Ache et céleri

L'ache

L’ache

Avant toute chose, et ce afin d’apporter davantage de clarté aux propos qui vont suivre, l’ache désigne la variété sauvage et le céleri la variété cultivée. Nous utiliserons chacun de ces deux noms à chaque fois que cela sera nécessaire, histoire d’éviter les confusions et de bien distinguer ces deux plantes pour lesquelles les noms vernaculaires sont parfois trompeurs ! (1)

Du temps des Anciens de l’Antiquité, première évidence : on ne parle pas de céleri, qui n’existe pas encore, mais seulement d’ache, connue des pharmacopées égyptienne, grecque, romaine et celte (laquelle dernière l’appelle « herbe puante »). Le nom actuel de la famille botanique à laquelle ache et céleri appartiennent fait directement référence à ces deux plantes : les Apiacées (qui a remplacé l’ex Ombellifères, on se demande bien pourquoi…). Selon Paul-Victor Fournier, Apium est le nom de différentes plantes recherchées des abeilles (Apis ; il est vrai que l’ache est parfois surnommée « herbe aux abeilles »). Mais le mot ache pourrait provenir du sanskrit apya qui signifie « qui croît dans les lieux humides », ce qui est bien le cas de l’ache, qu’on appelle, en grec et en latin, selinon, assez proche d’un autre terme sanskrit, sala, « eau ». Par ailleurs, selinon se retrouve dans l’actuel nom latin du persil, Petroselinum, et c’est sous cette forme qu’il apparaît dans Homère, où l’on voit Achille (qui aurait, dit-on, donné le mot ache…) utiliser cette plante afin de soigner ses chevaux.
Au VII ème siècle avant J.-C. (vers – 628), des Grecs fondèrent la ville sicilienne de Sélinonte et frappèrent des drachmes à l’image de feuille d’ache. Selinon préfigure déjà ce que deviendra le céleri des siècles plus tard.

Drachme_Sélinonte

Bien qu’Achille soit nettement inscrit au sein de la mythologie grecque, il n’est pas pour autant un dieu. En revanche, celles d’entre les divinités dont le céleri est, en quelque sorte, l’emblème, méritent d’être listées : Hadès, dont l’un des attributs est la corne d’abondance, Linos, ayant eu l’audace de défier Apollon au chant, enfin pas moins qu’Asclépios lui-même qui, selon les mythes, recommandait déjà l’ache en cas d’indigestion. A ce titre, indiquons que des offrandes de semences d’ache étaient déposées dans le temple d’Asclépios de Cos, une île grecque ayant vu la naissance d’un grand médecin : Hippocrate.
En Grèce, au-delà de la mythologie, l’ache intervient dans les jeux isthmiques (jeux publics organisés à l’isthme de Corinthe). Selon Pindare, « les vertes tiges de l’ache couronnent le front » des vainqueurs (2). L’ache « symbolise une jeunesse triomphante et joyeuse. Si elle jouait un rôle important dans les cérémonies funèbres, c’était pour indiquer l’état d’éternelle jeunesse, auquel le défunt venait d’accéder » (3). En effet, les coronae sepulcrales étaient déposées sur les tombeaux. D’autres que les Grecs se couronnaient d’ache, mais pas pour les mêmes raisons : les Romains, lors de leurs banquets orgiaques, ce qui peut paraître étonnant au prime abord, sachant ce que dit Pline au sujet de l’ache. Selon lui, cette plante rend stérile autant les hommes que les femmes, ce qui, disons-le, est contraire à l’idée que l’on se fait de ces orgies en général.

Et toujours pas de céleri à l’horizon… En attendant, on retrouve l’ache dans la petite œuvre de Strabo, Hortulus (827), ce qui peut surprendre puisque l’ache est considérée comme une plante des côtes et des marais littoraux. Or la Suisse de Strabo en est quelque peu éloignée. Mais l’on sait aussi que l’ache pousse particulièrement bien sur des sols contenant du sel (et il n’y a pas que dans les paluds côtiers qu’on en trouve) et que la Suisse ne manque pas de mines de sel. Bref, Strabo indique les propriétés diurétique et digestives de l’ache. Hildegarde mentionne plus tard que l’Apium est recommandé « si l’estomac est refroidi par un écoulement de pituite » (4). L’abbesse a beau employer l’ache en cas de paralysie, de contractures musculaires et de troubles oculaires, elle la préfère cuite plutôt que crue dans l’alimentation, et encore : « Sous quelque forme qu’on la mange, il donne à l’homme du vague à l’âme, car sa verdeur tantôt fait du mal, tantôt plonge dans la tristesse » (5). On est bien loin du triomphe joyeux des jeux isthmiques. Mais seulement pour Hildegarde, puisque Pierre de Crescences dira que « l’ache sauvage est appelée ache de ris pour ce qu’elle purge les humeurs mélancoliques dont est engendrée tristesse ». Au Moyen-Âge, le célèbre sirop des cinq racines (ache, asperge, persil, fenouil et fragon) avait cette même réputation de chasser les idées noires. Très présente dans les herbiers médiévaux, comme dans, par exemple, Le livre des simples médecines de Platearius, l’ache ne donnera naissance au céleri que bien plus tard. Tout d’abord cultivée en Italie, où elle remplace le maceron alors exploité en grand, l’ache est « travaillée » de telle sorte qu’apparaît le céleri domestique dit à rave (6) au XVI ème siècle, puis le céleri-branche (7) au siècle suivant. En France, le céleri n’est pas cité comme plante potagère avant 1562. Les variétés maraîchères que sont ces deux céleris ne partagent pas l’odeur un peu nauséeuse et la saveur âcre de l’ache, ayant été, bien évidemment, améliorés pour en favoriser la consommation alimentaire.
L’ache est une espèce bisannuelle. D’une racine épaisse, filandreuse et pivotante, une tige de 30 à 80 cm de hauteur, parfois ramifiée, se forme. Creuse, glabre et fortement cannelée, elle porte des feuilles lobées et dentées, de couleur jaune vert. La floraison est constituée d’une ombelle terminale peu fournie en rayons, portant de petites fleurs verdâtres à cinq pétales. Parfois, ces ombelles naissent à l’aisselle des feuilles.
Comme nous l’avons dit, l’ache est coutumière des lieux humides, des marais et eaux saumâtres du littoral, mais aussi des abords de sources salées (Alsace-Lorraine, Savoie, Suisse, etc.).

Le céleri-branche

Le céleri-branche

L’ache et le céleri en phyto-aromathérapie

Bien que fort dissemblables dans leur structure botanique respective, l’ache et le céleri s’utilisent tant par leur racine, leurs feuilles que leurs semences.
Ces deux plantes contiennent de nombreuses vitamines (A, B, C, E et P) et sels minéraux (magnésium, manganèse, fer, iode, cuivre, sodium, potassium, calcium, phosphore), ainsi qu’une essence aromatique. Dans l’ache, on trouve de l’asparagine et de l’apiine, tandis que le céleri recèle de la choline, de la tyrosine, ainsi que de l’acide glutamique.

Propriétés thérapeutiques

  • Ache : diurétique déchlorurante, apéritive, digestive, stomachique, carminative, cholagogue, stimulante, tonique, expectorante, anti-asthmatique, antiscorbutique, fébrifuge, résolutive, détersive
  • Céleri : diurétique, apéritif, digestif, stomachique, carminatif, stimulant surrénalien, tonique général et nerveux, antiscorbutique, résolutif, cicatrisant, reminéralisant, rafraîchissant, dépuratif, drainant hépatique, rénal et pulmonaire, hypoglycémiant, hypocholestérolémiant, régénérateur sanguin et hépatique, veinotonique, vasoconstricteur, antirhumatismal, antiseptique urinaire, sédatif, anxiolytique

Usages thérapeutiques

  • Ache : insuffisance hépatique, engorgement hépatique, ictère, catarrhe pulmonaire chronique, bronchite, asthme humide, extinction de voix, oligurie, albuminurie, lithiase rénale, rhumatisme, goutte, œdème, ascite, fièvre intermittente, inappétence, adénite, contusion, ulcère, cancer ulcéré, plaie atone, engelure, engorgement laiteux
  • Céleri : inappétence, digestion lente, lithiase urinaire, colique néphrétique, insuffisance rénale, hépatisme, congestion du foie, ictère, diabète, toux, asthme, bronchite, asthénie, fatigue, insuffisance surrénalienne, surmenage, déminéralisation, convalescence, stress, anxiété, arthrite, rhumatisme, goutte, fièvre, angine, hypertension, obésité, hémorroïdes, scrofule, plaie, ulcère, engelure, taches brunes (dites taches de vieillesse), excès de cholestérol

Huile essentielle de céleri

Il existe plusieurs huiles essentielles de céleri en réalité : racine, parties aériennes fleuries et semences. Les deux premières sont peu productives et la littérature est très succincte à leur sujet. La plus connue reste encore l’huile essentielle extraite des semences du céleri cultivé. D’un rendement compris entre 2 et 3 %, c’est une huile essentielle de couleur jaune pâle, à l’odeur chaude, citronnée, épicée, bien charpentée.

  • Monoterpènes (dont limonène) : 50 à 70 %
  • Sesquiterpènes (dont bêta-sélinène) : 15 à 30 %
  • Phtalides (dont sédanolide) : 15 %
  • Coumarines (dont célerine, apigravine et ombelliprénine) : traces

Voici ses propriétés : diurétique, drainante hépatocytaire, rénale et cutanée, apéritive, digestive, hépatoprotectrice, décongestionnante veineuse, antiseptique urinaire, antibactérienne, tonique, neurotonique, sédative.

Le céleri est-il, oui ou non, aphrodisiaque ?

Selon les sources, les thèses varient : « Depuis fort longtemps, la médecine populaire lui a fait la (fausse) réputation d’être aphrodisiaque » (8). Par ailleurs, Jean Valnet la conseille contre l’impuissance et Guy Fuinel en fait un aphrodisiaque de premier plan, arguant que « toutes les civilisations qui ont utilisé le céleri comme aliment l’ont considéré comme aphrodisiaque, de l’Europe à l’Afrique, en passant par l’Asie et l’Amérique » (9). Il est vrai que bien des dictons et proverbes attestent ce fait : « Si les femmes savaient ce que le céleri fait aux hommes, elles courraient en chercher jusqu’à Rome » ; « Qui mange du céleri le dimanche, du lundi au samedi jouira » ; « Si l’homme savait tous les effets du céleri, il en mettrait plein son courtil » (un mot désignant la couette dont on recouvre un lit…). Selon ce que rapporte Henri Leclerc, le céleri était même utilisé comme oracle permettant de déterminer le sexe de l’enfant d’une femme enceinte…
La sagesse populaire n’est pas toujours très sage. Qu’importe, Guy Fuinel ne lâche pas le morceau : le céleri contient de l’apigénine « qui agit favorablement sur la production de sperme et la vasodilatation des petits vaisseaux, d’où un gonflement de la verge » (10).

Modes d’emploi

  • Dans l’alimentation, cru ou cuit (céleri-branche et céleri-rave)
  • Infusion de feuilles et/ou de semences
  • Décoction de racines
  • Suc frais
  • Alcoolature
  • Teinture-mère
  • Huile essentielle (voie interne, voix externe, inhalation, olfaction, diffusion atmosphérique)
  • Cataplasme de feuilles fraîches

Mais aussi : liqueur, vin, sirop…

Contre-indications, précautions d’emploi, autres usages

  • Récolte (ache) : les feuilles en juillet/août, les graines en septembre, la racine au mois d’octobre de la seconde année. Toutes les parties de l’ache se prêtent à la dessiccation.
  • Cuisine : les céleris cultivés se préparent de multiples manières, crus comme cuits. Les feuilles hachées aromatisent, fraîches comme cuites, certains plats. Les graines aromatiques sont très parfumées. Moulues, elles remplacent le sel.
  • Photosensibilité : l’huile essentielle de céleri, comme toutes les huiles essentielles issues d’Apiacées, est photosensibilisante. Pas d’exposition au soleil après application cutanée et ingestion.
  • Potentiel allergique : l’ache et le céleri sont potentiellement allergisants (cf. présence de limonène).
  • L’emploi de l’ache et du céleri est déconseillé aux dyspeptiques et aux personnes sujettes aux irritations rénales.
  • Grossesse : on pense l’huile essentielle de céleri oestrogen like. Dans le doute, mieux vaut s’abstenir d’en faire l’usage durant la grossesse.
  • Il existe un élixir floral à base de fleurs de céleri. A utiliser lorsqu’on sort d’une maladie longue et/ou grave et qu’on a puisé dans ses ressources. Ce qui rappelle la vertu reconstituante du céleri.
  • Le suc vert contenu dans les feuilles de céleri peut faire office de colorant alimentaire.
    _______________
    1. On appelle parfois l’ache céleri sauvage et le céleri ache douce !
    2. Il est aussi question de guirlandes de pin comme trophée.
    3. Jean Chevalier & Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, p. 6
    4. Hildegarde de Bingen, Physica, p. 29
    5. Ibidem, p. 54
    6. Apium sativum var. rapaceum
    7. Apium sativum var. dulce
    8. Petit Larousse des plantes médicinales, p. 239
    9. Guy Fuinel, L’amour et les plantes, p. 56
    10. Ibidem

© Books of Dante – 2016

Le céleri-rave

Le céleri-rave

La saponaire, l’herbe qui fait des bulles

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Synonymes : herbe à foulon, herbe à savon, savon de fossé, savonnière.

Ses noms anglais et allemand – soapwort et seifenkraut – rendent compte de l’unanimité dans laquelle on a placé la saponaire. En effet, soap, seifen et sapo désignent tous la même chose : le savon. Mais avant de devenir sapo et saponem, on rencontre une très ancienne racine celte, saïpon, du nom d’une décoloration capillaire, puis en relation avec le savon qui est une invention celte.
L’histoire de la saponaire est étroitement liée à celle d’une plante nommée Gypsophila struthium, tout aussi remarquable que la saponaire en ce qui concerne l’aspect savonneux de la chose, à cela près que cette dernière plante est orientale. C’est peut-être elle qu’Hippocrate, Théophraste et Dioscoride appellent strouthion… Mais il n’est pas, alors, seulement question de lessive et de détergent, puisque, depuis Hippocrate au moins, la saponaire est citée par de nombreux médecins de l’Antiquité qui en faisaient un usage autant interne qu’externe. Diurétique, la saponaire trouve des emplois variés, tels que le désengorgement des intestins et l’expulsion des lithiases urinaires. En emplâtre et lotion, elle déterge la peau, les tumeurs et les vieux ulcères. Dans l’ensemble, ces indications seront reprises par Dioscoride qui ajoute l’importance de la saponaire dans le traitement de la toux, de l’orthopnée et de certaines maladies hépatiques. De plus, il la déclare apte à « lâcher le ventre » et à désengorger la rate.
Placée dans l’eau du bain pour lutter contre les démangeaisons cutanées, la saponaire est, chez les Romains, symbole de purification. Longtemps utilisée pour laver le linge à la place des savons, elle a la propriété de mousser dans l’eau. Les Anciens s’en servaient pour débarrasser du suint la laine grasse (Pline ne l’appelle pas herba lanaria, c’est-à-dire « herbe à la laine », sans raison), pas encore lavée, plutôt que pour blanchir le linge. Puis, elle servit au blanchiment des fils et des dentelles, à la rénovation des vieux tissus, tapisseries et autres tissus délicats depuis le Moyen-Âge.
Tandis que la médecine arabe s’empare de la saponaire dans le traitement des dartres, de la lèpre et des ulcères malins, on rencontre aussi cette plante sous la plume éclairée d’Hildegarde de Bingen. Chaude et humide, la Borith d’Hildegarde entre dans la composition de recettes purgatives et dépuratives. Elle la préconise aussi dans les douleurs gastriques, les problèmes digestifs, les troubles oculaires, les bourdonnements d’oreilles, les difficultés pectorales et les ulcères viscéraux. Dans les siècles qui suivront, elle sera largement vantée contre les douleurs rhumatismales et goutteuses, mais par-dessus tout contre les accidents syphilitiques, tant et si bien qu’elle sera considérée comme un remède anti-syphilitique très efficace selon de nombreux auteurs, et ce jusqu’au XIX ème siècle. Mais avant d’en arriver là, la saponaire s’invite aussi dans les travaux de Nicolas Lémery (1699). Détergeant puissamment les humeurs, la saponaire lui est fort utile sur les dartres, les démangeaisons (en particulier celles occasionnées par la gale), les tumeurs, etc. Par la suite, on fait de la saponaire un remède hépatique, on pulvérise ses semences contre l’épilepsie, on utilise sa racine pour calmer le feu des dermatoses, des furoncles, des scrofules, de l’eczéma, pour « adoucir les maux vénériens ». Au milieu du XIX ème siècle, Cazin relate en partie les observations de ses prédécesseurs, mais se détache nettement des avis concernant les propriétés antisyphilitiques de la saponaire. « Je me bornerai, écrit-il, à considérer la saponaire, d’après les effets que j’ai observés, comme une plante excitante, tonique, dont l’action est propre à provoquer les sécrétions, à en augmenter l’activité, en stimulant nos organes » (1).

Cette plante vivace, haute de 80 cm au maximum, porte une tige simple ou rameuse, robuste quoi qu’il en soit, d’un vert rougeâtre, renflée aux nœuds. Les feuilles sont grandes, vertes, de forme ovale, lancéolées, elles sont attachées au niveau des nœuds de la tige, opposées les unes aux autres. Les fleurs en cymes pédonculées mesurent en général 2 à 4 cm. Les sépales sont en forme de tube, ils sont striés et possèdent cinq dents courtes et pointues. Les pétales sont libres, de couleur rose pâle, rétrécis à la base en un long onglet très élargi dans sa partie supérieure. La floraison a lieu de juin en octobre.
La saponaire apprécie les endroits frais : on la rencontre sur les bords des chemins, terrains vagues, bois, haies, taillis, bordure de cours d’eau, le long des talus de chemins de fer jusqu’à 1000 mètres d’altitude.
Elle est commune dans presque toute l’Europe et en Asie occidentale. Mais sa multiplication végétative, par son rhizome, en fait une plante qui peut être envahissante, mais pas toujours.

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La saponaire en phytothérapie

Cette jolie plante vivace offre un intérêt phytothérapeutique par toutes ses parties. Ainsi peut-on employer la saponaire des fleurs aux racines. Légèrement parfumée, la saponaire contient une essence aromatique, ainsi que des résines. Mais son originalité tient à des substances dont le nom entre en résonance avec celui de la plante : les saponines, dont la gypsogénine. Nombreux sont les végétaux à contenir des saponines : l’asperge, l’ail, le bouillon-blanc, le haricot, l’épinard, la tomate, la betterave, la nielle des blés, l’arum, le polygala, le mouron rouge, l’avoine, le lierre, etc. Mais ces saponines y sont présentes dans des proportions moindres. Dans la saponaire, ces saponines sont particulièrement localisées dans les racines.

Propriétés thérapeutiques

  • Dépurative du sang, drainante, diurétique, purgative
  • Apéritive
  • Expectorante, fluidifiante des sécrétions bronchiques
  • Laxative, vermifuge
  • Antilithiasique
  • Sudorifique
  • Tonique
  • Détersive, résolutive

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère hépatique : insuffisance hépatique, engorgement hépatique, ictère
  • Troubles de la sphère respiratoire : encombrement des voies respiratoires, affections catarrhales chroniques, bronchite, toux, asthme, état grippal, angine, maux de gorge
  • Rhumatisme, goutte
  • Dépuration du sang
  • Affections cutanées : dartre furfuracée et squameuse, eczéma, acné, psoriasis, impétigo, prurit, herpès, zona, peaux sensibles
  • Engorgement lymphatique, scrofulose
  • Engorgement de la rate
  • Fluxions dentaires
  • Oxyures
  • Neurasthénie
  • Entretien du cuir chevelu et des cheveux abîmés

Modes d’emploi

  • Décoction de racines et/ou de feuilles
  • Décoction rapide (2 mn)
  • Suc de feuilles frais
  • Cataplasme de feuilles et/ou de fleurs fraîches
  • Gargarisme
  • Teinture-mère

Contre-indications, précautions d’usage, autres emplois

  • Récolte : les feuilles avant floraison, au mois de juin, les racines dès l’automne et jusqu’au printemps suivant. Ces dernières seront nettoyées, mondées, découpées en tronçons de 3 à 4 cm, puis mises à sécher dans un lieu sec ou à la douce chaleur du four. Quant aux feuilles, une mauvaise dessiccation leur fait perdre leur belle couleur. Plus elle « s’éloigne de la teinte verte, plus on doit croire qu’elles sont anciennes et mal séchées » (2).
  • Toxicité : la dessiccation des feuilles et des racines est incontournable. En effet, à l’état frais, elles sont trop irritantes pour le tube digestif. De plus, lorsqu’on prépare une décoction destinée à l’usage interne, il n’est pas conseillé de laisser macérer la saponaire, et dès qu’elle est prête, il faut l’utiliser (on ne peut donc en préparer à l’avance), sans quoi elle serait beaucoup trop concentrée en saponines, dont la surdose n’est pas sans inconvénients. Bien que les accidents sont rares chez l’homme, les saponines présentes dans la saponaire induisent des manifestations qui n’ont rien d’anodin : tremblements, sécheresse de la bouche, paralysie de la langue, inhibition des mouvements volontaires et réflexes, ralentissement des mouvements respiratoires et cardiaques, baisse de la pression sanguine, baisse de la température corporelle, hallucinations, mydriase, arrêt cardiaque.
  • Produits ménagers. 1/ Lessive : faites bouillir des racines de saponaire dans de l’eau non calcaire. Laissez infuser. Passez. Avec cette lessive, lavez alors en machine, tous vos vêtements de couleur, ils n’en seront que plus beaux et ne se décoloreront pas. Les noirs en particulier ne pâlissent ni ne verdissent comme avec le savon. Jadis tous les vêtements de couleur noire étaient lavés à la saponaire. On voit encore ceci dans les couvents méditerranéens. Le pouvoir détergeant de la saponaire est remarquable, sans être agressif et sans polluer l’eau à l’instar de la noix de lavage. Ce qui veut dire qu’une eau de lavage à la saponaire peut être utilisée pour arroser les plantes, par exemple. 2/ Savon : « Faire fondre 250 g de saindoux propre, y verser lentement le jus d’une racine de saponaire en tournant constamment dans le même sens, tandis que le mélange tiédit. Lorsqu’il a épaissi, le verser dans des moules en bois. Laisser reposer deux jours. Couper soigneusement les pains de savon en morceau et les laisser sécher sur des plateaux en vannerie pendant environ un mois, à l’abri du soleil » (3).
  • En cuisine, il est tout à fait possible de consommer les fleurs fraîches en salade, par exemple. Elles furent anciennement utilisées en brasserie, sans doute en raison de leur odeur de framboise mêlée de girofle.
  • Autre espèce : la saponaire des vaches (Vaccaria hispanica, ex. Saponaria vaccaria). On peut faire de cette espèce les mêmes usages que la saponaire officinale.
    _______________
    1. François-Joseph Cazin, Traité pratique et raisonné des plantes médicinales indigènes, p. 856
    2. Ibidem, p. 855
    3. Claudine Brelet, Médecines du monde, p. 333

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La saponaire des vaches (Vaccaria hispanica)

La saponaire des vaches (Vaccaria hispanica)

La sarriette des montagnes (Satureia montana)

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Synonymes : sarriette vivace, sarriette d’hiver, sarriète commune, sauriette, sacrée, savourée, herbe de saint Julien.

Au prime abord, son nom ne vous dira peut-être rien… Mais si je vous annonce qu’elle fait partie, avec thym, romarin, origan et marjolaine, des « cinq herbes de Provence », cela plante tout de suite le décor, nan ?
Il est vrai qu’elle a tant été délaissée et négligée qu’on peut se demander ce qu’elle peut bien faire en herboristerie. Retirée de la pharmacopée française en 1965 (ce qui à mon avis est une totale aberration 1), ces quelques décennies de mise au ban ne sauraient faire oublier les pouvoirs dont est dotée la sarriette. Et c’est ce que je me propose de vous exposer aujourd’hui.

De la famille des Lamiacées (anciennement Labiées, tout comme les quatre autres herbes mentionnées ci-dessus), la sarriette est un petit sous-arbrisseau vivace dont la hauteur varie de 10 à 30 cm. Elle a un aspect dru, des tiges ligneuses qui portent des feuilles vert foncé, persistantes, étroites et pointues, assez semblables aux feuilles de l’hysope (d’ailleurs, la sarriette portait anciennement le nom d’Hyssopus agrestis). Les sommités des rameaux se terminent lors de la floraison par des grappes de fleurs en corolles bilabiées de couleur généralement blanche, plus rarement rosée.
Comme beaucoup d’autres plantes aromatiques, les feuilles et les fleurs de la sarriette dégagent une forte odeur poivrée et piquante lorsqu’on les froisse (c’est donc dans ces parties qu’est logée l’essence de la plante). Ses surnoms de poivrette et de poivre d’âne (pêbre d’ai, pébré d’aï en provençal) sont là pour nous rappeler cette particularité.
Elle pousse sur des terrains pauvres et calcaires, à des altitudes dont on pourrait déduire qu’elles sont montagnardes, mais bien souvent comprises entre 300 et 1000 m. Ainsi, les coteaux arides, les rocailles, les rochers, les sols sablonneux, largement exposés au soleil et bien drainés lui conviennent-ils. Il n’est donc pas rare de la rencontrer, poussant en colonies, en différents lieux du pourtour méditerranéen présentant des caractéristiques communes : le sud de la France (2), l’Espagne, l’Italie, la Croatie, l’Albanie, l’Afrique du Nord.

Il est certain que si je m’arrête là, on en déduira que la sarriette est une espèce de gnome végétal, vague buisson rabougri poussant dans des lieux pas possibles et qu’en plus elle pique la langue.

Continuons-nous ? Allez, je me sens d’humeur prolixe aujourd’hui.

Savez-vous qu’on l’utilise en cuisine ? Oui, si vous avez suivi jusque là… Il s’agit de l’un des meilleurs correctifs des gibiers faisandés. Hum… Elle peut faire partie d’un bouquet garni afin d’aromatiser des plats cuisinés, en particulier ceux à base de viande (civets, etc.). Là, je m’autorise une petite mise au point : les plantes aromatiques ne sauraient être reléguées au rang de vulgaires aromates. Le terme « aromate » est faussement trompeur puisqu’il est limitatif sur au moins deux points :

  • Toute plante est aromatique dès lors qu’elle dégage un arôme. Le tilleul est aromatique. La fraise aussi, ainsi que le géranium. On ne saurait donc réduire le terme « aromatique » aux seuls sauge, thym, serpolet, laurier, marjolaine, origan, lavande, hysope et j’en oublie…
  • Qui dit aromate, dit arôme et donc odeur, parfum. Les plantes aromatiques, outre leurs pouvoirs odoriférants, ne s’arrêtent pas à la seule et simple satisfaction de nos cellules olfactives et de nos papilles gustatives. Ce serait un tort que de le penser.

Il y a donc des rapports plus qu’étroits entres plantes condimentaires d’une part et plantes médicinale d’autre part. Mais tout ceci n’est que le fruit d’un ordonnancement purement humain. Et la prégnance de certaines habitudes peut laisser penser qu’une plante aromatique utilisée en cuisine comme peut l’être la sarriette ou un autre exemple criant à ce titre – le persil –, est forcément dénuée d’actions propres à d’autres domaines. Ce qui est bien entendu faux. Cazin ne disait-il pas que « cette plante, tout à fait tombée en désuétude sous le rapport de son usage médical, sans doute à cause de son emploi dans l’office culinaire, a des propriétés dont on peut tirer partie » ? (3). Pline lui-même n’en parlait-il pas comme d’une plante condimentaire et médicinale : « La sarriette se montre diurétique et aide merveilleusement la digestion, tout en donnant de l’appétit, si l’on en prend à jeun dans une boisson ».
Si j’ai mentionné plus haut que la sarriette permettait de corriger les gibiers faisandés, c’est qu’elle est dotée de propriétés antitoxiques et antiputrides. Antitoxique et antiputride, la sarriette ? Mais oui, mais oui ! Pourquoi donc les Égyptiens l’auraient utilisée pour l’embaumement des corps ?
Si l’on prend à la fin d’un repas copieux une infusion de sarriette, ça n’est pas que pour le seul délice des sens. C’est surtout parce que la sarriette rend la digestion plus aisée. Digestive, la sarriette ? Mais oui, mais oui ! Pourquoi donc l’Antiquité en aurait fait un condiment parfumant légumes, sauces et grillades ? Pourquoi en ajoutait-on aux plats de viandes et de légumes secs (pois, fèves…) au Moyen-Âge ? Afin de rendre tout cela plus digeste, d’éviter ainsi ballonnements et autres flatulences, merci bien !
Il n’y a donc pas là qu’affaire de parfum, encore moins de goût (la sarriette comme ses copines lamiacées n’est pas qu’un vulgaire exhausteur de goût…). Ce n’est donc pas pour rien que cette plante jouit depuis l’Antiquité d’un très grand prestige aux côtés du thym, du serpolet et de l’hysope. Mais, les Anciens, bien plus que nous ne sommes capables de le faire, savaient allier les propriétés médicinales et culinaires de la plupart des plantes.
Condiment des orgies romaines, la sarriette a été propagée en Europe par les moines bénédictins dès le Haut Moyen-Âge, bien que sa culture ait été interdite dans un certain nombre de monastères en raison de sa réputation de plante aphrodisiaque. En effet, son nom latin satureia proviendrait peut-être du mot « satyre »… En tout cas, c’est comme cela qu’on l’appelle depuis au moins douze siècles, c’est sous ce nom qu’elle est inscrite dans le fameux Capitulaire de Villis. Et cette réputation aphrodisiaque ne date pas d’hier non plus puisque le poète latin Ovide y fait déjà référence dans le livre II de L’art d’aimer : « La sarriette attise violemment les feux de l’amour, son nom lui venant des satyres dont on connaît l’ardeur pour les exploits amoureux ». D’autres étymologies, plus terre à terre, nous renvoient immanquablement au rôle condimentaire de la sarriette : de satura, « ragoût », de saturare, « rassasier », etc. La prégnance de l’usage alimentaire (en Allemagne, on l’appelle encore bohnenkraut, l’herbe aux haricots, c’est tout dire !) peut-elle nous faire dire que la sarriette a eu fort peu d’émules au rang des médecins ? Non. Dioscoride, et plus tard Paul d’Egine (VII ème siècle ap. J.-C.) lui reconnurent des qualités semblables au thym (ils distinguèrent même la sarriette des montagnes de celle dite des jardins). Ceci dit, ce n’est véritablement qu’au Moyen-Âge que la sarriette pénètre davantage au cœur des officines. Au XI ème siècle, Macer Floridus note la « grande force de chaleur » de la sarriette et la décrit admirablement en alignant nombre de ses propriétés majeures : diurétique, expectorante, antidiarrhéique, emménagogue, aphrodisiaque, antiléthargique. Un siècle plus tard, Hildegarde attribue à sa Satereia des qualités stimulante, tonique, antispasmodique, stomachique et antirhumatismale. « Plus chaude que froide », dit-elle, elle la prescrit aussi dans les douleurs de la goutte. Au début du XVI ème siècle, Culpeper recommande cette plante aux femmes enceintes pour lesquelles l’alimentation trop riche peut occasionner des désagréments digestifs. Un peu plus tard (1552), Jérôme Bock écrit que « cette plante est si bonne pour l’estomac qu’on l’appelle ‘la sauce aux pauvres gens’ ; les Allemands la mêlent au chou qu’ils font confire au sel et au vinaigre, pour les conserver longtemps ». En 1765, le médecin allemand Cartheuser affirme que la sarriette est propre à « augmenter et provoquer admirablement les excrétions de toutes espèces. Ce n’est donc pas un des moindres antiscorbutiques, diurétiques, lithontriptiques [id est : antilithiasiques], carminatifs, stomachiques, pectoraux, utérins et aphrodisiaques ».
Après une très longue période d’oubli, on la rencontre brièvement chez Henri Leclerc au XX ème siècle, et plus largement chez Jean Valnet. C’est lui qui rapporte ce qui est contenu dans les lignes suivantes.
En 1975, des chercheurs de la Faculté de Montpellier ont fait paraître un document intitulé « Place de l’essence de satureia montana dans l’arsenal thérapeutique ». Le but de cette étude était de mettre en évidence et de comparer les actions antibactériennes et antifongiques d’un certain nombre d’huiles essentielles dont la sarriette et le thym sur un ensemble de staphylocoques, de champignons et autres germes infectieux.
Les résultats ont montré une très nette supériorité de la sarriette par rapport aux autres essences utilisées. De plus, elle a agit à des concentrations 2 à 20 fois moins élevées que les autres essences. Dans un seul cas, l’huile essentielle de thym s’est montrée plus efficace que celle de sarriette. Valnet dira : « l’huile essentielle de sarriette a donc une action antimicrobienne et antifongique très nettement supérieure à celles des essences de labiées couramment utilisées en thérapeutique. »

Maintenant, allez expliquer le retrait de la sarriette de la pharmacopée française… Cependant, qu’on se rassure : la sarriette, que ce soit en plante sèche ou sous forme d’huile essentielle, est en vente libre en France. Ouf !

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La sarriette des montagnes en aromathérapie

Lors de sa troisième année, la sarriette est récoltée peu avant floraison ou lorsque celle-ci débute à peine, par temps sec et beau, en fin de matinée par exemple. Sans plus attendre, les sommités fleuries sont distillées à la vapeur d’eau. Peu généreuse, la sarriette n’offre qu’une faible fraction aromatique (0,2 à 0,8 %). Selon le biotope de la plante, la couleur de l’huile essentielle obtenue peut varier du jaune au jaune orangé presque rouge. Son parfum chaud, piquant, poivré, épicé rappelle à d’aucuns l’odeur du bouc, ce qui, en effet, se distingue nettement. Cela fait qu’on en revient au satyre, créature hybride aux pieds de bouc !

  • Phénols (dont carvacrol) : 55 %
  • Monoterpènes (dont sabinène, paracymène) : 40 %
  • Monoterpénols : 10 %
  • Sesquiterpènes : 5 %

Propriétés médicinales

  • Anti-infectieuse à très large spectre d’action : antibactérienne (sur Pseudomonas aeruginosa, Klebsellia pneumoniae, Campylobacter jejuni, Listeria monocytogenes, Salmonella typhimurium, Escherichia coli, Shigella dysenteria, Bacillus cereus, Staphylococcus aureus…), antifongique (sur Aspergillus niger, Candida albicans, Sacharomyces cerevisiae…), antivirale, antiparasitaire
  • Immunomodulante, positivante, tonique générale, stimulante physique et nerveuse, anti-asthénique
  • Stimulante endocrinienne : thyroïdienne, surrénalienne, ovarienne (progesteron like), testiculaire
  • Anti-inflammatoire, antinociceptive, antalgique percutanée
  • Apéritive, digestive, carminative, antiputride intestinale, modératrice du péristaltisme intestinal
  • Spasmolytique
  • Expectorante
  • Diurétique
  • Insectifuge
  • Hyperthermisante
  • Antioxydante (4)
  • Astringente, résolutive, vulnéraire, cicatrisante

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère pulmonaire + ORL : pneumonie, bronchite, otite, sinusite, laryngite, tuberculose, catarrhe muqueux, trachéite, angine, asthme, emphysème, toux, rhume, coqueluche
  • Troubles de la sphère digestive : entérite, entérocolite, gastro-entérite, diarrhée aiguë ou chronique (d’origine infectieuse), constipation, mycose intestinale, dysenterie, ballonnement, flatulences, digestion lente et pénible, atonie digestive, faiblesse stomacale, douleur gastrique (d’origine nerveuse), contractures et spasmes intestinaux, crampe d’estomac, fermentation intestinale, parasites intestinaux (ascarides)
  • Troubles de la sphère bucco-dentaire : aphte, douleur des caries, névralgie dentaire, ulcération buccale, plaies de la bouche et de la gorge
  • Troubles de la sphère urinaire : candidose, cystite, urétrite, prostatite
  • Affections cutanées : mycose (candidose unguéale), dermatophytose, pied d’athlète, verrue, gale, furoncle, muguet, plaie atone, piqûre d’insecte
  • Asthénie physique, intellectuelle et sexuelle, immunité faible
  • Rhumatismes, arthrite, polyarthrite rhumatoïde
  • Hypotension
  • Engorgement et gonflement des amygdales
  • Somnolence après les repas
  • Maladie d’Alzheimer (études en cours)

Propriétés psycho-émotionnelles et énergétiques

La composition de l’huile essentielle de sarriette nous indique très clairement à quels niveaux elle vibre le mieux. Résistance et défense évoquent deux chakras, celui de la racine et le sacré. Véritable bâton de dynamite, la sarriette est particulièrement destinée aux personnes dont l’énergie vitale est en berne. Elle donne un bon coup de fouet, ce qui permet de transmettre chaleur (elle est hyperthermisante), force et courage, afin de fournir aux personnes affaiblies ce nécessaire besoin de sécurité, s’inscrivant dans les besoins physiologiques de base. Ainsi est-elle efficace contre les angoisses et les cauchemars qu’un défaut de sécurité ne manque pas d’occasionner.

En médecine traditionnelle chinoise, elle permet de renforcer et de stimuler la circulation de l’énergie dans les deux méridiens vénusiens que sont le Poumon et le Gros intestin. Le premier de ces deux méridiens représente la porte entre l’extérieur et l’intérieur. S’il est vigilant, il n’est pas censé laisser entrer d’agents agressifs (et pathogènes) à l’intérieur du corps, de même que l’acrimonie de votre voisin, par exemple. Lorsque ce n’est pas le cas, cela signifie que le corps (et l’esprit) est facilement envahi parce que, peut-être, immunodéprimé, générant un ensemble d’affections pulmonaires et cutanées. En ce cas, les bras baissés, on peine à imposer ses limites, à se défendre face au monde extérieur ; manquant de volonté et de souffle, on renonce. De même, pour le méridien du Gros intestin, à la différence près que les affections vont se porter sur l’intestin lui-même, et parfois, comme c’est en réalité assez souvent le cas, sur l’estomac (et donc le méridien qui lui est associé), lequel ajoute au florilège la tension, le stress, la peur de manquer (chakra racine en filigrane).
Dans ces cas, l’huile essentielle de sarriette est à même de redynamiser ces trois méridiens, mais sans jamais abuser des faveurs que nous concède cette huile essentielle. De nature relativement ignée, à fortes doses, elle amène la colère, l’agressivité, la nervosité, et même l’hyperactivité. Ainsi, les personnes concernées par ces quatre points, ainsi que les hypertendus, se passeront de l’huile essentielle de sarriette qui n’est guère faite pour eux, en particulier les personnes dont le signe astrologique est le Bélier, le Lion ou le Sagittaire (sauf en cas de défaillance énergétique importante).

Modes d’emploi

  • Huile essentielle : voie cutanée suffisamment diluée dans une huile végétale, voie interne (en gélules gastro-résistantes)
  • Phytothérapie : infusion, décoction vineuse, macération vineuse
  • Hydrolat : dans les cas où l’huile essentielle est déconseillée

Précautions d’emploi, contre-indications et autres usages

  • L’huile essentielle de sarriette ne se prête pas à l’inhalation, à l’olfaction et à la diffusion atmosphérique : cette huile est caustique pour les muqueuses de la bouche, du nez, de la gorge et des poumons. De même, son application cutanée se fera avec la plus grande prudence en raison de sa (parfois) virulente dermocausticité. L’huile essentielle de sarriette des montagnes doit donc être impérativement diluée dans une huile végétale, et même dans ce cas, on évitera le visage, en particulier le contour des yeux et de la bouche.
  • Par usage interne, on observera de courtes périodes d’utilisation, d’autant que carvacrol et thymol sont hépatotoxiques. Dans ce cas, associer l’huile essentielle de sarriette des montagnes avec l’essence de citron, l’huile essentielle de romarin officinal à verbénone, le chardon-marie, toutes plantes hépatoprotectrices.
  • L’huile essentielle de sarriette des montagnes est réservée à l’adulte. A ne pas utiliser chez la femme enceinte ou allaitant, ni même chez le jeune enfant. Dans ces trois cas, préférer l’hydrolat aromatique de sarriette des montagnes.
  • En phytothérapie, la sarriette fraîche est de rigueur (attention de veiller à ce qu’elle ne soit pas contaminée par la rouille). Si vous ne pouvez vous en procurer ainsi, optez pour la sarriette sèche, mais évitez la sarriette en poudre, car « quel meilleur moyen que la pulvérisation pour mettre la plus grande surface possible d’une plante au contact de l’air ? » (5). Comme beaucoup d’autres plantes qu’on trouve en épicerie (même bio), la sarriette en poudre est un produit de peu de valeur.
  • Cuisine : quand j’étais enfant, j’allais – comme ma grand-mère disait alors – garder les chèvres. Dans le maquis provençal, il nous arrivait parfois de rencontrer un pied de sarriette dont nous ramassions quelques brins. Un fois revenus à la ferme, nous roulions un fromage de chèvre demi-sec dans les feuilles de sarriette, chose qui se fait encore aujourd’hui. En Provence, la sarriette est un condiment de choix qui accompagne autant les légumes (fèves, pois, haricots, lentilles, tomates…), les viandes (agneau, lapin, gibiers, boudin…) que les crustacés et mollusques (écrevisses, moules).
  • Autres espèces : de la sarriette des montagnes, on rencontre parfois deux variétés, S. montana montana (HE à monoterpènes et monoterpénols) et S. montana var. citriodora (HE à monoterpénols et sesquiterpènes). La sarriette des montagnes est vivace, contrairement à la sarriette des jardins (S. hortensis). Il existe aussi la sarriette de Perse (S. thymbra), la sarriette à épis du Caucase (S. spicigera), enfin des variétés naines en Grèce et en Corse, S. graeca et S. corsica.
    _______________
    1. Elle apparaissait notamment dans l’alcoolat vulnéraire du Codex.
    2. En France, elle n’ira pas plus haut qu’une ligne courbe Gironde-Lozère-Ain.
    3. François-Joseph Cazin, Traité pratique et raisonné des plantes médicinales indigènes, p. 857
    4. « A noter que la sarriette des montagnes, et son huile essentielle sont accepteurs d’oxygène et capteurs de radicaux libres », Michel Faucon, Traité d’aromathérapie scientifique et médicale, p. 704
    5. Pierre Lieutaghi, Le livre des bonnes herbes, p. 409

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Le carthame (Carthamus sp.)

Carthame des teinturiers (Carthamus tinctorius)

Carthame des teinturiers (Carthamus tinctorius)

Synonymes : safran bâtard, safran d’Allemagne, safre, safranon, etc.

L’origine orientale du carthame ne fait pas de doute. Cette plante était bien connue au Proche-Orient, comme l’atteste le mot hébreu kartami (qui veut simplement dire « teindre »), repris par l’arabe kurthum et le latin carthamus. En Égypte, on utilisait l’huile de carthame, conviée avec bien d’autres substances, lors des cérémonies d’embaumement, tandis que ses feuilles, desséchées et pulvérisées, étaient employées pour la fabrication du fromage afin de faire cailler le lait.
Au IV ème siècle avant J.-C., le botaniste grec Théophraste aborde le cas de trois plantes qu’il appelle knêkos (cnicus en latin, Cnicus sativa étant un ancien nom scientifique latin du carthame), lesquelles sont toutes trois des plantes épineuses. Théophraste distingue deux espèces de carthames sauvages : le carthame laineux (Carthamus lanatus, carthame à quenouille, chardon-bénit des Parisiens, etc.) et le chardon-bénit (Cnicus benedictus). Le troisième, cultivé lui, n’est autre que le carthame dit des teinturiers (Carthamus tinctorius). Théophraste précise que sa feuille a une particularité : « si on la détache et qu’on l’applique sur la chair, son suc prend l’apparence du sang » et que «  la plante répand une odeur fétide qui rappelle le sang ». Mais il s’agit là non pas du carthame des teinturiers mais du carthame laineux dont la botanique moderne nous rappelle que cette plante annuelle, d’odeur fétide, contient un suc rougeâtre. Dans tous les cas, l’huile extraite des graines de ces deux espèces entre dans la composition de nombreuses médications, desquelles on a remarqué très tôt la vertu purgative (Hippocrate, Dioscoride, Galien). Selon un ancien traité astrologique grec, le carthame soulagerait l’hydropisie, alors que d’après Pline « il est avéré que les personnes piquées par un scorpion n’éprouvent aucune douleur tant qu’elles tiennent cette plante » (principe de sympathie : le carthame est une plante épineuse).
Dans certains textes antiques, on trouve le mot zaphira qui désigne autant le carthame des teinturiers qu’un petit crocus du type safran, Crocus cartwrightianus, deux plantes qui, au prime abord, n’ont pas grand chose en commun. Mais parce que le carthame a aussi été appelé flore croceo, il doit bien y avoir un rapport. En effet, le carthame est une plante tinctoriale comme le safran, et offre des teintes semblables à celles du célèbre petit crocus (d’ailleurs, les fleurs de carthame servent encore à la falsification du safran bien qu’elles n’en aient pas le parfum ; ainsi le carthame est-il vendu au touriste imprudent, en lieu et place de safran, comme cela se fait en Indonésie). Cet usage tinctorial du carthame s’est longuement pérennisé puisque autrefois cette plante était cultivée en Alsace, dans le Midi de la France, en région lyonnaise (dans les années 1940, le carthame s’employait encore comme matière tinctoriale en France, au côté de l’indigo). Bien sûr, la présence du carthame sur le sol français a bien intéressé quelques thérapeutes curieux. Les « graines de perroquet », comme on appelle parfois les semences de carthame, et auxquelles on a reproché l’amertume de l’amande, permettent d’obtenir une huile végétale inusitée en France au temps de Cazin et, plus tard, de Fournier, qui indique qu’elle n’est guère consommée qu’en Éthiopie, car on ne la considère pas comme une huile alimentaire, comme le souligne Augustin Pyramus de Candolle en 1816, car trop purgative, voire émétique (en revanche, elle fera office dans maints usages pratiques, l’éclairage entre autres). Et c’est bien là qu’on rencontre un problème vis-à-vis de cette huile végétale tant les sources se contredisent à son sujet : « L’huile de carthame […] est comestible après raffinage ». Par ailleurs, l’on apprend que cette huile « ne doit en aucun cas avoir subi de raffinage ». Donc, bon, voilà, je suis dans le doute…

Le carthame des teinturiers est une plante annuelle, voire bisannuelle, dont la très longue racine en fuseau s’enfonce profondément dans le sol, parfois jusqu’à deux mètres. La plante porte une tige simple et glabre, de 60 à 90 cm de hauteur, garnie de feuilles alternes, ovales-pointues, bordées de dentelures épineuses. Comme toutes les plantes de la famille des Astéracées, le carthame ne porte pas une fleur unique, mais un capitule composé d’une multitude de fleurons dont la teinte oscille entre le jaune et le orange. Chacun de ces fleurons est hermaphrodite et infundibuliforme, c’est-à-dire en forme d’entonnoir. Après la floraison estivale, chaque fleuron laisse place à un akène contenant une graine solitaire, luisante, striée, cunéiforme, non dotée d’aigrette mais de paillettes.

Quelques mots sur le carthame laineux…

« Cette espèce se distingue de la précédente par ses fleurs jaune d’or, ses feuilles très coriaces, glanduleuses et visqueuses, profondément divisées en lobes épineux, les supérieures munies de poils un peu laineux en toile d’araignée » (1). Spécifique du Midi de la France, ce carthame est rare, voire inexistant ailleurs.
Peu usité en phytothérapie, on lui a anciennement reconnu des propriétés fébrifuge, sudorifique, anthelminthique, emménagogue, antiseptique et résolutive.

Carthame laineux (Carthamus lanatus)

Carthame laineux (Carthamus lanatus)

Le carthame en phyto-aromathérapie

Bien que les fleurs de carthame ne fassent pas l’objet d’un emploi thérapeutique en Occident, il s’avère qu’elles ont été employées comme purgatif léger. En Chine, où elles sont toujours utilisées comme matière médicale, des recherches sont menées à leur sujet, en particulier sur leurs effets protecteurs sur les artères coronaires et la baisse du taux de cholestérol sanguin.
Les graines de carthame subissent une expression à froid, laquelle permet d’obtenir 40 % d’huile de couleur jaune ambré, légère et limpide. Contenant moins de 10 % d’acides gras saturés, elle est particulièrement riche en acides gras insaturés (90 %, dont 75 % d’acide linoléique). En outre, elle contient des vitamines E et K.

Propriétés thérapeutiques

  • Stimulante du système nerveux
  • Digestive, laxative douce, cholagogue
  • Expectorante
  • Sudorifique
  • Emménagogue
  • Protectrice cardiovasculaire, hypocholestérolémiante, hypolipémiante
  • Renforce le système immunitaire, anti-infectieuse (antifongique)
  • Révulsive, siccative
  • Assouplissante et adoucissante cutanée

Usages thérapeutiques

  • Affections de la sphère cardiovasculaire et circulatoire : prévention de l’artériosclérose, excès de cholestérol sanguin, couperose
  • Régime alimentaire à faible apport en graisses (cf. obésité)
  • Douleurs et traumatismes musculaires, rhumatismes, paralysie
  • Pneumonie
  • Sensibilité dermique (rougeurs cutanées), ulcères

Modes d’emploi

  • Graines entières broyées en décoction
  • Huile végétale : par voie interne en cure régulière, par voie externe comme huile de massage, démaquillant, etc.

Contre-indications, précautions d’emploi, autres usages

  • Aucune contre-indication à l’emploi d’huile végétale de carthame n’a été relevée à ce jour.
  • Aussi fragile que les huiles de bourrache et d’onagre, l’huile de carthame s’oxyde assez vite et doit donc être protégée de la chaleur et de la lumière. Après ouverture, elle doit être rapidement consommée.
  • Cuisine : comme huile d’assaisonnement sur salades, crudités, plats de poissons, fromages frais. A ne jamais faire chauffer (elle ne supporte ni la cuisson ni la friture).
  • Cosmétique : l’huile végétale de carthame est présente au sein de nombreuses préparations (shampooing, savons, etc.).
  • Teinture : les fleurs de carthame contiennent deux pigments végétaux. L’un est jaune (carthamone), l’autre rouge (carthamine). Du premier, l’on a fait peu d’usage (il est encore utilisé comme colorant alimentaire cependant), alors que la carthamine est autrement connue sous les noms de « rouge carthame », « rouge végétal », « rouge de toilettes », « vermillon d’Espagne », révélant par là l’ancien passé tinctorial de la plante. Ce pigment rouge permettait de donner aux étoffes de soie, de coton et de laine des teintes allant du rose au rouge cerise en passant par le rouge coquelicot. La carthamine fut également utilisée pour teindre les robes des bonzes bouddhistes jusqu’au XIX ème siècle, avant que l’aniline synthétique ne prenne le relais. La carthamine se rencontre parfois dans certains produits cosmétiques tels que rouges à lèvres et fards à paupières.
    _______________
    1. Paul-Victor Fournier, Dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France, p. 222

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L’onagre (Œnothera biennis)

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Synonymes : œnothère, herbe aux ânes, mâche rouge, raiponce rouge, primevère du soir, jambon végétal, jambon des jardiniers, jambon de saint Antoine, etc.

Originaire du continent nord-américain, l’onagre a naturellement fait partie des pharmacopées amérindiennes en tant qu’anti-inflammatoire du tractus digestif, desséchante bronchique (par ses tanins) et adoucissante de la gorge (par ses mucilages). Elle était donc indiquée dans la toux et l’asthme, par exemple. Ses cataplasmes venaient à bout de maladies cutanées, pansaient plaies et abcès. Par ailleurs, les Amérindiens faisaient bouillir les parties aériennes de cette plante et sécher ses racines en provisions hivernales.

On dit de l’onagre qu’elle aurait été introduite de Virginie en tout début de XVII ème siècle (1612 ou 1614). Mais, en réalité, cette plante est arrivée en Europe en passagère clandestine des navires qui circulaient des Amériques jusqu’à l’Europe à cette époque. Elle se trouvait à l’état de graines dans la terre qui servait de ballast à ces mêmes navires. Elle s’est donc ainsi dispersée par le concours bien involontaire de l’homme.

Son nom d’oenethera se rapporterait à une plante de l’Antiquité grecque dont les racines trempées dans du vin auraient servi à apprivoiser les bêtes sauvages, ce qui est tout à fait ridicule, puisque « un usage indien conseillait de se frotter avec la plante avant de partir en chasse, pour masquer les odeurs humaines » (1) : l’onagre enivre les sens des animaux sauvages, il n’est nullement question de vin dans toute cette histoire.

J’ignore assez où l’onagre a débarqué après ses pérégrinations trans-atlantiques. En tout les cas, « un vieux dicton allemand du XVIII ème siècle prétendait qu’une livre de ces racines donnait plus de force qu’un quintal de bœuf ! » (2). Dans les années 1840, l’onagre, peu encore connue en France, l’était bien davantage en Allemagne, dont la langue l’appelle nachtkerze, « bougie de la nuit », puisque ses fleurs ne s’ouvrent qu’en fin d’après-midi (18h00) pour se faner vingt-quatre heures plus tard.
En fin de XIX ème siècle, les Américains Davis et Sullivan se penchent très sérieusement sur le cas de l’onagre et en établissent certaines propriétés thérapeutiques que nous retrouverons plus bas, mais pas avant une petite séquence botanique.

Comme son nom latin le laisse suggérer, l’onagre est une plante bisannuelle. C’est-à-dire, que sa capacité à se reproduire ne survient que lors de sa seconde année. La première année, une grosse racine pivotante se développe, surmontée d’une large et dense rosette de feuilles vert-gris et dont les nervures centrales rougissent avec l’âge. La seconde année voit apparaître une haute hampe florale qui peut atteindre 1,50 m de hauteur (voire 1,80 m.) La tige simple s’orne de petites feuilles lancéolées qui raccourcissent plus elles s’élèvent vers le bouquet floral : des fleurs de grande taille (4 à 5 cm), jaune soufre, à 4 pétales, 4 sépales et 8 étamines qui fleurissent de mai en septembre, au léger parfum de fleur d’oranger disent certains.
Elle est fréquente dans le Centre-Ouest de la France, elle est dispersée par ailleurs. Elle affectionne les sols secs, sableux ou alluvionnaires largement exposés au soleil. On aura la chance de la trouver sur les terrains incultes, les friches, en bordure de routes, de chemins, de voies ferrées, dans les décombres, etc.

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L’onagre en phyto-aromathérapie

La phytothérapie fait moins grand cas de l’onagre que sa consœur l’aromathérapie. Cependant, si la première n’avait pas porté quelque intérêt à l’onagre il y a un peu plus d’un siècle, sans doute que l’aromathérapie serait passée complètement à côté de cette plante, ce qui eut été fort dommage.
L’onagre, comme plante entière, contient des tanins, beaucoup de mucilage, de l’alcool céralyque, des phytostérols, un pigment de couleur rouge, une huile végétale, etc.
Cette dernière se localise dans les graines de la plante qui offrent, après expression à froid, environ 15 % d’huile liquide, limpide, jaune claire. Cette huile contient 90 % d’acides gras insaturés (dont 8 à 15 % d’acide gamma-linoléique, ce qui est exceptionnel), 10 % d’acides gras saturés, de la vitamine E, etc.

Propriétés thérapeutiques

  • Antiphlogistique et antispasmodique dans les maladies inflammatoires de l’intestin, de l’estomac, du foie et des voies urinaires
  • Vasodilatatrice, inhibitrice de la synthèse du cholestérol et de l’agrégation plaquettaire, hypotensive, fluidifiante sanguine, préventive des affections cardiovasculaires
  • Anti-inflammatoire
  • Stimulante et régulatrice hormonale chez la femme (progestérone, folliculine, prolactine)
  • Hépatoprotectrice
  • Régulatrice des sécrétions salivaires et lacrymales, régulatrice du taux de sébum
  • Sédative de la toux et des affections pulmonaires ayant leur siège dans une trop grande sensibilité nerveuse
  • Nourrissante du derme, raffermissante tissulaire, régénérante et assouplissante cutanée, protectrice contre la déshydratation intracellulaire
  • Immunostimulante

Usages thérapeutiques

  • Troubles cardiovasculaires et circulatoires : artériosclérose, hypertension, excès de cholestérol sanguin, thrombose, cellulite
  • Troubles de la sphère pulmonaire : catarrhe, coqueluche, asthme, toux
  • Troubles gastro-intestinaux : états inflammatoires gastro-intestinaux (entérite…), spasmes gastriques
  • Troubles hépatiques : diabète, cirrhose
  • Troubles de la sphère gynécologique : syndrome prémenstruel (déprime, irritabilité, tensions et douleurs mammaires), règles douloureuses et/ou tardives, mastose, mastalgie, préménopause, ménopause, problèmes liés aux modifications hormonales (maux de tête, mastodynie, etc.)
  • Troubles cutanés : eczéma, psoriasis, peau et muqueuses sèches à très sèches, dévitalisées, fatiguées, peaux ridées (sèches ou grasses) : l’huile végétale d’onagre rétablit le film hydrolipidique, la souplesse, l’élasticité et la tonicité de la peau
  • Syndrome de Sjögren
  • Hyperkinésie, stress, maladie d’Alzheimer, schizophrénie (l’huile végétale d’onagre « influence la libération de neurotransmetteurs cérébraux », 3)
  • Enfin, « l’un des grands espoirs de l’huile d’onagre est dans le traitement des affections dégénératives du système nerveux, comme la sclérose en plaques » (4)

Modes d’emploi

  • Extrait fluide ou teinture-mère de plante entière
  • Huile végétale (capsule, bouteille), seule, en synergie avec d’autres huile végétales et/ou huiles essentielles, en massage, en cure interne

Contre-indications, précautions d’emploi, autres usages

  • La seule contre-indication connue concernant l’huile végétale d’onagre est l’épilepsie.
  • Les feuilles occasionnent parfois des irritations de la gorge en cas d’infusion mal filtrée (cf. les petits poils qui couvrent les feuilles).
  • L’huile végétale d’onagre est fragile, apte au rancissement et, malgré des précautions d’usage (attention à la lumière, à la chaleur et à l’oxygène), se conserve difficilement au-delà de deux mois.
  • Cuisine : comme nous venons de le dire, l’huile d’onagre craint la chaleur. On en fera, si on le souhaite, une huile d’assaisonnement, à froid. A l’heure actuelle, la racine est cuite en ragoût, à la vapeur ou bien confite. On peut la ramasser jusqu’en mars mais jamais au-delà car elle devient filandreuse alors. Cette plante porte le surnom de « jambon » car, après cuisson, la racine présente la couleur caractéristique du jambon cuit (grâce à l’action du pigment végétal rouge qu’elle contient). Les jeunes feuilles se dégustent comme des épinards et les fleurs peuvent être conservées à l’état de boutons dans du vinaigre, à l’instar des câpres.
    _______________
    1. Jean-Luc Daneyrolles, Un jardin extraordinaire, p. 43
    2. Paul-Victor Fournier, Dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France, p. 697
    3. Michel Faucon, Traité d’aromathérapie scientifique et médicale, p. 803
    4. Gérard Debuigne & François Couplan, Petit Larousse des plantes médicinales, p. 325

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La citrouille (Cucurbita pepo)

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Le monde des Cucurbitacées est fort complexe et ses différentes ramifications sont aussi luxuriantes que le sont ces plantes qui rampent, serpentent, vrillent et grimpent. On pense le potiron brésilien, la courge, le pâtisson et la coloquinte mexicains. On attribue le Pérou, comme lieu de naissance, à la gourde. Mais comment se fait-il que cette dernière est présente en Chine depuis plus de deux millénaires ? Fournier indique que le mot cucurbita est l’ancien nom latin par lequel on désignait les Cucurbitacées indigènes que sont la coloquinte et la calebasse. Mais ces deux dernières espèces ne proviennent-elles pas du continent africain ? Il situe l’aire d’origine des courges et des citrouilles à l’Amérique tropicale, indique leur présence beaucoup plus au nord, aux environs de la région des Grands Lacs, où diverses tribus amérindiennes cultivaient ces légumes à l’arrivée des Européens fin XV ème – début XVI ème siècle. Des régions du Mexique et du Texas, les Espagnols firent transiter la citrouille dès le XVI ème siècle jusqu’en Europe, en compagnie de la tomate, du maïs, de la pomme de terre et du haricot, entre autres, afin d’en propager la culture en Europe méridionale, pour laquelle l’engouement est tel que Matthias de l’Obel déclare à quel point les paysans étaient avides de ce nouveau légume. Un tantinet péremptoire, Fournier affirme qu’il est « inutile de chercher ce qu’auraient pu dire les anciens ou les écrivains du Moyen-Âge de ces fruits inconnus d’eux » (1). En ce cas, comment expliquer que la gourde (ou calebasse) soit inscrite au Capitulaire de Villis (fin VIII ème siècle) ? De même, que sont les « citrouilles » de Strabo (Hortulus, 827) ? D’où viennent donc les courges dont on a retrouvé les restes dans d’anciens tombeaux situés au Wurtemberg, accompagnées de noix et de noisettes ?

Malgré ces incohérences, d’où que provienne la citrouille, il demeure, en ce qui la concerne, une dimension symbolique intangible. Ici ou là, elle est symbole d’abondance, de prospérité, de fécondité et de bonne santé. En Chine et en Asie du sud-est, elle est le premier des légumes, l’empereur des végétaux. On a dit de ses lianes sarmenteuses qu’elles figuraient l’axe du monde, lequel est représenté par ce très gros fruit terrestre gorgé de très nombreux pépins. A titre d’exemple, le dernier potimarron que j’ai ouvert au couteau ne contenait pas moins de 180 graines. Le précédent, quand je l’ai fendu en deux, bien que plus petit, recelait des graines beaucoup plus grosses et déjà fortement germées. Les tigelles, courbées comme des virgules, ont profité de la chaleur et de l’humidité contenues au creux du potimarron pour percer la coque de la graine et entreprendre leur croissance ! On comprend donc la valeur accordée à la citrouille par les anciens Chinois, pour lesquels elle était une source de vie et de régénération, ces graines étant la promesse d’une vaste descendance. Les citrouilles, « on les a toujours considérées comme un excellent viatique et comme le meilleur moyen de renaître, de se reproduire, de devenir immortel, et, par conséquent aussi de monter au ciel » (2). Et il est vrai que les graines de courge, nourriture d’immortalité, étaient principalement consommées au printemps en Chine, à l’époque où domine l’énergie Yang.

Pendant ce temps, de l’autre côté du Pacifique… Selon certaines croyances propres à différentes tribus amérindiennes, il a été rapporté (Pietro Martire, 1527) que la citrouille représente l’œuf cosmique duquel le monde naquit, ce qui n’est pas sans évoquer la liane axe du monde de la cosmogonie chinoise. Les Amérindiens virent dans la citrouille un symbole de procréation, sans doute par l’association entre le ventre de la femme enceinte gorgé d’eau et la rondeur des fruits de Cucurbita pepo. De la mère/mer provient la vie. C’est ce que nous explique le conte d’Iaïa dans lequel d’une citrouille énorme jaillit une gigantesque quantité d’eau (la citrouille en contient jusqu’à 95 %, ce détail n’a rien d’anodin) et de poissons (qui semblent, ici, figurer les graines de citrouille dont la forme et la viscosité rappellent celles des poissons) : « Toute la terre en fut inondé ; ainsi s’est formée la mer » (3).
Étonnant de constater combien se profilent de symboliques identiques dans deux endroits du monde géographiquement très éloignés l’un de l’autre…
La symbolique de transformation et de régénération ne s’arrête pas qu’aux seuls continents que sont les deux Amériques et l’Asie. Par exemple, en Bretagne, on pensait que les graines semées au jour du vendredi saint permettaient d’obtenir des citrouilles plus grosses qu’un chêne. Citons Strabo (enfin !) pour l’occasion : ces fruits « ne sont plus que ventre, ils ne sont plus que panse ; et dans leur sein ils nourrissent une foison de graines, chacune prisonnière dans sa caverne séparée, et qui te peuvent promettre une moisson toute semblable ! » (4).
Possédant un cycle végétatif très court, cette plante annuelle se doit d’aller très vite, c’est pourquoi elle nous semble croître à vue d’œil, se métamorphosant de jour en jour, sachant son temps compté, ce qui, indubitablement, ne peut que nous évoquer la Cendrillon de Perrault, et cette fameuse citrouille transformée en carrosse doré d’un coup de baguette par la marraine bonne fée, et conditionnée par les douze coups de minuit. Charles Perrault (1628-1703) est le premier à introduire la citrouille dans le conte de Cendrillon. Avant, comme par exemple dans la version de Basile, on n’en parle pas. Bruno Bettelheim a beau dire que « Perrault réduit Cendrillon à un joli conte d’imagination qui ne nous apporte rien de profond » (5), il est notable que la première apparition de la citrouille dans ce conte (qui ne me semble pas anodine), se substitue en lieu et place à la branche de noisetier qu’on rencontre dans des versions antérieures du conte. Le noisetier, par les noisettes qu’il porte, contient en lui-même une valeur génésique et nuptiale. De même que la citrouille qui, avec ses graines nombreuses, préfigure une descendance abondante. Mais, malheureusement, dans la version de Perrault, la marraine de Cendrillon, surgie de nulle part, évide elle-même la citrouille la plus belle choisie par Cendrillon au jardin, afin que cette dernière soit, elle aussi, la plus belle pour aller danser au bal donné par le prince. Mais cette citrouille, à laquelle on a retiré sa prolifique semence, n’est qu’un vœu pieux, fait de toc, à l’image du carrosse doré qui emporte une Cendrillon perraultienne, laquelle, belle imbécile, est complètement dénuée de personnalité dans ce conte revu par l’auteur. C’est presque à se demander si la marraine n’est pas aussi castratrice (6) que la marâtre de Cendrillon. Elles seraient donc, marraine et marâtre, des figures également perverties de l’image maternelle.
Donc, bon, cette Cendrillon n’a pas grand chose dans le citruolo, c’est-à-dire la tête, le mot citrouille, en langage populaire, la représentant. Peut-on dire d’elle qu’elle est une gourde ? Pourtant, que dire d’une personne sotte sinon qu’elle est une courge ? La citrouille du conte, transformée en carrosse, est à l’avenant avec la tête de Cendrillon : vide. Elle n’est donc pas une tête bien pleine, comme le rappellent les mots courge et gourde, passés dans le langage commun, pour désigner quelqu’un de peu d’intelligence. « Vuoto come una zucca », dit-on en italien. Zucca, zuccone, citrullo sont « employés comme termes injurieux contre les gros imbéciles » (7). Et « il est vrai que la gourde est ce qui reste quand les graines ont été retirées… » (8). D’où l’expression « prends-en de la graine », équivalente à « prendre du plomb dans la cervelle ». Mais, ce que l’on vide, c’est parfois pour mieux le remplir. « La qualité qu’a la courge de se laisser sécher, et de prendre toutes les formes, la fit considérer comme le chef des légumes » (9). Comme quoi, quand on n’a pas de tête, on peut avoir un chef. Assécher la calebasse, cela permet d’obtenir un joli hochet, dans lequel les graines sonnent comme un pois chiche dans la caboche. Ou mieux, sans graines, on peut toujours emplir la gourde vide de la liqueur de Bacchus. Si elle ne peut forcément accueillir le spirituel, au moins peut-elle entreposer le spiritueux…

A propos de spirituel… Jack o’ Lanterns. Il existe un vieux conte irlandais, intitulé Jacques le radin dans lequel on apprend que le protagoniste de cette histoire joue différents tours au diable lui-même. « Lorsque Jacques mourut, Dieu ne voulut pas le laisser entrer au paradis, et Jacques fut donc condamné à errer sur Terre pour toujours. Il supplia qu’on lui donne une petite braise de l’enfer afin d’éclairer son chemin et, pour plus de sûreté, la plaça dans un navet évidé » (10).
Après la très grave crise sanitaire et alimentaire du milieu du XIX ème siècle en Irlande (une famine d’au moins quatre ans causée par le mildiou de la pomme de terre), bien des Irlandais ont migré vers les États-Unis et emporté leurs coutumes avec eux. « A l’origine, on évidait des tubercules comme des navets, mais on leur préféra bientôt les citrouilles, plus faciles à préparer et que l’on trouvait abondamment dans le Nouveau Monde » (11) Tout cela pour, bien sûr, Hallowe’en, dont la première manifestation la plus visible est l’évidage de citrouilles (encore !…), que l’on perce ensuite d’yeux triangulaires (de forme ronde, c’est beaucoup moins simple, je voudrais vous y voir, moi, tiens !…) et d’une bouche grimaçante pourvue de dents pointues. Ceci fait, on plante une bougie dans le creux central, afin d’y apporter la lumière nécessaire (celle de l’intelligence dont la citrouille a été dépossédée après extraction forcée des graines qu’elle contenait ?) D’ailleurs, peut-être que les visages citrouillesques ont pour but « d’humaniser » un tant soit peu l’inintelligente citrouille à la tête creuse mais néanmoins solide… Mais… non ! Les déguisements desquels on s’affuble à Hallowe’en, ainsi que les citrouilles grotesques et sarcastiques, « ne sont rien de moins que des revenants en quelque sorte exorcisés, car Hallowe’en, qui vient de hallow, ‘consacrer, sanctifier’, se célèbre la veille de la Toussaint, la fête des morts, dont on croyait jadis qu’ils revenaient sur terre ce jour-là […] Or, le retour des défunts qui reposent sous terre avec les graines qui plus tard germeront, annonce, à l’entrée de l’hiver, la promesse de la renaissance printanière » (12). Voilà, on revient en Chine où on consommait les graines de courge à l’équinoxe de printemps. Bingo ! Le tour est joué et la boucle rondement bouclée !

La citrouille est une plante qui fait partie de la famille des Cucurbitacées qui regroupe courgette, potiron, pâtisson, giraumon, etc. C’est une annuelle rampante à tiges étalées et rugueuses. Elle porte de grandes feuilles lobées, velues, vert foncé dont les marges sont épineuses. A l’opposé des feuilles, on trouve des vrilles semblables à celles de la vigne qui permettent à la citrouille d’être une espèce semi-grimpante si elle dispose d’un support. A l’aisselle des feuilles, de grandes fleurs mâles jaune orangé apparaissent. Les fruits ne sont autres que des baies… énormes ! En effet, certaines variétés peuvent donner des citrouilles de près de 100 kg dont la couleur va du vert à l’orange et dont la peau dure protège une pulpe gorgée d’eau au centre de laquelle se nichent quantité de graines gluantes.

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La citrouille en phytothérapie

Imaginez que vous ayez face à vous une citrouille de 100 kg. Parmi ces 100 kg, 80 à 95 d’entre eux sont représentatifs d’un seul et unique élément indispensable à la vie : l’eau. La citrouille n’est donc pas autre chose qu’une énorme bouteille d’eau, cela n’est pas pour rien que l’une de ses cousines s’appelle la gourde, récipient bien utile au randonneur. A côté de notre grosse bouteille, que trouvons nous d’autre ? Deux à huit paquets de sucre d’1 kg chacun, un paquet de fibres d’1 kg, un paquet de sels minéraux (zinc, phosphore, potassium, magnésium, sélénium, etc.) d’1 kg également. Ajoutons à cela une petite fiole de 15 cl remplie d’huile, ainsi que de petits sachets étiquetés différemment : leucine, tyrosine, péporésine, cucurbitine, mucilage, phytostérols, provitamine A, vitamines B et E.
Voici ainsi décomposée notre citrouille de 100 kg. Ce qui va désormais nous intéresser dans ce déballage, c’est la pulpe de la citrouille ainsi que ses semences.

Propriétés thérapeutiques

  • Pulpe : laxative, régulatrice du transit intestinal, sédative, adoucissante et cicatrisante du tube digestif, rafraîchissante, apaisante de la chaleur et de l’irritation des viscères, nutritive (mais peu calorique), minéralisante, diurétique
  • Semences : rafraîchissantes, vermifuges (ni toxiques, ni irritantes), décongestionnantes prostatiques (elles sont efficaces contre les déficiences liées aux troubles bénins de la prostate, en empêchant la testostérone de se transformer au niveau des testicules, ce qui limite l’hypertrophie de la prostate)

Usages thérapeutiques

  • Pulpe : constipation, entérite, colite, dyspepsie, dysenterie, diurèse difficile, inflammation et insuffisance rénale, néphrite, hémorroïdes, brûlure au premier degré, contusion, excoriation, abcès, gangrène, dartre enflammée, asthénie, régime amincissant, ophtalmie
  • Semences : maladies de la vessie (inflammations et infections urinaires, incontinence, énurésie, difficulté de miction chez l’homme, phlegmasie du système urinaire), affections bénignes de la prostate, affections spasmodiques des organes génitaux, prévention des caries dentaires et des aphtes, décalcification, parasites intestinaux (ténia, ascaris, bothriocéphale) (13)

Note concernant l’huile végétale de pépins de courge

Une graine de courge contient environ 1/3 de son poids d’huile. Exprimées à froid, les graines produisent une huile de couleur verte, fluide, peu visqueuse, limpide, douce, au léger goût de noisette. De bonne conservation, elle présente l’avantage de rancir très difficilement.
Ses propriétés sont les suivantes : tonique des systèmes nerveux et cardiaque, apaisante, régénérante et cicatrisante cutanée, bénéfique à l’ensemble du tube digestif, vermifuge, anti-inflammatoire prostatique, favorise la fécondité.

Modes d’emploi

  • Pulpe : crue ou cuite (14) dans l’alimentation quotidienne, suc frais, cataplasme de pulpe cuite appliqué à froid
  • Semences : décoction de graines pilées, graines consommées telles quelles
  • Huile végétale : disponible en capsules, gélules ou petites bouteilles, elle se consomme cru dans l’alimentation quotidienne comme huile d’assaisonnement ou bien en cure régulière à raison d’une cuillère à café par jour

Contre-indications, précautions d’emploi, autres usages

  • L’automédication est dangereuse et déconseillée en cas de cancer de la prostate.
  • Pour assurer à la citrouille de longs mois de conservation, il faut savoir la cueillir au bon moment. On note que les semences de citrouille provenant de pays chauds sont plus actives. Après dessiccation, elles perdent rapidement leurs propriétés.
  • En cuisine, les graines peuvent aisément agrémenter une salade verte, en compagnie de graines de sésame, de tournesol, de pavot, de lin, etc. Il est permis de les griller et de les mélanger, une fois broyées, avec du sucre pour en constituer une sorte de pralin. La canards en raffolent, elles les enivrent littéralement ! Les fleurs sont comestibles farcies, en beignets, etc. La pulpe entre quant à elle dans la confection de multiples mets salés ou sucrés. Olivier de Serres, agronome du début de la Renaissance, propose, par exemple, une recette de courge confite au moût de raisin qui m’a tout l’air d’être splendide.
  • Il existe un élixir floral à base de fleurs de citrouille. Il est destiné aux femmes qui désirent une grossesse harmonieuse. C’est un assistant de la femme enceinte qui rééquilibre ses émotions.
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    1. Paul-Victor Fournier, Dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France, p. 292
    2. Angelo de Gubernatis, La mythologie des plantes, Tome 2, p. 99
    3. Ibid., p. 97
    4. Strabo, Hortulus, p. 25
    5. Bruno Bettelheim, Psychanalyse des contes de fées, p. 381
    6. Avec concombre, melon et potiron, la citrouille forme le clan des quatre semences froides. Selon les Anciens, elles permettent de « diminuer la semence et de réprimer les ardeurs de la chair » (Henri Leclerc, Précis de phytothérapie, p. 27). C’est juste drôle sachant que l’huile végétale de pépins de courge augmente la fécondité !
    7. Angelo de Gubernatis, La mythologie des plantes, Tome 2, p. 100
    8. Jean Chevalier & Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, p. 302
    9. Angelo de Gubernatis, La mythologie des plantes, Tome 2, p. 99
    10. Jennifer Cole, Cérémonies autour des saisons, p. 124
    11. Ibid.
    12. Jacques Brosse, La magie des plantes, p. 211
    13. Mongeny, médecin cubain, mentionne cet usage dès 1820.
    14. La pulpe de citrouille cuite et sucrée « se recommande par son agréable saveur, par ses vertus laxatives et diurétiques, par la facilité avec laquelle elle traverse la tube digestif sans laisser de résidus toxiques, par l’action émolliente qu’elle exerce sur les muqueuses » (Henri Leclerc, Précis de phytothérapie, p. 27).

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L’arnica (Arnica montana)

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L’arnica est une astéracée vivace à l’odeur aromatique caractéristique qui se propage par un système de rhizomes de couleur brune la plupart du temps. Du sol émerge une rosette de feuilles pubescentes et légèrement dentées, et dont la forme rappelle assez celles du plantain lancéolé (1). Puis, une tige duveteuse de 20 à 70 cm de hauteur, portant seulement deux petites feuilles lancéolées et opposées à mi hauteur, s’élance jusqu’à un capitule jaune orangé de 5 à 8 cm de diamètre, fleurissant de mai en août.
Bien qu’assez fréquente en Europe et dans l’ouest de l’Asie, cette plante se concentre uniquement dans des lieux hauts perchés (jusqu’à 2800 m d’altitude), ce qui explique l’adjectif montana : les Vosges, les Alpes, les Pyrénées, le Massif Central, le massif de la Forêt-Noire, etc. En revanche, elle est rare dans le Jura et presque inexistante en plaine, hormis dans les Landes et en Sologne.
Elle affectionne les sols acides (et non calcaires, ce qui a occasionné de nombreux essais de culture infructueux) : pâturages, prairies, gazons alpestres, landes, bois clairs de montagne, dans tous les cas, des lieux « ouverts ».

C’est sans doute son biotope et sa répartition géographique qui expliquent que l’arnica ait été inconnue des Anciens de l’Antiquité gréco-romaine, d’autant que cette plante est absente d’Italie et de Grèce. Aussi, comment pourrait-on parler de ce dont on ignore l’existence ? Peut-être y a-t-il eu, dans un passé lointain, des usages médicinaux à propos de l’arnica, mais cela n’a pas été chroniqué. On peut dès lors penser à un emploi localisé de la plante, sous couvert d’une tradition orale. C’est pourquoi on ne rencontre la première mention de cette plante qu’au XII ème siècle, dans les écrits d’Hildegarde de Bingen, qui l’appelle Wolfsgelegena. Alors, l’arnica n’a pas échappé à la sagacité de l’abbesse, puisqu’elle dit d’elle qu’elle « est fort chaude et contient une chaleur vénéneuse ». C’est une première indication thérapeutique au sujet de l’arnica, dont nous aurons l’occasion de constater qu’elle entretient des relations très étroites avec ce que nous appelons aujourd’hui l’Allemagne. Comme une forme de dissonance, Matthaeus Sylvaticus, médecin italien à l’école de Salerne, nomme la plante arnich en 1317. Puisque nous sommes en Italie, restons-y. Matthiole, célèbre pour avoir décortiqué l’œuvre de l’antique médecin grec Dioscoride, en a fait la description en 1554, tout en ignorant ses propriétés. Sauf que, par ailleurs, il nous est dit que Matthiole aurait popularisé l’emploi de l’arnica en cas de coups et de chutes. Alors, bon… sur cette incompréhension manifeste, retournons en Allemagne. A la fin du XVI ème siècle, Franz Joel s’intéresse au cas de l’arnica ; Tabernaemontanus remarque que cette plante est usitée en Saxe lors de blessures et d’accidents du travail. En 1645, Schroder note que les paysans de Holstein font bouillir l’arnica dans de la bière et qu’ils se servent de cette décoction contre coups et hématomes. Préconisée par Fehr dès 1678 sous le nom de panacea lapsorum (c’est-à-dire « herbe aux chutes ») comme l’un des plus populaires spécifiques des traumatismes, « on lui contesta bientôt les propriétés merveilleuses qu’on lui avait accordées » (2). Qu’importe, en 1712, un médecin viennois, Collin, l’intronise officiellement en médecine, mais pas en raison de ses propriétés vulnéraires mais fébrifuges. En effet, ce médecin utilisait l’arnica en lieu et place du quinquina, qu’il n’était pas toujours aisé de se procurer à l’époque. Cependant, « Stoll a pu nommer l’arnica ‘le quinquina du pauvre’, mais on lui a répliqué que c’était ‘un pauvre quinquina’ » (3). Qu’importe, une fois de plus. Meisner, de Prague, renvoie l’ascenseur en vantant les propriétés vulnéraires du panacea lapsorum dès 1736, une date inscrite au sein d’un XVIII ème siècle florissant en terme d’études à propos des propriétés de l’arnica, en Allemagne surtout, mais aussi en Autriche et en Suisse. Puis, le XIX ème siècle sonne, en quelque sorte, le glas de l’arnica. Elle apparaît cependant dans les travaux de Cazin, qui lui accorde neuf bonnes pages. A la fin de ce siècle, un sursaut semble faire reprendre vie à l’arnica. Mais c’est surtout durant la Première Guerre mondiale, entre les mains d’Unna, que l’arnica s’illustre sur les champs de bataille. Il l’utilise contre les blessures, même celles de la tête, une propriété vulnéraire qui a été contestée à la bétoine officinale (voir cet article dans lequel j’ai dit que l’arnica portait aussi les noms vernaculaires de bétoine des Vosges et de bétoine des montagnes, d’où, probablement la confusion). Au cœur même du XX ème siècle, celle que l’on appelle aussi doronic d’Allemagne, était encore macérée dans du kirsch afin de fabriquer la teinture alcoolique d’arnica dans les campagnes allemandes.

Qu’on l’appelle encore herbe à la hache, herbe aux prêcheurs, herbe vulnéraire ou grande arnique, l’arnica semble tirer son nom du grec ptarmiké qui, se déformant en ptarmica, aurait donné, à terme, les mots arcinca, artinca et arnica, c’est-à-dire l’herbe qui fait éternuer. Mais cela n’est pas son seul pouvoir.

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L’arnica en phytothérapie

Les fleurs, possédant un parfum plus agréable une fois sèches que fraîches (4), représentent la matière médicale privilégiée par la phytothérapie. Elles contiennent de l’arnicine (comprenant de l’arnidendiol à odeur de castoreum), de l’arnidol, de l’arnidiol, des tanins, de l’acide malique, une essence aromatique, etc. La racine, moins usitée, n’en est pas moins intéressante de par sa composition : inuline (10 %), arnicine (4 %), tanins, essence aromatique composée de phénols, d’éthers et de lactones (1 %).

Propriétés thérapeutiques

  • Stimulante des systèmes nerveux, respiratoire, circulatoire et digestif, tonique, fortifiante, restauratrice des forces abattues
  • Apéritive
  • Diurétique
  • Anti-inflammatoire
  • Antispasmodique
  • Sudorifique, fébrifuge
  • Émétique, purgative
  • Sternutatoire
  • Vulnéraire, astringente, résolutive, anti-ecchymotique
  • Pédiculicide

Usages thérapeutiques

  • Douleurs et tensions articulaires, rhumatismales et tendineuses (consécutives au surmenage des muscles, des os et des tendons), courbature musculaire, déchirement musculaire, lumbago, névralgie, douleur de la goutte, traumatismes (choc, coup, luxation, écrasement, foulure, entorse, contusion, hématome, ecchymose… (5)
  • Troubles de la sphère respiratoire : asthme, coqueluche, catarrhe pulmonaire chronique, hémorragie bronchique
  • Troubles de la sphère bucco-laryngée : amygdalite, affection de la gorge, gingivite, inflammation buccale
  • Troubles de la sphère cardiaque et circulatoire : insuffisance coronarienne, angor, myocardite artérioscléreuse, artériosclérose, spasmes artériels, phlébite, varice, jambes lourdes, résorption des œdèmes
  • Spasmes : chorée, tremblement des membres et de la langue, contracture tétanique, convulsion, épilepsie
  • Rétention urinaire par atonie de la vessie, hématurie
  • Coup de soleil, brûlure superficielle, piqûre d’insecte, furoncle, plaie atone
  • Convalescence, surmenage, fatigue occasionnée par une thérapie éprouvante
  • Fièvres

Modes d’emploi

C’est ici qu’il convient d’être méticuleux et de s’entourer de toute la prudence nécessaire. En effet, on ne prépare pas une infusion d’arnica comme on en ferait une de tilleul ou de verveine. L’usage interne, bien que possible, est déconseillé, sauf sous certaines conditions.

  • Infusion de fleurs, décoction de feuilles et/ou de racines, alcoolature, macérât huileux de fleurs fraîches : pour compresse, onction et massage
  • Cataplasme de feuilles, de fleurs ou de racines
  • Teinture-mère
  • Granules homéopathiques (6)
  • Crème

Précautions d’emploi, contre-indications, usages alternatifs

  • Toxicité : l’arnica est très toxique en interne. Au-delà de 4 à 8 g d’arnica par litre d’eau, les principes actifs de la plante peuvent avoir une action foudroyante sur l’organisme. Les premiers signes d’une intoxication débutent par une sensation de brûlure dans la gorge. A très hautes doses, la mort par asphyxie survient non sans que le sujet ait vu se produire bien d’autres manifestations : nausées, vomissements, gastro-entérite, céphalées, augmentation du pouls, palpitations, cardialgie, douleurs abdominales, coliques, diarrhées, sueurs froides, frissons, spasmes (tremblements, mouvements involontaires, secousses nerveuses), vertige, démangeaisons, hypersécrétion salivaire, délire, hémorragies, paralysie des centres nerveux (si à faible dose l’arnica permet de sortir d’un état paralytique, à hautes doses, c’est elle qui provoque la paralysie).
    Même en usage externe, l’arnica peut causer des désagréments, en particulier lorsqu’elle est employée sous forme de teinture-mère. Par exemple, des risques d’allergie sont possibles, favorisant vésications et éruptions érysipélateuses. En externe, on veillera à ne pas appliquer l’arnica près des yeux, de la bouche et, sous quelle que forme que ce soit, sur une plaie ouverte.
  • Potentiel abortif : selon Fabrice Bardeau, l’arnica aurait été employée comme abortif populaire.
  • Récolte : les fleurs en juillet, les racines en septembre. Les espèces montagnardes présentent des vertus plus énergiques que les arnicas cultivées en plaine.
  • Le macérât huileux d’arnica est un excipient de choix pour les huiles essentielles de laurier noble, d’hélichryse d’Italie, de menthe poivrée, de romarin officinal à camphre, etc.
  • Les fleurs d’arnica sont parfois parasitées par les larves de la mouche de l’arnica (Tephritis arnicae).
  • Lorsque les fleurs et les feuilles d’arnica sont séchées en présence d’humidité, le tout prend une teinte brunâtre et développe un parfum de tabac. C’est pour cela que les paysans vosgiens, entre autres, fumaient l’arnica comme du tabac et qu’elle conserve encore aujourd’hui les noms vernaculaires de tabac des Vosges, tabac de montagne, tabac des Savoyards, etc.
    _______________
    1. Pour cette raison, on dénomme parfois l’arnica sous l’appellation de plantain des Alpes.
    2. François-Joseph Cazin, Traité pratique et raisonné des plantes médicinales indigènes, p. 74
    3. Paul-Victor Fournier, Dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France, p. 111
    4. L’odeur assez forte des fleurs fraîches détermine l’éternuement. D’où l’un des nombreux surnoms donnés à l’arnica.
    5. Par son action sur le système cérébro-spinal, l’arnica fait davantage que d’endiguer les traumatismes physiques consécutifs à une chute ou un à accident violent, puisque les personnes en état de choc, de stupeur, de prostration suite à un événement grave, présentant de plus une pâleur du visage et un ralentissement du pouls, peuvent faire usage de l’arnica qui leur redonnera des couleurs et les fera sortir de cet état. L’arnica agit tant sur les chocs physiques que psychiques, à la manière des huiles essentielles de menthe poivrée et d’hélichryse d’Italie. Il existe d’ailleurs un élixir floral à base de fleurs d’arnica qui va dans le sens de ces prescriptions.
    6. « Chacun sait, et cela est constaté par de nombreux médecins, que lorsqu’on donne Arnica montana 5 CH à un enfant qui a fait une chute, le bleu, l’œil au beurre noir ou la bosse ne sortent pas », Paul Ferris, Les remèdes de santé d’Hildegarde de Bingen, p. 44

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arnica

Huiles essentielles et glandes endocrines

En compulsant divers livres d’aromathérapie, peut-être vous est-il arrivé de rencontrer des expressions telles que cortison like ou encore oestrogen like, sans que vous sachiez exactement de quoi il retourne. Dans ces deux expressions, on peut aisément reconnaître les mots cortisone et œstrogènes, qui sont toutes les deux des hormones produites par le corps.
Généralement, on parle des propriétés hormon like des huiles essentielles sans plus de détails. Traduisons tout d’abord cette expression anglaise par « mimétique hormonale ». Cela revient donc à dire qu’une huile essentielle peut imiter l’action d’une hormone naturelle. Or, dans l’organisme, il existe de nombreuses glandes dont certaines sont dites endocrines et d’autres exocrines. Comme l’indique le préfixe exo-, les glandes exocrines sécrètent des substances destinées à être expulsées à l’extérieur du corps humain. Dans ce groupe, on rencontre, par exemple, les glandes sébacées, les glandes sudoripares, les glandes mammaires, etc. Au contraire, le préfixe endo- signifie que les glandes endocrines sécrètent des substances à l’intérieur du corps. Il existe même des glandes, telles que le pancréas et les testicules, qui sont dites amphicrines, dans le sens où elles possèdent double fonction : elles sont à la fois exocrines et endocrines.

Aujourd’hui, nous nous pencherons plus particulièrement sur ce qui se déroule à l’intérieur du corps, en abordant les principales glandes endocrines que sont l’hypophyse, la thyroïde, les corticosurrénales, le pancréas, les testicules et enfin les ovaires.

Mais commençons tout d’abord par la glande maîtresse qu’est l’hypothalamus. Cette glande régule le système nerveux autonome, intervient dans la régulation thermique du corps, le rythme cardiaque, la pression artérielle, la transpiration, le contrôle du rythme circadien (alternance jour/nuit), la gestion de la peur, la sensation de faim et de satiété, etc.
Quant à l’hypophyse, qu’on a longtemps considérée comme glande maîtresse avant de se rendre compte qu’elle était elle-même régulée par l’hypothalamus, elle joue le rôle d’émetteur expédiant un message en direction d’un récepteur, c’est-à-dire qu’elle sécrète différentes hormones en direction de différents organes, comme, par exemple, les hormones suivantes : hormone de croissance, hormone lutéinisante, endorphines, thyréostimuline, hormone adrénocorticotrope, hormone folliculostimulante, prolactine, mélanostimuline, etc. Plus fort encore, l’hypophyse peut aussi agir à distance sur d’autres glandes du corps humain que voici :

  • Le pancréas : organe abdominal, il est en relation avec le tube digestif. Sa fonction exocrine permet la digestion des viandes par sécrétion de suc pancréatique. D’un point de vue endocrine, il instille différentes hormones telles que l’insuline bien connue des diabétiques, mais aussi le glucagon, la somatostatine…
  • Les surrénales, au nombre de deux, sont situées au-dessus des reins et subdivisées en cortico-surrénales (métabolisme des glucides et des protides, etc.) et en médullosurrénales (gestion du stress par sécrétion d’adrénaline et de noradrénaline). Les surrénales produisent aussi la cortisone, hormone anti-inflammatoire.
  • Les ovaires produisent la progestérone conditionnant la gestation, mais également la folliculine à caractère œstrogénique agissant sur l’instinct sexuel, enfin un peu de testostérone.
  • Les testicules produisent essentiellement de la testostérone impliquée dans le développement des caractères sexuels secondaires.
  • La thyroïde : elle génère la thyroxine, hormone régulant le métabolisme et ayant une action sur la croissance physique et intellectuelle.

Ceci étant posé, nous allons pouvoir découvrir quelles sont les huiles essentielles agissant sur telle ou telle glande (mes listes ne sont pas exhaustives).

HE hypophysaires : clou de girofle, gingembre officinal, gattilier, sauge officinale, noix de muscade, sapin de Sibérie, sapin baumier, sapin argenté.

HE thyroïdiennes

  • Stimulantes : myrte vert, verveine citronnée, romarin officinal à camphre, ail, gingembre officinal, clou de girofle, cumin, cannelle de Ceylan « écorce », épinette noire.
  • Inhibitrices : myrrhe, marjolaine à coquilles, cumin, lédon du Groenland, camomille allemande, achillée millefeuille, tanaisie annuelle.

HE surrénaliennes

  • Stimulantes :  sapin baumier, sapin argenté, clou de girofle, mélèze, pin sylvestre, sarriette des montagnes, sauge officinale, gingembre officinal, genévrier commun, katrafay, pin maritime, épinette noire, romarin officinal à verbénone, citron, thym vulgaire à thymol.
  • Inhibitrices : verveine citronnée, houblon, camomille romaine, angélique, ylang-ylang.
  • Spécifiquement cortison like : cèdre de l’Atlas, épinette noire, épinette blanche, épinette bleue, ail, pin sylvestre, pin maritime, sapin argenté, sapin baumier.

HE ovariennes

  • Stimulantes : menthe bergamote, verveine citronnée, persil plat, persil frisé, épinette noire, houblon, romarin officinal à verbénone, rose de Damas, sauge sclarée, ajowan, tanaisie annuelle, gingembre officinal, thym à feuilles de sarriette, bay Saint-Thomas.
  • Inhibitrices : mélisse officinale, myrrhe, cumin, gattilier, clou de girofle.
  • Spécifiquement oestrogen like : fenouil doux, cyprès toujours vert, sauge officinale, sauge sclarée, angélique, carvi, houblon, camomille allemande, niaouli, anis vert, anis étoilé, ravensare, cèdre de l’Atlas.
  • Spécifiquement progesteron like : vétiver, achillée millefeuille, coriandre, sarriette des montagnes, romarin officinal à verbénone.

HE testiculaires

  • Stimulantes : santal blanc, menthe bergamote, épinette noire, bay Saint-Thomas, poivre noir, pin sylvestre, rose de Damas, tanaisie annuelle, ajowan, thym à feuilles de sarriette, romarin officinal à verbénone.
  • Inhibitrices : myrrhe, houblon, mélisse officinale.

HE pancréatiques

  • Stimulantes : verveine citronnée, oignon, poivre noir, livèche officinale, sauge officinale, pin sylvestre.
  • Équilibrantes : basilic tropical, genévrier commun, géranium odorant, menthe poivrée, menthe bergamote, hélichryse d’Italie, néroli, vétiver, citron, monarde, romarin officinal à verbénone.

Note 1 : parmi les huiles végétales, il se trouve que la bourrache harmonise le système hormonal, tandis que l’onagre stimule et régule les hormones typiquement féminines (folliculine, progestérone, prolactine).
Note 2 : il n’est pas conseillé d’user des huiles essentielles à activité hormon like en cas de pathologies hormono-dépendantes.

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Faire pousser du curcuma chez soi, c’est possible !

Étant un gros consommateur de gingembre frais, qu’il est possible d’intégrer dans une foule de préparations culinaires, il m’arrive moins fréquemment d’opter pour le galanga, voire le curcuma, qu’on rencontre depuis quelques années à l’état de rhizomes dans certains magasins.
Il y a environ six mois de cela, j’ai acheté trois rhizomes de curcuma, en provenance du Pérou, dans une biocoop non loin de chez moi.
Le curcuma, bien qu’asiatique, s’est accommodé à de nombreuses régions du monde, comme l’Afrique ou l’Amérique du Sud, par exemple. C’est aussi le cas du gingembre, dont on a tenté en France la culture, laquelle s’est révélée infructueuse. C’est évident qu’en France, on est très loin du climat qui sied au gingembre et, partant, au curcuma.
Mes rhizomes de curcuma, une fois acquis, ont été entreposés dans un placard frais et plongé dans l’obscurité. Au fur et à mesure de mes besoins, j’ai bien remarqué que des germes naissant grandissaient petit à petit, tels les germes de la pomme de terre qui puisent dans le tubercule pour former une tigelle qui deviendra tige portant des feuilles et… Mais nous n’en sommes pas encore là.

1-24-juillet-2016

Nous voyons, sur cette première image, les rhizomes que j’ai réservés à mon « opération curcuma ». Nous sommes alors le 24 juillet 2016. A cette date, cela fait quatre jours que je les ai placés dans cette soucoupe, avec un petit fond d’eau, renouvelé chaque jour, afin de réhydrater les rhizomes et d’activer la pousse des radicelles.
Le 25 juillet, j’ai fait l’acquisition d’un pot en terre cuite (20cm de diamètre intérieur, 17 cm de hauteur), d’une soucoupe de taille adaptée et de terreau de rempotage (on peut également utiliser du terreau universel).
Le 26 juillet, c’est le grand jour, celui de l’empotage. Je verse mon terreau dans le pot jusqu’à former une couche de 8 cm d’épaisseur environ. Je dispose sur ce lit de terreau les deux rhizomes et je les recouvre de huit nouveaux centimètres de terreau. J’arrose le tout de 15 cl d’eau, je place le pot dans ma galerie (surchauffée l’été, orientée à l’est). Et attends.
Le lendemain, soit le 27 juillet, une première pousse, appartenant au rhizome n° 1, dépasse de terre. Elle mesure 1 cm et multiplie sa taille par treize en l’espace de cinq jours. La voici au 1er août :

2-1er-aout-2016

A partir du 2 août, le rhizome n° 1 accélère la cadence :

  • 2 août : trois nouvelles pousses
  • 3 août : une nouvelle pousse
  • 4 août : une nouvelle pousse
  • 5 août : deux nouvelles pousses
  • 6 août : une nouvelle pousse
  • 7 août : deux nouvelles pousses

Entre le 7 et le 18 août, le mouvement s’arrête. Bien que de nouvelles pousses n’apparaissent pas, toutes les pousses déjà en vue poursuivent leur croissance. J’arrose environ tous les trois jours (15 à 20 cl). J’adapte mon arrosage à la température qui règne dans la galerie.

7 août 2016

7 août 2016

Le 18 août, ça repart du côté du rhizome n° 1 : deux nouvelles pousses. Une semaine plus tard, c’est au tour du rhizome n° 2 de se manifester. Un mois après l’empotage, il était temps ! Après avoir tant tardé, le rhizome n° 2 produit de nouvelles pousses les 29 et 30 août, le 3 septembre, tandis que le rhizome n° 1, déjà bien fourni, n’en produit plus aucune depuis plusieurs semaines, mais développe son feuillage.

20 août 2016

20 août 2016

Aujourd’hui, 7 septembre, le rhizome n° 1 compte 15 tiges et le rhizome n° 2 seulement 7, mais c’est ce dernier qui comporte la tige feuillée la plus élevée (48 cm), alors que la première pousse du rhizome n° 1, apparue le 27 juillet, atteint 45 cm.

7 septembre 2016

7 septembre 2016

Cela fait bientôt 1 mois ½ que mon expérience a débuté. Le pot de mes curcuma reste toujours dans ma galerie, conserve la même orientation solaire, dépend aussi des températures qui y règnent. J’ai progressivement augmenté l’arrosage, sans que jamais l’on ne voit dans la coupelle d’eau résiduelle (d’après ce que j’ai lu, le curcuma n’apprécie pas trop de trempatouiller ses pattes dans l’eau).

Pour résumer, mes deux rhizomes ont formé plus d’une vingtaine de tiges de taille et structure fort différentes. Je vais faire attention aux températures, en particulier l’hiver, saison durant laquelle ma galerie est une glacière. Sans doute me faudra-t-il rentrer le pot à l’intérieur, et prendre garde à augmenter l’ensoleillement et à réduire l’arrosage, tout cela dans le but ultime avéré : l’obtention d’une fleur ! :)

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La bétoine officinale (Betonica officinalis)

Bétoine_officinale

Synonymes : épiaire officinale, bétoine pourpre, tabac des gardes, couleuvrée.

Étymologie : le nom latin de la bétoine, betonica, semble être une corruption de vetonica, lequel proviendrait, selon Pline, d’un peuple lusitanien, les Vettons.

Bienvenue sur ce nouvel article pour lequel nous aurons l’occasion de nous arracher les cheveux, mais également de nous faire plaisir, c’est du moins ce que je vous souhaite :)

Les Égyptiens connaissaient-ils la bétoine ? Selon ce que l’on lit ici ou là, probablement que oui. Grecs et Romains, qui se sont beaucoup inspirés des savoirs égyptiens, nous ont légué de très nombreuses informations au sujet de la bétoine, que l’on pourrait résumer en un seul mot : panacée. Cependant, une panacée ne rime pas toujours avec éternité et son parcours au sein de la pharmacopée peut très bien devenir aléatoire. C’est le cas de bétoine.

Au IV ème siècle avant J.-C., l’engouement pour la bétoine n’est pas encore en ordre de marche, Théophraste n’en parle pas, la Collection des traités hippocratiques n’en fait pas de mention étendue. En revanche, Dioscoride et Pline sont plein d’exaltation pour cette plante. Assez bien décrite par Dioscoride, il la recommande dans une vingtaine de cas, Pline dans plus du double, lequel ne tarit pas d’éloge à son sujet, puisque, selon le naturaliste, la bétoine est la « plante la plus estimée de toutes ». Mais, c’est très certainement un traité rédigé en grec au I er siècle avant J.-C. qui fait basculer le destin de la bétoine : De herba vettonica. Son auteur, qu’on a longtemps imaginé qu’il pouvait s’agir d’Antonius Musa, médecin personnel de l’empereur Auguste, « la déclare propre à lutter contre tous les maux, depuis les couches difficiles jusqu’aux suites d’accidents » (1). Ce traité débute ainsi : « Herbe bétoine, toi qui a été découverte la première par Esculape et le centaure Chiron, sois favorable à mes prières. Je t’implore, herbe puissante, par celui qui a donné l’ordre que tu soies créée, et que tu serves à une foule de remèdes : veuille aider à composer les 47 remèdes que voici », lesquels suivent a capite ad calcem. L’auteur de ce traité, ainsi que le pseudo-Apulée plus tard dans son Herbarius, indique même les conditions de récolte. Il était nécessaire d’être en état de pureté avant de cueillir la bétoine, au mois d’août, avant que le soleil ne se lève, en s’interdisant d’utiliser un instrument ferreux. Cette approche médico-magique explique pourquoi il se trouve, parmi les 47 indications du traité, des cas relevant de la magie. Déjà, Dioscoride pensait que la bétoine luttait contre l’épilepsie, c’est-à-dire la « maladie sacrée » envoyée aux hommes par les dieux. Pline la destinait à guérir la folie. Selon lui, « la bétoine, appelée cestros ou psychotrophon (2) par les Grecs, a tant de renom, qu’une maison dans laquelle elle a été semée est considérée comme préservée de tout danger ». « Elle veille sur les corps et les âmes des humains, les lieux saints et les tombes, guérissant tout, même des apparitions effrayantes », des poisons, des substances nocives, des maléfices. Pour faire écho à ce dithyrambique traité, un opuscule astrologique rédigé en grec, indique que l’une des plantes associées au signe de la Balance se trouve être la bétoine : « Cueille-là lorsque la Balance domine. Elle a de grandes propriétés. Son fruit, pris en boisson, guérit ceux qui sont possédés par un démon, les épileptiques, ceux qui ont des calculs et ceux qui sont atteints de coliques. La consommation de ses feuilles guérit de façon extraordinaire de toute souffrance celui qui les mange » (3). Bien que cet opuscule astrologique coïncide rarement avec le traité sur la bétoine, il est moins prolixe, mais pas moins enthousiaste. Plus tard, Galien offrira une place beaucoup plus modeste à la bétoine. Mais les affections qu’il liste rappellent assez celles qui sont contenues dans le traité sur la bétoine : calculs rénaux, purification des poumons et du foie, faire venir les règles, épilepsie, fracture, spasmes, morsures, aigreur d’estomac, sciatique, etc. Le pseudo-Apulée, quant à lui, renoue avec une certaine propension à l’éloge, puisqu’il affirme que la bétoine est un remède infaillible contre de très nombreuses maladies dont certaines très graves, telles la rage ou la tuberculose, qu’au XIX ème siècle encore on ne guérissait que très difficilement (ce qui fit grincer les dents à un certain nombre de thérapeutes du XIX ème siècle, justement). L’exagération des Anciens a-t-elle fait tomber la bétoine dans le discrédit ? Avant de s’en assurer, expliquons, en citant Guy Ducourthial, la manière de penser des Anciens : « Certaines [plantes], comme la bétoine ou la pivoine, avaient la réputation d’être des remèdes universels, des panacées ou, à tout le moins, d’avoir des propriétés thérapeutiques étendues. Elles étaient notamment utilisées pour soigner des maladies nerveuses et mentales dont on craignait qu’elles n’aient été envoyées par des divinités malveillantes […] Rien d’étonnant à ce qu’on ait cru que ces panacées pouvaient aussi avoir des propriétés prophylactiques et même celles de protéger de tous dangers et de toutes menaces, réelles ou purement imaginaires » (4). Pourtant, ce phénomène n’est pas circonscrit qu’au monde gréco-romain, puisque selon Pline, on apprend que les Celtes appréciaient également beaucoup la bétoine dont le nom gaélique, lus bheatag, signifie « plante de vie » (d’ailleurs, il est même possible que le mot bétoine provienne du celte ; il serait alors l’union de bew, « tête » et de ton, « tonique, bon »).

Au Moyen-Âge, on rencontre la bétoine dans le Capitulaire de Villis sous le nom de vittonica, ce qui est le signe évident que cette plante n’a rien perdu de sa splendeur passée et que, au contraire, elle a encore de beaux restes. Tentons d’expliquer les raisons de cette fidélité à travers les âges. Cela tient surtout au fait que les auteurs médiévaux lisent les auteurs de l’Antiquité et s’en inspirent largement. Par exemple, dans le Livre des simples médecines, Platearius (probable fils de Trotula, femme-médecin et directrice de l’école de Salerne fondée en 750) nous expose, au XII ème siècle, des choses similaires au traité grec des 47 affections. De plus, Platearius est influencé par Dioscoride, de même que Macer Floridus (XI ème siècle) l’est par Pline. Même Strabo, dans son Hortulus, parle de la bétoine de telle façon que cela nous projette immanquablement dans l’Antiquité gréco-romaine : « Nous savons aussi que d’aucuns l’estiment à si haut prix que, lorsque la maladie envahissante pénètre au fond de leur corps, la persuasion de se pouvoir défendre à l’aide de la plante énergique, leur fait avaler souvent de longues journées l’efficace remède de sa boisson salutaire » (5). De plus, Strabo évoque les vertus vulnéraires et cicatrisantes de « sa » bétoine, mais, en l’absence de toute description, l’on peut douter de l’identité précise de la plante dont parle le moine poète. Peut-être s’agit-il de l’arnica (Arnica montana) que l’on surnomme parfois « bétoine des montagnes ». Revenons-en à Macer Floridus, qui a latinisé son identité, pour « sonner » davantage romain et faire honneur à l’Antiquité. Son De viribus herbarum contient de nombreuses références très explicites aux auteurs antiques, dont Pline : « Selon Pline, cette herbe est un talisman contre les serpents : quand ils se voient entourés de tous côtés de bétoine fraîche, ils n’osent franchir cette barrière, et meurent dans le cercle tracé autour d’eux, en se mordant eux-mêmes et en se frappant de leur queue » (6). Cette propriété fantasque se retrouve bien évidemment dans l’Histoire naturelle de Pline, elle a même été reprise par l’école de Salerne ! C’est pour cela que la Betonica de Macer Floridus possède peu ou prou les mêmes propriétés que celles qu’indiquaient les Anciens : diurétique, digestive, antilithiasique, emménagogue, fébrifuge, antidote, remède pulmonaire, hépatique, stomacal, rénal… La bétoine soigne même les yeux et les oreilles et, tout comme Strabo, Macer l’indique en cas de fracture de la tête… Dans l’ensemble des textes médicaux médiévaux, Fournier nous indique qu’un homme nommé « Herman Fischer a relevé 35 maladies, dont 20 déjà mentionnées dans Dioscoride, pour lesquelles la bétoine est indiquée » (7). On assiste donc bien à un effet d’infusion des travaux de Dioscoride, entre autres, durant le Moyen-Âge. Seule Hildegarde échappe à ce phénomène. La Bathenia hildegardienne est présentée comme un antidote dans deux recettes contenues dans son Physica. Moins « thérapeutiques » que « magiques », les indications d’Hildegarde reflètent ses préoccupations : ainsi, la bétoine rend le bon sens au sot, chasse les cauchemars et s’oppose à toutes formes de magie et de folie amoureuses.

Le XVI ème siècle va-t-il enfin sceller le sort d’une bétoine qui extasie bon nombre de thérapeutes européens depuis plus de 1500 ans ? Pas du tout ! Avec Bauhin, Bock, Matthiole et Fuchs (pour ne citer que les plus célèbres), l’engouement se poursuit : « Ses vertus sont admirables, servant presque de remède à tous les maux intérieurs du corps » (8). Au siècle suivant, le dithyrambique Danois, Simon Paulli, « signalait le cas d’un cavalier dont le crâne fendu laissant voir le cerveau et qui fut promptement guéri par des emplâtres de bétoine » (9). A la même époque, le Petit Albert conseille la bétoine pour prévenir l’ivresse causée par le vin. Très populaire, le Petit Albert a sans doute aidé à la propagation de cette antique propriété. Au XVIII ème siècle, siècle des Lumières, le scepticisme semble enfin s’instaurer. Mais rien ne se fait en un jour. En effet, en 1837, la bétoine était encore présente au sein de 18 compositions magistrales inscrites au Codex, dont « le fameux emplâtre de bétoine vanté autrefois pour la guérison des plaies de la tête et même pour les fractures du crâne, et qu’on a avec raison abandonné comme tant d’autres absurdités pharmacologiques », tempête Cazin en 1858 (10). La « légèreté » des Anciens a sans doute heurté Cazin, qui reste cependant mesuré à propos de la racine de bétoine dont ses prédécesseurs parlent assez peu. La bétoine, jugée indigne, apparaissant nullement chez certains auteurs, a même subi le préjudice de se voir nier les quelques propriétés (bien réelles) que possède sa racine (purgative et vomitive). Après lui avoir tout donné, on lui a tout repris, ou presque. Mais, comme le souligne Cazin, « l’incrédulité est aussi contraire aux progrès de la thérapeutique qu’une confiance aveugle. N’ayant jamais eu l’occasion de vérifier l’action émétique et purgative de la bétoine, j’aime mieux croire […] que nier » (11). Ce qui est assez contradictoire, non ?

Au cours de plus de deux millénaires d’histoire, la bétoine a marqué les esprits, comme l’atteste le proverbe italien suivant : Vends ton manteau et achète de la bétoine. Ou par celui-ci : il a plus de vertu que la bétoine, « pour signaler une personne ou une chose douée de qualités rares » (12). Mais, après l’amour, le désamour, la même Italie a renversé la réputation de la bétoine à travers une autre sentence qui dit ceci : « être connu comme la bétoine », c’est-à-dire être trop connu, prenant ici le sens d’être connu comme l’ortie ou la mauvaise herbe, reflétant le fait qu’il n’y a aucun orgueil à connaître ce que tous le monde connaît déjà et qu’on ne peut se gargariser du fait de savoir une évidence triviale.

La bétoine s’est immiscée au sein de ce d’aucuns nomment « superstitions ». Par exemple, « celui qui suspend à son cou, cousue dans un sachet de toile écrue, une fleur de bétoine séchée, est garanti contre le mauvais œil » (13). Au Moyen-Âge, elle permettait d’extirper « les diables et le désespoir », et était employée contre ce que l’on appelait la maladie de l’elfe, causée par de malins esprits. La fleur de la clef, comme on l’appelle en Allemagne, ou l’herbe à l’évêque en Angleterre, était semée près des églises. Elle favoriserait, dit-on, la réconciliation et lutterait contre les dissensions domestiques.

La bétoine est une plante vivace de taille moyenne (20 à 75 cm) qui, comme de nombreuses autres Lamiacées, possède une tige quadrangulaire dressée et peu feuillée. La base de la plante porte des feuilles longuement pétiolées, celles de la partie supérieure sont presque dépourvues de pétiole. En revanche, toutes deux présentent un aspect gaufré tel qu’on le trouve chez la mélisse, une forme semblable aux feuilles de sauge officinale mais grossièrement dentées et couvertes de poils doux. Les fleurs aux corolles purpurines, parfois magenta, s’organisent en épis cylindriques et étroits au sommet des tiges et fleurissent de juin en octobre.
On trouve communément la bétoine en Europe jusqu’au Caucase, ainsi qu’en Afrique du Nord, aussi bien en plaine qu’en moyenne montagne (1700 m), dans les bois clairs, les prairies, les landes et les talus. Elle préfère les sols siliceux, c’est pourquoi elle est fréquente en Bretagne et rare en région méditerranée.

Bétoine officinale feuilles

La bétoine officinale en phytothérapie

Comme c’est le cas de nombreuses autres plantes de la famille des Lamiacées (menthe, thym, mélisse…), ce sont avant tout les sommités fleuries de la bétoine que l’on utilise en phytothérapie, plus rarement les racines. La bétoine recèle un lactone du nom de stachydrine, hémostatique et préventif des affections cardiovasculaires, de la bétonicine, également hémostatique et anti-infectieuse indirecte, de la choline aux propriétés hépatiques, de la turicine, des tanins, des substances résineuses et mucilagineuse, ainsi que quelques traces d’essence aromatique…

Propriétés thérapeutiques

  • Stimulante, tonique
  • Apéritive, digestive, stimulante hépatique
  • Anticatarrhale, expectorante
  • Astringente, détergente, vulnéraire, résolutive, hémostatique
  • Fébrifuge
  • Sternutatoire
  • Purgative, émétique (racine)

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère respiratoire : asthme, asthme humide, catarrhe pulmonaire chronique, bronchite, toux, hémoptysie
  • Troubles locomoteurs : goutte, rhumatismes chroniques, névralgie, paralysie
  • Troubles de la sphère digestive : indigestion, catarrhe stomacal, flatulence
  • Affections cutanées : plaie, plaie infectée, plaie purulente, plaie à cicatrisation difficile, ulcère variqueux
  • Migraine, maux de tête, maux de dents, ophtalmie
  • Fièvre intermittente, fièvre rebelle
  • Épilepsie, vertige
  • Jaunisse

Modes d’emploi

  • Poudre de feuilles sèches
  • Infusion de sommités fleuries fraîches
  • Sirop de sommités fleuries fraîches
  • Décoction vineuse de feuilles fraîches
  • Macération alcoolique de feuilles fraîches
  • Cataplasme de feuilles fraîches
  • Décoction de racines fraîches

Contre-indications, précautions, autres usages

  • Les feuilles, au goût âpre et un peu salé, se ramassent en même temps que les fleurs, aux mois de juin et juillet. La racine, légèrement amère et nauséeuse, serait de nature stupéfiante au printemps. Cazin évoque le fait que des sensations d’étourdissement, de vertige, d’ivresse peuvent survenir lors d’une récolte, en raison, peut-être, d’un principe narcotique contenu dans la plante.
  • La décoction de racine, surtout à haute dose, est purgative et vomitive.
  • Les feuilles de bétoine étaient autrefois fumées sous forme de cigarettes médicinales. De ces feuilles, on a aussi constitué un succédané de thé.
  • La bétoine est aussi une plante tinctoriale teignant la laine en brun.
  • Il existe un élixir floral à base de fleurs de bétoine : on l’utilisera avec profit afin de résoudre des conflits internes liés à la pratique sexuelle. Cet élixir permet d’harmoniser les pratiques excessives et de surmonter les besoins compulsifs et fantasmatiques. Ce qui n’est pas sans rappeler ce que disait Hildegarde à ce sujet.
  • Autres espèces : la bétoine hérissée (Betonica hirsuta) et la bétoine jaune (Betonica alopecuros).
    _______________
    1. Henri Leclerc, Précis de phytothérapie, p. 272
    2. Psuchotrophon, en grec, traduisible ainsi : « que la fraîcheur fait croître », « qui entretient la vie, qui est vivifiant ».
    3. Guy Ducourthial, Flore magique et astrologique de l’Antiquité, p. 428
    4. Ibidem, p. 224
    5. Strabo, Hortulus, pp. 42-43
    6. Macer Floridus, De viribus herbarum, p. 96
    7. Paul-Victor Fournier, Dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France, p. 164
    8. Ibidem
    9. Ibidem
    10. François-Joseph Cazin, Traité pratique et raisonné des plantes médicinales indigènes, p. 182
    11. Ibidem
    12. Ibidem
    13. Pierre Canavaggio, Dictionnaire des superstitions et croyances populaires, p. 35

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