gravelle (gravel root), reine des prés (queen of the meadow).

Autre plante d’importance de la pharmacopée amérindienne, on explique son surnom courant de Joe Pye weed par l’anecdote suivante : Joe Pye serait vraisemblablement le nom « chrétien » d’un homme médecine abénaquis de Nouvelle-Angleterre qui aurait, dans le courant des années 1800, permis à des colons blancs de guérir du typhus en employant cette herbe comme médecine. C’est là l’explication la plus unanimement visible dans la littérature. Cependant, il est parfois admis que le mot jopi (d’où découlerait, par déformation, le personnage de Joe Pye…) est un terme abénaquis par lequel on désignerait la fièvre typhoïde. Ainsi, le « jopi weed » serait l’herbe permettant de soigner cette affection fébrile, l’eupatoire pourpre en l’occurrence (en fait, pas exactement, puisque plusieurs plantes nord-américaines répondent au nom vernaculaire de Joe Pye weed). Bien que tout cela ressemble fort à une fable, il est en revanche parfaitement avéré que cette plante sut jouer un grand rôle médicinal auprès d’un certain nombre de tribus amérindiennes. Grâce à un ensemble d’informations ethnobotaniques portant sur le sujet, nous allons pouvoir brosser à grands traits le portrait thérapeutique de l’eupatoire pourpre, tel qu’il était vu par ceux qui, les premiers, utilisèrent cette plante. Il est bien évident que le lieu de vie privilégié de l’eupatoire pourpre – les zones humides à tendance tourbeuse – nous renseigne un peu sur ses aptitudes médicinales. En cela, elle se rapproche du saule et de la reine-des-prés, ainsi que d’autres plantes aux pieds mouillés. Tout à l’heure, nous parlions du typhus, à propos de ce supposé Joe Pye. Comme nous ne somme pas, après tout, à une confusion près, signalons que le typhus a été confondu avec la fièvre typhoïde. Malgré une similitude orthographique entre les deux, ces deux maladies n’ont pas grand-chose à voir, le typhus étant une affection parasitaire alors que la fièvre typhoïde trouve son origine dans une infection bactérienne. Quand on connaît bien le profil thérapeutique de l’eupatoire pourpre, on se laisse plus facilement tenté par son rôle potentiel auprès de ce type de fièvre, que face au typhus proprement dit. Qu’en disent les Amérindiens ? Qu’elle est fébrifuge. Certes, mais il ne s’agit pas là de sa principale destination, contrairement à l’eupatoire perfoliée que nous avons étudiée dans le détail en septembre dernier. Bien sûr, parce qu’elle est aussi diaphorétique, c’est-à-dire qu’elle facilite la transpiration (c’est un synonyme de sudorifique), elle peut être considérée comme propre à soigner les affections fébriles. Donc, s’occuper d’un rhume, l’eupatoire pourpre sait le faire, mais ce n’est pas là son principal point de concentration. En revanche, ce qui transparaît beaucoup plus massivement, c’est la relation de l’eupatoire pourpre avec la sphère vésico-rénale. Les Iroquois ne considéraient-ils pas cette plante comme un « médicament de l’eau » ? D’après les informations disponibles, il est possible d’établir que les Amérindiens concevaient l’eupatoire pourpre comme un diurétique impliqué dans le traitement des maladies du canal génito-urinaire, les troubles rénaux, les difficultés de miction, l’hydropisie, mais aussi comme un anti-rhumatismal à même de venir à bout de troubles articulaires et goutteux. Enfin, ils lui attribuèrent une vertu lithontriptique, c’est-à-dire à même de briser la pierre, autrement dit les calculs urinaires et rénaux. Le second poste thérapeutique concerne les soins gynécologiques et tous ceux spécifiquement relatifs à la grossesse et à la période post-partum qui lui succède. Son implication auprès de la femme est telle qu’on la faisait intervenir également en cas de complications survenant lors de l’accouchement et de fausse couche. Toutes ces informations furent reconsidérées selon le spectre de la médecine officielle dont John Fyfe se fit l’un des promoteurs : « C’est un tonique pour l’utérus atone ou sujet à l’irritabilité chronique. Il est utile donné en doses de quatre ou cinq gouttes trois fois par jour pour prévenir l’avortement dû à la débilité dans la métrite chronique, le prolapsus, la rétroversion et tous les troubles de l’utérus de cette nature. C’est un bon remède dans l’aménorrhée chronique avec des décharges leucorrhéiques constantes et une débilité marquée ; utilisez-le sous forme d’injection, avec un peu d’astringent. Dans certains cas de grossesse, avec envie constante d’uriner, […] ce remède donné à la cuillère à café de quinze ou vingt gouttes dans quatre onces d’eau donne généralement un soulagement »1. Sa troisième fonction, c’est son usage au sujet des brûlures et des blessures (par fer de flèche), l’eupatoire pourpre passant, selon les Rappahannock, pour une « médecine du sang », le même sang qu’on pensait purifier avec une décoction de cette plante après empoisonnement (pour les Navajos, c’était clairement un antidote). Purifiante, elle l’était encore quand il s’agissait de se laver le corps des miasmes morbides abandonnés là par un épisode infectieux. On imaginait aussi qu’une telle lustration avait pour fonction de fortifier les enfants, à condition qu’elle s’opère à base d’une décoction concentrée de racines d’eupatoire pourpre, ce qui n’était pas là la seule façon de préparer cette plante, puisque la pratique comptait aussi l’infusion simple ou composée, la fumigation humide et les cataplasmes de feuilles fraîches. Les Amérindiens surent également tirer parti de l’eupatoire pourpre pour des raisons pratiques. Par exemple, les Cherokees utilisaient ses tiges creuses comme paille pour absorber l’eau des sources, mais aussi pour projeter des médecines par voie nasale, lui assurant alors le rôle de canule. Enfin, l’eupatoire pourpre pouvait aussi donner l’occasion de s’amuser un peu : il paraît que les sommités fleuries étaient arborées comme talisman censé porter chance lors des jeux par les Potawatomi, tandis que les hommes meskawaki mâchaient la racine de cette plante pendant qu’ils courtisaient les dames, assurés d’absorber ainsi ses pouvoirs supposément aphrodisiaques.

Curieusement, malgré la perfusion aisée de cette plante auprès des colons américains, son utilisation plus générale au sein de la médecine officielle étasunienne ne fut pas suivie immédiatement d’effet, puisque ce n’est qu’au cours du XIXe siècle que l’eupatoire pourpre fut adoptée et admise comme telle au sein de la pharmacopée nord-américaine. Elle y demeure, encore aujourd’hui, d’un usage courant en herboristerie. C’est sans doute par cette connexion et par son passé de plante médicinale amérindienne que Matthew Wood en parle si bien. Remarquant que cette plante vit précisément sur la ligne frontière séparant l’eau de la terre, il s’est laissé dire que cette eupatoire pouvait avoir, de même que sa cousine perfoliée, une influence sur la sphère rénale en ce qu’elle semble faire sienne la devise alchimique solve et coagula. Comment ça ? Eh bien, dans la nature, « l’eupatoire pourpre précipite les minéraux d’une solution autour de ses racines »2, ce qui est ici une allusion à peine voilée à son rôle sur les lithiases, sable urinaire et autre gravelle. Rappelons-nous de son nom anglais de gravel root. Son accointance avec les reins lui permet de maintenir l’équilibre entre les solides (terre) et les liquides (eau). D’un part, en dissolvant la dureté minérale, elle retire les concrétions des lieux où elles n’ont rien à y faire (la lithiase urinaire qui obstrue le canal de l’urètre, par exemple), mais consolide en ajoutant des minéraux là où leur carence les rend nécessaires. C’est ce qui fait soutenir la thèse selon laquelle l’eupatoire pourpre est profitable à l’organisme après une fracture (quand bien même cette indication ne ressort jamais aussi fréquemment dans la littérature qu’elle le fait pour le boneset, alias Eupatorium perfoliatum). Le second point sur lequel s’attarde Wood concerne l’extraordinaire capacité antiseptique de l’eupatoire pourpre : « La deuxième signature est la couleur pourpre des fleurs et de la tige de la plante, qui indique des états septiques, avec des tissus érodés et une détérioration des protéines dans le flux sanguin. Les abcès et les veines ont souvent cette couleur en présence d’une infection putride. […] [Ainsi], l’eupatoire pourpre peut arrêter la détérioration, nettoyer la putridité et établir de nouveau tissus »3. Cela vous paraît incroyable ? Mais, nous l’avons dit, l’eupatoire pourpre se situe à l’interface de deux mondes, dont l’un nous est, par nature, bien moins familier. Ne nous étonnons donc pas que certaines de ses compétences nous échappent. D’ailleurs, elle-même nous permet de la mieux comprendre. Pour cela, il importe de s’adresser à elle et de la questionner : « L’eupatoire pourpre rend l’imagination plus subtile pour nous aider à passer d’un monde à l’autre. Elle améliore également le discernement, pour mieux juger la vérité de ce nous voyons »4. Ne serait-elle pas intéressante sous la forme d’élixir floral, hum ?

L’eupatoire pourprée est une grande plante vivace dont la hauteur peut dépasser les deux mètres et parfois atteindre les trois. Ses longues tiges non ramifiées de section circulaire émergent de racines creuses de couleur gris brunâtre. Sur ces tiges, on peut facilement observer un bon nombre de points nodaux : d’une couleur pourpre plus prononcée, c’est à partir d’eux que se déploient des verticilles de trois à six feuilles grossièrement dentées, plus ou moins oblongues, parfois longues de près de 30 cm, duveteuses sur leurs faces inférieures, rugueuses et un peu gaufrées au-dessus. Marquées de nervures saillantes (surtout au revers), on remarque que la centrale est aussi pourpre que la tige de la plante. Puis vient la floraison, qui se réalise d’autant mieux que la plante est exposée au soleil ou, à la rigueur, à mi-ombre. A force de fleurs tubulaires groupées en corymbes denses, les tiges de l’eupatoire pourpre ploient sous leur poids. De juillet à octobre, ces fleurs pourpres (mais pas que : lie-de-vin plus ou moins foncé, carmins, roses, voire blanches) accueillent une foule d’insectes (papillons diurnes et nocturnes, mouches, abeilles) qui viennent chercher auprès d’elles un nectar et un pollen abondants. A leur suite, des akènes surmontés d’une aigrette apparaissent et se dispersent par anémochorie, sauf ceux qui auront été au repas des passereaux qui en sont très friands.

L’eupatoire pourpre est native de l’est de l’Amérique du Nord, s’étendant d’est en ouest de l’Ontario au New-Hampshire, et au sud jusqu’à l’Oklahoma, la Louisiane et la Floride. Dans cette vaste zone, elle s’installe préférablement auprès des terrains humides et marécageux, à l’abord des forêts fraîches, dans les prairies riches et les fossés humides, le long des ruisseaux, etc. Tout à fait rustique, elle résiste à des températures négatives pouvant descendre jusqu’à 15 à 20° en dessous de 0.

Cette plante s’hybride facilement dans la nature (ce qui explique une taxinomie complexe à son sujet) et on lui connaît au moins trois variétés : Eutrochium purpureum var. carolinianum, var. purpureum et var. holzingeri.

L’eupatoire pourpre en phytothérapie

La pratique thérapeutique rapportée dans la littérature ne fait pas état d’un usage autre que celui de la racine rhizomateuse de l’eupatoire pourpre principalement, plus anecdotiquement de celui des sommités fleuries qui répandent un léger parfum vanillé lorsqu’on les froisse. Quant aux racines, un peu aromatiques, elles possèdent un goût piquant et amer.

L’eupatoire pourpre est une plante qui, malgré le large usage que l’on fait encore d’elle de l’autre côté de l’océan Atlantique, manque clairement d’études scientifiques sur la question spécifique de sa composition biochimique : avec le peu que j’ai réussi à collecter, il ne sera pas possible d’être plus exhaustif. Mais entamons néanmoins la rédaction d’une liste d’ingrédients : une essence aromatique est responsable du léger parfum que l’eupatoire pourpre est capable d’exhaler. Quant à son amertume, c’est une résine ainsi que des lactones sesquiterpéniques qui en sont responsables. Un peu astringente, l’eupatoire pourpre abrite quelques tanins, et se faire remarquer par plusieurs flavonoïdes et benzofuranes (euparine, euparone, 6-hydroxy-3β-méthoxytréatone, 5-acétyl-6-hydroxy-2-(1-oxo-2-acétoxy-éthyl)-benzofurane).

Propriétés thérapeutiques

  • Diurétique, draineuse rénale, tonique du système urinaire, anti-néphrétique, préventive de la formation des calculs urinaires et dissolutive de ceux déjà formés
  • Apéritive, carminative
  • Dépurative
  • Protectrice hépatique, préventive de la formation des calculs biliaires et dissolutive de ceux déjà formés
  • Anti-infectieuse (antibactérienne sur germes Gram + et – : Escherichia coli, Staphylococcus aureus, etc.), immunostimulante
  • Anti-inflammatoire
  • Tonique utérine
  • Astringente
  • Anti-rhumatismale
  • Tonique du système nerveux

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère vésico-rénale : irritation, inflammation, sensation de brûlure et douleur vésico-rénales, besoin constant d’uriner, miction fréquente durant la nuit, énurésie infantile, oligurie, débit urinaire insuffisant, d’aspect laiteux et/ou muqueux, hématurie, albuminurie, protéinurie, strangurie, dysurie, catarrhe aigu de la vessie, gravelle oxalique et phosphatique, lithiase urinaire, cystite et autres inflammations urinaires (surtout chez la femme), urétrite, prostatite, néphrite, goutte, rhumatisme, ascite, œdème, rétention d’eau
  • Troubles de la sphère hépatobiliaire : lithiase biliaire, cholécystite, diabète insipide
  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : affections muqueuses du tractus gastro-intestinal, dyspepsie, brûlure d’estomac, indigestion, vomissement
  • Troubles de la sphère respiratoire : asthme, toux chronique, catarrhe bronchique, coqueluche, affection fébrile (avec douleurs frontale et osseuse)
  • Troubles de la sphère gynécologique : menstruations difficile, douleur ovarienne (latéralisée à gauche), atonie ovarienne et utérine, crampe menstruelle, métrite chronique, leucorrhée
  • Troubles locomoteurs : raideur articulaire, mal de dos (sensation de pesanteur au niveau des reins), sciatique
  • Maux de tête, à gauche, avec vertige
  • Maladies infectieuses (dengue, fièvre typhoïde, malaria), favoriser l’éruption au cours des maladies infectieuses infantiles (varicelle)

Modes d’emploi

  • Infusion des sommités fleuries sèches : comptez une cuillerée à café d’eupatoire pourpre en infusion dans 20 cl d’eau pendant 10 mn à couvert.
  • Décoction de racines sèches et contuses : faites bouillir 50 à 60 g de ces racines dans un demi-litre d’eau pendant quelques minutes, puis, à couvert, laissez infuser pendant une bonne demi-heure.
  • Poudre de racine délayée dans un véhicule convenable.
  • Teinture alcoolique : 15 gouttes dans un demi verre d’eau trois fois par jour (et jusqu’à 5 à 10 gouttes dans une cuillerée à café d’eau toutes les trois heures).

Note : on a remarqué que l’eau chaude augmentait l’efficacité de la plante.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Récolte : peu avant de constater l’apparition des boutons floraux, l’on peut procéder à la cueillette de l’eupatoire pourpre, ce qui situe ce moment au milieu de l’été. Quant aux racines, elles se prélèvent du sol à l’automne, lorsque les tiges dépenaillées de la plante autorisent encore leur identification. Racines tronçonnées et sommités fleuries se sèchent facilement pour un usage ultérieur.
  • Toxicité : l’eupatoire pourpre est l’une de ces plantes qui abritent dans leurs tissus ces problématiques alcaloïdes pyrrolizidiniques (AP) dont les risques hépatiques, en particulier au travers d’un usage au long cours, sont bien connus. Ils peuvent, entre autres, bloquer le flux sanguin dans les veines et endommager le foie. Cela implique d’interdire l’usage inconsidéré de cette plante durant la grossesse (risque d’anomalie congénitale ; l’eupatoire pourpre, tonique de l’utérus, stimule les contractions, ce qui peut déclencher un travail prématuré, ainsi qu’un risque d’avortement) et l’allaitement. De même, le jeune enfant devra s’en tenir éloigné. De plus, il faut éviter d’appliquer cette plante sur une plaie ouverte (vous avez sans doute remarqué qu’elle n’est pas plébiscitée pour les affections cutanées). Enfin, bien qu’elle ne possède pas d’action désagréable sur l’estomac, il faudra veiller à ne pas en faire un emploi massif étendu, car cette plante épuise les reins à la longue (si elle est tonique rénale, c’est uniquement à petites doses). Signalons les risques d’allergies inhérents aux plantes de la famille des Astéracées auxquels est soumise l’eupatoire pourpre. Pour finir, remarquons que cette plante ne convient pas aux états dépressifs et d’extrême langueur.
  • Association : l’eupatoire pourpre est accompagnée de manière efficace par d’autres plantes à visée urinaire telles que le fenouil, l’hortensia de Virginie ou encore le collinsonia.
  • Insectifuge : une fumigation sèche de cette plante éloigne les insectes. Auprès d’une étable, cela peut s’envisager comme suit : dans un vieux seau métallique, déposez quelques charbons ardents sortant du poêle et déposez dessus assez de la plante sèche pour obtenir une belle fumée. Il n’y a plus qu’à procéder à la fumigation à l’aide de cet encensoir géant improvisé.
  • De l’eupatoire pourpre, l’on a tiré de nombreuses variétés ornementales.
  • La plante offre une teinture de couleur dorée qui imprègne le fil de coton.
  • Risque de confusion : il est possible avec l’eupatoire fistuleuse (Eutrochium fistulosum).

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  1. John Fyfe, Specific diagnosis and specific medication, p. 528.
  2. Matthew Wood, Traité d’herboristerie énergétique, p. 232.
  3. Ibidem, pp. 234-239.
  4. Ibidem, p. 236.

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