Les pariétaires (Parietaria officinalis et P. judaica)

Pariétaire de Judée

Synonymes : casse-pierre, perce-muraille, herbe des murailles, épinard des murailles, aumure, herbe au verre, vitriol, panatage, espargoule, herbe de Notre-Dame, herbe des nonnes, herbe de sainte Anne, etc.

La pariétaire, c’est déjà 2000 ans d’une histoire conjointe avec l’homme. En tout premier lieu, Dioscoride la décrit si bien qu’il est impossible d’avoir un doute à ce sujet : « La pariétaire naît sur les murailles, dans les haies et sur les masures. Elle a les feuilles semblables à celles de la mercuriale, mais velues. Les tiges sont rougeâtres autour desquelles il y a certains grains rudes qui volontiers s’attachent aux robes » (1). Le médecin grec note le caractère rafraîchissant des feuilles de la pariétaire, ainsi en conseille-t-il l’usage en emplâtre sur les plaies, les brûlures, le feu saint Antoine, les ulcères rampants, les hémorroïdes et d’autres inflammations telles que celles de la gorge par exemple. En effet, « la pariétaire, herbe très connue, a une vertu astringente et résolutive, avec une certaine humidité froidette » (2) qui lui vaut de jouer le rôle d’anti-inflammatoire. En revanche, Dioscoride ne nous dit rien de l’une des principales propriétés de cette plante (celle d’augmenter la diurèse) et semble se cantonner à un seul usage externe, ce qui s’explique difficilement, vu le nom qu’il donne à cette plante : Helxiné. Ce mot, provenant du grec helkô, signifie « faire sortir », « extraire », en relation avec ses propriétés de faciliter l’accouchement et d’expulser le fœtus. Et là non plus, Dioscoride ne fait aucune référence à un usage de la pariétaire par la parturiente.
Au Moyen-Âge, c’est surtout la médecine arabe qui s’empare de la pariétaire ; on trouve néanmoins une annotation la concernant dans le Grand Albert qui la dit propre à remédier au charbon. En revanche, Platearius la connaissait fort bien : « Quand elle est sèche, elle n’a nulle force, mais verte elle est de grande force car elle délie et est diurétique et apéritive ». Voilà, ça y est, le mot magique a enfin été lâché : diu-ré-ti-que ! C’est tout de même plus intéressant que de savoir que la pariétaire sert de nourritures aux poules et aux colombes comme le rapporte Porta pompant honteusement sur Agrippa.
Au XVI ème siècle, la pariétaire, comme la pâquerette, connaît une nouvelle heure de gloire comme vulnéraire, en particulier sur les plaies récentes selon Matthiole, lequel ajoute que « son suc exprimé et sucré bu à la dose de trois onces provoque les urines supprimées ou difficiles et nettoie les reins comme par miracle », ce qui n’est pas sans rappeler l’histoire du chien rapportée par Boerhaave : il relate qu’un jeune chien avait pour habitude d’avaler de la pariétaire fraîche. Une fois que cela ne lui fut plus possible, il tomba malade et finit par mourir. Son autopsie révéla que sa vessie était emplie de calculs urinaires. J’ignore si c’est là une fable ou non, mais ce récit met en avant une des qualités de la pariétaire face aux lithiases : leur prévention.

Autrefois, l’on distinguait deux formes de pariétaires, l’une petite, l’autre dite grande. Aujourd’hui, l’on a renommé la petite en pariétaire de Judée (Parietaria judaica) afin de la soustraire à l’hégémonie de la grande pariétaire ou pariétaire officinale (Parietaria officinalis). Ces deux plantes possèdent bien des caractéristiques communes : des racines fibreuses et blanchâtres, des tiges cassantes quelquefois rougeâtres, des feuilles alternes plus ou moins lancéolées et faiblement pétiolées, velues et rugueuses au-dessous ce qui leur permet de s’accrocher aux vêtements, des petites fleurs verdâtres à l’aisselle des feuilles fleurissant de juin à octobre, enfin des fruits contenant des graines luisantes assez pareilles à des pépins de raisin. Ajoutons à cela qu’elles vivent à l’ombre, au pied des vieux murs, fichées dans les parois des remparts (3), sur les rochers et les décombres, principalement à basse altitude.
Ces deux plantes vivaces se différencient nettement par leur stature (un mètre de hauteur pour la pariétaire officinale, 40 cm seulement pour la pariétaire de Judée), ainsi que par la longueur de leurs feuilles : 5 cm pour P. judaica et plus du double pour P. officinalis.
A elles deux, elles partagent le territoire national : l’on rencontre la pariétaire de Judée partout en France, sauf dans le Nord, l’Est et le Centre, trois zones géographiques représentant l’aire de répartition de la pariétaire officinale. Il arrive, bien sûr, que l’une ou l’autre fasse des excursions dans le territoire de sa cousine, mais cela reste sporadique, sous forme de poches disséminées çà et là.

Pariétaire officinale

Les pariétaires en phytothérapie

Ces plantes, dont on récolte les parties aériennes dès floraison, sont sans odeur et leur goût est on ne peut plus fade, ce qui ne fait pas d’elles des végétaux inutiles, même si certains leur ont dénié leur place en phytothérapie : « Les propriétés de ces plantes […] sont presque nulles. On leur a même contesté leur propriété émolliente […] Barbier les regarde […] comme ayant une action émolliente peu prononcée, et incapables d’opérer dans l’état de maladie des changements bien importants » (4). La réputation de ces plantes que l’Antiquité leur a octroyée est sans commune mesure avec le dédain affiché par les modernes, mais, comme dit Fournier, « les pariétaires ne sont certainement pas inactives » (5). A l’état frais, ces plantes contiennent du tanin, des flavonoïdes, un épais mucilage, du soufre et surtout « une forte proportion de nitre [nitrate de potassium] qu’elles empruntent, dit-on, aux vieilles murailles sur lesquelles elles vivent » (6).

Propriétés thérapeutiques

  • Résolutives, émollientes, adoucissantes et calmantes cutanées
  • Anti-inflammatoires, rafraîchissantes
  • Dépuratives sanguines
  • Diurétiques puissantes, reconstituantes rénales (globalement elles améliorent le fonctionnement des reins), préventives lithiasiques, anti-lithiasiques (7)

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère vésico-rénale : lithiase rénale, oligurie, dysurie, strangurie, néphrite, néphrite aiguë faisant suite à une maladie infectieuse, colique néphrétique, cystite, pyélite, rhumatismes
  • Adjuvant dans les affections fébriles et inflammatoires (grippe, affections pulmonaires aiguës)
  • Hydropisie, œdème
  • Hémorroïdes, fissures anales
  • Blennorragie
  • Lithiase biliaire
  • Contusion

Modes d’emploi

  • Infusion
  • Décoction
  • Sirop
  • Suc frais
  • Cataplasme de feuilles fraîches

Note : dans les trois premiers cas, on emploiera strictement la plante fraîche.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Les pariétaires exigent des cures courtes n’excédant pas une quinzaine de jours (cf. haute teneur en potassium). On en évitera l’emploi chez l’oxalurique et l’allergique en raison de leur pollen particulièrement allergisant.
  • Afin d’en renforcer et les effets diurétiques et le goût, on peut associer l’une ou l’autre pariétaire aux baies de genévrier.
  • Récolte : dès le début de l’été l’on peut s’emparer des parties aériennes tout juste fleuries de ces plantes. On a remarqué que les plants poussant au pied des murs contenaient davantage de mucilage que ceux incrustés dans les parois d’une vieille muraille, plus riches en nitrate de potassium.
  • Séchage : si besoin est, il doit s’opérer promptement, à l’étuve. Cependant, notez que les pariétaires sèches sont des produits pratiquement inopérants.
  • Alimentation : le surnom d’épinard des murailles nous renseigne sur la qualité comestible des pariétaires, tant crues que cuites. Alors, il sera nécessaire de bien les assaisonner eu égard à leur fadeur.
  • Autrefois les pariétaires étaient utilisées pour nettoyer les vitres, d’où leurs noms de vitriol et d’herbe au verre (on a aussi avancé qu’elles portaient ce dernier nom en raison de la fragilité de leurs tiges qui cassent comme du verre).
  • Les pariétaires jouèrent le rôle de répulsif face à certains insectes. Répandues sur les stocks de blé, elles en écartaient, dit-on, les charançons, en particulier le charançon du riz (Sitophilus oryzae), petite bestiole de 3 mm de long à laquelle j’ai été dernièrement confronté ^^.
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    1. Dioscoride, Materia medica, Livre IV, Chapitre 74.
    2. Ibidem.
    3. Les pariétaires tirent leur nom du latin paries, « paroi » (racine que l’on retrouve dans l’adjectif pariétal). Or, ici à Provins, les vieux remparts ne manquent pas. Je me suis donc rendu ce dernier dimanche aux remparts nord, côté ombre, où une kyrielle de pariétaires de Judée poussent entre les pierres de ces vestiges.
    4. François-Joseph Cazin, Traité pratique et raisonné des plantes médicinales indigènes, p. 679.
    5. Paul-Victor Fournier, Dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France, p. 725.
    6. Henri Leclerc, Précis de phytothérapie, p. 51.
    7. « Toutes les plantes qui poussent entre les rochers ont la réputation, souvent fondée, de détruire la pierre » (Anne Osmont, Plantes médicinales et magiques, p. 83). Nous l’avions constaté pour la bugrane, cette signature s’applique aussi aux pariétaires.

© Books of Dante – 2017

Pariétaire de Judée

2 réflexions sur “Les pariétaires (Parietaria officinalis et P. judaica)

  1. Merci beaucoup pour cet article bien documenté et bien intéressant, je voulais en savoir plus sur cette plante qui envahit l’allée de mon jardin.
    J’ai étudié cette année à l’école des plantes de Paris, mais bien sûr elles sont nombreuses celles qui restent à découvrir!

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    • Bonjour, les plantes médicinales sont tellement nombreuses qu’il est parfois difficile de trouver par quel bout commencer. Ceci dit, se pencher sur celles qui peuplent notre environnement immédiat est tout à fait pertinent. Bonne journée !

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