L’histoire de la muscade est en partie liée à une âpre guerre commerciale. Si c’est aux Portugais que l’on doit l’introduction de la noix de muscade sur le sol européen par voie maritime, cette présence ibérique en Asie du Sud-Est ne dura qu’un temps. Souvenez-vous des îles Moluques où nous nous sommes déjà rendus lorsque nous avons abordé, il y a longtemps déjà, l’huile essentielle de clou de girofle. C’est au sein du même théâtre que prend corps l’histoire internationale de la noix de muscade, issue d’un arbre originaire des Moluques, autrefois nommées archipel des épices tant elles y poussaient à profusion. C’est au XVI ème siècle que les Portugais se rendirent maîtres de cette partie du monde (enfin, en appliquant le principe « tire-toi de là que j’m’y mette ! »), installèrent un comptoir commercial en Malaisie, duquel se propagea la noix de muscade, en compagnie de chargements de poivre et de clou de girofle, le tout en direction de la capitale lusitanienne. Mais en 1605, ils se firent eux-mêmes déloger par les Hollandais, et perdirent donc ce précieux monopole que ces derniers s’empressèrent d’exploiter pour leur compte d’une façon des plus farouches et même cruelles : il ne s’agit alors plus de maintenir un monopole, c’est aussi une véritable chasse-gardée qui s’instaure à l’orée du XVII ème siècle, en particulier sur les îles de Banda et d’Amboine. Des mesures draconiennes furent mises en place : afin de mieux circonscrire la culture du muscadier à quelques îles, on détruisit les muscadiers présents sur d’autres. On fit subir un traitement antigerminatif aux noix, au cas où certains indélicats parviendraient à en subtiliser quelques-unes, et si jamais ils étaient pris la main dans le sac, on leur passait au cou un collier de chanvre. Ce n’était plus une guerre, bien plus, une terreur économique qu’imposèrent les Hollandais. Mais parce que tout finissant par passer et lasser, vers 1770, Pierre Poivre parviendra à briser ce monopole au profit de la France. Bravant les interdits, il s’esquiva des Moluques, sans trop éveiller de soupçons, avec des noix cousues dans la doublure de ses vêtements, mais n’en perdit pas moins une main au passage, arrachée par un boulet de canon ! C’est qu’il en voulait, Pierre Poivre !… Avec un nom pareil, me direz-vous… C’est par cette impulsion, mêlant le courage à une certaine forme de folie, qu’il pût instaurer les débuts de la culture de la noix de muscade (et du giroflier par la même occasion) sur des territoires français propices à sa culture, à savoir l’île Maurice, la Réunion (ex île de Bourbon) et Zanzibar, au large des côtes tanzaniennes. La noix de muscade gagna la Martinique et la Guyane bien plus tard, tout en se déployant plus largement en Indonésie (Sumatra, Java, Bornéo), en Inde, aux Caraïbes (Grenade) et aux Antilles, ainsi qu’en Amérique du Sud (Brésil), toutes zones où sa culture se perpétue toujours. Les Hollandais eurent beau faire des pieds et des mains afin de protéger leur précieux trésor de la convoitise, ils ne purent lutter face à la ténacité de certains et à l’opportunisme de quelques autres. Surtout, ils ne comptèrent pas sur les oiseaux qui en répandirent les graines d’île en île au gré de leurs pérégrinations ^.^
Pourtant, ce fragment historique ne peut faire croire que l’histoire de la noix de muscade a débuté il y a tout juste cinq siècles. Des preuves bien plus anciennes démontrent que bien avant cela la noix de muscade, empruntant probablement une voie terrestre, s’était déjà aventurée en direction de l’est, sans quoi l’on n’aurait jamais retrouvé des fragments de noix de muscade dans des tombeaux pharaoniques (sans compter que la poudre d’embaumement contiendrait plausiblement de la muscade). On s’attendrait davantage à la trouver en Chine et en Inde, où elle est usitée depuis au moins 2000 ans, plutôt qu’en Égypte. A la suite, je ne suis pas certain que la noix de muscade ait gagné l’Europe par la Grèce en premier lieu, la plupart des auteurs de l’Antiquité gréco-romaine n’en parlant d’aucune façon. Le premier à en faire mention, du moins à notre ère, c’est Aetius d’Amibe au V ème siècle, qui précise les usages thérapeutiques de la nux indica. Elle parvint ensuite à Constantinople au VI ème siècle, mais n’envahit toute l’Europe qu’à partir du X ème siècle, les marchands arabes se chargeant de la faire transiter des Indes à l’ensemble du pourtour méditerranéen, il y a environ un millier d’années, où elle croisa le chemin de Sérapion, de Mésué et d’Avicenne entre autres, qui firent appel aux pouvoirs curatifs de la jansiban, alias noix de Banda, tout en en donnant une étude plus rigoureuse et détaillée. Pour autant, l’Europe médiévale ne connût que plus tardivement la noix de muscade, et encore grâce à deux auteurs majeurs du XII ème siècle. Tout d’abord le Salernitain Matthaeus Platearius qui, dans le célèbre Circa instans, accorde quelques lignes à la muscade, remarquant que les « noix muscates [sont bonnes] contre la ventosité de l’estomac et des intestins ». De plus, « à ceux qui relèvent de maladies, donnez le vin en quoi elles seront cuites […] : les noix muscates, quand on les respire, confortent le cerveau ». Adressons-nous maintenant à la sibylle du Rhin qui a, elle aussi, abordé la Nux muscata dans le Physica. Qu’en dit précisément Hildegarde ? Que la muscade est fort profitable en cas de douleurs affectant la rate, la poitrine, l’estomac et le cœur. Pour cela, elle élabora une poudre préservatrice de la santé du corps. Il est également clair qu’elle a parfaitement saisi que la muscade portait son action sur le système nerveux, prévenant de la folie et du fou rire. Comment en douter lorsqu’on lit ce passage du Physica : « Celui qui mange de la noix de muscade ouvre son cœur, purifie ses sens et en retire de bonnes dispositions », une idée qu’elle repend un peu plus loin dans sa monographie, y ajoutant force détails, préconisant de confectionner de petites galettes dans lesquelles entre de la poudre de cannelle, de clou de girofle et de muscade : « Cette préparation, dit-elle, adoucit l’amertume du corps et de l’esprit, ouvre le cœur, aiguise les sens émoussés, rend l’âme joyeuse, purifie les sens, diminue les humeurs nocives, apporte du bon suc au sang, et fortifie » (1). On perçoit une forme d’engouement de la part de l’abbesse pour la noix muguette comme l’appelait l’auteur anonyme du Mesnagier de Paris qui donne plusieurs recettes auxquelles la muscade participe activement (hericot de mouton, hypocras, etc.).
Voilà à peu près tout ce qu’il s’est passé pour la noix de muscade avant que les Portugais n’aillent mettre leur nez dans les affaires des autres et que leur concitoyen Garcia de Orta n’en dise un peu plus long sur la galie-muscote (= « galle de muscade ») dont il donna la description, ainsi que celle du macis, dans un ouvrage paru à Goa en 1563, et traduit par Charles de l’Escluse, tandis que Jean Fernel, pas en reste, fit d’elle un puissant stimulant de l’esprit et des sens, ce qui est loin d’être faux. Comment lui donner tort ? Quant à celui dont on va maintenant parler, comment lui donner raison ?
La pratique médicale ne s’orne pas seulement d’observations justes et sensées, parfois elle dérape, témoin le monumental ouvrage du médecin allemand Franz Christian Paullini (1643-1712), (1704), ne comptant pas moins de 900 pages dont beaucoup semblent néanmoins être le fruit d’une inlassable crédulité, pour reprendre l’expression précise d’Henri Leclerc. Selon Paullini, la muscade est une panacée ultime pour « bien portants ou malades, vivants ou morts, nuls ne peuvent se passer de cette noix, la plus salutaire de toutes ». Malgré sa vaste érudition, Paullini était, hélas, dénué du moindre sens critique. Qu’importe ces éloges dithyrambiques, vaille que vaille, la noix de muscade poursuivit bravement sa carrière thérapeutique, tant et si bien qu’en 1758, le Codex recensait pas moins d’une vingtaine de compositions dans lesquelles on trouvait, de près ou de loin, de la noix de muscade. En voici quelques-unes :
- Le baume de Fioravanti : vanté à outrance par son auteur qui lui accordait une confiance totale, ce baume n’est pourtant pas dénué de propriétés ni d’effets. Il se recommandait en cas de rhumatismes, de névralgies (dont la sciatique), de congestion rénale, de lumbago et de pleurite. Il eut même d’heureux effets inattendus, s’étant révélé modificateur des sécrétions urinaires et bronchiques.
- Le vin diurétique amer de la Charité.
- L’eau de mélisse des Carmes dont nous avons récemment parlé.
- Le vinaigre des quatre voleurs : à la recette primitive, l’on ajouta de la muscade en 1758.
- Le liniment de Rosen, employant le beurre de muscade (tout comme le baume Nerval au reste).
- L’élixir de Garus, panacée du début du XVIII ème siècle qui connut un fort succès puisque « ses principales actions consistent à fortifier la Nature, conserver la santé, la maintenir et la rétablir ».
Redevenons un peu sérieux. Un autre Allemand, Johann Friedrich Cartheuser, né l’année où Paullini commit son pavé burlesque et fantasque, s’attachât à travailler sur l’huile essentielle de noix de muscade. Ainsi purent être posées des propriétés et indications pharmacologiques autrement moins fantaisistes que les assertions de son compatriote.
Voici enfin, après bien des circonvolutions, ce que l’on peut assurément dire de la muscade au début du XIX ème siècle : « La muscade mêlée aux aliments les rend plus agréables, plus sapides, plus faciles à digérer, provoque l’appétit, réveille l’appareil gastrique, et lui imprime une sorte d’activité qui se communique peu à peu à toutes les fonctions de la vie » (2). On croirait lire Hildegarde !
Le muscadier est un petit arbre de taille comprise entre 7 et 12 m, parfois 15. De son écorce brun rougeâtre, suinte un suc jaune qui rougit ensuite à l’air libre. Ses feuilles, assez semblables à celles du cannelier de Ceylan ou, mieux, du bigaradier, sont persistantes, attachées à un pétiole bref et marquées de lignes qui nervurent fortement le beau vert lisse de leur limbe. De ses petites fleurs jaune blanchâtre, discrètes et parfumées, naissent de gros fruits charnus, baies drupacées en forme d’abricot. Tout d’abord verts, c’est lorsqu’ils deviennent jaunes que leurs deux parties s’ouvrent d’elles-mêmes, révélant le mystère de leur origine : un treillis de filaments rouge vif – le macis – recouvrant une masse sombre et luisante, la coque enfermant la graine, c’est-à-dire la noix de muscade.
Bien qu’un muscadier puisse générer des noix pendant ¾ de siècle environ, il en fournit plus particulièrement entre ses 10 et 30 ans. Alors, ce ne sont pas moins de 1500 à 2000 noix qu’est capable de produire un seul pied femelle en une année ! Elles sont généralement récoltées trois fois l’an, puis mises à la sèche pendant six bonnes semaines.
La noix de muscade en phyto-aromathérapie
Le muscadier femelle, en pleine phase de production, peut annuellement supporter des dizaines de kilogrammes de fruits dont la maturité provoque l’ouverture. La chair de ces fruits laisse alors entrapercevoir le réseau du filet que forme le macis rouge cramoisi, enserrant de ses doigts filamenteux la coque dure de la graine dans laquelle s’abrite l’amande du muscadier, autrement dit la noix de muscade qui se destine à au moins deux traitements : l’expression par compression d’une huile fixe (31 à 37 %), dite également « beurre de muscadier » (formé d’acides myristique, oléique, palmitique, stéarique et butyrique, d’une faible fraction d’essence aromatique, etc.) ou bien, après un laps de temps de séchage d’environ huit mois, la distillation à la vapeur d’eau des noix de muscade concassées pendant 7 à 9 heures. Cette huile éthérée, largement présente dans la noix de muscade à hauteur de 8 à 15 %, offre toute satisfaction au distillateur par le biais de taux de rendement moyens compris entre 6,5 et 12 % (parfois même jusqu’à 16 % !). Cette huile essentielle liquide, limpide, incolore à jaune très pâle restitue fidèlement le parfum de la noix de muscade fraîchement râpée, dont l’odeur douce et suave s’avère néanmoins pénétrante, chaude mais jamais aussi violemment épicée que le clou de girofle ou encore la cannelle. Au goût, l’huile essentielle de noix de muscade est un peu amère, âcre et piquante.
Donnons maintenant pour cette huile essentielle quelques chiffres relatifs à sa composition biochimique :
- Monoterpènes : 85 % dont α-pinène (14,4 %), β-pinène (12,3 %), sabinène (39,7 %), limonène (3,6 %), γ-terpinène (3,2 %)
- Monoterpénols : 5 % dont terpinène-4-ol (3,5 %)
- Éthers-oxydes : 1 % dont safrole (0,9 % : la pharmacopée européenne fixe à 2,5 % le taux maximum de cette molécule dans les huiles essentielles)
- Phénols méthyle-éthers : 5 % dont myristicine (2,8 %) élémicine (1,7 %)
Note : la myristicine, également présente dans les huiles essentielles de genévrier sabine (9 %), de persil frisé (5 à 17 %) et de persil plat (36 à 40 %) est une molécule à « risque », étant dopante et stupéfiante à doses non thérapeutiques (3). C’est pourquoi certaines huiles essentielles de muscade sont « démyristicinées » (comme celle qui est disponible chez Astérale), quand bien même le taux de myristicine qu’elle contient naturellement ne peut se comparer à ceux présents dans les trois autres huiles essentielles que nous avons listées ci-dessus.
Nous pouvons encore dire, à propos de la seule noix de muscade, qu’elle se compose de 5 à 6 % de matières azotées, de 30 à 42 % d’hydrates de carbone, enfin de 7 à 12 % de cellulose.
Signalons enfin l’existence de l’huile essentielle que l’on retire de la distillation du macis à la vapeur d’eau, après que le séchage lui ait fait remplacer sa flamboyante couleur rouge en un jaune des plus ternes. Pas moins pingre, il affiche des rendements élevés, de l’ordre de 5 à 15 %. Peu connue et peu détaillée dans la littérature spécialisée, l’huile essentielle de macis s’approche assez de la composition biochimique de l’huile essentielle de noix de muscade (80 % de monoterpènes et 3 à 6 % de safrole/élémicine/myristicine). Elle possède néanmoins une délicatesse que n’a pas la meilleure huile essentielle de noix de muscade.
Enfin, dernière remarque avant de passer à la suite : les feuilles du muscadier sont ponctuées de poches sécrétrices d’essence aromatique, mais rien ne me permet d’affirmer qu’elles subissent elles aussi l’épreuve de la distillation.
Propriétés thérapeutiques
- Anti-infectieuse (antiseptique générale, antiseptique intestinale), antiparasitaire
- Apéritive, digestive, stomachique, carminative, antidiarrhéique, rééquilibrante de la flore intestinale, antivomitive
- Antalgique, analgésique majeure, anesthésiante, anti-inflammatoire
- Emménagogue, ocytocique, tonique utérine, active l’ovulation, retarde l’éjaculation (par une action tonique et circulatoire sur les organes génitaux masculins), tonique sexuelle chez l’homme surtout (en qualité d’« aphrodisiaque », même si ce terme est ici exagéré, il est amusant de remarquer que seuls les muscadiers femelles produisent des noix qui semblent être plus efficaces chez l’homme que chez la femme…)
- Antispasmodique, décontractante musculaire
- Diurétique
- Tonique et stimulante générale
- Tonique psychique, neurotonique, sédative et apaisante du système nerveux, modératrice de l’anxiété, modératrice du rythme cardiaque, augmente la concentration cérébrale de sérotonine
- Lithontriptique biliaire (?)
- Astringente
- Hypolipémiante (diminue le taux de lipides sanguin)
- Détoxifiante
Usages thérapeutiques
- Troubles de la sphère gastro-intestinale : atonie digestive, digestion difficile, fermentation intestinale, flatulence, ballonnement, diarrhée chronique, gastro-entérite, entérocolite spasmodique ou infectieuse, parasitose, halitose, nausée et vomissement de la grossesse, mal de mer, mal des transports
- Troubles locomoteurs : douleurs rhumatismales aiguës et chroniques, douleur et tension musculaires, douleur articulaire, entorse, courbature, irritation du nerf sciatique
- Troubles de la sphère gynécologique : insuffisance des règles, préparation à l’accouchement (ainsi faisait-on à Venise au XVIII ème siècle)
- Lithiase biliaire (?)
- Troubles de la sphère cardiovasculaire et circulatoire : palpitations cardiaques, hypertension
- Troubles du système nerveux : asthénie et tension psychique, fatigue intellectuelle, nervosité, excitation nerveuse, stress, anxiété, angoisse, inquiétude, tourment, souci, hypersomnie
- Asthénie physique
- Névralgie dentaire, carie
- Eczéma
Modes d’emploi
- Infusion aqueuse ou vineuse de poudre de noix de muscade.
- Macération vineuse à froid de noix de muscade râpée.
- Dans l’alimentation, en petites quantités.
- Huile essentielle :
– diffusion atmosphérique : à dose homéopathique, car elle peut devenir entêtante à la longue. En synergie avec d’autres huiles essentielles, elle a tendance à les « manger », prenant presque toute la place (par exemple, pour quatre gouttes d’huile essentielle de cèdre de l’Atlas, ne compter qu’une seule goutte d’huile essentielle de muscade).
– inhalation sèche, olfaction.
– par voie orale avec beaucoup de précaution (6 gouttes par jour maximum).
– par voie externe diluée (trois jours consécutifs au maximum).
Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations
- Toxicité : elle est réelle et ne doit pas être prise à la légère. Il importe cependant de la relativiser. On dit coutumièrement que deux noix de muscade peuvent être fatales à l’être humain, encore que cela dépend de leur grosseur et de leur poids : j’en ai placé trois sur ma balance électronique. Poids : 8 g. Et c’est à partir de 7 g qu’on peut rencontrer des problèmes (entre 7 et 12 g plus précisément). Cette toxicité se fit voir avec évidence en Inde où l’habitude qu’on avait de les confire les faisait avaler comme des friandises. Leur excès « a produit la paralysie, la mutité et une sorte d’affection soporeuse », explique Roques (4). Cela peut aussi être accompagné d’une perte ou d’une perversion de la sensibilité, d’hypocondrie, de manie et d’imbécillité. Le sommeil est entrecoupé de phases d’éveil avec hallucinations, suivi au réveil d’un mal de tête carabiné. D’aucuns, mal renseignés, affirmèrent qu’elle retardait les effets de l’ivresse, alors que, à la vérité, son abus cause quelques phénomènes qui y font beaucoup songer : de même qu’une intoxication alcoolique aiguë, la noix de muscade en excès occasionne délire, hallucination, stupeur, crampes, perte de connaissance, mydriase parfois. Pour ces raisons, l’huile essentielle est à manier avec de plus grandes précautions et doit rester hors de portée des femmes enceintes et allaitantes, des enfants et des nourrissons (surtout qu’elle est parfaitement inutile en dessous de l’âge de 15 ans), enfin aux personnes sujettes à l’épilepsie.
- Alimentation : incontournable épice, la muscade semble être assez peu utilisée par l’art culinaire, sans doute en raison de la nécessité de la râper, je ne sais. En tous les cas, sans relater les usages asiatiques la concernant, ni ceux qui avaient cours au Moyen-Âge, sachons que la muscade se marie bien avec les préparations à base d’œufs, les pommes de terre, les racines potagères, les champignons un peu fades, les pâtisseries, la viande de porc, etc.
La liquoristerie est aussi heureuse de compter parmi ses membres sapides et parfumés la noix de muscade que l’on retrouve dans de très nombreuses compositions : hypocras, vermouth, génépi, essence d’Italie, Raspail, liqueur du parfait amour, dont certaines semblent vouloir jouxter le domaine des préparations pharmaceutiques. - On croise encore la muscade dans l’industrie de la parfumerie et de la savonnerie, parfois dans certains cosmétiques (dentifrices, etc.).
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1. Hildegarde de Bingen, Physica, p. 33.
2. Joseph Roques, Nouveau traité des plantes usuelles, Tome 3, p. 352.
3. « La métabolisation de l’élémicine et de la myristicine conduirait à la formation de type amphétamine ou mescaline », Michel Faucon, Traité d’aromathérapie scientifique et médicale, p. 599.
4. Joseph Roques, Nouveau traité des plantes usuelles, Tome 3, p. 352.
© Books of Dante – 2020