La phytolaque (Phytolacca americana ou decandra)

Synonymes : laque, herbe à la laque, raisin de teinturier, faux vin, vigne de Judée, raisin d’Amérique, raisin du Canada, épinard de Cayenne, épinard des Indes.

Originaire du continent nord-américain, la phytolaque est une plante vivace et robuste dont la taille peut atteindre quatre mètres, ce qui en fait un « monstre » végétal à l’égal de la berce du Caucase. Sa grosse racine en forme de navet, brune à l’extérieur, blanche à l’intérieur, pivote dans le sol et porte un système radiculaire rayonnant. Ses épaisses tiges droites, glabres, luisantes, anguleuses, sont fréquemment ramifiées et ont tendance à rougir avec le temps. Alternes et lancéolées, les feuilles de la phytolaque, dont la longueur parvient parfois jusqu’à 40 cm, sont ponctuées d’une épine dure et aiguë. Elles dégagent une odeur vireuse, signature de la toxicité de la plante. Lors de la floraison, qui a généralement lieu en juillet-août, la plante déploie de longues grappes de fleurs sans pétales et à cinq sépales, de couleur blanche, verdâtre voire rosée, qui donneront des baies ovoïdes et comprimées, tout d’abord vertes, puis fonçant jusqu’à en devenir presque noires. Chacune d’elle contient une dizaine de loges et autant de semences rondes.

La phytolaque élit domicile dans les clairières et en bordures de forêts, plus rarement sur les sols en friche, lieux incultes, bords de chemins et de routes, décombres, où elle côtoie verge d’or et buddleia, autres plantes que l’on a affublées du sobriquet d’invasives, bien que le caractère « colonisateur » de la phytolaque soit bien moins marquée que celui de la renouée du Japon par exemple. Parvenue en France par l’ouest en 1650, la phytolaque, bien présente dans les zones sud de l’Europe (Pyrénées, Piémont, Landes, etc.), peut, aujourd’hui, être considérée comme naturalisée, Cazin, en 1858, la fit même figurer dans son Traité des plantes indigènes. « On néglige trop en France cette plante, tandis qu’aux États-Unis on sait en tirer parti », écrit-il (1). Doit être souligné le fait que le regard porté sur elle de part et d’autre de l’Atlantique n’est pas le même. Ici, elle est considérée comme envahissante, là-bas comme indigène, et on semblerait avoir plus de sympathie pour une plante volontairement intégrée au paysage que celle qui s’épanouit sans qu’on lui ait jamais rien demandé. Quoique… Si l’on relate l’expérience subie par des plantes à visée alimentaire, l’on se rend compte que ce raisonnement n’est pas toujours juste et qu’il y a loin des lèvres à la coupe. Et que dire de ces spécimens – pensons de nouveau à la berce du Caucase –, tout d’abord cantonnés dans les jardins botaniques dont ils s’échappèrent par la suite ? L’on ne peut nier une forme d’ostracisme à leur égard…

En attendant, si la phytolaque a été introduite en Europe, c’est parce que les colons surent lui reconnaître une valeur : tout d’abord présente au sein de la pharmacopée amérindienne, elle trouva aussi des usages médicinaux auprès des colons. Certaines tribus autochtones formaient des cataplasmes à base de racine qu’ils appliquaient pour traiter diverses maladies de peau, plaies et ulcères. Les Abénakis et les Mohawks en consommaient les pousses et les feuilles, quand au printemps elles sont encore jeunes, comme tonique dépuratif. Les colons firent tout simplement de même. Arrivée en Europe, la phytolaque fut mise à contribution d’une manière que les Amérindiens ne soupçonnèrent sans doute pas : la teinture violette de ses baies permet de redonner des couleurs aux vins un peu trop clairets !, une fraude qui valut aux phytolaques d’être coupées avant floraison afin de réduire à néant le trafic consistant à pigmenter le vin blanc pour en faire du rouge, procédé qui, du reste, altère la qualité dudit vin.

La phytolaque en phytothérapie

Malgré ses surnoms de raisin et d’épinard, il ne faut pas s’y tromper, la phytolaque est une plante vigoureuse dont la composition exige de la bien manier. La racine, utilisée exclusivement fraîche, sèche elle est à peu près dénuée d’effets, est sans doute la partie la plus virulente de cette plante. Contenant une saponine du nom de phytolaccine, elle recèle aussi des lectines, des matières résineuses et pectiques, un alcaloïde (ombuine), de la vitamine C. Les baies, amères et acerbes, ainsi que les graines qu’elles contiennent, présentent à l’analyse du mucilage, une huile fixe, une saponine et un pigment rouge. Quant aux feuilles, elles sont surtout riches de potassium.

Propriétés thérapeutiques

  • Anti-inflammatoire
  • Purgative violente, vomitive
  • Décongestionnante lymphatique
  • Antivirale, antifongique
  • Rubéfiante, détersive, résolutive
  • Antiscorbutique

Note : au XVIII ème siècle, Linné signala que la phytolaque fut efficace pour guérir un cas de cancer du sein. Mais depuis lors, les vertus anticancéreuses et antitumorales de la phytolaque ont été abandonnées.

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère respiratoire : angine, maux de gorge, aphonie, enrouement, catarrhe bronchique
  • Affections bucco-dentaires : gingivite, aphte, herpès
  • Rhumatismes, arthrite
  • Hypertrophie et inflammation des ganglions lymphatiques
  • Douleurs ovariennes et testiculaires
  • Affections cutanées : acné, gale, dartre, irritation des mamelons, éruptions cutanées chroniques, folliculite, sycosis, favus
  • Grippe
  • Hémorroïdes

Modes d’emploi

  • Teinture-mère.
  • Macération alcooliques de baies fraîches.
  • Cataplasme de feuilles fraîches.
  • Onguent à base de racine fraîche.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Récolte : la racine par tout temps (on préconise parfois la saison automnale pour ce faire), les baies jusqu’en toute fin d’automne, les feuilles à la belle saison.
  • Toxicité : d’un usage délicat, la phytolaque est déconseillée en automédication. Elle sera également proscrite chez l’enfant et la femme enceinte. Toutes les parties de la plante sont, à haute dose, violemment purgatives et émétiques, entraînant diarrhée et vomissement. De plus, en contact avec la peau, la plante fraîche peut s’avérer potentiellement irritante.
  • Alimentation : les toutes jeunes pousses ainsi que les jeunes feuilles sont comestibles après cuisson à deux eaux. Les premières s’accommodent comme les asperges, les secondes à la manière des épinards.
  • Plante tinctoriale : outre les emplois vinicoles, on a tenté de teindre des tissus avec les pigments des baies de la phytolaque, mais les couleurs ne tiennent généralement que peu de temps.
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    1. François-Joseph Cazin, Traité pratique et raisonné des plantes médicinales indigènes, p. 807.

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