L’arnica (Arnica montana)

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L’arnica est une astéracée vivace à l’odeur aromatique caractéristique qui se propage par un système de rhizomes de couleur brune la plupart du temps. Du sol émerge une rosette de feuilles pubescentes et légèrement dentées, et dont la forme rappelle assez celles du plantain lancéolé (1). Puis, une tige duveteuse de 20 à 70 cm de hauteur, portant seulement deux petites feuilles lancéolées et opposées à mi hauteur, s’élance jusqu’à un capitule jaune orangé de 5 à 8 cm de diamètre, fleurissant de mai en août.
Bien qu’assez fréquente en Europe et dans l’ouest de l’Asie, cette plante se concentre uniquement dans des lieux hauts perchés (jusqu’à 2800 m d’altitude), ce qui explique l’adjectif montana : les Vosges, les Alpes, les Pyrénées, le Massif Central, le massif de la Forêt-Noire, etc. En revanche, elle est rare dans le Jura et presque inexistante en plaine, hormis dans les Landes et en Sologne.
Elle affectionne les sols acides (et non calcaires, ce qui a occasionné de nombreux essais de culture infructueux) : pâturages, prairies, gazons alpestres, landes, bois clairs de montagne, dans tous les cas, des lieux « ouverts ».

C’est sans doute son biotope et sa répartition géographique qui expliquent que l’arnica ait été inconnue des Anciens de l’Antiquité gréco-romaine, d’autant que cette plante est absente d’Italie et de Grèce. Aussi, comment pourrait-on parler de ce dont on ignore l’existence ? Peut-être y a-t-il eu, dans un passé lointain, des usages médicinaux à propos de l’arnica, mais cela n’a pas été chroniqué. On peut dès lors penser à un emploi localisé de la plante, sous couvert d’une tradition orale. C’est pourquoi on ne rencontre la première mention de cette plante qu’au XII ème siècle, dans les écrits d’Hildegarde de Bingen, qui l’appelle Wolfsgelegena. Alors, l’arnica n’a pas échappé à la sagacité de l’abbesse, puisqu’elle dit d’elle qu’elle « est fort chaude et contient une chaleur vénéneuse ». C’est une première indication thérapeutique au sujet de l’arnica, dont nous aurons l’occasion de constater qu’elle entretient des relations très étroites avec ce que nous appelons aujourd’hui l’Allemagne. Comme une forme de dissonance, Matthaeus Sylvaticus, médecin italien à l’école de Salerne, nomme la plante arnich en 1317. Puisque nous sommes en Italie, restons-y. Matthiole, célèbre pour avoir décortiqué l’œuvre de l’antique médecin grec Dioscoride, en a fait la description en 1554, tout en ignorant ses propriétés. Sauf que, par ailleurs, il nous est dit que Matthiole aurait popularisé l’emploi de l’arnica en cas de coups et de chutes. Alors, bon… sur cette incompréhension manifeste, retournons en Allemagne. A la fin du XVI ème siècle, Franz Joel s’intéresse au cas de l’arnica ; Tabernaemontanus remarque que cette plante est usitée en Saxe lors de blessures et d’accidents du travail. En 1645, Schroder note que les paysans de Holstein font bouillir l’arnica dans de la bière et qu’ils se servent de cette décoction contre coups et hématomes. Préconisée par Fehr dès 1678 sous le nom de panacea lapsorum (c’est-à-dire « herbe aux chutes ») comme l’un des plus populaires spécifiques des traumatismes, « on lui contesta bientôt les propriétés merveilleuses qu’on lui avait accordées » (2). Qu’importe, en 1712, un médecin viennois, Collin, l’intronise officiellement en médecine, mais pas en raison de ses propriétés vulnéraires mais fébrifuges. En effet, ce médecin utilisait l’arnica en lieu et place du quinquina, qu’il n’était pas toujours aisé de se procurer à l’époque. Cependant, « Stoll a pu nommer l’arnica ‘le quinquina du pauvre’, mais on lui a répliqué que c’était ‘un pauvre quinquina’ » (3). Qu’importe, une fois de plus. Meisner, de Prague, renvoie l’ascenseur en vantant les propriétés vulnéraires du panacea lapsorum dès 1736, une date inscrite au sein d’un XVIII ème siècle florissant en terme d’études à propos des propriétés de l’arnica, en Allemagne surtout, mais aussi en Autriche et en Suisse. Puis, le XIX ème siècle sonne, en quelque sorte, le glas de l’arnica. Elle apparaît cependant dans les travaux de Cazin, qui lui accorde neuf bonnes pages. A la fin de ce siècle, un sursaut semble faire reprendre vie à l’arnica. Mais c’est surtout durant la Première Guerre mondiale, entre les mains d’Unna, que l’arnica s’illustre sur les champs de bataille. Il l’utilise contre les blessures, même celles de la tête, une propriété vulnéraire qui a été contestée à la bétoine officinale (voir cet article dans lequel j’ai dit que l’arnica portait aussi les noms vernaculaires de bétoine des Vosges et de bétoine des montagnes, d’où, probablement la confusion). Au cœur même du XX ème siècle, celle que l’on appelle aussi doronic d’Allemagne, était encore macérée dans du kirsch afin de fabriquer la teinture alcoolique d’arnica dans les campagnes allemandes.

Qu’on l’appelle encore herbe à la hache, herbe aux prêcheurs, herbe vulnéraire ou grande arnique, l’arnica semble tirer son nom du grec ptarmiké qui, se déformant en ptarmica, aurait donné, à terme, les mots arcinca, artinca et arnica, c’est-à-dire l’herbe qui fait éternuer. Mais cela n’est pas son seul pouvoir.

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L’arnica en phytothérapie

Les fleurs, possédant un parfum plus agréable une fois sèches que fraîches (4), représentent la matière médicale privilégiée par la phytothérapie. Elles contiennent de l’arnicine (comprenant de l’arnidendiol à odeur de castoreum), de l’arnidol, de l’arnidiol, des tanins, de l’acide malique, une essence aromatique, etc. La racine, moins usitée, n’en est pas moins intéressante de par sa composition : inuline (10 %), arnicine (4 %), tanins, essence aromatique composée de phénols, d’éthers et de lactones (1 %).

Propriétés thérapeutiques

  • Stimulante des systèmes nerveux, respiratoire, circulatoire et digestif, tonique, fortifiante, restauratrice des forces abattues
  • Apéritive
  • Diurétique
  • Anti-inflammatoire
  • Antispasmodique
  • Sudorifique, fébrifuge
  • Émétique, purgative
  • Sternutatoire
  • Vulnéraire, astringente, résolutive, anti-ecchymotique
  • Pédiculicide

Usages thérapeutiques

  • Douleurs et tensions articulaires, rhumatismales et tendineuses (consécutives au surmenage des muscles, des os et des tendons), courbature musculaire, déchirement musculaire, lumbago, névralgie, douleur de la goutte, traumatismes (choc, coup, luxation, écrasement, foulure, entorse, contusion, hématome, ecchymose… (5)
  • Troubles de la sphère respiratoire : asthme, coqueluche, catarrhe pulmonaire chronique, hémorragie bronchique
  • Troubles de la sphère bucco-laryngée : amygdalite, affection de la gorge, gingivite, inflammation buccale
  • Troubles de la sphère cardiaque et circulatoire : insuffisance coronarienne, angor, myocardite artérioscléreuse, artériosclérose, spasmes artériels, phlébite, varice, jambes lourdes, résorption des œdèmes
  • Spasmes : chorée, tremblement des membres et de la langue, contracture tétanique, convulsion, épilepsie
  • Rétention urinaire par atonie de la vessie, hématurie
  • Coup de soleil, brûlure superficielle, piqûre d’insecte, furoncle, plaie atone
  • Convalescence, surmenage, fatigue occasionnée par une thérapie éprouvante
  • Fièvres

Modes d’emploi

C’est ici qu’il convient d’être méticuleux et de s’entourer de toute la prudence nécessaire. En effet, on ne prépare pas une infusion d’arnica comme on en ferait une de tilleul ou de verveine. L’usage interne, bien que possible, est déconseillé, sauf sous certaines conditions.

  • Infusion de fleurs, décoction de feuilles et/ou de racines, alcoolature, macérât huileux de fleurs fraîches : pour compresse, onction et massage
  • Cataplasme de feuilles, de fleurs ou de racines
  • Teinture-mère
  • Granules homéopathiques (6)
  • Crème

Précautions d’emploi, contre-indications, usages alternatifs

  • Toxicité : l’arnica est très toxique en interne. Au-delà de 4 à 8 g d’arnica par litre d’eau, les principes actifs de la plante peuvent avoir une action foudroyante sur l’organisme. Les premiers signes d’une intoxication débutent par une sensation de brûlure dans la gorge. A très hautes doses, la mort par asphyxie survient non sans que le sujet ait vu se produire bien d’autres manifestations : nausées, vomissements, gastro-entérite, céphalées, augmentation du pouls, palpitations, cardialgie, douleurs abdominales, coliques, diarrhées, sueurs froides, frissons, spasmes (tremblements, mouvements involontaires, secousses nerveuses), vertige, démangeaisons, hypersécrétion salivaire, délire, hémorragies, paralysie des centres nerveux (si à faible dose l’arnica permet de sortir d’un état paralytique, à hautes doses, c’est elle qui provoque la paralysie).
    Même en usage externe, l’arnica peut causer des désagréments, en particulier lorsqu’elle est employée sous forme de teinture-mère. Par exemple, des risques d’allergie sont possibles, favorisant vésications et éruptions érysipélateuses. En externe, on veillera à ne pas appliquer l’arnica près des yeux, de la bouche et, sous quelle que forme que ce soit, sur une plaie ouverte.
  • Potentiel abortif : selon Fabrice Bardeau, l’arnica aurait été employée comme abortif populaire.
  • Récolte : les fleurs en juillet, les racines en septembre. Les espèces montagnardes présentent des vertus plus énergiques que les arnicas cultivées en plaine.
  • Le macérât huileux d’arnica est un excipient de choix pour les huiles essentielles de laurier noble, d’hélichryse d’Italie, de menthe poivrée, de romarin officinal à camphre, etc.
  • Les fleurs d’arnica sont parfois parasitées par les larves de la mouche de l’arnica (Tephritis arnicae).
  • Lorsque les fleurs et les feuilles d’arnica sont séchées en présence d’humidité, le tout prend une teinte brunâtre et développe un parfum de tabac. C’est pour cela que les paysans vosgiens, entre autres, fumaient l’arnica comme du tabac et qu’elle conserve encore aujourd’hui les noms vernaculaires de tabac des Vosges, tabac de montagne, tabac des Savoyards, etc.
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    1. Pour cette raison, on dénomme parfois l’arnica sous l’appellation de plantain des Alpes.
    2. François-Joseph Cazin, Traité pratique et raisonné des plantes médicinales indigènes, p. 74
    3. Paul-Victor Fournier, Dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France, p. 111
    4. L’odeur assez forte des fleurs fraîches détermine l’éternuement. D’où l’un des nombreux surnoms donnés à l’arnica.
    5. Par son action sur le système cérébro-spinal, l’arnica fait davantage que d’endiguer les traumatismes physiques consécutifs à une chute ou un à accident violent, puisque les personnes en état de choc, de stupeur, de prostration suite à un événement grave, présentant de plus une pâleur du visage et un ralentissement du pouls, peuvent faire usage de l’arnica qui leur redonnera des couleurs et les fera sortir de cet état. L’arnica agit tant sur les chocs physiques que psychiques, à la manière des huiles essentielles de menthe poivrée et d’hélichryse d’Italie. Il existe d’ailleurs un élixir floral à base de fleurs d’arnica qui va dans le sens de ces prescriptions.
    6. « Chacun sait, et cela est constaté par de nombreux médecins, que lorsqu’on donne Arnica montana 5 CH à un enfant qui a fait une chute, le bleu, l’œil au beurre noir ou la bosse ne sortent pas », Paul Ferris, Les remèdes de santé d’Hildegarde de Bingen, p. 44

© Books of Dante – 2016

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