Le galinsoga (Galinsoga parviflora)

Pour avoir la chance de savoir quoi faire du galinsoga, il faut se lever tôt ou bien aller quérir l’information là où elle se trouve, c’est-à-dire ailleurs que dans la presse francophone. En Europe, on a déclaré la guerre à cette plante qu’on dit invasive. Mais si l’on s’arrête à ce bête jugement, on méconnait forcément l’ensemble des aptitudes de cette plante. Et vu ce qu’elle est capable de faire en tant que remède et aliment, on serait bienheureux de réviser l’opinion hâtive qu’on s’est faite à son sujet.

Un beau week-end à toutes et à tous :)

Synonymes : galinsoge, petit galinsoga, galinsoga à petites fleurs, soldat galant, herbe aux Français, herbe piment, sournette blanche. En anglais, les noms waterweed et quickweed rendent compte de l’extrême vitesse à laquelle le galinsoga est susceptible de se répandre.

A l’introduction du galinsoga en Europe, l’on a imaginé deux voies d’accès, qui eurent toutes les deux lieu à la fin du XVIIIe siècle, sans que l’une ait été exclusive de l’autre. En 1796 (il est parfois donné la date de 1776), l’on aurait introduit le galinsoga, en provenance du Pérou, au jardin botanique royal de Kew, près de Londres en Angleterre. Version alternative : en 1794, deux botanistes espagnols, Hipólito Ruiz López et José Antonio Pavón, adressèrent des graines de galinsoga à des correspondants situés à Madrid et à Paris. Entré par la grande porte des capitales européennes, il se serait ensuite échappé par la petite, discrètement, dans la nature, avant que son appétence pour les grands espaces ne soit remarquée et ne se traduise par le nom qu’on lui donna alors outre-Manche : Kew weed. Autrement dit : « mauvaise herbe de Kew ». Pourtant, tout avait bien débuté pour le galinsoga, qui tire son nom, non pas d’une obscure étymologie propre à sa sphère d’origine – n’y voyez pas là le nom d’un archaïque dieu inca –, mais à celui d’un homme, un Espagnol. En effet, le galinsoga fut nommé en l’honneur du directeur du jardin botanique de Madrid, également médecin particulier de la reine Maria Luisa de Parme (1751-1819) : Ignacio Mariano Martinez de Galinsoga (1756-1797). Le galinsoga allait-il s’attirer des lettres de noblesse ainsi placé sous la houlette d’un aussi glorieux personnage, un brave homme désireux de faire sortir des carcans les peuples opprimés ? A cet effet, en 1784 il se pencha sur la délicate question du port du corset par les femmes en rédigeant un ouvrage intitulé Démonstrations mécaniques des maladies provoquées par l’utilisation des corsets. Autant dire que notre homme était loin d’être étroit d’esprit. Mais cette lettre de noblesse se transmuta en véritable lettre de cachet, car, malgré le fait que le galinsoga se soit vu paré du nom d’un grand homme, il ne parvint pas à faire sauter les verrous mentaux que l’on s’inflige, par exemple, à coup de « c’est une mauvaise herbe », vous connaissez la musique, etc. ^.^ Monsieur Galinsoga ou pas, c’est la traversée du désert qui allait attendre le galinsoga au sortir des jardins botaniques de Londres, Madrid, Paris ou d’ailleurs. Cette suspicion vis-à-vis de tout ce qui provient de l’étranger était déjà bel et bien présente. Et les plantes « qui sont pas d’ici », on sait, à peu de chose près, ce qu’on leur réserve habituellement, c’est-à-dire un traitement diamétralement opposé à celui qu’on offre aux plantes « aussi pas d’ici », mais qu’on est allé chercher volontairement, soi-même, au loin (je crois que ce qui agace le contempteur des mauvaises herbes, c’est qu’elles ne présentent pas leurs papiers quand elles franchissent une frontière ; cette aptitude à la désinvolture de leur part, oui, j’ai bien la sensation que ça rend fou l’adepte de la bureaucratie pour lequel rien ne doit dépasser ; mais on ne peut exiger d’une sauvage qu’elle se comporte comme un troufion à la caserne). Depuis lors, on ne compte plus les études parues sur un laps de temps d’une vingtaine d’années dans lesquelles les auteurs, de provenance très diverse, exposent les mêmes faits, objectent d’identiques récriminations. Expliquons donc en quoi le galinsoga est vu comme une machine de guerre prête à tout péter. Tout d’abord, un aveu : la difficulté avec laquelle il est presque impossible de l’éradiquer en dit long sur l’angoisse de ceux qui voudraient le réduire à l’état de boulette de paille de rien du tout. Sentiment d’effroi de ceux auxquels les choses échappent… Avoir peur face à la vie… Tout de même ! Équipé d’une plasticité phénotypique transgénérationnelle, le galinsoga a effectivement de quoi inquiéter les épandeurs de mort chimique tous azimuts. Ce qui nous mène tout droit au champ si typique de l’agriculture intensive. S’il est frais, sablonneux, profond, plutôt acide, enrichi de matières azotés en veux-tu en voilà, il est fort probable que le galinsoga s’y installe avec préférence, s’il dispose aussi d’assez de lumière et d’un enfouissement des semences à faible profondeur (4 à 10 mm ; autant dire qu’il n’a pas besoin d’un labour profond). L’azote, surtout sous la forme de dépôts élevés dans les sols agricoles, semble être un facteur prépondérant, à ce que le galinsoga nitrophile devienne un envahisseur agressif (en Afrique, ce qui est pour les Occidentaux un cauchemar, passe pour un indice précieux : on repère plus facilement les sols fertiles et prospères dignes d’accueillir des cultures si le galinsoga s’y installe préalablement). Des facteurs propres aux sols concourent à la réussite (ou non) du galinsoga. Si l’ensemble des conditions de levée de dormance des semences sont réunies, alors c’est la porte ouverte à une prospérité démultipliée sachant que plusieurs générations de galinsoga peuvent se succéder au cours de la même année. A l’âge de deux mois, un pied de galinsoga peut produire de 2000 à 15000 graines, petits fruits dont le pappus aide à la propagation par le vent ou par le biais des poils des animaux de passage dans lesquels il s’emmêle. Bien que les premiers froids signent l’arrêt de mort du moindre galinsoga, cette plante aura néanmoins réussi à fleurir sans discontinuer de mai à octobre, formant pléthore de graines qui conservent une capacité germinative jusqu’à cinq années. D’autres facteurs permettent d’expliquer le succès du galinsoga. Cette plante profite très probablement de champignons mycorhiziens arbusculaires lui assurant un développement aisé dans un biotope secondaire. De plus, « certains rapports d’étude indiquent que le galinsoga présente des niveaux élevés de tolérance aux facteurs de stress abiotiques associés aux changements climatiques »1. D’autres « résultats ont suggéré que Galinsoga parviflora pourrait utiliser des stratégies de tolérance et de résistance de manière exhaustive, adoptant une variété de stratégies de défense telles que la croissance compensatoire, la défense physique et la défense chimique, ce qui serait propice au succès de son invasion »2. Ajoutons encore à cela sa résistance à certains herbicides comme le propyzamide, et l’on comprendra davantage la crainte des équarrisseurs de mauvaises herbes. Mais, alors qu’en Europe, on passe son temps à râler après les EEE (dont le galinsoga et cet autre, le bident poilu, Bidens pilosa), en Afrique (République démocratique du Congo, par exemple), on les emploie comme plantes médicinales pour traiter, entre autres, l’hypertension des personnes âgées. Imagine-t-on voir « parader » l’humble galinsoga aux côtés du vénérable (et maintenant vénéré) moringa ? Il faut le croire pour le voir ^.^ Pourtant, certains chercheurs, équipés d’un peu plus de sagacité que d’autres, étouffés par les financements massifs des lobbys de la chimie agricole, se posent de bonnes questions et tentent d’y répondre : ils ont parfaitement conscience que, pour l’heure, le rangement du galinsoga dans le clan honni des mauvaises herbes interdit presque toute investigation autre que celle qui consiste à dénicher le meilleur moyen de lutter contre les « sales bêtes ». Ainsi, le temps perdu à rechercher un moyen de contrôler le galinsoga, ne l’est pas à rendre compte de ses activités thérapeutiques. Comme si ce classement entravait d’autres manières de considérer cette plante, c’est-à-dire en tant que plante alimentaire et médicinale. « En dehors de ces avantages, plus d’efforts sont nécessaires pour surmonter l’obstacle vers les applications cliniques de la plante. Par conséquent, les futures études devraient continuer à isoler et à identifier les composés bio-actifs, en évaluant les mécanismes d’action et leur efficacité contre diverses maladies. L’étude de toxicité est fortement recommandée en milieu clinique pour permettre l’utilisation durable de cette plante médicinale potentielle »3. Quel gaspillage en raison d’une monomanie ! Aussi, j’espère que cet article saura rattraper un tout petit peu de ce temps égaré, car qui aime la vie ne peut pas faire au galinsoga un mauvais accueil. Il faut les voir, ces plantes pionnières, qui brisent des digues ou des résistances psychorigides qui ne disent rien de bon sur l’état du monde. Parce que le galinsoga est un adepte de la liberté qui fait fi de la bien-pensance de travers. Il nous fait observer que l’on peut déborder du cadre, que l’on n’est pas dans l’obligation de rester enferré dans les entraves que d’autres ont dressées sur notre chemin, que, parce qu’inaliénable, l’on n’est pas non plus forcé de sacrifier son intégrité spirituelle. Or, la mauvaise herbe irrite, car elle incarne la liberté, celle-là même que les pourchasseurs de pestes cherchent à réduire au silence. Qu’on dise d’un homme qu’il est comme du chiendent ou de la mauvaise graine, et c’est tout de suite perçu comme une insulte. Mais n’est-il pas préférable d’être de cette mala pianta-là, plutôt qu’un docile légume, bien emballé, bien propret, bien calibré, quand bien même il serait fade et sans goût, parce que sans âme ? C’est pourquoi la mauvaise herbe est l’ennemie du geôlier et du tortionnaire, parce qu’elle se soustrait et se renouvelle sans cesse face à ce pouvoir qui n’est que très relatif et peut, dès demain, être remis en question. Hier encore, l’on croyait avoir mis à bas le bleuet, aujourd’hui celui-ci fait montre, avec opulence, de ses capacités d’adaptation, jetant de son œil noir un clin en direction de l’empesteur de mort chimique qui ne doit pas en croire les siens ! Bienvenue dans la Vie. Grandiose, immense, inarrêtable. A ce sujet, offrons-nous en une bonne tranche qui se situe au début des années 1940, sous la forme d’un compte-rendu écrit par Auguste Quéney (1867-1961) et qu’il fit paraître dans le Bulletin mensuel de la Société linnéenne de Lyon (janvier 1942). Alors qu’ailleurs les hommes s’amusaient à s’entre-tuer, Quéney nous parle du galinsoga repéré dans la banlieue lyonnaise. Étant moi-même Lyonnais, cela m’intéresse de savoir que cette plante si décriée aujourd’hui était déjà présente dans le fief qui allait m’accueillir des décennies après la publication de ce communiqué. Ainsi, saurez-vous maintenant qu’au début des années 1940, le galinsoga avait été recensé en trois localités : à Écully (rue Clément, une petite rue bordée de vieux murs qui devaient déjà être là il y a 80 ans), à Caluire-et-Cuire (au nord de Lyon, chemin de Vassieux, où je ne serai pas étonné de l’y trouver encore), enfin à la limite du quatrième arrondissement de Lyon et de Caluire-et-Cuire, rue Pierre Brunier. Ça nous fait une belle jambe, n’est-ce pas ? ^.^ Certes, certes. Mais il y a dans ce type de dépêche, un je ne sais quoi d’inattendu et de poétique qui me fait le même effet que de prendre inopinément connaissance, comme ça m’est arrivé récemment, dans un vieux journal du début des années 1970, d’un entrefilet qui témoigne du départ des hirondelles pour des terres moins inhospitalières et dont le retour ranime toujours au cœur de l’homme de bien meilleurs sentiments. On s’est bien éloignés du galinsoga, mais cette aparté permet de rappeler que sur ce blog, on pourra toujours parler de la beauté du monde.

En ce qui me concerne, la première fois où j’ai rencontré cette plante est assez récente, puisque c’était l’été dernier. Je l’ai alors remarqué, poussant en masse dans un recoin de potager, tapissant à lui seul plusieurs m². J’ai pu observer à loisir la croissance de cette plante jusqu’à ce que le jardinier ne décide de tout raser :/ Pas de panique, je puis néanmoins vous en faire la description. Petite plante annuelle de 50 à 60 cm de hauteur (on a recensé des spécimens mesurant le double), très ramifiée, finement pubescente surtout en ses parties hautes, le galinsoga comporte une abondance de feuilles dont les pétioles décroissent de la base au sommet. Opposées, ovales, crantées de grosses dents plates et achevées d’une pointe aiguë, les feuilles inférieures, qui sont les plus grandes (elles mesurent 6 cm de longueur et 4 cm de largeur), portent des stries parallèles bien visibles. Les feuilles supérieures, quant à elles, sont plus petites et presque sessiles.

Dès le mois de mai fleurit le galinsoga. Astéracée oblige, on lui voit porter de petits capitules (4 à 7 mm) presque sphériques constitués de 15 à 50 fleurs jaunes en forme de tube, formant un disque central bombé comme un couvercle de marmite, cernées par trois à huit ligules blanches trifides. Chacune de ces multiples fleurs forme un akène surmonté d’une aigrette plumeuse, le pappus. Comme le galinsoga possède un cycle de vie court (il lui faut cinquante jours pour aller de la germination à la formation des graines mâtures), l’on peut observer, quand les conditions le permettent, une succession de levées au cours d’un seul été.

Devenu cosmopolite, le galinsoga a été répertorié en Amérique du Nord, en Europe, en Afrique, en Asie et même en Australie. S’acclimatant à bien des latitudes et longitudes, le galinsoga sait faire preuve d’une grande capacité à peupler des milieux très variés dont la singularité est qu’ils portent tous plus ou moins l’empreinte des activités humaines : champs arables de l’agriculture intensive tout autant que le jardin potager particulier, terrains vagues et décombres, friches, bords de routes, trottoirs et pied des vieux murs, etc. Remarquons surtout l’accointance du galinsoga avec les sols perturbés.

Le galinsoga en phytothérapie

Vu que le galinsoga s’est propagé à une large partie de la planète, l’on a observé qu’« en raison des variances génétiques, des changements écologiques et des variables environnementales, il existe une grande variété chimique, qui contribue à la diversité des propriétés pharmacologiques »4. Cette évidence permettra, sans doute, de mieux accepter le fait qu’un grand contraste existe entre la présence de cette plante dans les champs (qui s’y répand avec une plus grande facilité que la morelle noire à laquelle, par l’allure générale, elle ressemble beaucoup) et la foultitude d’informations d’ordre phytochimique dont nous disposons à son sujet. Cela, c’est ce qui se produit lorsqu’on passe son temps à pester face à une « invasive » qui n’est pas reconnue pour ses bienfaits scientifique et médicaux sur le sol européen. Tout concentré sur les modes lui permettant de l’éradiquer (!), l’Européen néglige, comme de bien entendu, d’autres objectifs de recherche. C’est aussi cela qui explique que je n’ai trouvé la présence du galinsoga que dans seulement deux ouvrages de ma bibliothèque, dont l’un préconise de se débarrasser de cette « sale mauvaise herbe », ainsi que le Français aime à appeler de telles plantes. J’appelle ça « passer à côté », ce qui n’arrange pas le galinsoga, herbe à haute cécité botanique d’un point de vue pharmaceutique sous nos latitudes. Si l’on concentre le regard sur la matière médicale qu’offre le galinsoga, l’on remarque qu’il est souvent question des parties aériennes (fleuries ou non), fraîches, considérées entières ou bien par le seul suc que l’on en retire. Ces parties aériennes, les feuilles en particulier, émettent quelque odeur une fois froissées. En revanche, quand on vient à les mâcher, elles demeurent assez insipides en bouche. Rien de bien fantastique, en somme. Est-ce pour autant une raison satisfaisante pour rejeter cette plante ? Je ne crois pas. Il faut, effectivement, dépasser la vision erronée que l’on peut avoir sur ce point, à savoir : plante inodore/insipide = plante inactive. Surtout depuis que l’on sait que des plantes contiennent des composants primaires et des métabolites secondaires, lesquelles se révèlent à la perspicacité des chercheurs à la suite de différentes méthodes d’extraction (par exemple, dans le domaine de l’aromathérapie, on a parfaitement connaissance que des molécules qui ne préexistent pas dans la plante fraîche, se retrouvent dans le vase florentin à l’issue de la distillation). Il existe bien d’autres manières de voir évoluer la composition chimique d’une plante entre le moment où elle est encore sur pied, entière et bien vivante, et cet autre-là où elle est cryobroyée et séchée, ou bien réduite à l’état d’extrait alcoolique ou aqueux, etc. La liste des composants biochimiques présentés ci-dessous tient compte de cette dimension et peut donner, par sa profusion (surtout en ce qui concerne ce « pauvre » galinsoga parfaitement inutile, n’est-ce pas ? ^.^) l’impression d’une exagération. Quoi ? Cette humblette petite plante serait capable de tout ça ? C’est sûr qu’à côté du peu d’égard qu’on lui réserve habituellement, ça peut surprendre. Une fois de plus, ce sont les flavonoïdes et corps flavoniques apparentés qui sont ici à l’honneur, molécules dont on a beaucoup parlé au fil des tout derniers articles parus sur le blog (pour rappel : griffe du diable, rooibos, scutellaire de Virginie, gaillet jaune, etc.). Sorte de fil jaune ? Allez savoir, je n’en sais rien moi-même. Bref, les flavonoïdes. Voilà les principaux : apigénine 7-β-D-glucoside, galinsosides A et B, lutéoline 7-β-D-glucopyranoside, kaempférol, parviside A, quercétine 3-O-β-glucuronide, isoquercitrine, rutine, patulitrine, quercétagétrine, querciméritrine, astragaline, miquélianine, trihydroxyflavanone, pentahydroxyflavanone. Ils se tiennent en bonne compagnie avec les acides phénols et polyphénols que voici : acide chlorogénique (le principal), acide protocatéchique, acide 4-hydroxybenzoïque, acide gallique, acide isovanillique et acide caféique. Au sujet de ce dernier, on observe aussi divers dérivés comme l’acide tricafféoylaltrarique (dur, dur), l’acide dicafféoylglucarique et le parviside B. La composition biochimique du galinsoga compte encore des phytostérols (β-sitostérol, 3-O-β-D-glucoside, 7-hydroxy-β-sitostérol, stigmastérol, 7-hydroxystigmastérol), des diterpénoïdes (phytol) et des esters aromatiques (galinosoates A, B et C). On distingue encore un alcool gras à longue chaîne, le triacontanol (ou alcool mélissylique), un élément très pertinent si l’on considère la vigueur avec laquelle le galinsoga se propage partout. En effet, améliorant la photosynthèse et la biosynthèse des protéines, c’est un véritable facteur de croissance pour la plante qui en contient. Au registre des éléments plus communs, on constate l’existence d’un certain nombre de vitamines dans les tissus du galinsoga, dont de la provitamine A, de la vitamine C et plusieurs vitamines du groupe B (B1, B2, B3), de même que plusieurs éléments minéraux (calcium, potassium, magnésium, fer, zinc…). Du tanin côtoie une fraction aromatique qu’on dit tantôt dominée par le β-bisabolène (46 %), tantôt par le γ-bisabolène (40 %), qu’accompagnent encore des molécules plus connues comme le β-caryophyllène et d’autres plus ou moins inconnues. On cite parfois la présence de saponines et, plus curieux, d’alcaloïdes, mais rien ne me permet d’asseoir confortablement cette assertion hormis quelques rapides citations isolées dans la littérature.

Propriétés thérapeutiques

  • Anti-infectieux : antibactérien (Bacillus subtilis, Micrococcus luteus, Staphylococcus aureus, Escherichia coli, Pseudomonas aeruginosa), antifongique (Candida albicans, Aspergillus niger), antiviral, nématocide (Meloidogyne incognita, Cephalobus litoralis), larvicide et inhibiteur de la ponte chez plusieurs espèces de moustiques dont Anopheles stephensi, Aedes aegypti, Culex quinquefasciatus, Anopheles subpictus, Aedes albopictus, Culex tritaeniorhynchus (c’est-à-dire pas moins que des insectes vecteurs de différentes maladies infectieuses comme l’encéphalite japonaise, le paludisme, la fièvre jaune, le virus zika, le chikungunya, la dengue, la fièvre du Nil, l’encéphalite de Saint-Louis…)
  • Anti-inflammatoire, analgésique, anti-oxydant puissant, antiradicalaire, inhibiteur de la peroxydation de l’acide linoléique, effet protecteur contre les UVA (photo-protecteur), protecteur des fibroblastes cutanés contre le stress oxydatif provoqué par les UVA
  • Cytotoxique (cancer du sein, leucémie)
  • Digestif, nutritif
  • Dépuratif sanguin, améliore la circulation du sang, antihypertenseur, hypoglycémiant
  • Hépatoprotecteur
  • Astringent cutané, cicatrisant
  • Améliore la mémoire (?)

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : diarrhée, vomissement, maux d’estomac, cancer colorectal (?)
  • Troubles de la sphère respiratoire : rhume, grippe, infection fébrile
  • Troubles de la sphère hépatobiliaire : douleur et inflammation hépatiques, jaunisse, diabète du type II, hyperglycémie
  • Troubles de la sphère cardiovasculaire et circulatoire : hypertension, cellulite, hémorragie, rosacée
  • Affections cutanées : blessure (sanguinolente, de cicatrisation difficile), plaie, coupure, lésion cutanée, photo-vieillissement, photo-cancérogenèse, furoncle, abcès, acné, eczéma, lichen, piqûre d’insecte et d’ortie (en Inde, Afrique et Indonésie : piqûre de scorpion, morsure de serpent)
  • Maladies infectieuses : maladies causées par des nématodes, infections causées par des bactéries uréolytiques, paludisme, fièvre jaune ; dysimmunité (bouton de fièvre, etc.), anémie
  • Troubles locomoteurs : articulation douloureuse, courbature
  • Maux d’oreille
  • Maux de dents

Modes d’emploi

Note : le galinsoga n’étant pas inscrit dans la pharmacopée française, il n’existe donc aucune spécialité faisant appel à lui en vente sur le territoire national. N’allez donc pas ennuyer votre pharmacien en lui demandant une plante dont il n’a, sans doute, jamais entendu le nom. De même du côté des plantes en vente libre : pas de trace de lui. A plus forte raison. Qu’est-ce que cela signifie donc ? Eh bien qu’il faut vous en remettre à vos propres moyens, c’est-à-dire imaginer la confection de plusieurs remèdes « maison » élaborés à partir de la plante recueillie à l’état sauvage dans le biotope secondaire qu’elle occupe, tout en prenant soin, comme toujours, de ne pas la récolter n’importe où. Vous pourriez même semer des graines dans votre jardin, si vous saviez où vous en procurer (en courant le risque, au passage, de répandre la plante partout, sauf, bien sûr, dans les zones où la levée de dormance de ses semences est impossible). Néanmoins, sachez que le galinsoga peut s’utiliser aussi bien frais que sec. Voici quelques modes d’emploi qui pourraient vous aiguiller.

  • Infusion : dans un litre d’eau, placez 20 g de feuilles et de sommités fleuries fraîches de galinsoga. Laissez infuser une dizaine de minutes à couvert, puis filtrez.
  • Poudre de feuilles : après récolte et séchage soigneux, l’on peut réduire en une poudre grossière les feuilles du galinsoga. Il est possible de mixer plus finement ces paillettes au pilon. Comptez une cuillerée à café de cette poudre mêlée à un jus de fruit, une compote, etc.
  • Teinture alcoolique : plongez dans le même poids d’alcool (rhum à 50°, par exemple), une quantité donnée de sommités fleuries fraîches de galinsoga grossièrement hachées. Laissez en contact permanent pendant trois semaines tout en remuant vigoureusement votre bocal une fois par jour. A l’issue, filtrez et conservez en bouteille opaque. A utiliser à raison d’une demi cuillerée à café diluée dans un verre d’eau, trois fois par jour. Étendue d’eau, cette teinture se prêtre bien à la lotion cutanée.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Récolte : on peut récolter les parties aériennes à l’état jeune jusqu’au moment où la plante se met à fleurir. Comme elle fleurit au début de l’été, en juin, on peut en bénéficier durant tout le printemps en ce qui concerne des « usages de bouche ». A destination d’une pratique phytothérapeutique, il est permis de collecter la plante même une fois qu’elle a fleuri.
  • Notons-le par précaution : le galinsoga, aux doses usuelles (thérapeutiques comme alimentaires), n’est pas toxique, comme le prouve l’usage qui veut qu’on en donne sans risque au bétail en guise de fourrage (il ne conviendrait cependant pas aux chèvres…). Dans son fief natal sud-américain, cela fait des générations maintenant qu’il est convié à la table en tant que légume vert, cette plante alimentaire étant fort appréciée dans bien des pays (Chili, Pérou, Colombie, Bolivie…), une appétence qui s’est propagée à d’autres aires géographiques comme l’Asie du Sud-Est ou bien l’Afrique (Afrique du Sud, Tanzanie, Zimbabwe…). Le galinsoga est un exemple typique de ces légumes-feuilles qu’on appelle les brèdes, en particulier lorsque ce sont des feuilles à cuire comme l’arroche, l’amarante, le cresson de Para ou l’inénarrable épinard. Parce que peu sapide, on a fait du galinsoga un aliment de famine, considération dont semblent ne pas se soucier les Boliviens et les Colombiens de Bogotá, puisque, dans ces deux pays sud-américains, l’ajiaco, sorte de plat national ayant toute l’apparence d’une soupe épaisse à la limite du ragoût, fait participer, en guise d’ingrédient aromatique, la guasca (manière dont on nomme le galinsoga en Colombie) qui, une fois cuite, révèle une saveur proche de celle du cul d’artichaut et du topinambour, trahissant la présence dans ses feuilles d’hydrates de carbone qui, tout comme la pomme de terre, ont pour fonction d’épaissir la préparation, de lui apporte du corps. L’amateur d’ajiaco profite aussi des protéines, des acides gras, des sels minéraux et des vitamines du galinsoga.
  • Phytoremédiation : le galinsoga, qu’on voue partout aux gémonies par chez nous, a été remarqué comme potentiellement herbicide (drôle, n’est-ce pas ? ^.^) et semble posséder une activité de contrôle de certains micro-organismes affectant tout d’abord les plantes puis l’homme par voie de conséquence »5. Autre chose de bien intéressant : le galinsoga prospère sur des sols dont la particularité peu amène est d’être contaminés au cadmium, un métal lourd. Et, dans cette catégorie des plantes phytoremédiatrices, le galinsoga est un champion, étant qualifié d’hyper-accumulateur, chose risible quand on considère que le cadmium est l’une de ces substances qui farcissent en masse les accumulateurs des véhicules électriques6. Bref. Plus un sol est pollué au cadmium, plus la biomasse des racines et des pousses du galinsoga diminue, alors que la teneur de la plante en cadmium augmente, ce qui, bien entendu, rend ce galinsola-là impropre à la consommation humaine. D’où la nécessité de se renseigner sur l’historique d’un lieu avant d’y procéder à la cueillette du galinsoga qui s’y trouverait.
  • Autre espèce : en France, l’on peut aussi croiser un cousin du galinsoga, le galinsoga cilié (Galinsoga quadriradiata).

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  1. Source.
  2. Source.
  3. Source.
  4. Ibidem.
  5. Source.
  6. Cela me permet de glisser ici-maintenant une question qui me taraude l’esprit depuis quelques temps : est-ce sanitairement pertinent de conduire un véhicule qui embarque quantité de métaux lourds dans sa caisse ? Apparemment, ça ne dérange pas grand monde de se trimballer dans des bétaillères bourrées de nickel, cobalt, cadmium, etc. On ne va pas tous les citer, ça risque d’être long, vu que la plupart des métaux dits lourds – 41, au total – sont impliqués, peu ou prou, dans la fabrication des véhicules électriques. Et on pleurniche après le galinsoga. Pour ma part, je préfère que pousse le galinsoga dans les champs que de voir pulluler sur les routes ces gros SUV électriques dangereux.

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