L’eupatoire chanvrine (Eupatorium cannabinum)

Longtemps confondue avec l’aigremoine (Agrimonia eupatoria), l’eupatoire n’a en revanche aucun rapport avec le chanvre que l’on discerne dans l’adjectif chanvrine. En sont responsables une morphologie foliaire assez semblable et une appétence des deux plantes pour les lieux humides. Mais ça ne va pas plus loin. Fréquemment considérée comme une plante médicinale de seconde catégorie, l’eupatoire chanvrine a été profondément revue et corrigée par mes soins dans ce nouvel article.

Beau week-end à toutes et à tous :)

Gilles

Synonymes : eupatoire d’Avicenne, eupatoire des Arabes, eupatoire commune, eupatoire à feuilles de chanvre, chanvrière, chanvrine, chauvrine, cannabine, origan des marais, origan aquatique, pantagruélion aquatique, herbe de sainte Cunégonde.

Pour débuter, je me passerai de l’explication classique qui consiste à dire que l’eupatoire tire son nom de ce grand roi du IIe siècle avant J.-C. et dont j’ai déjà parlé dans l’étude consacrée à l’aigremoine. C’est ainsi que Lémery justifiait l’étymologie de cette plante, qui n’est pas, à mon avis, des plus intéressantes, de même que celle qui consiste à entrevoir dans le nom de la plante une vague référence au foie, en rapprochant le latin eupatorium du grec hepar. En revanche, l’eupatoire porte de nombreux noms vernaculaires dont beaucoup expriment les relations que cette plante a entretenues à travers les différentes périodes de son histoire. Certains sont facilement compréhensibles contrairement à d’autres qui demeurent résolument obscurs, tel cette « herbe de sainte Cunégonde ». Si l’on sait que Cunégonde est issue d’une famille de la noblesse luxembourgeoise, également épouse d’Henri II, décédée en 1033 (ou 1039), il est difficile d’établir le lien qu’elle peut cultiver avec l’eupatoire. D’après l’histoire, Cunégonde fut à l’origine de miracles. Auprès de son tombeau, on observa maintes guérisons miraculeuses. Est-ce à dire que l’eupatoire est, elle aussi, une prodigieuse panacée ? Difficile à dire. En tous les cas, en allemand, elle porte toujours le nom de kunigundkraut. Mais il en faut parfois bien peu pour associer une plante à un saint. Parfois, l’hagiographie, plus précise, permet de retracer ce lien, mais à d’autres, l’appellation demeure sans qu’il soit plus possible d’en expliquer le sens. Tout ceci est fort étrange, d’autant que Fournier expliquait que l’eupatoire demeura inaperçue des Antiques et du Moyen âge. Pourtant, sainte Cunégonde est bien une figure médiévale, de même que le médecin arabe Avicenne qui, nous dit-on, tenait cette plante en haute estime au Xe siècle (pour ne pas faire de jaloux, on accorda à l’Achillea ageratum le surnom d’eupatoire de Mésué, médecin ayant œuvré un siècle avant Avicenne). Platearius, fils supposé de Trotula de l’école de Salerne, nous oblige à traîner encore nos basques au Moyen âge. Que disait-il à propos de l’eupatoire ? Que cuite à petit feu dans la graisse, on en faisait une pommade qu’on appliquait sur les « douleurs et enflures des seins », valable également comme maturative (abcès, ulcère et tumeur) et antalgique localement en cas de douleur goutteuse. Tout ceci est fort intéressant, mais c’est surtout dès la Renaissance que les informations concernant l’eupatoire affluent, sans doute du fait qu’à cette époque d’« eupatoires » on en distingue plusieurs : celles d’Avicenne et de Mésué, ainsi qu’une troisième, l’eupatoire dite des Grecs, c’est-à-dire l’aigremoine (Agrimonia eupatoria). On peut tout à fait penser que, par manque de précision dans les textes, on ait parlé de l’une à la place de l’autre, mais ne nous perdons pas en hasardeuses conjectures. Au XVIe siècle, cette plante à la saveur amère et piquante rencontra un large crédit auprès de la médecine populaire. Racines et feuilles infusées dans la bière étaient données comme purgatives, toniques et vermifuges. En 1543, l’Allemand Léonard Fuchs écrivit que « cette plante n’a pas encore de nom latin, mais les apothicaires ne se trompent pas beaucoup en l’appelant eupatorium », ce à quoi Matthiole lui fit écho dès 1554, ayant constaté que le nom d’eupatorium était très souvent employé pour désigner cette plante vendue chez les droguistes et les marchands d’épices. Ceci dit, ils ne s’avancèrent pas davantage en ce qui concerne les vertus médicinales de l’eupatoire, chose dont Jérôme Bock rendit compte dès 1572, avouant le peu d’intérêt médical qu’on prêtait à cette plante (il disait cependant de l’eupatoire qu’elle serait un stimulant de la virilité… ce qui reste encore à prouver). Olivier de Serres, qui n’était même pas médecin mais agronome, accorda une place à l’eupatoire dans son jardin de simples. Il la disait « bonne contre la dysenterie et les morsures de serpents » et désopilante du foie (ce qui ne veut pas dire qu’elle le fait mourir de rire, mais qu’elle le désobstrue ^.^). Par suite, on lui conservera cette propriété désobstruante de la sphère hépatique, ainsi qu’une capacité à évacuer les constipations occasionnées par insuffisance hépatique et atonie des organes digestifs. Elle pourrait donc vraisemblablement mériter cette référence à l’hepar des Grecs.

Du temps de Lémery, elle était « apéritive, atténuante, astringente, vulnéraire, propre pour la cachexie, pour les mois retenus, employée en décoction et en fomentation pour les maladies du foie et de la rate »1. Au XVIIIe siècle, Tournefort, Gilibert, Boerhaave et bien d’autres encore employèrent massivement l’eupatoire dans une foule d’affections : chlorose, aménorrhée, engorgement des viscères, hydropisie, hydrocèle, tumeur du scrotum, affections cutanées rebelles, toux, catarrhe pulmonaire chronique, etc. De l’aveu des meilleurs praticiens, l’eupatoire s’avérait hépatique, apéritive, béchique, diurétique, emménagogue et résolutive. Chomel s’interrogea bien sur la véracité des propriétés purgatives de cette plante, mais il était encore très loin du désintérêt dans lequel versa l’eupatoire au détour du XIXe siècle, étant inconnue dans la pratique aux environs de 1800-1815 par exemple. Un tout petit peu après cette observation, Joseph Roques affirma qu’il « ne faut pas rejeter avec dédain tous les remèdes populaires ; il y en a d’excellents, et quelquefois l’observation d’un simple villageois se trouve aussi juste que celle de l’homme de l’art »2. Il considérait l’eupatoire comme succédané du jalap, du séné, de l’aloès et de la scammonée, ce qui n’est pas rien ! Roques luttait pour le maintien de l’eupatoire dans l’arsenal médical, car il savait bien dans quel discrédit d’autres médecins l’avaient faite tomber, ce à quoi Cazin, qui conforta les vues de Roques, laissait entendre que l’insuccès de ces détracteurs pouvait sans doute être mis sur le compte d’une considération qui apparaît dans le passage suivant : « L’eupatoire est purgative, apéritive, stimulante, tonique, suivant les doses auxquelles elle est administrée et les dispositions des appareils organiques qui en reçoivent l’action »3. De sa mauvaise préparation dépend aussi le succès thérapeutique. Mais l’on aurait beau faire d’une eupatoire de mauvaise qualité, c’est-à-dire dont la racine n’a pas été déchaussée à la saison convenable, ni utilisée immédiatement. D’où les observations disparates (au sujet des vertus purgatives de l’eupatoire entre autres), résultant peut-être de l’administration d’une racine mal cueillie, mal préparée, trop avancée en âge et donc inopérante (la fructification attire toutes les forces de la plante dans ses parties aériennes, délaissant quelque peu le système souterrain : les racines, en tant qu’organes de stockage, sont ainsi quasiment vides après l’effort immense consenti. On ne peut donc pas demander à de telles racines des miracles, même celles qui seraient éventuellement employées fraîches).

Le pharmacien et chimiste allemand Johann Dragendorff (1836-1898) indiquait l’eupatoire contre les morsures de serpents, ce qui n’est pas sans rappeler ce qu’en disait Olivier de Serres deux siècles plus tôt. Mais là, il ne semble pas s’agir d’une propriété fantasmée, puisque l’eupatoire contient un principe actif, l’eupatorine, également présent au sein de plantes d’Amérique du Sud (les mikania, plantes voisines de l’eupatoire, ainsi que l’Eupatorium crenatum) communément utilisées contre les morsures de serpents et les piqûres de scorpions. Malgré cette insistance et cette résistance, force est de constater que l’eupatoire tomba dans l’oubli. Il fut reproché à Henri Leclerc de ne lui accorder que quatre lignes dans son Précis de phytothérapie, mais c’était loin d’être pas mépris : l’eupatoire est « aujourd’hui complètement oubliée et peut-être à tort », précisa-t-il4.

Vivace à rhizome grisâtre et chevelu, l’eupatoire chanvrine est une plante rustique qui vit en colonies parfois densément peuplées. Ses tiges raides, légèrement cannelées et subtilement velues, peuvent dresser la plante à plus d’1,50 m du sol (j’ai dernièrement rencontré un sujet qui mesurait 1,80 m de hauteur). Très souvent de couleur rougeâtre/lie-de-vin, les tiges de l’eupatoire sont régulièrement feuillées : ses larges feuilles à bref pétiole sont divisées chacune en trois à cinq folioles lancéolées et grossièrement dentées, empruntant leur allure palmée à celles du chanvre (c’est vite dit…), d’où le nom de chanvrine qu’on octroie à l’eupatoire de par cette analogie. Si l’on observe attentivement le revers de ces feuilles, on y voit un réseau de veinules bien marqué, ainsi que des glandes transparentes. Au moment de la floraison, à l’aisselle, de chaque feuille supérieure, l’on peut voir émerger un rameau arborant des feuilles également trifoliolées et s’achevant par une petite inflorescence. Tous ces rameaux secondaires sont surmontés par les capitules centraux les plus élevés, constitués de petites fleurs tubulaires dentées dont la couleur varie du rose violacé au rouge, tout en passant par des teintes mauves ou vieux rose, plus rarement blanches. Les inflorescences à sommet plat de l’eupatoire font songer à l’achillée, mais aussi à l’origan (par une conformation générale assez approximative il est vrai, mais une similitude dans la couleur plus convaincante), d’où le surnom d’origan aquatique que cette plante porte parfois en français (et de wasserdort en allemand). La fructification donne lieu à des capsules verruqueuses de couleur noire contenant des semences surmontées de longues aigrettes blanches et soyeuses.

Très commune, l’eupatoire se rencontre aussi bien en plaine qu’en moyenne montagne, jusqu’à 1500-1700 m d’altitude (Europe, Asie occidentale, Afrique du Nord). Comme elle apprécie l’humidité, elle se localise préférablement à proximité des lieux plus ou moins pourvus d’eau tels que les bois clairs de ripisylves (avec présence de saules et d’aulnes, entre autres), clairières en forêts humides, coupes de bois, chemins forestiers, bordures de ruisseaux, berges d’étangs, zones marécageuses, fossés herbeux, friches riches en azote, etc., à la condition qu’ils lui procurent une satisfaisante humidité ainsi qu’une bonne exposition solaire.

L’eupatoire est la plante d’accueil d’un papillon de nuit, l’écaille chinée (Euplegia quadripunctata), auquel elle fournit une abondance de nectar (c’est un papillon particulièrement bien adapté aux fleurs tubulaires de l’eupatoire), de même que l’épilobe, le panicaut, l’origan ou encore le buddleia, si justement dénommé « arbre aux papillons ». Le 13 août 2023, sur un petit groupe d’eupatoires, j’ai pu assister au spectacle des écailles chinées. Certes, il y en avait beaucoup moins que dans la vallée des papillons de Rhodes (Pétaloudès), mais bien assez pour admirer la zébrure noire et crème de leurs ailes repliées.

L’eupatoire chanvrine en phytothérapie

Avec cette plante, une chose demeura à l’évidence vraie pendant longtemps : le peu de données concernant son profil biochimique ne permit pas d’en restituer un portrait fidèle. Malgré ce manque criant d’informations, la plante fut utilisée plus ou moins souvent par intermittence, comme nous l’avons vu précédemment. S’il fallait nécessairement savoir sur le bout des doigts ce que contient une plante avant de s’en servir, la médecine empirique n’aurait jamais vu le jour, et nos lointains ancêtres ne se seraient donc jamais autorisés à se soigner et à guérir les affections qui menaçaient leur existence. Non, soyons sérieux. Puisque nous savons maintenant de quoi il retourne à propos de l’eupatoire, pourquoi nous priverions-nous d’apporter autant d’eau à notre moulin, hum ?

Qu’est-ce donc qui est digne d’intérêt dans l’eupatoire ? Pour le déterminer, je pense que les Anciens se sont inspirés de l’odeur de la plante : pénétrante et très désagréable (voire fétide), l’odeur de l’eupatoire est plus prononcée dans la racine que partout ailleurs, le reste de la plante ne demeurant que très faiblement aromatique comme j’ai pu m’en apercevoir récemment, les feuilles fraîches ne dégageant qu’un bête parfum d’herbe et de chlorophylle. En revanche, leur goût est assez amer, piquant, un peu aromatique, et passe pour davantage accentué dans les racines. Malgré cette disparité gustative et olfactive entre parties hautes et basses, on privilégie tout autant les racines que les sommités avant même qu’elles ne fleurissent.

Quels trésors phytochimiques susceptibles de nous intéresser recèle l’eupatoire ? Tout d’abord du tanin, des sucres (polysaccharides, inuline), quelques éléments minéraux comme le fer, la silice, le calcium ou encore le potassium. Mais fi de cette piétaille, considérons plutôt toutes ces fabuleuses catégories de molécules telles que les flavonoïdes (à la pelle : rutine, kaempférol, quercétine, isoquercitrine, hyperoside, astragaline, eupafoline, eupatorine, hinspiduline…) et les lactones sesquiterpéniques (dont la « célèbre » eupatoriopicrine, mais pas seulement : guaïanolide, eupatolide, eupasimplicine, eucannabinolide…). N’omettons pas non plus ces alcaloïdes qui donnent la chair de poule alors qu’il n’y a pas de quoi : les alcaloïdes pyrrolizidiniques (comme la supinine, la rindérine et l’échinatine, par exemple). Viennent ensuite différents acides phénols (acides caféique et chlorogénique), des acides organiques (acide férulique), des caroténoïdes (lutéine), enfin ces choses peu essentielles que sont les phytostérols (sitostérol, stigmastérol, campestérol, taraxastérol…).

Certains articles scientifiques abordent parfois la question de l’huile essentielle d’eupatoire. Voici, par exemple, quelques informations concernant une eupatoire chanvrine de Lituanie que l’on imagine fort bien se déployer aux abords du marais tourbeux de Čepkeliai situé dans le sud de ce pays. Cette huile essentielle se décompose comme suit :

  • Sesquiterpènes : germacrène D (22 %), α-zingibérène (7,8 %) ;
  • Sesquiterpénols : spathulénol (27,2 %) ;
  • Esters : acétate de néryle (20 %) ;
  • Monoterpènes : α-pinène (11,5 %) ;
  • Coumarine (traces).

Propriétés thérapeutiques

  • Stimulante, tonique (amère), fortifiante
  • Purgative douce*, laxative douce, émétique*, vermifuge*
  • Cholagogue*, cholérétique, désobstruante hépatique, hépatoprotectrice, dépurative hépatique (en particulier quand le foie est en bon état), anti-nécrotique hépatique
  • Diurétique, stimulante de l’activité rénale, dépurative sanguine, sudorifique
  • Fébrifuge légère*
  • Antirhumatismale
  • Apéritive
  • Désobstruante de la rate
  • Pectorale, béchique, préventive des affections respiratoires virales
  • Immunomodulante, immunostimulante
  • Cytotoxique, antitumorale
  • Emménagogue
  • Résolutive, détersive, vulnéraire

Note : les propriétés marquées d’un * indiquent celles qu’on obtient en renforçant les doses usuelles.

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère hépatobiliaire : ictère, engorgement du foie, congestion hépatique, insuffisance biliaire, obstruction de la vésicule biliaire, cholémie, constipation par insuffisance hépatobiliaire
  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : inappétence, embarras gastrique, crampe d’estomac, sensation de nausée, diarrhée, constipation par ptôse intestinale (chez l’anémié, l’enfant, le convalescent, la personne âgée, le cachectique)
  • Troubles de la sphère respiratoire : toux, irritation violente de la gorge, rhume, catarrhe chronique, grippe
  • Fièvre intermittente, cachexie paludéenne
  • Troubles de la sphère vésico-rénale : suppression des urines (à caractère inflammatoire, suite à dépôts calcaires), irritation vésicale et rénale, catarrhe vésical, gravelle, hydropisie, œdème (jambes, scrotum)
  • Affections bucco-dentaires : inflammation des gencives, des muqueuses buccales et de la pulpe dentaire
  • Affections cutanées : maladies cutanées chroniques et rebelles (érysipèle, eczéma chronique, etc. par manque de dépuration du sang de son acide urique excédentaire, des dépôts calcaires, etc.), gale, plaie, contusion, hématome, abcès
  • Anémie, faiblesse générale, chlorose, scorbut
  • Troubles locomoteurs : arthrite, rhumatisme, goutte
  • Aménorrhée

Modes d’emploi

  • Infusion de racines débitées en morceaux : comptez une cuillerée à café pour le volume d’une tasse d’eau. Faites bouillir brièvement le tout (2 mn), puis laissez infuser 10 mn supplémentaires.
  • Décoction de feuilles : 20 à 40 g de feuilles pour un litre d’eau. Faites bouillir durant une poignée de secondes, puis laissez infuser pendant 10 mn.
  • Décoction de racines : comptez 10 à 30 g (voire 60 g) pour un litre d’eau, en décoction pendant dix bonnes minutes
  • Poudre de racines : de 3 à 9 g par jour. A délayer dans un véhicule agréable. Il est possible de l’absorber mélangée à un peu de vin, tout comme la poudre évoquée ci-dessous.
  • Poudre de la plante entière : 3 g par jour. A délayer dans un véhicule agréable.
  • Macération vineuse de racines : dans un litre de vin blanc, plongez pour la nuit entière 30 à 60 g de racines fraîches d’eupatoire.
  • Macération alcoolique : dans une part d’alcool à 50°, faites macérer au soleil une part d’eupatoire pendant trois semaines.
  • Suc frais de feuilles.
  • Cataplasme de feuilles pilées au mortier.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Récolte : les sommités se recueillent au printemps, un peu avant la floraison (mai-juin), la racine dès les premiers jours printaniers. Notons que cette dernière est plus efficace à l’état frais ou récemment desséchée (de même que les feuilles, d’ailleurs). L’ancienneté de la racine y est pour beaucoup dans la soi-disant inactivité de la plante. En tous les cas, plus elle est vieille, et plus son activité faiblit.
  • De par la présence d’alcaloïdes, l’eupatoire ne doit pas être ingérée à haute dose ni faire l’objet d’un usage au long cours (en cure brève de trois semaines continuées au maximum). Ceci dit, ces alcaloïdes ne sont jamais plus toxiques qu’on les aura isolés… Et s’ils provoquent des tumeurs hépatiques, ça n’est jamais vrai que d’un seul point de vue expérimental. En revanche, ce qui est étrange, c’est qu’on préconise parfois de ne pas faire usage de cette plante en cas de troubles hépatiques avérés, alors que j’ai répertorié plus haut plusieurs cas d’affections hépatobiliaires pour lesquelles elle s’avère utile. Quoi qu’il en soit, on la consommera avec prudence, en respectant la posologie. Son usage est fortement déconseillé aux femmes enceintes ainsi qu’à celles qui allaitent. On évitera son usage auprès des enfants en bas âge.
  • Association dépurative : eupatoire, noyer et bardane. Ou bien, eupatoire, renouée du Japon et frêne.
  • Phytoremédiation : on a pu constater les bons effets de l’eupatoire dès lors qu’il s’agissait de retirer des sols pollués l’arsenic qu’ils contenaient.
  • Faux amis : l’eupatoire femelle ou eupatoire bâtarde désigne une sorte de bidens, alors que le nom d’eupatoire de Mésué (pour concurrencer Avicenne, sans doute…) renvoie à l’achillée visqueuse (Achillea ageratum).
  • Autres espèces : l’eupatoire chanvrine est la seule représentante européenne d’eupatoire. Il existe de nombreuses autres espèces disséminées un peu partout dans le monde dont la littérature scientifique se fait l’écho. Parmi elles, notons l’eupatoire pourpre (E. purpureum), l’eupatoire maculée (E. maculatum) et l’eupatoire perfoliée (E. perfoliatum), toutes trois d’origine nord-américaine.

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  1. Nicolas Lémery, Dictionnaire universel des drogues simples, p. 348.
  2. Joseph Roques, Nouveau traité des plantes usuelles, Tome 2, p. 333.
  3. François-Joseph Cazin, Traité pratique et raisonné des plantes médicinales indigènes, p. 391.
  4. Henri Leclerc, Précis de phytothérapie, p. 12.

© Books of Dante – 2023

L’ambroisine (Dysphania ambrosioides)

Beau week-end à toutes et à tous, bonne lecture :)

Gilles

Synonymes : ambroisie, chénopode vermifuge, ansérine anthelminthique, botrys du Mexique, thé du Mexique, thé des jésuites, thé d’Espagne, parote, épazote (du nahuatl epazōtl), mastruz, herbe de sainte Marie, orkko paikko (nom quechua), paico, payqu, aritasou.

L’ambroisine ne porte pas pour rien le surnom de thé des jésuites, car ceux-ci furent à l’origine de l’introduction de la plante tout d’abord en Espagne et au Portugal. Puis, il y a environ deux siècles de cela, cette plante entama sa naturalisation en plusieurs départements du Midi de la France ainsi qu’en Bretagne. Si l’on sait où elle atterrit en l’occurrence, nous n’avons encore rien dit de son point de départ : l’autre appellation de thé du Mexique nous renseigne sur ce point, quand bien même cette plante ne se cantonne pas qu’à ce seul pays (sa partie sud essentiellement), mais occupe également une bonne partie de l’Amérique Centrale et de l’Amérique du Sud. Si l’on s’imagine que l’ambroisine n’a suivi qu’une seule voie (qu’on pourrait ainsi résumer Mexique => Espagne), eh bien l’on se trompe lourdement, puisqu’un simple coup d’œil aux publications scientifiques internationales rend bien compte de la forte émulation dont elle fait aujourd’hui l’objet, bien des continents l’ayant intégrée dans les pharmacopées locales : c’est le cas en Asie (Japon, Corée du Sud, Chine), quoi que dans une proportion moindre qu’en Afrique (Maroc, Tunisie, Égypte, Éthiopie, Ghana, Cameroun, Bénin, Nigeria, Angola, etc.) et qu’en Amérique du Sud (Brésil, Pérou, Argentine). On peut saluer, au passage, le geste d’ouverture en direction de cette plante non indigène dans la plupart des pays que nous venons de citer. Lorsque dans bon nombre d’entre eux l’on se collette avec des maladies comme la malaria ou la leishmaniose, l’on est un peu heureux de voir s’installer une plante particulièrement active face aux parasites responsables de ces deux affections qui peuvent conduire à la mort. Telle plante face à un nouvel environnement permet d’élargir son profil thérapeutique. C’est pourquoi, si l’on compare ce qu’il est devenu avec ce qu’il était auprès des populations autochtones d’Amérique Centrale il y a quelques cinq siècles par exemple, on note nécessairement quelques différences, chaque période historique, chaque civilisation connaissant ses propres préoccupations d’ordre médical. Par exemple, cet ancien médicament des Mayas d’Amérique Centrale était utilisé dans la péninsule du Yucatán contre les affections respiratoires (asthme, excès de mucus pulmonaire), gastro-intestinales (ballonnement, flatulences) et nerveuses, ce que l’on retrouve dans le portrait thérapeutique actuel de l’ambroisine. Maintenant, si l’on regarde en direction de l’Amérique du Sud, l’on constate que bien des tribus amazoniennes (Secoya,Wayãpi) et du nord-ouest de l’Amérique du Sud (Cofan, Ticuna) adoptèrent la plante pour ses vertus efficaces sur la sphère gastrique, résolvant autant les maux d’estomac par ses qualités laxatives, que réalisant l’éviction des vers intestinaux par ses évidentes vertus vermifuges. Tout cela cadre encore fort bien avec ce que l’on connaît de cette plante. En revanche, l’on constate parfois quelques « étrangetés ». Par exemple, au Mexique, curenderos, herboristes et brujos faisaient couramment usage de cette plante non seulement comme emménagogue mais aussi comme abortif. D’ailleurs, « les descendantes espagnoles et mexicaines du Nouveau-Mexique ont utilisé cette plante comme tel pour leurs règles au cas où une grossesse aurait été suspectée » car « l’absence de règles chez une femme doit être traitée comme une maladie car on pense que les règles sont l’élimination du mauvais sang »1, conception ethno-médicale qui n’a, on s’en doute bien, aucun rapport avec la réalité. De même peut-on s’interroger quant à la relation de cette plante avec l’ambroisie divine et du choix qui a présidé à cette décision. Qu’est-ce que l’ambroisie des dieux ? « Aliment d’immortalité [NdA : de ambrósios, « immortel »], elle est, avec le nectar, un privilège de l’Olympe. Dieux, déesses et héros s’en nourrissent, ils vont jusqu’à en offrir à leurs chevaux. Ses qualités merveilleuses en font aussi un baume qui panse toute plaie, et appliqué sur le corps des morts protège ceux-ci de la corruption. Mais malheur à l’humain qui goûterait à l’ambroisie sans y être invité : il risque le châtiment de Tantale », c’est-à-dire l’inassouvissement et l’insatisfaction du désir2. « Mais ce nom lui convient-il, le nom de cette essence illustre que les livres antiques mentionnent si souvent ? Voilà ce que beaucoup mettent en doute »3. Cependant, sans être pour autant une panacée capable de garder l’homme de la décrépitude mortelle, l’ambroisine est l’une de ces plantes dont il faut très sérieusement se préoccuper, tant ses capacités médicales sont étendues.

Plante annuelle ou vivace éphémère, l’ambroisine est une plante qui adopte, à la manière du chénopode blanc, une allure plus ou moins changeante, ce qui n’en facilite pas l’identification botanique exacte dans la nature. Ses tiges rameuses, cannelées, anguleuses, striées de traînées rougeâtres, lui permettent d’atteindre une taille variant de 60 cm à 1,2 m. Ses feuilles alternes adoptent une allure lancéolée et amincies à leurs deux extrémités, bordées d’arêtes grossièrement dentelées. Les limbes verts et velus, d’odeur forte, sont ponctués, sur le dessous, de glandes à essence jaune d’or. Quand la floraison est sur le point de se déployer, l’on voit, à l’aisselle des feuilles sommitales, des racèmes réunissant des paquets sessiles de petites fleurs a-pétales, comptant seulement trois à cinq sépales et à peu près le même nombre d’étamines. Elles produisent à l’automne de nombreux petits akènes noirâtres.

L’ambroisine est une plante aux effets allélopathiques puissants sur les plantes environnantes : c’est ainsi qu’elle se fait détester lorsqu’elle s’invite, comme invasive ou adventice, dans les champs de plantes cultivées par l’agriculture intensive.

L’ambroisine en phyto-aromathérapie

L’ambroisine est une plante très parfumée à l’agréable odeur de citronnelle que la phytothérapie utilise surtout sur les affections nerveuses et les pathologies respiratoires. Son odeur est si persistante à vrai dire que les spécimens d’herbier la conservent durant des années. De saveur fraîche et piquante, les feuilles de l’ambroisine dégagent aussi une âcreté résineuse, mélange d’origan et d’estragon, mais de manière plus prononcée encore.

Cette plante contient une essence aromatique qui, si l’on distille ses sommités fleuries, forme une petite quantité (0,35 à 2 %) d’huile essentielle incolore à jaune pâle dont l’odeur est parfois comparée à celle de la sueur du putois (je vous laisse imaginer… ^.^), d’où le surnom anglais de skunk weed attribué à cette plante. Mais la non-commercialisation de cette huile essentielle en France n’en facilite pas l’étude car, de fait, les informations la concernant sont parcellaires et quasiment indisponibles en langue française. Il faut donc s’adresser à l’étranger. Sauf que face à une pléthore de données apparemment contradictoires, l’on peut avoir l’impression de ne plus savoir où donner de la tête, en particulier sur la question de la composition biochimique de cette huile essentielle. Si jamais l’on ne va pas voir plus loin que le bout de son nez, l’on se contente d’écrire que l’on trouve essentiellement un terpène peroxydé dans cette huile essentielle, une molécule antiparasitaire du nom d’ascaridole. On ajoute encore que c’est cela qui lui vaut sa vertu vermifuge (ascaridole tire son nom de l’ascaride ou ascaris, ver parasite de l’intestin grêle) bien qu’elle soit plus marquée encore dans l’huile essentielle d’une variété de l’ambroisine, le chénopode anthelminthique (Dysphania anthelmintica,ex Chenopodium ambrosioides var. anthelminticum) auquel j’accorderai un paragraphe en fin d’article. Au delà de cette évidence banale, il existe une autre réalité. Quand on accoste sur ses rives, l’on est bienheureux d’apprendre qu’il existe, pour cette huile essentielle, au moins sept chémotypes repérés comme tels : α-pinène, α-terpinène, p-cymène, limonène, carvacrol, acétate d’α-terpinyl et enfin ascaridole. Voilà qui permet d’expliquer la discordance entre les chiffres et cette « labilité » aromatique. L’on sait aussi que de toute façon « de nombreux facteurs intrinsèques et extrinsèques, tels que les facteurs environnementaux, affectent le rendement et les composants des huiles essentielles de Dysphania ambrosioides. Les plantes peuvent être stressées en raison de la salinité élevée ou faible, ce qui entraîne un changement du contenu de l’huile essentielle. Selon plusieurs auteurs, la quantité des quatre principaux constituants volatils (α-terpinène, p-cymène, (E)-ascaridole et (Z)-ascaridole) est affectée par les concentrations de sel »4. Concernant les seuls monoterpènes, l’on trouve, pour le p-cymène, des taux variant de 2 à 47 %, et de moins de 1 % à plus de 60 % pour l’α-terpinène. Quand on y trouve beaucoup de monoterpènes, l’ascaridole au contraire s’y fait plus rare, et inversement (10 à 62 %). On trouve même une huile essentielle d’ambroisine dont la molécule principale se trouve être une cétone, la pipérinone (parfois présente à plus de 35 %, dans d’autres lots elle figure de façon anecdotique à moins d’1 %). Tout cela a bien évidemment son importance, qu’on se rappelle les différents chémotypes de Rosmarinus officinalis ou encore de Thymus vulgaris. On n’aurait pas l’idée d’utiliser un thym à thymol en lieu et place d’un thym à géraniol. Eh bien, il en va de même en ce qui concerne l’ambroisine : par exemple, le chémotype riche en α-terpinène est beaucoup moins actif que celui à ascaridole sur certaines souches bactériennes (Escherichia coli, Bacillus cereus, Staphylococcus aureus), etc.

L’ambroisine ne se résume heureusement pas qu’à ses seules huiles essentielles, ce qui nous arrange fort, vu l’impossibilité de s’en procurer sur le territoire national. En revanche, comme l’ambroisine s’est installée partout ou presque, il est possible de la trouver chez soi (j’ai aperçu un pied isolé au printemps non loin de chez moi). Si ce n’est pas le cas, sachez que de sympathiques semenciers en proposent les graines à la vente, ici, par exemple. Cela permet d’envisager un usage phytothérapeutique de cette plante cosmopolite. A condition, bien entendu de savoir un peu ce qu’elle a d’autre dans le ventre qu’une huile essentielle à l’odeur bizarre ^.^ C’est ce à quoi nous allons maintenant nous attacher. Voici donc quelques-uns des corps chimiques les plus évoqués dans la littérature dès qu’il est propos de l’ambroisine : des flavonoïdes (rutine, quercétine, kaempférol, myricétine, chrysine, nicotiflorine, patulétine…) et autres acides phénols, des phytostérols (stigmastérol, β-sitostérol), des acides aminés (leucine), des acides gras (acide stéarique). Elle accueille encore du phytol, précurseur de la vitamine E, des lignanes dont le syringarésinol qu’on trouve aussi dans l’éleuthérocoque et la scutellaire de Virginie, enfin des saponosides triterpéniques et une coumarine, la scopolétine.

Propriétés thérapeutiques

  • Vermifuge très sûre (ankylostome, ascaride, trichuris, schistosome et autres nématodes), insecticide (larve de la mouche domestique, larve de troisième stade et adulte de Culex quinquefasciatus, Aedes aegypti, Prostephanus truncatus, Trogoderma granarium, Sitophilus zeamais, Blattella germanica, Callosobruchus chinensis, C. maculatus, Rhipicephalus lunulatus), insectifuge, molluscicide, cercaricide, antibactérienne à large spectre d’action (Helicobacter pylori, Staphylococcus aureus, Enterococcus faecalis, Pseudomonas aeruginosa, Paenibacillus apiarus, P. thiaminolyticus, Escherichia coli, Salmonella typhimurium), potentialise les effets des antibiotiques et permet d’abaisser la concentration minimale inhibitrice, antifongique (Candida albicans, C. krusei, Aspergillus niger, A. fumigatus, A. flavus, A. glaucus, A. ochraceous, Botryodiplodia theobromae, Fusarium oxysporum, F. semitectum, Sclerotium rolfsii, Macrophomina phaseolina, Cladosporium cladosporioides, Helminthosporium oryzae, Pythium debaryanum, Colletotrichum gloesporioides, C. musae), antivirale, antiprotozoaire (Plasmodium falciparum, Trypanosoma brucei, Leishmania tropicalis, L. amazonensis, L. donovani, Entamoeba histolytica)
  • Immunomodulatrice
  • Antispasmodique des voies respiratoires, expectorante, anti-asthmatique, béchique
  • Cicatrisante
  • Hypotensive
  • Stomachique, carminative, digestive
  • Tonique, stimulante
  • Emménagogue
  • Favorable à la fertilité (chez le rat, mais quand même !5)
  • Favoriserait la mémoire (?), sédative du système nerveux central, anxiolytique
  • Anti-oxydante6
  • Anticancéreuse, cytotoxique, antiproliférative sur un large spectre de cellules cancéreuses
  • Antidiabétique
  • Analgésique, anti-inflammatoire, antinociceptive
  • Antipyrétique, sudorifique
  • Anti-arthritique, stimulante musculo-squelettique, myorelaxante, régénératrice osseuse7, 8

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : parasitose intestinale (ascaride, ankylostome, oxyure, anguillule, petit ténia), diarrhée, dysenterie, colique, dyspepsie, digestion laborieuse et indigestion (suite à une absorption trop importante de nourriture), spasmes gastro-intestinaux, flatulences, typhoïde
  • Troubles de la sphère respiratoire : toux spasmodique, asthme, asthme humide, catarrhe pulmonaire chronique, coqueluche, gêne respiratoire (orthopnée), angine, infection pulmonaire
  • Troubles de la sphère hépatique : diabète, carcinome hépatocellulaire
  • Affections cutanées : dermatophyte, teigne, plaie, plaie douloureuse et de guérison difficile, plaie purulente, ulcère, ecchymose, contusion
  • Affections bucco-dentaires : abcès, stomatite dentaire associée à C. albicans
  • Troubles locomoteurs : arthrose, inflammation synoviale
  • Troubles du système nerveux : insomnie, anxiété, agitation, asthénie nerveuse
  • Troubles de la sphère cardiovasculaire et circulatoire : hypertension, hémorroïdes
  • Troubles de la sphère gynécologique : atonie utérine, aménorrhée atonique, dysménorrhée, douleur menstruelle, cancer du sein
  • Maladies infectieuses : paludisme, leishmaniose, bilharziose, maladie de Chagas, amibiase

Modes d’emploi

  • Infusion des sommités fleuries fraîches ou sèches : comptez 20 à 25 g par litre d’eau en infusion pendant 10 à 12 mn.
  • Décoction de feuilles : trois bonnes poignées en décoction dans un litre d’eau pendant 10 mn. Pour lotion et compresse.
  • Infusion des semences : comptez 8 à 10 g par litre d’eau en infusion durant 10 mn.
  • Poudre de semences : comptez 1 à 4 g par jour, accompagnés d’un purgatif (séné, rhubarbe, cascara…).
  • Suc frais pur ou dilué en application locale.
  • Extrait hydro-alcoolique : dans une part d’alcool à 50° placez une part de la plante fraîche. Laissez en contact durant trois bonnes semaines, à l’issue filtrez, exprimez et embouteillez en bouteilles ambrées.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Récolte : les feuilles se prélèvent de mai à octobre, dans tous les cas avant granification. Le séchage devra être soigneux et la plante sèche préservée de l’humidité
  • Risque de confusion : par le nom, avec l’ansérine (Potentilla anserina), qui est une plante de la famille des Rosacées.
  • L’ambroisine est incompatible avec l’huile de ricin lorsqu’il est question d’utiliser cette plante comme vermifuge. De l’association des deux peut résulter des maux de tête, des vomissements.
  • Faisant l’objet de restriction légale dans plusieurs pays (par exemple, en France, elle n’est pas commercialisée librement), l’ambroisine ne doit pas être employée durant la grossesse et l’allaitement, auprès de l’enfant de moins de trois ans, chez les personnes sujettes à des affections rénales et hépatiques. Au Maroc, des cas d’encéphalites toxiques potentiellement mortelles ont été remarqués chez l’enfant et l’adulte après usage de cette plante.
  • L’huile essentielle de chénopode anthelminthique est interdite à la vente libre en France, placée sous le monopole pharmaceutique comme cela est notifié dans le JO n° 182 du 8 août 2007. Non seulement elle est allergisante (à hautes doses), irritante pour le tube digestif, mais également neurotoxique. Dans les années 1940, Fournier notait déjà que son essence avait « produit une série d’empoisonnements mortels, de sorte que l’on a renoncé à l’employer sous ses formes actuelles »9. Ces « formes actuelles » étaient-elles similaires à celles qui valurent à cette huile d’être classée comme toxique (tableau C), estampillée d’une DL50 d’un gramme par kilo de poids corporel, ce qui est énorme : un adulte de 60 kg devrait en avaler pas moins de six flacons (de 10 ml chacun) avant de passer l’arme à gauche ! Bref, tout ceci permet d’avancer sans trop de risque que cette huile essentielle est déconseillée à la femme enceinte, à l’enfant de moins de quatre ans, en cas d’affections rénales, d’arthritisme et de tuberculose. Sans aller jusqu’à la mise en garde de Fournier, notons néanmoins que l’huile essentielle de chénopode anthelminthique peut amener une dépression cardiaque et respiratoire, des accidents nerveux (ataxie, vertiges), des troubles gastriques (nausée, vomissement), visuels et auriculaires (on a remarqué parfois qu’une surdité totale survenait). L’on a aussi noté que cette huile essentielle était plus toxique chez les personnes à jeun. « Aussi recommande-t-on un régime riche en glucides et pauvre en matières grasses pendant quelques jours avant le traitement, rappelle Valnet. L’organisme devient ainsi plus résistant à la toxicité »10. Bon. Pour finir, mentionnons tout de même en quoi l’huile essentielle de chénopode anthelminthique peut être utile pour l’aromathérapeute chevronné. Cette huile essentielle est une mécanique de précision, une arme lourde, raison pour laquelle les adeptes mous de l’aromathérapie soi-disant « douce » ne l’approchent jamais, préférant la conjurer de loin comme ils savent si bien le faire dès lors que ça devient un tantinet compliqué. Des semences et des feuilles (voire de la plante entière fructifiée sans racines), l’on extrait jusqu’à 1 % d’une huile essentielle dont l’odeur n’est pas, à proprement parler, l’un des plus subtils parfums que peut offrir le monde des arômes ; si l’on pense au jasmin, à la rose, au néroli, au ciste, que sais-je encore ?, on est loin du compte. En fait, elle possède une odeur propre à faire fuir loin d’elle les béni-oui-oui de l’aromathérapie douce et gentille. Si l’huile essentielle d’ambroisine est d’un naturel suave, rappelant certaines lamiacées et agrumes, la très forte proportion de ce peroxyde qu’on nomme ascaridole (50 % en moyenne et jusqu’à 90 %) procure à l’huile essentielle de chénopode anthelminthique une personnalité bien trempée. De plus, l’ascaridole a si peu bon caractère qu’il peut exploser lorsqu’il est soumis à la chaleur. Il s’agit là d’un trait particulier similaire à celui qui affecte le botrys et que rappelle Cazin en ces termes : cette plante est « remarquable par son odeur forte, balsamique, et sa saveur chaude, piquante et un peu amère. Son arôme approche beaucoup celui du ciste ladanifère. Frappés des rayons du soleil, ses feuilles secrètent abondamment le suc balsamique qui les rend visqueuses, brillantes, aromatiques. Il se forme en outre à leur surface de petits cristaux blancs comme le nitre, et qui, comme lui, fusent, s’enflamment et détonnent sur les charbons ardents »11.
  • Au Mexique, cette plante est aussi un condiment qu’on ajoute aux plats de haricots noirs afin d’en augmenter la digestibilité, mais toujours en petite quantité afin de ne pas conférer trop d’amertume, ce qui ne manquerait pas de se produire si jamais on l’adjoignait en trop grande quantité. On l’emploie comme épice également dans diverses spécialités mexicaines (quesadillas, picadata, enchiladas, tamales), dans les plats à base d’œuf et de pommes de terre, etc.
  • En tant que superaccumulatrice, l’ambroisine s’avère très utile pour extraire des sols pollués des métaux lourds tels que le plomb, le zinc, le cadmium ou encore le manganèse.
  • Autres espèces : Dysphania botrys, D. multifida, D. pumilio, D. schraderiana, etc.

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  1. Source.
  2. Jean Chevalier & Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, p. 29.
  3. Walafrid Strabo, Hortulus, p. 45.
  4. Source.
  5. «  Il est conclu que l’extrait de feuille méthanolique de Dysphania ambrosioides est très efficace dans la suppression réversible de la fertilité masculine » (Source).
  6. « Régulation ou protection des défenses antioxydantes, récupération des espèces réactives de l’oxygène et suppression de leur formation par inhibition enzymatique et chélation des oligo-éléments impliqués dans la génération de radicaux libres » (Source).
  7. « L’extrait hydroalcoolique d’ambroisine a des effets sur le métabolisme osseux en modifiant les protéines et les enzymes du sang et en empêchant la perte osseuse » (Source).
  8. « L’extrait aqueux d’ambroisine a stimulé la néoformation osseuse, présentant une fermeture de la plaie avec du tissu osseux au bout de dix jours » (Source).
  9. Paul-Victor Fournier, Dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France, p. 261.
  10. Jean Valnet, L’aromathérapie, p. 217.
  11. François-Joseph Cazin, Traité pratique et raisonné des plantes médicinales indigènes, p. 189.

© Books of Dante – 2023

La salicaire (Lythrum salicaria)

Avant même l’arrivée de la salicaire en Amérique septentrionale, on employait déjà, par-ci par-là, quelques salicaires locales. La nouvelle arrivée ne fut pas pour autant boudée : bien qu’on trouve trop peu d’écrits qui y font référence, certains tribus, dont les Iroquois (leur territoire s’étendait sur cette zone où la salicaire est devenue aujourd’hui si abondante), dans le registre de la witchcraft medicine, préparaient une décoction de la plante afin de lutter contre les fièvres et les maladies provoquées par l’esprit des morts.

Bonne lecture et beau week-end à toutes et à tous :)

Gilles

Synonymes : salicaire commune, salicaire officinale, salicaire à épis, lysimaque rouge, lysimachie rouge, herbe aux coliques.

L’un des surnoms de la salicaire – lysimaque rouge – est un faux ami puisque la salicaire n’a rien d’une lysimaque, en particulier celle que l’on qualifie de vulgaire (Lysimachia vulgaris). Je ne sais si, en l’occurrence, c’est l’Antiquité qui est confuse ou bien si c’est nous qui sombrons dans un abîme de perplexité face aux écrits des Anciens. Chez Dioscoride par exemple, lysimaque et lythrum (le nom latin de la salicaire) sont synonymes, c’est-à-dire que sous ces deux appellations il range des plantes à fleurs jaunes (la lysimaque) et rougeâtres (la salicaire) douées de propriétés identiques (astringence, entre autres), venant à bout d’affections similaires (crachement de sang, dysenterie, métrorragie, épistaxis), ce qui augmente la difficulté de distinction entre les deux plantes dans les textes antiques. Ajoutons à cela que ces deux espèces élisent domicile dans le même biotope, et le tour est joué. La prégnance de la lysimaque sur la salicaire l’emporte même chez Pline, qui parle de la seconde en lui donnant le nom de la première ! Le naturaliste explique que la salicaire porterait le nom de lysimaque en vertu de celui qui se nommait de même, c’est-à-dire le roi de Thrace et de Macédoine, Lysimaque, au IVe siècle avant J.-C., ce qui peut paraître étrange, ce roi n’ayant pas été médecin… (peut-être en découvrit-il les propriétés, comme on l’explique souvent à propos de l’« invention » des vertus curatives d’une plante). En tout état de cause, la salicaire était vivement recommandée par un homme du nom d’Éristrate de Céos (c’est-à-dire Kéa, une des îles des Cyclades), bel et bien médecin lui, qui officiait au IIIe siècle avant J.-C.

Aujourd’hui, laissons à la lysimaque son royaume et concentrons-nous sur la salicaire, dont l’étymologie nous explique que ce mot – salicaire – provient du latin salix, salicis : « saule ». « Monsieur Tournefort a nommé cette plante Salicaria, saule, parce qu’elle naît ordinairement dans les saulaies ou parmi les saules »1. En effet, la salicaire partage avec le saule au moins deux points communs : la forme lancéolée des feuilles (même si cette ressemblance est plus manifeste chez l’épilobe à épi) et une prédilection pour l’abord des zones humides. En allemand, on retrouve le saule, weide, dans le nom de la plante : blut-weiderich. Blut, c’est le sang. Il semble ici faire référence à la couleur des fleurs de la salicaire qui vont du rose lilas au rouge violacé. Le latin lythrum, emprunté au grec lythron, se traduirait de la manière suivante : « sang mêlé de poussière », un rouge cendré en somme. Mais c’est sans doute l’anglais et ce qu’en dit le docteur Leclerc qui apportent le plus d’eau à notre moulin. Purple loosetrife, tel est son nom anglais, que je traduis ainsi : « la plante pourpre qui fait cesser les troubles, les conflits ». Leclerc parle même de « faire cesser le combat ». La salicaire serait-elle une plante pacifiste ? En tous les cas, durant la Première Guerre mondiale, le docteur Leclerc, alors médecin militaire, employa la salicaire, comme il nous le rapporte dans son Précis de phytothérapie : « J’ai relaté de quelle utilité m’avait été, au début de la retraite de la Marne, la salicaire, recueillie in situ, pour tarir des flux intestinaux rebelles aux drogues contenues dans ma cantine médicale »2. De même, la salicaire fut fort utile aux troupes allemandes empêtrées en Macédoine et décimées par le typhus et la fièvre typhoïde durant le même grand conflit mondial.

J’ai bien conscience que, de l’Antiquité, nous sommes directement passés à l’époque moderne, occultant par là même les longs siècles qui les séparent. Disons brièvement que le Moyen âge a fait de la salicaire l’une des grandes absentes des traités médicaux de ce temps. Nous ne nous y étendrons donc pas. Au XVIe siècle, Matthiole, qui distinguait la salicaire du lysimaque, n’en disait que peu de chose, au contraire de ses traducteurs qui adjoignirent aux textes du médecin toscan des propriétés véridiques propres à la salicaire. Au milieu du XVIIe siècle, on vit Nicholas Culpeper donner quelques indications telles que l’utilité de la salicaire contre les blessures et les affections oculaires (contusion, inflammation), informations reprises par Lémery un peu plus tard qui la prétendait détersive, astringente et rafraîchissante, en cela utile contre les inflammations. Rien de comparable cependant avec l’engouement qu’elle suscita pendant près d’un siècle, de Anton De Haën (1758), célèbre médecin de Vienne qui la tira d’un injuste oubli, à François-Joseph Cazin (1858), tout en passant par Fouquet qui rédigea un mémoire sur la salicaire en 1793. Alors que Desbois de Rochefort témoignait du retour de la salicaire en thérapie sous l’impulsion du Viennois De Haën, en raison du fait qu’il « l’a vu réussir dans des dévoiements très longs et rebelles aux autres remèdes »3, Loiseleur-Deslongchamps, une quinzaine d’années plus tard, semblait frappé d’amnésie, osant même prétendre que l’« on sait peu de choses sur ses propriétés », ajoutant encore que « la salicaire passe pour être détersive, rafraîchissante et astringente. Quelques auteurs l’ont conseillée dans la dysenterie et les hémorragies utérines ; mais elle est aujourd’hui de fort peu d’usage en médecine »4. Cazin, au départ peu convaincu par les propriétés de la salicaire, s’efforça d’en faire lui-même l’expérience. Et force est de constater qu’il modifia l’opinion dans laquelle il tenait cette plante dans la seconde édition de son Traité pratique et raisonné (1858). Plus tard, au début du XXe siècle (années 1920), de nombreuses études démontrèrent de manière irréfutable les propriétés majeures de la salicaire : astringente rapide, hémostatique puissante, antidiarrhéique. Le docteur Leclerc fit donc bien de l’utiliser sur les champs de bataille, la rapprochant, de par sa proximité avec le marais et le cloaque temporaire, des bourbiers remplis d’on ne sait trop quoi, de l’infection qui y pullule parfois, formant une espèce de signature que signale ainsi Thierry Thévenin : « Cette jolie plante […] va justement permettre de résoudre les problèmes sanitaires liés à la consommation d’une eau de mauvaise qualité »5. Il n’est donc pas étonnant de distinguer son élégante silhouette dans les stations de phyto-épuration, ainsi que sur tous ces terrains où cette vivace rustique commune dresse ses denses colonies. La salicaire est très clairement une plante des lieux humides : bordures de ruisseaux, berges d’étangs, prés, tourbières, saussaies, fossés herbeux sont ses terrains d’élection, ainsi que, parfois, des lieux inondés au printemps (mares non pérennes, prés à tendance marécageuse…). C’est préférablement là qu’il faut venir l’admirer, non point sur ces « terrains un peu frais, où elle se multiplie de semences et de rejetons. [Là], « elle n’a plus son onde pure pour s’y mirer, elle regrette l’ombrage des saules, elle languit, elle perd ses fraîches couleurs »6. Alors que, près des eaux naturelles, « la vermeille salicaire semble prendre part à la fête ; elle sourit, elle balance ses beaux épis à côté des saules dont les rameaux se reproduisent dans l’onde doucement agitée »7. Roques, qui appréciait beaucoup la salicaire, la disait très belle, vive et fraîche, brillante et rutilante comme le rubis.

La salicaire se propage au moyen d’un rhizome traçant (dont la phytothérapie ne dit rien), ce qui lui vaut de vivre en amas coloniaires, bien que ce ne soit pas là son unique voie d’acquisition des ressources, puisque la salicaire tire partie « d’un système racinaire adventice flottant librement et des hyphes mycorhiziens arbusculaires qui colonisent les racines souterraines »8. Ses tiges aux quatre angles vifs, rameuses dans leur partie supérieure, portent des feuilles sessiles lancéolées d’une dizaine de centimètres de longueur, cordiformes à la base, couvertes de courts poils fins et doux, opposés ou verticillées par trois. Au sommet des hautes tiges (1,2 à 1,5 m, parfois 2 m, bien que ce soit fort rare), on trouve de juin en septembre, de denses faisceaux de fleurs très nectarifères aux pétales rose violacé, rouge purpurin, plus rarement blanchâtres, comptant douze étamines (six longues et six courtes), lesquelles produisent, après pollinisation, des capsules ovoïdes s’ouvrant par deux valves, ce qui permet aux graines de s’échapper et de se disperser selon un modus operandi tout à fait original : «  Les graines développent à l’humidité un mucilage qui leur permet d’adhérer au corps des oiseaux et de répandre la plante à de grandes distances »9.

On la rencontre de la plaine à la moyenne montagne (jusqu’à 1200-1400 m d’altitude), aussi bien en Europe, en Asie qu’en Amérique du Nord, où elle a été introduite au début du XIXe siècle, tout en n’y devenant envahissante qu’à partir des années 1930, à tel point que dans l’état de New-York, au Québec et en Ontario on parle d’elle sous le sobriquet de « menace pourpre ». Mais elle semble s’inviter tout d’abord (comme c’est souvent le cas avec les plantes dites invasives) dans des lieux où la végétation locale est déjà perturbée, facilitant par là son invasion « qui lui permet de concurrencer d’autres espèces dans des peuplements d’âge mûr »10. Ne pourrait-on pas en tirer partie autrement qu’en la détruisant ? (On a imaginé, pour ce faire, l’introduction d’insectes prédateurs qui consomment cette plante dans son milieu naturel, mais tout cela me rappelle fort ce qu’on a cherché à faire avec les lapins en Australie, célèbre cas d’école qui a tourné au désastre dès lors que l’homme s’en est mêlé. L’homme perturbe les milieux, mais pour les corriger, c’est une tout autre histoire !) Ne peut-on pas s’inspirer des sages paroles de Roques, même si on m’objectera qu’elles ont un peu vieilli : « Cette plante que la nature a semé partout, devrait être accueillie, comme un fort bon remède, par la médecine domestique et populaire. Les médecins qui pratiquent dans les campagnes devraient surtout la préférer au rhatania, au cachou, et autres drogues exotiques. Il faut que la médecine du pauvre ou du villageois soit simple, facile, peu coûteuse, d’autant mieux que c’est fort souvent la meilleure »11.

La salicaire en phytothérapie

Cette plante quasiment inodore possède en revanche une saveur herbacée, mucilagineuse, ainsi qu’une touche astringente acerbe qui trahit la présence d’une quantité variable de tanin dans ses tissus (1,5 à 7 %), dont des ellagitanins (pédunculagine, castalagine, vescalagine, salicarines dimériques A, B et C) et d’autres polyphénols comme l’acide tannique. Par ailleurs, elle contient aussi des anthocyanosides, des phytostérols (daucostérol, β-sitostérol), plusieurs molécules du groupe des flavonoïdes (quercétine) et glucosides de flavones (vitexine, isovitexine, orientine, iso-orientine), quelques acides gras (acide laurique, etc.), acides triterpéniques (acide corosolique), des sucres (rhamnose, arabinose, galactose) et polysaccharides complexes (rhamnogalacturonane, galacturonane, arabinogalactane), enfin quelques traces d’essence et de β-carotène. Signalons également, que la salicaire pourprée, lors de son absorption per os, provoque la formation de métabolites postbiotiques que nous avons déjà rencontrés lorsque nous avons récemment abordé le cas de cette plante qui ressemble beaucoup à la salicaire, l’épilobe à épi : les urolithines.

Si l’on souhaite profiter d’un taux de flavonoïdes dans la plante qui soit le plus important, alors il faut patienter jusqu’au mois d’août pour la cueillir, alors que les taux de tanin et de polyphénols seront à leur maximum en juillet dans les feuilles et seulement en août dans les rameaux. Globalement, on observe une surreprésentation des tanins dans les sommités fleuries, tandis que les flavonoïdes se cantonnent surtout aux feuilles (puis rameaux et enfin sommités fleuries).

Propriétés thérapeutiques

  • Tonique astringente prompte et efficace12
  • Antihémorragique, hémostatique locale puissante
  • Calmante, sédative
  • Antitussive, bronchodilatatrice
  • Hypoglycémiante, antidiabétique
  • Anti-inflammatoire gastro-intestinale, antiseptique intestinale (inhibe le développement d’Escherichia coli et limite son adhésion aux mono-couches de cellules épithéliales intestinales), antidiarrhéique excellente, antidysentérique, module la composition du microbiote sans causer de dysbiose
  • Anti-infectieuse : antibactérienne (Staphylococcus aureus, Helicobacter pylori, Proteus mirabilis, Microccocus luteus), antifongique (Candida albicans, Cladosporium cucumerinum)
  • Cicatrisante, vulnéraire, détersive, adoucissante
  • Rafraîchissante
  • Anti-oxydante, lutte contre le stress oxydatif des tissus cutanés

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : dysenterie chronique et aiguë (y compris d’origine bacillaire et amibienne), diarrhée, diarrhée atonique, diarrhée infectieuse (y compris chez le nourrisson), catarrhe intestinal chronique, entérite hémorragique, entérite des tuberculeux, entérite des nourrissons, gastrite, gastro-entérite, ulcère gastro-duodénal, intoxication alimentaire, turista, irritation des voies digestives, lientérie
  • Troubles de la sphère gynécologique : métrorragie, métrite, inflammation utérine, vaginite, leucorrhée, règles trop abondantes, saignements surgissant entre les règles, prurit vulvaire
  • Affections cutanées : eczéma, intertrigo, autres dermatoses, plaie saignante, blessure, brûlure, ulcère cutané, peau rougie et congestionnée, pores trop dilatés, rides et ridules, bouffissure des paupières
  • Troubles de la sphère circulatoire : hématurie, épistaxis, hémoptysie, hémorroïdes et autres hémorragies, ulcère de jambe (ulcère variqueux), varice, insuffisance veineuse
  • Affections bucco-dentaires : gingivite, parodontose, soin des gencives saignantes et douloureuses
  • Fièvre
  • Maux de gorge, toux
  • Renforcer l’éclat des cheveux blonds

Modes d’emploi

  • Infusion de sommités fleuries : comptez 20 à 40 g par litre d’eau en infusion pendant 20 mn.
  • Décoction de sommités fleuries : comptez deux belles poignées de sommités fleuries en décoction pendant 2 à 5 mn. On peut laisser infuser hors du feu pendant 10 à 30 mn supplémentaires. Pour lavage, injection vaginale et compresse, on peut pousser la quantité de salicaire à 50-60 g par litre d’eau. La décoction concentrée se prépare avec 60 g de salicaire sèche par litre d’eau ou 160 g à l’état frais. Cette préparation convient mieux au traitement des diarrhées et autres flux intestinaux dont l’ancienneté ajoute au caractère rebelle
  • Poudre : 3 à 5 g par jour (par doses unitaires d’un gramme), mêlés à un véhicule adapté comme un peu de miel par exemple.
  • Macération vineuse : placez 50 g de salicaire fraîche en macération dans un litre de vin rouge pour huit jours. On peut accélérer le processus en remplaçant par du vin bouillant : en ce cas, la macération vineuse n’occupera pas plus de 24 heures.
  • Teinture alcoolique : 20 gouttes à quatre ou cinq moments dans la journée.
  • Sirop : placez 250 g de sommités fleuries de salicaire fraîche en contact avec un litre d’eau bouillante pendant une journée. Filtrez soigneusement, exprimez énergiquement et mêlez à l’infusion un litre de sirop obtenu à partir d’un litre d’eau et d’1 kg de sucre. Faites réduire jusqu’à ce que le mélange atteigne une consistance sirupeuse.
  • Suc frais appliqué localement.
  • Cataplasme de feuilles hachées.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Les longues sommités fleuries de la salicaire se récoltent dès les mois de juin et de juillet, et jusqu’en septembre, par temps sec, au tout début de l’épanouissement des fleurs. Suspendue par bouquets lâches d’une dizaine de tiges, la salicaire, qui possède peu d’eau de végétation, ne pose pas de problème lors de la dessiccation et, une fois sèche, elle se conserve pendant des années sans perdre de ses vertus.
  • Une fois cuites, les jeunes pousses de salicaire sont comestibles. Il en va de même des feuilles récentes, ainsi que de la moelle abritée par les tiges angulaires de la salicaire. En ajoutant les pousses fraîches à la bière, de même que les feuilles, cela lui assure un meilleur parfum. Les feuilles seules, mises à fermenter comme celles d’épilobe, forment une sorte de thé dont on se servait autrefois dans quelques pays d’Europe du Nord et d’Asie orientale (Kamtchatka).
  • La salicaire peut entrer en interaction avec un antibiotique à large spectre, la norfloxacine, pour laquelle Thierry Thévenin nous explique que la salicaire « est une plante dépolluante qui permet la phytoremédiation des sols pollués par cette molécule »13. Ce n’est d’ailleurs pas la seule substance chimique contre laquelle la salicaire opère une action positive puisque outre les produits pharmaceutiques comme cet antibiotique, la salicaire s’attaque à d’autres micro-polluants comme les fongicides, les pesticides, les herbicides (atrazine), l’azote et le phosphore en excès, etc. Enfin, très tolérante aux métaux lourds, elle permet aussi leur bio-accumulation (cadmium, plomb, cuivre, zinc, bore).
  • Autres espèces : la salicaire à feuilles d’hysope ou petite salicaire (Lythrum hyssopifolia, plante potentiellement toxique pour les ovins qui la consommeraient : atteintes rénales et hépatiques), la salicaire ailée (Lythrum alatum), la salicaire fuselée (Lythrum virgatum), la salicaire californienne (Lythrum californica), la salicaire japonaise (Lythrum anceps).

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  1. Nicolas Lémery, Dictionnaire universel des drogues simples, p. 768.
  2. Henri Leclerc, Précis de phytothérapie, pp. 120-121.
  3. Louis Desbois de Rochefort, Cours élémentaire de matière médicale, Tome 2, p. 54.
  4. Jean-Louis-Auguste Loiseleur-Deslongchamps, Manuel des plantes indigènes, Tome 1, pp. 144-145.
  5. Thierry Thévenin, Les plantes sauvages. Connaître, cueillir et utiliser, p. 249.
  6. Joseph Roques, Nouveau traité des plantes usuelles, Tome 1, p. 480.
  7. Joseph Roques, Phytographie médicale, Tome 2, p. 291.
  8. Source.
  9. Paul-Victor Fournier, Dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France, p. 854.
  10. Source.
  11. Joseph Roques, Nouveau traité des plantes usuelles, Tome 1, p. 483.
  12. Les astringents sont des « agents qui possèdent une forte astringence sans ou avec un peu d’amertume. Ils contractent et rendent plus dense la fibre musculaire, diminuent le calibre des vaisseaux sanguins et exhalants, d’où leur emploi comme styptiques dans les hémorragies, et leur nom, dans ce cas, d’hémostatiques ; ils diminuent aussi la sécrétion et l’exhalation des membranes sécrétantes. Dans la bouche, dont ils semblent diminuer la cavité, ils ont une saveur styptique. Ils sont souvent employés à combattre la relaxation » (François Dorvault, L’officine, p. 225).
  13. Source.

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Le chénopode blanc (Chenopodium album)

Difficile de croire que cette insupportable mauvaise herbe est un cousin du célèbre quinoa, n’est-ce pas ? Si l’on retire de son jugement l’« insupportable mauvaise herbe », il nous reste une plante fort sympathique capable de fournir beaucoup plus qu’on ne le pense, tant d’un point de vue alimentaire que médical (si, si).

Beau week-end à toutes et à tous :)

Gilles

Synonymes : blé blanc, ansérine sauvage, ansérine blanche, ansérine farineuse, chou farineux, chou gras, poule grasse, grasseline, drageline, porcelet, herbe à cochon (le pigweed anglais), senousse, herbe au vendangeur, etc.

La présence du chénopode de façon fréquente sur les sites préhistoriques post-glaciaires a eu pour conséquence d’élargir le territoire de cette espèce en même temps que l’homme tendait à se sédentariser (au point qu’on pense qu’il aurait pu être domestiqué au Néolithique). Ceci explique sans doute pourquoi ses usages sont attestés en bien des points du globe. Par exemple, dans l’Himalaya (état du Sikkim, au nord de l’Inde), le chénopode blanc demeure une plante ethno-vétérinaire et alimentaire de premier ordre. Dans bien des textes anciens du sous-continent indien (Atharva-Véda, Charaka Samhita, Sushruta Samhita, etc.), l’on trouve des références au sujet du bathua, un terme hindi par lequel on appelle cette plante en Inde, mais qui ne la désigne pas nécessairement dans ces textes (si ce n’est elle, c’est donc sa sœur). En tous les cas, ces documents (pour certains d’entre eux médicaux) nous apprennent que le chénopode est rafraîchissant et sédatif des douleurs hémorroïdaires. Plus près de nous dans le temps et l’espace, il existe, en Italie (Piémont), la pratique des « soupes aux herbes » qui ne sont pas s’en rappeler ce que l’on prépare en bordure de la mer Noire, en Géorgie plus particulièrement : « Les plats de fines herbes pkhali étaient préparés avec de la mauve sauvage (Malva sylvestris), de l’ortie (Urtica urens), du chénopode (Chenopodium album), de la vipérine (Lycopsis orientalis), de la ciboulette (Allium ursinum), du pourpier (Portulaca oleracea), de l’oseille (Rumex) et d’autres plantes. Elles étaient cuites, hachées finement et assaisonnées avec des noix concassées, de l’ail, des légumes verts ou des oignons mijotés dans un peu de graisse. Toutes ces plantes sont riches en vitamines et peuvent guérir diverses maladies »1. Il n’est pas seulement question d’aliment. On constate bien que la relation de l’aliment au domaine connexe de la santé est évident. Comment aurait-il pu en être autrement, au travers d’un usage au long cours ? Apprendre empiriquement l’usage des plantes alimentaires fait rejeter celles qui ne sont pas adaptées à cette fonction. Mais, à force d’usages répétés et continués, ne s’aperçoit-on pas que telle plante fait jaillir plus abondamment les urines, que telle autre, au contraire, restreint les flux de ventre, etc. ? Or, « plus l’homme s’est éloigné de la Nature, plus son savoir-faire et l’usage des plantes locales ont disparu […]. Le chénopode blanc […] est aujourd’hui considéré comme une mauvaise herbe, qu’il s’agit d’exterminer. En raison de ce point de vue simpliste, on en vient à oublier que cette herbe médicinale était auparavant utilisée contre les affections rénales et biliaires, ainsi que contre certaines maladies pulmonaires »2. C’est pourquoi le chénopode blanc fit partie avec le chénopode bon-henri, l’arroche, la grande consoude, l’amarante, l’ortie, la podagraire, etc., d’un groupe de plantes herbacées comestibles et couramment cultivées dans les jardins avant l’irruption de l’épinard. Facilement disponible, le chénopode trouve aussi le moyen d’être peu onéreux, simple à préparer et pourvoyeur de nombreux nutriments constituant des apports non négligeables en vitamines, sels minéraux, fibres, protéines (acides aminés), acides gras, etc. Tout pour lui assurer le succès, en somme ! Mais « dans le monde entier, plusieurs légumes locaux et sauvages sont sous-exploités en raison d’informations scientifiques insuffisantes sur la connaissance de leurs potentiels nutritionnels »3. Bien d’autres articles scientifiques récents rendent compte de la valeur alimentaire sous-estimée du chénopode. Un article datant de 2021, après étude de cinq plantes dont le chénopode blanc, posait la question de la pertinence d’intégrer ces plantes au sein des habituels végétaux comestibles, les considérant « comme ingrédients alimentaires sains avec des saveurs attrayantes pour l’industrie de la cuisine gastronomique »4. D’autres résultats un peu plus anciens « suggèrent que cette mauvaise herbe comestible […] devrait être considérée comme un aliment nutraceutique et une source alternative pour les nutriments et les composés permettant de balayer les radicaux libres, particulièrement lorsqu’il est recueilli dans des champs cultivés qui semblent accroître certains de ses avantages »5. Outre la dernière remarque qui ne manque pas de sel, retenons ces deux mots, gastronomique et nutraceutique, associés au seul et même humble chénopode blanc. Imaginez-vous seulement ? Alors que l’on revient, tant bien que mal, depuis quelques années, auprès de certaines plantes sauvages pour en goûter les évidentes qualités alimentaires, gustatives et culinaires, il est bien loin le temps de Loiseleur-Deslongchamps qui parlait de l’arroche, du botrys, de la bette, de l’épinard, mais du chénopode point. Lui n’en disait rien, au contraire de Joseph Roques qui, au chapitre des Chénopodiacées, lui accordait au moins une demi page et en signalait quand même la valeur alimentaire dans les bouillons et les potages. Cette absence, cette cécité, m’ont souvent donné l’impression que le chénopode, n’existant pas par chez nous, venait donc d’ailleurs. Mais rien n’est plus faux. Si c’est une adventice très fréquente des cultures, il n’est en rien une espèce invasive. On le sait bien, puisqu’il a migré récemment avec l’homme jusqu’au Nouveau Monde, passant d’un continent où on le méprisa longtemps à un autre où il fut grandement apprécié des Amérindiens et abondamment relayé par la littérature ethnobotanique relative aux tribus d’Amérique du Nord (Mendocino, Montana, Navajo, Hopi, Ojibwa, Miwok, Mohegan, Meskwak, Apache, Cherokee, Cree, Dakota, Lakota, Iroquois, Luiseno, Diegueno, Kawaiisu…). Dans son autobiographie Soleil Hopi, Don Chuka Talayesva (1890-1985) mentionne à plusieurs reprises la récolte des épinards sauvages. Peut-être s’agit-il d’une espèce de chénopode. En tous les cas, l’ethnobotanique amérindienne a bel et bien repéré Chenopodium album comme étant une plante très largement usitée pour ses jeunes feuilles fraîches et ses tendres rameaux, agréable substitution aux épinards et autres verdures habituelles. C’est un aliment que l’on cuit à l’eau, en bouillon avec ou sans viande, en friture, que l’on consomme aussi tel quel en salade, dont on fait une sorte de condiment en broyant ses feuilles en compagnie de feuilles de moutarde et d’ipomée, que l’on sèche et/ou congèle même pour plus tard. Si ce sont les feuilles qui attisent toute la convoitise des Amérindiens, on fait parfois référence aux graines du chénopode qui, une fois moulues, peuvent former une farine apte à façonner une sorte de pain. Mais le chénopode ne servit pas seulement à assurer la provende des tribus amérindiennes, puisqu’il intéressa aussi le médecin qui en utilisait essentiellement les parties aériennes, plus rarement les racines, que l’on infusait, décoctait, transformait en baume et cataplasme. Consommé prophylactiquement, le chénopode était aussi un remède assuré comme médicament du sang, pour soulager les membres douloureux, les maux d’estomac dont la diarrhée, les affections cutanées telles que les brûlures, enfin les irritations des voies urinaires. Mais il ne suffit pas que quelques-uns nous montrent le soleil pour qu’on y voit un peu plus clair : le chénopode a également pâti d’une sous-estimation de sa valeur thérapeutique (en Occident du moins). Ce que ne manquent pas de soulever de récentes études : « Une sensibilisation accentuée dans la société et, par conséquent, une utilisation accrue de cette plante peut contribuer à prévenir non seulement les maladies de carence et les troubles musculaires liés à la dégénérescence associée à l’âge, mais aussi à protéger contre les maladies dégénératives chroniques, comme le cancer et les maladies cardiovasculaires »6. Ainsi a-t-on changé son fusil d’épaule et considéré les choses différemment, en particulier lorsqu’on s’est aperçu que le chénopode était une plante riche de ces substances que l’on appelle les acides phénoliques. Alors, ces derniers « ont reçu une attention particulière au cours des trois dernières décennies en raison de leur rôle putatif dans la prévention de plusieurs maladies humaines exerçant une variété d’actions biologiques telles que le balayage des radicaux libres, la chélation des métaux, la modulation de l’activité des enzymes, l’athérosclérose, les activités anti-mutagènes et anticancéreuses »7.

Le chénopode blanc est une plante annuelle, voire une vivace à vie courte, atteignant généralement un mètre de hauteur, mais parfois bien davantage (presque le double : les spécimens bien nourris qui forcissent jusqu’à deux mètres ne sont pas rares). Sa tige anguleuse et très ramifiée, portée par une souche noueuse qui s’épaissit et rougit parfois avec le temps, porte pléthore de feuilles dont les formes très variables – ovoïdes, cunéiformes, sagittées, rhomboïdales –, irrégulièrement dentées, de tailles diverses, etc., font qu’elles adoptent un caractère impropre à une bonne identification de la plante tant elles sont hétéromorphes. On s’est inspiré de l’empreinte de la patte d’une oie pour attribuer son nom à la plante : en effet, cette empreinte ressemble plus ou moins à la forme de la feuille du chénopode (de khên, « oie » et pous, « pied »), ce qui nous fait une belle jambe si l’on ignore à quoi s’apparente la patte d’une oie ^.^ Cependant, quelle que soit la morphologie foliaire, des invariants demeurent : une couleur vert terne cendré, un aspect farineux/poussiéreux lié à ce que l’on pense être de la pruine, mais qui n’est dû, en réalité, qu’à la présence de minuscules cristaux de silice blanchâtres qui tapissent la surface du limbe. Remarquons que ce sont les feuilles les plus jeunes, celles situées tout en haut des rameaux, qui exposent cette couleur blanche très caractéristique. Puis, vieillissant, elles perdent ce caractère farineux. Afin de ne pas déroger à cette impression d’ensemble, les fleurs arborent, elles aussi, un coloris vert blanchâtre, voire exceptionnellement légèrement rougeâtre. Petites (2 à 3 mm), ces fleurs assez anodines apparaissent de juin à octobre, fleurissant en épis terminaux assez denses, donnant naissance à de petits fruits, akènes noirs et luisants, ovoïdes et comprimés, réunis en grappe courtes et ramassées. Très prolifique, chaque pied peut produire jusqu’à 100 000 graines qui permettent au chénopode, dont la germination est rapide, plusieurs générations successives dans la même année, ce qui peut donner la sensation qu’il est toujours présent, impression renforcée par la personnalité rudérale de cette plante compagne qui vit préférablement dans le voisinage de l’homme et de ses activités, aussi bien sur des lieux incultes (friches, décombres, terrains vagues, talus) que cultivés (vergers, jardins, cultures céréalières et légumières), en bordure de route et jusqu’en ville même où il se fait de plus en plus fréquent. Partout, cette plante anthropophile tire partie des sols intensivement travaillés et remués, abondamment enrichis par des apports d’azote et de cendres, comme sait parfaitement les fabriquer l’agriculture intensive moderne. C’est bien connu, une plante s’installe de préférence sur un sol qui lui fournit des conditions optimales de germination et de développement. Or, ce sont justement les champs dont on cherche à l’évincer, sur lesquels le chénopode se plaît le mieux, l’agriculteur moderne, créant sans qu’il le sache, les critères favorables à sa bonne installation ! Il a cru, sans doute naïvement, qu’il allait pouvoir en venir à bout, en aspergeant les cultures colonisées par divers herbicides dont on observe aujourd’hui la résistance (désherbants organochlorés, atrazine, imazéthapyr, dicamba, etc.). D’autres moyens de lutte ont été mis en œuvre afin de briser la dormance de ses graines (ultrasons, etc.) et d’inhiber son développement une fois effective la germination (extraits de noyer, de luzerne, de thym capité, de sarriette, etc.). Mais peu y a fait, le chénopode demeurant toujours l’une des plantes cosmopolites les plus fréquentes, d’autant qu’il s’adapte à bien des influences édaphoclimatiques. Par exemple, si sa germination est optimale à une température de 25° C, le chénopode, une fois bien développé, peut faire face à un large éventail de températures (de 5 à 45° C). De plus, différentes tolérances (aux sels comme le sodium et le potassium, aux stress comme de faibles précipitations, de l’air froid, un excès d’ensoleillement, l’altitude, etc.), alliées à une capacité élevée de reproduction au sein d’une large fourchette de conditions environnementales, font du chénopode une plante pionnière qui possède une très grande facilité d’absorption des nutriments du sol, aux dépens d’autres plantes indigènes ou cultivées (soja, maïs, betterave sucrière), auprès desquelles le chénopode pratique l’allélopathie. Ajoutez à cela une persistance augmentée des semences dans un sol au pH compris entre 6 et 8, et vous aurez réunis quelques-unes des principales raisons qui assurent le succès du chénopode.

Il est curieux de voir une « bête » plante verte venir mettre un peu d’ordre dans des champs remplis de ces plantes domestiques, abondantes pourvoyeuses de ces glucides malveillants, glucose entre autres, alors que, sur un autre versant, elle s’avère jouer une importante fonction antidiabétique. Ainsi, le chénopode lutte contre une maladie que déclenche la consommation excessive de plantes que l’on cherche à tout prix à protéger de lui. N’est-ce point fabuleux ? ^.^ De plus, le chénopode pourrait être bénéfique face à la toxicité induite par un environnement délétère comme sait l’être l’agriculture « conventionnelle » de plus en plus industrialisée. C’est ainsi qu’il remédie à la présence de césium, d’antimoine et de cadmium dans les sols en extrayant grâce à ses racines ces métaux lourds. De plus, de par la nature farineuse et pelucheuse de ses feuilles, le chénopode capte une partie des particules fines atmosphériques. Cette plante nous montre donc bien la voie de la résilience et de la résistance.

Le chénopode blanc en phytothérapie

Plante sans odeur, hormis, peut-être, une senteur de verdure plus ou moins marquée qui monte aux narines surtout lorsque la plante est broyée, le chénopode distille cependant un goût assez remarquable que d’aucuns prétendent un tantinet épicé et d’autres semblable à celui de la noisette. Sa douceur lui vient de ce que ses feuilles contiennent jusqu’à 7 % de sucres. Au côté de ces glucides, on constate la présence d’une belle part protéinée (pour une feuille), le chénopode compilant l’intégralité des acides aminés essentiels ainsi que quelques autres (lysine, leucine, isoleucine, arginine, histidine, valine, glycine, sérine, tyrosine, alanine, méthionine, thréonine…). Au registre des éléments nutritionnels, remarquons l’extrême richesse de cette plante en vitamines : provitamine A (β-carotène), vitamines du groupe B (B1, B2, B3), vitamine C (245 mg aux 100 g de feuilles fraîches, soit huit fois plus que le citron toutes proportions gardées !). Bien pourvu en sels minéraux et oligo-éléments (calcium, potassium, silice, magnésium, fer, phosphore, zinc, sélénium, cuivre…), le chénopode affiche encore un certain nombre de corps chimiques comme les flavonoïdes (rutine, kaempférol, quercétine, isorhamnétine), les acides phénols (acide p-coumarique, acide férulique), les acides hydroxybenzoïques (acide syringique, acide benzoïque, acide vanillique), des acides phényle-propanoïques (acide cinnamique), des tanins (acide gallique), des polyphénols (acide protocatéchique), enfin des acides organiques dont le très fréquent acide caféique. Mais surtout, le chénopode se distingue, tout comme l’épinard et l’oseille, par de l’acide oxalique dont la toxicité ne se démontre plus, et, de même que son cousin le thé du Mexique, par la présence d’une essence aromatique contenant une molécule dont nous reparlerons plus tard, l’ascaridole, un monoterpénoïde bicyclique présent à hauteur de 15 % dans l’huile essentielle que l’on retire de la distillation des sommités feuillées du chénopode. Huile essentielle au rendement faible (0,65 %), elle se compose encore de monoterpènes (p-cymène 41 %, α-pinène 7 %, β-pinène 6 %) et de monoterpénols (α-terpinéol 6 %, pinane-2-ol 10 %).

Propriétés thérapeutiques

  • Diurétique, lithontriptique (lutte contre la cristallisation, la nucléation et l’agrégation des cristaux), dépuratif sanguin
  • Anti-infectieux : antifongique, antibactérien
  • Anti-oxydant, réduit le stress oxydatif
  • Laxatif doux, activateur du péristaltisme intestinal, anthelminthique, digestif, carminatif
  • Hépatoprotecteur, antidiabétique
  • Anticancéreux, antiprolifératif
  • Antitussif
  • Anti-hémorroïdaire
  • Sédatif, spasmolytique
  • Rafraîchissant, anti-inflammatoire, antiprurigineux, antinociceptif
  • Antirhumatismal, anti-arthritique
  • Cicatrisant, régénérateur des tissus
  • Spermicide, supprime le cycle œstral
  • Odontalgique

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère respiratoire : bronchite, asthme, adjuvant dans la tuberculose, cancer du poumon, toux, pharyngite
  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : diarrhée, dysenterie, dyspepsie, ulcère gastrique et intestinal, vers intestinaux (vers ronds, ankylostome), flatulences
  • Troubles de la sphère vésico-rénale : calcul rénal, strangurie
  • Troubles de la sphère hépatobiliaire : diabète
  • Affections cutanées : plaie, plaie saignante, brûlure, coup de soleil, piqûre d’insecte, prurit et irritation cutanée
  • Troubles locomoteurs : douleur rhumatismale et articulaire, arthrite, rhumatisme, spasme et douleur musculaire, douleur goutteuse
  • Faiblesse générale
  • Chute capillaire causée par la séborrhée (?)

Modes d’emploi

  • Infusion de feuilles fraîches : comptez 20 g de feuilles par litre d’eau en infusion à couvert pendant 10 mn.
  • Cataplasme de feuilles fraîches contuses ou bouillies durant quelques minutes en application locale
  • Feuilles fraîches en nature dans l’alimentation (comme nous l’avons déjà vu, on peut leur faire subir plusieurs types de préparation : cuisson à la vapeur, à l’eau, friture, etc.).
  • Suc frais : en application locale et geste d’urgence sur petite écorchure, griffure, piqûre d’insecte, etc.
  • Poudre de feuilles : il est possible de la mêler soigneusement à un corps gras (huile vierge de coco) et de l’absorber à la cuillère.
  • Extrait hydro-alcoolique : dans cinq parties de rhum à 50°, placez une part de feuilles fraîches hachées de chénopode, et maintenez en contact pendant deux à trois semaines. A l’issue, passez, filtrez, exprimez et embouteillez en petites bouteilles ambrées.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Récolte : les jeunes feuilles se cueillent de mai à octobre et se destinent à un emploi immédiat. D’aucuns avancent que le chénopode, ne souffrant pas la dessiccation, ce qui le rendrait à peu près inopérant, n’est pas apte à être séché pour être consommé plus tardivement. Il est vrai que la recommandation de cueillir les plus jeunes feuilles ne s’appuie pas sur du vent : la teneur en éléments nutritifs baisse plus la plante avance en âge.
  • Alimentation : l’on envisage davantage la consommation des feuilles que des graines dès lors qu’il est question du chénopode blanc, d’autant que ces dernières sont moins protéinées que les feuilles. Mais les semences de cette plante n’en restent pas moins comestibles à l’instar d’un autre chénopode reconnu pour la qualité alimentaire de ses graines et devenu célèbre en l’espace de quelques décennies : le quinoa (Chenopodium quinoa). Les usages culinaires du chénopode sont variés : composition de soupes, tartes et tourtes aux herbes, pâtés végétaux, légume vert succédané de l’épinard (ceux qui n’apprécient pas la plante de Popeye risquent d’être bien étonnés par le chénopode cuit, assez fort en gueule, contrairement à la coutumière fadeur de l’épinard).
  • Une utilisation du chénopode, qu’elle soit alimentaire ou médicinale, n’est pas sans poser problème. Par exemple, ses graines, insuffisamment mûries et consommées régulièrement et/ou à fortes doses, peuvent provoquer diarrhée et vomissement, et les feuilles des troubles visuels comme l’héméralopie, c’est-à-dire une vision devenant plus difficile lorsque décroît la luminosité. Par ailleurs, l’acide oxalique (présent à hauteur de 0,35 à 2 g aux 100 g de feuilles) exige une modération de la consommation du chénopode, vue la nocivité de cette substance sur le système rénal. C’est pourquoi rhumatisants et arthritiques se passeront de chénopode, qui se verra également interdit en cas de pathologies hépatiques. On peut cependant obvier à ce problème en blanchissant la plante avant sa consommation (Thierry Thévenin préconise de cuire le chénopode à deux eaux, ce qui, selon lui, est satisfaisant pour l’amender de la plus grande part de ses oxalates). Le chénopode contient aussi un peu d’acide phytique qui réduit l’absorption organique de minéraux comme le fer, le magnésium et le calcium.
  • Le chénopode est une plante potentiellement allergique par son pollen qui contient au moins trois allergènes identifiés.
  • Décrite comme phototoxique, cette plante est susceptible de provoquer une réaction cutanée allergique après consommation et exposition au soleil. Œdème, érythème et nécrose du visage et des mains peuvent survenir.
  • Autres espèces : le chénopode bon-henri (Chenopodium bonus-henricus) est une plante émolliente, laxative et vermifuge ; le chénopode des jardins (Atriplex hortensis) porte également le nom d’arroche, déjà traitée ici ; le botrys (Chenopodium botrys) est une espèce expectorante, stomachique, diurétique et carminative, s’apparentant à la menthe-coq de par ses propriétés ; le chénopode à balai ou belvédère (Kochia scoparia) est probablement vermifuge ; le chénopode fétide (Chenopodium vulvaria) possède une insoutenable odeur de poisson pourri qui l’a fait abandonner par la thérapeutique (on lui accorde néanmoins des propriétés antispasmodiques et insecticides) ; le chénopode hybride (Chenopodium hybridum), plante annuelle pas aussi fétide que la précédente, mais quand même un peu ; le dysphania (Chenopodium rhadinostachyum), une plante alimentaire originaire d’Australie ; l’ambroisine à forte odeur de citronnelle (Dysphania ambrosioides) à laquelle nous réserverons un article spécifique compte tenu des nombreuses choses qu’il y a à en dire. Enfin, à tout cela ajoutons : Chenopodium murale, C. rubrum, C. urbicum, C. opulifolium, C. viride, etc.

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  1. Nunu Mindadze & Nino Chirgadze, Les traditions populaires médicales en Géorgie, p. 20.
  2. Ute Künkele & Till R. Lohmeyer, Plantes médicinales, p. 125.
  3. Source.
  4. Source.
  5. Source.
  6. Ibidem.
  7. Ibidem.

© Books of Dante – 2023

Le kéfir

Aujourd’hui, nous quittons le monde des plantes pour nous pencher sur un très intéressant produit promoteur de la santé : le kéfir. Bien qu’il se décline aussi bien sous une version aqueuse que laitière, nous privilégierons essentiellement la première de ces deux boissons, plus courante par chez nous et plus aisée à réaliser que la seconde.

Bref, nous répondrons à diverses questions comme, par exemple, celles-ci : qu’est-ce que le kéfir ? Comment fabriquer la boisson qu’on appelle kéfir d’eau ? A quoi sert d’en consommer de façon régulière ? Est-ce que le kéfir possède des propriétés thérapeutiques établies ou bien n’est-ce qu’un produit à la mode comme un autre ? Etc.

Un joli week-end à toutes et à tous :)

Gilles

Kéfir d’eau : les grains s’accumulent au bas de la bouteille. Le liquide est un peu translucide, peu coloré sans doute parce que c’est du sucre blanc qui a été utilisé.


Synonymes : képhir, képhir d’eau, képhir sucré, cristaux de képhir sucré, grains sucrés de képhir, cristaux japonais, abeille de Californie, tibi, tibicos, etc.

Sans le mécanisme de la fermentation, l’alimentation humaine – depuis au moins l’époque où l’homme s’est sédentarisé – aurait été dénuée d’un certain charme, la fermentation étant capable – procédé quasi magique – de modifier l’état et la nature d’une substance pour la transformer en une autre. Il est fort probable aussi que la sédentarisation, et tout d’abord le nomadisme modéré, aient été l’occasion de voir, en certaines circonstances, ce type de miracle se produire. Sans fermentation, bien des produits usuels et quotidiens nous seraient parfaitement étrangers, en particulier les plus connus de nous comme le vin, la bière, le vinaigre, le pain, le fromage ou encore la choucroute. Mais, dès lors qu’on s’aventure en dehors d’une aire culturelle donnée, l’on prend conscience de l’extrême prodigalité que les produits fermentés sont susceptibles d’offrir de par le monde, de l’Europe à l’Extrême-Orient, tout en passant par l’Amérique. Procédons à un petit tour d’horizon afin de rendre compte un peu de cette richesse. On fait fermenter divers ingrédients comme le lait (de vache, chèvre, brebis, jument ou encore chamelle), des céréales ou des produits transformés qui en sont issus, des fruits, du soja, du thé, etc. Ainsi, l’Asie orientale s’est-elle dotée du miso, du tempeh et du kombucha. En Asie centrale, de l’Oural à la Mongolie, l’on fabrique le koumys, qui ressemble beaucoup au kéfir de lait et, plus près de nous géographiquement, d’autres fermentations lactées comme le très célèbre yogourt et le plus méconnu ayran (Balkans, Asie mineuse, Moyen-Orient). En Europe Centrale et de l’Est, ainsi que dans la péninsule balkanique, l’on fabrique le boza et, plus à l’est encore, en Russie, le kvas. Enfin, au Mexique, on fait fermenter de l’ananas dans de l’eau sucrée afin d’en retirer un produit fermenté connu sous le nom de tepache.

Qu’en est-il maintenant du kéfir ? Originellement issu de la fermentation du lait, il aurait pris naissance dans les zones montagneuses du Caucase. Le mot même de kéfir (du russe кефир, issu du turc köpür) véhicule l’idée de lait fermenté à l’aide d’un « champignon ». Consommé depuis des siècles (et peut-être même des millénaires), le kéfir résulte de la fermentation du lait excédentaire, ce qui est un excellent moyen de conservation datant probablement des débuts de la consommation du lait par l’homme il y a environ 8000 ans. Dans le Caucase, on emplissait de lait des outres cousues dans des peaux de chèvres, que l’on suspendait à la belle saison à l’extérieur des habitations. Ainsi, tout hôte de passage pouvait secouer l’outre, participant à l’élaboration du képhir que l’on retirait au fur et à mesure de sa fabrication, le remplaçant par du lait cru afin de perpétuer le cycle. Une fois franchies les limites de son territoire caucasien originel, le képhir se répandit à toute la Russie, en particulier celle des steppes peuplées de tribus nomades comme les Tartares ou des peuplades de Sibérie occidentale. L’apparition du kéfir en Europe occidentale est beaucoup plus tardive, puisqu’elle ne date guère que de la seconde moitié du XIXe siècle. De nombreux médecins allemands, français, britanniques, autrichiens, etc., œuvrèrent pour la reconnaissance du képhir en milieu hospitalier et firent de cette substance un médicament à part entière. En France, c’est au médecin George Dujardin-Beaumetz (1833-1895) de l’hôpital Cochin à Paris, d’avoir été le premier à introduire l’usage du képhir médicinal dans les années 1880. On utilisait, selon les besoins, trois catégories de képhir (faible, moyen, fort), distingués en fonction de la durée de fermentation imposée au lait utilisé.

Le kéfir, à l’instar de la mère de vinaigre, n’est pas censé se vendre, bien que certains vendeurs peu scrupuleux n’hésitent pas à le commercialiser. Tout au contraire, il se donne : c’est une substance qui promeut l’échange, le partage et l’amitié. Cela explique sans doute sa popularité, le kéfir ayant su trouver ses adeptes en Europe, ainsi qu’en dehors (dans les deux Amériques, en Asie, etc.).

Le kéfir en thérapie

Le kéfir se présente sous la forme d’amas globulaires et agglomérés de « grains » gélatineux, semblables par leur aspect à celui de petites têtes de chou-fleur, plus ou moins translucides, de couleur blanche à jaune pâle. Ces grains sont constitués d’une matrice composée de protéines et d’exopolysaccharides (polymères d’oses comme le lévane, le dextrane, le glucane, etc.), à la surface de laquelle sont attachées levures et bactéries, unies en une symbiose et intégrées au sein des grains (traduit en anglais par le terme SCOBY : symbiotic culture of bacteria and yeast). On distingue souvent une quinzaine de germes d’espèces bactériennes et une demi-douzaine de genres d’espèces fongiques, essentiellement des bactéries acétiques et lactiques, ainsi que des levures, ce qui, en tout et pour tout, peut représenter une à deux centaines d’espèces différentes1. «  Dans cette niche écologique, seuls les micro-organismes qui sont bien adaptés au consortium sont capables de croître et de fournir mutuellement des nutriments essentiels »2. Par exemple, Saccharomyces cerevisiae libère des acides aminés (histidine, proline, méthionine, tryptophane, arginine, glutamine…) qui sont utilisés par Lactobacillus nagelii afin d’assurer sa propre survie. Lors de la fermentation du képhir, il n’est donc pas uniquement question de considérer un ensemble de microbes qui seraient au coude-à-coude, attablés comme des sauvages, se chapardant la nourriture sans cérémonie. C’est l’identité même du consortium de bactéries et de levures composant tel ou tel képhir qui est à l’origine des différences observables au fil des pays et même des régions. De la variation du profil micro-organique, dépend le résultat final. C’est pourquoi, d’un kéfir à l’autre, on peut rencontrer de surprenantes différences qui s’expriment en terme d’acidité, de pétillance, de goût, d’arôme, etc.

Le kéfir se distingue de la plupart des laits fermentés en ce qu’il dégage, en cours d’élaboration, de l’alcool et du dioxyde de carbone, puisque le « pack » de levures et de bactéries réagit, au moment de la fermentation, à la présence de sucre auquel on mélange le kéfir dans l’eau. Il s’agit là d’une première fermentation dégradant une partie du sucre en alcool et CO2, parallèlement à une autre fermentation qui transforme le reste du sucre en acide lactique et en acide acétique. Ainsi, par l’action du kéfir, l’eau initialement sucrée se métamorphose en un liquide légèrement acide, très peu sucré (en un laps de temps de 24 heures, soit le temps nécessaire à une bonne fermentation, la plupart du sucre disparaît) et très peu alcoolisée (0,5 à 2°). Chaque levure et chaque bactérie sont spécialisées dans la production d’une ou plusieurs substances au cours de la fermentation du kéfir. Selon le profil micro-organique du kéfir considéré, il est bien évident que le résultat différera d’un autre képhir. Mais d’autres facteurs peuvent influencer la production du képhir : la nature de l’eau utilisée pour ce faire (eau du robinet filtrée ou non, eau de source, etc.), l’origine du képhir, la température à laquelle on expose la fermentation, la durée de cette même fermentation, l’oxygénation ou non du bocal en cours de fermentation (il est possible d’opérer en milieu aérobie ou anaérobie), la nature des substances sucrées employées, etc. De là, on observe une variabilité des propriétés en fonction des populations de micro-organismes qui composent le kéfir, ainsi que les métabolites que chacun fabrique et donc, in fine, la composition non standardisée du kéfir ainsi obtenu. « La composition chimique et les caractéristiques sensorielles des boissons kéfir non laitières varient en fonction du substrat utilisé, y compris les sucres (saccharose, glucose et fructose), les acides organiques (lactique, acétique, citrique, tartrique, butyrique, malique et propionique), les alcools (éthanol, hexanol et glycérol) et les esters (propionate d’éthyle, hexanoate d’éthyle, octanoate et décanoate) »3. Bien d’autres substances présentes dans le kéfir (sels minéraux, vitamines, flavonoïdes, peptones, dérivés d’acides phénoliques, etc.) dépendent des substances sucrées ou autres qu’on aura ajouté au kéfir.

Propriétés thérapeutiques

  • Antibactérien4 et bactériostatique sur germes Gram + surtout (Bacillus cereus, B. subtilis, B. thuringiensis, Clostridium difficile, C. perfringens, Enterococcus faecalis, Escherichia coli, Helicobacter pylori, Klebsellia pneumoniae, Listeria innocua, L. monocytogenes, Pseudomonas aeruginosa, Salmonella enterica, S. enteriditis, S. gallinarum, S. typhimurium, Shigella dysenterae, S. flexneri, S. sonnei, Staphylococcus aureus, S. salivarius, Streptococcus faecali, S. pyogenes), antifongique (Aspergillus flavus, A. niger, A. ochraceus, Candida albicans, Fusarium graminearum, Penicillium glaucum, Rhizopus nigricans, Staphylococcus epidermidis, Yersinia enterocolitica), antiviral5 (zika, hépatite C, grippe, rotavirus), immunomodulant, équilibrant du système immunitaire
  • Améliore et restaure le microbiote intestinal, promeut la production de métabiotiques (probiotiques, prébiotiques, postbiotiques et paraprobiotiques)
  • Anti-oxydant puissant, lutte contre le stress oxydatif, antiradicalaire, inhibe l’auto-oxydation de l’acide linoléique, abaisse la peroxydation lipidique, anti-inflammatoire
  • Antimutagène, antitumoral, antimétastasique, antiangiogénique
  • Apéritif, digestif, augmente la rapidité de la digestion, action anesthésique sur les tuniques membraneuses de l’estomac, augmente le péristaltisme intestinal, réduit les résidus de fermentation protéolytique nuisibles, améliore la perméabilité intestinale
  • Anxiolytique, antidépresseur, améliore le sommeil, permet de retrouver la joie et la bonne humeur, assure un retour à un état de bien-être généralisé6
  • Hépatoprotecteur, antidiabétique (régénérateur des cellules β, abaisse la glycémie à jeun)
  • Diurétique, production d’urines limpides, non sédimenteuses et sans odeur
  • Expectorant
  • Antihypertenseur
  • Améliore la fonction barrière de la peau et son équilibre hydrique

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : diarrhée, diarrhée associée à la prise d’antibiotique, diarrhée verte des enfants, entérite, entérite chronique, entérocolite (par Clostridium difficile), colite et autres MICI, maladie de Crohn, infection intestinale (par salmonelle) et formation d’entérotoxines, putréfaction intestinale, intoxication alimentaire, catarrhe gastrique, gastrite, gastralgie, douleur épigastrique, ulcère d’estomac, dyspepsie, vomissement (y compris de la grossesse), constipation (y compris d’origine nerveuse),
  • Troubles de la sphère respiratoire : bronchite, toux, réduction du mucus pulmonaire, catarrhe bronchique, tuberculose, asthme, pneumonie chronique
  • Troubles de la sphère hépatique : ictère, diabète de type II (le képhir améliore l’immunocompétence des diabétiques), syndrome métabolique7, taux de glucose dans le sang trop élevé, stéatose hépatique non alcoolique
  • Troubles de la sphère vésico-rénale : nécessité de purifier l’organisme, maladies rénales liées au sel
  • Troubles locomoteurs : arthrite, rhumatisme, douleur et tension musculaires
  • Troubles du système nerveux : stress, tension nerveuse, insomnie, déprime, état dépressif8,9
  • Anémie, atonie et faiblesse générale
  • Affections cutanées : eczéma, éruptions cutanées
  • Troubles de la sphère cardiovasculaire et circulatoire : hypertension, hémorroïdes, migraine et céphalée
  • Prévention et traitement du cancer (estomac, côlon, poumon, sein)

Ancienne publicité catalane prônant les bons effets du kéfir : « Lait fermenté du Caucase, pour ceux qui souffrent de l’estomac et des intestins. Reconstituant de premier ordre, recommandé par les meilleurs médecins mondiaux ». On peut même leur téléphoner ^.^

Modes d’emploi

  • Voici, pour débuter, la recette du kéfir d’eau basique : dans un bocal de taille adaptée et à large ouverture, versez un litre d’eau, ajoutez-y 20 g de sucre (blanc, roux, rapadura, muscovado ou tout autre matière sucrante comme le sirop d’agave, la mélasse, le miel, etc.) et 20 g de grains de kéfir. Fermez ou non le bocal (en cas de fermentation aérobie, on couvre tout simplement l’ouverture d’une gaze maintenue par un élastique tendu placé tout autour du collet du bocal). Laissez en contact dans un lieu chaud mais non exposé aux rayons directs du soleil pendant au moins 24 heures. Veillez à agiter plusieurs fois le bocal en cours de la fermentation. A l’issue, passez, filtrez, retirez les grains de kéfir, rincez-les à l’eau claire et placez-les dans un petit bocal empli à moitié d’eau et entreposez le tout dans un lieu frais ou bien carrément au réfrigérateur. Versez le kéfir dans une bouteille à fermeture bien hermétique, que l’on prendra soin de ne pas remplir jusqu’à ras-bord, car même dans ces conditions, la fermentation se poursuit un peu et génère encore des gaz qui exigeront, pour le service, les mêmes précautions que lorsqu’on ouvre n’importe quelle bouteille de vin mousseux. On peut stocker le kéfir au réfrigérateur ou bien le laisser à température ambiante, mais, dans les deux cas, il devra être consommé dans les deux jours.
  • Seconde fermentation (qui n’est pas absolument obligatoire ni nécessaire) : afin de poursuivre notre découverte du képhir, sachons que l’on peut, une fois la première fermentation (F1) décrite précédemment, procéder à une seconde fermentation (F2) du képhir obtenu en F1. Le képhir filtré, débarrassé de ses grains, se voit offrir une seconde ration de sucre (ou tout autre substance sucrée), à raison de 20 g par litre, pour une nouvelle durée de 24 heures, en fermentation à la même température que pour F1. Ceci fait, on place ce képhir au réfrigérateur et on le consomme dans les 48 heures.
  • Variantes : les recettes de kéfir amélioré sont innombrables. Au sucre de base initialement utilisé, on peut adjoindre d’autres substances plus ou moins sucrées dont la présence va dessiner un nouveau panorama gustativo-olfactif. On peut donc faire appel aux ingrédients suivants : – des fruits frais coupés en morceaux : melon, pêche, orange, etc. – des fruits secs : raisins secs, abricot, figue, tranches d’ananas, de mangue, de pomme ou de poire, etc. – des jus de fruits : pomme, ananas, kiwi, raisin, grenade, fraise, etc. – des jus de légumes : carotte, tomate, etc. Tous ces sucres surnuméraires augmentent donc le travail des micro-organismes du kéfir qui devront donc se charger des 20 g/litre initiaux et de tout le sucre contenu naturellement dans ces fruits et/ou ces jus. Par exemple, 40 g de raisins secs représentent environ 20 g de sucre. Pour assurer la « digestion » de ces sucres « cachés » dans les fruits, il est bon de « contrôler » la quantité totale de sucre, afin que le ratio grains de kéfir/sucre ne soit pas en défaveur d’une fermentation incomplète. Au travers de cet exemple, 20 g de sucre et 20 g de sucre présent dans 40 g de raisins secs nécessitent, au minimum, non pas 20 g de kéfir mais le double. Autre option : pour venir à bout de tout ce sucre, si l’on maintient la quantité de grains de kéfir à 20 g, il faudra au moins doubler la durée de fermentation afin de faire baisser au maximum le taux de sucre final. On peut aussi ajouter des épices (cannelle, vanille, fève tonka, etc.), des feuilles fraîches de plantes aromatiques (menthe verte, verveine odorante, etc.), des pétales de fleurs (jasmin, rose, hibiscus, etc.). Note : certaines plantes aromatiques à essence peuvent inhiber le développement de certaines levures présentes dans le képhir, comme, par exemple, S. cerevisiae. Il importe donc de faire attention à ne pas ajouter des plantes qui sont susceptibles d’entraver la bonne marche des opérations en empêchant le complexe de levures et de bactéries de faire correctement son travail.

Que faire de toutes les fractions végétales (fruits frais ou secs, légumes, etc.) une fois que la fermentation est parvenue à son terme ? On les a retirées du bocal de fermentation avant de filtrer, passer et embouteiller le kéfir. Puisqu’elles sont comestibles, pourquoi ne pas les réserver à l’usage d’une recette ultérieure sucrée ou salée ? Mais sachez qu’un grain de raisin (ou un abricot sec, des tranches de pomme ou de mangue sèches) qui a pris un bain de képhir n’a absolument plus aucun goût à l’issue de ses ablutions : gonflé d’eau, vidé de son sucre, ça n’est plus qu’une bourse molle et fade. Difficile, alors, de convier un tel aliment à une quelconque recette.

Des képhirs simples ou composés, l’on peut faire une boisson d’usage courant et quotidien, que l’on peut absorber matin, midi et soir, à raison d’un litre par jour (les doses thérapeutiques peuvent varier d’un verre à trois bouteilles d’un litre par jour). Une cure de képhir s’étale généralement sur six à huit semaines.

Loin des képhirs de confort qui n’en possèdent pas moins de puissantes vertus thérapeutiques, l’on peut procéder par le biais d’un modus operandi autrement plus simplissime : le kéfir d’eau thérapeutique. Il s’obtient en faisant fermenter pendant 24 heures une cuillerée à soupe de sucre dans 15 cl d’eau additionnés d’une cuillerée à soupe de grains de kéfir. On l’absorbe, à jeun, tous les matins et à cette occasion l’on prépare le kéfir que l’on boira le lendemain matin et ainsi de suite. Il est également possible d’utiliser ce kéfir comme lotion sur l’acné, l’eczéma, etc.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Conservation : comme l’on sait, les basses températures de l’intérieur du réfrigérateur inhibent le développement du képhir. Mais c’est encore le meilleur endroit pour le garder lors de ses phases de non-utilisation et de repos, même si « à 20° C, les grains de kéfir pourraient demeurer dans le lactosérum pendant de longues périodes sans modifier leur capacité d’acidification, leur taux de croissance, leur apparence macroscopique ou leur composition chimique et microbiologique »10.
  • Étant donné que le délai de garde du képhir embouteillé est relativement modeste, si l’on souhaite bénéficier régulièrement de cette boisson, il faut donc s’astreindre à un roulement : préparer du képhir pendant qu’on boit celui dont la fermentation vient de s’achever, et ainsi de suite (ce qui ne demande que peu de matériel et qu’une once d’organisation).
  • Les grains de képhir d’eau ne peuvent pas être utilisés pour faire fermenter le lait, cela risquerait de les endommager. Autre « souche », le képhir de lait est contraint aux mêmes précautions.
  • Il est déconseillé d’utiliser l’eau chlorée du robinet pour toute fermentation. Il est nécessaire de la laisser un moment à l’air libre afin que le chlore se volatilise.
  • La préparation du képhir, pour modeste qu’elle soit en terme de matériel, exige que celui-ci soit parfaitement propre afin de garantir soin et hygiène lors de la préparation du kéfir.
  • On lit parfois que l’utilisation du miel comme source sucrée n’est pas souhaitable, car, par ses qualités antibiotiques, il peut inhiber le développement du képhir en cours de fermentation. Ce n’est pourtant pas ce que j’ai observé lors de mon test de képhir au miel. A ce titre, que penser des adjonctions de citron et de gingembre, comme on le voit souvent dans la plupart des recettes de base ? Également antibiotiques, ces substances n’ont-elles pas la chance de perturber le milieu micro-organique du képhir ? En ce qui me concerne, je n’en utilise pas car je trouve que le citron apporte trop d’amertume et le gingembre un goût terreux au produit final. De plus, les quelques expériences que j’ai tentées dans ce sens m’ont permis d’observer qu’un kéfir préparé avec du gingembre frais ou confit demeurait parfaitement limpide à l’issue de la fermentation, tandis qu’un kéfir aux fruits secs (raisins, abricots), non seulement se troublait, mais fermentait en produisant une mousse abondante en surface, ce qui ne se produit pas avec les deux types de gingembre. Sur la surface des grains de raisin (et probablement aussi sur celle des abricots secs), se trouvent des levures qui participent à la fermentation du raisin en vin. Lors de la réalisation d’un képhir, il y a tout lieu d’imaginer que ces mêmes levures prennent part à la fermentation par leurs propres moyens, ajoutant au kéfir leurs qualités. Bref, un kéfir sans citron ni gingembre, mais tout au contraire accompagné de fruits secs, forme une boissons trouble, bien charpentée, plus pétillante, avec davantage de goût, une plus belle couleur, etc.
  • Afin de promouvoir le sens pratique, lorsqu’on fera fermenter les grains de képhir à côté de ceux de raisins secs, on prendra soin d’enfermer les uns ou les autres dans un sachet de toile afin de faciliter le tri en fin de fermentation. Considérons aussi que les figues sèches se délitent et mélangent leurs nombreuses petites graines au kéfir… Il existe des passoires à képhir. Mais le plus souvent elles sont conçues en matière plastique, ce qui est assurément un choix peu pertinent.
  • Le kéfir d’eau est une alternative louable au kéfir de lait, en particulier pour les personnes intolérantes au lactose (et aux produits laitiers en général), ainsi qu’aux végans, végétariens, etc.
  • Le képhir est un liquide intéressant afin de procéder à la bio-remédiation et à la chélation de certains métaux lourds (nickel, cadmium, plomb, cuivre, zinc, manganèse, fer…).

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  1. Levures : Kluyveromyces, Candida, Lachancea, Dekkera, Pichia, Brettanomyces et Saccharomyces dont la très connue Saccharomyces cerevisiae ; bactéries productrices d’acide lactique : Lactobacillus, Lactococcus, Leuconostoc, Streptococcus, Liquorilactobacillus, Lacticaseibacillus, Lentilactobacillus, Oenococcus… ; bactéries productrices d’acide acétique : Acetobacter, Gluconobacter
  2. Source.
  3. Source.
  4. « Cette capacité antimicrobienne peut être attribuée à la présence de peroxyde d’hydrogène, de peptides (bactériocines), d’éthanol, de dioxyde de carbone, de diacétyle et d’acides organiques (acides lactiques et acétiques), qui inhibent les pathogènes, en particulier dans la muqueuse intestinale » (Source).
  5. « Il a été démontré que le kéfir et son contenu probiotique régulent le système immunitaire pour vaincre les infections de ces virus en stimulant les réponses du système immunitaire et en supprimant la poursuite de cytokines pro-inflammatoires » (Source).
  6. « Le kéfir influence positivement l’axe intestin/microbiote/cerveau et contribue à la préservation de la santé intestinale et cérébrale » (Source).
  7. « La supplémentation en kéfir réduit les triglycérides plasmatiques, les lipides hépatiques, les triglycérides hépatiques, la résistance à l’insuline, le glucose à jeun, l’insuline à jeun, la circonférence thoracique, la circonférence abdominale, les produits de l’oxydation lipidique, l’expression pro-inflammatoire des cytokines et l’augmentation de l’expression des cytokines anti-inflammatoires. Les résultats actuels indiquent que le kéfir peut être bénéfique pour la gestion du syndrome métabolique » (Source).
  8. « Lactobacillus kefiranofaciens a amélioré le comportement dépressif et la capacité d’exploration indépendante […]. En outre, [il] régulait les troubles biochimiques dans l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénal, le système immunitaire et le métabolisme du tryptophane causés par le stress. […] Ces résultats suggèrent que L. kefiranofaciens pourrait améliorer la dépression en régulant le microbiote intestinal comme aliment probiotique » (Source).
  9. « De plus, récemment, les études sur la modification du microbiote intestinal en réponse à la santé mentale après la consommation de kéfir ont suscité un immense intérêt. En fait, le terme kéfir dérivé du mot turc ‘keyif‘ indique une bonne sensation et un bon plaisir après la consommation, ce qui laisse entrevoir sa relation potentielle entre l’intestin et le cerveau » (Source).
  10. Source.

© Books of Dante – 2023

Grains de kéfir de lait, d’aspect différent de ceux de kéfir d’eau.