Le basilic sacré (Ocimum sanctum)

Synonymes : basilic saint, basilic thaïlandais, tulsi (sic), tulasî.

Pour bien comprendre la dimension sacrée qui auréole ce basilic, il importe de le faire revenir sur ses pas, et de nous rendre sur sa terre originelle, c’est-à-dire l’Inde. Là-bas, le basilic est tout aussi sacré que la verveine l’était pour les Romains, sinon davantage encore. On y élève de toutes petites « chapelles » (des pagodes, en fait), ainsi que de véritables autels cernés de murs et de piliers, en l’honneur de cette plante à laquelle on s’adresse comme s’il s’agissait d’une divinité. Et cela en est bien une en définitive, puisque la mythologie hindoue nous apprend que l’amante de Krishna, Tulsi, fut métamorphosée en ce basilic. C’est donc elle qu’on adore à travers son image végétale, basilic sacré ou Tulasî (tulsi est impropre).

Voici comment les Hindous conçoivent leur relation spéciale à cette plante, d’après les observations de l’ecclésiastique Vincenzo Maria da Santa Caterina qui se rendit sur place au XVII ème siècle : « Ils ont grand soin de cette herbe ; devant elle, ils murmurent plusieurs fois par jour leur prière, en se prosternant souvent, en chantant, en dansant, en l’arrosant avec de l’eau. Sur les rivages des fleuves où ils vont se baigner, on en voit en grande quantité ; ils croient en effet que les dieux aiment particulièrement cette herbe, et que le dieu Ganavedi (Ganeça) y demeure continuellement. Lorsqu’ils voyagent, à défaut de cette plante, ils la dessinent sur le terrain avec sa racine, voilà comment s’explique qu’au bord de la mer, on remarque si souvent de pareilles figures tracées sur le sable » (1). C’est vrai qu’en terme de dieux, le tulasî n’est lié pas moins qu’à Lakshmî et à Vishnou, et cette herbe ceint le front de bien d’autres divinités du panthéon hindou, sachant que son parfum raffiné reste associé à la puissance divine. Plante féconde et fécondante, le tulasî est invoqué pour la protection de toutes les parties du corps humain, de la tête jusqu’aux pieds, et à chacune d’elles correspond une prière bien distincte. L’incomparable tulasî intervient aussi bien pour la vie que pour la mort. C’est une plante immortelle « qui contient en elle toutes les perfections, qui éloigne les maux, qui purifie et qui guide au paradis céleste ceux qui la cultivent » (2). C’est là un parfait résumé des fonctions de l’herbe tulasî. Véritable amulette, il est vrai que le tulasî est reconnu, parce que propice et parfumé, comme destructeur des méchants, qu’il met en fuite, de même que les monstres qu’il éloigne, comme le montrent bien quelques-uns de ses autres noms sanskrits, apetarakshasî et bhûtagni. Cette vertu s’applique également au venin des serpents et à toute influence pernicieuse (3) qui viendrait entraver les rituels de fécondation, c’est-à-dire destinés à la perpétuation de la vie. Chargé de tous les aspects de la vie des hommes et des femmes en Inde, le tulasî ouvre également les chemins du Ciel aux hommes pieux. C’est pourquoi il doit être cueilli uniquement dans une bonne intention et de façon précautionneuse, sans casser la plante, de crainte d’irriter Vishnou, et sans oublier les prières d’usage : « Mère Tulasî, toi qui apportes la joie au cœur de Govindas, je te cueille pour le culte de Nârayana. Sans toi, bienheureuse, toute œuvre est stérile ; c’est pourquoi je te cueille, déesse Tulasî ; sois-moi propice. Comme je te cueille avec soin, sois miséricordieuse pour moi, ô Tulasî, mère du monde ; je t’en prie ! » Comme on le constate, il n’était pas question de s’y prendre à la légère, puisque, de toute façon, si c’était le cas, Vishnou se charge de rendre « malheureux pour toute sa vie et pour l’éternité l’impie qui, par mauvaise volonté, voire même (sic) aussi l’imprudent qui, par mégarde, arracherait l’herbe tulasî ; point de bonheur, point de salut, point d’enfants pour lui » (4). Oui, répétons-le, le tulasî ne peut accorder ses bienfaits et largesses qu’aux méritants, qu’ils soient morts ou vifs. Ainsi, après une existence de parfaite dévotion, l’homme, sentant la mort venir, se prépare sereinement à cette éventualité. Une fois son trépas interrompant le fil de son existence terrestre, il est de coutume de placer un petit bouquet de cette plante entre les mains du défunt ou bien une feuille sur sa poitrine, afin que ce viatique lui assure un bon voyage. Puis on lui lave la tête à l’aide d’une eau dans laquelle on aura préalablement fait macérer des feuilles de ce basilic, ainsi que des graines de lin.

Le basilic sacré en aromathérapie

Surtout connu par chez nous pour son huile essentielle, le basilic sacré fait l’objet d’un large emploi phytothérapeutique dans le sous-continent indien depuis des millénaires, où la médecine ayurvédique l’utilise aussi bien cuit que cru. Les parties aériennes de cette plante qui se prêtent à cet exercice contiennent des flavonoïdes (lutéoline, apigénine), des triterpènes (acide ursolique), ainsi qu’une fraction aromatique estimée à 1 %. Son extraction par le biais de la distillation à la vapeur d’eau donne lieu à une huile essentielle fort différente de celle de basilic tropical. Voici les données chiffrées qui permettent de s’en assurer :

  • Phénols : 30 à 70 % dont eugénol (50 %), carvacrol
  • Sesquiterpènes : 35 à 45 % dont β-caryophyllène (30 à 40 %)
  • Monoterpénols : 4 % dont linalol (2,5 %)
  • Sesquiterpénols : 4 % dont élémol (2,5 %)
  • Phénols méthyle-éthers : 3 % dont estragole (généralement moins de 2 %), eugénol méthyle-éther

Cette composition biochimique explique pourquoi cette huile essentielle se démarque de celle de basilic tropical par une caractéristique odeur de clou de girofle (cf. le fort taux d’eugénol). Chaude et épicée, elle dégage aussi un petit quelque chose de fleuri, et n’agresse pas les narines comme peut le faire l’huile essentielle de clou de girofle.

Propriétés thérapeutiques

  • Anti-infectieux (antibactérien, antifongique, antivirale), antiparasitaire
  • Cardioprotecteur, régulateur du système cardiovasculaire, hypotenseur, abaisse la tension artérielle, fait chuter le taux de cholestérol sanguin, hypoglycémiant et stabilisateur de la glycémie
  • Anti-inflammatoire, antalgique, analgésique
  • Antispasmodique
  • Adaptogène, favorise la résistance au stress, favorise la concentration, fortifiant, revitalisant, tonique physique et intellectuel, immunostimulant
  • Calmant, sédatif
  • Emménagogue, tonique utérin
  • Expectorant, mucolytique, anti-allergique
  • Antispasmodique
  • Fébrifuge
  • Anti-oxydant

Usages thérapeutiques

L’huile essentielle de basilic sacré est spécifique des sphères cardiovasculaire et circulatoire, mais il est évident qu’elle ne se borne pas qu’à cela. Décortiquons-la !

  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : douleur et ulcère gastriques, entérocolite, colite spasmodique, spasmes gastro-intestinaux, parasitose, mal des transports
  • Troubles de la sphère pulmonaire + ORL : toux, bronchite, grippe et autres infections des voies respiratoires avec ou sans fièvre, rhume, asthme, pleurésie, otite
  • Prévention des maladies tropicales infectieuses (dont la malaria)
  • Troubles de la sphère cardiovasculaire et circulatoire : maladies cardiovasculaires, glycémie et cholestérolémie sanguines, certains diabètes
  • Troubles locomoteurs : rhumatisme, arthrite, polyarthrite rhumatoïde, arthrose, tendinite, contracture et élongation musculaires, courbature, crampe
  • Troubles de la sphère gynécologique : préparation à l’accouchement (qu’on se rappelle que le clou de girofle occupe la même fonction, et qu’il tire son ancien nom latin – Eugenia caryophyllata – de sainte Eugénie, patronne des sages-femmes)
  • Affections cutanées : teigne, morsure d’insecte
  • Troubles du système nerveux : stress, fatigue mentale, manque de dynamisme et de persévérance, fatigue mentale, indécision
  • Aphte

Modes d’emploi

  • Huile essentielle : par voie interne, par voie cutanée (dilution impérative dans une huile végétale), en dispersion atmosphérique, inhalation et olfaction (attention cependant à la présence de phénols dans cette huile essentielle dont le caractère irritant pour les muqueuses nasales et oculaires n’est pas méconnu).

Note : en Inde, on use de ce basilic de la même manière dont nous opérons avec le basilic tropical. Le basilic sacré se prête donc bien à l’infusion et à la décoction, on peut en extraire le suc que l’on emploie préférablement frais, le faire sécher puis le réduire à l’état de poudre de feuilles, etc.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Toxicité : l’huile essentielle de basilic sacré est déconseillée chez le bébé et l’enfant. La femme qui allaite devra s’en passer, de même que la femme enceinte, à l’exception de celle qui souhaite faire appel à elle pour préparer la délivrance, ce qui en autorise l’emploi durant l’ultime mois de grossesse grand maximum.
  • L’utilisation de cette huile essentielle chez l’homme limiterait la production de sperme.

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  1. Cité par Angelo de Gubernatis dans sa Mythologie des plantes, Tome 2, pp. 37-38.
  2. Angelo de Gubernatis, La mythologie des plantes, Tome 2, p. 363.
  3. En tant que plante purificatrice, la pavitra – l’un des nombreux autres noms de l’herbe tulasî – permet l’aspersion des objets contaminés de même que les hommes investis d’un mauvais esprit. On dit aussi qu’une maison élevée sur un terrain sur lequel le tulasî pousse bien constitue un bon augure pour ses habitants.
  4. Ibidem, pp. 364-365.

© Books of Dante – 2020

 

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