L’améthyste

Cristaux d’améthyste (La Chapelle-sur-Usson, Auvergne).

L’améthyste est un quartz, mais tous les quartz n’en sont pas, cette appellation se réservant aux seuls quartz de teinte violette. Quartz fait surtout référence à la composition chimique typique de ce minéral : du dioxyde de silicium. Ce mot, quartz, a été forgé par Buffon sur l’ancien allemand quarz remontant lui-même probablement au XIVe siècle et dont l’origine est contestée. Voici néanmoins deux hypothèses : si l’une des explications tend en direction de la dureté de ce minéral (ce qui est bien trop prosaïque pour qu’on s’y arrête plus longuement), l’autre rapproche quartz de zwerg, « nain », en relation sans doute avec les élémentaux de la Terre que sont, entre autres, les kobolds, d’où l’on a tiré le mot cobalt. Avec nickel, ils proviennent directement de la riche mythologie propre aux mineurs des Monts métallifères situés à cheval entre l’Allemagne et la Bohème (République tchèque). Or, comme ces mineurs venaient chercher là du fer, de l’argent et de l’étain, le cobalt, pas plus que le nickel, ne représentaient de valeur pour eux. Ainsi ont-ils accordé à ces minéraux les noms de génies espiègles, facétieux, voire malfaisants, kobolds et nicklaus. Quarz semble procéder de la même veine. On donnait donc ce type de noms aux pierres qui entravaient les mineurs à la recherche du but avéré, c’est-à-dire de tous ces métaux à la valeur marchande convoitée. Le plus drôle, c’est que les Monts métallifères sont truffés de quartz et que l’on fabrique du cristal dit de Bohème non loin de là. Malgré son nom, il n’a pas de rapport avec le quartz hyalin limpide, alias le cristal de roche, puisqu’il s’agit d’un verre artificiel fabriqué de la main de l’homme et traité à l’oxyde de plomb qui lui fait gagner en transparence et en clarté. Bref, le quartz n’était peut-être d’aucune utilité industrieuse et marchande pour les mineurs des Monts métallifères, il n’empêche, il sut parfaitement se faire bien voir, « qu’on le porte en amulette, enchâssé dans une bague ou sur une broche »1, et cela pour lutter contre les arts maléfiques, les peurs et terreurs nocturnes, l’insomnie, les fantômes et esprits ennemis, les bêtes sauvages venimeuses, etc. (Nous verrons un peu plus loin que sur ce point l’améthyste n’est pas en reste…)

Aiguière à long col. Verre soufflé et décoré de liserés d’améthyste. XI-XIIIe siècle (Iran ou Afghanistan).

L’améthyste était connue des Grecs et des Romains de l’Antiquité qui en faisaient des bijoux et autres précieuses amulettes, mais, semblerait-il, sans voir le rapport qui existe entre elle et le cristal de roche, qui n’est finalement pas autre chose que de « l’améthyste incolore ». Quelle que soit la couleur de ce quartz, en Inde, l’on dit qu’il est kaccha, alors qu’a contrario le diamant est pakka, tout simplement parce qu’il a atteint un plus haut degré de « mûrissement ». Cela signifie-t-il que tout cristal de roche est un diamant in potentia ? Qu’est donc censée devenir une améthyste en ce cas ? Un joli diamant violet ? (S’il existe de par le monde quelques diamants bleus, je n’ai pas connaissance que de telles pierres puissent être violettes. Cependant, sont-ce de rares diamants pourpres qui ont été découverts récemment en Inde ?) Mais plutôt que de se faire des nœuds au cerveau, venons-en au plus près de ce que l’améthyste est susceptible de nous offrir en terme de vertus énergétiques et spirituelles. Tout d’abord, évoquons la question de la tempérance qui semble expliquer tout ou partie de son nom : améthyste provient, selon les sources, du grec ametusios, « qui n’est pas ivre », amethustos, « qui préserve de l’ivresse », locutions dans lesquelles on voit le a privatif des Grecs et metuo, littéralement, « je m’enivre ». Je veux bien faire de l’améthyste une pierre de tempérance, mais à condition de ne pas se cantonner bêtement à la seule ivresse des sens induite par l’alcool ou toute autre substance toxique (tabac, café, sucre, drogues diverses, etc.). Prise au sens strict, cette capacité de l’améthyste à contrôler les états d’ébriété a été battue en brèche, ce qui fit dire à Simon Morelot qu’on « sent bien combien cette prétendue vertu est imaginaire »2. Ce qui est bien plus intéressant, plutôt que de tourner en rond comme une barrique ivre, c’est d’avoir fait de l’améthyste une pierre épiscopale (sans doute en raison de sa couleur), insigne de la dignité des évêques et dont elle orne l’anneau. « L’évêque en tant que pasteur des âmes, chargé d’une responsabilité spirituelle et temporelle, doit, à la différence du reclus contemplatif, ayant abandonné le siècle, se garder de toute ivresse, fût-elle spirituelle »3. A travers un usage mystique et religieux, l’améthyste s’avère donc être une pierre de méditation, de maîtrise de soi, d’altruisme, de sacrifice de soi, de sagesse et d’abstinence. Pour l’ensemble de ces raisons, on la relie énergétiquement aux deux chakras sommitaux que sont la couronne et le troisième œil. Confinant à l’humilité (on a associé sa couleur à celle de cette fleur de modestie qu’est la violette des bois), l’améthyste peut apporter la sérénité en calmant l’humeur et en favorisant le sommeil (tout en écartant les cauchemars). Elle apaise le stress, les angoisses, les « névroses ». C’est en cela qu’elle peut endiguer cette ivresse qu’est l’exaltation, les tempéraments excessifs en tout, le bouillonnement cérébral vertigineux, etc., qui plus est en favorisant, par l’harmonie, les interrelations entre les hommes et les femmes (cf. l’équilibre atteint par la Tempérance, arcane majeur du Tarot de Marseille, lame XIV, par sa juste maîtrise des deux vases, le bleu et le rouge, dont l’union, fluide invisible, forme du violet). A ce compte-là, on pourrait même aller plus loin et considérer l’améthyste comme une pierre permettant à l’homme de s’unir harmonieusement à son anima, une femme à son animus. D’ailleurs, ceci va m’amener à faire ici le partage d’une anecdote personnelle que je trouve éloquente au titre de ce que nous avons évoqué précédemment. Il y a une quinzaine d’années, je me décidai à me rendre auprès d’un joaillier afin qu’il changeât la pierre brisée d’une chevalière en argent. Mon choix se porta sur une jolie améthyste facettée violet clair. Après avoir renforcé le corps de la bague et ses épaules, le bijoutier y enchâssa l’améthyste. Associer une pierre lunaire comme l’améthyste à un métal qui est également le reflet de ces influences allait sans doute représenter une charge un peu trop puissante, d’autant plus qu’à l’époque je portais quatre autres bagues en argent à la main gauche. Quand l’équilibre avec mon yang excessif fut atteint, il se produisit un événement pour le moins étonnant : une dizaine de jours après avoir récupéré cette chevalière rénovée auprès du bijoutier, j’eus la surprise de constater un jour que la pierre avait disparu de sa châsse ! Fort heureusement, étant à domicile au moment de cette perte, je pus facilement retrouver cette améthyste qui était simplement allée rouler sur le tapis du salon. Il me fallut donc retourner auprès du même bijoutier qui, fort surpris, entreprit de faire une deuxième fois le même travail. Le lendemain, je pus prendre possession de cette bague corrigée. Peine perdue, puisque quelques jours plus tard, la pierre disparut de nouveau de son support. Retrouvée saine et sauve une seconde fois, elle demeure depuis dans un petit sachet de tissu lacé par un nouet, avec la chevalière en argent dont elle ne veut pas. Pourquoi resterait-elle, la pierre qui a achevé sa mission ? Cela nécessite de ne pas trop s’attacher matériellement et de voir dans cet appareillage qu’est une bague bien plus qu’un objet ornemental. Avant de passer aux autres modes d’emploi de l’améthyste, terminons-en là avec ses propriétés. C’est une pierre créatrice de beauté, favorisant la visualisation et le travail artistique, stimulant l’imagination et la créativité. Tout à l’inverse, elle permet de se placer hors de portée des influences pernicieuses comme le mauvais œil et les poisons (qui ne sont pas toujours ceux du serpent et de l’araignée…), sans doute parce que c’est une pierre d’exorcisme.

En plus d’une bague, on peut porter un bracelet composé de billes d’améthyste ou bien un collier avec un pendentif (comme un donut) en améthyste, en contact direct avec la peau. Il est possible encore de placer une améthyste (pierre brute ou roulée) dans un sachet de toile pendu au col ou enfoncé dans la poche, à transporter avec soi partout où l’on va, ou bien à glisser sous l’oreiller le soir venu. Dans le registre des dispositifs plus difficilement transportables, mentionnons la druse et, plus volumineuse, la géode, que l’on installera en quelque endroit stratégique de son domicile. Il y a dans l’œuvre de Hildegarde de Bingen quelques autres modus operandi bien dignes d’intérêt et dont voici tout d’abord le plus simple à réaliser : on insalive la pierre qu’une fois humide l’on passe sur la peau. « On peut aussi chauffer de l’eau sur le feu et tenir cette pierre au-dessus de l’eau jusqu’à ce que sa sueur se mêle à l’eau »4. La dernière information, pour la fin, est sans doute aucun la plus originale : il s’agit d’une teinture alcoolique destinée à préparer des granules homéopathiques, une pratique apparemment courante en Inde. Voici comment procéder : « Verser quelques gouttes d’alcool pur ou rectifié dans une petite fiole d’environ 3 cl, y déposer la gemme, boucher hermétiquement ce récipient et le placer dans un endroit sombre pendant une semaine, en lune montante. Après la huitième nuit, il faut agiter cette fiole de sept fortes secousses : ce liquide ainsi dynamisé est ensuite utilisé pour préparer des granules en dilution homéopathique »5. Sur cette base, pourquoi ne pas imaginer un élixir minéral, après avoir ainsi obtenu l’élixir-mère ? Si cela ne vous botte pas trop, sachez qu’on trouve quelquefois dans le commerce de détail des élixirs minéraux basés sur le même principe que les fleurs du docteur Bach. A titre d’information supplémentaire, la fleur de Bach qui s’approche le plus d’un élixir d’améthyste est, selon moi, Star of Bethleem, inscrite dans le groupe du découragement.

Géode d’améthyste. Les petits points dorés sont des cristaux de chalcopyrite (Maroc).

Caractéristiques minéralogiques

  • Composition : théoriquement dioxyde de silicium (SiO2) à 100 %. Comporte presque toujours des inclusions (aluminium, lithium, bore, calcium, titane, magnésium, rubidium, etc.). Dans le cas de l’améthyste, ce sont des inclusions de fer et de manganèse qui sont responsables de sa belle couleur violette.
  • Densité : 2,5 à 2,65.
  • Dureté : 7 (fragile).
  • Morphologie : cristaux (prismatiques, bipyramidaux, pseudocubiques), agrégats grenus et massifs.
  • Couleurs : de pourpre à violet plus ou moins intense.
  • Éclat : vitraux, gras.
  • Transparence : transparent à translucide.
  • Clivage : imparfait.
  • Cassure : conchoïdale, esquilleuse, inégale.
  • Fusion : ne fond pas à la flamme, mais crépite.
  • Solubilité : uniquement dans l’acide fluorhydrique.
  • Nettoyage : à l’eau distillée, aux acides dilués.
  • Particularités : luminescence (jaune, orangé, verdâtre) ; peu dilatable ; mauvaise conduction de la chaleur (à température égale, le quartz demeure plus longtemps froid que le verre) ; exceptionnelle résistance aux influences extérieures (oxydation, décomposition) ; minéral pyroélectrique et piézoélectrique ; l’améthyste peut pâlir lors d’une exposition durable à la lumière du jour.
  • Morphogenèse : magmatique, pegmatique, hydrothermale, métamorphique, croûte d’altération.
  • Paragenèse : feldspath, mica, amphibole, pyroxène.
  • Confusion possible avec d’autres minéraux : fluorite, spodumène, apatite, pollucite, béryl, topaze, phénacite.
  • Autres minéraux quartzeux contenant du SiO2 : ils sont très nombreux. On divise les quartz en deux groupes distincts selon la forme cristallographique, la couleur et la texture : – Les variétés phanérocristallisées : le quartz (nom générique) se subdivise effectivement en différentes variétés dont le quartz ordinaire (gris), le quartz hyalin limpide, c’est-à-dire le cristal de roche transparent (incolore), le quartz fumé (brun grisâtre), le quartz rose, le morion (noir), la citrine (jaune miel), la trolléite (bleu), le quartz laiteux (incolore mais trouble), le quartz ferreux (rouge, brun ou jaune), l’aventurine, l’œil de tigre, l’œil de faucon, l’œil de chat. – Les variétés cryptocristallisées : il s’agit de la calcédoine et de ses sous-variétés : l’agate, l’agate mousse, l’onyx, le cacholong, le plasma, le prase, le chrysoprase, l’enhydros, la cornaline, le jaspe, l’héliotrope, le silex.
  • Gisements : le quartz en tant que tel est un important minéral constitutif de roches variées, c’est pourquoi les gisements sont très abondants (la croûte terrestre est constituée à 12 % de quartz). Quelques records, histoire de vous en mettre plein les mirettes : au Brésil, on a extrait un cristal de quartz qui pesait à lui tout seul quarante tonnes. Au Kazakhstan, l’on a fait mieux encore, puisqu’on a tiré du sol un cristal de soixante-dix tonnes ! Concernant strictement l’améthyste, l’on connaît surtout celle du Brésil : par exemple, en 1823, l’on découvrit dans la serra do Mar une géode géante de 10 x 5 x 2 m dont on débita pas loin de soixante-dix tonnes d’améthyste. D’autres de ces géodes – de la calcédoine intérieurement tapissée de cristaux d’améthyste – ont été tirées du sol, comme dans l’état brésilien le plus méridional, le Rio Grande do Sul : là, une géode de 10 x 5 x 3 m pesant sept tonnes a été découverte en 1900. Mais il n’y a pas que le Brésil, n’est-ce pas ? Quand on ouvre un moindre livre consacré à la minéralogie, on a l’impression qu’il n’y en a que pour l’améthyste brésilienne, alors qu’on en trouve dans plusieurs endroits du monde bien que cette pierre demeure assez rare : Roumanie, Russie (Oural), France (Auvergne : le plus grand gisement d’Europe), Mexique, Uruguay, États-Unis, Madagascar, Namibie, Ceylan, Allemagne et République tchèque (à cheval entre ces deux pays, plus précisément au sein même de ces Monts métallifères dont nous avons parlés plus haut : sur le versant saxon, dans la vallée de la Müglitz au sud-ouest de Dresde, l’on extrayait bel et bien de l’améthyste que l’on transportait de là jusqu’à Prague où les lapidaires la transformaient, ce qui nous mène au point suivant).
  • Utilisations : le quartz, en général, est largement utilisé par l’industrie (céramique, métallurgie, verrerie, optique). « Solidifié après fusion, il forme un verre qu’on utilise pour fabriquer les lampes à vapeur de mercure et des appareils de chimie. Taillé en lames de direction convenables, il sert dans les appareils producteurs d’ultra-sons et en électronique »6. De l’améthyste, l’on a plus spécifiquement fait une pierre fine semi précieuse que la bijouterie se charge de tailler et de polir, en facette, cabochon, brillant (allongé, ovale ou rond). On en tire aussi divers objets d’art (vase, coupe, statuette, bougeoir, figurine, bibelots, etc.).
  • Falsification : en grillant une améthyste à une température comprise entre 250 et 450° C, elle change de couleur, abandonnant sa robe purpurine pour un jaune caramel dont on s’est dit qu’il allait parfaitement convenir pour faire de cette pierre artificialisée une citrine, que l’on appelle comme tel, ce qui est trompeur car la citrine vraie est rare et chère, quand l’on n’abuse pas le chaland par l’intermédiaire de noms beaucoup plus abusifs comme, par exemple, topaze d’Espagne, topaze madère, topaze de Bahia, topaze dorée, topaze de l’Oural. Je possède l’une de ces pierres à la maison, qui avait été vendue à mes parents sous le nom de citrine à un salon de minéralogie. En comparaison, la citrine vraie est beaucoup plus claire. Pour finir, sachez que si l’on soumet une de ces fausses citrines à une irradiation radio-active, elle reprend son originelle couleur violette.

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  1. Pierre Canavaggio, Dictionnaire des superstitions et des croyances populaires, p. 203.
  2. Simon Morelot, Nouveau dictionnaire général des drogues simples et composées, Tome 1, p. 52.
  3. Jean Chevalier & Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, p. 35.
  4. Hildegarde de Bingen, Physica, p. 134.
  5. Claudine Brelet, Médecines du monde, p. 620.
  6. Logos, Bordas, p. 2540.

© Books of Dante – 2022

L’améthyste par Alfons Mucha (1900).