L’avoine (Avena sativa)

Cette plante est au nord de l’Europe ce que l’orge est au sud, mais reste cependant peu présente à l’extrême nord (Russie, Scandinavie). Ses premiers usages connus remontent à plus de 4500 ans et son emploi a perduré durant l’âge de cuivre puis l’âge de bronze, dans les régions tempérées d’Europe et d’Asie. Si l’on en croit l’origine sanskrite du mot avena, il est bien possible que l’avoine ait accompagné les hommes lors des grandes migrations indo-européennes jusque dans les zones occupées aujourd’hui par les populations slaves et germaniques. Ceci explique la prééminence de l’avoine pour ces peuples, en particulier les anciens Germains dont Pline connaissait le caractère alimentaire qu’ils vouaient à cette plante. Le gruau d’avoine ainsi que le pain qu’on en faisait représentaient une base alimentaire évidente. Ces peuples « mangent du pain d’avoine, surtout quand les autres céréales sont rares. Ce pain est gras, visqueux, foncé en couleur, amer et indigeste » (1). Chez les Romains (Caton, Cicéron, Ovide, Virgile, etc.), l’avoine n’a pas bonne presse, c’est une mauvaise herbe qui, selon Pline, serait issue d’une dégénérescence de l’orge. Aussi, savoir que les Germains y apportent grand intérêt a dû les leur rendre encore plus « barbares » qu’ils ne les considéraient.
L’importance de l’avoine pour les Germains lui fit jouer un rôle mythologique non négligeable : cette mythologie est riche de démons parmi lesquels nous pouvons citer l’aprilochse, l’erntebock, le graswolf, toutes figures agraires, ainsi que le loki’s hafer, c’est-à-dire le démon de l’avoine (de hafer en allemand, « avoine »). Sachez également que le mot hafer se retrouve dans le nom du sac à provision allemand, le hafersack, d’où découle notre actuel havresac.
Si certains auteurs opposèrent l’avoine à l’ivraie comme plante divine, par ailleurs l’expression « avoine du diable » est attribuée aux plantes qui nuisent au bétail.
Du côté de Dioscoride, l’on parle un peu de l’avoine : « De l’avoine que les Grecs appellent bromos, les Latins avena, les Italiens la vena » (2). Cela semble donc signifier qu’au Ier siècle après J.-C. les Romains avaient sans doute déjà incorporé le mot avena emprunté probablement à des langues du nord des Alpes. Quant au mot bromos, il a perduré puisqu’il désigne une céréale d’origine eurasiatique dont les espèces sont nombreuses. Sachant que bromus fait référence à l’avoine, il est difficile de dire si Dioscoride décrit l’une ou l’autre de ces deux plantes d’autant que les informations qu’il en donne reste peu consistantes : cette plante est apte à restreindre le ventre et est fort utile pour remédier à la toux.

Beaucoup plus tard, puisque nous voilà au XII ème siècle, on rencontre dans les écrits d’Hildegarde une Avena (ce qui semble accréditer l’origine non pas latine mais germanique de ce mot). Que nous dit l’abbesse à propos de l’avoine ? Ceci, et c’est fort intéressant : « elle constitue une nourriture généreuse et saine pour les gens en bonne santé : elle leur donne une âme joyeuse, une intelligence nette et claire, un beau teint et une chair pleine de santé », ce qui n’empêchera pas le médecin britannique John Gerrard de tourner l’avoine en ridicule en ces termes : « les flocons d’avoine transforment une belle fille au joli teint en gâteau de suif » (!!!). « Mais, poursuit Hildegarde, pour ceux qui sont bien malades et de nature froide, elle n’est pas bonne à manger car elle recherche toujours la chaleur […] Si quelqu’un est paralysé et a, pour cette raison, l’esprit brisé et de vaines songeries » (3), l’avoine lui est secourable. En lisant cette dernière phrase, il est possible d’être frappé par la similitude qui existe avec le portrait que fait le docteur Edward Bach de l’avoine (et que nous retrouverons en toute fin d’article). Bach a-t-il lu Hildegarde ? C’est une question que je me pose depuis longtemps…

Faisant partie des graminées, l’avoine est une belle plante légère et aérienne, annuelle d’environ un mètre de hauteur à complète maturité. Formée d’une tige creuse et lisse, elle est arpentée par des feuilles larges, pointues et retombantes. A leur sommet, l’on trouve de nombreux rameaux ployés portant chacun à leur extrémité un petit épi composé de deux ou trois fleurs florissant en juillet-août. Deux petites glumes vertes puis jaunes enserrent chaque graine.
L’avoine fait partie des plantes fourragères et des céréales panifiables, mais elle a été supplantée par des céréales telles que le blé et le riz. Aussi, l’avoine est-elle en perte de vitesse même dans les zones tempérées et humides qu’elle affectionne. Pour donner un ordre d’idée, aujourd’hui on produit dans le monde 25 fois plus de maïs que d’avoine.
Avena fatua, la folle avoine, est une espèce sauvage. Elle possède à peu de chose près les mêmes propriétés que l’avoine cultivée.

L’avoine en phytothérapie

La partie comestible de cette graminée serait-elle la seule fraction honorée par la phytothérapie ? Certes non puisque toutes les parties aériennes de cette plante sont de quelque utilité hormis les feuilles. Il est possible d’utiliser les graines au complet, leur farine ou leur son. Mais la paille fait aussi l’objet d’un intérêt pour le phytothérapeute.
Dans l’ensemble, l’avoine est d’une telle richesse qu’on peut légitimement se poser la question de son relatif dénigrement (si on devait la comparer au blé ou à l’orge, par exemple). Dans les graines, nous trouvons environ 50 % d’amidon, de l’albumine (4 %), de la gomme (4 %), du sucre (8 %), un peu d’huile grasse, du gluten (10 %), un principe aromatique de saveur vanillée, divers sels minéraux dont voici les teneurs aux 100 grammes de graines : phosphore (300 mg), calcium (90 mg), potassium (500 mg). Tout cela fait de l’avoine une céréale particulièrement nutritive et reminéralisante si l’on prend en considération les autres oligo-éléments qu’elle contient : fer, zinc, manganèse, magnésium, sodium. A cela ajoutons diverses vitamines (A, B1, B2, B3, D), un alcaloïde que nous avons déjà rencontré en travaillant sur le fenugrec, c’est-à-dire la trigonelline à l’action phyto-oestrogénique, de l’acide silicique, enfin de l’avénine, qui n’est autre qu’une molécule de stockage de la plante participant à la spermatogenèse par libération de testostérone. Tout cela est donc loin de faire de l’avoine une plante complètement inerte et inutile, contrairement à ce pensaient les Romains.

Propriétés thérapeutiques

  • Reconstituante, restaurante, fortifiante des fonctions musculaires, nutritive
  • Diurétique, dépurative
  • Adoucissante, émolliente, rafraîchissante
  • Résolutive, maturative
  • Équilibrante du système nerveux, antidépressive légère, tonique nerveuse
  • Stimulante thyroïdienne
  • Hypoglycémiante, hypocholestérolémiante
  • Laxative légère

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : inflammation du tube digestif, constipation, aliment pour les estomacs fragiles
  • Troubles de la sphère vésico-rénale : rétention d’urine, inflammation des reins et de la vessie, lithiase urinaire et rénale, colique néphrétique, goutte, rhumatisme goutteux
  • Troubles de la sphère respiratoire : toux, toux sèche, maux de gorge, laryngite, catarrhe bronchique, coqueluche, angine, hémoptysie, rhume persistant
  • Troubles de la sphère génitale : baisse de la libido, impuissance, stérilité, carence œstrogénique (ménopause)
  • Épuisement physique et mental, asthénie, états nerveux, stress, insomnie, dépression
  • Affections cutanées : démangeaisons, psoriasis, peaux sèches et eczémateuses, ulcère, plaie, hyperhidrose plantaire
  • Lumbago, névralgie
  • Déminéralisation, aliment de convalescence (y compris chez les enfants de plus de six mois ainsi que chez les personnes âgées)
  • Insuffisance thyroïdienne
  • Fièvre (4)

Note : outre que l’avoine favorise la formation des globules rouges, il est avéré que les « surmenés, dépressifs, convalescents, sportifs, femmes qui allaitent […] trouveront dans l’avoine une alliée sûr et compatissante » (5). Enfin, ajoutons à cette liste que l’avoine est aussi profitable aux diabétiques et aux personnes sujettes à l’hypercholestérolémie.

Modes d’emploi

  • Décoction de paille d’avoine
  • Décoction de graines
  • Infusion de son
  • Teinture-mère
  • Cataplasme de farine d’avoine
  • Gruau (qui est de digestion facile)

Note : il est même possible de torréfier puis de pulvériser les graines d’avoine. Ainsi l’on obtient une poudre semblable au café offrant une boisson soulageant tant les hémorroïdes que la constipation.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Récolte : l’herbe verte en juillet, les graines en août, la paille en septembre. Remarquons que les graines ainsi que la farine d’avoine ont l’inconvénient de rancir rapidement.
  • Le docteur Cazin conseillait de ne consommer l’avoine que l’hiver, la considérant trop excitante pour en faire un usage estival. Il n’en demeure pas moins que la décoction de paille d’avoine est déconseillée aux rhumatisants. Une trop grande consommation d’avoine peut causer des maux de tête. Enfin, l’avénine contenue dans les semences est toxiques pour les personnes sensibles et intolérantes au gluten.
  • Autrefois, l’avoine permettait de confectionner des oreillers et des matelas destinés aux nerveux, aux insomniaques ainsi qu’aux bébés agités. L’avoine joue donc le même rôle que le houblon.
  • Cosmétique : l’avoine y est très utilisée. On en tire une mousse crémeuse après traitement des acides aminés contenus dans cette plante. On la trouve sous cette forme dans savons et shampooings.
  • Élixir floral : le docteur Bach a élaboré un élixir à partir de l’espèce sauvage de l’avoine (Avena fatua), celle que l’on appelle encore folle avoine : Wild oat, inscrit dans le groupe de l’incertitude. « Pour ceux qui ambitionnent de faire quelque chose d’important dans leur vie, qui désirent avoir beaucoup d’expériences, profiter le plus possible de tout et vivre pleinement. La difficulté pour eux est de décider de la carrière à suivre, car bien que leurs ambitions soient fortes, ils n’ont pas de vocation spéciale. Ceci peut entraîner retards et insatisfaction » (6).
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    1. François-Joseph Cazin, Traité pratique et raisonné des plantes médicinales indigènes, p. 107
    2. Dioscoride, Materia medica, Livre 2, Chapitre 86
    3. Hildegarde de Bingen, Physica, p. 24
    4. « Il est de toute nécessité d’alimenter les malades dans les fièvres. Si l’on n’avait pas oublié à cet égard les préceptes d’Hippocrate, on n’aurait pas vu tant de malades mourir d’inanition au déclin de leur maladie », François-Joseph Cazin, Traité pratique et raisonné des plantes médicinales indigènes, p. 107
    5. Guy Fuinel, L’amour et les plantes, p. 60
    6. Édouard Bach, Guérir par les fleurs, p. 96

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