Les pierres à venin

Rhyolite

L’on peut tirer nombre d’informations intéressantes sur la façon dont les Anciens utilisaient les minéraux pour leurs vertus dans les lapidaires, c’est-à-dire ces anciens traités décrivant les qualités médico-magiques des pierres. (Ouvrir un guide moderne de lithothérapie ne fait pas moins d’effets.) A la lecture de ces ouvrages archaïques, l’on peut par exemple apprendre que le corail préserve son porteur des périls de la navigation, que l’émeraude renforce la mémoire ou que l’améthyste dissipe les vapeurs de l’ivresse. Mais il est des savoirs qu’on ne découvre pas dans les manuels : c’est le cas de ceux qui ne s’aventurent pas dans certaines régions reculées où se développèrent des pratiques empiriques parallèles. A ce titre, voyons voir ce qui se faisait entre Yssingeaux en Haute-Loire et le Mont Mézenc en direction de l’Ardèche, c’est-à-dire une zone au climat rude et dont l’ancienne identité paysanne contraignait les habitants à vivre en petits groupes isolés dont les contacts avec l’extérieur étaient beaucoup moins fréquents qu’aujourd’hui. C’est probablement l’atavisme qui favorisa l’émergence puis la continuité de coutumes locales bien déterminées : dans ces territoires âpres et farouches, point de lapis-lazuli ni de béryl, bien plutôt des « cailloux » beaucoup plus anodins. Dans le détail, l’on peut discerner des haches en pierre, polies par la main de l’homme en d’ancestrales époques préhistoriques, de grosses perles en verre d’origine parfois protohistorique, enfin des galets en variolite, une pierre verte formant des « pustules » à sa surface (cette « imitation » d’une peau de serpent ou de batracien valut à d’autres pierres d’être employées dans ce sens : cornaline, septaria, rhyolite, etc.). A ce trio de base, on adjoignait fréquemment d’autres pierres supplémentaires dont la forme, la couleur et l’allure surent frapper suffisamment l’imagination pour les faire préférer aux dépens d’autres : des fossiles (dent de loup, oursin, ammonite), de la pyrite, du jaspe (orbiculaire, rouge), du silex ou encore du quartz. Elles étaient collectées avec soin au gré de découvertes inopinées lors de travaux agricoles par exemple. Les collections pouvaient s’agrandir aussi au fur et à mesure des rencontres : la venue d’un colporteur, d’un berger ou bien d’un travailleur saisonnier lointain pouvait être une opportunité d’accroître une collection de pierres à venin, d’autant que, beaucoup provenant d’ailleurs, elles apportaient avec elles un peu des mystères de leur pays d’origine. Par exemple, tous les galets de variolite provenaient de la vallée de la Durance.


Planche extraite de l’ouvrage d’Henry Vaschalde (1833-1919) intitulé Recherches sur les pierres mystérieuses, talismaniques et merveilleuses du Vivarais et du Dauphiné (1874). Tout en haut, au centre, l’on peut voir une pigote que les bergers du Vivarais suspendaient au cou d’une brebis pour préserver le troupeau des maladies.

Transmises par héritage de père en fils, ces pierres avaient peu de chance de quitter le giron familial, car rares étaient celles qu’on imaginait vendre. En revanche, beaucoup plus se prêtaient, voire se louaient. Certaines s’éloignaient rarement des maisonnées et on ne les exposait aux regards qu’avec la plus grande réticence, d’autant que la relation entre une collection de pierres et telle ou telle famille relevait quasiment du pansement de secret.

En vue d’utiliser une pierre à venin, on la baignait tout d’abord plus ou moins longtemps dans une eau fraîchement puisée. Puis l’on employait localement cette eau (en procédant à une application et/ou un lavage soigneux), ou bien on la faisait boire. Parfois, l’on procédait par friction sèche : une pierre seule, mais bien plus souvent une synergie de pierres placées dans un sachet de toile, était frottée à plusieurs reprises sur le mal. Lors de l’utilisation de telles pierres, on prenait soin de leur éviter le contact du sol (pour les préserver des pertes de pouvoir), et surtout l’on agissait scrupuleusement, rigoureusement et rapidement, trois caractères propres à un protocole de soin faisant appel aux pierres à venin, dont on rencontrait plusieurs spécificités selon l’animal venimeux considéré (ou que l’on imaginait comme tel) : ainsi existait-il des pierres du serpent, des pierres du crapaud et des pierres de la salamandre. En cas de piqûres ou de morsures avérées, on utilisait la pierre correspondante. Parfois, une apparition cutanée inexplicable était mise sur le compte d’un contact même fugace avec un animal qu’on soupçonnait d’y avoir laissé sa trace. On faisait donc de même.

Malgré leur nom, les pierres à venin ne réduisaient pas leurs actions au seul domaine d’antidotes antivenimeux. En effet, il existait des pierres d’œil et de vue (taie, conjonctivite), des pierres du sang (hémorragies diverses, saignement de nez), des pierres de la femme (favoriser l’accouchement, douleurs des règles), des pierres des coups et contusions, des pierres de la « peste », des pierres du tonnerre protectrices contre la foudre, enfin une spécificité vétérinaire, la pigota, qu’on faisait intervenir en cas de morsure, d’intoxication ou d’épizootie dans les troupeaux. Plus préférablement, on la nouait au cou de la brebis ou de la chèvre dominante du troupeau.

Bien souvent associées à des plantes médicinales et à des rituels de protection, les pierres à venin ont soigné aussi bien les hommes que les animaux durant des siècles. Talismans ou panacées, leurs attributions dépassaient généralement le cadre de leur spécificité. Elles ne possédaient pas moins de pouvoir que celui qu’on confère aujourd’hui au bracelet d’hématite ou au collier de perles d’œil de tigre que l’on se procure dans les boutiques spécialisées.

© Books of Dante – 2022

Jaspe orbiculaire

Le cresson (Nasturtium officinale)

Synonyme : cresson officinal, cresson de fontaine, cresson de ruisseau, cresson d’eau, cresson des maraîchers, cresson petit vert, cresson gros vert, berle, cardamine, nasitort.

Kardamon pour les Grecs, sisymbrium pour les Romains, les antiques dénominations du cresson sont tout juste bonnes qu’à nous embêter, ayant alimenter les berceaux dans lesquels naquirent cardamines d’une part, sisymbres et vélars d’autre part, formant une masse informe vaguement caractérisée par une proximité avec l’humide (et encore…), ainsi qu’une saveur moutardée. C’est sous la houlette de cette description pour le moins approximative que l’on peut imaginer un cresson. Mais – et je l’ai souvent répété – dans le monde gréco-romain, un même mot sert à désigner plusieurs objets et un seul objet peut répondre à une multitude de noms. Nous ne faisons d’ailleurs pas moins : c’est ce que je m’efforce de montrer en démarrant chaque article par une liste de synonymes et noms vernaculaires disponibles dans la littérature et la tradition orale. Ainsi, l’on apprend que « chez les Romains, nasturtium était le nom du cresson alénois ou nasitort, et Pline, à tort ou à raison, faisait dériver ce mot de narium tormentum, mot à mot ‘tord-nez’, allusion à l’effet produit par la saveur de la plante sur les organes voisins des papilles gustatives »1. C’est vrai que le cresson, sans être fort en gueule, l’est en bouche : chose étonnante que ce cousin de la moutarde dont toute la végétation est constamment lavée par les eaux douces et très pures des ruisseaux à l’écoulement lent et presque silencieux… Mais comme l’expliquait plus tôt Joseph Roques, « nous pouvons dire que les Anciens et les modernes ont un peu trop tordu la plante pour lui imposer le nom de nasturtium »2, un nom concernant tout d’abord un autre cresson comme nous l’avons dit plus haut, le cresson alénois (Lepidium sativum). Ainsi, « nez tordu » (nasus tordus), « tourment du nez » (narium tormentum), etc., ont-ils inspiré le nom latin du cresson d’eau. Mais y a-t-il vraiment en lui de quoi froncer le museau ? Assurément d’après Pline, qui évoque le cresson « qui crispe le visage avec son goût piquant »3, ce à quoi Roques ne peut souscrire : « Le cresson stimule agréablement les papilles de la bouche, mais sans tordre le nez. C’est une erreur, un préjugé que nous avions à cœur de combattre »4. Henri Leclerc n’a sans doute pas lu Roques sur ce point, puisqu’il expose encore l’origine tortueuse du nom accordé au cresson tant par les Latins que les Grecs : il reste, malgré lui, celui par lequel les yeux sont forcés de cligner, faisant adopter à celui qui en mange un air dur et renfrogné (soit un résultat qu’on sera plus certain d’atteindre avec une bonne cuillerée de raifort, ah ah !…). Quant au mot cresson lui-même, on s’est bien moins étalé à son propos : on le fait dériver du francique kresso, mué en allemand par kresse. Ce mot se serait-il entremêlé au latin cresco, « grandir », allusion à la célérité végétative dont sait faire preuve le cresson pour ramper et grimper ? De cela, les marmots et les gachettes qui s’égayaient autrefois dans les cressonnières n’en avaient cure, y pataugeant tant et si bien que, même troussés comme des curés, ils étaient trempés bien plus haut que la moitié du jarret !… De quoi rafraîchir les idées de tous nos étymologistes !

Dioscoride et Pline étaient à peu près d’accord sur les qualités thérapeutiques du cresson : vermifuge, pectoral et emménagogue. « Mais, tandis que le premier en fait un aphrodisiaque, le second le considère comme un moyen de refréner les ardeurs de la chair »5. Ces deux auteurs parlent-ils de la même plante ? Dioscoride n’évoque-t-il pas là le cresson alénois, ce qui augmenterait la méprise ? En tous les cas, cette question demeurera longtemps débattue puisque Platine de Crémone, au XVe siècle, se positionnait encore en défaveur d’une réputation aphrodisiaque du cresson. C’est donc bien que cela titilla longtemps l’entendement de nos illustres hommes de plume, dont certains éprouvèrent d’autres démangeaisons, moins avouables que de gratter du papier en long, en large et en travers pour nous dire ce qu’ils pensaient des soi-disant vertus luxurieuses du cresson. Alors ? Égaye-t-il autant les cœurs comme sait le faire sa cousine roquette ? L’interdit-on dans les couvents pour ne pas risquer un échauffement collectif ou bien faut-il le considérer, à la manière d’un Balzac, comme aussi froid qu’une Anglaise ? Dans la flore de pierre taillée, le feuillage du cresson est souvent figuré dans les chapiteaux des bâtiments ecclésiastiques, ce qui est un moyen de représenter l’élément Eau, ce qui n’étonnera personne. Mais, alors, d’où lui vient donc cette réputation d’échauffeur qui transparaît très nettement dans le texte de Pétrone, le Satyricon : on assiste à un rituel infligé par la prêtresse Œnothée au pauvre Encolpe et dont l’objectif très clair est de lui rendre sa virilité, du moins de l’augmenter. En plus du fouet d’orties qui s’abat sur ce qui se situe en-dessous de sa ceinture, l’on distingue, comme autres ingrédients, du suc d’aurone et de cresson. Il faut effectivement tout cela pour parvenir à contenter la déesse Circé présentée dans le texte comme une nymphomane à l’insatiabilité sexuelle débridée.

Comme on le constate, le cresson était fort réputé chez les Romains qui le consommaient en abondance, non seulement pour de présupposées raisons aphrodisiaques, mais aussi parce que, notamment, ils croyaient que cette plante pouvait stimuler ce qui pousse sur la tête mais aussi dedans ! En effet, remède de la calvitie, le cresson était aussi vivement recommandé aux sots puisqu’il posséderait des vertus contre les affections mentales (plus tard, on l’administra aux hypocondriaques, mélancoliques et autres « hystériques »). Il est donc tout à fait légitime de faire du cresson un stimulant, ce que ne manqua pas de relater tout d’abord Hippocrate, puis le philosophe Xénophon au IVe siècle avant J.-C. qui expliquait que lorsque les jeunes Perses partaient en expédition pour chasser, ils se contentaient d’eau et de pain assaisonné de cresson, ce qui, paraît-il, permettait d’augmenter leur résistance physique (le paysan français du XIXe siècle ne faisait pas moins).

Le Moyen âge a fait du cresson, cuit comme cru, une plante bien plus appréciée que les salades dont on se plaignait autrefois de la fadeur. Il était vanté sur les marchés, comme le cresson de Cailly-sur-Eure, petit village de Normandie portant dans ses armes deux tiges de cresson de sinople. Pour témoigner de cette habitude consumériste, l’on peut jeter un œil du côté du Viandier de Taillevent qui le mentionne clairement comme plante alimentaire (au contraire du Capitulaire de Villis qui recommande bien la culture d’un cresson, l’alénois et non pas celui des fontaines).

Aux temps médiévaux, le cresson était également reconnu comme matière médicale : Macer Floridus indique qu’à l’état frais le nasturtium s’applique sous forme de cataplasme sur des affections passant pour de l’anthrax, sur les furoncles, etc., et que son suc est incomparable pour calmer les maux de dents. Il en fait aussi un efficace antalgique contre les douleurs de la rate et de la poitrine (affections pulmonaires, « phtisie »), les névralgies telles que la sciatique, comme apaisant des maladies dermatologiques et des démangeaisons du cuir chevelu. A ce titre, l’école de Salerne n’en dit pas moins : « Prenez du suc de cresson et frottez-en vos cheveux ; ce remède les rend plus forts et plus nombreux ». De même, les Salernitains s’accordent à Macer Floridus sur la question des maux dentaires et gingivaux corrigés par le cresson, de même que les apparitions cutanées comme les dartres. Quant à Hildegarde de Bingen, si elle n’est guère enthousiasmée par le cresson (qu’elle appelle burncrasse ; brunnenkresse aujourd’hui en langue allemande) dont elle dit qu’il n’est ni bon ni mauvais, il lui arrive néanmoins de formuler quelques rares indications comme la jaunisse, la fièvre, les douleurs digestives, tandis que Macer Floridus va jusqu’à évoquer les vertus des semences du cresson qualifiées par lui d’anaphrodisiaques, au point même que « l’odeur de cette graine placée sur les charbons ardents suffit pour […] mettre [les serpents] en fuite »6. Le cresson aurait encore le pouvoir de chasser la folie, capable de « redonner raison aux esprits dérangés » et d’atténuer les effets de l’ivresse : c’est pourquoi on le donnait comme un antidote de la jusquiame dont l’une des manifestations s’apparente à une forme d’ébriété.

Durant la Renaissance, une unanimité se dégage au sujet des vertus majeures du cresson. Ce qui ressort de l’analyse rapide des faits médicaux à son endroit, ce sont les évidences suivantes : le cresson est un antiscorbutique efficace, un diurétique, un apéritif, un remède bucco-dentaire et capillaire, un topique, enfin un utile pectoral qu’on peut impliquer sans crainte dans les catarrhes bronchiques chroniques. Ambroise Paré et Simon Pauli en firent même un spécifique de la gale de la tête chez les enfants.

Siècle après siècle, on réaffirme les vertus principales du cresson : au XVIIIe siècle, Van Swieten mêle le cresson au chou rouge et au raifort pour confectionner une bière antiscorbutique. Au suivant, le célèbre chirurgien français Récamier guérit divers cas de « tuberculose » en faisant suivre aux malades un régime strict composé de deux bottes de cresson par jour. Un peu après lui, Cazin prescrira abondamment le cresson en cas d’atonie générale, de maladies viscérales (foie, rate, reins, vésicule biliaire qu’il importait de décharger et de purifier au printemps7), de goutte et de rhumatisme.

Le cresson est une brassicacée vivace qui, selon le milieu qu’elle occupe, adopte une morphologie très variable, à commencer par sa taille : de quelques centimètres dans les eaux peu profondes, à plus d’un mètre (voire deux à trois) dans certains cours d’eau. Ce qui implique une adaptation de sa posture : semi-aquatique et rampante dans le premier cas, aquatique flottante dans le second, ce que facilitent généralement des eaux au courant faible mais constant, ainsi que des tiges creuses jouant le rôle de flotteur. Également charnues, épaisses, abondamment ramifiées, les tiges du cresson sont régulièrement radicantes, ce qui favorise un enracinement de la plante de loin en loin. Cela explique que la majeure partie du cresson baigne dans l’eau : ses feuilles presque succulentes et grasses, lisses et brillantes, semblent luire du continuel passage des eaux à leur surface. Elles sont composées de trois à neuf folioles entières dont seule la terminale adopte une taille plus importante que les autres. Bien que pratiquement immergé, le cresson n’oublie pas de redresser quelque peu la tête (comme un nageur pratiquant le papillon ^.^), car, sans cela, comment pourrait-il bien se permettre de fleurir ? C’est ce qu’il fait de juin à septembre (au plus large : mai-octobre), faisant émerger à l’air saturé de soleil de petits bouquets de fleurs blanches ou blanc rosé aux quatre pétales bien ouverts et aux anthères jaune vif. A la suite, chaque fleur forme une silique falciforme de 20 à 25 mm de longueur contenant deux doubles rangées de graines, s’ouvrant par ressort sur ces semences presque rondes, petites, rougeâtres, au goût âcre.

Présent parfois jusqu’à 2000 m d’altitude, le cresson prolifère végétativement par fragments de tiges ou de bourgeons, parfois par le biais des racines adventives qu’on le voit propager aux nœuds de ses tiges. Cette inventivité lui permet d’être encore assez fréquent à l’état sauvage dans les eaux vives peu profondes, en bordure des lacs, à proximité des sources, dans les fossés humides. Mais il est honnête de remarquer que le cresson sauvage est aujourd’hui beaucoup moins courant qu’autrefois, les ruisseaux d’eau pure se faisant de plus en plus rares, d’où la relative disparition de cette plante aquatique de la plupart de ses lieux d’élection qui comptent sur des eaux modérément acides.

Les nymphes nourrissaient autrefois le cresson du moindre ruisseau, mais comme elles s’en sont allées depuis longtemps, voilà que le cresson périclite, d’autant plus qu’à cette suppression s’est substituée une addition : les pernicieux nitrates (entre autres) qui, engorgeant les sols, se déversent in fine dans les eaux vives par lessivage et gravité, profitant à cette soi-disant invasive qu’est la renouée du Japon. (Autrefois, par épandage de fumier, le cresson cultivé était porteur de germes dont celui de la typhoïde, ce qui n’était guère mieux.)

Les cressonnières de Veules-les-Roses (Seine-Maritime).

Le cresson se cultive traditionnellement en fosse remplie d’eau non stagnante appelée cressonnière. L’intérêt de cette culture aquatique, c’est de pouvoir récolter du cresson en plein hiver, à une période de l’année où les autres salades ne produisent qu’à grand-peine. Puisque le terme de cressonnière est attesté en français depuis 1286, il est évident que la culture du cresson ne date pas des premiers essais de culture en grand qui eurent lieu en France au début du XIXe siècle, après que l’idée ait traversé le Rhin, au-delà duquel elle avait cours depuis au moins le XVIIe siècle au centre de l’Allemagne, à Erfurt. En France, on transposa cette activité dans une zone géographique qui s’y prête, à savoir le bassin parisien et la Normandie. Ainsi, s’explique, par exemple, le blason de la ville de Vernon dans l’Eure comptant trois bottes de cresson et une devise à l’avenant : « Ver non semper viret, Vernon semper viret » (= Le printemps n’est pas toujours vert, mais Vernon l’est toujours). Les cressonnières se déployèrent donc également à une large zone comprise entre Senlis et Chantilly, soit à une bonne partie de la vallée de la Nonette, mais également plus à l’ouest encore comme à Saint-Gratien (Val-d’Oise) dont la cressonnière aura laissé à Joseph Roques quelques-uns de ses impérissables souvenirs : « Avant de partir, nous avons voulu visiter la maisonnette et la famille du jardinier. Qu’avons-nous vu ? Une bonne mère, une superbe fille, des enfants frais et vermeils, plusieurs saladiers remplis de cresson, du pain de ménage à faire envie, et un parfait contentement. Voilà la simplicité des campagnes, et, si j’osais le dire, le vrai bonheur »8. Mais attention, parce que dans ce tableau bucolique enchanteur, l’on peut parfois discerner quelque ombrage sournois, ennemi perfide qui se glisse jusqu’aux tréfonds de l’homme. En effet, la culture, la récolte et donc la consommation du cresson cru n’est pas sans poser problème parfois, cette plante étant l’hôte d’un parasite qu’on appelle la douve du foie (Fasciola hepatica) et dont nous allons un peu parler. Ce parasitage s’effectue préférablement dans un lieu connexe au pâturage des animaux domestiques, le mouton pour l’essentiel. Jetons donc un œil au foie et aux canaux biliaires de ce sympathique mais naïf quadrupède qu’est Ovus aries. S’il s’y trouve une douve, celle-ci va naturellement pondre des œufs qui vont être excrétés via les excréments du mouton. Parvenant, d’une façon ou d’une autre, à un lieu assez humide, ils vont se métamorphoser, devenant des embryons en forme de toupie qui, parce que ciliés, peuvent se déplacer et, ce faisant, parasiter un mollusque de passage, une sorte de limnée (Galba truncatula). A l’intérieur du gastéropode se déroule une autre phase de transformation (renvoyant Alien au rang de l’amateurisme ^.^) : « le parasite y donne finalement naissance à des organismes munis de ventouses et d’une queue qui quittent leur hôte pour gagner l’eau ambiante et se fixer ensuite sur une plante, telle que le cresson, où ils s’enkysteront » à la manière d’une graine de gui sur une branche9. Et c’est à ce moment que la tragédie peut se reproduire : en étant avalé par un mouton, ce cresson va de nouveau parasiter l’animal ou l’un de ses congénères qui ne l’était pas encore, ou bien directement l’homme en quête de cresson pour s’en régaler. Dans un cas comme dans l’autre, le kyste avalé va produire dans l’organisme (ovin comme humain) une nouvelle douve, et ainsi de suite. J’ai volontairement fait court, parce que, comment dirait l’autre, on n’a pas que ça à faire ^.^

Chez l’homme, l’infection à la douve du foie ou distomatose peut prendre une tournure sévère : le foie, sujet à l’hypertrophie, devient sensible à la palpation, durcit et se bosselle. Les manifestations les plus évidentes d’une infection à la douve du foie sont de nature avant tout gastro-intestinale (douleurs épigastriques, diarrhée sanguinolente et bilieuse). Apparaissent encore une tendance à l’œdème des membres inférieurs, mais surtout une abondance de globules blancs éosinophiles. Il existe aussi des formes pulmonaires, pharyngées et intestinales de distomatose. Parmi les remèdes végétaux capables d’expulser la douve du foie, j’ai noté l’émétine (alcaloïde tiré de l’ipéca ; cf. l’article dédié à cette plante) et la fougère mâle.

Bref, l’on peut toujours récolter du cresson dans des endroits qui paraissent douteux, cela ne signifie pas qu’il le soit aussi, mais, dans le doute, justement, on préférera lui faire subir la cuisson (qui détruit un parasite comme la douve), lui enlevant au passage ses qualités organoleptiques et médicinales : au final, cela ne sert pas à grand-chose. Dans ce cas, mieux vaut s’abstenir de le cueillir. A son bénéfice et au nôtre.

Le cresson en phytothérapie

Bien moins plébiscité qu’en son dernier âge d’or (le XIXe siècle), le cresson n’en reste pas moins un aliment-médicament alignable, d’un point de vue des propriétés et des usages thérapeutiques, sur le même plan que le cochléaire, le raifort, le radis ou encore les mieux connus ail et chou. C’est ainsi que le Larousse médical, dans les années 1920, le présentait encore.

Tout comme le cochléaire, le cresson s’utilise essentiellement à l’état frais, car cuisson, ébullition et dessiccation lui font perdre à peu près toute capacité. Au mieux, il importe de consommer dans la journée le cresson récolté afin de lui conserver son état de fraîcheur. Ce qui n’est pas toujours possible, surtout dans les régions éloignées des cressonnières. Sans doute connaissez-vous ces bottes de cresson liant entre elles des tiges sans fleur ni racine et dont le poids standard est de 275 g : il s’y trouve toujours, outre les feuilles abîmées par la pression mécanique, des feuilles fanées, jaunies. Celles-ci, il importe de les écarter, car, s’échauffant, elles peuvent présenter un degré de toxicité non négligeable.

Parfois surnommé « plante de santé » ou « santé du corps »10, le cresson s’avère, à l’analyse, digne de cet éloge attribué par les Anciens, puisqu’il totalise nombre de substances assimilables indispensables. Gorgé d’eau comme l’on peut s’en douter (93,30 %), le cresson contient peu d’hydrates de carbone (3 %) et encore moins de protéines (2,20 %) et de lipides (0,30 %). Concernant les vitamines, pour 100 g de cresson frais, nous trouvons : de la vitamine A (294 à 349 µg), de la vitamine B1 (0,08 mg), de la vitamine B2 (0,16 mg), de la vitamine B3 (0,90 mg), de la vitamine C (80 à 140 mg), de la vitamine E, de la vitamine D3 et de la vitamine K (250 µg). Au sujet des oligo-éléments et sels minéraux, nous pouvons aligner les chiffres suivants : potassium (282 mg), calcium (54 à 200 mg), phosphore (54 mg), sodium (52 mg), fer (1,7 mg11), soufre, cuivre, manganèse, zinc, iode12.

Un principe amer ainsi qu’une huile sulfo-azotée (parfois surnommée huile de moutarde) contenant du sénévol, des isothiocyanates et du raphanol, sont responsables de la saveur corsée, piquante et un peu amère du cresson, de son odeur chaude et un peu irritante.

Au total, l’on peut établir sans rougir que « c’est un légume sauvage très précieux qui nous restitue bien la vitalité propre à chaque retour de la belle saison »13.

Propriétés thérapeutiques

  • Stimulant des voies digestives, tonique digestif, apéritif, cholagogue, stomachique, vermifuge
  • Stimulant, énergétique, anti-anémique, minéralisant
  • Dépuratif sanguin, hypoglycémiant, stimulant des voies urinaires, sudorifique
  • Expectorant, modificateur des sécrétions bronchiques, pectoral, anticatarrhal
  • Stimulant et assainissant du cuir chevelu, stimulant des bulbes capillaires, favorise la repousse capillaire
  • Détersif, résolutif, cicatrisant, éclaircissant cutané, purifiant cutané, désintoxiquant tissulaire
  • Fébrifuge, rafraîchissant
  • Antiseptique, antibiotique
  • Antinévralgique, anti-odontalgique
  • Anticancéreux14
  • Antidote de la nicotine (?)
  • Purifiant et aseptisant bucco-dentaire

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère hépatobiliaire : lithiase biliaire, insuffisance hépatique, diabète (fait chuter le taux de sucre urinaire)
  • Troubles de la sphère vésico-rénale : lithiase urinaire et rénale, néphrite calculeuse, insuffisance rénale, catarrhe vésical, rétention urinaire, rhumatisme et douleur goutteuse par excès d’urée
  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : inappétence, atonie et débilité stomacale, parasites intestinaux
  • Troubles de la sphère respiratoire : toux, toux rebelle, tuberculose à ses débuts, coqueluche, bronchite, bronchite chronique, bronchite avec expectoration mucopurulente importante, catarrhe bronchique chronique, polype nasal (?)
  • Affections bucco-dentaires : raffermissement gingival, cicatrisation des ulcères buccaux, fluxion dentaire
  • Hydropisie, œdème généralisé, engorgement œdémateux et lymphatique, ascite
  • Scorbut
  • Asthénie, atonie générale, anémie, lymphatisme, avitaminose, rachitisme, convalescence
  • Bursite
  • Affections cutanées : ulcère (sordide, scrofuleux, scorbutique), plaie, plaie atone, abcès, phlegmon, anthrax, dartre, herpès, prurit vulvaire, eczéma, teigne, gale, tache de rousseur, éphélide, lentigo
  • Affections du cuir chevelu : gale du cuir chevelu (chez l’enfant essentiellement), soin des cheveux gras et des cuirs chevelus gras (Le cresson, étant plante de Vénus et donc de beauté, explique nombre de prescriptions présentes dans ces deux derniers points.)

Modes d’emploi

  • Dans l’alimentation quotidienne : quand c’est la saison, on peut consommer le cresson en salade, seul ou accompagné, nappé d’une bonne vinaigrette, ce qui a pour conséquence de stopper l’évaporation de la vitamine C qui, très volatile, se désagrège rapidement. Si l’on préconise de faire tremper le cresson, ainsi que la mâche et le pissenlit, dans une eau vinaigrée après leur récolte, ce n’est pas que pour les désinfecter, c’est aussi une manière d’aider ces végétaux à ne pas voir cette précieuse vitamine s’évanouir.
  • L’infusion (30 à 60 g de cresson frais par litre d’eau) est la méthode assurant de détruire la quasi totalité de la vitamine C. Or, si c’est elle qu’on recherche, on s’en remettra à un autre modus operandi… L’infusion à froid est aussi possible, mais l’on observe encore ce phénomène d’évaporation des vitamines, substances relativement fragiles.
  • La macération vineuse à froid et à couvert : 150 g de cresson frais dans un litre de vin blanc.
  • Le suc frais de la plante est ce qu’il y a de meilleur en interne comme en externe. D’une botte de cresson de 275 g, l’on peut tirer jusqu’à 190 g de ce suc, soit 70 % du total. Il peut être administré tel quel ou bien être mêlé à de l’eau, du bouillon, du vin, etc.
  • Avec du sucre, l’on peut faire de ce suc un sirop (500 g de suc de cresson filtré et 750 g de sucre).
  • Cataplasme : des feuilles fraîches de cresson peuvent être appliquées sur la peau en guise de cataplasme froid, mais cela n’est pas la meilleure manière d’utiliser le cresson en externe. L’on peut mixer 100 g de cresson frais que l’on réduit en pulpe fine, y ajouter 10 g de sel ou bien un blanc d’œuf battu.
  • Mâcher des feuilles de cresson fraîches est utile en cas d’affections bucco-dentaires.
  • Lotion capillaire n° 1 (inspirée du père Blaize) : teintures-mères de cresson, de sauge officinale, de romarin (50 ml de chaque), huiles essentielles de romarin, de sauge officinale, de gingembre (5 ml de chaque). A bien mélanger. En friction quotidienne du cuir chevelu.
  • Lotion capillaire n° 2 (Henri Leclerc) : suc frais de cresson (100 g), alcool à 90° (100 g), huile essentielle de géranium rosat (10 gouttes). A bien mélanger. En friction quotidienne du cuir chevelu.
  • Lotion antilentigineuse d’Anne Shirley15 : trois parties de suc de cresson dans une de miel. Mélangez bien et lotionnez avec un tampon de coton matin et soir. Laissez sécher. Lavez à l’eau claire.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Le cresson dont on ferait un usage abusif est tout à fait capable de porter une action irritante par son sénévol sur les parois stomacales, l’urètre et la muqueuse vésicale. A trop fortes doses, l’on observe parfois des cas de cystalgie et de strangurie, des spasmes vésicaux et des douleurs vésicales très pénibles. Il n’est donc pas recommandé aux personnes prédisposées aux irritations et inflammations des voies digestives et urinaires, d’employer trop longuement le cresson (sauf s’il est cuit, bien entendu). Des cas de nausée, de vomissements et de refroidissement des extrémités ont été observés après absorption de cresson à un stade trop avancé. Les états fébriles, l’instabilité et l’irritabilité nerveuses sont aussi des raisons valables de se passer de cresson frais. Pour en terminer là, on s’est interrogé sur les probables vertus abortives du cresson, cela par une action sur les muscles lisses de l’utérus. Au XVIe siècle, Lonitzer prenait position dans ce sens.
  • En cuisine, du cresson, l’on peut faire une salade unique ou composée. Cisaillé, il peut remplacer la ciboulette. La cuisson du cresson permet d’obtenir de succulents potages et autres porées, comme cela se faisait régulièrement au Moyen âge. Pour celles et ceux qui, pour une raison ou pour une autre, ne supportent pas le cresson frais, il est toujours possible de l’employer comme l’épinard, ainsi tourtes et quiches sont à vous, de même que farces et pâtés végétaux. On peut encore mêler le cresson aux pommes de terre auxquelles il se marie effectivement bien, mais aussi aux pâtes alimentaires, etc. En Europe centrale, on prépare le cresson selon la technique de la lactofermentation. Le cresson entre dans la composition de l’eau de mélisse des carmes, ainsi que dans certaines absinthes (pour les verdir surtout).
  • Le mot cresson a donné lieu à bien des confusions. Il faut faire attention de ne pas confondre le cresson de fontaine avec le cresson alénois (c’est-à-dire d’Orléans) qui, lui, pousse les pieds bien au sec. Listons encore quelques-uns de ces faux-amis : – Cresson du Pérou, du Mexique, d’Inde, des jésuites : la capucine (Tropaeolum majus) ; – Cresson du Pará : la brède mafane (Spilanthus acmela var. oleracea) ; – Cresson sauvage : la berle (Sium latifolium) ; – Cresson amphibie : le rorippe amphibie (Rorippa amphibia) ; – Cresson des prés : la cardamine (Cardamine pratensis) ; – Cresson de terre : la barbarée du printemps (Barbarea verna).

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  1. Paul-Victor Fournier, Dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France, p. 316.
  2. Joseph Roques, Nouveau traité des plantes usuelles, Tome 1, p. 212.
  3. Pline, Histoire naturelle, XIX, 44.
  4. Joseph Roques, Nouveau traité des plantes usuelles, Tome 1, p. 213.
  5. Henri Leclerc, Les légumes de France, p. 258.
  6. Macer Floridus, De viribus herbarum, p. 119.
  7. Plante emblématique des séances de dépuration qu’on entamait traditionnellement le vendredi saint (généralement en avril : le 15 en 2022, le 7 en 2023), le cresson fait partie des très nombreuses herbes qui firent du XIXe un siècle très « vert » en raison de cette tendance très nette et oubliée aujourd’hui à l’« enherbage ». Cerfeuil, vélar, cochléaire, pourpier, laitue, fumeterre, roquette, pissenlit, chicorée sauvage, moutarde, crépis, etc., font partie de ce groupe de plantes prédisposées à cette fonction.
  8. Joseph Roques, Nouveau traité des plantes usuelles, tome 1, p. 221.
  9. Léon Binet, Cent pas autour de ma maison, p. 87.
  10. Léon Binet, ayant visité enfant les cressonnières de Provins (Seine-et-Marne), reçut cette explication de la part de son père : il poussait là une plante considérée par lui comme une véritable « santé du corps ». L’hôpital de Provins porte encore le nom du professeur.
  11. Un cresson qui pousse dans un eau riche en fer peut se charger jusqu’à six fois plus de fer qu’à la normale.
  12. Au sujet de l’iode, en affichant déjà une valeur de 1 à 3 mg par botte, soit 4 à 11 mg au kilogramme, on a tout d’abord pensé à une erreur ou une malversation de laborantin. Des chiffres plus élevés – 15 à 48 mg – sont parfois évoqués, mais comme ils concerneraient un taux non plus au kilogramme mais aux cent grammes, je ne sais trop quoi en penser…
  13. Thierry Thévenin, Les plantes sauvages. Connaître, cueillir et utiliser, p. 219.
  14. Leclerc, rappelant les travaux de Léon Binet, signalait dans le Précis de phytothérapie que l’extrait de cresson « injecté à des rats et à des souris présente un effet restrictif sur la croissance du cancer expérimental » (Henri Leclerc, Précis de phytothérapie, p. 179).
  15. Anne Shirley est l’adorable héroïne d’une série de romans que l’on doit à la Canadienne Lucy Maud Montgomery (1874-1942) et dont la principale et frappante caractéristique est d’arborer une flamboyante chevelure rousse ainsi que sept taches de rousseur sur le nez : ses tentatives pour s’en débarrasser, couronnées d’insuccès, m’ont forcément fait penser à elle lorsque j’ai déniché cette vieille recette cressonnée ^.^

© Books of Dante – 2022

Le tupilak : auxiliaire de mort du chamanisme groenlandais

Le Groenland est un vaste territoire grand comme quatre fois la France où les groupements humains, bien que disparates, sont pourtant traversés et plus ou moins unis par une riche mythologie, la vie spirituelle n’ayant jamais pu s’effacer devant les effets de la conversion des populations du Groenland au christianisme.

Parmi les figures mythologiques magiques, l’on croise le tupilak, une créature maléfique créée de toutes pièces par la main de l’homme. Cet objet tabou, composite et chimérique, dont nous voyons ci-dessus quelques spécimens, est une sorte de golem intégrant des fractions d’animaux spécifiques à la sphère géographique et culturelle des Inuits, c’est-à-dire des os, des poils, de la peau, des tendons, aussi bien d’ours, d’oiseaux arctiques, de renards, de phoques que de chiens. Il arrive aussi qu’on y adjoigne des fragments humains (cheveux, ongles, dents de lait, placenta…). Élaboré en secret par l’ilisitsok (ou sorcier « noir »), en un lieu généralement désert et secret, le tupilak est animé par le sorcier qui lui insuffle une charge magique en lui offrant notamment son sperme, puis l’instruit de ses désirs par l’intermédiaire de chants rituels. Généralement, le but visé, de même qu’à travers les tablettes de défixion, c’est la mort d’un ennemi. Cette créature polymorphe, qui peut évoluer selon les besoins de sa charge, se rend auprès de sa victime conformément aux injonctions de l’ilisitsok. Il agit par la ruse, ce qui est là sa principale force : le tupilak « se réduit au pouvoir qu’il possède d’induire l’homme en tentation », parce qu’« il suscite l’attrait de la victime en lui laissant saisir une partie attrayante de lui-même qui cache le drame à venir »1. La victime du tupilak disparaît à travers un événement qui prend toute l’apparence d’un banal accident de chasse ou de navigation. Ce qui ouvre grand la voie au doute qui « engendre la crainte », d’autant que l’action psycho-magique du tupilak est inscrite dans une dimension qui se situe au-delà des limites du monde « réel ». Il n’y a guère que l’angakok (le chaman) qui peut déceler ce qui se trame, habitué qu’il est à côtoyer les forces brutales, sombres et inconscientes propres à chaque être humain.

Illustrations extraites de l’ouvrage de l’anthropologue danois Knud Rasmussen (1879-1933) Eskimo folk-tales paru en 1921.

Mais que l’ilisitsok prenne garde : le pouvoir, jamais acquis, peut toujours se retourner contre celui qui l’emploie. En effet, si le destinataire du tupilak est plus puissant que l’émissaire, cela n’est pas sans risque pour ce dernier. Le risque, pour le sorcier, c’est que le tupilak – ne parvenant pas à ses fins – fasse volte-face, s’attaque à son créateur et entraîne sa perte.

Le tupilak, et la tentation qu’il peut engendrer, est surtout un garde-fou contre elle : il signale que tenter le diable, activité bien solitaire contraire au communalisme propre aux Inuits, permet de refréner quelque peu les élans personnels qui ne manqueraient pas de venir perturber l’équilibre, toujours fragile et précaire dans ces régions farouches.

La nature même des éléments organiques qui composent les tupilaks explique que cela n’ait pas favorisé la conservation de ces artefacts. Les figurines ici présentées en photo ne sont, en réalité, que la représentation sculptée par les Inuits de ce que furent, peut-être, les vrais tupilaks dont les traits menaçants et horrifiques restitués par l’artiste, disent probablement un peu la teneur des intentions qu’attribuaient autrefois les chamans sorciers à leurs créatures.

Aujourd’hui, le tupilak est devenu l’une des principales formes d’expression artisanale (voire artistique) du Groenland, et s’est bien écarté de ses prérogatives d’antan, devant principalement séduire les touristes qui les ramènent chez eux en guise de souvenir. Afin d’en assurer la pérennité et la solidité, ces tupilaks « modernes » sont façonnés dans les parties dures tirées d’un certain nombre d’animaux (bois de renne, dent de cachalot, défense de morse et de narval).

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  1. Jean-Marc Huguet, Quand les chamans faisaient voler leurs âmes sous la glace, Nouvelle revue de psychosociologie, n° 2, 2006, pp. 204-205.

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Le fer (Ferrum)

Fer natif.

« L’idée d’établir une relation entre le fer, symbole de la force, et le sang, symbole de la vie, doit être vieille comme le monde », confiait Henri Leclerc dans l’un de ses ouvrages1. En effet, le fer, par ses vertus roboratives, ne donne-t-il pas du corps au ventre ? N’acquiert-on pas la robustesse d’une santé de fer grâce à lui ? Par une poigne de fer et des nerfs d’acier, l’on dispose de deux images qui font aisément comprendre quelle inflexibilité il peut exister dans une vie qui se fera un chemin coûte que coûte dès lors qu’elle fait appel au fer comme symbole de fertilité, et cela tant que son opiniâtreté ne nous fait pas glisser vers les dangers d’une excessive rigueur. La haute valeur que l’on a pu accorder au fer dépend d’au moins deux facteurs : il est d’autant plus sacré qu’on le sait d’origine météorique (c’est-à-dire céleste, là où résident les divinités) et qu’il est pur, car à la manière dont on l’extrait de sa gangue indifférenciée, l’on forge l’idée qu’il représente « l’esprit se dégageant de la matière pour devenir visible »2. Malgré toutes ces précautions, l’on a vu, au cours de l’histoire, le fer être délaissé, réduit au rang d’un métal suscitant parfois le mépris et la répugnance, comme on peut en faire le constat en ce qui concerne l’Égypte antique, ce qui explique la rareté des objets en fer durant l’Antiquité égyptienne. Pourquoi ? Parce que, considéré aux côtés de l’aimant – substance sacrée liée à Horus –, le fer non magnétique, vu comme les os de Seth, devint fatalement maudit. Est-ce la même aversion qui amena à proscrire l’emploi d’instruments de fer durant l’élévation du temple de Salomon ? Peut-être, car ce qui est sacré n’est généralement pas touché par le fer, ou alors au prix d’une grande vengeance de la part de la divinité offensée : en Inde, couper ou même seulement toucher l’Açvattha sacré avec un outil en fer, c’est attirer sur soi le courroux de la divinité qui habite cet arbre. Pourtant, cela ne troubla pas le moins du monde Hildegarde de Bingen, puisque, pour elle, couper des rameaux avec une lame n’est pas rédhibitoire. Peut-être parce qu’elle évoque, pour ce cas précis, non pas le fer (ferrum) mais l’acier (calybs) : si le premier, de par sa nature chaude, est puissant et utile, l’acier l’est d’autant plus « qu’il est la forme la plus puissante du métal de fer. Il représente, en quelque sorte, la divinité de Dieu, et c’est pourquoi le diable le fuit et l’évite »3. Quand on sait à quel point les esprits malins s’écartent devant le fer, l’on comprend que Hildegarde ait vu dans ce métal un remède capable d’inhiber l’action des poisons présents dans les aliments et les boissons. En revanche, lorsque Hildegarde usait d’instruments en acier ou bien qu’elle faisait cuire le contenu d’une marmite à l’aide d’une barre d’acier chauffée à blanc, elle ne nous précise pas si cela participait à la bonification des remèdes.

Nous voilà, en tous les cas, rendus à une première évidence : le fer est protecteur de la vie face aux influences mauvaises qui pourraient peser sur elle. Mais, parce qu’il est l’outil par lequel toutes les tyrannies forgent dans l’ombre leurs armes, il est aussi l’instrument satanique de la guerre et de la mort. C’est là toute l’ambivalence du fer que nous allons maintenant étudier dans le détail.

Durant l’Antiquité gréco-romaine, l’on voyait la rouille naissante sur le fer comme un remède des énergies défaillantes, ainsi qu’un principe générateur, sans doute par analogie entre sa couleur et celle du sang séché. Ne vit-on pas, parmi les recommandations allant dans ce sens, celle consistant à ingérer la rouille recueillie sur un poignard longtemps resté fiché dans le tronc d’un chêne4 ? Mais la rouille, davantage que le fer bien sûr, c’est la corrosion, la destruction, l’accablement des forces que le fer est justement censé incarner. Par exemple, dans ce manuel bien connu qu’est le Petit Albert, l’on rencontre la manière d’élaborer un talisman (ou sceau) que l’on grave tout d’abord sur une plaque de fer et que l’on glisse une fois achevé dans une étoffe rouge. « Ce talisman, explique-t-on, aura la propriété de rendre invulnérable celui qui le portera avec révérence. Il lui donnera une force et une vigueur extraordinaire. Il sera vainqueur dans les combats auxquels il assistera »5. De plus, histoire de faire bonne figure, ce même talisman protégera les forteresses au point que leurs assaillants ne pourront qu’être mis en déroute. Enfin, au pire, il provoquera révoltes, dissensions et guerres intestines. En douterait-on ? L’auteur du Petit Albert insiste : « Pourquoi faites-vous difficulté de reconnaître que celui qui a donné à l’aimant la vertu secrète d’attirer à soi une masse pesante de fer d’un lieu à un autre, est assez puissant pour donner aux astres, qui sont des créatures infiniment plus parfaites que l’aimant et que tout ce qu’il y a de plus précieux sur la Terre, a des propriétés et des vertus secrètes qui surpassent la portée de nos esprits, d’autant plus que ces astres sont régis par des intelligences célestes qui règlent leurs mouvements »6. Étant question du fer et de la couleur rouge, il n’est pas bien difficile de distinguer de quel astre parle le Petit Albert : en l’occurrence de la planète Mars qui doit non seulement être renvoyée au dieu romain du même nom mais également à celui qu’on s’abuse trop souvent à désigner comme son homologue, le grec Arès. (Dans les lignes qui suivent, nous aurons l’occasion de montrer en quoi ces deux figures mythologiques doivent être rigoureusement distinguées.) Afin de mieux mettre en lumière les spécificités d’Arès, il nous faut porter un éclairage singulier sur l’un de ses frères, le forgeron des dieux Héphaïstos. Si on les considère tous les deux comme nés des amours d’Héra et de Zeus, la mythologie nous explique aussi qu’ils sont chacun rejetés par leurs parents, le premier pour sa brutalité, le second pour sa laideur. Hormis cela, qu’est-ce donc qui unit ces deux frères au point que je me sente dans l’obligation de faire ici appel à leur existence respective ? Eh bien, ces deux personnages ont tous les deux un rapport avec le fer, à la différence qu’il est d’émanation saturnienne pour Héphaïstos, martienne pour Arès, l’un façonnant l’arme que l’autre ne fait qu’utiliser. La principale fonction du dieu Héphaïstos est donc de forger les armes des dieux et des héros, de leur insuffler un caractère magique, tandis qu’Arès, qui n’est jamais plus qu’un symbole et ne possède pas réellement de substance propre, c’est le fauteur de troubles, fléau de l’humanité, bravache, passionné par la force brutale qu’il impose aux autres tout en étant bien incapable de supporter à son tour ce qu’il leur fait subir. Ce maudit des hommes souillé de sang n’est pas toujours très courageux, se comporte en lâche et poltron, geignant et pleurnichant quand il lui arrive d’être blessé. Cet être passionné n’a rien à voir avec Mars, redoutable et invincible, qu’à Rome l’on honorait bien plus qu’on appréciait seulement Arès en Grèce.


Héphaïstos par le sculpteur danois Bertel Thorvaldsen (1770-1844). Musée Thorvaldsen à Copenhague. En guise de clin d’œil, notons que dans son nom, on lit celui d’une autre grande divinité au marteau ;-)

Héphaïstos et Arès sont encore liés par un autre point commun, une sorte de discorde en somme, cette pomme dans laquelle chacun souhaite croquer : Aphrodite. Épouse légitime du premier, cette dernière est présentée comme l’amante du second. Malgré le pacte marial établi entre Héphaïstos et Aphrodite, la préférence amoureuse de la déesse s’accommode finalement fort bien du tempérament belliqueux et brutal d’Arès, aussi incroyable que cela puisse être. Souvenons-nous de l’implication de la déesse de la beauté dans l’émergence du conflit armé allant opposer Grecs et Troyens. Elle prit bien entendu le parti de Pâris après le jugement qu’il donna en sa faveur. Et Arès se joignit à elle au profit des Troyens, tandis qu’Achille, promu aux Grecs et armé par Héphaïstos, peut apparaître comme un pied-de-nez adressé à Aphrodite et son amant. Héphaïstos ne manquera d’ailleurs pas de se gausser du couple, en particulier en raison de cette union perverse : l’œuvre d’Aphrodite est d’amour, non de guerre et de haine. Que traîne-t-elle ses escarpins sur les champs de bataille ? Malgré les armes qu’il façonne, Héphaïstos n’en est pas moins un dieu affable amoureux de la paix : l’on comprend mieux ainsi son opposition symbolique par rapport à Arès. Malgré sa difformité, sa grande laideur et la trahison de la déesse de l’amour, Héphaïstos est un esthète, non seulement parce qu’il fabrique des bijoux de grande beauté, mais également parce qu’il a beaucoup de succès auprès de la gente féminine, bien des femmes – toutes du plus grand charme – recherchant activement sa compagnie, à l’exception, bien sûr, d’Aphrodite dont le glyphe bien connu (♀) s’associe plus volontiers à celui de Mars (♂) pour symboliser les polarités mâles et femelles, qu’à celui d’Héphaïstos – un demi disque posé sur son diamètre et surmonté d’une barre horizontale –, lequel est généralement ignoré.

Si l’on s’imagine discerner, à travers la figure de Mars, une « amélioration » symbolique d’Arès, il n’en est rien. Ce dernier n’en reste pas moins le dieu de la guerre et du fer acéré7, métal apparaissant intrinsèquement mêlé à une période de brutalités criminelles et sanguinaires : qu’y a-t-il donc dans l’expression même d’âge de fer ? Si l’on sait que de l’or au fer, tout en passant par l’argent puis le cuivre, la chute n’est que continuelle (elle est censée se perpétuer jusqu’à l’âge encore plus barbare du plomb saturnien, ce qui ouvre de charmantes perspectives…). Cet âge de fer est marqué par la dureté de la race de fer qui s’exprime à travers lui et l’anime : c’est toujours davantage de vulgarité, de solidification, de pétrification, de ce qui n’est point éthéré mais, tout au contraire, épais, lourd et pesant. Cette régression vers la force brutale, tyrannique, sombre, impure et diabolique, mène vers davantage de matérialisation et de mise au ban des sentiments élevés (les hauteurs célestes) au profit de cette bassesse terrestre tout à fait caractéristique de notre siècle et de ce monde occidental qui n’en finit pas d’agoniser, tel que cela est inscrit dans son nom. Il y a presque trois millénaires, Hésiode avertissait déjà face à ce danger : « Nul prix ne s’attachera plus au serment tenu, au juste, au bien : c’est à l’artisan de crimes, à l’homme tout démesuré qu’ira leur respect ; le seul droit sera la force, la conscience n’existera plus ». Nul besoin de remonter bien loin pour en croiser dans le fil de l’histoire, de ces hommes de fer. Observons cet ancien symbole des chevaliers médiévaux teutoniques qu’est la croix de fer : elle symbolise tout d’abord le courage dans la bataille, la bravoure prodiguée lors du combat. Sous le sinistre sceau des nazis, elle a fini par dire dans quel abîme l’homme est finalement tombé depuis les craintes d’Hésiode de l’y voir trébucher. Aujourd’hui, nul ne porte plus de croix de fer au ras du cou. Mais les hommes de fer n’ont hélas pas disparu : aiguisez de façon acérée vos regards et vous en démasquerez forcément dans votre entourage…


Fer-de-lance. Quelle que soit la matière dans laquelle il est élaboré, on conserve cette locution qui renseigne davantage sur la forme et l’allure que sur la constitution exacte. Ici : pointe de flèche en bronze. 1300 à 1050 avant J.-C.

Si l’on se place à une extrémité symbolique stricte, il peut découler de ce que nous venons d’écrire que parce que « d’origine chthonienne, voire infernale, le fer est un métal profane qui ne doit pas être mis en relation avec la vie »8. Mais cela n’est-il pas trop restrictif ? Il est vrai que de même que l’« on n’installe pas une cible pour que les tireurs la manquent »9, l’on peut s’interroger sur la césure symbolique applicable au fer selon que le forgeron le soumet en le transformant en objets de vie (outils agricoles) ou de mort (armes). Le cas le plus typique me semble être la hache, un des seuls outils à être aussi une arme et inversement. Au travers de cet unique objet, l’on peut se rendre compte qu’à lui seul il ne compte pas : qu’est-ce que la technologie sans l’intention préalable qui la met en action ? Mais l’on ne fabrique pas d’armes en fer pour ne pas avoir à s’en servir…

Il importe de prendre de la hauteur : la plupart des forgerons mythiques, à l’image du démiurge, s’ils sont capables de « forger le Cosmos, ils ne sont pas Dieu »10, mais fournissent aux grandes figures créatrices l’instrument qui sera leur emblème et avec lequel ils vont créer/dé-créer le monde : on le voit bien avec le foudre de Zeus, le vajra d’Indra, le marteau Mjöllnir de Thor ou encore les flèches et la hache de Perkunas (ce dieu letton occupe tout à la fois les fonctions de forgeron et de père céleste, union d’un Héphaïstos et d’un Zeus). Même dans la Bible l’on voit un forgeron maître du cuivre et du fer officier dans quelque passage de la Genèse (IV, 22) : Tubal-Caïn, dont on dit qu’il forge toutes sortes d’instruments.

Par la maîtrise qu’il imprime au feu et par son aisance à manipuler les énergies de la nature, l’on a pu dire du forgeron qu’il confinait à la sorcellerie, surtout lorsqu’il excelle dans l’art de la magie des métaux (il y a beaucoup de magie dans la métallurgie , l’une nourrissant l’autre et vice-versa). Par la forge même, l’on accentue la proximité du forgeron avec l’enfer : par exemple, chez les Yakoutes, K’daai Maqsin, chef-forgeron de l’enfer, réside dans une maison de fer, ce qui accroît d’autant le caractère démoniaque du forgeron que l’on craint pour cela aussi bien chez les Bouriates qu’à travers les traditions folkloriques européennes : « le forgeron est maintes fois assimilé à un être démoniaque et le Diable est connu comme jetant des flammes par sa bouche. Nous retrouvons dans cette image, valorisée négativement, la puissance magique du feu »11. On peut avoir pour le forgeron une attitude ambivalente : à l’image d’un paria, il peut être autant honni que méprisé et, tout à la fois, respectueusement craint, voire vénéré, en particulier quand, dans certaines sociétés, on l’assimile au chef politique et à l’homme-médecine, une donnée très intéressante qui nous permet de connecter le forgeron au personnage du chaman, car comme le professe un proverbe yakoute, « forgerons et chamans sont du même nid ».

L’on croise chez l’un comme chez l’autre une importance cruciale accordée au fer que le forgeron s’oblige à marteler sans cesse afin de se tenir hors de portée des mauvais esprits, maniant constamment son marteau et ses pinces, insufflant énergie au feu de sa forge de laquelle émane un perpétuel fracas dont le but est d’écarter ces esprits. Le chaman, qui cherche aussi à les éloigner, s’y prend d’une manière toute différente : son costume comprend généralement de nombreux objets ferriques dont le but avéré est d’effrayer les esprits et de se protéger face à leurs mauvais coups. On voit ainsi faire les chamans de l’Altaï, de Sibérie et de Bouriatie. Chez certains, on leur voit porter un casque de fer et un bâton auquel sont attachées les miniatures de divers objets (lance, épée, hache, marteau, pointe de harpon, étrier, bateau, rame). Le costume du chaman sibérien est quant à lui bardé de nombreux objets en fer (disques percés d’un trou, étoiles, lunes, silhouettes animales, flèches…) et dont le poids total est la plupart du temps compris entre 15 et 20 kg : cela ne l’empêche pourtant pas d’être précis dans son équilibre et de faire la démonstration en toutes circonstances de son pouvoir de contrôle. A cela s’ajoutent encore de nombreuses chaînes (qui symbolisent la puissance et la résistance du chaman), ainsi qu’un pectoral sur lequel la foudre, peut-être, viendra un jour frapper… Tout cet attirail rouille-t-il ? Non, parce que, croît-on, ces objets ont tous une âme… Figurant aussi les os du chaman, ils sont encore l’incarnation physique et visible de son pouvoir et de sa puissance.


Le martèlement de la rate (Gaston Vuillier, 1845-1915). Par la charge magique dont il est investit, le forgeron est aussi un guérisseur. Ce marteleur de la rate cherche à évacuer le mal du corps du malade par des coups de marteau répétés sur son enclume.

Il a été depuis longtemps renvoyé à ses forges, Héphaïstos. Et le Champ-de-Mars n’est plus qu’un parc pour Parisiens désœuvrés, mais qui abritait non loin une école militaire. Pourtant, le souvenir du dieu romain de la guerre persiste dans quelques locutions : on le devine dans le martinet (cet infâme objet dont on corrigeait autrefois les enfants), dans la loi martiale (dont bien des états font usage trop souvent et inconséquemment) ou encore chez les Martiens, qu’on a voulu grimer en petits hommes verts. Mais, parmi elles, il y en a bien une dont on ne parle plus tellement : les préparations martiales. Tenez, la prochaine fois que vous vous rendrez dans une pharmacie, demandez-y une teinture de mars safranée, vous ne devriez avoir comme réponse que deux yeux éberlués ^.^ Le mot mars s’est tant confondu avec le métal qui le représente qu’on préféra souvent utiliser l’expression « préparation martiale » plutôt que « préparation ferrugineuse ». D’Hippocrate à la Renaissance (tout en passant par le plus gros des médecins de l’Antiquité gréco-romaine et de la médecine arabe du Moyen âge), l’on vit poindre une multitude de remèdes formant là ce que l’on pourrait nommer l’archaïque médication martiale : rubigo ferri (la rouille), stercus ferri (le mâchefer), squama ferri (l’écaille de fer), aethiops martialis (l’oxyde noir de fer), etc. L’on vit bien certaines de ces préparations traverser les siècles et y survivre : la rouille (ou safran de mars) apparaissait encore dans l’œuvre de Pierre Pomet à la fin du XVIIe siècle et l’aethiops martialis surnageait dans celle de Simon Morelot en 1807. S’y ajoutaient beaucoup d’autres assemblages ayant de près ou de loin le fer comme élément fondamental : safran de mars astringent, teinture de mars, teinture de mars astringent, huile de mars, sirop de mars, cristaux de mars, tout cela avant que les sulfate de fer et autre tartrate ferreux ne renvoient au rang des vieilleries toutes ces « absconseries » martiales ! Du côté des eaux ferrugineuses, cela n’était guère mieux. En dehors du fait de s’en remettre aux stations thermales d’eaux ferrugineuses chaudes ou froides, l’on en obtenait par des moyens artificieux en jetant dans de l’eau (douce ou de mer) un fer rougi au feu ou bien en plaçant des clous dans une grande quantité d’eau. Quant à l’eau chalybée, elle s’obtenait en éteignant dans l’eau une barre faite non pas de fer mais d’acier.

A la fin du XVIIIe siècle, tout cela se stabilisa un peu, bien qu’on vantait encore les propriétés toniques, astringentes et emménagogues du fer. Il s’utilisait alors lorsque la suppression du flux menstruel était le résultat de l’inertie, de la froideur et/ou de la langueur des humeurs. On le disait aussi vermifuge et carminatif. Les modes d’emploi, pour effrayants qu’ils peuvent nous paraître aujourd’hui, n’eurent pas le don d’horrifier le moins du monde les utilisateurs de ce siècle : Desbois de Rochefort transmet un de ces modus operandi : placez de la limaille de fer dans un petit sachet de toile bien noué et faites trempougner le tout dans une tisane ou un bouillon comme l’on fait maintenant de n’importe quelle infusette ! Il fallut patienter jusqu’au début du XIXe siècle pour voir se multiplier les préparations martiales qui, bien que fort plus nombreuses, furent rapportées à des proportions plus justes, contrairement à ce que prônaient les Anciens qui voyaient le fer capable d’intervenir à tout propos. Ceci dit, afin de remettre quelque peu les choses en perspective, je vous propose, pour achever cette première partie, quelques suggestions de recettes qui avaient cours en France il y a moins de deux siècles :

  • Remède emménagogue de Haller : infusion de menthe pouliot et de limaille de fer rouillée dans du vin blanc ;
  • Vin martial : 30 g de limaille de fer dans un litre de vin blanc en macération pendant une semaine ;
  • Bière diurétique : semences de moutarde, cendres de genêt et limaille de fer en macération à froid dans de la bière ;
  • Électuaire fébrifuge : racine de grande gentiane jaune, fleurs de camomille et limaille de fer, le tout dans du miel ;
  • Médication tonique : cannelle combinée au quinquina et au fer.

Caractéristiques minéralogiques

  • Composition : fer à 100 % (parfois naturellement associé à des inclusions de nickel).
  • Densité : 7,88.
  • Dureté : comprise entre 4 et 5.
  • Morphologie : cristaux (inconnus à l’état naturel), agrégat cristallin, grumeau, grain, imprégnation.
  • Couleur : gris acier.
  • Éclat : métallique.
  • Transparence : opaque.
  • Clivage : parfait selon /001/ (cf. schéma ci-dessous).
  • Cassure : rugueuse.
  • Fusion : 1553° C.
  • Solubilité : dans l’acide nitrique (HNO3) et l’acide chlorhydrique (HCl).
  • Nettoyage : à l’eau distillée. A sécher immédiatement.
  • Particularités : malléable, ductile, élastique, aimantable, oxydable par l’oxygène de l’air (ce qui forme la rouille).
  • Morphogenèse : magmatique pour le fer terrestre, météorique pour le fer cosmique. Quant au fer natif, c’est-à-dire dans un état de pureté dans lequel on peut trouver également l’or, l’argent ou le cuivre, l’on s’est longuement questionné, comme on le peut constater dans l’ouvrage de Simon Morelot daté de 1807 : « Le fer natif serait du fer à l’état métallique, si l’on pouvait croire qu’il en existât réellement »12. Parallèlement à cela, on avait bien pris en compte que certaines météorites n’étaient pas toutes pierreuses, d’autres étant ferropierreuses, ce qui est très rare, et d’autres encore intégralement ferriques (parfois avec du nickel, comme c’est le cas de la plus grosse de ces météorites, la météorite de Hoba, en Namibie : pesant soixante tonnes, elle est constituée de 84 % de fer et de 16 % de nickel). On a donné à ces météorites le nom de sidérites (sidèréos ouranos : le « ciel de fer », vieil héritage d’une dure croyance en l’existence d’une voûte céleste métallique). On était en effet convaincus qu’elles provenaient des étoiles, plus précisément de celles groupées en constellation, siderus, par opposition à stella, « étoile isolée ». Considérer* cela n’est-il pas sidérant* ? Bref, pendant longtemps, on a imaginé impossible l’existence de fer natif terrestre : tout cela a été révoqué en doute, voire carrément nié, même après la découverte de blocs de fer natif dont on crut qu’ils étaient « des produits de l’art qui ont été enfouis dans la terre par quelque circonstance »13 ou, pourquoi pas, les facéties d’un kobold… ^.^ On est depuis, revenu de cet état de sidération*, puisque l’on sait aujourd’hui que, bien que rare, le fer natif terrestre existe bel et bien, et cela sans le truchement d’un quelconque astéroïde qui nous expédierait un bloc de ferraille sur la tête selon son bon gré. Des gisements existent en Allemagne (près de Kassel), en Nouvelle-Zélande, au Groenland, en Irlande du Nord (comté d’Antrim). Si ce fer natif avait été plus fréquent, sans doute qu’il y a deux siècles l’opinion des minéralogistes aurait été aiguisée par davantage de sagacité, mais, face à leur incroyance, l’on invoquait le fait « que ce fer n’est pas assez abondant pour être compris dans le rang des mines propres à l’exploitation »14. Ce qui peut se comprendre dans un objectif sidérurgique15, l’industrie du même nom n’ayant pas attendu après le fer natif pour se développer, ayant principalement fait appel aux minerais de fer que compte la nature, à savoir : la sidérite (FeO : 62 %), la vivianite (FeO : 43 %), la goethite (Fe2O3 : 90 %), la magnétite (Fe2O3 : 69 % et FeO : 31 %), l’hématite (Fe : 70 % et O : 30 %) et la chalcopyrite (Fe : 30,50 %).
  • Paragenèse : olivine, pentlandite, pyrrhotite.

Note : on n’évoquera pas ici la manière de séparer le fer de la gangue minérale qui l’emprisonne, nous contentant de nous arrêter au seuil du haut fourneau dans lequel, en faisant fondre du minerai de fer, cela ne permet guère d’obtenir que de la fonte, que l’on commue par la suite en fer le plus pur possible en supprimant la partie carbonée de cette fonte. Quant à l’acier, c’est un alliage composé d’une majorité de fer et d’une faible fraction de carbone (0,20 à 2 %). Sachons enfin qu’on protège le fer de la rouille par le zincage et qu’en recouvrant une tôle de fer d’une fine couche d’étain, l’on obtient ce que l’on appelle le fer-blanc.

Le fer en thérapie

Autrefois, nombreuses étaient les spécialités prétendument pourvoyeuses de fer, ce qui ne se reflète plus dans la ribambelle de compléments alimentaires modernes.

Bien que très abondant dans les tissus du corps humain (jusqu’à 5 g chez l’homme, un peu moins – 3 à 3,50 g – chez la femme), le fer n’en reste pas moins un oligo-élément (et non un macro-élément) dont les ¾ sont stockés dans l’organisme sous la forme de ferritine. De fait, comme tout oligo-élément, il n’est pas interchangeable. Dans l’ensemble, les oligo-éléments « s’avèrent indispensables à l’équilibre physiologique et toute carence, en un ou plusieurs oligo-éléments, se solde par des manifestations plus ou moins graves »16. Décelé pour la premier fois dans le sang par Vincenzo Menghini en 1747, le fer doit être apporté par l’alimentation à hauteur de 10 à 18 mg par jour.

Propriétés thérapeutiques

  • Apéritif, digestif, carminatif
  • Constitutif essentiel de l’hémoglobine et des globules rouges (ainsi que de leur production), régénérateur sanguin, coagulant, hémostatique
  • Tonique, participe au processus de création énergétique, anti-asthénique, anti-anémique, participe au bon développement du système immunitaire
  • Transporteur d’électrons et d’oxygène (via le sang)
  • Régulateur du fonctionnement du système nerveux, participe au bon développement des fonctions cognitives
  • Antispasmodique
  • Astringent

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : digestion difficile et diarrhée par faiblesse et atonie des voies digestives, dyspepsie anémique
  • Troubles de la sphère gynécologique : menstruations abondantes, flueurs blanches (leucorrhée), grossesse
  • Fatigue physique et/ou intellectuelle, fragilité et faiblesse, affaiblissement général, anémie du nerveux et du lymphatique, neurasthénie, convalescence, convalescence traînante, convalescence après épisode hémorragique
  • Troubles locomoteurs : rhumatisme, ataxie locomotrice, pertes musculaires
  • Troubles du système nerveux, insomnie, difficulté de concentration
  • Pourvoir aux besoins des sportifs, des enfants et des adolescents en forte croissance, des personnes déficientes en fer (par exemple, les végétariens ou végétaliens)

Note : on évoque surtout la carence en fer à travers la très connue anémie, bien qu’elle ne se manifeste pas seulement par ce seul biais, puisqu’une carence en fer se traduit par une pâleur du teint, un essoufflement à l’effort. De plus, sa relative absence facilite les hémorragies (qui ne vont faire qu’accroître, cumulativement, cette carence), tout en ralentissant l’assimilation de la vitamine C, laquelle fonctionne en tandem parfait avec le fer. En revanche, l’on connaît beaucoup moins les perturbations que peut entraîner un excès de fer dans l’organisme, hormis le plus notable : la constipation. D’autres troubles gastro-intestinaux peuvent également survenir (troubles de la digestion, dyspepsie), ainsi que des éruptions cutanées de type acnéique. Signalons pour finir l’existence d’une maladie génétique, l’hémochromatose, se traduisant par un dérèglement de l’absorption intestinale du fer : l’organisme en accumule plus que nécessaire, entraînant une intoxication progressive des principaux organes (foie, cœur, etc.).

Modes d’emploi

L’administration « artificielle » du fer est très délicate. Tout d’abord, si l’on connaît les principaux préjudices convoyés par une carence ferrique, une trop forte complémentation n’est pas non plus sans danger, du fait de la très faible capacité de l’organisme à excréter le fer via les émonctoires : cela s’effectue à raison de 0,50 à 1 mg par jour ! De plus, supplémenter extérieurement l’organisme en fer peut ne pas servir à grand-chose si certains troubles en entravant la bonne assimilation persistent. Par ailleurs, certains troubles digestifs (comme le défaut d’absorption intestinale), un mauvais équilibre nutritionnel (c’est-à-dire défavorisé en d’autres oligo-éléments protagonistes), peuvent concourir à une carence en fer plus ou moins appuyée. On sait que l’inuline est promotrice d’absorption, de même que le cuivre, la vitamine C, la vitamine B9 ou encore B12.

Si j’ai connaissance qu’autrefois l’on donnait aux enfants des pommes après qu’on les ait préalablement piquées de clous en guise d’anti-anémique empirique des campagnes, l’on ne se contraindra plus à l’antique macération aqueuse de vieux clous rouillés, ni à je ne sais quelle eau « ferrugineuse » obtenue par la trempe d’une barre d’acier chauffée à blanc dans un baquet d’eau, ces méthodes barbares rappelant beaucoup trop le caractère martial du fer sur lequel nous avons eu l’occasion de nous attarder plus haut. En réalité, pour répondre à l’ensemble des besoins journaliers (en dehors d’une pathologie particulière), l’alimentation équilibrée, intégrant aussi bien des légumes que des fruits frais, est tout à fait capable d’y pourvoir. Voici un petit bréviaire des plantes que l’histoire médicale et diététique a retenues comme étant remarquablement riches en fer : abricot, ache, achillée millefeuille, amande, amarante, ananas, armoise annuelle, artichaut, asperge, aubergine, avocat, avoine, banane, bardane, bette, betterave, blé, bruyère, cacao, carotte, caroubier, céleri, centaurée chausse-trape, châtaigne, chénopode, chicorée, chiendent, chou, coing, coquelicot, cresson, datte, épinard, eupatoire, fenugrec, fève, figue, figue de Barbarie, fraise (fruit, feuille), framboise, frêne, fucus, garance, goji, groseille à maquereaux, guarana, gui, guimauve, hamamélis (feuille), haricot (grain), laitue, lamier blanc, lentille, liseron, luzerne, mâche, maïs, maté, melon, ményanthe, millepertuis, mouron des oiseaux, moutarde, navet (feuille), nigelle, noisette, noix, oignon, olivier (feuille), orange, orge, ortie, oseille, patience, pêche, peuplier (bourgeon), persil, petit pois, pignon de pin, pissenlit, poire, poireau, pois chiche, poivre d’eau, polypode, pomelo, pomme, pomme de terre, pourpier, prêle, prune, radis, raisin, reine-des-prés, scabieuse, seigle, thé, tomate, tussilage (feuille), violette.

Présent encore dans le vinaigre, le pollen et la spiruline, le fer se trouve aussi dans le jaune d’œuf, la viande rouge et les abats. Mais ce fer d’origine animale étant pro-inflammatoire et pro-oxydant (et la viande rouge l’est tout autant), on prendra soin de l’éviter sous cette forme et de le préférer en préparations pharmaceutiques microdosées faisant appel à des sels de fer biodisponibles (bisglycinate, pidolate, citrate, gluconate, lactate et pyrophosphate de fer).

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Pour les raisons que nous avons évoquées un peu plus haut, le fer est contre-indiqué en cas de maladies inflammatoires aiguës.
  • Les évacuations sanguines menstruelles sont la seule occasion de perte organique normale et chronique en fer, ce qui explique l’irritabilité et les sautes d’humeur, sans oublier la fatigue, propres à cette période féminine, d’autant plus accentuées que les pertes sont importantes. En dehors de cet unique cas, l’on fera attention aux hémorragies qui privent d’autant de fer l’organisme qu’elles sont plus étendues : perdre un millilitre de sang équivaut à l’excrétion en fer journalière, en perdre 20 ml, c’est se priver du bénéfice des apports quotidiens nécessaires. A cet éclairage, l’on se rappellera avec effroi de cette lubie des maniaques de la lancette : la saignée !
  • Avec la limaille de fer, l’on peut faire réagir diverses substances d’origine végétale : en faisant macérer ce lichen qu’on appelle cladonie des rennes (Cladonia rangeferina) avec de la limaille de fer, l’on obtient une belle teinture jaune fauve. De même, une décoction de rhizomes d’iris des marais mêlée à de la limaille forme une teinte noire dont on se servait comme d’encre d’écriture, à la manière de ce que l’on utilisait en teinturerie et en chapellerie : de la limaille de fer et de l’écorce de rameaux d’aulne produisent une teinte pareillement noire.

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  1. Henri Leclerc, En marge du Codex, p. 167.
  2. Jean Chevalier & Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, p. 628.
  3. Hildegarde de Bingen, Physica, p. 148.
  4. Poignard, chêne, fer, rouille, tout va dans le sens de la demande : on convoque des objets qui véhiculent une forte imagerie masculine et génésique.
  5. Petit Albert, p. 295.
  6. Ibidem, p. 303.
  7. Les mots acéré et acier ont une origine linguistique et étymologique commune : au sens premier, acérer une pointe, c’est la garnir d’acier pour lui faire gagner en robustesse.
  8. Jean Chevalier & Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, p. 434.
  9. Épictète, Manuel, 27.
  10. Jean Chevalier & Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, p. 457.
  11. Mircea Eliade, Le chamanisme et les techniques archaïques de l’extase, p. 369.
  12. Simon Morelot, Nouveau dictionnaire des drogues simples et composées, Tome 1, p. 569.
  13. Ibidem, p. 570.
  14. Ibidem.
  15. Dans les lignes qui précèdent ce mot, nous en avons signalés d’autres par un astérisque : considérer, sidérant, sidération. Avec sidérurgie, ils contiennent tous la racine grecque sídêros, « fer ».
  16. Jean Valnet, Se soigner avec les légumes, les fruits et les céréales, p. 109.

© Books of Dante – 2021