La pomandre (ou pomme de senteur)


Ce flacon taillé dans du cristal de roche et serti d’argent émaillé date probablement de la fin du XVIIe ou du début du XVIIIe siècle (empire moghol, Inde). Il s’ouvre par un couvercle dont on voit la charnière, révélant un aspersoir perforé et finement ouvragé. Cleveland Museum of Art, Ohio, USA.


En anglais, on l’appelle pomander, mais ce n’est jamais qu’une adaptation du pomandier français, lui-même contraction d’une expression plus étendue, pomme d’ambre. L’on dit encore pomandre, avec un ou deux m, mais cela n’enlève rien à l’affaire, la pommandre peut bien rester un mystère via une appellation qui dit si peu ce qu’elle est.

Pourquoi pomme ? Parce qu’elle en prit parfois la forme, contrairement à l’objet ci-présent à gauche, qui adopte davantage l’allure d’une poire. Pourquoi ambre ? Parce que dans cette pomme, creuse de l’intérieur, l’on glissait de l’ambre gris ou toute autre matière parfumée (du musc, de la civette ou bien encore des aromates divers sous forme poudreuse, liquide ou pâteuse).

On peut comparer la pomandre à cet objet que l’on vend dans les échoppes spécialisées en aromathérapie : le pendentif diffuseur d’huile essentielle. Le principe est résolument le même : emporter partout avec soi une odeur et la tenir aussi proche que possible du nez, pas tant par coquetterie, mais parce qu’aux siècles de sa plus active utilisation, l’on était convaincu que les bonnes odeurs prodiguées par la pomandre possédaient un pouvoir prophylactique censé assurer la sûreté de son porteur. Vu le luxe de l’objet photographié à gauche, l’on saisit les vertus que l’on accordait à l’ensemble du dispositif. Mais le pomandier disait aussi tout le prestige de son propriétaire : du XIIe au XVIIIe siècle, bien des rois et des personnages illustres possédaient de tels objets précieux qui rivalisaient d’ingéniosité d’élégance et de richesse (métaux rares : or, argent, vermeil ; pierres précieuses : topaze, rubis, grenat, émeraude, diamant, perle…). La pomandre fonctionnait-elle mieux pour autant ? Pas sûr, car bien appariée ou pas, on exigeait d’elle qu’elle propage de sains et salvateurs effluves, protection qui peut aujourd’hui faire sourire quand l’on sait qu’on opposait cet objet presque magique – viatique olfactif devenant quasi talisman – à des maladies comme la peste ou tout autre miasme météorique pestilentiel sans distinction. Elle était donc la représentation matérielle d’une croyance : parce qu’on pensait que bien des maladies se propageaient et se contractaient par les airs, il était de bon ton d’écarter de soi le mauvais en le contrariant pas les plus suaves parfums du temps.

© Books of Dante – 2022

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