Le figuier de Barbarie

figue barbarie

(Opuntia ficus indica)

Sans la présence de ce cactus tout autour de la Mer méditerranée, la Côte-d’Azur n’aurait certainement pas l’allure qu’on lui connaît. Car, comme beaucoup de plantes qui peuplent le pourtour méditerranéen, le figuier de Barbarie vient d’ailleurs, comme son nom ne le laisse pas supposer. Lui, un figuier ? Non, non. Il n’a aucun rapport avec le genre Ficus. Et s’il est dit « barbare », c’est parce que la Barbarie désignait autrefois l’Afrique du nord qui n’est en aucun cas sa patrie d’origine mais un de ses nombreux lieux d’accueil.
Les textes antiques (Théophraste, Pline) parlent bien d’une Herba opuntia, l’herbe d’Oponte, une ville grecque, mais à cette époque, le figuier de Barbarie est inconnu des anciens. Ce terme désignait alors le figuier commun (Ficus carica), c’est-à-dire l’arbre donnant des figues et non notre cactus. Pour tout dire, il provient des zones désertiques mexicaines et a été naturalisé à une époque relativement récente. Rapporté à l’époque de Christophe Colomb, le nopal (son nom mexicain) sera décrit pour la première fois en 1535. Puis, un médecin toscan du nom de Mattioli (Matthiole) le désignera sous son nom d’opuntia peu après afin de permettre sa distinction taxinomique d’avec le figuier commun.
Peu à peu, il s’est déplacé au gré des mouvements humains et aviaires. En effet, l’homme, redoutant encore le scorbut, emportait de ses fruits lors de ses déplacements maritimes, tandis que les oiseaux, en en mangeant les figues, ont dispersé ses graines. C’est pourquoi aujourd’hui on ne le trouve non seulement dans le bassin méditerranéen mais également dans d’autres zones du globe (Inde, Sri Lanka, Australie, Nouvelle-Calédonie, Afrique du sud, Réunion, Madagascar…).

Le figuier de Barbarie est constitué d’un agencement de « raquettes », des cladodes en réalité, qui ne sont pas des feuilles mais des tiges aplaties qui assurent la photosynthèse. Elles sont couvertes d’une matière cireuse, la cutine, qui empêche l’évapotranspiration. A intervalles réguliers, ces cladodes portent des aréoles regroupant deux sortes d’épines : certaines sont longues et pointues, d’autres (appelées glochides) sont de minuscules aiguillons recourbés et sont, malgré leur taille, les plus dangereux, car ils peuvent s’enfoncer facilement dans la peau, dont ils sont ensuite très difficiles à extraire. Entre les mois de mai et de juillet, la floraison forme de grosses fleurs aux multiples pétales dont la couleur la plus commune est le jaune, plus rarement le blanc et le rouge. Elles donnent naissance à des fruits en forme de boule allongée, à la couleur variant du jaunâtre au violacé en passant par le rouge. Tout comme les cladodes, les figues de Barbarie sont dotées des mêmes aréoles présentant les deux types de piquants décrits ci-dessus. D’environ 8 cm de longueur, une figue pèse entre 120 et 150 g. Comestible, lorsqu’on l’ouvre en deux, on découvre une pulpe rougeâtre à laquelle se mêlent de nombreuses petites graines, ce qui en rend la dégustation difficile. Traditionnellement, au Mexique, on utilise ces fruits pour confectionner jus, confitures et boissons fermentées. En Afrique du nord, le figuier de Barbarie est cultivé pour approvisionner les marchés, ailleurs il permet de fabriquer des liqueurs, comme le ficodi sicilien. Il se destine à bien d’autres usages parmi lesquels : former des haies impénétrables autour des habitations, des barrières coupe-feu, l’extraction de colorants alimentaires (jaune, violet), etc. Mais, ce qui va maintenant nous intéresser, ce sont ses propriétés thérapeutiques et cosmétiques. Et nous verrons qu’elles sont très loin d’être négligeables.

Figues_de_Barbarie

Le fruit contient beaucoup de sucres (glucose, lévulose), de la vitamine C, de la pectine ainsi que divers oligo-éléments (cuivre, fer). Très nutritif et astringent, il peut régler des cas de diarrhée et de dysenterie. Cependant, une consommation excessive peut engendrer un phénomène de constipation. Il semblerait que la figue de Barbarie ait une incidence sur les taux de glucose et de cholestérol sanguins qu’elle abaisse. Les fleurs, riches en tanin, mucilage et flavonoïdes, sont elles aussi astringentes et adoucissantes. Elles permettent de soigner diarrhée, irritations intestinales ainsi qu’hémorragies bénignes. Quant aux raquettes, émollientes, elles s’utilisent surtout en usage externe pour venir à bout de douleurs rhumatismales mais également pour faire mûrir les abcès.

Est-ce bien tout ? Pas tout à fait. Depuis quelques années, on voit apparaître en France des produits issus du figuier de Barbarie. L’un d’eux n’est ni plus ni moins que l’huile végétale extraite des graines que contient le fruit. C’est un produit rare et cher (30 € les 30 ml !) dont la puissance dépasse largement celle de l’huile végétale d’argan, c’est dire ! Cette huile végétale, de couleur jaune verdâtre, est essentiellement composée d’oméga 6 (60 %), d’oméga 9 (20 %) et d’acide palmitique (10 %). Elle contient aussi des phytostérols et des tocophérols. Elle est donc assez proche de l’huile végétale de grenadier.
Antiradicalaire, antioxydante, émolliente, régénératrice cutanée, assouplissante, adoucissante, hydratante, nourrissante, elle permet de redonner fermeté et tonicité à la peau. Elle se destine plus particulièrement aux peaux matures, sèches, desquamées, déshydratées… Elle peut donc tout naturellement intervenir en cas de rides et ridules, de crevasses, gerçures, cicatrices et vergetures.
Face à la cherté de ce produit, il est possible de confectionner soi-même un macérât de figue de Barbarie moins onéreux et dont les propriétés, moins puissantes, n’en sont pas moins intéressantes pour couvrir l’ensemble des domaines édictés ci-dessus. Pour cela, il suffit de couper en tranches des figues de Barbarie que l’on place ensuite dans un bocal en verre. Puis on couvre d’huile (de pépins de raisin, par exemple) et on laisse macérer le tout pendant deux à trois semaines avant emploi.

© Books of Dante – 2014