La reine des prés (Filipendula ulmaria)

Synonymes : spirée, ulmaire, ormère, ormière, ornière, herbe aux abeilles, fleur des abeilles, grande potentille, vignette, barbe de chèvre, barbe de bouc, pied de bouc. L’on rencontre aussi belle des prés et reine des praiz dans des textes un peu anciens. En anglais, son nom le plus fréquent est meadow’s sweet (douceur des prés) et en allemand echtes mädesüss.

Aurait-on déjà remarqué le parfum des fleurs de la reine des prés, ainsi que, éventuellement, tout ou partie de ses propriétés thérapeutiques durant l’Antiquité gréco-romaine ? Je ne crois pas, cette plante étant inconnue des zones géographiques où officiaient la plupart des grands médecins propres à cette époque historique. Bien. Ne sait-on pas laissé dire qu’elle avait été, pour les Celtes, une plante sacrée ? Où ? Quand ? Comment ? Moi, je veux bien, mais en l’absence de toute preuve… En tous les cas, cela passe pour bien plus probable, la reine des prés cadrant davantage avec les territoires que foulèrent les Celtes. La proximité d’avec les marais tourbeux du centre de l’Europe, ça cadre effectivement beaucoup mieux qu’avec les maquis du sud exposés à griller en plein soleil.

Pour dénicher les traces écrites les plus anciennes relatives à la reine des prés, il faut attendre le Moyen-Âge, et encore n’ont-elles pas traits à ses vertus médicinales. Il paraît – cela sous-entend que je n’en suis pas certain – que l’Antiquité et le Moyen-Âge ont ceci de commun qu’à ces époques l’on utilisait les inflorescences blanc crème de la reine des prés dans un seul but ornemental. Aussi, en confectionnait-on des couronnes plus particulièrement employées durant les mariages, du fait de la symbolique virginale qu’on avait attribuée à ses fleurs. L’on n’est pas à une contradiction près…

C’est véritablement seulement à la Renaissance que l’on peut prétendre que les médecins utilisaient la reine des prés à des fins thérapeutiques. Mais en ce temps, la confusion entre filipendule, reine des prés et barbe de bouc est si forte que tout cela ne permet pas de bien rendre compte de l’exacte identité des plantes dont parle tel ou tel auteur. Il se pourrait donc bien que Rembert Dodoens, par exemple, ait bel et bien employé la reine des prés pour soigner la dysenterie, une plante qui interchangeait son nom avec ceux de filipendule et de barbe de bouc au gré des écrits des Anciens.

Épisodiquement citée çà et là (Léonard Fuchs, Hieronymus Bock, Jean de Gaddesden…), la reine des prés doit patienter jusqu’au XVIII ème siècle afin de pouvoir à nouveau faire parler d’elle, à travers, par exemple, les voix de Haller (1742) et de Gilibert (1792) : le premier voyait en elle un bon moyen de favoriser l’éruption dans les maladies infectieuses (rougeole et variole) ; quant au second, il disait tout le bien qu’il pensait de cette plante dans des cas de fièvre maligne, ce qui ne manqua pas d’offusquer Joseph Roques quelques décennies plus tard : « Les fièvres se compliquent de tant de manières […] qu’il faut autre chose que la reine des prés pour les guérir » (1). Dire cela de la reine des prés, l’un des précurseurs de l’aspirine, ah la la, comme c’est malheureux de la part de Joseph Roques qui ne se doutait pas un instant, lorsqu’il écrivit cette phrase, ce qui se passait de l’autre côté de la frontière, en Allemagne. En effet, à peu près à la même époque (vers 1830), l’Allemand Carl Löwig mit en évidence la grande similitude constatable entre l’acide salicylique extrait du saule et l’acide spirique tiré de la reine des prés. Parallèlement, en France, l’on se préoccupa bien davantage de cette autre espèce végétale qu’est le saule blanc, plus que de cette « spirée ulmaire », pratiquement délaissée, voire oubliée, au début du XIX ème siècle, c’est-à-dire précisément (1829) au moment où un pharmacien français, Leroux, procéda à la découverte d’un principe actif contenu dans l’écorce du saule, la salicine. Dans le même temps, le Suisse Pagenstecher s’appliqua à distiller les fleurs de reine des prés et remarqua dans l’huile essentielle ainsi obtenue la présence d’aldéhyde salicique, un composé chimiquement très proche de la salicine. De fait, l’on s’interrogea : se pourrait-il que le saule et la reine des prés soient unis par des liens invisibles, la Nature les ayant dotés de vertus analogues ? Écoutons un peu ce que Jean-Marie Pelt pensait de tout cela : « L’invasion d’un pré par la spirée signifie que celui-ci devient marécageux et peu propice au pâturage. La spirée signe ainsi à sa manière son aptitude à vivre elle aussi les pieds mouillés ; dès lors, comment s’étonner, toujours selon l’énigmatique Théorie des Signatures, qu’elle contienne un corps apparenté à l’acide salicylique ? Ce que confirmèrent ses propriétés antirhumatismales, précisément celles qu’on avait de tout temps attribuées au saule » (2). En toute fin de XIX ème siècle, le chimiste allemand Hoffmann élabora, à partir d’acide salicylique, l’acide acétylsalicylique, jugé moins caustique. Puis, un grand laboratoire, Bayer, industrialisa et commercialisa cette nouvelle molécule sous le nom désormais bien connu d’aspirine, mot exactement construit sur le nom que portait alors la reine des prés, c’est-à-dire celui de spirée. Et tant pis pour les Français ! Ceux-ci explorèrent néanmoins d’autres voies offertes par la reine des prés. C’est le cas de Nicolas Théodore Obriot (1802-1858), un empirique cité par Fournier dans la notice que ce dernier consacre à la reine des prés : « Pour moi, qui ai commencé à en connaître les propriétés vers 1810, écrivait-il au Dr A. Bossu, elle est diurétique, sudorifique, vulnéraire, dessiccative et rafraîchissante ; efficace contre les hydropisies, utile pour les femmes au retour d’âge, utile encore dans les gastralgies et la goutte » (3). Bien vu pour un curé de campagne, officiant à Trémilly, en Haute-Marne, une commune ne comptant pas plus d’une centaine d’âmes aujourd’hui. Cette érudition trouva cependant son chemin, de proche en proche, puisque Bénédict Teissier (1813-1889), médecin-chef de l’Hôtel-Dieu de Lyon, s’assura, par expérimentation, de la véracité des dires du curé de Trémilly. Ainsi, au milieu du XIX ème siècle, la reine des prés renoua-t-elle avec le succès.

Ce qui donne un sentiment de discordance au sujet de cette plante, c’est que, d’un pays à l’autre, on l’observe selon un angle tout à fait différent. Nous avons déjà vu ce que ces approches différenciées avaient produit de par et d’autre du Rhin. Mais si l’on traverse plus qu’un fleuve, l’on peut être surpris à plus d’un titre. Passons donc outre la Manche pour nous installer quelques temps en terres britanniques. Au XVI ème siècle, celle qu’en latin l’on appelle regina prati – traduit par le queen of the meadow anglais – s’avère être une véritable plante royale, puisqu’une autre reine, et pas des moindres, Élisabeth 1er (1533-1603) « affectionnait particulièrement le parfum de la reine des prés, [tant que] le sol de ses appartements en étaient constamment jonchés de brassées entières » (4). Était-ce parce que « sa senteur remplit le cœur de bonheur et de joie et qu’elle ravit les sens » ? Ainsi étaient notifiées ses actions par John Gerard dans le monumental Herball or Generall historie of plantes de 1597. Quelques données qui auraient pu donner de bonnes idées au docteur Bach… Outre ces actions de la reine des prés sur la sphère psychique, John Gerard indiquait que l’eau distillée des fleurs versée dans les yeux en ôte le sentiment de brûlure et de démangeaison, tout en éclaircissant la vue, fort utile préconisation à une époque où le port des lunettes est très loin d’être généralisé à toute une population. Aussi, soulager les yeux avec différents bains à base de plantes est-il salvateur. Enfin, la racine bouillie, ou réduite en poudre, puis bue, aide aux flux de ventre, tant chez l’homme que chez la femme, ce que ne mésestimait pas un autre Anglais, Nicholas Culpeper, qui assura, lui aussi, après Gerard, que cette plante « bouillie dans le vin, […] soulage rapidement ceux qui souffrent de coliques, puisqu’elle retient le flux dans l’abdomen ».

La reine des prés est une plante qui appartient – qui l’eût cru ? – à la famille des Rosacées. C’est une vivace pérenne, un mot dans lequel pointe avec évidence la royauté qui nimbe toute entière cette plante, sweet queen of the meadow !

C’est par l’intermédiaire d’une souche souterraine rampante que se propage la reine des prés. Noueuse et épaisse, noirâtre au dehors, elle paraît emmaillotée de fibres brun rougeâtre. C’est d’elle qu’émergent chaque printemps des tiges dressées, roides et robustes, striées et sillonnées, irrégulièrement teintées de rouge vineux et de vert tendre, permettant à la plante d’atteindre à l’aise une hauteur d’1,5 m. Ses feuilles sont très particulières : outre qu’elles sont composées, elles s’organisent par paires de folioles alternativement grandes et petites et sont ponctuées par une foliole terminale tripartite beaucoup plus grande que les autres, tandis qu’à l’extrémité opposée, à la base même du pétiole, l’on peut constater l’existence de deux stipules latérales. Doublement dentées, les feuilles de la reine des prés lui ont valu le nom d’ulmaire, de par leur ressemblance avec celles de l’orme (Ulmus ; cf. l’article de la semaine dernière). Vert très lumineux au-dessus, duveteuses et blanchâtres sur leurs faces inférieures, les feuilles de la reine des prés contrastent vivement avec les tiges intégralement rouges qu’on lui voit parfois porter.

On lit de temps à autre que les fleurs sont structurées en corymbes, ce qui est assez inexact (mais moins que si l’on employait le mot ombelle). Il s’agit en fait de racèmes, un mot peu courant dont un équivalent plus commun est celui de grappe. D’apparence mousseuse, ces grappes de très nombreuses fleurs augmentent encore un effet visuel compact par une profusion d’étamines plus longues que les pétales. De couleur blanc crémeux, elles comptent généralement cinq pétales (mais sont parfois pourvues de six), et mesurent entre 4 et 8 mm de diamètre. Elles s’épanouissent de juin en août, mois estivaux durant lesquels, si elles fournissent un peu de pollen aux abeilles, ne leur accordent en revanche pas une seule once de nectar, ce qui contrevient quelque peu à son surnom d’herbe aux abeilles. Une fois que la floraison arrive à son terme, la reine des prés contourne ses fruits (formés de cinq à neuf carpelles spiralés) de telle manière qu’ils ne trouvent guère d’équivalent dans le monde végétal.

La reine des prés s’organise socialement en colonies assez denses présentes jusqu’à 1500 m d’altitude, mais ne s’aventurant pas en haute montagne, non plus qu’en région méditerranéenne.

Là où prend pied la reine des prés… « Au long des buissons, les chèvrefeuilles tordaient leurs brins en compagnie des clématites ; le sol humide des prés était jonché de veilleuses ; au fil de l’eau, les reines des prés penchaient leurs panicules à odeur d’amande, et de superbe tiges d’aconit bleu s’élançaient fièrement au-dessus des touffes plus humbles des eupatoires lilas et des salicaires pourprées » (5).

La reine des prés en phytothérapie

« L’odeur aromatique, pénétrante des fleurs, annonce des vertus médicinales qu’on n’a peut-être pas assez appréciées » (6). Ainsi parlait Joseph Roques il y a deux siècles, alors que la reine des prés était encore au creux de la vague. Celles-ci, qu’on rapproche par leurs actions de celles du sureau, s’en distinguent assurément par le parfum qui se concentre sous la forme d’une infime fraction d’essence aromatique (0,2 %), dont la distillation permet l’obtention d’une huile essentielle plus dense que l’eau, point commun qu’elle partage avec celle de gaulthérie couchée, en plus du parfum. Cette communauté olfactive signe des points communs également d’un point de vue thérapeutique, comme l’on peut légitimement s’en douter.

Parmi les molécules aromatiques que l’on trouve dans la plante fraîche (ainsi que dans son huile essentielle, laquelle est rarement produite, au profit de celle de gaulthérie, plus productive et rentable), remarquons tout d’abord la présence de cet ester, le salicylate de méthyle, puis de cet aldéhyde aromatique, l’aldéhyde salicylique, formant un couple moléculaire qui place l’essence de reine des prés selon un axe Eau/Feu. Bien sûr, il s’agit là des deux molécules les plus figurées chez la reine des prés, reste encore quelques strapontins qu’on déplie si besoin pour les fractions moléculaires qui s’invitent dans le grand bal de la reine des prés, c’est-à-dire des traces de vanilline, d’héliotropine, etc. De même que l’huile essentielle de gaulthérie – j’ai un bulletin d’analyse qui la concerne sous les yeux – n’est pas seulement constituée que de salicylate de méthyle (99,60 % ici !), mais compte une petite dizaine d’autres molécules qui se battent en duel pour les dernières miettes. C’est cette essence aromatique qui confère à l’eau dans laquelle on plonge la plante fraîche une odeur d’amande amère mâtinée d’un soupçon mielleux un peu acide. Mais pour que ce miracle olfactif se produise, il importe absolument de ne pas pas faire bouillir la reine des prés, puisque reine des prés bouillue, reine des prés foutue. L’on n’aurait pas idée de maltraiter une plante de son acabit. N’est-elle point reine après tout ? En effet, l’ébullition précipite le salicylate de méthyle, de même que la dessiccation de la plante convertit cette substance en acide salicylique et autres salicylates alcalins et alcalino-terreux.

Sur la question olfactive, l’on signale aussi que la racine de la reine des prés n’est pas tout à fait dénuée d’émanations parfumées, certaines sources mentionnant qu’elle n’est pas loin d’approcher l’odeur qui règne habituellement dans les cabinets dentaires. (Je ne crois pas là qu’il faille y voir une quelconque référence à l’eugénol tiré du clou de girofle, bien plutôt au synthol, communément associé à l’idée même du bain de bouche et étendant sa liste de prescriptions au domaine bucco-dentaire. Il contient de l’acide salicylique, ce qui ne saurait surprendre.) Quant aux feuilles, soit elles partagent avec les racines cette dernière flaveur, soit il leur arrive qu’on leur trouve celle du concombre, en particulier lorsqu’on vient à les froisser. Quant à la saveur de tout cela, c’est assez styptique et se rapproche du goût d’un chewing-gum de basse qualité. Pour finir, l’on peut dire là qu’il s’agit d’une « expérience olfactive et gustative peu commune, et pas des plus agréables, d’où l’on retire néanmoins des produits aux nombreuses vertus » (7). Ce dont il n’est pas permis de douter, surtout lorsqu’on se trouve face à face avec une plante qui recèle dans ses tissus d’aussi précieuses molécules que l’acide salicylique, la gaulthérine – un glucoside du salicylate de méthyle, ainsi qu’une ribambelle de flavonoïdes (spiraéoside, rutoside, hypéroside, kaempférol, etc.), une variable proportion de tanin, des éléments minéraux (fer, calcium, soufre), etc.

Propriétés thérapeutiques

  • Diurétique efficace, rapide et radicale, activatrice de l’élimination des principes toxiques (acide urique, urée, chlorures), éliminatrice rénale de l’eau, dépurative, sédative des douleurs urinaires
  • Tonique gastrique, anti-acide gastrique et œsophagique, digestive, cholérétique, vermifuge (?)
  • Sudorifique légère, fébrifuge
  • Anti-inflammatoire, analgésique, antirhumatismale
  • Antispasmodique
  • Astringente, détersive, vulnéraire, cicatrisante
  • Tonique cardiaque (faible mais efficace)
  • Calmante, somnifère (?)

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère vésico-rénale : lithiase rénale, lithiase urinaire, gravelle, néphrite, colique néphrétique, cystite
  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : inflammation et irritation des voies intestinales, pyrosis, brûlure d’estomac, acidité gastrique et œsophagique (8), indigestion, diarrhée, diarrhée cholériforme, dysenterie, vomissements incoercibles
  • Troubles locomoteurs : arthrose, hydarthrose, arthrose avec gonflement articulaire, douleurs rhumatismales, musculaires et névralgiques, rhumatisme articulaire aigu, arthritisme, courbature, goutte
  • Infiltrations et rétentions liquidiennes : anasarque, œdème des membres inférieurs, hydropisie, hydropisie abdominale, ascite, épanchement séreux (avec ascite), obésité, pléthore, cellulite, adipose
  • États fébriles, grippe, refroidissement, sensibilité aux infections
  • Affections cutanées : cicatrisation difficile des plaies, détersion des plaies et des ulcères, plaie atone, coupure, brûlure, piqûre
  • Troubles de la sphère cardiovasculaire et circulatoire : artériosclérose, élimination des toxines au niveau cardiaque, hémorroïdes non fluentes, fistule annale
  • Insuffisance biliaire
  • Crachement de sang
  • Maux de tête, névralgie du trijumeau

Modes d’emploi

  • Décoction : qu’elle soit aqueuse ou vineuse, elle reste beaucoup plus adaptée aux parties dures que sont les racines, et surtout pas aux fleurs, partie beaucoup trop fragile, dont on a déjà fait plus qu’une allusion à la nécessité de ne pas les brutaliser. Venons-y.
  • Infusion de fleurs : elle ne peut s’envisager, qu’elle soit aqueuse ou vineuse, qu’à l’expresse condition que les fleurs fraîches de reine des prés ne soient pas mises en contact avec une eau dont la température excède 80 à 90° C. Écoutons les sages prescriptions de Botan qui préconisait de procéder avec la reine des prés comme on le fait avec le thé : « On verse sur les sommités d’ulmaire de l’eau à peine bouillante [NdA : frémissante], on laisse macérer et on boit froid, quand l’eau a bien incorporé les principes médicinaux de la plante » (9). Après une douzaine d’heures environ, l’on passe puis l’on exprime.
  • Macération à froid de fleurs fraîches dans du vin.
  • Eau-de-vie, teinture, alcoolature. Étant donné que l’action de la plante fraîche est supérieure à celle qui est séchée, l’on peut pallier à l’inconvénient consistant en l’absence de reine des prés fraîche à toutes les saisons de l’année, en élaborant une liqueur, par exemple. Voici donc une recette d’eau-de-vie de reine des prés : compter 100 g de sommités fleuries fraîches et ½ litre d’eau. Préparer une infusion de la plante comme cela a été expliqué plus haut. Une fois l’infusion totalement refroidie, ajouter 250 g d’alcool. Passer à travers un linge fin et conserver en flacon bouché. Absorber par petite dose (1 à 2 cuillerées à café) mêlée à un peu d’eau sucrée ou bien à une infusion de tilleul.
  • Sirop.
  • Poudre de sommités fleuries.
  • Cataplasme de feuilles fraîches ou de fleurs infusées.
  • Compresse d’infusion de feuilles fraîches.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Récolte : les feuilles se cueillent en juillet et les fleurs avant leur complet épanouissement, ou bien lorsque la floraison a encore à peine débuté (les racèmes les plus sommitaux doivent encore être à l’état de boutons vert tendre). Voici une précision bien utile qui nous est contée par Thierry Thévenin : « si l’on coupe la sommité un peu bas, on veillera à ne pas laisser la tige creuse, sinon l’eau de pluie s’accumulera comme dans une paille et pourrira les racines. Des stations ont ainsi été stupidement décimées, alors qu’il aurait suffit de repasser et de recouper les tiges au ras du sol » pour éviter ce problème (10).
  • Séchage : bien qu’il est préférable d’user des fleurs à l’état frais, leur dessiccation est néanmoins possible. Une fois sèches, elles doivent, sans brunir, prendre une teinte blanc jaunâtre, conserver leur arôme et perdre une partie de leur parfum, alors que sur les feuilles sèches s’applique une couleur vert grisâtre. Dans tous les cas, le séchage de la reine des prés, plante aqueuse s’il en est, devra se dérouler à l’ombre, en un local bien aéré. En surveiller la progressive dessiccation s’avère indispensable. Une fois séchée, la reine des prés n’observera pas un délai de conservation de plus d’une année.
  • Les propriétés anti-inflammatoires de la reine des prés s’exercent de manière progressive. Afin d’abaisser la quantité de médicaments anti-inflammatoires et antalgiques issus de la chimie de synthèse et bien souvent trop agressifs avec l’organisme, l’on préconise la reine des prés en association avec le saule blanc et la gaulthérie, dont les profils biochimiques sont proches de ceux de la reine des prés. La gaulthérie renforce le potentiel anti-inflammatoire et antalgique de la reine des prés, tandis que le duo saule/reine des prés joue sur le terrain antirhumatismal, fébrifuge et anti grippal. D’autres associations sont encore possibles : reine des prés et bruyère pour conforter l’appareil urinaire ; reine des prés et primevère pour exercer une action douce sur la sphère cardiovasculaire et circulatoire ; reine des prés, frêne et cassis en apozème (un mot « savant » tiré du grec apozein qui veut tout simplement dire « faire bouillir » ; ça n’est jamais qu’une tisane qui n’a rien de bien sorcier dans son élaboration mais qui n’en reste pas moins puissante dans sa destination : ici, les troubles articulaires et rhumatismaux, entre autres).
  • Bien que bardée de qualités thérapeutiques indéniables, la reine des prés ne s’adresse pas aux personnes hypersensibles, voire intolérantes aux salicylates. Chaque médaille ayant son revers, on se gardera de faire de la reine des prés un usage intensif, puisqu’elle est susceptible de provoquer des troubles cardiaques, une inflammation des voies urinaires et possiblement de l’hématurie, c’est-à-dire une présence de sang dans les urines. En revanche, il est parfaitement certifié que la reine des prés ne fatigue pas l’estomac, n’attaquant pas les muqueuses gastro-intestinales et, contrairement aux produits que l’on a fait découler d’elle, ne fluidifie en aucun cas le sang.
  • Les fleurs de reine des prés procurent une saveur d’amande à l’hydromel. Mêlées à du vin blanc doux, elles lui attribuent presque des notes muscatées. « L’ulmaire, infusée dans le vin doux, vous le transformera à peu de frais en ‘Muscat’ sans étiquette mais non sans saveur » (11). Cet opportunisme est contraire à ce que professait Joseph Roques qui, de toute façon, abandonnait les succédanés (de thé, de café, etc.) aux gens peu exigeants. Il disait qu’« il se trouve des palais assez peu érudits pour y être trompés. Ces niaiseries sont pourtant consignées dans quelques ouvrages récents d’histoire naturelle » (12). Parfumer la bière, c’est là encore une autre des fonctions de la fleur de reine des prés. On peut opérer de même avec certains desserts (compotes, confitures) et élaborer des beignets selon le même procédé permettant d’obtenir des beignets de fleurs de sureau ou encore d’acacia.
  • Autres usages : les feuilles ainsi que les sommités fleuries offrent matière à teindre la laine d’un jaune franc et solide, tandis que le pigment brun de la racine fait de même sans qu’il soit besoin d’en passer par la très polluante étape du mordançage par l’alun. Enfin, l’huile essentielle extraite des boutons floraux fut autrefois employée en parfumerie.
  • Autres espèces : la barbe de chèvre ou reine des bois (Aruncus dioicus), la spirée à feuilles lisses (Sibiraea laevigata), la spirée à feuilles de saule (Spiraea salicifolia), la filipendule du Kamtchatka (Filipendula camtschatica), etc. Attardons nous un peu sur une autre filipendule assez fréquente en France, la spirée filipendule (Filipendula vulgaris) : « cette espèce est remarquable par sa racine formée de plusieurs tubérosités brunes, ovales, attachées et comme suspendues à des fils très déliés » (13). C’est ce que suggèrent, au reste, le mot anglais dropwort et le français filipendule, littéralement, provenant d’un filipendula, latin médiéval ayant émergé au XII ème siècle. Contrairement à la reine des prés dont ce sont les parties supérieures qui sont plébiscitées, l’on n’a accordé une importance qu’aux seules racines et rhizomes de cette autre filipendule ; il faut dire que la conformation de ses parties souterraines, sans qu’elle soit nécessairement un indice, a du frapper les esprits de nos prédécesseurs. Au début du XIX ème siècle, Roques reconnaissait l’inemploi dans lequel cette plante était tombée, mais ne s’en montrait pas moins (trop) septique par rapport aux faits médicaux dont on se serait autrefois vanté d’avoir obtenus par son entremise. Il est fort à parier que la racine de cette plante, riche de tanin, de divers flavonoïdes et d’acide salicylique, ne soit pas tout à fait dénuée d’effets. Il y a deux siècles, on « prétendait » que la filipendule vulgaire exerçait de bons effets sur la dysenterie, la leucorrhée, les hémorroïdes, les catarrhes vésicaux ainsi que la gravelle. Aujourd’hui, lui sont reconnues des propriétés anti-inflammatoire, analgésique, antirhumatismale et antipyrétique, ce qui la place dans une position très proche de sa « grande » sœur reine des prés. Ce qui en justifie l’emploi dans des troubles respiratoires, rénaux et gastro-intestinaux, pour nettoyer les plaies et apaiser les yeux douloureux. C’est là une plante qui, sans concurrencer la reine des prés, devrait exiger de notre part un peu plus d’effort pour nous intéresser à elle.

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  1. Joseph Roques, Nouveau traité des plantes usuelles, Tome 2, p. 48.
  2. Jean-Marie Pelt, Les nouveaux remèdes naturels, p. 17.
  3. Paul-Victor Fournier, Dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France, p. 404.
  4. Erika Laïs, Le livre des simples, p. 132.
  5. André Theuriet, Sous-bois, pp. 24-25.
  6. Joseph Roques, Nouveau traité des plantes usuelles, Tome 2, p. 47.
  7. Ute Künkele & Till R. Lohmeyer, Plantes médicinales, p. 236.
  8. De façon générale, la reine des prés réduit le taux d’acidité dans l’organisme. Sachant qu’elle pousse en milieu alcalin, c’est d’autant plus pertinent.
  9. F. F. Botan, Dictionnaire des plantes médicinales les plus actives et les plus usuelles et de leurs applications thérapeutiques, p. 170.
  10. Thierry Thévenin, Les plantes sauvages. Connaître, cueillir et utiliser, pp. 253-255.
  11. Felix, Toman & Hisek, Le guide du promeneur dans la nature, p. 102.
  12. Joseph Roques, Nouveau traité des plantes usuelles, Tome 2, p. 48.
  13. Ibidem, p. 49.

© Books of Dante – 2021