Les liserons

Les fleurs du petit liseron.

Le grand (1 : Calystegia sepium) et le petit (2 : Convolvulus arvensis)

Synonymes (1) : liseron des haies, grande vrillée, grand lignot, liset, clochette, campanette, evenille, gobelet de Notre-Dame, chemise de Notre-Dame, manchette de la Vierge.

Synonymes (2) : liseron des champs, vrillée, vrillet, lignot, lignolet, liset, petit liset, liseret, clochette des blés, campanette, evenille, vroncelle, bédille.

Petit et grand, adjectifs prosaïques qui n’en font pas des tonnes et qui disent, en quelques lettres simples, la différence majeure existant entre l’une et l’autre de ces plantes très fréquentes (pour ne pas dire invasives…) sur le territoire métropolitain. Toutes proportions conservées, de plus grandes fleurs, de plus larges feuilles, de plus longues tiges sont des points qui permettent de faire le distinguo de l’un à l’autre.
Parfois bref, le petit liseron comprend des tiges d’une longueur de 20 à 100 cm (jusqu’à 200 cm dans ses occasions les plus vigoureuses), alors que celles du grand peuvent atteindre allègrement jusqu’à 5 m ! Chez l’un et l’autre, les feuilles pétiolées sont simples, et leurs formes empruntent largement au vocabulaire guerrier : en fer de hallebarde ou de pertuisane, hastées ou sagittées (= en fer de flèche). C’est beaucoup plus rarement qu’on les dit cordiformes. Alternes, elles se teintent de vert vif chez le grand liseron, et se parent d’un vert grisâtre chez le petit, manière, sans doute, de marquer le fait que celui-là vit essentiellement à terre, sur laquelle il ne fait (presque) que ramper, alors que le grand liseron, grimpant, part à la conquête des sommets, même s’il est juste de remarquer que le petit ne dédaigne pas la grimpette, à la condition, bien entendu, qu’il dispose d’un tuteur qui s’avère être, souvent, une autre plante poussant à proximité.
Du mois de mai à celui de septembre, nos liserons font émerger, à l’aisselle de leurs feuilles, des bourgeons floraux longuement pédonculés. Généralement solitaires, ces fleurs en entonnoir, lorsqu’elles sont largement épanouies, laissent apparaître, fort visibles, cinq plis bien marqués. Larges de 2 à 3 cm chez le petit liseron, elles sont deux fois plus grandes chez le second de nos liserons. Ces plantes compensent la brièveté de l’existence de leurs fleurs en en produisant tout au long de l’été. Elles regagnent presque leur forme originelle lorsqu’il pleut ou que le temps, à l’orage, s’assombrit. Qu’elle que soit l’espèce, ces fleurs sont le plus souvent blanches, voire légèrement rosées pour ce qui concerne celles du petit. A ces volutes qui spiralent et s’enroulent (de manière sénestrogyre), nos volubiles liserons ajoutent les mouvement floraux qui se torsadent et se dé-torsadent. Ce qui se déroule au-dessus de la surface du sol n’est pas autre chose qu’un reflet de ce qui se passe dans les anfractuosités de la terre : les racines des liserons, pour fantomatiques et grêles qu’elles sont au premier regard, sont amplement longues pour s’opposer à la main qui souhaite les extirper, tâche d’autant plus ardue que ces racines s’enfoncent en spiralant dans le sol… Puissamment vissés en terre, les liserons sont pratiquement indélogeables et à l’origine des crises de nerfs des jardiniers. Ces derniers ont beau tirer dessus, ces plantes finissent par casser au ras du sol, y abandonnant les parties végétatives qui n’auront pas de mal à repartir, de plus belle, à l’attaque. Et pour cela, outre le potager du jardinier désespéré, les liserons jettent leur dévolu sur d’autres surfaces cultivées (champs, moissons, vignes, vergers), mais, à force de se faire houspiller à l’image du coquelicot, il leur arrive également de poser leurs valises sur des lieux incultes où une main vengeresse ne viendra pas les briser : fossés, friches, terrains vagues, décombres, bordures de chemin et de rivière. Garrigue, landes, haies et clôtures constituent aussi d’excellents terrains de jeu pour les liserons dont nous devons cependant signaler l’absence en haute altitude. Dernière chose : notons la prédilection du grand liseron pour les zones fraîches sur sols fertiles, lequel ne se prend pas pour n’importe qui puisque selon les étymologistes, le nom de « liseron » lui fut attribué en raison de la ressemblance de ses fleurs avec celle du lis. Rien que ça, voyez-vous ! Pas gonflé, quand même ! Mais il est vrai qu’il y a, chez le grand liseron, une espèce de supériorité naturelle : alors que le petit se contente la plupart du temps de circumambuler, le grand est adepte des circonvolutions lisibles jusque dans le nom même du liseron : convolvulus provient du verbe latin convolvere, « envelopper », « s’enrouler ». Et il s’y connaît en vrilles et torsades, tant et si bien que celui-ci, qui forme comme des réseaux sur la végétation, pourrait en être l’élégant coiffeur. N’a-t-on pas, d’ailleurs, orner des peignes « art nouveau » du motif de fleurs de liseron ?

Du côté des hauts faits historiques, l’on ne peut pas dire de ces envahisseurs (que même Attila est un petit rigolo en comparaison) qu’ils brillent par leur présence tout au long de l’histoire thérapeutique de ces deux derniers millénaires : je n’ai pas découvert d’informations consistantes antérieures à l’époque de Masawaih (aka Mésué le Jeune, 925-1015) qui conseillait le liseron (lequel ?) contre la jaunisse, précisant que « c’est le remède des fièvres putrides et bilieuses, des maux de tête chroniques ». Un peu plus tard, on le retrouve dans l’œuvre d’Hildegarde, qui le désigne sous le nom de Winda (winde en allemand actuel), mais c’est pour lui accorder bien peu de crédit : « Le liseron est froid, ne contient pas beaucoup de vertus, et il n’est guère utile. Si un homme en mangeait, il n’éprouverait pas de douleurs, mais n’en tirerait pas de profit » (1). Cependant, elle lui reconnaît quand même quelques qualités, comme son aptitude à éclaircir la vue si on applique sur les yeux la rosée recueillie sur ses feuilles, ou bien en constituer un remède des ongles cassants ou participer – chose beaucoup plus curieuse – à la recette qui permet à l’homme d’endiguer la stérilité et de retrouver son pouvoir d’engendrer.
Repéré par Bauhin, Dodoens, Tabernaemontanus et quelques autres encore, il n’y a cependant pas à en dire plus ici que ce qui va maintenant suivre. Hormis, peut-être, cette dernière petite chose que l’on doit à Michel Lis qui révèle deux appellations peu courantes du liseron : herbe aux sonnettes et boyau du diable qui, « par ses graines entrent dans la composition de nombreux philtres (enfouies dans un oreiller, ses graines empêchent les cauchemars et favorisent les rêves de bonheur) » (2). Les liserons, bien que très courants, ne sont jamais toujours exactement là où on s’attend à les rencontrer. Ce sont décidément des plantes pleines de surprises !

Grand liseron.

Les liserons en phytothérapie

Ils ont beau s’y mettre à plusieurs, il n’y a pas plus long à en dire que si l’on traitait un seul d’entre les deux, puisque, hormis une plus grande efficacité accordée au grand liseron, peu de chose les distingue nettement sur le volet thérapeutique.
Ces plantes sont sans odeur, à l’exception des fleurs du petit liseron qui exhalent, surtout par temps chaud, un parfum d’amande amère vanillé très agréable. En revanche, ces mêmes fleurs, ainsi que les feuilles, développent une saveur amère tandis que les racines se caractérisent par un peu d’âcreté.
Peu employés aujourd’hui en thérapie, nos deux liserons souffrent quelque peu du manque d’informations les concernant, surtout d’un point de vue biochimique. Disons néanmoins ceci : à des matières grasses s’ajoutent un peu de sucres cristallisables (0,5 %), de l’albumine, de l’amidon et du tanin, quelques sels minéraux encore (silice, fer, soufre). Mais la botte secrète de nos deux liserons réside en une grosse fraction d’une gomme résineuse (5 %) dont il a été dit que ces plantes tiraient l’essentiel de leurs propriétés.
Des liserons, l’on utilise la racine, les fleurs qu’accompagnent très souvent les feuilles, enfin le suc extrait des feuilles fraîches et, occasionnellement, les semences.

Propriétés thérapeutiques

  • Purgatifs, laxatifs
  • Cholagogues
  • Fébrifuges
  • Vulnéraires, maturatifs

Usages thérapeutiques

  • Constipation
  • Insuffisance hépatique, cirrhose
  • Excès d’urée sanguine
  • Hydropisie, œdème (des suites de fièvres intermittentes)
  • Asystolie
  • Leucorrhée
  • Abcès, furoncle

Modes d’emploi

  • Infusion de feuilles fraîches contuses (on peut y ajouter des fleurs).
  • Infusion prolongée de racines fraîches.
  • Alcoolature de racines fraîches.
  • Teinture-mère.
  • Suc de feuilles fraîches.
  • Poudre de feuilles.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • La récolte – qui peut se dérouler au mois de juillet – se destine soit à un emploi immédiat (extraction du suc par exemple), ou bien à une mise au séchoir. Les liserons ne servent peut-être pas à grand-chose, il n’empêche qu’on peut leur reconnaître une certaine aisance à la dessiccation : une fois sèches, ces plantes conservent pendant longtemps leurs propriétés, contrairement à certaines qui s’évanouissent déjà à l’idée du moindre séchage. Comme le basilic, par exemple. Peut-on être bête au point de faire sécher du basilic ?
  • Second avantage, « la gomme-résine de son suc agit à la façon de celles de la scammonée et du jalap, mais offre sur elles d’être moins soluble dans les milieux alcalins, tels que la salive. Il en résulte une saveur moins âcre et une irritation plus faible » (3) de la muqueuse gastro-intestinale entre autres. Les liserons sont donc d’action plus douce et ne causent ni tranchées (douleurs aiguës ressenties au niveau du ventre), ni nausées contrairement aux autres plantes auxquelles Fournier fait référence : la scammonée (Convolvulus scammonia) et le jalap (Ipomoea purga), deux autres plantes de la famille des Convolvulacées, parmi laquelle nous trouvons également :
  • Des plantes alimentaires (la patate douce, Ipomoea batatas), des plantes médicinales (le turbith, Operculina turpethum) et des plantes ornementales (le volubilis, Ipomoea purpurea). Mais, en ce qui concerne les liserons proprement dits, nous trouvons, sur le sol français, les différentes espèces suivantes : le liseron fausse-guimauve (Convolvulus althaeoides), le liseron des dunes (Calystegia soldanella) et le liseron de Biscaye (Convolvulus cantabrica).
  • Attention, la littérature botanique vernaculaire véhicule parfois le nom d’un « liseron haut ». Il s’agit du tamier (Tamus communis), qui, bien que grimpant, ne possède pas davantage de rapport avec nos liserons.
    _______________
    1. Hildegarde de Bingen, Physica, p. 46.
    2. Michel Lis, Les miscellanées illustrées des plantes et des fleurs, p. 82.
    3. Paul-Victor Fournier, Dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France, p. 580.

© Books of Dante – 2019

Les feuilles sagittées du petit liseron.