Le pyrèthre (Anacyclus pyrethrum)

Pyrèthre d’Afrique

Synonymes : pyrèthre d’Afrique, racine salivaire.

Affubler cette plante d’un nom pareil (le pire être ?) est la démonstration que l’on remarqua, avec évidence, la nature fervente de la saveur de la racine de cette plante : le pyrethron des Grecs tire en effet son nom du mot pyr (que l’on retrouve dans pyrogravure, pyrite, etc.) et qui signifie « feu » (on en comprendra la raison un peu plus loin). Voici ce que dit Dioscoride au sujet de cette plante aux feuilles fines et divisées à la manière de la carotte et du fenouil sauvage : « En lavant la bouche avec sa décoction faite dans du vinaigre, elle aide aux douleurs des dents. Mâchée, elle attire le flegme (1). Ointe avec de l’huile, elle fait transpirer, ayant vigueur sur les longs tremblements. C’est un valeureux remède aux membres infrigidés et amortis de leur opération naturelle (= paralysés) » (2). A cela, ajoutons que Galien « combattait les fièvres intermittentes en appliquant sur le corps, lors du frisson, des compresses imbibées de cette décoction » (3), et nous aurons un assez joli portrait médicinal du pyrèthre d’Afrique, que la médecine arabe utilisait alors fréquemment.

Au Moyen-Âge, on parle de pyrethrum (comme chez Macer Floridus, par exemple), puis de pertheram par transformation, enfin de bertram au XII ème siècle, tel que l’appelle Hildegarde de Bingen dans le Physica. Il est bien possible qu’il s’agisse là d’une autre espèce, le pyrèthre d’Allemagne (Anacyclus officinarum). En Allemagne, cette plante intervenait en cas de maladies pectorales et hépatiques, principalement lorsqu’elles étaient accompagnées d’algie, ce à quoi Hildegarde ajoutait les propriétés suivantes : plante dépurative du sang, digestive, clarifiante de la vue, plausiblement psychotonique. Elle la disait efficace dans les douleurs stomacales et cordiales, pour chasser les humeurs mauvaises des poumons (pleurésie) et la mauvaise haleine. « Quand on en mange, dit-elle, il fait naître de l’humidité et de la salive dans la bouche » (4). Il n’y a là aucun doute sur la question de son identification : il s’agit bien d’un pyrèthre, cette action sialagogue étant caractéristique. Quant à Macer Floridus, il donne du pyrèthre un portrait particulièrement fidèle tenant en une seule phrase : cette plante « ranime les membres engourdis, préserve le corps de tout refroidissement, et remédie aux contractions nerveuses » (5). Il repère aussi son pouvoir sudorifique et son utilité en cas de fièvre, insistant aussi sur sa haute valeur en tant que remède bucco-dentaire, profitable en cas de maux de dents, d’enflure de la langue et d’une « infinité d’autres maladies de la bouche ».

Dire du pyrèthre que c’est une astéracée de «  type marguerite » c’est aller un peu vite en besogne, alors que cette plante penche davantage du côté des camomilles : elle en possède le gabarit (30 à 45 cm de hauteur, de port plus ou moins couché) et le feuillage délicat, finement découpé, de couleur glauque. Il est vrai que les grandes fleurs capitulaires, au cœur jaune et aux ligules blanches, rappellent immanquablement la marguerite qui n’est, pourtant, qu’une astéracée parmi tant d’autres. Mais, avec la pâquerette, elle est de ces plantes qui ont pris toute la place. Pour le phytothérapeute, ce en quoi le pyrèthre est digne d’intérêt se situe en-dessous de la surface du sol : une racine pivotante, longue, épaisse, fibreuse, brun grisâtre à l’extérieur, blanchâtre à l’intérieur.
Originaire des hauts plateaux algériens, le pyrèthre a été répandu aux Proche et Moyen-Orient par la main de l’homme, où il croît, de préférence, en des terrains pauvres.

Le pyrèthre en phytothérapie

Il s’agit bien ici du pyrèthre « vrai », celui dont on utilise exclusivement les racines dont l’odeur assez fade, nauséeuse, rappelant vaguement la réglisse, ne dit rien de l’âcre et brûlante morsure de sa saveur, le tout pour au moins trois raisons : une « résine » de couleur brune, une huile fixe brun foncé et une autre huile de couleur jaune, trois substances aussi âcres les unes que les autres. Cela fait donc beaucoup d’âcreté, laquelle se localise surtout dans l’écorce de la racine, beaucoup moins dans ses parties internes. Cette racine recèle aussi des substances plus anodines telles que de l’inuline en grande quantité (jusqu’à 40 %), du tanin, de la gomme, quelques traces d’essence aromatique et un pigment de couleur jaune. Au rang des sels minéraux, mentionnons les principaux : potassium, calcium, aluminium, silice, fer, manganèse.

Propriétés thérapeutiques

  • Sialagogue puissant, tonique et excitant gingival, odontalgique
  • Sternutatoire puissant
  • Antinévralgique
  • Digestif
  • Rubéfiant
  • Sudorifique

Usages thérapeutiques

  • Affections névralgiques : paralysie de la langue, du larynx, du visage, des membres
  • Affections typiquement bucco-dentaires et de la gorge : maux de dents, rage de dents, fluxion dentaire, douleur rhumatismale dentaire, sécheresse des muqueuses buccales, engorgement des glandes salivaires, engorgement et gonflement des amygdales, fluxion muqueuse du pharynx, maux de gorge
  • Bourdonnement d’oreilles
  • Transpiration cutanée insuffisante

Modes d’emploi

  • Poudre de racine sèche mêlée à du miel ou à une matière gommeuse pour en faire des pastilles.
  • Décoction de racines.
  • Macération huileuse de racines.
  • Macération acétique de racines.
  • Teinture-mère.
  • Racine à mâcher.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Récolte : à l’automne de la première année on procède à l’arrachage des racines de pyrèthre.
  • Usage interne : Cazin recommandait de ne point user du pyrèthre à l’intérieur, alors que d’autres praticiens surent s’en trouver bien, exhortant leurs confrères dans ce sens. A haute dose, et uniquement dans ce cadre, le pyrèthre, en usage interne, provoque sensation de malaise, nausée, colique, diarrhée, maux de tête douloureux.
  • La mastication d’un morceau de racine de pyrèthre a pour but d’agir localement. Bien qu’elle produise une abondante salivation, cette racine irrite vivement les muqueuses buccales. Lors de cet exercice, on prendra soin de ne pas avaler le morceau que l’on mâche !
  • Autre espèce : le pyrèthre d’Allemagne (Anacyclus officinarum) : probablement le pyrèthre d’Hildegarde.
  • Les pyrèthres insecticides : il s’agit de deux plantes qui n’ont aucun rapport avec le pyrèthre africain. L’on distingue le pyrèthre de Dalmatie (Tanacetum cinerariifolium), plante vivace présente en Albanie ainsi que sur la côte adriatique, et le pyrèthre rose ou pyrèthre du Caucase (Tanacetum coccineum), autre plante vivace aux capitules roses. Toutes deux constituent des poudres de pyrèthre insecticides dont l’obtention passe par la cueillette puis la dessiccation des capitules floraux. Insecticides connus depuis fort longtemps par les populations indigènes propres aux aires de répartition de ces deux plantes (le pyrèthre rose est usité en Perse depuis au moins le V ème siècle avant J.-C.), ils sont d’introduction relativement récente en Europe occidentale, puisque elle ne remonte pas avant le XIX ème siècle. Pratiquement inoffensifs pour l’homme et les animaux à sang chaud, les pyrèthres insecticides sont, comme l’indique leur nom, fatals pour les insectes et es animaux à sang froid, les poissons en particulier. Plus elle est utilisée fraîchement préparée, et plus la poudre de pyrèthre est efficace. Elle le devient beaucoup moins en vieillissant, subissant les affronts de la lumière et de la chaleur. L’on dénombre au moins trois domaines d’application de cette poudre végétale :
    – médecine humaine : parasitose digestive par les vers suivants : oxyures, ascaris, ankylostomes, lamblias, trichocéphales, ténias ; parasitose cutanée (gale) ; poux et typhus exanthématique ; punaises de lit (les faire fuir) ; piqûres de moustiques (les apaiser). Le Moyen-Âge occidental, particulièrement vermineux, se serait bien trouvé de ce remède s’il avait su son existence. Parce que le ver est à l’homme médiéval ce que le pou a pu représenter pour le soldat de la guerre de 14 : une plaie et, accessoirement, un ami fidèle
    – médecine vétérinaire : parasitose digestive (helminthiase) chez le mouton ; parasitose de la trachée-artère (syngamose) chez les animaux de basse-cour, les poules notamment.
    – traitement antiparasitaire au jardin : eudémis de la vigne, ver de la grappe (cochylis), altises de la vigne et du chou, doryphores, pucerons, chenilles des arbres et arbustes fruitiers, limaces, etc.

    Pyrèthre de Dalmatie

    Pyrèthre rose

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    1. Non seulement elle attire le flegme, mais elle purifie le cerveau, ajoute Serenus Sammonicus au III ème siècle après J.-C., Nicholas Culpeper apportant des précisions au XVII ème : cette purge soulagerait le cerveau des maux de tête et de dents qui peuvent l’assaillir.
    2. Dioscoride, Materia medica, Livre III, chapitre 69.
    3. François-Joseph Cazin, Traité pratique et raisonné des plantes médicinales indigènes, pp. 799-800.
    4. Hildegarde de Bingen, Physica, p. 32.
    5. Macer Floridus, De viribus herbarum, p. 167.

© Books of Dante – 2018

Une réflexion sur “Le pyrèthre (Anacyclus pyrethrum)

  1. La tanaisie commune (tanacetum vulgare), très fréquente dans nos contrées, est un antihelmintique puissant, utilisable chez humains, animaux et plantes, de la même façon que les 2 variétés citées dans l’article.
    En infusion (2 ou 3 tasses suffisent) ou telle que cueillie chez, p ex, le cheval, mêlée au foin ou à l’herbe.

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