La renouée du Japon (Reynoutria japonica)

Fleurs de renouée du Japon (anro0002 – wikimedia commons).

Sans doute pouvez-vous en ignorer le nom, mais il est impensable de ne pas avoir remarqué au moins une fois cette grande plante de 2 à 3 m de hauteur, qui se donne à voir un peu partout, poussant en colonies denses au pied des lieux frais et de bien des cours d’eau. La luxuriance de son feuillage n’a d’égale que la prodigalité de son système racinaire extrêmement développé, avec pour fonction, toujours, d’expulser de nouvelles pousses hors de terre. Elle possède de fortes tiges à nœuds, comme le bambou, creuses de la même manière et de très forte section à la base. Rougissant avec le temps, elles portent de très grandes feuilles alternes, ovales triangulaires ou cordiformes, avec une petite pointe à leur extrémité.

Si la floraison de la renouée du Japon ravit les abeilles (elle fleurit en septembre-octobre, c’est-à-dire à une époque où les mellifères indigènes se font rares), il se trouve que les fleurs formant ces panicules de couleur blanc crème sont quasiment stériles et ne produisent qu’à grand-peine quelques graines. Ce n’est donc pas grâce à ce moyen que la plante assure sa propagation. En ce sens, elle rappelle quelque peu la menthe poivrée qui ne forme aucune graine et qui assure sa reproduction par l’intermédiaire d’un efficace réseau souterrain. Et c’est là que ça se complique, et que les choses ne s’avèrent pas aussi simples. Reprenons-les donc depuis le début.

La renouée du Japon est, comme son nom l’indique, originaire d’Asie orientale, mais ne se cantonne pas qu’au seul archipel nippon, puisqu’elle apparaît aussi bien en Chine, en Corée qu’en Sibérie. C’est là-bas que le naturaliste suédois Carl Peter Thunberg (1743-1828) fit sa connaissance en 1775, année durant laquelle il se trouvait sur l’île artificielle de Dejima, au large de Nagasaki. Malgré l’extrême rigueur dont le Japon faisait alors preuve à l’égard des Occidentaux, Thunberg parvint tout de même à collecter des échantillons végétaux qu’il expédia à Amsterdam. Là, son ami le botaniste hollandais Maarten Houttuyn (1720-1798) décrivit, parmi le lot de plantes reçues, une renouée et lui donna le nom de Reynoutria japonica en 1777, en hommage au botaniste flamand Karel van Sint-Omaars (1533-1569), plus connu sous le nom de Baron van Reynoutre. Une cinquantaine d’années suivants ces faits, l’officier médecin d’origine bavaroise Philipp von Siebold (1796-1866) s’engagea auprès de la Compagnie des Indes orientales et débarqua lui aussi sur l’île de Dejima en 1823, avant d’en être expulsé six ans plus tard. Il eut cependant le temps de faire des collectes suffisantes, et en profita pour embarquer une renouée qu’il installa à son retour dans son jardin d’acclimatation de Leyde, avant de lui donner le nom de Polygonum cuspidatum en 1846. Pendant ce temps, la Reynoutria japonica de Thunberg dormait quelques part, car cette espèce, non seulement fut publiée en néerlandais mais dans une catégorie erronée, ce qui fit qu’elle tomba dans l’oubli, et ce jusqu’en 1901 ! Cela signifie que pendant la quasi totalité du XIXe siècle, l’Europe ne sut pas qu’elle avait accueilli deux plantes qui, bien qu’on leur ait accordées des noms différents pourraient bien être la même espèce. Bref, au milieu du XIXe siècle, la renouée de Siebold fut mise à la disposition du public dans le but d’agrémenter les parcs et les jardins : cette variété exotique rencontra un succès d’autant plus facilité qu’il était soutenu par force réclame. En effet, cette nouveauté végétale était vantée pour « sa vigueur, ses qualités ornementales, médicinales, alimentaires, fourragères, mellifères automnales ». De plus, on ajoutait « qu’elle protège les jeunes plantations du soleil (sic), fixe le sable des dunes et on précise même que ses tiges sèches font d’excellentes allumettes. Enfin, ultime argument, on l’assure ‘inextirpable’ », et pour cause !1. Mais à cette époque, il n’était pas encore question de s’inquiéter, la renouée japonaise de van Siebold étant un mâle stérile, jusqu’à ce que le chirurgien russe Heinrich Weyrich (1828-1863) fasse la rencontre avec une autre renouée sur l’île russe de Sakhaline en 1853 : Polygonum sachalinense. Celle-ci débarqua tout d’abord à Saint-Pétersbourg, puis en Europe dans les années 1860 et tout aussitôt s’échappa des jardins où l’on pensait naïvement l’avoir sagement claquemurée. Le gros hic, ce fut le coup de foudre retentissant qui se produisit entre la renouée de Weyrich et celle de Siebold qui se trouvait être fécondable par elle. De l’union des deux naquit un vigoureux hybride (sans doute dans les années 1880), de plus parfaitement compatible avec ses deux parents. L’on donna à ce nouvel arrivant le nom de Reynoutria x bohemica, non pas pour en souligner l’origine géographique, mais très certainement pour en évoquer le caractère vagabond. Bien plus compétitive que ses parents, cette renouée (que l’on peut confondre avec au moins quatre autres hybrides, tous chromosomiquement différents), s’appuie sur le bagage génétique que lui a légué la renouée de Siebold qui compte, elle, jusqu’à 88 chromosomes, ce qui, pour partir à la conquête du monde, offre aux renouées un large éventail de possibilités (accroissement de la taille de la plante, vigueur végétative multipliée, etc.).

En France, elle ne semble s’être installée qu’en 1939. Fournier lui donnait le nom français de persicaire d’Orient. En 1947, il la savait très cultivée comme ornementale, mais il en remarqua aussi le caractère par trop envahissant, ce qui fait qu’aujourd’hui elle est présente dans les régions suivantes : Alsace-Lorraine, Nord, Picardie, Normandie, Bretagne, Franche-Comté, Rhône-Alpes. Seule la Provence semble lui résister et la Corse l’ignorer. L’Europe en fait également les frais, puisque cette plante – qu’il est parfaitement justifié de qualifier d’invasive (en France, c’est le statut que lui octroie l’arrêté du 24 avril 2015) – s’est répandue autant à sa portion occidentale que centrale. Sa dynamique d’expansion est, parmi toutes les plantes invasives, celle qui est la plus forte. « Vite et partout » pourrait être sa devise. Pourquoi donc ne se comporte-t-elle pas comme l’arbre aux papillons (Buddleia davidii) et le raisin d’Amérique (Phytolacca americana) ?

On trouve la renouée du Japon dans les zones alluviales, le long des cours d’eau pollués, sur les terres incultes pauvres et calcaires, les pentes volcaniques, les sols nus riches en métaux (aluminium, plomb, zinc, cuivre), les friches et zones industrielles en déclin, les décharges sauvages, les abords de zones goudronnées, les voies de chemin de fer, etc. Or, si la renouée ne pose pas de problème dans son biotope naturel asiatique, il n’en va pas de même en Europe (ainsi qu’en Amérique du Nord d’ailleurs). On parle de plante invasive dès lors qu’un végétal imprime un impact négatif sur la biodiversité de la zone dans laquelle il s’implante : une plante envahissante met donc en danger aussi bien la flore que la faune indigène. Et lorsqu’on observe comment se comporte la renouée, il est bien difficile de lui dénier ce statut, bien au contraire, tant elle exerce une forte pression sur les milieux aquatiques et subaquatiques entre autres, allant perturber tant les milieux naturels (lisières de forêt, d’autant si elles sont aussi peuplées par cet autre envahisseur venu d’Amérique du Nord, le robinier) qu’artificiels (Jean-Marie Pelt relate dans l’un de ses ouvrages le dépérissement d’une haie de thuyas dans laquelle la renouée s’était incrustée ; aujourd’hui, ces thuyas sont tous morts).


Tapis de tiges de renouée du Japon sur le site de la poudrerie d’Esquerdes (Pas-de-Calais) pollué par les nitrates et abandonné depuis une quarantaine d’années (F. Lamiot – wikimedia commons).

La propagation de la renouée s’explique grâce à plusieurs éléments de réponse. Tout d’abord, elle n’est menacée par aucun prédateur en Europe. Il est difficile de stopper une telle progression quand un maillon de la chaîne alimentaire – ici inexistant – n’est donc pas en mesure d’endiguer la croissance de la plante. Opportuniste, la renouée se développe au désavantage des populations de plantes endémiques qui, ainsi, reculent et sont forcées de quitter les terrains sur lesquels elle met avidement la main. De plus, aucun compétiteur sérieux ne s’oppose à elle, elle n’a donc rien à craindre d’une potentielle concurrence. Bien plus, ce sont les autres plantes qui ont tout à redouter d’un débarquement de la renouée, vu le caractère allélopathique dont elle est capable de faire preuve à leur égard, c’est-à-dire qu’elle secrète des substances chimiques inhibant la génération des autres plantes (ce n’est pas la seule à procéder ainsi ; dans la Nature, ces phénomènes sont légion). Pour cela, elle modifie aussi la flore bactérienne du sol à son avantage. En détruisant un biotope, c’est autant d’animaux (mammifères, amphibiens, reptiles, oiseaux, nombreux invertébrés ; – 40 % en ce qui concerne ces derniers) qui sont menacés par cette expulsion du fait de la raréfaction des espèces végétales jusqu’à présent indispensables à leur survie. Mais face à cette inévitable réaction en chaîne, il est possible d’objecter que se met en place un nouveau biotope, la Nature ayant, dit-on, horreur du vide.

Comment une plante dont la granification est quasiment nulle peut-elle prendre autant d’envergure ? Ce n’est certainement pas par la dispersion des semences par la plante. Aussi, plutôt que de regarder, nez en l’air, ce qu’il ne s’y passe pas, il faut aller chercher la solution sous terre : les parties aériennes de la renouée ne sont que la fraction émergée d’un système végétatif gigantesque. En effet, le rhizome de la renouée, à plein développement, peut s’enfoncer à près de 3 m de profondeur et s’étaler sur pas loin de 20 ! On comprend comment ont procédé les renouées qu’on voit parfois de part et d’autre d’une route.

La renouée utilise d’autres vecteurs de propagation indirects : par voie fluviale, par exemple. Vivant près des berges, il suffit qu’une crue arrache un fragment de la plante pour que celui-ci aille s’implanter là où la furie des èves l’aura transporté, parfois à des kilomètres de là (on considère qu’un morceau de rhizome d’une dizaine de grammes, portant un unique bourgeon, est capable de générer une nouvelle plante).

Très présente sur ce que l’on appelle les néo-sols, c’est aussi par le biais de l’intervention humaine involontaire que la renouée peut être efficacement transportée d’un lieu à l’autre (à l’occasion des déplacements de terre qu’exigent les activités de génie civil, par exemple).

Que faire pour stopper cette invasion et réduire ainsi son impact écologique sur la faune et la flore ?

  • La fauche : si elle détruit la partie aérienne, il n’en reste pas moins que la partie vive de la plante est toujours là. Mauvaise méthode du fait que la plante est capable de réparer les dommages qui lui ont été causés en quelques jours. Si l’on fauche, il faut également faire attention à ce qu’il va advenir des tiges fauchées. Ne pas les éparpiller, elles se bouturent très facilement. Il faut donc détruire le résultat de la fauche, ou le laisser sur place, dans l’espoir qu’il ne soit pas transporté accidentellement par le vent, l’eau, etc. Cette méthode n’est pas envisageable dans le cas d’un traitement du sol par phytoremédiation : en effet, on ne peut laisser sur place la renouée fauchée, au risque qu’elle relargue dans le sol les polluants qu’elle en a extrait. Celle-ci doit donc être traitée en conséquence.
  • L’extraction des rhizomes : elle est fastidieuse et surréaliste. La renouée est une véritable forteresse à l’instar du chiendent et compte sur son réseau de rhizomes traçants pour se mettre hors de portée des pelles et des pioches.

D’un point de vue mécanique, la destruction de cette plante est donc un pari perdu d’avance.

  • Traitements phytocides : ils sont complexes et hasardeux. L’usage des herbicides est interdit à moins de 5 m des cours d’eau. Or, comme la plante vit en bordure de rivière très souvent, elle est donc inattaquable dans ce cas (on peut se demander si, malicieuse, elle n’est pas au courant de la chose tant elle dénote autant d’intelligence).
  • Technique préventive : repérage de la plante au début de sa vie végétative et extraction complète.

Bref, pour l’heure aucune technique n’a prouvé son efficacité, même si des rumeurs (non étayées de preuves scientifiques) laissent entendre que l’ortie pourrait être la solution : elle semble être une tueuse de renouée. A suivre…

Je n’ai cependant pas l’impression que cet acharnement ait porté ses fruits. Ce serait comme de gratter une plaque de psoriasis qui, toujours, reviendrait se former, encore et encore. Les frappes chirurgicales ne fonctionnent pas contre la renouée. Mais en quoi donc la renouée du Japon est-elle si irritante ? En raison de l’incapacité de l’homme à en venir à bout ? Du fait qu’elle défie les plans (sur la comète) que l’on a établis à son sujet ? En effet, elle tient tête à l’homme et le place en situation d’échec, et cet homme-ci n’apprécie guère ce qu’il pourrait considérer comme une effronterie. Mais cet homme n’est-il pas en train de poser son regard sur cette situation par le plus petit bout de la lorgnette ? Dans son aire d’origine, la renouée du Japon s’installe sur des terrains auxquels on confierait à grand-peine rutabagas et topinambours. Elle s’y comporte comme une pionnière, peuplant éboulis et rives de torrents, c’est-à-dire des milieux perpétuellement remaniés, très éloignés dans leur caractère des bucoliques bordures d’étangs assoupis sous l’air torpide de l’été que n’entrebâille que le pensif coassement d’un grenouille solitaire – respirez ! – happant l’air de temps à autre afin de s’en gargariser les cordes vocales.

Cependant, après une implantation en un lieu donné qui peut durer plusieurs années, la renouée abandonne derrière elle « un sol transformé capable de se végétaliser et disparaît petit à petit en faveur d’autres espèces […]. Serait-elle l’indicatrice d’un problème plus profond ? Car cette plante étonnante adore la pollution, et s’installe à l’origine dans des milieux dévastés pour dépolluer le sol et rétablir un équilibre dans l’écosystème »2. (C’est ni plus ni moins qu’une plante soin ! L’on n’en doutera plus à la lecture de la seconde partie.) Ce qui explique qu’elle joue un rôle important en phytoremédiation. Si l’on peut considérer que la renouée s’implante plus particulièrement en des lieux qui sont comme des épines fichées dans le pied afin de nous les rendre encore davantage visibles – la décharge sauvage peu glorieuse, le délitement du tissu industriel européen et ses « cadeaux » empoisonnés, bien d’autres activités humaines écologiquement irresponsables – eh bien, il est permis de voir en la renouée une rédemptrice, du moins la mère qui range le foutoir de la chambre de ses gosses. Le message qu’une plante nous adresse est toujours plus grand que notre capacité à le recevoir, bien plus étendu que la minuscule bribe que nous sommes capables d’en saisir.

Dans son livre Healing Lyme, l’Américain Stephen Harrod Buhner avance l’hypothèse que la renouée a pris possession des territoires où s’est propagée la maladie de Lyme, dans un temps coïncidant. Je ne crois pas trop à l’immédiate simultanéité des deux événements, mais j’avoue que cette plante, qui se montre ici et là avec autant d’insistance, ne prodiguerait pas tant d’énergie si elle n’avait rien à nous dire, puisqu’un organisme vivant ne consent jamais pour rien l’effort qu’il produit.

Reynoutria japonica

La renouée du Japon en phytothérapie

Après tout ce qui vient d’être exposé, c’est sans surprise qu’on apprendra que la pratique phytothérapeutique s’enquiert tout d’abord de la partie végétative souterraine de cette plante : en effet, le rhizome séché est largement préféré aux feuilles. C’est du moins ainsi qu’elle est originellement employée en Asie. Par exemple, au Japon, où on lui donne le nom d’inadori (= « ôte douleur »), on confectionne une infusion à base de racines sèches, le thé d’inadori. De même pour la médecine traditionnelle chinoise qui emploie cette plante sous le nom médicinal de Shimangcao.

L’étude attentive de la racine rhizomateuse de la renouée du Japon a permis d’en extraire, dès 1963, un polyphénol de la classe des stilbènes, le trans-resvératrol, « molécule photosensible qu’une simple exposition à la lumière suffit à transformer de manière irréversible dans son isomère cis. C’est un composé instable supportant aussi assez mal la chaleur et les milieux oxydants »3. L’on comprend mieux pourquoi la plante dissimule cette substance dans ses rhizomes souterrains qui poussent au frais, près des rivières et des berges humides. En moyenne, l’on en trouve 3 à 4 g pour 1000 g de racine, ce qui place la renouée bien au-delà du raisin et du vin, autres sources alternatives de resvératrol, découvertes plus tardivement.

La renouée du Japon ne saurait bien évidemment pas se réduire au seul trans-resvératrol. Elle contient encore de l’acide oxalique, des lignanes, des flavonoïdes, ainsi qu’une substance à laquelle on accordait autrefois le nom de cuspidatine (ou polygonine), qui, par dédoublement, fournit de l’émodine, de la classe des anthraquinones. C’est cette émodine que l’on retrouve dans une autre renouée asiatique, He Shou Wu (Polygonum multiflorum), plante empreinte de mystère et qui pourrait, dit-on, accorder un bonus de longue vie à qui l’ingérerait. Par communauté moléculaire, on en a déduit un peu vite que les propriétés et usages de l’une pouvaient se transposer à l’autre. C’était d’autant plus tentant que cette autre renouée prévaut pour sa capacité à abaisser les taux de cholestérol et de glycémie sanguins. On lui attribue encore de potentiels effets face au bacille de la tuberculose, au paludisme et aux signes extérieurs de vieillesse. Mais, mefiat ! Déjà que le resvératrol semble balader les chercheurs, n’allons pas aussi vite en besogne, et ne chargeons pas la bête d’un poids qu’elle ne peut supporter.

Propriétés thérapeutiques

  • Anti-oxydante, protectrice cellulaire contre le stress oxydatif (Sachons que « le resvératrol est une phytoalexine, c’est-à-dire une substance induite par un stress environnemental ou pathogène […] et destinée à contenir localement les dégâts du pathogène »4. C’est une astuce que met en œuvre la vigne pour se protéger du mildiou par exemple.), photoprotectrice
  • Support du système immunitaire (immunomodulante exactement), favorisante du maintien d’un métabolisme équilibré
  • Support du système cardiovasculaire, protectrice vasculaire, hypotensive, inhibitrice de l’oxydation du LDL
  • Anti-inflammatoire, analgésique
  • Digestive, laxative, antidiarrhéique
  • Antipyrétique
  • Antibactérienne, antifongique
  • Diurétique
  • Expectorante
  • Chimioprotectrice du cancer (?)
  • Neuroprotectrice

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère cardiovasculaire et circulatoire : assurer une circulation sanguine saine, artériosclérose, excès de cholestérol (LDL) et de glycémie, angiogenèse, hypertension, petite hémorragie
  • Troubles de la sphère hépatique : diabète, hépatite, ictère
  • Troubles de la sphère gynécologique : leucorrhée, aménorrhée
  • Troubles locomoteurs : arthrite rhumatoïde, arthrite de Lyme, douleurs articulaire et musculaire telles qu’on les rencontre chez les malades de Lyme, maintien de la masse osseuse
  • Infection (bactérienne, fongique)
  • Affections cutanées : brûlure, furoncle, morsure, inflammation de la peau, vieillissement cutané
  • Bronchite chronique
  • Neurodégénérescence

Note : le récent emballement au sujet de l’épidémie de coronavirus a au moins permis de mettre en évidence que cette autre renouée chinoise dont nous avons parlée plus haut, était impliquée dans l’inhibition de la fixation des coronavirus aux récepteurs ACE2 (ou enzyme de conversion de l’angiotensine 2) de l’organisme.

Modes d’emploi

  • Décoction de rhizome sec et fragmenté : comptez une cuillère à soupe pour un litre d’eau en décoction durant au moins quinze minutes. Passé ce délai, exprimez avant de consommer.
  • Poudre de rhizome en dilution dans un liquide (eau, jus de fruit, lait de coco). L’on trouve aussi cette poudre dans des capsules gastro-résistantes toutes prêtes.
  • Extrait de plante fraîche.
  • Extrait hydroglycériné.
  • Cataplasme de feuilles fraîches contuses.
  • Resvératrol en gélules simples (cf. la marque Solgar, par exemple) ou bien en complexe avec rhodiole, grenade, etc. (cf. Oxynium de SFB laboratoires).

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Si la renouée est utilisée en Asie, tant comme plante médicinale qu’alimentaire, il n’est pas recommandé d’en faire les mêmes usages en France à l’issue d’une cueillette, car elle pousse la plupart du temps sur des sols artificiels non exempts de produits polluants (herbicides, pesticides, métaux lourds ; parmi ces dernières substances, ce sont les rhizomes qui les concentrent prioritairement, puis les feuilles, enfin les jeunes pousses). Ce qui est fort dommage, car cela nous prive d’en déguster les pousses tendres, crues comme cuites, comme cela se pratique au Japon, où une cuisson à la vapeur les apparente aux turions d’asperge.
  • Les prises régulières de resvératrol ou de renouée du Japon par voie interne sont à proscrire en cas d’hypothyroïdie, puisque le resvératrol à lui seul entrave le bon fonctionnement du système immunitaire. On l’interdira chez la femme enceinte, la femme allaitant, l’enfant de moins de douze ans. Dans tous les autres cas, l’on se méfiera des usages prolongés et/ou des doses trop appuyées.

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  1. La Garance voyageuse n° 106, été 2014, p. 36.
  2. Site de Yvette Bernard.
  3. Wikipédia.
  4. Ibidem.

© Books of Dante – 2021

Jeunes tiges de renouée du Japon (anro0002 – wikimedia commons).

Le pomelo (Citrus x paradisii)

Pomelos en Floride (photochrome, 1902).

Quand l’on pense au pamplemousse, peut surgir en notre esprit une image floridisiaque. Non seulement c’est bien réducteur, mais de plus c’est une erreur, puisque le pamplemousse est originaire d’Asie : je parle du véritable, c’est-à-dire de cette espèce d’arbre monstrueux qui fabrique des fruits de plusieurs kilogrammes, et dont la masse joufflue, victime de trop d’apesanteur, jouxte celle des faux pamplemousses sur les étals du marchand de fruits et de légumes. Et de ces vrais pamplemousses – botaniquement, c’est le cas – il est rare de s’en payer les quartiers d’un seul spécimen au petit déjeuner, tant l’expérience passe pour prodigieusement compliquée. D’ailleurs, ce gigantisme est inscrit dans les noms qu’on lui a donnés en latin : Citrus grandis et son synonyme, Citrus maxima.

Probablement né en Chine, le pamplemoussier est donc cet arbre produisant de gros fruits de 10 à 30 cm de diamètre et dont l’écorce spongieuse est épaisse, tout autant que l’albédo. Quant à sa chair, amère, elle recèle peu de jus, ce qui donne une drôle d’impression face à cette – comment dire ? – outre bloubloutante, dont la vacuité n’a d’égale que son incapacité à étancher la plus ardente et mordante des soifs. Étrangement, en Chine, lors du nouvel an, le pamplemousse passe pour un signe de richesse et de prospérité. Parce que de la couleur de l’or, le nom qu’on lui donne – you – renvoie homophoniquement au sens des mots « posséder » et « avoir ». Curieux. En tous les cas, c’est une affection qui ne date pas d’hier puisqu’« on a retrouvé oranges et pamplemousses noués dans un foulard de soie brodé au fond d’un panier, parmi les tributs remis à l’empereur Taynen » il y a de cela quatre millénaires1. Du sud-est asiatique, le pamplemousse aurait tout d’abord transité en direction de la Polynésie, amené là par un certain capitaine Shaddock (ce qui – immanquablement – induit en mon esprit d’autres images, absolument pas sérieuses celles-là ! Le Marin Shadok, ça vous rappelle quelque chose ? ^.^). Eh bien, ce capitaine l’aurait emporté avec lui dans sa petite valise jusqu’aux Caraïbes. Et c’est là que ça se gâte. Bref, le pamplemousse y fit la rencontre de l’orange douce, et de l’union de ce gros patapouf et de cette minette acidulée naquit… le pomelo ! Il fallait la trouver, celle-là ! En effet, le pomelo, que l’on appelle indûment pamplemousse, résulte d’une hybridation. Mais comme il entretient volontiers le trouble, pour ne pas dire la louchitude, l’on n’a pas su de suite s’il s’agissait d’une mutation naturelle ou bien d’un croisement volontaire orchestré par la main de l’homme ou par les facilitateurs agents de la Nature toute puissante. Il aurait pu naître sous x sans qu’on s’en aperçoive, mais on lui connaît bel et bien ses deux parents, et en tant qu’hybride, l’on consigne cette rencontre des chairs âpres du pamplemousse, juteuses et émoustillées de l’orange douce, par une croix : Citrus x paradisi, ce qui, au reste, est assez drôle. Comment se peut-il qu’un hybride, c’est-à-dire un organisme stérile, soit qualifié de paradisiaque ? L’image idyllique ne colle pas, d’autant que le pomelo n’est pas tout à fait un chaud lapin, arbre fragile et frileux qu’il est. Il lui faut du soleil et de la chaleur, mais ça n’est que pour le fun, l’esbroufe rien de plus, à l’image de son éruption au fin fond de la forêt épaisse des Antilles : à ce titre, l’on a à peu près affaire au même genre d’histoire à dormir debout que celle que nous avons évoquée naguère lorsque nous abordâmes les rivages du pays du quinquina et de son ambassadrice, la comtesse de Chinchón. Bon, là, il y en a généralement moins dans les manuels, on ne s’étale pas des masses dessus. Mais l’ensemble laisse malgré lui un sentiment de torpeur tel qu’on le subit après un repas mal digéré. Mais voici donc la chose : un certain chirurgien des armées napoléoniennes, le conte Philippi, fut fait prisonnier par les Anglais après que ceux-ci eurent infligé une colossale fessée à la flotte franco-espagnole le 21 octobre 1805 à Trafalgar. Placé aux fers sur les Bahamas, il y fit la rencontre avec le pomelo, avant d’en initier le premier la culture sur les terres de la Floride toute proche, dans les années 1820. Ça aussi, c’est bancal, je ne m’en cache pas, et ça l’est d’autant plus qu’on apprend, par le biais de sources alternatives, que le pomelo aurait été découvert à Porto-Rico au milieu du XVIIIe siècle, avant de se répandre aux états américains que sont la Floride, le Texas, l’Arizona et la Californie. Il y a une seule chose qui paraît vraisemblable dans tout cela, c’est que l’hybridation du pomelo en fait l’unique agrume natif des Amériques.

On pourrait croire, comme ça, qu’il manque diablement de personnalité, « multiplier les expressions et dire au fond toujours la même chose. Que le pamplemousse est encombrant, ventripotent, lourdingue et sans âme. C’est assez dire qu’il est américain et qu’il vient directement de Floride »2. C’est vrai que, très franchement, le pomelo colle à merveille à l’image du retraité de Floride, replet jusqu’aux plis, contrarié dans sa mauvaise graisse et ses excès de cholestérol, le cœur cultivé au dollar et pas loin de l’apoplexie, parfaitement dénué d’originalité mais tentant par tous les moyens de se prodiguer lui-même avec une ardeur que son manque de sexe rend défectueuse. Ainsi est-il non seulement dépourvu de queue, mais encore faut-il qu’on la lui tienne, comme on le ferait de ces grabataires mous, ruisselant de couenne et de crème solaire. En effet, le pomelo qu’on peut déguster entre l’alligator et l’ouragan échevelé, cru/cuit, salé/sucré, seul/accompagné – est-ce à dire qu’on le peut mettre à toutes les sauces ? c’est osé pour quelqu’un qui manque généralement de jus, tant il s’appesantit de lourdeur, – eh bien, disions-nous, le pomelo apparaît comme avide de se générer lui-même, non pas sous différentes coutures, mais en plusieurs parures qu’on lui voit tour à tour porter : alors que son péricarpe passe du jaune au rose, la pulpe succulente qu’il abrite, plus ou moins acidulée ou sucrée, s’enorgueillit d’un panel chromatique évoluant du jaune presque blafard au rose pas loin d’être injecté de sang (ne dirait-on pas de la variété Ruby Red qu’elle n’est pas loin de frôler la congestion ?) Cette outrecuidance mal placée l’amena même à faire comme ses parents, c’est-à-dire à s’unir (je suis toujours hanté par la vision du gros Américain perclus de graisse, ça n’aide pas), à s’unir, disais-je, avec d’autres que lui afin de voir ce que ça pourrait bien donner : eh bien, pas grand-chose, du moins rien dont on n’ait entendu parler jusqu’à présent. Sachez donc que l’union que consentit le pomelo avec l’orange (Citrus sinensis) produisit comme résultat le chironja et que le tangelo n’est autre que le bâtard issu des amours asexuées du pomelo et d’une mandarine. La belle affaire ! Et un pamplemousse avec un pomelo, de quoi cela pourrait donc bien accoucher ? D’un pomelousse, bien sûr ! Plutôt gonflé, non ? Tout comme le pamplemousse d’ailleurs, dont le nom étrange lui vient de la prosaïque et peu originale vision qu’eurent de lui les Hollandais. Avant d’être pamplemousse en français, il fut tout d’abord pompelmoes en néerlandais, un mot dans lequel on devine le pépon, alias le pumpkin des Anglais, autrement dit la rotondité citrouillesque, l’énormité courgiasque, pompelmoes ne signifiant pas autre chose que « citron enflé, citron-courge ». Déjà que le pomelo manque absurdement de caractère !… « Cette grosse pouffe nous promet certainement d’autres surprises. Elle sait de toute façon que plus elle sera lourde, plus elle sera juteuse : ça la console. Alors, elle profite, elle engraisse encore, elle s’empâte jusqu’à la catastrophe »3. Féminin, masculine ? On ne sait pas, on ne sait plus très bien. Un pomelo, une pamplemousse ? « Ce qui est gros a aussi le privilège d’annuler la différence des sexes »4. Le pomelo ne serait-il pas au Floridien obèse ce que le pamplemousse est à l’Africaine gironde ? En effet, en Afrique, d’une femme grasse et grosse, l’on dit qu’elle est une pamplemousse, un comble pour un fruit à la réputation bien établie de mange-graisse, digne de figurer parmi les meilleures recettes permettant de lutter contre la peau d’orange !

Les chairs oublieuses du pomelo donnent la très curieuse impression qu’elles ingèrent imperceptiblement toute information un tant soit peu saillante – pour ne pas dire capitonnée – qui émergerait auprès d’elles ou que l’on aurait l’imprudence de leur confier. Potentat du conformisme mou, héraut de l’avachissement de la pensée, barbotant dans l’indistinction principielle de sa soupe acide, le pomelo s’oblige à se réunir en grappe (d’où le substantif anglais de grapefruit) afin de ne pas se désagréger lui-même, tant incertain, il doute et hésite. Ainsi consolidé, comme on le ferait d’un dessert par trop récalcitrant à grands coups d’agar-agar ou de carragheen, le pomelo parvient à tenir la route, sans pour autant qu’on sache bien où il veut se rendre. Il est tant enfermé dans le mutisme, qu’il lui arrive de naître sans pépins. Mais le pomelo devient parfois un parfait extraverti, libérant la parole à l’aide de son essence périphérique qui, tels les rayons du soleil indubitablement dirigés vers l’extérieur, parvient à exalter l’ouverture du cœur des personnes excessivement repliées sur elles-mêmes, ce qui laisse entr’apercevoir une lueur d’espoir : non, le pomelo n’est pas toujours cette insipide désolation qu’on imagine qu’il est. Avoir des pépins, c’est généralement croquer dans un os. C’est ce qui arriva au docteur Jacob Harich (1919-1996), médecin et immunologiste d’origine serbe dont la biographie, pour le moins trouble, s’apparente fort à l’existence même du pomelo. Un coup de dent sur le pépin du destin révéla au médecin l’amertume de la semence du pomelo qu’il dégusta quelque part en France après la Seconde Guerre mondiale. Émigrant en 1957 dans le but de s’installer aux États-Unis, il se fixa en Floride une dizaine d’années plus tard, et c’est là qu’il fit une seconde rencontre décisive avec le pomelo : notre brave docteur, féru de jardinage, se rendit compte que les restes de pomelo qu’il jetait au compost ne se dégradaient pas de la même façon que tout le reste. C’est en cherchant à percer ce mystère que vint au monde ce que l’on appelle l’EPP, c’est-à-dire l’extrait de pépins de pamplemousse. Enfin, le pomelo enfanta-t-il quelque chose qui lui fut digne !

Citrus maxima, le « vrai » pamplemousse.

Le pomelo en phyto-aromathérapie

Les informations concernant le pomelo sont si denses qu’elles semblent pousser tout à l’étroit, à l’image des fruits de cet arbre. Nous allons tenter de les faire tenir ensemble sans trop de confusion. Nous aborderons donc le pomelo selon trois axes : le fruit en tant que tel, l’essence que l’on exprime de son péricarpe, enfin l’extrait de pépins de pamplemousse (EPP).

De la masse joufflue du premier, l’on tire avant tout environ 90 % d’eau, des glucides (9 %), pas ou peu de protéines (0,60 %) et de lipides (0,10 %). C’est cela qui explique sa faiblesse énergétique et calorique (43 calories aux 100 g en moyenne). En revanche, les vitamines y sont nombreuses :

  • Provitamine A : 0,10 mg/100 g
  • Vitamine B1 : 0,07 mg/100 g
  • Vitamine B2 : 0,05 mg/100 g
  • Vitamine B3 : 0,30 mg/100 g
  • Vitamine C : 40 mg/100 g
  • Vitamine E : traces

De même que les sels minéraux et les oligo-éléments :

  • Potassium : 192 mg/100 g
  • Calcium : 20 mg/100 g
  • Phosphore : 18 mg/100 g
  • Magnésium : 12 mg/100 g
  • Soufre : 7 mg/100 g
  • Sodium, fer, cuivre, chlore, manganèse, etc.

En ce qui concerne l’essence d’expression à froid du pomelo, on remarque une nette différence olfactive selon si elle est produite à base de pomelo rose (Afrique du Sud, Italie…) ou blanc (États-Unis, Argentine…). Obtenue en pressant mécaniquement les péricarpes frais (= les zestes), cette essence – d’incolore à jaune verdâtre foncé – est un liquide limpide de densité moyenne établie à 0,85. Son parfum frais, doux et fruité, même s’il diffère quelque peu selon les lots comme nous l’avons dit, ne semble pas s’expliquer par un bouleversement de sa composition biochimique, puisque, en moyenne, les chiffres restent assez stables. Mais allez savoir !… L’on n’ignore pas que les coumarines et furocoumarines, présentes en minuscule quantité dans les essences et les huiles essentielles, agissent très efficacement à des doses infiniment basses. L’on sait aussi qu’une molécule donnée ne sent pas la même chose selon sa concentration dans l’air. Il est vrai que si l’on s’attarde sur la composition d’une essence de pomelo, saute aux yeux la massive proportion de ce monoterpène qu’est l’inénarrable limonène, obligation moléculaire dès lors qu’on parle d’agrumes. Mais qu’en est-il de cette cétone sesquiterpénique qu’est le β-nootkatone ? Habituellement présent à moins de 0,20 % dans les essences de pomelo, il n’en détient pas moins un fort pouvoir olfactif, semblant orienter le parfum d’une essence de pomelo par rapport à une autre.

Voici quelques données chiffrées histoire de se faire une idée de la composition biochimique moyenne de l’essence de pomelo :

  • Monoterpènes : 97,50 % dont limonène (94,20 %), β-myrcène (1,90 %)
  • Aldéhydes terpéniques : 0,70 %
  • Cétones sesquiterpéniques : β-nootkatone (0,06 %)
  • Coumarines, furocoumarines

Venons-en maintenant à l’EPP : en pressant à froid les pépins frais de pomelo, on obtient une substance qui contient surtout des éléments de nature flavonique (naringine, isonaringine, poncirine, naringenine, rhoifoline, etc.), dosées généralement entre 400 et 800 mg aux 100 ml. A cela, on ajoute de l’acide ascorbique en guise de conservateur (ou bien du benzoate de sodium, du sorbate de potassium), et l’on prend surtout soin de vérifier qu’il ne contient pas quelque ingrédient controversé comme le chlorure de benzéthonium ou le triclosan, c’est-à-dire des produits employés comme pesticide au moment de la culture du pomelo, agrume fragile, et qui se retrouvent à terme dans les fruits, ainsi que dans l’EPP donc. La Floride, grosse productrice de pomelos, voit d’ailleurs les dauphins qui peuplent ses côtes être suffisamment intoxiqués par cette substance (le triclosan) rejetée avec les eaux usées et le lessivage naturel des sols pour qu’elle affecte sensiblement leur système endocrinien. Donc, pas de triclosan dans l’EPP, d’où l’impérieuse nécessité de le choisir uniquement de nature biologique (CitroBiotic de Sanitas est très bien si l’on cherche une forme liquide ; pour un extrait sec, s’adresser à Nutrixeal), car il serait dommage qu’une telle substance naturelle soit corrompue par un produit chimique venant en annuler les bienfaits : en effet, il a été remarqué que le triclosan perturbe gravement la flore intestinale là où, justement, l’EPP cherche à y mettre bon ordre. Bref, passons donc à la suite sans plus attendre.

Propriétés thérapeutiques

-Le fruit (sa chair, son jus)

  • Apéritif, digestif, cholagogue
  • Dépuratif et draineur hépatique,
  • Draineur rénal
  • Tonique, vitalisant, reminéralisant
  • Hypotenseur (?)
  • Rafraîchissant

-L’essence

  • Positivante, tonique, stimulante
  • Tonique et rééquilibrante psychique, relaxante, apaisante, neurotrope, détend et induit le sommeil, stimulante du système nerveux, stimulante de la sécrétion d’endorphines
  • Anti-infectieuse : antiseptique aérienne, antibactérienne, antivirale, antifongique
  • Cholérétique, cholagogue, digestive, stimulante, protectrice et drainante du foie, dépurative hépatique, stomachique, antinauséeuse, hypocholestérolémiante, lipolytique (= « mange-graisse »), anticellulitique, amincissante, coupe-faim5.
  • Drainante rénale
  • Stimulante des fonctions cardiovasculaires, fluidifiante sanguine
  • Astringente et raffermissante cutanée
  • Active sur les muscles et les tendons
  • Action antitumorale (?)
  • Anti-oxydante
  • Jet-lag (?)

Note : quelques mots à propos de trois propriétés abordées ci-dessus : avant de procéder à un drainage hépatique avec l’essence de pamplemousse, il faut savoir si le foie est engorgé. Pour cela, une analyse sanguine révélera ou pas la présence de cholestérol. En temps normal, cette substance est présente dans l’organisme mais certains dérèglements peuvent favoriser sa surproduction. Si le cholestérol augmente, surtout le LDL dit « mauvais cholestérol », c’est le signe que le foie a besoin d’être drainé et purifié.

Par ailleurs, l’action lipolytique de l’essence de pamplemousse permet ce que l’on appelle la lipolyse, c’est-à-dire la combustion des graisses par l’organisme. Cette essence peut donc être une alliée précieuse pour qui souhaite perdre du poids, d’autant qu’elle régule aussi l’appétit. Son action est potentialisée par deux molécules qu’on trouve dans d’autres huiles essentielles, le γ-terpinène et le para-cymène. On pourra donc associer l’essence de pamplemousse aux huiles essentielles de coriandre, d’arbre à thé, d’ajowan, de sarriette des montagnes, de thym à feuilles de sarriette, de thym vulgaire à thymol, de thym vulgaire à para-cymène. Cependant, méfiez-vous de l’effet hépatotoxique de certaines d’entre elles contenant des phénols (sarriette des montagnes, thym vulgaire à thymol, thym à feuilles de sarriette, ajowan).

-L’EPP

  • Antibiotique puissant à très large spectre d’action, anti-infectieux (antibactérien, antiviral, antifongique)
  • Immunostimulant, remède prophylactique des maladies tropicales (turista, etc.) ; on peut en ajouter quelques gouttes à l’eau de boisson dont on n’est pas sûr de la provenance, de même pour la nourriture servie dans les restaurants de certains pays étrangers, enfin en cas de fragilité avérée de l’organisme face à des conditions perturbantes
  • Veinotonique, lymphotonique
  • Protecteur des muqueuses intestinales, participe à l’équilibre de la flore intestinale : « Il apparaît même que l’extrait de pépins de pamplemousse n’affecte aucunement la flore bactérienne saine de l’intestin et respecte en particulier les bifidobactéries et les lactobacilles. »6

Usages thérapeutiques

-Le fruit (sa chair, son jus)

  • Troubles de la sphère cardiovasculaire et circulatoire : hypertension (?), fragilité des micro-capillaires sanguins
  • Affections pulmonaires, accès fébrile
  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : dyspepsie, intoxication alimentaire, insuffisance biliaire
  • Oligurie
  • Arthritisme, rhumatisme
  • Fatigue
  • Pléthore
  • Ivresse légère

-L’essence

  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : dyspepsie, acidité gastrique, reflux gastro-œsophagien, nausée, indigestion, lourdeur digestive après repas
  • Régulation de l’appétit (boulimie, tendance à la gourmandise, excès alimentaires, le tout sous-tendu par un terrain psychologique défavorable et pouvant mener à une surcharge pondérale et à des suites généralement désastreuses)
  • Troubles de la sphère hépatobiliaire : paresse hépatique, excès de cholestérol sanguin (précurseur de l’artériosclérose, le cholestérol en excès est néfaste à la bonne circulation sanguine)
  • Troubles de la sphère circulatoire : congestion circulatoire, varice
  • Troubles de la sphère respiratoire : bronchite, toux chronique, asthme (?)
  • Affections cutanées : soin des peaux grasses, mycose unguéale, gerçure des pieds et des mains
  • Fatigue, asthénie, douleurs musculaire et tendineuse
  • Troubles du système nerveux : stress, angoisse, déprime, troubles du sommeil
  • Maux de tête

-L’EPP

  • Troubles de la sphère respiratoire + ORL : rhume, pharyngite, toux, enrouement, laryngite, coup de froid, sinusite, grippe, maux d’oreille, muguet
  • Affections bucco-dentaires : aphte, herpès labial, lèvres gercées, commissures des lèvres fendillées, maux de dents, gingivite, saignement gingival
  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : infection (candidose intestinale, par exemple), diarrhée, flatulence, intoxication alimentaire, mauvaise haleine, ulcère (estomac, duodénum, intestin)
  • Affections cutanées : éruptions (acné, panaris, furoncle, verrue, psoriasis, eczéma, urticaire), zona, cor, durillon, ampoule, hypersudation, mycose des ongles, mycose interstitielle, égratignure, petite coupure, petite brûlure, abcès, ulcère variqueux, piqûre d’insecte, démangeaison du cuir chevelu, pellicules, poux
  • Troubles de la sphère gynécologique : vaginite, infection vaginale
  • Maladie de Lyme (d’après une étude parue en 2007, l’EPP s’avère être un puissant agent in vitro contre les formes mobiles et kystique de Borrelia burgdoferi : c’est-à-dire que l’EPP est une ressource bienvenue, bien que non suffisante, pour les malades de Lyme ; elle l’est encore bien davantage pour les candidosiques)

Modes d’emploi

  • Jus frais en nature ; pomelo tel quel, non sucré, si possible : si l’on peut se passer d’y ajouter ce poison, autant le faire ; on peut contre-argumenter en prétextant de l’amertume de la chair du pomelo en bouche ; mais il est profitable de ne pas étouffer l’amer au profit exclusif du doux : en effet, la médecine traditionnelle chinoise ne nous apprend-elle pas que la saveur amère stimule les méridiens de l’Intestin grêle et du Cœur, dont le dysfonctionnement du dernier induit, en fin de compte, des pathologies cardiaques ? Alors ? Alors pas de sucre ! Vous y gagnerez en joie de vivre et en générosité.
  • Essence : par dispersion atmosphérique, inhalation et olfaction ; on peut confectionner un spray si l’on ne dispose pas de diffuseur d’huile essentielle : dans un vaporisateur, on mélange de l’alcool et de l’essence de pamplemousse, puis l’on vaporise dans les lieux souhaités. C’est une essence fort utile – de même que celle de citron – pour désinfecter les locaux. Par voie externe, cette essence impose d’être diluée dans une huile végétale, puisqu’elle est classée comme potentiellement allergisante (cf. limonène).
  • EPP par voie interne : on lit souvent qu’il faut procéder à raison de deux à trois prises par jour, chacune comptant dix à quinze gouttes. Ce qui n’est que peu clair. En réalité, la posologie dépend essentiellement de la concentration en citroflavonoïdes de l’extrait de pépins de pamplemousse. A hauteur de 400 mg/100 ml, on compte 36 gouttes (3 x 12 ou 2 x 18) par jour. A 500 mg, on abaisse les doses comme suit : 30 gouttes à répartir en deux ou trois prises (2 x 15 ou 3 x 10). Matin, midi et soir, ou bien matin et midi. Pour l’enfant, on établira une posologie en fonction de son âge et de son poids : – de 0 à 6 ans : une goutte par 5 kg de poids à raison de deux prises par jour ; – de 6 à 14 ans : trois gouttes par 5 kg de poids à raison de deux à trois prises par jour. Remarque : l’EPP se dilue très bien dans l’eau contrairement à l’essence de pomelo.
  • EPP par voie externe : en application pure sur la peau, c’est possible, cela ne brûle pas, ni n’irrite l’épiderme, ce qui est un grand avantage. Si jamais la peau s’avérait réactive, il est tout à fait envisageable d’incorporer l’EPP à une huile végétale (amande douce, macérât huileux de millepertuis) ou de le mêler à de l’eau, tout simplement, avant application en compresse locale, par exemple. Avant shampoing : quelques gouttes en addition de vos produits habituels sont très profitables.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • L’essence de pomelo fait partie de ce petit groupe restreint d’essences et d’huiles essentielles qui sont autorisées à la femme enceinte, à celle qui allaite, au nourrisson et au jeune enfant. Dans ces cas-là, et en règle générale, les seules précautions à respecter sont les suivantes : intolérance cutanée aux essences d’agrume, caractère photosensibilisant des essences d’agrumes (dont l’emploi, tant interne qu’externe, implique de ne pas s’exposer durablement au soleil après usage). Elle est contre-indiquée chez les personnes sujettes aux lithiases de la vésicule biliaire.
  • L’EPP ne présente, lui, aucun effet secondaire et n’est pas toxique aux doses usuelles. De plus, il présente l’avantage de n’induire aucune résistance de la part des micro-organismes nombreux auxquels il est confronté (champignons, levures, virus, bactéries, parasites unicellulaires).
  • Il semble exister des interactions médicamenteuses en cas de prise de produits à base de pomelo. C’est ce qui apparaît avec l’administration d’un médicament comme le Levothyrox®. Par ailleurs, on explique que les furocoumarines peuvent perturber la bonne assimilation de certains médicaments, mais que cette mise en garde ne semble concerner que le « jus » de pamplemousse, et non l’essence (sauf si, bien entendu, il se trouve des furocoumarines, même à l’état de traces, dans le jus de pamplemousse, ce que j’ignore).
  • L’EPP trouve bien d’autres emplois qu’uniquement thérapeutiques : on peut s’en servir pour nettoyer sa brosse à dents après emploi, ainsi que pour désinfecter l’eau des saunas, piscines, jacuzzi, en lieu et place du chlore, ou encore rincer les légumes. Il est même possible de l’utiliser pour la bonne santé de nos plantes et de nos animaux domestiques.

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  1. Jean-Luc Hennig, Dictionnaire littéraire et érotique des fruits et légumes, p. 468.
  2. Ibidem, p. 465.
  3. Ibidem, p. 469.
  4. Ibidem, p. 466.
  5. L’essence de pomelo est l’une des grandes essences de la régulation de l’appétit. « L’odeur de cette essence provoque une activité du nerf sympathique et supprime celle du parasympathique. L’appétit est diminué chez l’animal, la pression sanguine augmentée » (Fabienne Millet, Le guide Marabout des huiles essentielles, p. 203).
  6. Philippe-Gaston Besson, La candidose chronique, p. 94.

© Books of Dante – 2021

Floride, 1916.

La patience des jardins (Rumex patientia) et la patience crépue (Rumex crispus)

Grande patience ou patience des jardins (Krzysztof Ziarnek, wikimedia commons).

Synonymes de la Rumex patientia : parelle, grande parelle, parelle des moines, rhubarbe des moines, rhubarbe sauvage, patience des moines, patience commune, patience des jardins, patience officinale, grande patience, oseille aquatique, oseille-épinard, épinard immortel, épinard perpétuel, chou de Paris, dogue.

Synonymes de la Rumex crispus : parelle, patience sauvage, patience frisée, rumex crépu.

Les patiences sont des exemples typiques de la famille des Polygonacées : ce sont des plantes visibles, mais peu élégantes généralement, portant des épillets de fleurs verdâtres et insignifiantes, qui plus est sans corolle ; elles sont dotées de fourreaux qui enveloppent les tiges au-dessus de chacun de leurs nœuds, c’est-à-dire de leurs « genoux », puisque le nom grec polygonos veut dire « qui possède plein de genoux »1, tant les tiges de ces plantes s’apparentent à un jeu de construction, éléments enchâssés les uns dans les autres sans jamais former une véritable ligne droite. Enfin, la dernière caractéristique déterminante de cette famille botanique, c’est que ses membres fabriquent des fruits valvaires constitués par trois des six sépales hypertrophiés. Eh bien, malgré ces clés de détermination tout ce qu’il y a de plus précis, il n’est pas inutile de préciser que l’on s’emmêle assez souvent les pinceaux à l’endroit des patiences, alors qu’a contrario le distinguo entre les oseilles passe pour beaucoup plus simple à établir.

Grâce à tous ces éléments descriptifs, on a la chance de pouvoir reconnaître certaines patiences dans les textes des Anciens, des plantes auxquelles on attribua le nom grec de lapathon, du verbe lapassô, qui signifie « vider le ventre », nom générique de plusieurs plantes à fonction laxative, dont diverses patiences.

Dans la Materia medica que l’on doit à Dioscoride, l’on trouve, dans le chapitre 107 du deuxième livre, le regroupement de plusieurs patiences parmi lesquelles il est autorisé de distinguer les deux patiences qui font l’objet de cet article. Que nous dit-il à propos de ces plantes ? Eh bien, tout d’abord qu’il importe de récolter la racine des patiences en période de lune descendante, et cela de la main gauche, avant même d’imaginer s’en servir pour mondifier le corps, c’est-à-dire le déterger, le nettoyer, autrement dit l’épurer, la qualité dépurative des patiences semblant être déjà connue à cette époque. Ensuite, il est bien d’autres domaines dans lesquels la patience entre en ligne de compte si l’on en croît Dioscoride : les dévoiements d’estomac comme les flux stomacaux anormaux à l’image de la dysenterie, les maladies affectant le foie (jaunisse) ou la vessie (calculs), l’excédent de flux menstruel, les douleurs dentaires et auriculaires, les piqûres de scorpion. Mais si l’on devait résumer en une seule phrase la principale fonction des patiences durant l’Antiquité, l’on appuierait sur la réputation qu’elles avaient d’intervenir dans plusieurs maladies de la peau telles que les squames, la teigne, les affections doublées de démangeaisons, et très probablement pas l’éléphantiasis comme l’a avancé Arétée.

Loin du monde grec et bien auparavant encore, il semblerait que la patience (laquelle ?) ait tenu un rôle quelque peu religieux, puisque, à la relation de Plutarque, cette plante rentrait plausiblement dans la composition du kyphi.

L’on peut remarquer une embellie dans la fonction que joua bien plus tardivement la patience durant les temps médiévaux. En effet, sa culture et sa propagation s’organisèrent par le biais de jardins monacaux, cette plante étant fréquemment consommée comme légume vert en compagnie d’autres verdures comme la ficaire, le lamier ou encore la primevère. Ainsi faisait-on non seulement pour l’alimentation, mais également pour les besoins médicinaux, ce qui perdura jusqu’au XIXe siècle au moins, en France. Il s’avère utile de préciser qu’en général, la patience des jardins était celle des deux qui était le moins usitée en France, vue sa relative rareté, d’où l’emploi plus conséquent de la patience crépue du fait de la plus grande fréquence dont elle sait faire preuve. Ainsi, les substitutions sont tout à fait autorisées, malgré le fait que la patience des jardins soit regardée comme la plus active des deux, même si « on l’appelle ordinairement patience : ce nom spécifique exprime la lenteur de ses effets sur nos organes »2. Encore faut-il savoir de quelle patience l’on parle : la souffrance résignée que l’on endure ou bien cette vertu angélique qui la fait supporter ? Pourtant, ces soi-disant paresse, indolence, apathie qui sont toutes l’antithèse de la promptitude, rappellent ironiquement de quelle manière la patience dégage les situations atoniques caractérisées par leur manque d’ouverture du type horizon bouché. C’est donc avec quelque satisfaction que l’on apprend que Henri Corneille Agrippa considérait la patience comme plante de la constellation du Verseau : en effet, sa lenteur dans l’action refrène l’impétuosité électrique du porteur d’eau.

La patience a été fort prisée par Joseph Roques, que nous avons déjà cité à propos quelques lignes plus haut. Mais en voici encore : la patience est « une plante, dit-il, qui a été fort renommée dans le traitement des affections morbifiques de la peau »3. Nous avons donc ici l’occasion de constater que le crédit dont elle jouissait déjà à ce sujet durant l’Antiquité, ne s’est pas démenti plusieurs siècles après. Mais « les médecins la négligent aujourd’hui, ajoute Roques ; il leur faut des remèdes plus expéditifs, plus énergiques, des pommades irritantes, des bains mercuriels. Parlez-leur de la tisane de patience ou du suc exprimé de la plante fraîche, ils se moqueront de vous et de votre patience »4. Roques, malgré son nom, s’attachait davantage aux régimes agréables et à l’hygiène légère, partisan des soins lents et doux, en particulier en ce qui concerne les affections de la peau chez les personnes indisposées par des troubles de la respiration. Il avait donc fait le lien entre les affections respiratoires et celles cutanées, la peau faisant partie intégrante du système respiratoire, comme nous le rappelle fort justement à propos la médecine traditionnelle chinoise pour qui le tissu organique rattaché à l’élément Métal qui gère le méridien du Poumon s’avère être la peau. D’ailleurs, comme l’on sait, un dysfonctionnement de l’un fait ressurgir des conséquences sur l’autre, afin, très certainement, de rendre manifestement plus visible le problème qu’on n’aura pas la bêtise de confondre avec la cause. Et inversement. D’où, sans doute, l’élévation de Roques face aux techniques agressives dont le XIXe siècle sut se faire le héraut en particulier dans la pratique des arts médicaux. Cette attitude rebelle, qui est l’un des fers de lance du signe astrologique du Verseau s’explique sans doute par le fait que Joseph Roques est né le 9 février 1772 : cela fait donc de lui un Verseau qui apprécie la patience !

Nos deux patiences sont des plantes vivaces, à racine fusiforme et charnue, grosse comme le pouce, jaunâtre plus ou moins safranée à l’intérieur, brune à l’extérieur chez la patience des jardins, et brun plus rougeâtre pour la patience crépue. D’un point de vue du gabarit, c’est du simple au double : si la patience crépue paraît imposante avec son bon mètre de hauteur, la patience dock (comme disent les anglophones), peut s’ériger à près de deux mètres, et cela grâce à des tiges cylindriques, cannelées, robustes, un peu rameuses, et plus ou moins droites, ce en quoi lui ressemble beaucoup la patience crépue.

Les feuilles inférieures forment une touffe basale plus développée chez la patience des jardins que chez la patience crépue. Pétiolées chez les deux espèces, alternes et assez grandes, il est cependant impossible de confondre celles de la patience des jardins avec celles de sa consœur. D’ovales plus ou moins cordiformes, elles deviennent plus étroites, presque lancéolées, très ondulées, frisées-crispées, voire déchiquetées en leur pourtour chez la bien nommée Rumex crispus. Lorsqu’on monte d’un étage, on peut observer chez les deux plantes les feuilles dites supérieures qui deviennent sessiles chez la patience crépue, lancéolées et plus étroites chez la patience des jardins. Pour l’une et l’autre, les inflorescences sont formées par des fleurs qui passeraient pour bien insignifiantes si elles étaient considérées isolément : petites, elles sont aussi verdâtres, c’est-à-dire pas exactement tape-à-l’œil. Ces fleurs verticillées s’épanouissent en revanche durant de longs mois (de juin à octobre). Il faut attendre la fructification pour que les patiences prennent un peu de couleur : les longs épis de fruits des deux espèces s’imprègnent d’un rouge brun soutenu, d’autant plus saisissant quand les patiences sont groupées en colonies.

La patience des jardins, originaire d’Europe orientale du sud-est et d’Asie occidentale, est sans aucun doute la moins répandue des deux en France, se signalant avant tout à proximité des cultures et des habitations, relativement à son ancien statut de plante cultivée par l’homme. Si on la croise par ailleurs, c’est qu’elle s’est échappée des jardins ou bien qu’elle surgit subspontanément à l’abord d’une ancienne zone de culture. En tous les cas, l’on peut dire qu’elle s’adapte à beaucoup de terrains, étant assez peu difficile, à l’inverse de la patience crépue en particulier, et des autres Rumex en général. La patience crépue, que les flores disent fréquente à très fréquente en France, occupe des terrains que l’on peut dire à juste titre incultes : les friches, les décombres, les terrains plus ou moins vagues, les bordures (de rivière, de chemin et de route) sont des lieux qui plaisent habituellement à cette patience, laquelle ne dédaigne pas non plus les terres humides des jardins, des fossés et des prairies, et bien d’autres sols placés entre les littoraux et la moyenne montagne, tant à la mi-ombre qu’en plein soleil. Le seul point commun à l’ensemble de ces substrats, c’est leur nature alcaline : en effet, la patience crépue fait partie de ces plantes que l’on dit bio-indicatrices, renseignant sur les différentes caractéristiques des sols qu’elles occupent. Et à ces activités-là, les patiences s’en sont fait une spécialité : par exemple, la patience sauvage (R. obtusifolius) « signe une destruction du complexe argilo-humique du sol, associée à une libération de fer, de nitrites et d’aluminium. Elle signe également un engorgement en matière organiques et en eau pouvant aboutir à des hydromorphismes5 et des anaérobioses6. On la retrouve également dans les prairies ayant subi des tassements et des piétinements (surpâturages, élevage intensif) »7, sur des sols préférablement acides. En ce dernier cas, il s’apparente assez au rumex violon (R. pulcher), autre habitué des sols compactés. La petite oseille (R. acetosella) se propage quant à elle sur des sols déficitaires en humus, l’oseille commune (R. acetosa) dans des zones fourragères équilibrées tant en eau qu’en matière organique. Enfin, la patience des Alpes (R. alpinus) ressemble beaucoup à la patience sauvage en ce sens qu’elle est aussi un marqueur d’hydromorphisme. Toutes ces plantes bio-indicatrices ne manifestent pas seulement à notre attention la nature de tel ou tel sol, mais agissent sur eux en tant qu’agent de transformation. Par exemple, le Rumex obtusifolius « participe à l’amélioration de l’état du sol sur lequel il pousse »8. En ameublissant le sol, il opère de la même façon qu’à l’état de plante médicinale qui déconstipe l’être humain en lui apportant subséquemment la joie.

Les patiences en phytothérapie

Chez la plupart des plantes de ce type, l’on s’est concentré presque exclusivement sur les racines de plantes sauvages, consommées fraîches de préférence puisque jugées plus énergiques. Elles ont la particularité, si elles ne sont pas loin d’être parfaitement inodores, de posséder une saveur un peu (patientia) à très amère (crispus), laquelle est mêlée à quelque chose d’âpre, d’âcre et d’acerbe. Contenant généralement moins d’oxalates que les oseilles, les patiences sont bien moins acides, du moins par leur feuillage dans lequel on retrouve le lointain souvenir suret de la feuille d’oseille. Effectivement, en terme d’acide oxalique, les patiences sont peu pourvues, que ce soit en oxalate de calcium comme de potassium. Nos deux patiences ont en commun plusieurs substances : du mucilage, du tanin, de la résine, de l’amidon, de l’albumine, plusieurs sels minéraux et oligo-élément parmi lesquels le soufre, le phosphore et surtout le fer, présent sous forme de sels organiques assimilables par l’organisme, ce qui place davantage les patiences sur la même ligne thérapeutique que celle de l’épinard (même si l’on s’absout de l’erreur qui consista à lui octroyer plus de fer qu’il n’en a jamais contenu ; fichue virgule, tiens !). Une autre patience, la grande patience, qui peut contenir jusqu’à pas loin de 0,50 % de sa masse de fer, s’avère être une championne de l’extraction ferreuse, en particulier sur des terrains qui en sont riches, de même que Rumex obtusifolius procède avec d’autres métaux et nitrites en excès dans certains sols.

Dans la patience des jardins, on a décelé une substance pigmentaire qui jaunit la salive quand on mâche de la racine fraîche de cette plante, et dont la structure s’apparente fort à celle de l’acide chrysophanique que l’on croise chez la rhubarbe, ce qui explique les connexions thérapeutiques que l’on peut établir entre ces deux plantes. L’on appelle cette substance la rumicine. Dans la patience crépue, on a mis à jour des flavonoïdes, ainsi qu’une fraction non négligeable d’anthraquinones (2,50 %). Dans l’une et l’autre subsistent quelques traces d’essence aromatique. Enfin, dans les feuilles de ces deux espèces, l’on s’est intéressé à en étudier les vitamines qui y sont nombreuses (A, B1, B2 et C).

Propriétés thérapeutiques

  • Toniques générales, stimulante (crispus), anti-anémique par augmentation des hématies et de l’hémoglobine (crispus)
  • Dépuratives intestinales, purgatives, laxatives douces
  • Diurétique (crispus), sudorifique (patientia)
  • Dépuratives hépatiques, cholagogues
  • Apéritive (patientia), stimulante du côlon (crispus)
  • Antiscorbutiques
  • Émolliente (crispus)
  • Astringente (les feuilles des deux espèces)
  • Antipsorique (crispus)

Usages thérapeutiques

Nous suivrons la prescription de Roques selon qui ces deux patiences se substituent l’une l’autre dans leurs usages.

  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : constipation et autres affections atoniques du tube digestif (paresse intestinale, etc.), diarrhée, dysenterie, limitation de la réabsorption des déchets organiques au niveau intestinal
  • Troubles de la sphère hépatobiliaire : hépatisme, engorgement du foie, insuffisance biliaire, diabète, taux de toxines trop élevé dans l’organisme, jaunisse
  • Affections cutanées (dont certaines découlent d’un défaut de dépuration de l’organisme) : acné, eczéma, dartre, teigne, gale, « clou », orgelet, plaie, plaie atone, ulcère, ulcère de jambe, ulcère calleux, ulcère de mauvaise nature (cancéreux ou du moins en ayant l’apparence) abcès froid, rougeur, piqûre d’ortie, inflammations, démangeaisons et autres « incommodités qui ne nous embellissent pas »9
  • Hydropisie, engorgement lymphatique et scrofuleux, engorgement des viscères abdominaux
  • Troubles de la sphère gynécologique : leucorrhée, pertes menstruelles trop importantes, hémorragies utérines anormales et hors menstruations
  • Troubles de la sphère respiratoire : hémoptysie, maux de gorge, toux irritante et rebelle, laryngite
  • Anémie, chlorose, chloro-anémie, fatigue, convalescence
  • Arthrite, rhumatisme chronique
  • Cachexie scorbutique
  • Miction difficile
  • Infection mycosique
  • Fièvre intermittente, fièvre ayant résisté au quinquina (?)
  • Maux de dents, raffermir les gencives des enfants

Modes d’emploi

  • Décoction de racine fraîche (30 à 60 g par litre d’eau), décoction concentrée de racine fraîche (60 à 100 g par litre d’eau).
  • Potage dépuratif (avec oseille et carotte).
  • Macération vineuse de racine fraîche.
  • Poudre de racine.
  • Teinture-mère de racine (en homéopathie, l’on utilise celle de la patience crépue).
  • Suc frais de racine.
  • Suc frais de feuille.
  • Feuilles fraîches écrasées et appliquées en manière de cataplasme.
  • Cataplasme de pulpe fraîche de racines.
  • Pulpe de racine mêlée à du beurre (on en obtient une pommade antipsorique, de même qu’en mélangeant cette même pulpe avec suffisamment de vinaigre pour en constituer une sorte d’onguent). Voici encore une recette de pommade un peu plus élaborée : faire cuire une quantité suffisante de racine de patience dans du vinaigre jusqu’à parfait ramollissement. Ceci fait, on écrase cette pulpe finement, puis on la mêle à son poids de soufre pulvérisé et d’axonge (ou de saindoux).

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Récolte : d’après Cazin, il est possible de récolter la racine de patience des jardins en toute saison du fait de la vivacité de cette plante. Mais nous préférons penser qu’il est utile de patienter jusqu’à l’automne, comme cela se fait couramment au sujet de la racine de patience crépue, longue et difficile à extirper, d’où, peut-être, une autre explication au terme de patience qui désigne ces plantes. Les feuilles des deux espèces se cueillent au printemps, avant l’apparition des fleurs.
  • Séchage : si l’on argumente en faveur de la racine fraîche de patience, dans certains ouvrages l’on peut apprendre que les racines déchaussées au milieu ou à la fin de l’été sont tout à fait aptes à la dessiccation, à condition de découper ces racines en tronçons, après quoi, on les expose en plein soleil ou bien on les enfile en chapelet sur une cordelette avant de les placer à l’étuve. Ce séchage n’en demeure pas moins délicat, car s’il est mal effectué, les racines sèches peuvent être amenées à moisir, d’autant si les conditions de stockage sont négligées.
  • Alimentation : il y a encore peu dans les campagnes, la patience ne déméritait pas de son statut de plante alimentaire, puisque les jeunes pousses de patience sont comestibles à la manière de celles de l’oseille, de l’épinard ou encore du chou. A ce titre, on fait parfois référence à la patience dans certains ouvrages modernes dédiés aux plantes sauvages comestibles. Généralement, les feuilles à l’état jeune se mangent crues en salade, les plus âgées cuites à l’eau, par exemple, comme les épinards. Une seconde cuisson à l’eau permet de les amender de l’âpreté qu’elles auraient pu conserver. « En Allemagne, on fait blanchir légèrement les feuilles dans l’eau bouillante, puis on les fait frire avec du beurre, et on y ajoute un peu de farine, du sucre et du lait écrémé, ou des jaunes d’œufs »10.
  • Associations : les vertus dépuratives des patiences peuvent être accompagnées de celles de la bardane, du pissenlit, de la fumeterre, de la saponaire et de la douce-amère. Après avoir fait place nette à l’intérieur, ces plantes font tout à la fois peau neuve à l’extérieur.
  • Contre-indications : comme toutes choses, les excès sont toujours nocifs. Ceux qui concernent la patience crépue peuvent se solder par une constipation en raison de la richesse en fer de cette plante. Ensuite, son usage coutumier peut occasionner une irritation du tube digestif ou être carrément vomitive (c’est ce que l’on a observé avec la poudre de racine, passée une certaine quantité ingérée). Enfin, l’on en évitera l’emploi durant la grossesse et l’allaitement, en cas de goutte et de calcul vésical.
  • Autres espèces : – La patience sauvage (R. obtusifolius) : sans doute celle qui possède la plus haute teneur en fer de toutes les patiences. – La patience des Alpes (R. alpinus) : comparée à la rhubarbe officinale, cette patience est loin d’être dénuée d’effets, puisque, au bas mot, elle est dépurative, purgative, laxative, astringente, antiscorbutique, fébrifuge, tonique cutanée et, enfin, rafraîchissante par ses feuilles qui calment les inflammations et les points chauds douloureux externes. – La patience aquatique (R. aquaticus) : c’est encore une patience bien intéressante pour les affections scorbutiques et circulatoires (hémorroïdes, hémorragie utérine, menstruations trop abondantes, hémoptysie), les engorgement (pleurésie), ainsi que les dévoiements intestinaux (diarrhée, dysenterie), c’est-à-dire l’ensemble des flux de nature anormale en somme. – La patience sanguine (R. sanguineus) : elle est essentiellement astringente, apéritive et diurétique, et peut être remplacée dans ces rôles-là par la patience des marais (R. linosus) ou encore la patience violon (R. pulcher). – La langue de vache (R. acutus), hybride de R. crispus et de R. obtusifolius. – Le rumex à écusson (R. scutatus). – La grande oseille (R. acetosa) et la petite oseille (R. acetosella), déjà étudiées sur le blog et visibles ici.
  • La racine de patience des jardins fournissait autrefois une couleur jaune à l’industrie de la teinturerie.

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  1. Derrière cette curieuse appellation, il importe de comprendre les choses autrement : par « genoux », il faut entendre « angles ».
  2. Joseph Roques, Nouveau traité des plantes usuelles, Tome 3, p. 294.
  3. Ibidem.
  4. Ibidem, pp. 294-295.
  5. Hydromorphisme : se dit des sols habituellement saturés d’eau, particulièrement durant la saison hivernale.
  6. Anaérobiose : se dit des sols peu ou pas oxygénés.
  7. Cf. ce lien.
  8. Ibidem.
  9. Anne Osmont, Plantes médicinales et magiques, p. 33.
  10. Joseph Roques, Nouveau traité des plantes usuelles, Tome 3, p. 296.

© Books of Dante – 2021

Les fruits de la patience crépue (Harry Rose, wikimedia commons).

Le quinquina (Cinchona sp.)

Quinquina jaune (Cinchona calisaya)

Synonymes : kinquina, quinkina, kina-kina, quina-quina.

Répertorié au Pérou au début des années 1630 par un missionnaire jésuite, le quinquina parvint en Europe une dizaine d’années plus tard, non sans y avoir été introduit par le biais d’une histoire qui tient tout de la légende, et qu’ainsi nous pouvons camper : une comtesse espagnole du nom d’Ana de Osario (1599-1625), épouse du vice-roi du Pérou Luis Jeronimo de Cabrera (1589-1647), fut, dit-on, guérie par le frère Calincha, un jésuite, d’une fièvre irréductible par tout autre moyen qu’une mystérieuse poudre tirée d’une écorce connue presque seulement des populations indigènes. Ainsi donna-t-on à ce remède le nom de « poudre de la comtesse », laquelle en fit la promotion, une fois revenue en Europe, dans les années 1638-1640 environ. C’est donc sous la houlette de la comtesse de Chinchón que le quinquina, alias « écorce des écorces », ou bien encore « palo de calinturas », comme on l’appelle vernaculairement en Amérique du Sud, allait faire une entrée fracassante en Europe, se répandant d’une cour à l’autre, par le biais de bruits de couloir. Ce fut à un autre jésuite, le cardinal de Lugo (1583-1660), d’entrer en scène. On lui attribue le miracle d’avoir rétabli la santé chancelante du jeune dauphin, le futur roi de France Louis XIV, qui souffrait d’une fièvre pernicieuse et tenace en son jeune âge, c’est-à-dire entre la date de sa naissance, 1638, et celle de son accès au trône cinq ans plus tard, ce qui correspond bien à l’introduction du quinquina en Europe. Exit la comtesse, la poudre de quinquina s’appellera désormais poudre du cardinal ou, plus fréquemment, poudre des jésuites, puisque très rapidement, cet ordre religieux devint l’unique débiteur de cette substance qui n’était alors vendue qu’à l’état pulvérisé afin d’en conserver toute la mystériosité aux yeux du profane. Malgré la santé du roi-soleil comme ambassade, la faculté de médecine de Paris tempêta contre le quinquina parce qu’il venait d’Amérique. Non, pas tant. Il n’était alors pas seulement question d’un ostracisme bête et méchant, le mal étant bien plus profond que ça. La faculté de médecine de Paris s’illustra dans ce bras de fer engagé avec le quinquina à travers la personne de Guy Patin (1601-1672), devenu doyen au moment où éclata cette vindicte organisée à l’encontre du quinquina. Patin, dont on pense qu’il aurait pu servir de modèle à Molière pour camper le Thomas Diafoirus du Malade imaginaire (ce qui, si le fait s’avère, n’est bien évidemment pas une lettre de recommandation), Patin, donc, était viscéralement attaché à la parole de ses maîtres, à savoir Hippocrate et Galien. Le quinquina vint ébranler la position du doyen de la faculté, qui, tel un basilic juché sur ses ergots, ne sut alors que persifler : ce ne furent alors plus que paroles querelleuses, diatribes médusées et regards assassins face à tout ce qui provenait de l’étranger : le kinakina n’y fit donc pas exception. C’est la croyance dur comme fer en la théorie posée par Galien (c’est-à-dire celle qu’on résume par la formule latine « contraria contrariis curantur ») qui fut à l’origine de cette levée de boucliers contre le quinquina. Selon cette théorie, la fièvre étant une affection de nature chaude et sèche, il était inconcevable, pour la guérir, d’administrer aux fébricitants une substance elle-même chaude et sèche. Folie, ignominie, hérésie ! On saisit dès lors mieux l’anathématisation du quinquina.

Ailleurs en Europe, le quinquina ne rencontra pas moins de problèmes. Ce fut le cas en Grande-Bretagne, mais pour des raisons totalement différentes : il ne s’agissait pas d’un entêtement de nature médicale mais religieuse. En 1655, une vague de paludisme affecta les îles britanniques. Or, « les Anglais ne veulent rien savoir de la poudre miraculeuse, précisément parce que ce sont les jésuites, ces papistes acharnés, qui la détiennent et l’utilisent »1. Olivier Cromwell lui-même fut victime de cette persévérance dans l’absurde : il s’éteignit « à Londres le 3 septembre 1658, victime d’une septicémie due à une infection urinaire, facilitée par la malaria »2. Autant dire que si l’on faisait usage du quinquina, on ne le criait pas sur les toits. C’est ce à quoi se livra en toute discrétion l’Anglais Robert Talbor (1642-1681) qui, dit-on, découvrit le secret des jésuites et entreprit de leur faire concurrence : c’est ainsi que cet ancien apprenti apothicaire devint guérisseur de fièvres paludéennes rebelles sans jamais révéler l’identité de sa poudre, qu’en Grande-Bretagne l’on surnommait poudre du diable. Pour sûr, un tel commerce aurait été sévèrement puni. Bref, l’histoire nous raconte qu’il parvint à guérir le roi Charles Ier (à moins qu’il ne s’agît de Charles II ; on ne sait pas, on ne sait plus ; la confusion…). Cet excès de zèle ne tarda pas à traverser la Manche. Selon Madame de Sévigné, Talbor faisait payer 400 pistoles chaque dose de son remède. A ce tarif-là, autant dire qu’il dut s’en mettre plein les poches, puisque 400 pistoles représentent pas moins que 400 louis d’or, soit une petite fortune. Mais l’on peut reprocher également cette volonté d’enrichissement aux jésuites, comme ne s’en priva pas Nicolas Lémery à la fin du XVIIe siècle : « Le trafic qu’ils en firent leur fut très avantageux et leur procura grand gain. Car cette drogue eut le sort de tous les remèdes heureux et salutaires qui commencent à paraître : on la tint rare, difficile à avoir et on la vendit au poids de l’or ; on ne la trafiquait guère dans les commencements qu’en poudre, apparemment pour la rendre plus mystérieuse et empêcher qu’on ne devinât trop tôt sa nature et d’où elle était tirée »3.

A son arrivée en France, Talbor sut à qui faire profit de ses aspirations. En effet, Louis XIV professait un grand intérêt pour le quinquina, attendu que le palais de Versailles, si l’on sait qu’il a été gagné sur d’anciens marécages asséchés, n’en demeurait pas moins infesté de moustiques. Et c’est là que le sort s’abattit sur le jeune dauphin, tout comme Louis XIV au temps de sa jeunesse. L’histoire explique que c’est Talbor lui-même qui se rendit au chevet du jeune souffrant pour y effectuer un prodige : le dauphin fut guéri en un tournemain. A l’issue de cet heureux événement, l’histoire s’emmêle encore les pinceaux. En 1679, Louis XIV acheta son secret à Talbor pour la somme de 3000 louis d’or (on évoque parfois un véritable trésor : 48 000 louis d’or !). Ce dernier accepta à la seule condition que le roi ne fasse état de ce secret qu’une fois Talbor décédé. Son décès ne tarda d’ailleurs pas, puisqu’il survint en 1681. L’année suivante, sous l’égide de Louis XIV, parut sous la plume du médecin du roi Nicolas de Blégny, Le remède anglois pour la guérison des fièvres, dans lequel on avait bien évidemment reconnu la poudre des jésuites. Malgré tout, la faculté continua de faire la fine gueule et Louis XIV fit approvisionner le royaume par du quinquina de provenance ibérique. La faculté eut beau jurer ses grands dieux, elle finit par se rendre à l’évidence, parce que « après le corps de la chrétienté, c’est le corps du roi qui va devenir le lieu de la santé. Le roi représente son royaume, la santé du roi va devenir celle du royaume. C’est ainsi que va se trouver centralisée autour du corps du roi, c’est-à-dire à Paris, toute une administration de la Santé publique […]. C’est aussi sur le roi que l’on testera les médications controversées, mettant ainsi fin à la querelle concernant le quinquina »4. Ainsi s’acheva ce XVIIe siècle, qui vit l’avènement du quinquina, l’abandon de la conservation du monopole jésuitique et l’entrée dans le rang de la faculté de médecine de Paris. Les esprits s’apaisèrent. Pragmatique, Nicolas Lémery remarqua en 1696 que le quinquina reste « le plus assuré remède qu’on ait trouvé jusqu’ici pour suspendre le ferment des fièvres intermittentes ». De même, de l’autre côté de la Manche, où Thomas Sydenham se chargea de promouvoir le quinquina auprès des sujets anglais. Tout cela, tandis que d’autres n’hésitèrent pas à parer leur dignité de la plus basse des flagorneries pour se faire bien voir : c’est l’exemple typique de Jean de la Fontaine qui, en 1682, assomma son lectorat d’un poème peu inspiré à la gloire du quinquina, espérant par là faire du pied au pouvoir royal, manœuvre aussi frauduleuse que celle des jésuites, et consistant à infléchir Colbert dans sa décision : ce dernier s’opposait en effet à l’entrée de la Fontaine à l’Académie française (il y accéda néanmoins en 1694, pas grâce à son poème, mais à la suite du décès de son ennemi survenu l’année précédente. Petite ironie : il lui échut le fauteuil n°24, celui-là même que la mort fit quitter à Colbert).

Avant de passer à la suite, dotons-nous d’un verre d’eau et d’un bon purgatif, et tentons d’expulser cet infâme gloubi-boulga qui nous entrave l’entendement. En effet, mêler dans la même salade la comtesse de Chinchón (ou de Chincon, de Cinchon, etc.), le vice-roi du Pérou, la ville de Loxa, le cardinal Juan de Lugo (ou de Luga ? Je vous charrie, c’est bien Lugo), les années 1632, 1638, 1639 ou encore 1641, permet là de broder un « joli » motif dont les versions – bien qu’elles possèdent toutes le sceau de la probabilité – diffèrent d’un ouvrage à l’autre. Cette légende passe aujourd’hui pour très douteuse et semble être bâtie sur les mêmes ressorts qui animèrent l’épopée du vinaigre des quatre voleurs. Par exemple, on peut se demander comment la comtesse put revenir en Europe en 1638 avec du quinquina dans ses bagages à la manière d’un voyageur de commerce, alors qu’elle serait morte en… 1625 !…. De plus, les jésuites sont « suspectés d’avoir mis en scène cette guérison spectaculaire pour assurer le renom de la drogue en Espagne : si l’on en croit le journal intime de la comtesse découvert en 1930, elle n’aurait jamais contracté le paludisme ! »5, « détail » que, généralement, l’on ignore, préférant se souvenir qu’au quinquina il fallut bien une ambassadrice pour pénétrer au cœur des royaumes (et des bourses par la même occasion). Autre inexactitude : on répète souvent d’un ouvrage à l’autre (le copitage, c’est mal) que ce n’est qu’au XVIIIe siècle qu’on sut enfin de quel arbre provenait ce remède connu jusqu’alors uniquement à l’état de poudre. Ce qui est parfaitement faux. Et pour cela il faut s’en remettre à l’ouvrage de Pierre Pomet paru en 1694, Histoire générale des drogues. Pomet ayant été apothicaire, je pense qu’il savait de quoi il parlait et confessait que « comme je n’ai jamais été au Pérou pour pouvoir parler juste des arbres qui portent le kinquina, j’ai eu recours à M. Bernard […] qui est un fort honnête homme et fort curieux pour la connaissance des simples, lequel m’a bien voulu donner une description du kinquina, qui lui a été donnée par M. Rinflans, médecin à la ville de Reims, qui l’avait eue d’un de ses amis nommé Gratien, qui avait demeuré 20 ans au Portugal et qui avait fait plusieurs voyages aux Indes et au Pérou »6. L’on pourra objecter que les informations du type poupées russes que délivre Pomet ne sont pas de première main et qu’il est bien possible qu’un biais (ou plusieurs) se soit glissé dans l’affaire. Mais à la vue de l’image qui illustre son article et au su de la description donnée, il n’y a guère de doute à avoir : « Le quinquina est l’écorce d’un arbre qui croît au Pérou, dans la province de Quito, sur des montagnes près de la ville de Loxa ; cet arbre est à peu près de la grandeur d’un cerisier, il a les feuilles rondes et dentelées, porte une fleur longue et rougeâtre, d’où naît une espèce de gousse dans laquelle se trouve une graine faite comme une amande, plate et blanche, revêtue d’une légère écorce »7. Voilà qui vient à point nommé et va m’éviter de vous rabattre les oreilles avec cette autre histoire entremêlant La Condamine à Jussieu, d’où ressurgiraient d’autres salamalecs infectes et indigestes. Ce qu’il est préférable de retenir de l’histoire thérapeutique du quinquina au XVIIIe siècle, c’est qu’on s’acharna à opposer à l’irruption du quinquina la réputation des fébrifuges indigènes qui, rappelait-on, sont nombreux. C’est ce que nous remémorait le docteur Roques dans les années 1830 : « Les toniques, les amers [NdA : gentiane jaune, petite centaurée, germandrée, marrube, absinthe…] dissipent assez souvent les fièvres intermittentes légères, et même quelquefois les fièvres réfractaires à l’action du quinquina, ce qui fait donner le nom de fébrifuges à quelques végétaux de la famille des Amantacées [NdA : aulne, chêne, hêtre et platane] et la tribu des Cynarocéphales [NdA : chausse-trape] ; mais il ne sauraient remplacer le quinquina ou ses préparations lorsque la fièvre » tient au paludisme »8. C’est là une évidence sur laquelle il importe d’insister : jusqu’à l’arrivée du quinquina en Europe, on ne sait pas guérir le paludisme. On comprend dès lors que la plupart des autres fébrifuges aient été rapidement écartés, le quinquina supplantant tous les autres, faisant même jusqu’à oublier leur existence, comme semble le soutenir Daniel Le Clerc (1652-1728) dans son Histoire de la médecine : « Peut-être avant-nous dans nos bois et dans nos jardins, d’aussi bons fébrifuges que le quinquina, mais pourquoi, jusqu’à ce que nous les connaissions, ne nous servirions-nous point de cette merveilleuse écorce que nous pouvons aisément nous procurer ? » Il y a, dans les lignes de Le Clerc, outre un soupçon de mauvaise foi, une étrange impression : l’auteur passe pour ne rien savoir des fébrifuges indigènes que l’on employait pourtant bel et bien avant la consécration du quinquina. Quant à la facilité avec laquelle s’approvisionner de quinquina, elle était toute relative, le Pérou n’étant tout de même pas la porte à côté. Cette ignorance doublée de la certitude que l’Amérique ne peut être vue autrement que pour la « terre des miracles », justifia – en raison de l’indigence supposée dans laquelle les Européens se trouvaient alors – l’envahissement des Amériques par des colons mal dégrossis… Bref. Occupons-nous maintenant de faire la synthèse de toutes ces tentatives d’opposer, en partie, une forme de résistance au quinquina, quand cela était justifié bien entendu. Chargeons-nous donc de ces succédanés, suppléants et autres substituts qui, bien qu’ils semblent posséder la même valeur, n’ont pas tous la même signification : si les deux premiers ont le sens de remplacer (autrement dit à l’identique), substitut provient du verbe latin substituere qui signifie « placer sous ». On note donc une idée d’amoindrissement, celle-là même qu’on a appliquée aux fébrifuges indigènes vs le quinquina qui « règne en despote dans notre pharmacologie. Il a fait tomber les plus belles réputations ; il a réduit au néant tous les fébrifuges fournis par les végétaux amers, astringents, toniques, aromatiques »9. Bref, le buis, le lilas, le frêne, le cornouiller mâle, le marronnier d’Inde, le bigaradier, l’arnica, l’imbricaire des murs, la camomille, etc., sont là quelques-uns de nos fébrifuges indigènes, mais sont bien plus nombreux dans la littérature, à tort ou à raison (étendue ou parfois très relative). Faisons-en le tour en compagnie du docteur Joseph Roques. Très tôt, dès 1712, un médecin de Vienne, Collin, instaura l’arnica comme succédané du quinquina, difficile à se procurer à cette époque, et de toute façon fort cher pour les petites bourses, et cela pour le traitement des fièvres et du paludisme (ainsi l’arnica devint-il le « quinquina du pauvre »). Par ailleurs, l’on rechercha dans l’écorce du saule blanc un principe similaire à celui de l’écorce de quinquina sans jamais l’y trouver, mais cet arbre réussit « dans plusieurs cas où l’écorce du Pérou avait été administrée sans aucun succès. Dans d’autres circonstances, où le saule avait seulement diminué la fièvre sans dissiper les paroxysmes, nous y avons mêlé utilement un tiers de quinquina »10. De même, le vin de genièvre fut tenu durant un temps comme parfaitement apte à damer le pion au quinquina : « Ce vin stimulant a quelquefois guéri […] des fièvres intermittentes automnales que le quinquina rendait encore plus opiniâtres »11. D’un tout autre bord, « Desbois de Rochefort a parlé avec une sorte d’enthousiasme des vertus de l’oseille. Selon lui, les fièvres intermittentes qui ont résisté aux amers et au quinquina, cèdent, comme par enchantement, à l’usage de cette plante, surtout s’il existe des symptômes scorbutiques »12. Dans les années 1795-1797, du fait de la rareté du quinquina, l’on se tourna en direction de la benoîte qui supplanta un temps le quinquina en Amérique septentrionale, cette même plante à laquelle fit appel Buchaave entre 1781 et 1784, plaidant pour les bons services qu’elle avait rendus sur des fièvres intermittentes de tous types, et dont certaines résistantes au quinquina. Enfin, proche de la benoîte, il y eut la potentille tormentille : « Au rapport de quelques pharmacologues, la tormentille aurait supprimé des fièvres intermittentes prolongées, et même rebelles au quinquina. Cela est très possible. Le quinquina ne guérit point toutes les fièvres, on le sait bien, mais alors il convient de changer de méthode »13, c’est-à-dire la méthode stimulante composée par force quinquina, valériane, camphre et vin rouge entre autres, ingrédients dont il fut autrefois tant abusé (de même que, plus tardivement, l’on surabusa de la quinine). L’omnipotence du quinquina méritait d’être nuancé, « en effet, la nature n’obéit pas toujours au même remède, quelque excellent qu’il soit. Elle s’y habitue, et n’en ressent plus l’influence »14. Pour un peu, l’on a presque l’impression que Roques entrevoyait la future résistance du paludisme à la quinine telle qu’on l’a vue se développer au XXe siècle. En attendant d’en arriver là, il est remarquable que tous les efforts prodigués au XVIIIe siècle eurent pour but non pas de faire preuve de la même obstination face au quinquina que la faculté de médecine de Paris et de son doyen, mais bien plutôt de suppléer au quinquina pour différentes raisons fort valables : cherté et difficulté d’approvisionnement du quinquina, immédiateté de la matière végétale fournissant les divers fébrifuges disponibles, volonté de s’arracher de l’influence d’un monopole, etc. Dans ces circonstances, tout cela est fort compréhensible : quelle grande sphère géographico-culturelle ne souhaiterait-elle pas posséder son « quinquina » rien que pour elle plutôt que de demeurer sous la houlette idéologique de quelque puissance étrangère ? C’est d’autant plus louable que l’on a souvent, avec raison d’ailleurs, l’impression que le quinquina constitue le bourgeon apical d’un rameau et que toutes les autres plantes fébrifuges sont tout juste assez bonnes pour figurer les bourgeons « secondaires », et à l’ombre duquel elles devraient obligatoirement se garer : le roi quinquina et sa cour, en quelque sorte, modestes sujets qui ont la prétention de posséder, soi-disant, quelque vertu contre la fièvre. Certains arbres, quelques plantes sont cependant parvenus à faire montre de leurs mérites, en égalant par la vertu l’écorce du Pérou, mais au détriment de leur nom : surnommées, elles durent abandonner ce qui les caractérisait, pour emprunter, dans ces surnoms, jusqu’au nom de l’arbre péruvien lui-même. Ainsi le frêne devint-il le « quinquina d’Europe », la grande aunée et la gentiane jaune des « quinquinas indigènes ». Au début du XIXe siècle, tout s’accéléra pour le quinquina : Gomes isola un alcaloïde de son écorce en 1811, la cinchonine. Puis, les découvreurs de la chlorophylle, Pelletier et Cavantou, firent de même avec cette autre substance qu’on appelle quinine. Ainsi, on détermina que le quinquina jaune (Cinchona calisaya) était celui à même d’offrir la plus grande fraction de quinine. Afin de répondre à une demande toujours plus croissante, des usines de traitement industriel à grande échelle de l’écorce péruvienne s’instaurèrent en Europe. Mais chacun voulut tirer son épingle du jeu. Par exemple, en 1854, Clements Robert Markham se procura des semences de Cinchona calisaya au Pérou et en Équateur, grâce auxquelles il établit des plantations en Inde et au Sri Lanka, « mettant ainsi les colons britanniques et les armées de Sa Majesté la reine Victoria à l’abri du paludisme »15. Les Hollandais tentèrent semblable aventure, mettant le quinquina en culture à Java. Mais c’était sans compter sur un caprice de l’arbre : un quinquina cultivé ne fournit que très peu de quinine. Cet écueil fut assez rapidement contourné par un Anglais, Ledger, qui apprit l’existence d’un autre quinquina tenue secrète jusque-là : Cinchona ledgeriana. Méfiance, ça sent la fable, ça encore, méfiance… Si je souligne l’hypothèse fabuleuse d’une telle anecdote, c’est parce que Cinchona ledgeriana est un synonyme de Cinchona calisaya : il n’est dès lors pas possible de découvrir un arbre dont on connaît déjà l’existence. Souvenons-nous surtout que les Britanniques s’en désintéressèrent (l’entêtement, toujours) et que les Hollandais se l’offrirent pour trois-francs-six-sous. Bien leur en prit, puisque cet arbre, également mis en culture à Java, produisit une écorce dont le rendement en quinine égala au maximum 13 %. Cela fut déterminant pour l’hégémonie que les Hollandais entendirent faire peser sur le commerce mondial du quinquina, puisqu’ils en devinrent les maîtres, tandis qu’Amsterdam, place-forte de la quinine, s’attribua le statut de capitale de quinquina, sur lequel il fallait obligatoirement compter. Après que la Première Guerre mondiale vint perturber le marché du quinquina, la Seconde fut l’occasion de bousculer gravement le monopole détenu jusqu’alors par la Hollande. Tout d’abord, les Japonais prirent possession de Java et y détruisirent quelques 20 000 ha de quinquina, tandis qu’en Europe les Allemands contrôlèrent Amsterdam, ce qui fait que la plupart des pays alliés se retrouvèrent d’un coup sans quinine (c’est ça, la vraie guerre, Manu ^.^). Ce qui est plutôt ballot, sachant que le paludisme et la guerre sont souvent copains comme cochons. Cette carence quinique contraignit les Américains à ratisser les fonds de tiroirs (et même de placards, c’est dire la misère !), et à rechercher activement quelques substituts à la quinine, substance difficile à synthétiser. On mit alors au point l’atabrine qui fut massivement produite dès 1944. On développa également une grande gamme de produits de synthèse, dont la chloroquine – eh oui ! –, nom qu’on lui octroya en février 1946 (elle portait auparavant celui de sontochine). Cette molécule fut initialement créée par le chimiste autrichien Hans Andersag en 1936, et entama dès lors une carrière comme antipaludéen, et s’illustra à merveille durant la Guerre de Corée (1950-1953). Ainsi, la chloroquine devint-elle un remède prophylactique et curatif de la malaria, avant que ne se manifestent des résistances dans les années 1959-1960 en Asie du Sud-Est (comme au Cambodge, par exemple), ainsi qu’en Amérique du Sud (Colombie). Depuis, l’on est revenu à la quinine pour l’opposer aux plasmodiums chloroquinorésistants. Ce qui va être l’occasion d’exposer un peu plus dans le détail ce qu’est le paludisme. Un article dans l’article, quelle chance vous avez ^.^

Cette maladie porte jusqu’au sein même de son nom l’origine du mal qu’elle cause : de palus, mot latin qui veut dire « marais », concurrençant son synonyme, malaria, forme contractée de « maladie du mauvais air », un mot qui explique qu’au XVIIIe siècle le quinquina entra dans le rang des substances antiseptiques atmosphériques. En effet, à l’époque, on tenait pour juste le fait que l’une des origines de la dyscrasie résidait dans les miasmes – et surtout dans la théorie du même nom –, et donc dans la corruption des airs, telle qu’elle est visible à l’abord proche des zones marécageuses où le paludisme est beaucoup plus actif, les moustiques s’en donnant à cœur joie. Sur la base de ce présupposé, le quinquina était couramment brûlé, en compagnie du romarin et de la sauge, afin d’assainir les airs.

C’est à la suite de la piqûre d’un moustique vecteur et porteur de parasites du type Plasmodium sp., que s’insinue le paludisme dans l’organisme. Ces hématozoaires prennent possession des globules rouges qu’à terme ils détruisent, provoquant à la fois une forte anémie ainsi qu’une réaction fébrile du malade. L’endémisme du paludisme est saisonnier ici, annuel là. Ce régime différent trouve une explication dans le climat : s’il est clairement établi que le paludisme exige hématozoaires et moustiques, une température élevée et de l’humidité en suffisance sont indispensables. En France, des zones comme les Dombes de l’Ain, des localités côtières du Var et de la Vendée furent, jusqu’au début du XXe siècle, des foyers récurrents du paludisme. En Europe, le paludisme est resté incurable jusqu’à l’arrivée du quinquina. On saisit mieux alors ce qu’eurent de ridiculement déplacé les pinailleries de la faculté de médecine tenue par Patin, de même que l’attitude bornée des Britanniques à la même époque. Puis vint la quinine qui prit la place du quinquina dans la thérapeutique : à partir de là, on devenait beaucoup moins dépendants des aléas de l’approvisionnement et des menaces de monopole. Ainsi la lutte contre le paludisme put-elle s’organiser selon deux axes : tout d’abord en s’attaquant au « terrain », c’est-à-dire par l’asséchement et le drainage des zones palustres. Deuxièmement, par l’utilisation systématique de la quinine et de ses produits dérivés qui tuent les hématozoaires. De ce fait, les antimalariques du type Nivaquine® (un nom derrière lequel se dissimule la chloroquine, si décriée par certains médias et les pouvoirs publics depuis plus d’un an !) « ont permis de limiter l’endémie aux zones tropicales, mais ne sont pas parvenus à l’éradiquer » (16). A ce succès en demi-teinte, s’est additionnée une double problématique : la résistance des moustiques face aux pesticides utilisés pour les détruire, ainsi que celle des hématozoaires à l’égard des antipaludéens de synthèse : on vit donc apparaître ce que l’on appelle une chloroquinorésistance. Mais la Nivaquine® ne fut pas l’unique médicament concerné, l’Halfan® et le Lariam® connurent les mêmes déboires. Ainsi, l’Asie du Sud-Est, l’Amérique du Sud et certaines régions d’Afrique se voient aujourd’hui contaminées par des souches résistantes d’hématozoaires du paludisme. C’est ce que l’on appelle l’intelligence du vivant. Comment ne pourrait-il pas en être autrement ? Qu’est censé faire un organisme vivant lorsqu’il a face à lui une molécule « morte », laquelle a, au surplus, le tort de ne pas être plus douée que la plus futée des intelligences artificielles ? Eh bien, cet organisme imagine des parades, se défend à l’aide de mécanismes dont les exemples sont légion dans la Nature. L’on sait qu’une trop grande pression exercée sur un organisme quelconque provoque son adaptation dans le but de survivre. C’est ce que nous avons pu observer avec le coronavirus en l’espace d’un an. Cette adaptation explique que le paludisme représente une menace constante pour deux milliards de personnes dans le monde, que cette affection occasionne chaque année 300 à 500 millions de malades et que dans le même temps elle cause 1 à 3 millions de décès.

Fin de la parenthèse.

La chloroquine. Ah là là. On a voulu défrayer la chronique avec ça, lui coller une infâme réputation sur le dos, à la manière de la fac de médecine du XVIIe au sujet du quinquina, mais pour des raisons tout autres, bien qu’aussi peu avouables. Mais ce qui s’est déroulé l’année dernière est identique : l’on a vu débouler un médicament étranger et fort onéreux (comme cela fut le cas du quinquina il y a trois siècles) face auquel toutes les molécules déjà disponibles et fort peu chères furent oubliées voire bannies, à la différence que le quinquina, lui, possède une réelle action dans l’affection contre laquelle on cherche à le faire agir… Je trouve cela très ironique : le quinquina est à l’origine de la naissance de la chloroquine, laquelle a soigné, guéri et sauvé des centaines de milliers de personnes dans le monde, et aujourd’hui on la diabolise pour tenter, à travers cette éviction, de placer un produit qui, outre qu’il a fait preuve de son inefficacité, a aussi fait celle de sa nocivité.

Le quinquina est aussi, de loin, mêlé à une autre tempête qui secoue le monde scientifique et médical de ces dernières décennies, c’est-à-dire la légitimité thérapeutique de l’homéopathie. Si vous ne connaissez rien à rien à l’histoire de cette méthode thérapeutique, vous risquez de ne pas comprendre ce que le quinquina vient fiche là. Pas d’inquiétude, je vous l’explique. Ne suis-je pas votre nautonier ? Influencé par l’œuvre de Paracelse, Samuel Hahnemann vit le jour en Allemagne le 14 avril 1755. En 1790, ce médecin travaillait, en tâtonnant, à la méthode qui allait le rendre célèbre et si décrié. C’est à cette occasion qu’intervint le quinquina : le docteur Hahnemann, alors parfaitement sain et non fébrile, s’administra une dose de quinquina et constata des effets inattendus : le quinquina dont on use en état de santé provoque des symptômes qui ressemblent beaucoup à ceux que cause une maladie qu’il est censé guérir, à savoir le paludisme. Fortes de ces premiers résultats, les recherches de Hahnemann sur le sujet le menèrent à forger la méthode homéopathique qui s’oppose par son principe même à la thèse galénique qui suppose que les contraires se guérissent par les contraires, un truc à faire Patin se retourner dans sa tombe ! Mais de même que ce dernier devint enragé face au quinquina, l’Académie nationale de médecine montra les crocs face à l’homéopathie. Que dis-je ? Cette dernière fit carrément sortir de ses gonds l’Académie qui, la sanctionnant durement, adressa une demande on ne peut plus claire au ministre de l’Instruction publique, François Guizot : elle exigea l’interdiction et la condamnation pure et simple de cette méthode hérétique sur l’ensemble du territoire. Pour ce faire, l’Académie expédia en avril 1835 une lettre au ministre, qui n’était autre qu’un « mélange d’affirmations gratuites et d’erreurs qu’on voudrait croire involontaires pour l’honneur de ceux qui les ont approuvées »17. Deux mois plus tard, Hahnemann s’installait discrètement à Paris (où il mourut le 2 juillet 1843) et Guizot s’interdit de remettre en cause la loi de ventôse an XI, celle assurant à tout médecin diplômé la liberté de faire l’usage des thérapeutiques de son choix. Aujourd’hui, en France, l’homéopathie est déremboursée par la Sécurité Sociale, ce qui n’est pas une preuve de progrès. C’est à cela que sert l’entêtement : abolition du discernement, négation de la curiosité intellectuelle, lissage uniforme de la pensée, etc.

Quinquina rouge (Cinchona succirubra)

Le quinquina en phytothérapie

Du temps où l’on parlait davantage de quinquina que de quinine, l’on distinguait trois principaux types de quinquinas choisis pour leurs qualités thérapeutiques : le gris, le jaune et le rouge :

  • Botaniquement, par quinquina gris, l’on entend l’espèce Cinchona officinalis, provenant de Loxa et de Huanuco. Parfois désigné par le surnom d’arbre à quinine, il n’est pas le mieux placé pour cela. Son écorce est mince, roulée, grise et extérieurement fendillée, plus ou moins jaunâtre à l’intérieur. Sa poudre fauve grisâtre pâle est plus astringente qu’amère.
  • Le quinquina rouge correspond à l’espèce Cinchona succirubra (synonyme : C. pubescens). La poudre rouge brunâtre de son écorce est aussi amère qu’astringente.
  • Enfin, le quinquina jaune vient clore cette brève liste. De couleur jaune orangé et d’aspect fibreux, son écorce possède, parmi nos trois quinquinas, la saveur la plus amère. Elle est, en revanche, beaucoup moins astringente. Le principal nom accordé à ce quinquina est Cinchona calisaya.

L’amertume de ces trois quinquinas est à mettre sur le compte de la proportion plus ou moins importante d’alcaloïdes. Le quinquina jaune, qui en est le plus riche, est très amer, au contraire du quinquina gris beaucoup moins fourni :

  • Quinquina jaune : 5 % d’alcaloïdes dont 2 à 3,50 % de quinine.
  • Quinquina rouge : 2 à 2,50 % d’alcaloïdes dont 0,15 à 0,40 % de quinine.
  • Quinquina gris : 1,50 % d’alcaloïdes dont 0,15 à 1,50 % de quinine.

La quinine, demeurée très célèbre dans l’histoire médicale et humaine, se présente sous la forme de fines aiguilles cristallisées de couleur blanche, de saveur (très) amère, mais elle n’est pas le seul alcaloïde quinoléique que comptent les quinquinas, puisque nous y croisons aussi de la quinidine, alcaloïde isomère de la quinine, ainsi que de la quinicine. Le quinquina gris se caractérise, nous l’avons vu, par une très faible proportion de quinine. En revanche, il fait état d’une grosse quantité d’un autre type d’alcaloïdes, les alcaloïdes indoliques, cinchonine en tête, accompagnée de cinchonamine et de cinchonidine. Les deux autres quinquinas en possèdent également, mais dans des proportions très différentes, ce qui marque bien la spécificité de chacun de ces trois arbres, à la manière des chémotypes du romarin officinal ou encore du thym vulgaire. Mais il n’est pas question uniquement d’alcaloïdes dans le profil biochimique des quinquinas, leur écorce recelant bien d’autres substances plus ou moins précieuses : des glucosides triterpéniques amers comme la quinovine, des acides organiques (acide quinique, acide cinchotannique, etc.), du tanin, des anthraquinones, des proanthocyanidols et des composés phénoliques à l’image des cinchonaïnes. Au registre des substances plus anodines, l’on compte des matières grasses, de l’amidon, des sels minéraux, des pigments et une essence aromatique. La quinine, étant insoluble dans l’eau, dans la pratique médicale on lui préféra ses sels dont l’arséniate de quinine, le bromhydrate de quinine, le chlorhydrate de quinine, le valérianate de quinine, le carbonate de quinine, l’éthylcarbonate de quinine et enfin, le plus connu d’entre eux, le sulfate de quinine.

Propriétés thérapeutiques

  • Tonique amer (le gris et le rouge) à la manière de l’ail, de l’hydrastis, de l’épine-vinette ou encore de la grande gentiane jaune, reconstituant
  • Fébrifuge, antipaludéen (le jaune essentiellement), antipyrétique (l’abaissement de la température est très marqué dans le paludisme, beaucoup moins dans les autres affections fébriles), antigrippal
  • Anti-infectieux : antiseptique, antifongique (Candida sp.), antibactérien (Bartonella sp., Babesia sp., Borellia burgdoferi), antiviral (grippe), anti-amibien, antiparasitaire (protozoaire)
  • Apéritif, digestif, stimulant des sécrétions gastriques et de l’appétit chez le malade, ralentit le phénomène de désassimilation
  • Modérateur de l’activité cardiaque (abaisse l’excitabilité et régularise le rythme cardiaque, ce qui est surtout le fait de la quinidine seule), antispasmodique, hypertenseur (?)
  • Anti-inflammatoire, analgésique, antinévralgique (quinine)
  • Astringent, cicatrisant
  • Antiscorbutique
  • Diurétique : réduction de l’urée, de l’acide urique et des chlorures (effets de la quinine seule)
  • Sédatif du système nerveux (quinine à fortes doses)

Usages thérapeutiques

  • Malaria (en préventif et en curatif), toutes sortes de fièvres, maladies infectieuses d’origine bactérienne (maladie de Lyme, babésiose, tuberculose ; le paludisme représente une opportunité morbide pour cette dernière maladie), virale (grippe), parasitaire (amœbose), épisode fébrile et ses désagréments (crampes musculaires, courbatures typiques, asthénie grippale et post grippale)
  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : diarrhée, dysenterie, spasmes gastriques, ballonnement, gaz intestinaux, inappétence, atonie digestive, digestion difficile
  • Troubles de la sphère cardiovasculaire : arythmie perpétuelle, tachycardie, hypotension
  • Troubles locomoteurs : rhumatismes, crampe musculaire, douleur arthritique, névralgie (sciatique)
  • Affections cutanées : plaie, plaie atone, plaie et ulcère fétides, escarre, urticaire, eczéma, érysipèle, purpura
  • Anémie, fatigue et faiblesse générale, chlorose, convalescence
  • Irritation et infection de la gorge
  • Hydropisie
  • Dépression nerveuse

Modes d’emploi

  • Poudre d’écorce (gris, rouge, jaune) dans un véhicule adapté. Elle se délaye généralement très bien dans une quantité suffisante d’eau à température ambiante.
  • Macération aqueuse de poudre de quinquina (gris, rouge), macération vineuse de poudre de quinquina (gris).
  • Extrait alcoolique (gris, jaune), aqueux (rouge), mou (rouge), fluide (rouge).
  • Décoction miellée de poudre ou de fragments d’écorce de quinquina (se destine aux lavages, compresses, fomentations).
  • Teinture-mère (à base de quinquina rouge).
  • Vin de quinquina : voici une recette de cette spécialité pharmaceutique qui passa, durant un temps, dans la gamme des apéritifs de confort, comme tant d’autres préparations magistrales, initialement circonscrites aux monastères et aux officines pharmaceutiques. Prenez 24 g d’écorce de quinquina rouge, de la racine de gentiane jaune, de l’écorce sèche de bigarade, de la camomille allemande (attention à la camomille romaine, elle est incompatible avec le quinquina.), 16 g de chaque. Faites macérer le tout pendant quinze jours dans 1000 g de bon vin rouge bien charpenté (côtes du Rhône, Bourgogne). A l’issue, passez et exprimez.
  • Poudre dentifrice : 1/3 de poudre de quinquina + 1/3 de charbon végétal + 1/3 de kaolin.

Note : l’histoire thérapeutique du quinquina est particulièrement féconde et a laissé dans son sillage bien des préparations et recettes que la postérité n’a pas toujours reconnues. Citons-en quelques-unes : le sirop de quinquina, l’élixir antiseptique de Chaussier, le vin diurétique amer de la Charité, l’élixir antigoutteux de Villette, etc.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Culture et récolte : aujourd’hui encore, les zones cultivées du quinquina se localisent surtout à l’Asie (Inde, Java), à l’Amérique du Sud et à certaines localités africaines, comme l’Ouganda. Pour récolter l’écorce de quinquina, il fallait tout d’abord « préparer » l’arbre, comme cela se déroulait à Java : on ôtait, sur des sujets âgés de 6 à 8 ans, de longues bandelettes longitudinales d’écorce, puis « sur la plaie, on plaçait une couche de mousse sous laquelle se formait une nouvelle écorce plus riche en quinine »18. Un an et demi plus tard, on prélevait cette écorce toute neuve, plus on la faisait sécher au soleil.
  • La haute valeur commerciale qu’on attribua au quinquina avant l’avènement de la quinine, eut pour conséquence de mettre les faussaires sur la voie d’un mauvais coup : ainsi, l’écorce de cerisier était souvent mélangée à celle de quinquina, en manière de contrefaçon. Si l’écorce de cerisier est très astringente, elle est aussi légèrement fébrifuge, ce qui ne gâte rien si l’on souhaite faire appel au quinquina comme simple antipyrétique. Mais il n’en va pas de même s’il est question de paludisme contre lequel le cerisier ne peut évidemment rien. Les faussaires avaient cependant soin de mêler cette écorce fruitière au quinquina rouge pour l’augmenter. Mais ce dernier n’étant pas antipaludéen, l’acte passe davantage criminel pour la bourse que pour la santé.
  • Du quinisme ou intoxication au quinquina : il apparaît lorsque les doses sont inadaptées, en particulier quand il ne s’agit pas du totum, c’est-à-dire de quinquina dans l’entièreté de son écorce, mais de quinine isolément. A faibles doses, l’on voit surgir des phénomènes peu graves et réversibles que l’on qualifie d’ivresse quinique, caractérisée par une titubation, des vertiges, des troubles visuels et auditifs (surdité passagère, bourdonnements d’oreilles). Nausée, vomissement et constipation sont également possibles, ainsi que des irritations des voies urinaires et de la vessie (hématurie, cystite, albuminurie, hémoglobinurie). A doses intermédiaires, survient un délire qui peut être tranquille ou bruyant, accompagné de stupeur et de prostration. Enfin, à fortes doses, de la diarrhée peut se manifester, le foie se décongestionne, la rate se rétracte ; tout cela s’accompagne d’une perte de la sensibilité ; une forme d’hypotension très prononcée s’installe, le coma y fait suite et le décès peut intervenir par arrêt du cœur. Autrefois, les ouvriers en contact régulier avec le quinquina étaient porteurs d’un phénomène éruptif à caractère érythémateux qui disparaissait dès que les ouvriers se tenaient à l’écart de la source du problème.
  • Le quinquina est déconseillé durant la grossesse.
  • Sur la question de la malaria, l’hydrastis n’est pas considéré comme un substitut du quinquina, comme cela est parfois notifié çà et là. Si l’hydrastis peut mériter ce titre, cela concerne son aspect tonique et restaurateur des forces vitales (c’est-à-dire ce que l’on demande généralement au quinquina rouge, à charge pour le jaune de se préoccuper des fièvres et du paludisme). « A cet égard, l’hydrastis est plus qu’un rival du quinquina (qui est pire qu’inutile dans la cachexie), c’est un substitut très précieux »19.

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  1. Wikipédia.
  2. Ibidem.
  3. Cité par Victor-Eugène Grave, État de la pharmacie en France avant la loi du 21 germinal an XI, p. 188.
  4. Olivia Langlois, Pour une histoire juridique du médicament, pp. 40-41.
  5. Jean-Marie Pelt, Les vertus des plantes, p. 55.
  6. Pierre Pomet, Histoire générale des drogues, p. 132.
  7. Ibidem.
  8. Joseph Roques, Nouveau traité des plantes usuelles, Tome 1, p. 41.
  9. Ibidem, Tome 2, p. 27.
  10. Ibidem, Tome 3, pp. 459-460.
  11. Ibidem, Tome 4, p. 24.
  12. Ibidem, Tome 3, p. 305.
  13. Ibidem, Tome 2, p. 9.
  14. Ibidem.
  15. Francis Hallé, Plaidoyer pour l’arbre, p. 95.
  16. Jean-Marie Pelt, Les nouveaux remèdes naturels, p. 77.
  17. Voir ce lien.
  18. Jean-Marie Pelt, Les vertus des plantes, p. 74.
  19. John Uri & Curtis Gates Lloyd, Drugs and medicine of North America, p. 164.

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Quinquina gris (Cinchona officinalis)