Les plantes tinctoriales : pour en voir de toutes les couleurs !

1 – Mise en bouche

Tinctorial. Du latin, tinctorius. De tingere, teindre. Ainsi, une plante à vertu tinctoriale est une plante utilisée pour ses capacités pigmentaires. Elle possède des principes actifs colorants présents dans différentes parties en fonction de la plante : racine et rhizome / fruit, baie, graine / fleur entière, pétale et pistil / tige, sève et écorce / feuilles

En fonction des lieux et des époques, les plantes tinctoriales n’eurent pas toutes les mêmes usages. Cependant, on peut dégager quatre domaines d’utilisation distincts : teinture des fibres textiles (coton, laine, soie, etc.), colorant alimentaire, peintures corporelles (maquillage, peinture de guerre et de cérémonie, etc.), illustration (pigments pour enluminure, etc.).

2 – Index : quelques dizaines de plantes tinctoriales, liste non-exhaustive, bien sûr !

Jaune : épine-vinette (Berberis vulgaris), raifort (Armoracia rusticana), tournesol (Helianthus annuus), millepertuis (Hypericum perforatum), genêt (Genista tinctoria), figuier (Ficus carica), réséda des teinturiers (Reseda luteola), luzerne (Medicago sativa), oeillet d’Inde (Tagetes patula).

Doré : tanaisie (Tanacetum vulgare), curcuma (Curcuma longa), safran (Crocus sativus).

Le safran est un petit crocus dont la renommée n’est plus à faire. Son usage remonte à 1 600 ans av. JC. en Asie Mineure puis chez les Égyptiens et les Romains, mais c’est surtout au Moyen-Âge qu’il atteint son apogée, tant pour ses vertus culinaires que tinctoriales.

Vu son prix élevé (il faut compter de 50 à 80 fleurs pour obtenir 1 g de safran sec), on le destinait uniquement à teinter les tissus précieux. Il a été l’objet de contrefaçon dès le Moyen-Âge, on le remplaçait ou le coupait avec des pétales de souci, du curcuma ou du paprika, même encore aujourd’hui.

On évoquera les longues robes des moines bouddhistes et hindous qui sont teintes au safran.

ImageLa récolte du safran au Moyen-Âge, planche tirée du Tacuinum sanitatis

Orange : souci (Calendula officinalis), argousier (Hippophaë rhamnoides).

Rouge : fenugrec (Trigonella foenum-graecum), coquelicot (Papaver rhoeas), aspérule odorante (Galium odoratum), orcanette des teinturiers (Alkanna tinctoria), origan (Origanum vulgare), pissenlit (Taraxacum officinalis), robinier (Robinia pseudoacacia), vipérine (Echium vulgare), henné (Lawsonia inermes), garance (Rubia tinctorium).

ImageLa garance, la warentia médiévale, donne son nom à un rouge intense de par la présence d’alizarine dans les racines. Sa culture est attestée depuis 3 000 ans en Inde. Grecs et Romains la cultivaient (rouge d’Andrinople), alors que les Gaulois, déjà, la mélangeaient au pastel afin d’obtenir une teinture violette.

Plus près de nous, après avoir été mentionnée dans le Capitulaire de Villis, sa culture au Moyen-Âge (écarlate de Caen, par exemple) se poursuivit en France jusqu’au XIX ème siècle, en particulier à Athen-des-Paluds (Vaucluse, France) qui fut un important centre de production.

La garance a été utilisée pour teindre le cuir et les cheveux, également. Mais c’est son usage textile qui la rendit célèbre, à l’image des fameuses culottes de zouaves.

Après la découverte et la synthèse de l’alizarine, la garance plante fut définitivement abandonnée.

Rose : buglosse (Anchusa officinalis), eupatoire (Eupatorium purpureum).

Bleu : chicorée (Cichorium intibus), génipayer (Genipa americana), bleuet (Centaurea cyanus), indigotier (Indigofera tinctoria), pastel (Isatis tinctorium).

Le pastel est une plante de la famille du chou ne payant pas de mine et qui ressemble plus ou moins à la moutarde noire. Avant d’avoir l’importance industrielle et commerciale que nous lui connaissons, le pastel était déjà utilisé mais dans d’autres domaines et ce depuis le Néolithique.

ImageJules César indique que cette teinture bleue était utilisée comme peinture de guerre, mais cela est sujet à caution, il ne s’agirait peut-être pas de pastel. Pline mentionne qu’au I er siècle ap. JC. certaines femmes, en Bretagne, « s’enduisait de bleu avec du pastel et se rendaient nues à leurs sacrifices. » C’est à se demander si Yves Klein a lu les lignes de Pline…

ImageAnthropométrie de l’époque bleue, Yves Klein, 1960 (femmes enduites de peinture bleue et qui laissèrent leur empreinte sur une toile horizontale posée au sol)

Par ailleurs, il est a noter que Yves Klein est célèbre par le fait d’avoir inventé et breveté ce bleu visible dans Anthropométrie : International Klein Blue (IKB).

Revenons-en à nos moutons. Le pastel, en France, en tant que plante tinctoriale connaît un succès du XII ème siècle jusqu’à la fin de la Renaissance. C’est une plante cultivée dans le Sud-Ouest et plus particulièrement à l’intérieur d’un triangle délimité par Albi, Toulouse et Carcassonne : le Pays de Cocagne (du nom des coques de pâte tirées du pastel). C’est, alors, l’unique source de teinture bleue en Europe. Cette industrie s’achève avec l’arrivée, au XVII ème siècle, d’un arbuste asiatique à la teinture bleue, l’indigotier, utilisé depuis des millénaires comme plante tinctoriale en Asie.

Violet : ronce commune (Rubus fruticosus), sureau (Sambucus nigra), millepertuis (Hypericum perforatum).

Vert : alchémille (Alchemilla vulgaris), sureau (Sambucus nigra), cota des teinturiers (Anthemis tinctoria).

Noir : polémoine (Polemonium caeruleum), sureau (Sambucus nigra).

Gris : grande oseille (Rumex acetosa), artichaut (Cynara scolymus).

Brun : céanothe (Ceanothus americanus), noyer (Jugans regia).

© Books of Dante – 2009

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