Le ravintsara, l’arbre aux bonnes feuilles

A Madagascar, il existe près de 12 000 espèces végétales qu’on ne trouve nulle part ailleurs sur la surface du globe. Qu’était-il donc besoin d’y implanter le camphrier, un arbre originaire d’Asie ?

Très souvent, l’Homme introduit telle ou telle espèce animale ou végétale, dans telle ou telle contrée, par volonté comme par ignorance, à des époques où on ne soucie pas encore d’écologie. Qu’on se remémore le cas du cerf en Nouvelle-Zélande, du lapin en Australie ou du rat sur les Îles Kerguelen. Mais aussi la renouée du Japon dont le but premier était ornemental, ainsi que tant d’autres plantes dites invasives et néfastes pour le biotope dans lequel elles s’installent, car beaucoup trop frondeuses pour que les espèces endémiques puissent rapidement s’y opposer sinon s’y acclimater.
Parfois, l’Homme trouve moyen de corriger son erreur originel (enfin, celle de ses ancêtres). Ainsi, la viande de cerf néo-zélandais est-elle exportée un peu partout dans le monde. A d’autres, on ajoute une nouvelle erreur qu’on pense susceptible de corriger la première. L’introduction du renard en Australie afin de venir à bout des lapins est à ce titre exemplaire et tragique. En France, nous ne savons pas encore quoi faire de la renouée du Japon, plante médicinale dans son pays d’origine, pour la seule et bonne raison qu’elle pousse assez souvent dans des lieux pollués.

En revanche, ce que ne surent certainement pas les personnes qui introduisirent le camphrier asiatique à Madagascar, c’est que cet arbre nous a offert un miracle que je résume à un seul mot : ravintsara.

Ravintsara

Si l’on ouvre un livre de phytothérapie classique, on sera surpris de voir nulle part de mention portant sur le ravintsara. C’est surtout grâce à l’aromathérapie qu’on connaît cette plante depuis quelques années en France, cette fameuse huile essentielle importée du lointain Madagascar. Là-bas, on en fait des usages traditionnels en médecine locale. Chez les autochtones, c’est « l’arbre aux bonnes feuilles », ce que traduit littéralement son nom (ravin = feuille et tsara = bonne).
Essayons maintenant de décrire cet arbre de la forêt malgache de la façon la plus concise qui soit. En l’abordant plus en détails, on verra qu’il se distingue grandement de son cousin, le ravensare. Comme nous l’avons dit dans un article précédent, pendant de nombreuses années, une confusion a été entretenue entre les deux arbres. Cette confusion n’existerait certainement pas si le ravintsara n’avait pas été implanté volontairement à Madagascar. Parce que oui, ce n’est pas un arbre endémique comme le ravensare. Il paraît que l’erreur qui a consisté à les confondre remonte au XVI ème siècle. Mais, par ailleurs, il est dit que le ravintsara a été installé sur l’île au XVII ème siècle. Il y a comme un bug. Là encore, certains auteurs formant le fleuron de l’aromathérapie française commettent apparemment des bourdes qu’il vaut mieux éviter de répéter ici. Aussi, laissons la parole à un spécialiste des huiles essentielles malgaches, Simon Lemesle : « Introduit à Madagascar, le ravintsara est en réalité un camphrier originaire d’Asie qui a développé, sur les Hautes Terres de Madagascar, une composition biochimique spécifique. » L’histoire de la botanique n’est pas chose simple, elle l’est d’autant moins quand il s’agit de celle de l’aromathérapie. Difficile alors de ne pas se perdre dans un dédale truffé d’erreurs en tous genre. En effet, le ravintsara, comme son nom latin nous l’indique, est un camphrier, Cinnamomum camphora. Mais, à la différence de son cousin asiatique, le ravintsara, à travers son huile essentielle, est dénué de camphre, tandis que l’huile essentielle de camphrier asiatique en contient parfois 50 %.

Voici un petit organigramme permettant d’y voir plus clair. On notera qu’en France on connaît surtout les types I, II et V.

organigramme camphrier

1. Huile essentielle de ravintsara : description et composition

Comme beaucoup d’huiles essentielles, celle de ravintsara est incolore, fluide et mobile. A vue de nez, on dirait de l’eucalyptus ! Mais pas vraiment en fait. Si eucalyptus globuleux, eucalyptus radié et ravintsara partagent la présence massive de 1.8 cinéole (ex eucalyptol) dans leur composition biochimique respective, on verra que le ravintsara affiche une représentation moléculaire qui lui est spécifique. Cela fait que l’huile essentielle de ravintsara est fraîche sans être agressive ni piquante comme peuvent l’être les huiles essentielles des deux eucalyptus cités ci-dessus.
La distillation des feuilles, qui dure généralement entre 3 à 5 heures, permet d’obtenir un rendement situé entre 1,5 et 2 %. Le prix indicatif pour un flacon (10 ml) d’huile essentielle de ravintsara de très bonne qualité est généralement compris entre 10 et 12 €, comme c’est le cas dans un commerce de détail comme celui-là.

Le petit tableau suivant permet de rendre compte des disparités qui existent dans la composition des huiles essentielles d’eucalyptus globuleux, d’eucalyptus radié et de ravintsara. Ces molécules sont presque toutes présentes dans nos trois huiles essentielles. Mais du fait des variations de proportion, on obtient donc bien trois produits distincts.

Tableau comparatif des HE d'eucalyptus globulus, eucalyptus radié et ravintsara

2. Propriétés thérapeutiques

  • Anti-infectieuse : antibactérienne, antifongique, antivirale (+++), immunostimulante
  • Anticatarrhale, mucolytique, expectorante
  • Neurotonique, stimulante intellectuelle, positivante
  • Stimulante du système lymphatique
  • Apaisante, inductrice du sommeil
  • Spasmolytique
  • Anti-inflammatoire

3. Usages thérapeutiques

  • Trouble de la sphère respiratoire : encombrement bronchique, toux, maux de gorge, angine, rhume, rhino-pharyngite, bronchite, sinusite, coqueluche, refroidissement
  • Affections virales : grippe (préventif et curatif), herpès, hépatite virale A et B, entérite virale, gastro-entérite, mononucléose, choléra, zona
  • Troubles musculaires : fatigue musculaire, contractures
  • Déficience immunitaire grave
  • Asthénie nerveuse et physique, épuisement, burn out, dépression, insomnie
  • Stases veineuses, jambes lourdes
  • Mycoses (tinea pedis)

4. Modes d’emploi

  • Voie orale
  • Voie cutanée diluée (certains aromathérapeutes procèdent à des embaumements vivants d’huile essentielle pure)
  • Diffusion atmosphérique, inhalation, olfaction

5. Contre-indications et remarques

  • Huile essentielle déconseillée durant les trois premiers mois de grossesse.
  • En geste d’urgence, elle peut être employée pure sur la peau, jouissant d’une excellente tolérance cutanée.

© Books of Dante – 2014