L’alkékenge (Physalis alkekengi)

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Synonymes : physale, coqueret, coquerelle, cerise d’hiver, mirabelle de Corse, lanterne, lampion, amour-en-cage, etc.

Contrairement aux apparences qui peuvent parfois surprendre, l’alkékenge dont il est ici question n’est pas une plante exotique. L’on sait, pour avoir découvert par milliers ses graines dans des cités lacustres, que l’alkékenge était consommé dès le Néolithique en Europe (Jura suisse, par exemple). Ne nous étonnons donc pas de le rencontrer dans la pharmacopée de la Grèce antique, où il portait le nom d’halikakkabos. C’est sous une forme très proche – halikakabon – qu’on le croise dans les travaux de Dioscoride qui lui concède des propriétés sur la sphère urinaire (diurétique contre l’ischurie), ainsi que sur le foie (ictère), une action que Galien lui reconnaîtra également. Chez les Latins, on inaugure bien avant l’heure la théorie des signatures. Le nom de physalis, emprunté au grec physaô, fait référence à quelque chose d’enflé, de gonflé, comme une ampoule ou une bulle, plus particulièrement comme une vessie eu égard à la forme qu’adopte le lampion de l’alkékenge. C’est pourquoi on lui donnera aussi le nom de vesicaria, chose d’autant plus judicieuse que l’alkékenge détermine « un flux abondant d’urines ». Cette signature est donc tout à fait appropriée et sera confirmée siècle après siècle : XIII ème (Arnaud de Villeneuve : lithiase, rétention urinaire), XVI ème (Matthiole et Jean-Baptiste Porta : diurèse, lithiase), XVII ème (Schröder : diurèse, lithiase rénale et urinaire), XVIII ème (John Ray : goutte), XIX ème (Cazin : diurèse, oligurie, rhumatisme), etc.

L’alkékenge est une plante appartenant à la fabuleuse famille des Solanacées et se comporte un peu à la manière de l’un de ses autres membres, la morelle douce-amère, par son port couché, sauf si des tuteurs lui permettent de s’ériger à 60 cm du sol environ, et parfois davantage. Vivaces, les tiges de cette plante, cassantes, légères et creuses, portent des feuilles à limbe ovale et pointu à son extrémité, généralement par deux. A l’aisselle des feuilles, des fleurs solitaires et blanchâtres pendent dans le vide. Puis, au fur et à mesure que le temps passe, des calices persistants apparaissent. D’abord vert pomme, puis dorés, ils font flamboyer la plante avec leur couleur rouge orange vif. C’est à l’intérieur des calices que l’on découvre une petite baie ronde, rouge orange, à la saveur légèrement amère et aigrelette. Autrefois commun dans la nature, l’alkékenge s’est progressivement raréfié, et cela déjà du temps de Fournier (années 1940), qui dit de lui qu’il est rare ou totalement absent par place. Il est néanmoins plus fréquent dans les régions viticoles où on pourra avoir la chance de le rencontrer sur les terres cultivées, les talus, les décombres, le long des chemins, etc.

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L’alkékenge en phytothérapie

Imaginer un instant que l’alkékenge puisse faire partie de la matière médicale peut surprendre. En effet, il est plus habituel de le rencontrer coincé entre les ramboutans et les caramboles à l’espace « fruits exotiques » d’un marchand de fruits et légumes que dans l’armoire à pharmacie. Et encore ne s’agit-il pas de l’alkékenge, mais de l’un de ses lointains cousins péruviens, Physalis peruviana. Par ailleurs, où donc peut-on rencontrer l’alkékenge sinon chez le fleuriste, où on le voit sec et dépenaillé, tous lampions étincelants dehors ? A l’évidence, l’alkékenge sait être esthétique et comestible mais, chose que notre siècle a presque oubliée, c’est aussi un remède phytothérapeutique dont la déshérence s’explique sans doute parce que, d’assez commun hier, il est devenu rare aujourd’hui, bien évidemment victime de l’urbanisation, mais également de joyeusetés qui ont pour nom herbicide et pesticide.
A peu près toutes les parties de la plante sont employables, à l’exception des racines. Les baies sont composées de sucre, d’acide citrique, d’une huile grasse, d’un pigment proche du carotène (physialène), d’un principe amer, de provitamine A et d’un taux de vitamine C qui ne doit pas les faire pâlir : en effet, il est équivalent à celui du cynorrhodon et deux fois plus importants que ceux du citron et de l’orange. Dans le reste de la plante, à savoir les calices, feuilles et tiges, on trouve des tanins, du mucilage, un principe amer appelé physialine, mais aucun alcaloïde du type solanine dont la plante a parfois été suspectée.

Propriétés thérapeutiques

  • Les baies : rafraîchissantes, laxatives légères, diurétiques éliminatrices de l’acide urique, antilithiasiques, purifiantes du sang
  • Les calices, feuilles et tiges : fébrifuges, émollients, calmants cutanés, diurétiques, dépuratifs

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère urinaire et rénale : lithiase (urinaire, rénale, urique, oxalique), rétention urinaire, oligurie, albuminurie, dysurie, rhumatisme, arthrite, goutte, troubles prostatiques
  • Troubles de la sphère hépatique : congestion hépatique, hépatisme, ictère
  • Hydropisie, œdème, anasarque, infiltration séreuse, épanchement péricardique
  • Fièvre intermittente et ses récidives
  • Fatigue, anémie, chlorose

Modes d’emploi

  • Infusion et décoction de baies sèches
  • Décoction de la plante entière (sauf racines)
  • Macération vineuse de baies fraîches
  • Macération huileuse de baies sèches
  • Sirop de baies fraîches
  • Teinture alcoolique de baies fraîches
  • Cataplasme de feuilles fraîches
  • Baies fraîches en cure quotidienne
  • Poudre (baies sèches, calices, tiges ou feuilles)

Contre-indications, précautions d’emploi, autres remarques

  • Récolte : elle s’effectue lors de la pleine maturité des baies, soit à la fin du mois d’août, ainsi qu’au mois de septembre, voire même octobre selon les régions.
  • Séchage : les baies se prêtent mieux à la dessiccation si l’on prend soin de les séparer de leur calice (qui retient l’humidité et confère aux baies son amertume). Puis on les coupe en deux, on les laisse sécher à bonne température en les retournant régulièrement, mais, comme le souligne Cazin, le mieux reste l’étuve ou le four à douce chaleur (40° C). Le séchage est long et délicat, il requiert un soin nécessaire pour que les baies soient bien sèches, en particulier avant de pouvoir les passer au pilon.
  • Effets indésirables : en interne, les tiges, feuilles et calices provoquent des bourdonnements d’oreilles, une sensation d’ivresse et un ralentissement du pouls. Mais, suite à ces quelques désagréments, le pouls revient à la normale, le teint se colore, le tonus musculaire se développe. A haute dose, ces mêmes parties végétales déterminent des douleurs épigastriques ainsi que de la constipation.
  • Association : il est possible de renforcer le pouvoir diurétique de l’alkékenge en le combinant au chiendent, à la prêle, à la reine-des-prés, etc.
  • Alimentation : les baies se consomment fraîches lorsqu’elles sont bien mûres, mais il est possible de les appareiller différemment (confites au vinaigre ou au sucre, sirop, confiture, gelée, etc.).
  • Autres espèces : le genre Physalis regroupe environ une centaine d’espèces. Parmi elles, on rencontre le Physalis alkekengi var. franchetii aux fruits généralement plus gros, le physalis du Pérou (Physalis peruviana), le physalis pubescent (Physalis pubescens), le physalis du Mexique ou tomatillo (Physalis ixocarpa). Ce sont toutes des espèces comestibles.

© Books of Dante – 2016

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