Certains l’appellent « l’arbre des miracles », d’autres « l’arbre du paradis », et il va bien falloir expliquer pourquoi : s’agit-il d’une hallucination collective ou bien le moringa est-il doté d’un sacré tempérament au point de faire merveille partout où il passe ? Quelques éléments de réponse se trouvent dans ce tout nouvel article.
Un beau week-end à toutes et à tous :)
Gilles
Synonymes : moringue, mouringue, mourongue, neverdier (dans la langue bambara : névrédié), arbre aux baguettes de tambour, arbre de vie, arbre d’éternité, arbre miracle, le meilleur ami de la mère.
C’est sans énormément d’espoir que je me suis hasardé à consulter La mythologie des plantes d’Angelo de Gubernatis lors de ma collecte de données au sujet du moringa. Pourquoi pas, après tout, me suis-je dit en mon for intérieur ? Ces recherches ne me donnèrent pas plus qu’une fois l’occasion de satisfaire ma curiosité, puisque la lecture du premier tome m’a permis de mettre la main sur une mention bien esseulée du mot « moringa », curieusement placé comme adjectif dans le nom latin binominal que voici : Hyperanthera moringa, synonyme du nom latin usuel du moringa, à savoir Moringa oleifera. C’est ce même arbre que l’on croise aussi dans un ouvrage plus tardif, le Cours élémentaire de matière médicale de Desbois de Rochefort, sous un autre synonyme latin, Guilandina moringa. Bien avant encore, on en trouve trace dans Lémery qui assure que « sa racine est estimée un alexipharmaque propre contre les poisons, contre les maladies contagieuses, contre les morsures des serpents les plus venimeux et des autres insectes, contre la colique, contre la ladrerie ; on s’en sert extérieurement et intérieurement »1. Si l’on poursuivait notre remontée dans le temps, l’on s’apercevrait que l’Antiquité (Grèce, Rome, Égypte) avait parfaite connaissance de cette plante dont elle usait des semences dans les cosmétiques et les parfums. Plus loin encore, la médecine ayurvédique nous expliquerait les vertus thérapeutiques du moringa face au paludisme, aux douleurs articulaires, à l’asthme et aux calculs rénaux. Sur ce dernier point, l’on se rapproche des raisons qui amenèrent Desbois de Rochefort à dérouler une demi page au sujet de cet arbre dans les termes suivants : « Ce bois appartient à un arbre du Malabar, de Ceylan et du Mexique, qu’on nomme Guilandina moringa, L. Il n’a pas d’odeur, et ne fait sentir au goût qu’une légère amertume ; il contient un principe gommeux et un principe résineux (celui-ci est plus abondant que l’autre), et très peu d’huile essentielle. Ce bois a été, et est encore très employé dans les maladies des reins. Cependant je l’ai employé à haute dose et continué longtemps, sans en retirer aucun effet. Peut-être sa réputation n’est-elle due qu’aux substances vraiment efficaces avec lesquelles on le joint ordinairement, comme les baumes, etc. On le donne en infusion aqueuse ou vineuse, à la dose d’un gros jusqu’à une once »2. Ici, je souhaiterais mettre en perspective les propos de Desbois de Rochefort avec le peu qu’en dit Angelo de Gubernatis à propos du moringa, qui tient en une phrase, que voici : « Différentes plantes indiennes ont tiré leur nom de la lumière »3. Il explique un peu plus loin que le moringa en fait partie. On pourrait en conclure que cet arbre est protecteur face aux démons (dans le cas contraire, pourquoi donc en planterait-on sur les places de la plupart des villages d’Inde et d’Afrique ?). Rappelez-vous aussi des prétendues vertus alexipharmaques du moringa. N’est-ce point de cette réputation que lui viendrait le nom de névadaye, francisé en neverdier, anglicisé en never die, d’où ses fréquents surnoms d’arbre de vie ? Celui-ci n’est-il pas censé être la lumière du monde, derrière laquelle les âmes humbles et les esprits modestes s’abritent ? Et ces démons, face auxquels la lumière du moringa est censée lutter, ne peut-on y voir une figuration des maladies ? Et dans cette lumière les nombreuses vertus thérapeutiques de cet arbre (dont il nous faudra rendre compte tant leur caractère précieux les rend incontournables au XXIe siècle) ? Mais, avant cela, tentons de mettre en évidence le caractère hégémonique dont a su faire preuve le moringa.
Aujourd’hui, si l’on observe attentivement une carte de répartition mondiale du moringa, l’on peut constater sans peine qu’il s’est bien éloigné de son fief natal, une zone située au nord-ouest de l’Inde. En effet, il peuple plusieurs continents, essentiellement dans les zones tropicales et intertropicales, ce qui représente un large territoire sur lequel prospérer : l’Afrique4, l’Asie5 et l’Amérique du Sud6. On le trouve encore à l’état de culture au Moyen-Orient (Arabie-Saoudite), ainsi qu’en certains états des USA relativement adaptés par leur climat aux exigences du moringa comme la Floride et Hawaï. Mais il ne s’est pas établi dans tous les pays compris entre les tropiques du Cancer et du Capricorne parce qu’il serait, comme d’autres plantes, une espèce invasive (selon l’être humain lambda-bêta, une espèce invasive soumet l’homme et son environnement à plus de complications qu’elle n’est capable de lui prodiguer de bienfaits, ce qui n’est pas autre chose qu’une vue de l’esprit). Non, non, si le moringa s’y trouve, c’est parce qu’il y a été invité ! Par exemple, au début du XXe siècle, Joseph Orme signalait sa présence sur l’île de la Réunion où on le cultivait.
Expliquons donc quelles sont les raisons qui poussèrent les hommes à implanter chez eux cet arbre venu d’ailleurs. Nous pouvons en déceler au moins deux, d’une importance cruciale : alimentaire et médicinale. En Inde, cette plante ayurvédique qu’est le moringa joue également le rôle de plante vivrière en compagnie de la noix de coco et de bien d’autres plantes, à l’instar du kanjero (Digera arvensis, une amarantacée). On l’y cultive pour ses feuilles et ses fruits (consommés frais, conservés au vinaigre, etc.). Cette fonction alimentaire s’est également étendue à l’Afrique. Selon les pays, le moringa y côtoie d’autres plantes prometteuses du même type. Il y est si fréquent qu’on s’imagine parfois qu’il est originaire du continent africain. Dire qu’il y fait des miracles, ça n’est pas usurper sa réputation, puisqu’il fait profiter, en particulier auprès des populations les plus pauvres, de ses bienfaits qui ne sont pas que médicinaux (ils le sont davantage de notre point de vue européen, pour qui la valeur alimentaire du moringa est moins pertinente), mais alimentaires principalement, contrecarrant les délétères effets endémiques de la dénutrition et, plus grave encore, de la malnutrition, obviant, un peu, aux douloureux problèmes de l’anémie et des carences diverses, porte grande ouverte aux maladies. Par exemple, il faut savoir que « la dénutrition contribue à 45 % des décès dans le monde chez les enfants de moins de 5 ans, avec un temps d’intervention optimal avant l’âge de 24 mois. Le microbiote du lait maternel aide à établir le microbiote intestinal infantile et a un impact sur la santé intestinale et nutritionnelle du nourrisson […] Les feuilles de Moringa oleifera fournissent des concentrations élevées de nutriments (y compris les protéines, le fer, la provitamine A) et augmentent la production de lait ; cela peut améliorer la quantité et la qualité du lait maternel et améliorer la santé infantile »7. Le moringa est-il, pour autant, aussi galactogène qu’on le dit ? Si on pas mal ergoté sur le statut controversé du moringa en tant que plante galactogène, il apparaît cependant qu’« il semble influencer plusieurs variables pendant la grossesse et dans la période postnatale comme le profil hématologique de la mère, la production de lait, le développement socio-personnel de l’enfant et l’incidence de la morbidité au cours des six premiers mois de vie »8. Dire en revanche que c’est une bonne plante de la femme, c’est ne pas se tromper. Et s’assurer de la réalité des propriétés galactogènes du moringa permettrait de comprendre dès lors mieux son surnom de « meilleur ami de la mère » qu’on lui octroie parfois. Comment est-il parvenu à opérer un tel tour de force ? Pour répondre à cela, il faut s’intéresser au rôle agro-écologique crucial du moringa. « Les moringa produisent des espèces agroforestières polyvalentes très prometteuses en raison de leur culture facile, de leur croissance rapide et de leur adaptation à un large éventail de conditions environnementales »9. Il exige peu d’entretien et devient rapidement productif. Il améliore la qualité des sols, lutte contre les effets de la déforestation et résiste sans peine durant la moitié de l’année à la sécheresse. Ses racines en pivot fouillent profondément le sol à la recherche de l’eau souterraine. De plus, comme elles sont tubéreuses, elles retiennent l’eau qu’elles captent comme des éponges. Lorsque la plante est coupée, que ses jeunes feuilles sont grillées par le soleil, l’arbre reverdit aussitôt les premières pluies tombées. C’est pourquoi on le trouve aussi dans les zones arides et semi-arides du globe, dans lesquelles les précipitations sont comprises entre 250 et 1500 mm annuels. Non seulement capable de stocker l’eau dans ses réserves, il est aussi en mesure de purifier celle qui n’est pas immédiatement consommable par l’homme. Ce sont deux auteurs français, Jean Kerharo et Armand Bouquet, qui consignèrent ce fait dans un livre paru en 1950 : au Soudan, dans la région du Kordofan septentrional, les femmes soumettent les graines du moringa à une utilisation domestique pour le moins originale et utile afin de purifier l’eau tirée du Nil. Pour cela, rien de plus simple : elles broient des graines puis les mélangent à l’eau. Elles remuent le tout pendant cinq minutes, puis abandonnent l’eau à un repos de deux heures. Par floculation, les graines de moringa débarrassent l’eau de la plupart de ses impuretés et éliminent jusqu’à 98 % des bactéries, la rendant ainsi buvable sans encombre (en laboratoire, 200 mg de graines broyées sont suffisants pour purifier un litre d’eau). Comme si cela ne suffisait pas, le moringa est aussi un dépolluant du cadmium, décontamine l’eau de son palladium et offre sa protection face à d’autres polluants comme le pétrole10 ! Ajoutez à cela que le feuillage du moringa est un excellent fourrage pour les animaux et qu’il représente aussi un engrais vert non négligeable, que son bois de chauffe et de construction est rapide à obtenir, etc., comment ne pas le considérer comme une manne tombée du ciel, ce que peut traduire son surnom d’arzan tiiga, autrement dit « arbre du paradis » ? Quand, enfin, il a pris le temps de mener à bien toutes ces fonctions salutaires, il lui arrive encore d’être convié par le médecin, parce que, après enquête auprès des guérisseurs traditionnels, il s’avère que cette plante est mise à profit pour soigner l’hypertension (Congo) et lutter contre le cancer (Malawi). Quant aux Européens, qui le connaissent un peu sous forme de poudre ou de feuilles sèches émiettées, s’ils ont la chance d’échapper aux deux affections citées ci-dessus, ils n’en sont pas moins exposés au diabète, par exemple, ce qui n’est en rien une perspective réjouissante (à terme, le diabète est une maladie mortelle, rappelons-le), d’autant plus qu’on le subit à un âge de moins en moins avancé (ce qui signifie que l’on passe plus de temps de son existence à supporter la maladie). Aussi, le moringa, entre autres antidiabétique, apparaît-il comme l’une des armes permettant de s’assurer une longévité accrue en bonne santé, ce qui n’est possible qu’en l’associant à une hygiène alimentaire saine qui bannit la plupart des glucides, dont les sucres, nos ennemis mortels, ainsi que les huiles végétales polyinsaturées, autre poison que l’on passe sous silence bien trop souvent à mon goût et que, au contraire, l’on encense dans la plupart des cabinets de naturopathie ! Avec la mode des « super aliments » et des alicaments, le même Européen aura tout lieu de se méfier de la provenance du moringa dont il fait l’acquisition, car comme cet arbre ne se développe pas en Europe, nous sommes entièrement tributaires de l’étranger en ce qui concerne les approvisionnements. La méfiance est de rigueur quand l’on sait que des individus peu scrupuleux, sentant le vent de la demande émanant de l’Occident tourner favorablement pour eux, n’hésitent pas à entreprendre la culture du moringa à marche forcée. C’est ainsi qu’en Tunisie, on a mis en place une culture intensive du moringa afin de le vendre sur le marché européen. Outre que cette pratique représente un coût écologique considérable (des terres agricoles sont détruites, de l’eau est détournée, etc.), le moringa qu’elle produit n’a pas plus de valeur que le brocoli californien conventionnel dénué de toutes qualités nutritionnelles. De plus, il entre en concurrence avec le moringa équitable, 100 % biologique et naturel, dénué de tout produit chimique dangereux, celui-là même qu’il faut préférer pour toutes ces raisons.
Le moringa est un arbre d’assez modeste stature, puisqu’il n’excède généralement pas la dizaine de mètres. Sa « silhouette maladroite, chaotique, comme brisée, est familière à tous les habitants des zones rurales »11, habitués à son écorce qui rappelle la texture et la nature du liège et ses rameaux au bois mou, qui signalent, ce me semble, une accointance du moringa avec les forces humides du dessous et le combat qu’il mène sans relâche afin de ne pas sombrer dans le feu de la fournaise des pays dans lesquels on le trouve de plus en plus abondamment. Cette résistance au feu solaire lui permet sans dommage d’endurer des températures moyennes de 25 à 40° C (mini : 1 à 3° ; maxi : 38 à 48°). Le moringa est aisément reconnaissable à l’allure de ses feuilles composées longues d’un demi-mètre qui feraient presque croire à l’appartenance du moringa à la famille nombreuse des Fabacées, alors qu’il n’en est rien (c’est l’un des quelques représentants de la petite famille botanique des Moringacées, comprenant treize espèces répandues aux régions semi-arides d’Afrique, de Madagascar, d’Arabie-Saoudite et d’Inde). Caduques, ces feuilles tripennées possèdent des folioles attachées par un petit pétiole. Quant aux inflorescences, qu’on a plutôt tendance à méconnaître au profit des feuilles, elles s’organisent en grappes très parfumées de fleurs blanc crème comptant cinq pétales. La fructification les transforme en fruits longilignes de 20 à 25 cm qui pendent dans le vide à la manière des « baguettes » du catalpa. Leur allure de gousse renforce encore la similitude avec les Fabacées. Mais dès lors qu’on les ouvre, la ressemblance s’évanouit : serties dans une pulpe spongieuse, on y trouve de nombreuses graines en rien semblables à des haricots, et pour cause, elles ont comme caractéristique originale d’être trigones et triplement ailées, bien que très légèrement.
Le moringa en phytothérapie
Le moringa est tant plébiscité pour ses vertus alimentaires et thérapeutiques depuis une vingtaine d’années, qu’en établir le portrait biochimique peut s’avérer complexe, tant la recherche scientifique s’est ingéniée à le disséquer sous toutes les coutures, s’attachant à établir nombre de données concernant aussi bien ses fruits, ses graines que ses feuilles. Dans sa quasi intégralité, la plante rappelle, par son odeur, l’essence de moutarde : il n’y a pas de hasard a ce qu’on ait fait une association entre l’odeur de sa racine et le raifort, celle de ses feuilles et le cresson. Il n’est pas très étonnant de réunir ici-même ces trois brassicacées quand l’on sait que ce qui les unit chimiquement au moringa, ce sont les glucosinolates, le nom moderne de ce que, autrefois, l’on appelait hétérosides soufrés, souvent responsables de la saveur âcre des aliments qui en contiennent, mais également de leur caractère lacrymogène, de même que les thiocarbamates (niazinines A et B, niazicine A, niazimine A, niaziminine B) et les isothiocyanates (moringine). C’est donc sans surprise que l’on apprendra que le moringa est riche en soufre. Mais avant d’aller imaginer qu’il n’est pas autre chose qu’un brocoli géant, sachez également que le soufre n’est pas le seul élément minéral que compte cette plante, puisqu’on y a décelé de nombreux sels minéraux et oligo-éléments (7 à 11 %) qui participent à la valeur alimentaire et thérapeutique du moringa : fer, calcium, potassium, zinc, magnésium, sélénium, manganèse, cuivre, cobalt, chrome, aluminium, nickel. Le moringa est en revanche pauvre en phosphore. A ce contingent minéral s’en ajoute un autre, de nature vitaminique (provitamine A, vitamines B1, B2, B3, B6, C, D, E, K). D’un point de vue plus strictement nutritionnel, attribuons à cet article quelques données chiffrées qui donneront mieux compte du profil moléculaire des feuilles de moringa que, dans bien des pays, l’on consomme comme légume :
- Eau : 8 % ;
- Lipides : 10 à 32 % ;
- Glucides (dont fibres) : 40,5 à 42,5 % ;
- Protéines : 22 à 29 %, dont des peptides, ainsi que les huit acides aminés essentiels (leucine, isoleucine, lysine, méthionine, thréonine, phénylalanine, valine, tryptophane) et quelques autres (asparagine, proline, acide aspartique, acide glutaminique, GABA).
Si l’on additionne tous ces composants, on se rend compte qu’ils occupent la majeure partie de la composition biochimique du moringa. Or, pour accéder à la complétude, il faut savoir aller chercher dans le détail des éléments qui, bien que n’étant présents qu’en infime quantité parfois, n’en sont pas moins efficaces (la Nature prend soin de diluer ces éléments dans les tissus des plantes, afin que leur consommation n’occasionne aucun trouble fâcheux). Voyons donc voir de quoi il retourne pour le moringa : des acides organiques (malique, acétique, citrique, succinique, cinnamique), des saponines, des lignanes, une très faible quantité d’alcaloïdes (trigonelline, etc.), des lactones (osthrutine), enfin diverses hormones végétales comme la zéatine et l’acide abscissique. Mais ce qui tient le haut du pavé, chez le moringa, ce sont les polyphénols, substances de plus en plus étudiées et décrites, et pour cause, elles s’avèrent anti-oxydantes et antiradicalaires, donc à même de venir lutter contre les maladies à caractère inflammatoire que connaissent nos sociétés occidentales modernes. Parmi ces polyphénols, les plus massivement présents ce sont les flavonoïdes, tant par la masse moléculaire que par leur nombre (on en compterait au moins une demi centaine), et parmi lesquels des noms nous sont déjà bien connus (apigénine, rutine, astragaline, catéchine, myricétine, quercitrine, glucosides de kaempférol, de lutéoline et de quercétine), d’autres moins (querciméritrine, gossypétine, vicénine-2, undulatoside A). A ceux-ci, s’ajoutent des caroténoïdes, des pro-anthocyanes et ces molécules non moins précieuses que sont les acides phénoliques, également pléthoriques (acides férulique, caféique, chlorogénique, néochlorogénique, gallique, coumarique, vanillique, syringique, trichosamique, stéaridonique, etc.).
Tout ce que nous venons de dire jusque-là concerne les feuilles du moringa, partie végétale la plus fréquemment disponible dans le commerce de détail en France (on trouve aussi, à de rares occasions, les graines, mais cela reste anecdotique : encore faut-il savoir quoi en faire). Mais il est une autre raison de s’attacher au moringa, contenue dans ses graines même et qu’on en extirpe dès qu’elles sont bien mûres et séchées : une huile très fine qu’on appelle communément huile de ben (ou huile des horlogers). 26 à 38 % du poids d’une graine sèche sont constitués d’un assemblage lipidique de couleur jaune, toujours fluide (sauf à 0° C, seuil à partir duquel il devient solide), très résistant à l’oxydation. De goût fade et presque sans odeur (c’est à cela qu’on peut repérer une huile de ben de bonne qualité, au contraire de celle obtenue par expression à chaud qui est âcre, amère et cathartique), cette huile végétale peut néanmoins s’utiliser aux mêmes fins que l’huile d’olive. De densité généralement comprise entre 0,912 et 0,917, l’huile végétale de ben possède une composition biochimique bien particulière, exprimée de façon chiffrée ci-dessous :
- ACIDES GRAS SATURÉS : 13 à 24 % dont acide palmitique (5 à 9 %), acide stéarique (5 à 10 %), acide arachidique (3 à 5 %), acide béhénique (2 à 9 %) ;
- ACIDES GRAS INSATURÉS : 74 à 82 % dont acide oléique (65 à 80 %), acide palmitoléique (< à 3 %), acide linoléique (0 à 1 %), acide linolénique (0,1 à 0,2 %).
Note : l’acide béhénique (ou docosanoïque), bien qu’acide gras saturé, est cependant formé d’une longue chaîne de carbone (cette molécule comprend 22 atomes de carbone) et, comme tous les acides gras à longue chaîne, il est mal absorbé par l’organisme au niveau de l’intestin grêle.
Propriétés thérapeutiques
- Anti-infectieux : antibactérien sur plusieurs germes Gram + et Gram -, mais plus efficacement sur ceux de nature positive (Staphylococcus aureus, Enterococcus faecalis, Bacillus anthracis, B. subtilis, Salmonella enteritidis, Porphyromonas gingivalis, Escherichia coli, Streptococcus sp., Proteus mirabilis, Pseudomonas aeruginosa, Mycobacterium phlei, M. tuberculosis), antiviral, antifongique (Cryptococcus neoformans, Aspergillus flavus, A. niger, Penicillium crysogenum, Candida albicans), antiseptique, immunostimulant (soutient une réponse immunitaire saine, maintient l’homéostasie du système immunitaire)
- Anti-oxydant (de plus, le moringa augmente la sécrétion d’enzymes anti-oxydantes dans le cerveau), lutte contre le stress oxydatif, antiradicalaire, réducteur de la peroxydation lipidique, anti-inflammatoire
- Anticancéreux, antitumoral, cytotoxique, anti-proliférant, pro-apoptotique
- Digestif, carminatif, anti-ulcéreux gastrique, gastro-protecteur, laxatif, purgatif, protecteur hépatique
- Antihypertenseur, stimulant cardiaque et circulatoire, régulateur de la glycémie sanguine (hypoglycémiant), dépuratif du sang, antihyperlipidémique, abaisse le taux d’insuline sanguin12, 13
- Diurétique, protecteur rénal
- Neuroprotecteur, améliore le fonctionnement cérébral, anti-épileptique, augmente la mémoire et les fonctions cognitives, apporte davantage de clarté mentale tout en stabilisant l’humeur
- Modère les effets du vieillissement cutané, photo-protecteur, assainissant du cuir chevelu, stimulant de la repousse capillaire
- Antispasmodique
- Antipyrétique
- Favorise la bonne santé osseuse
- Améliore la vue
- Stimulant du sperme : c’est une chose d’autant plus étonnante que l’on apprend, dans certaines études, que le moringa posséderait une action entravant la fertilité… On dispose d’assez peu de sources permettant d’asseoir le contraire. On sait néanmoins que le moringa exerce un effet notoire sur la spermatogenèse du… lapin, qu’il améliore la fonction testiculaire chez le… rat (on fait ce qu’on peut avec ce qu’on a !…). Pour l’instant, il passe pour davantage bénéfique pour les animaux mâles que femelles, auprès desquels on observe un impact à travers l’axe hypotalamo-hypophysaire-gonadique. Enfin, un article de 2019 révélait ceci : « Moringa oleifera est un aliment de base important, connu pour sa valeur nutritionnelle et médicinale, et il est généralement prescrit par les herboristes au Nigeria et dans d’autres pays tropicaux pour le traitement des problèmes d’infertilité masculine et des maladies de la reproduction chez les femmes. Bien que les propriétés aphrodisiaques et le potentiel d’amélioration de la fertilité chez les mâles aient été rapportés, les mécanismes sous-jacents de l’activité restent incertains »14
Ajoutons quelques informations concernant les autres fractions végétales du moringa :
- Fleur : tonique, stimulante, diurétique
- Écorce de racine : antivirale, anti-inflammatoire, analgésique
- Huile de ben : adoucissante, émolliente, hydratante, restructurante et réparatrice cutanée, cicatrisante, anti-inflammatoire
Usages thérapeutiques
- Troubles de la sphère hépatobiliaire : résistance à l’insuline, stéatose hépatique non alcoolique, diabète du type II, hyperlipidémie15, hyperglycémie, obésité16
- Troubles de la sphère vésico-rénale : goutte, rhumatisme, hydropisie, œdème, névropathie diabétique
- Troubles de la sphère gastro-intestinale : constipation, colite ulcéreuse, MICI
- Troubles de la sphère respiratoire : bronchite, asthme, rhume
- Troubles du système nerveux : maladies neurodégénératives (Alzheimer, AVC, Parkinson, démence…), stress, anxiété, insomnie
- Troubles locomoteurs : spasmes musculaires, convulsions, douleur articulaire, renforcement des os fragiles, ostéoporose
- Affections cancéreuses : mélanome, lymphome, cancer du sein
- Affections cutanées et du cuir chevelu : plaie, vieillissement cutané, infection de la peau, cheveux gras
- Troubles de la sphère cardiovasculaire et circulatoire : migraine, hypertension artérielle
Note : le moringa est encore profitable à toutes les personnes fatiguées, empreintes de faiblesse générale, anémiées et carencées parce que malnutries, à toutes celles qui se remettent d’une asthénie physique et/ou psychique consécutive(s) à un épisode morbide ou à une hospitalisation, aux convalescents, aux valétudinaires, aux dépressifs, ainsi qu’aux femmes allaitantes ou celles confrontées à la ménopause. Le sportif saura aussi apprécier son aide, puisque le moringa est capable de retarder l’accumulation d’acide lactique durant l’effort. Pour en terminer là, on peut encore faire une remarque d’importance : le moringa est un atout de la bonne santé gériatrique17.
Note 2 : l’huile de ben s’adresse essentiellement au soin de la peau et des cheveux (rougeur cutanée, peau grasse, trop sèche, squameuse, mâture, rides et ridules, cheveux gras, etc.).
Modes d’emploi
- Infusion de feuilles sèches de moringa : comptez une cuillerée à café de feuilles sèches émiettées pour une tasse d’eau, en infusion pendant 10 mn. Comme le moringa n’apprécie pas trop les hautes températures, on prendra soin d’opérer alors qu’elles ne dépassent pas 85° C. Cette recommandation exclut, de fait, toute décoction de la plante. D’ailleurs, afin de favoriser l’extraction des éléments contenus dans les feuilles de moringa, il est plus judicieux d’augmenter le temps d’extraction que la température à laquelle elle se déroule. On peut ainsi pousser la durée de l’infusion jusqu’à 30 mn. En ce cas, on enferme la quantité de plante nécessaire dans un pochon en toile textile, puis on le glisse, retenu par une ficelle, dans une bouteille thermos de volume convenable et emplie d’une eau chauffée à 85° C. La déperdition de chaleur étant moindre, l’extraction n’en sera que meilleure après une demi-heure passée dans le bain.
- Poudre de feuilles : elle s’ingère à raison d’une cuillerée à café par dose unitaire et se mélange, pour ce faire, à un jus de fruit, à du lait (y compris végétal) ou à tout autre liquide, même chaud, qui respecte la marge thermique de 85° C à ne pas dépasser.
- Macération alcoolique : elle s’obtient en faisant macérer la poudre dont nous venons de parler dans de l’alcool à 70° (si possible), pendant trois semaines consécutives. Pendant ce laps de temps, il est utile de remuer et de secouer la macération.
- Huile de ben : au gré des besoins corporels et capillaires, elle peut s’additionner à d’autres huiles végétales ou essentielles. Elle est particulièrement adaptée au massage long et profond.
- Feuilles fraîches frictionnées localement sur l’instant (ne vaut que sous les latitudes où prospère le moringa, bien entendu).
- Graines : au contraire du point précédent, les consommer est possible, puisqu’on trouve maintenant dans quelques boutiques spécialisées des sachets de ces graines, qu’ingénieusement l’on range auprès de tous ces soi-disant « super aliments », ce qui n’est pas autre chose que du marketing. N’ayant jamais consommé le moringa sous cette forme, je ne puis vous en dire davantage au sujet de ces graines.
Note : dans le commerce de détail, l’on croise une multitude de spécialités faisant appel aux pouvoirs thérapeutiques du moringa, comme divers mélanges de plantes utilisables comme infusion de confort, des crèmes capillaires, des shampooings, etc.²
Selon que l’on utilise l’eau ou l’alcool comme extractif, l’on n’obtient pas, in fine, tout à fait les mêmes composants dans les macérations. Si l’eau s’empare préférablement des tanins, des saponines et des flavonoïdes du moringa, la macération alcoolique extirpe en commun uniquement les flavonoïdes et va chercher dans la trame des tissus de la plante des substances inaccessibles à l’eau, comme les alcaloïdes et les acides phénoliques. Il va donc de soi qu’une teinture alcoolique obtenue avec de l’alcool à 70° n’a pas la même destination qu’une infusion. Mais il n’est pas impossible d’unir les forces de ces deux préparations. On dit souvent que les extraits éthanoliques prévalent sur leurs homologues aqueux comme antibactériens, par exemple. Mais tant l’extraction par l’alcool que celle par l’eau sont capables de retirer du moringa des classes moléculaires réputées lutter contre les infections : c’est le cas des alcaloïdes, des phénols, des tanins et des saponines.
Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations
- Nous avons dit plus haut de l’huile de ben qu’elle portait le bien curieux nom d’huile des horlogers. C’est-à-dire qu’outre ses emplois plus « conventionnels » en savonnerie, cosmétique et parfumerie (elle est utilisée pour l’extraction des essences aromatiques), elle est mise à profit par l’industrie horlogère car elle ne rancit pas, assurant aux pièces mécaniques le meilleur fonctionnement possible.
- Le moringa est déconseillé durant la grossesse et ne doit pas être usité concomitamment à un traitement antidiabétique ou antihypertenseur. Par ailleurs, comme cette plante médicinale est susceptible d’accroître la coagulation sanguine, les personnes à risque (caillot sanguin, thrombose, hémogliase) s’en méfieront. Point supplémentaire non négligeable, on ne lui connaît aucune cytotoxicité. Cependant, le moringa est capable de diminuer l’efficacité des médicaments contenant de l’hormone T4 (en inhibant la conversion de cette hormone en hormone T3). Enfin, il peut encore inhiber les enzymes P450 CYP3A4, ce qui peut mener au ralentissement du métabolisme de certains médicaments.
- Alimentation : dans de très nombreux pays, on fait un large usage culinaire du moringa (fruits, graines, fleurs, feuilles et racines). Par exemple, les feuilles, dont le goût se rapproche de celui des feuilles de navet, se consomment à la manière du cresson et des épinards, plus communément comme brèdes. A l’état cru, il est possible de les substituer aux feuilles de coriandre fraîche afin d’aromatiser certaines recettes de curries, des salades, etc. Les gousses, encore tendre, sont cuites à l’eau et consommées comme des asperges, en tant que légume d’accompagnement, sautés, etc. Quant aux graines, elles font office d’amuse-gueule durant l’apéritif. Enfin, la racine du moringa, de saveur très piquante, mérite pour cela son usage condimentaire en tant que succédané du raifort, etc.
- Autres espèces : le moringa africain (Moringa stenopetala), le moringa voyageur (Moringa peregrina), etc.
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- Nicolas Lémery, Dictionnaire universel des drogues simples, p. 578.
- Louis Desbois de Rochefort, Cours élémentaire de matière médicale, Tome 1, p. 448. Dans une édition plus tardive (1817), on trouve la note de bas de page suivante : « On croit que c’est du fruit et de la noix du Guilandina moringa qu’on retire par expression l’huile de behen ou de been » (Ibidem, Tome 2, p. 11).
- Angelo de Gubernatis, La mythologie des plantes, Tome 1, p. 209.
- Madagascar, Réunion, Mozambique, Congo, Ouganda, Kenya, Éthiopie, Soudan, Libye, Tunisie, Algérie, Sénégal, Guinée-Bissau, Côte-d’Ivoire, Burkina Faso, Ghana, Nigeria, Cameroun, etc.
- Népal, Chine, Corée du Sud, Japon, Philippines, Indonésie, Malaisie, Cambodge, Singapour, Bangladesh, Sri Lanka, etc.
- Nicaragua, Caraïbes, Bolivie, Colombie, Pérou, Brésil, Équateur, Paraguay, etc.
- Source.
- Source.
- World Review of Nutrition and Dietetics : Plants in human health and nutrition policy, p. 56.
- « Le pétrole brut endommage le foie et augmente la génération de radicaux libres. C’est peut-être ce qui se passe chez les humains et les animaux vivant dans la région du delta du Niger au Nigeria qui sont continuellement exposés au pétrole brut après l’exploitation. Moringa oleifera a pu atténuer cet effet, ce qui en fait un agent hépatoprotecteur puissant contre l’exposition aux hydrocarbures » (Source).
- Francis Hallé, Plaidoyer pour l’arbre, p. 119.
- « Les feuilles de Moringa oleifera ont le potentiel de réduire les taux d’insuline, les taux de glucose dans le sang, le TNF-α et le nombre de follicules chez les patients atteints du syndrome des ovaires polykystiques » (Source).
- « Le glucose, l’insuline et le HOMA-IR étaient significativement réduits » (Source).
- Source.
- « La stéatose hépatique non alcoolique, la résistance à l’insuline […] étaient associées à l’hyperlipidémie » (Source).
- « Le moringa a modifié positivement la composition du microbiote intestinal, augmentant de manière significative l’abondance de bactéroïdes, de Ruminococcus sp. et d’Oscillibacter sp., tout en diminuant l’abondance relative de Blautia sp., d’Alistipes sp. et de Tyzzerella sp., qui sont étroitement associés à l’obésité » (Source).
- « Le vieillissement en santé est très important. La nutrition et la santé des personnes âgées sont souvent négligées. Les interventions nutritionnelles pourraient jouer un rôle important dans la prévention des maladies dégénératives des personnes âgées et dans l’amélioration de leur qualité de vie » (Source).
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