Le fucus vésiculeux (Fucus vesiculosis)

Synonymes : varech, varec, raisin de mer, laitue de mer, chêne marin.

Durant l’Antiquité romaine, tout étonnant que cela soit, on avait déjà repéré l’importance du fucus que Pline nommait quercus marina (chêne marin). Il était alors, semble-t-il, un remède permettant de soulager les douleurs articulaires, inflammatoires et goutteuses. Il brille néanmoins par son absence de la plupart des ouvrages traitants des remèdes par les plantes. Cependant, malgré la minceur des informations à son sujet, l’on peut faire la remarque suivante : elles sont toutes dans le vrai, aujourd’hui nous ne faisons pas autre chose que de répéter, après vérification, les assertions de nos devanciers. Au XVI ème siècle, on trouve trace du fucus dans l’œuvre de Matthieu de Lobel de laquelle l’illustration centrale de cet article est tirée : elle est, ma foi, fort ressemblante. Dans les années 1750, un médecin britannique du nom de Jack Russel (comme le chien ^^) recommande le fucus en friction sur les tumeurs scrofuleuses et, plus fort encore, en cas de goitre, une affection caractéristique d’une carence grave en iode, substance dont on ignorait tout de l’existence. Ce fut très probablement gouverné selon une méthode empirique, de même qu’on embarquait des citrons sur les bateaux en partance pour de longs voyages afin de prévenir le scorbut alors qu’on ne connaissait pas la vitamine C. En effet, l’iode ne sera découvert qu’au début du XIX ème siècle par un salpétrier parisien, Bernard Courtois. Une cinquantaine d’années plus tard, Cazin en sait suffisamment (rappelons qu’il a exercé longtemps en bordure de mer, dans le Calaisis) pour faire entrer le fucus dans sa pharmacie de campagne. Procédant par décoction, fomentation et cataplasme, il obtient du fucus de bons effets sur les engorgements lymphatiques glandulaires et œdémateux. Il mentionne même l’existence du fucus sous sa forme carbonisée – l’oethiops végétal – dont on usait sur les affections scrofuleuses et le goitre bien avant la découverte de l’iode dont il nous fait dire quelques mots. Cet élément assez peu commun ne se trouve pas que dans les algues, nul besoin d’habiter auprès de la mer pour en faire provision, puisqu’il est présent dans l’ail, l’oignon, le chou, le poireau, le navet, la tomate, le cresson, la poire, le raisin, les épinards, etc. L’implication thérapeutique de l’iode est bien plus vaste qu’on ne le pense au prime abord. Certes, on en connaît surtout l’importance pour réguler l’insuffisance thyroïdienne, mais l’iode intervient tant sur le système vasculaire et circulatoire (hypotenseur, protecteur des vaisseaux, hypocholestérolémiant) que respiratoire (affections pulmonaires, tuberculose). C’est, en outre, un facteur de croissance chez l’enfant, considération ô combien importante dès lors qu’on aborde ce que l’on appelle le crétinisme. Les crétins étaient des infortunés souffrant d’une grave carence en iode, laquelle est d’autant plus patente que l’on vit en altitude. S’ensuivent formation de goitre (qui marque bien le sous-fonctionnement de la thyroïde), une taille au-dessous de la moyenne et surtout ce que l’on appelait autrefois l’idiotie, ce qui explique qu’aujourd’hui les expressions « idiot du village » et « crétin des Alpes » soient passées dans le langage courant pour qualifier la crème des imbéciles qui, paradoxalement, ne manque pas forcément d’iode.

Le Fucus vesiculosis est l’une des 1500 algues dites brunes. En effet, cette algue vivace, de couleur vert olive foncé à brunâtre lorsqu’elle est humide, vire au noir violacé à l’état sec. Brune, donc. D’ailleurs, elle ne contient pas de chlorophylle, mais un pigment brunâtre du nom de fucoxanthine lui permettant d’assurer la photosynthèse. Pour preuve que ça marche : il n’est qu’à observer les longs thalles caoutchouteux découpés en lanières aplaties souvent fourchus, accrochés aux rochers par de solides crampons. Des aérocytes – des flotteurs captant la lumière – autorisent cette plante longue d’un bon mètre à se maintenir à la verticale dans les eaux.
Cette algue, qu’on a aussi appelée laitue marine, est présente sur à peu près toutes les côtes de l’Atlantique nord, et de la Manche à la mer du Nord.

Cet étrange mot qu’est varech trouve son origine dans le nord de l’Europe : il provient de l’anglais wraec et d’un ancien mot scandinave, wagrek, qui ont, tous les deux, la particularité d’avoir le même sens : épave. Et l’on sait qu’Anglo-saxons et Vikings, à défaut d’échouer sur nos côtes, les ont abordées. Quand on sait ce qu’est le varech, on comprend mieux le pourquoi de cette référence à une épave : il s’agit des algues laissées apparentes par le ressac et récoltées à marée basse sur les rochers du rivage qui se trouvent dans les zones de balancement des marées.
Les Normands et les Bretons – qui ne veulent rien faire comme les autres – l’appellent goémon.

Le fucus vésiculeux en phytothérapie

« Plongée dans l’élément marin, réservoir de vie, l’algue symbolise une vie sans limite et que rien ne peut anéantir, la vie élémentaire, la nourriture primordiale » (1). Compte tenu de la composition du fucus, l’on ne peut que donner raison à ces quelques données symboliques, cette algue étant d’une incomparable richesse. Voyez plutôt : en moyenne, les thalles séchés puis pulvérisés, de saveur salée et de saumâtre odeur marine, recèlent un mucilage visqueux contenant de l’algine, de l’acide alginique, des polyphénols, des polysaccharides et oligosaccharides (laminarine), une huile, une essence aromatique, un principe amer, du mannitol (édulcorant), plus d’une douzaine d’acides aminés, etc. Dans 100 g de fucus sec, l’on trouve 16 g de cendres ! Énorme ! Voici la longue liste des sels minéraux et oligo-éléments contenus dans cette plante : calcium, potassium, sodium, magnésium, phosphore, fer, cuivre, zinc, cobalt, nickel, manganèse, strontium, vanadium, lithium, chrome, bore, brome, titane, baryum, arsenic, silice, molybdène, iode. Ouf ! Côté vitamines, ça n’est pas mal du tout non plus : provitamine A, vitamines B1, B2, B6, B9, B12, C, D2, E…

Propriétés thérapeutiques

  • Laxatif, favorise le transit intestinal
  • Immunostimulant, reconstituant, reminéralisant, anti-asthénique
  • Diurétique
  • Favorise la résorption des tissus lipidiques
  • Cicatrisant, émollient
  • Antigoitreux
  • Antiviral (?)

Usages thérapeutiques

  • Fatigue intellectuelle et/ou physique passagère, rachitisme, sénescence
  • Rhumatismes, goutte, douleurs articulaires
  • Plaie, blessure, psoriasis, dermatose, entorse
  • Adénite, scrofulose
  • Asthme
  • Acidité gastrique
  • Goitre, hypothyroïdie
  • Cellulite, obésité (le fucus est un coupe-faim : la structure mucilagineuse des thalles s’hydrate dans l’estomac. En gonflant, cette algue entraîne un sentiment de satiété)

Modes d’emploi

  • Teinture-mère
  • Capsule de poudre
  • Décoction
  • Cataplasme
  • Extrait hydro-alcoolique
  • Bain

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Bien qu’on puisse procéder à la récolte toute l’année, Cazin indiquait que la meilleure période pour procéder à une cueillette médicinale était le mois de juillet ; Valnet précise qu’en été, il y a accumulation des sucres et disparitions des sels minéraux » (2).
  • Vu la proportion d’iode contenue dans le fucus (0,1 %), cette plante est fortement contre-indiquée en cas d’allergie manifeste à cet élément et surtout en cas d’hyperthyroïdie (seule l’homéopathie est de ce ressort). De même, la femme enceinte ou allaitante évitera l’emploi du fucus.
  • Un fucus de qualité ne peut se concevoir qu’en l’absence de toute pollution. Or comme tel n’est pas le cas, cette algue peut contenir des traces de polluants marins, entre autres des métaux lourds.
  • Incompatibilité : café, citron, farineux, bière.
  • Alimentation : le fucus est utilisé par l’industrie agro-alimentaire dans laquelle ses alginates jouent le rôle de gélifiant, d’épaississant et d’émulsifiant. Une fois dessalé, le fucus peut devenir comestible et prend la place du sel dans les pays anglo-saxons sous le nom de kelp.
  • Autre espèce proche : le carragahen (Fucus crispus).
  • Autres usages : l’avantage du fucus dans l’économie domestique et industrielle est tel qu’il permet de fertiliser les terres en guise d’engrais, de couvrir les toitures des maisons à la manière du chaume, à alimenter le bétail, à fournir par extraction potassium, soude et iode ; on en fit même un combustible.
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    1. Jean Chevalier & Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, p. 24.
    2. Jean Valnet, La phytothérapie, p. 497.

© Books of Dante – 2017