Le colatier (Cola nitida, acuminata, etc.)

Synonymes : kolatier, noix du Soudan.

Arbre semper virens au feuillage dense, le colatier est endémique à une zone d’Afrique occidentale que baigne le Golfe de Guinée. Sur cette zone côtière, on trouve de nombreuses plantations, cultures qui se sont étendues depuis lors à d’autres zones géographiques : le Brésil, l’Indonésie, les Antilles, etc. possèdent, eux aussi, leurs propres exploitations de colatiers.
Cet arbre d’une vingtaine de mètres de hauteur, garni de feuilles oblongues et coriaces, porte à floraison des fleurs sans pétales, dont le calice est formé de cinq sépales de couleur blanc crème plus ou moins soutenue, veinés de pourpre au départ du centre. Ces fleurs forment à la suite un fruit typique de la famille des Sterculiacées : une cabosse, de même que chez le cacao. Cette cabosse est formée de follicules réunis en étoile qui, une fois mûrs, s’ouvrent, libérant chacun cinq à dix graines comprimées les unes contre les autres, de la taille d’un œuf de pigeon, aussi bien rouge rosâtre que blanc beige. Ce sont ces « noix » qui, traditionnellement, sont mâchées par les populations locales : cet aliment d’épargne, parce que stimulant, permet de combattre la fatigue, d’étouffer la faim et la soif. Connu en Europe depuis le XVI ème siècle environ, ce n’est véritablement qu’à partir du XIX ème siècle que furent exploitées ses propriétés digestives et aphrodisiaques, mais surtout stimulantes et toniques. Ainsi, plusieurs compositions magistrales virent-elles le jour durant ce siècle en particulier à destination des personnes surmenées, fatiguées physiquement et psychiquement, convalescentes, etc.
Voici l’histoire d’un de ces anciens médicaments. Pour cela, tournons-nous en direction du pharmacien d’origine corse Angelo Mariani (1838-1914) qui a l’idée d’élaborer une préparation à base de vin rouge dans lequel se mêle des extraits de feuilles de coca (Erythroxylum coca) : ce « vin Mariani » trouve assez rapidement ses aficionados. L’histoire d’Angelo Mariani va se lier à celle d’un autre pharmacien, d’Atlanta celui-là : John Styth Pemberton. Ce dernier, qui souffre de douleurs d’estomac (d’un cancer en réalité), a vent du vin corse, qu’il décide d’éprouver sur lui-même. En 1885, il élabore à son tour un « french wine coca », breuvage qui se distingue néanmoins de la boisson française en ce qu’il contient des noix de cola dont Pemberton n’ignore pas qu’elles sont riches de caféine. Il explique lui-même de quoi il retourne : cette boisson « est composée d’un extrait de feuilles péruviennes de coca, du plus pur des vins et de noix de cola. C’est le meilleur des toniques, aidant à la digestion, apportant de l’énergie aux organes de la respiration et rendant plus fort les systèmes musculaires et nerveux ». S’ensuit une mise sur le marché et une commercialisation qui sera entravée au bout de six mois : en effet, à la fin de l’année 1885, le maire d’Atlanta prohibe la vente d’alcool. Ainsi le vin de Pemberton tombe-t-il sous le coup de cette interdiction. Forcé de changer son fusil d’épaule, il s’attelle à la confection d’une nouvelle boisson, puisque seules celles qui sont non alcoolisées (quand bien même seraient-elles médicaments) sont autorisées à la vente. S’inspirant des fontaines à sodas présentes dans la plupart des drugstores de l’époque, Pemberton s’attache à travailler et établir la formule qui permettra de retrouver le parfum de son vin en utilisant divers extraits végétaux : du jus de citron, de l’acide citrique, des extraits naturels de citron, d’orange, de cannelle, de noix de muscade, de coriandre, de néroli, de lavande, de la vanille, des extraits de feuilles de coca et de noix de cola, sans oublier bonne dose de sucre pour camoufler autant que possible l’amertume du sirop aromatique qui, une fois mélangé à l’eau gazeuse des fontaines à sodas, sera vendu au public sous le nom de baptême de Coca-Cola en 1886. Aujourd’hui, reste le nom d’une boisson dans laquelle il y a belle lurette qu’on ne trouve plus de cocaïne : sous la pression de plusieurs sociétés hygiénistes américaines attachées aux bonnes mœurs, en 1903, la fabrication du Coca-Cola se déroule en utilisant exclusivement des feuilles décocaïnisées, ce qui enleva, de fait, tout attrait thérapeutique pour cette boisson qui « rend joyeux le mélancolique, et fort le faible ». De même pour les noix de cola. Il y a bien longtemps que cette boisson a quitté les étagères de l’apothicaire pour rejoindre celles de l’épicier, et que de médicinale elle est devenue boisson d’usage courant, parfois même trop, au point qu’elle provoque plus de maux dans sa formule actuelle (diabète, obésité, etc.) qu’elle n’en répare, ce qui n’était, au départ, ni l’intention de Pemberton ni, avant lui, de Mariani, bien que chez ces deux hommes et la firme au logo rouge et blanc, le nerf de l’affaire soit, avant tout, l’argent…

Mais avant que la noix de cola ne tombe entre les griffes du monde profane, elle était, en Afrique, l’objet des plus pieuses attentions, raison expliquant sans doute que les colatiers étaient cérémonieusement plantés à proximité des villages. La noix de cola, outre le fait qu’elle constituait une offrande aux personnalités, était aussi sacrifiée à certaines divinités. Elle entre aussi, en partie, dans la pratique divinatoire de l’Ifa. Des demi noix de cola deviennent juju sous forme de chaîne divinatoire, laquelle « est jetée de la main droite. Une figure est dessinée sur la sciure de bois recouvrant le plateau de divination selon que les juju sont tombés sur la face convexe ou concave, constituant ainsi un système d’information binaire » (1).

De par sa saveur amère (présence de caféine), en Afrique noire, la noix de cola symbolise avant tout les épreuves de la vie, sa difficulté aussi. Mais elle est également symbole d’amitié solide et de fidélité. Deux futurs époux qui mangent ensemble une noix de cola démontrent par ce geste leur intention d’une vie commune et d’engagement fidèle.

Le colatier en phytothérapie

C’est donc dans les noix de cola que Pemberton alla puiser la caféine nécessaire à son french wine : bien lui en prit, puisque, en moyenne, on en trouve de 1,5 à 3,5 %, c’est-à-dire largement plus que dans le café. Ces proportions pourraient paraître rédhibitoires s’il n’y avait pas également dans la noix de cola de la kolatéine, qui évite l’action brutale de la caféine sur l’organisme et lui permet de libérer de façon progressive ses effets. Outre cela, nous y croisons une xanthine bien connue du cacao, la théobromine, ainsi qu’une autre, propre au colatier, la kolatine, auxquelles s’additionnent 5 à 10 % de tanins.

Propriétés thérapeutiques

  • Stimulant et excitant nerveux, cérébrale et musculaire
  • Reconstituant
  • Cardiotonique
  • Digestif
  • Diurétique
  • Antidépresseur
  • Aphrodisiaque
  • Astringent

Usages thérapeutiques

  • Asthénie physique, manque de tonus, convalescence après maladie infectieuse, effort musculaire prolongé, entraînement du sportif
  • Asthénie psychique, neurasthénie, état dépressif
  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : diarrhée, diarrhée rebelle, dysenterie
  • Grippe
  • Maux de tête, migraine

Modes d’emploi

  • Graine concassée ou pulvérisée en infusion.
  • Macération vineuse de noix de cola (dans du vin rouge).
  • Teinture-mère.
  • Extrait fluide.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Les personnes sensibles à la caféine éviteront de prendre cette plante le soir. Cette attention devra particulièrement être portée auprès des personnes souffrant d’hypertension et de palpitations, ainsi qu’à celles sujettes aux ulcères gastriques.
  • En cure, la noix de cola est associable au ginseng ou à l’éleuthérocoque par exemple.
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    1. Claudine Brelet, Médecines du monde, pp. 46-47.

© Books of Dante – 2019