La sauge sclarée (Salvia sclarea)

Sauge_sclarée

Entre la sauge officinale et la sauge sclarée, c’est du 10 contre 1. Si la littérature croule d’informations concernant la première, force est de constater que la partie congrue échoie à la seconde. Aussi vais-je faire mon possible pour relater les quelques événements bien maigres consignés çà et là à son sujet, pour raconter son histoire. Et je profiterai de cet article pour raconter mon histoire avec elle.

Les traces les plus anciennes qui concernent la sauge sclarée semblent remonter à 2000 ans environ. Dioscoride évoque un horminon qui pourrait bien être la plante du jour (à moins qu’il n’y ait, une fois de plus, confusion avec la sauge verte).
Mentionnée dans le Capitulaire de Villis (fin VIII ème siècle), on la retrouve peu après sous la plume de Strabon (Hortulus, 827) qui regrettait qu’elle soit, contrairement à l’officinale, aussi peu employée médicinalement, bien qu’elle ait hérité de noms vernaculaires élogieux à ce sujet : herbe aux plaies, toute-bonne, etc.
Au XIV ème siècle, on la rencontre sous l’étrange appellation d’orvale alors que deux siècles plus tôt, Hildegarde la recommande comme antitoxique, digestive et antimigraineuse.
Cultivée en grand au XVI ème siècle, elle eut ses entrées un siècle plus tard à la cour du roi Louis XIV qui, selon toute vraisemblance, l’utilisait abondamment (mais quelle plante n’employait-il pas ? Il y en eut tant et tant que cela ne relève même pas de l’anecdote…). Puis, la sclarée est lentement tombée dans l’oubli pour ressurgir au XIX ème siècle. De nouveau cultivée en grand pour être ensuite abandonnée, elle reviendra en force au XX ème siècle (aromathérapie, parfumerie).

On situe le berceau de cette belle plante vivace en Asie occidentale et en Europe du Sud. C’est une plante des terres en friches et des bordures de chemin, des coteaux arides et des pentes rocailleuses, qui peut atteindre un mètre de hauteur. Une tige de section carrée caractéristique porte de très grandes feuilles (20 cm !) rudes et rugueuses surmontées d’un épi terminal de fleurs rose violacé très mellifères.
En France, elle est surtout cultivée avec lavandes et lavandins dans le sud de la France : Haute-Provence et… Drôme provençale. Et c’est là que commence mon histoire avec cette plante.

Il y avait, au tout début des années 80, derrière la maison de mes grands-parents paternels, un champ qui s’étendait à perte de vue. Si quelques années auparavant de la lavande y était plantée, je me rappelle très bien de ces grandes plantes alignées dont j’ignorais jusqu’au nom. Me promenant parmi les rangées pendant des heures, j’ai fait l’expérience enivrante et euphorisante de la sauge sclarée ; un effet que j’ai retrouvé bien plus tard, relaté par Lydia Bosson dans l’un de ses livres : « A un stage d’aromathérapie en Provence en 1997, nous avions entrepris de ramasser des gerbes de sauge sclarée pour les protéger du temps qui devenait très orageux. A la fin de la journée, l’équipe était hilare et éclatait de rire à tout bout de champs » (L’aromathérapie énergétique, p. 237).
La sauge sclarée est, en effet, si euphorisante qu’elle rend la gaieté et la joie, elle éloigne les soucis, les peurs, la mélancolie. Par la même occasion, elle renforce la certitude et la confiance en soi (cependant, je la déconseille en voiture, cela pourrait être dangereux… ! ^^).
Hier soir, sous son influence, j’ai écrit les lignes qui suivent : « Plusieurs auteurs indiquent que la sauge sclarée est à même de favoriser, de relancer la créativité. Quand j’ai le dessein d’écrire à propos d’une plante, je ne le fais jamais de but en blanc. Je me concentre et réquisitionne dans ma claire mémoire tous les événements durant lesquels j’ai été en contact direct avec elle. Et jamais je n’entame la rédaction d’un article à son sujet sans m’accompagner du précieux flacon qui en contient l’essence. Peut-être cela se ressent-il sur la qualité des articles, qui sait ? ^^ Appliquer une goutte sur le poignet gauche (je suis droitier), masser légèrement, porter le poignet jusqu’au nez, inspirer une fois, deux fois, trois fois. Écrire un paragraphe. Attendre que les molécules les plus volatiles s’estompent. Reporter le poignet, respirer à nouveau. Constater les modifications olfactives. Et l’avancée de mon travail. Les notes les plus tenaces apparaîtront beaucoup plus tardivement. Il m’est bien arrivé de sentir les derniers effluves du patchouli le lendemain de son application, alors que je gambergeais sur l’article qui lui était dédié. Avec la sauge sclarée, je ne sais si cela se produira à l’identique. Mais une chose est certaine avec elle : le sclaréol qu’elle contient est utilisé comme fixateur d’odeur en parfumerie. C’est une molécule dite « lourde », qui arrive en queue de distillation. Bien après les préliminaires. Le sclaréol permet de poser les jalons. Mais respirant les notes intermédiaires de cette sauge sclarée, elle ne m’aide pas trop à les poser ! ^^ Quelques lignes et hop ! Je file à la fenêtre admirer le bleu clair du ciel de ce presque équinoxe ! Cela virevolte ! C’est cela, l’un des effets de l’huile essentielle de sauge sclarée, cette euphorie grisante qu’elle occasionne. Je le vois bien à la manière de coucher les mots sur le papier ! Puis, une douce béatitude survient durant laquelle rien ne se produit ou si peu. Les jalons ont été posés l’un après l’autre. La sauge sclarée demande de ne pas revenir aussi vite en arrière, car l’impression de « disque rayé » n’est jamais très loin avec elle. Si l’on est trop craintif et qu’on jette sans arrêt un coup d’œil sur le rétroviseur, la sauge sclarée, au moment où l’on cherche à l’appréhender, aura la « désagréable » habitude de nous faire relire la même ligne, presque indéfiniment. Elle est comme ça, la sauge sclarée : un petit coup derrière la tête, puis un looonnng assoup(l)issement non dénué d’intérêt. »

sauge sclarée

La sauge sclarée en aromathérapie

Huile essentielle : description et composition

Extrêmement complexe, cette huile essentielle est constituée d’environ 250 molécules différentes. Mais celles qui sont majoritaires se regroupent au sein des familles moléculaires suivantes :

  • Esters : 80 % (dont l’acétate de linalyle que l’on retrouve dans les huiles essentielles de lavande fine, de petit grain bigarade, de bergamote…)
  • Monoterpénols : 13 %
  • Sesquiterpènes : 7 %
  • Diterpénols : 5 %

Pour l’obtenir, on distille la plante entière à la vapeur d’eau pendant deux à quatre heures, selon un mode opératoire qui peut changer d’une année à l’autre, selon l’aspect qu’a la plante au moment de la récolte. Parfois, contenant trop d’eau, les tiges de la plante doivent être séchées pendant 24 à 72 heures avant d’être distillées. Le rendement, évalué entre 1 et 2 %, permet d’obtenir une huile essentielle incolore à jaune pâle. Telle année, elle sera assez proche d’une lavande fine (acétate de linalyle + linalol – camphre), telle autre, elle développera des parfums d’humus amers et de chocolat noir. Mais, quoi qu’il en soit, demeure toujours une note unique qu’on doit au sclaréol. Très proche olfactivement de l’ambre gris issu du cachalot, le sclaréol présente un côté fort et tenace qui vaut à cette huile essentielle d’entrer dans la composition de parfums musqués et ambrés. C’est l’unique sauge qu’emploie l’industrie de la parfumerie. On la retrouve chez Hermès, Dior, Jean Patou… Se substituant à l’ambre gris, l’huile essentielle de sauge sclarée est très recherchée pour une autre raison : c’est un excellent fixateur de parfums.

Propriétés thérapeutiques

  • Anti-infectieuse : antibactérienne légère, fongistatique
  • Hypotensive, régulatrice cardiaque
  • Antispasmodique
  • Anti-inflammatoire
  • Emménagogue, oestrogen like (le sclaréol possède une structure très proche de celle de l’œstradiol), tonique utérine, tonique sexuelle
  • Circulatoire artérielle, phlébotonique
  • Carminative, digestive
  • Hypocholestérolémiante
  • Antisudorifique
  • Régulatrice des glandes sébacées
  • Lipolytique
  • Activité antitumorale (cancer colorectal)
  • Relaxante, apaisante, antidépressive
  • Stimulante psychique, neurotrope, neurotonique, musculotrope, stimulante des corticosurrénales
  • Positivante, puis largement négativante (ce sont les monoterpénols qui donnent le coup de fouet positivant, puis les esters, majoritaires, induisent une réponse négativante. C’est ce qui fait que cette huile essentielle peut être, à la fois, relaxante et stimulante)

Hormonale (ovarienne, thyroïdienne) et émotionnellement chaude, cette huile essentielle s’oppose à celle de sauge officinale, hypophysaire et froide. Aussi peut-ont associer l’huile essentielle de sauge sclarée au chakra de la gorge et celle de sauge officinale au chakra du troisième œil. C’est, du reste, ce que j’indique dans un de mes livres, Parfums sacrés, même s’il est vrai que j’entre par une porte différente.
Bien que principalement associée au chakra de la gorge, il est bon de savoir que la sclarée a des implications au niveau du troisième œil, comme le laisse sous-entendre son nom même. Sclarea proviendrait du latin clarus qui signifie clair et lumineux. De plus, cette plante était surnommée « œil clair » au Moyen-Âge. En anglais, elle porte le nom de « clary sage », sage signifiant aussi bien sage que sauge. Littéralement : sage clarté. Bref, une terminologie qui a grandement à voir avec le troisième œil et ses attributions.

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la ménopause : bouffées de chaleur, irritabilité, transpiration excessive, sécheresse vaginale
  • Troubles de la menstruation : aménorrhée, dysménorrhée, oligoménorrhée, règles insuffisantes, en retard, migraine cataméniale
  • Troubles génitaux : infection par insuffisance œstrogénique, mycose vaginale, cystite, leucorrhée, inappétence sexuelle, impuissance, frigidité
  • Troubles circulatoires : varice, hémorroïdes, anévrisme veineux, jambes lourdes, cellulite, excès de cholestérol sanguin
  • Hypertension
  • Spasmes digestifs et intestinaux, flatulences
  • Contractures et crampes musculaires
  • Affections cutanées : soin des peaux et des cheveux gras, séborrhée, furoncle
  • Troubles du système nerveux : stress, anxiété, nervosité, dépression, fatigue nerveuse, épuisement, insomnie et autres troubles du sommeil

Modes d’emploi

  • Voie cutané (l’emploi pur sur la peau n’est pas contre-indiqué, esters et sesquiterpènes n’étant pas toxiques aux doses physiologiques normales)
  • Voie orale raisonnée (« Il est conseillé de toujours l’associer à des tisanes de plantes stimulant la progestérone (gattilier, alchémille, mélisse…), à raison de 2 à 3 bols par jour en infusion, pour rééquilibrer la balance hormonale, dans la deuxième partie du cycle menstruel ou à la ménopause », Le petit Larousse des huiles essentielles, Thierry Folliard, p. 151)
  • Diffusion atmosphérique, inhalation, olfaction

Contre-indications

On présente souvent la sauge sclarée comme étant beaucoup plus inoffensive que la sauge officinale. C’est vrai. La sauge officinale, eu égard au taux de cétones qui la caractérise, est neurotoxique, alors que la sauge sclarée qui n’en contient pas ne l’est pas. Les dangers de la sauge sclarée résident dans le sclaréol, une molécule potentiellement tératogène, capable de passer la barrière placentaire et pouvant avoir de fâcheuses incidences sur le système nerveux du fœtus, relativement fragile. Cela en fait donc une huile essentielle interdite à la femme enceinte. En revanche, dans tous les autres cas (de la puberté chez la jeune fille à la femme ménopausée) on peut employer sans crainte cette huile essentielle, sauf en cas de mastose, de fibrome, de kyste ovarien et de pathologie cancéreuse hormono-dépendante (cancer du sein, par exemple).

© Books of Dante – 2015

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