Fabriquer son vinaigre de cidre

Vinaigre de cidre

Pour laisser libre court à votre volonté, je vous propose trois entrées : les pommes, le jus de pommes, le cidre. Il va de soi que ces cheminements (schématisés ci-dessous) représentent plus ou moins de labeur.

  1. Pommes => jus de pommes => cidre => vinaigre de cidre
  2. Jus de pommes = > cidre => vinaigre de cidre
  3. Cidre => vinaigre de cidre

Quelle que sera la manière dont vous procéderez, il faudra clairement garder à l’esprit que du choix des produits utilisés dépend ou non la réussite du résultat final. Tant qu’à faire, autant faire les choses bien et bio.

Si vous optez pour le chemin le plus long : il vous faut des pommes non traitées, afin d’éviter que des résidus de produits chimiques se retrouvent à terme dans votre vinaigre. Tournez-vous vers des pommes douces plutôt qu’acides, pour la simple et bonne raison que les premières contiennent davantage de sucre ; elles produiront plus d’alcool lors de la fermentation spiritueuse (ou alcoolique). On évitera donc la Granny Smith et la Canada grise. Au niveau des pommes douces, détournez-vous autant que possible de la Golden qui est, à ma connaissance, la pire pomme qui se puisse concevoir. C’est très simple, selon moi, elle devrait être bannie de toutes les tables (beaucoup trop oxydée pour être bonne pour la santé). Le mieux étant ces petites pommes à la peau rouge et jaune qu’on trouve dans les vieux vergers. Cueillies à maturité, on peut les réserver quelques temps. Leur peau commence à se flétrir, elles perdent en eau et gagnent en sucre, excellente chose pour la suite du travail qui nous attend.
Maintenant, allez directement à l’étape n° 1.

Si vous optez pour le chemin médian : le meilleur choix réside dans un jus de pommes artisanal, vous savez, trouble parce que non filtré. N’espérez pas obtenir de bons résultats avec une brique de jus de pommes achetée dans le Leader Price du quartier, ce genre de produit ne jouissant pas d’une excellente vitalité. Donc, du jus de pommes artisanal et bio. Méfiez-vous cependant, il existe dans le commerce des jus de pommes bio qui donnent toute l’apparence de l’artisanal mais qui n’en sont pas. Si les pommes utilisées, elles, sont bio, le processus d’obtention du jus est industriel. Mefiat, donc.
Enfin, exigez du marchand qu’il vous indique quelles pommes ont été employées pour confectionner le jus, cela pour la même raison qui a été indiquée plus haut : la teneur en sucre.
Maintenant, allez directement à l’étape n° 3.

Si vous optez pour le chemin le plus court : il va falloir partir à la recherche du cidre le plus adéquat. Cidre bio s’entend, obtenu grâce à des procédés artisanaux. De même qu’avec le jus de pommes, n’hésitez pas à vous renseigner auprès des marchands. Privilégiez un cidre à haute teneur en alcool (4,5°), car plus d’alcool = plus de « nourriture » pour les mycodermes acétiques.
Maintenant, allez directement à l’étape n° 4.

Étape 1 : coupez vos pommes non pelées en quartiers, puis laissez-les brunir à l’air libre le temps nécessaire.

Étape 2 : pressez les pommes brunies à l’aide d’une centrifugeuse afin d’en extraire le jus. Si vous ne possédez pas ce type de matériel, il va falloir ruser. Broyez vos pommes avec un moulin à légumes afin d’en faire une compote que vous placerez au centre d’un torchon. Réunissez les quatre coins et essorez comme vous le feriez de votre linge. C’est une méthode assez archaïque mais qui vaut ce qu’elle vaut. En revanche, elle présente l’inconvénient d’obtenir moins de jus qu’avec une centrifugeuse, à quantité égale de pommes.

Étape 3 : placez le jus de pommes dans un récipient adéquat ; ici, une bonbonne ou une carafe, dont on enveloppera le col d’un ballon de baudruche. Celui-ci gonflera au fur et à mesure de la fermentation alcoolique et aura l’avantage de couper le jus du contact de l’air ambiant. Entreposez le récipient dans un endroit où la température est voisine de 25 ° C. La fermentation débute. Elle se déroulera sur plusieurs semaines en fonction de la constance de la température, de la qualité des pommes, de la quantité de sucre qu’elles contiennent et des mystères du vinaigre. Finalement, nous obtenons du cidre maison.

Étape 4 : versez le cidre dans un saladier afin que la plus grande surface de liquide soit en contact de l’air. C’est essentiel pour que la fermentation acétique se produise puisque le mycoderme du vinaigre (la bactérie responsable de cette fermentation) est très friande d’oxygène. La croyance populaire qui veut qu’on ajoute ce que l’on appelle la « mère » de vinaigre afin de faciliter la fermentation acétique est infondée. Certains maîtres vinaigriers insistent sur le fait que cela n’est pas du tout nécessaire car le mycoderme est une bactérie présente dans l’air. Elle saura donc facilement se frayer un chemin jusqu’à votre saladier (que l’on aura au préalable recouvert d’un torchon afin d’éviter aux poussières et autres saletés de piquer du nez dans votre préparation).
Note : il va sans dire qu’en lieu et place du saladier on peut utiliser un vinaigrier.

Étape 5 : lorsque la fermentation acétique sera totale, vous pourrez reconnaître l’odeur du vinaigre de cidre qui se distingue bien de celle du cidre. N’hésitez pas à goûter régulièrement. Si le goût s’avère encore sucré, cela signifie que la fermentation n’est pas encore achevée. Il vous faudra faire preuve d’encore un peu de patience. Quand la totalité du liquide contenu dans votre vinaigrier sera du vinaigre de cidre, prélevez-en une quantité donnée (la valeur d’un verre) et ajoutez un verre de cidre pour alimenter l’acétification et permettre au cycle de se perpétuer. Ainsi fait, versez le contenu du verre dans une bouteille au volume adapté ; vous pouvez désormais faire usage de votre propre vinaigre de cidre dont les champs d’application sont nombreux.

P. S. : il est possible de procéder de même avec la poire, le jus de poire ou le poiré (une sorte de cidre fabriqué avec des poires à poiré) afin d’obtenir du vinaigre de poire.

© Books of Dante – 2014

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Le vinaigre : ses propriétés, ses usages, etc.

Vinegar Pot. A120603 William Sonoma Fall 1

De par son nom, il serait aisé d’en déduire que le vinaigre n’est autre que du vin aigri. Or, il n’en est rien. Le vinaigre résulte de la fermentation acétique d’un liquide alcoolisé par le biais d’une bactérie aérobie, le mycoderme du vinaigre (Mycoderma aceti), qui oxyde l’éthanol et le transforme en acide acétique. Ce liquide alcoolisé peut tout aussi bien être du vin (blanc, rouge, etc.) qu’un autre type de liquide tel que cidre, bière, solutions d’alcool de parties végétales diverses (céréales, sèves, riz, algues, fruits, épices, fleurs, miel, bois, etc.).

L’obtention du vinaigre passe par deux étapes primordiales :

  • La fermentation spiritueuse (qui permet la transformation du sucre en alcool : par exemple, le jus de raisin en vin, le jus de pomme en cidre).
  • La fermentation acétique (qui permet, donc, la transformation de l’alcool en acide acétique, dont Pasteur établira la formule en 1864).

Il est important d’indiquer que le premier vin venu n’est pas susceptible de se transformer en vinaigre. Il peut tout aussi bien subir ce que l’on appelle la fermentation putride qui fera d’un vin une abominable piquette (un vin piqué) qui n’aura rien du vinaigre mais tout du vin aigre ! Par ailleurs, d’autres vins auxquels on ajoute du dioxyde de soufre pour en éviter l’acétification se prêtent mal à l’élaboration du vinaigre.

Résumons. Le vinaigre se forme si ces conditions sont réunies :

  • Un liquide sucré et alcoolisé
  • De l’oxygène
  • De la chaleur
  • Des mycodermes

Sans cela, pas de vinaigre. A ce propos, la législation française est très stricte. La dénomination de vinaigre concerne uniquement les produits obtenus par le procédé de la double fermentation ; décret n° 88-1207 du 30/12/88. Les vinaigres de vin doivent titrer 6°, tous les autres, 5° seulement.

Le vinaigre ne date pas d’hier. Connu de la Rome et de la Grèce antiques, ainsi que des Égyptiens (rappelons-nous la perle de Cléopâtre dissoute dans un verre de vinaigre), on en sait beaucoup moins sur son origine. Quel mystérieux hasard a, un jour, voulu qu’un liquide laissé à l’abandon se transforme en vinaigre ? En revanche, on sait que son processus de fabrication est resté longtemps hasardeux (à l’instar de celui du vin), la maîtrise de la double fermentation ayant été à l’origine des difficultés rencontrées par les vignerons, dans un premier temps, puis par les vinaigriers, qui se regroupèrent en corporation dès 1394.
Hildegarde de Bingen elle-même ne s’en priva pas. Elle était très attachée au vinaigre de cidre qui est toujours celui dont les usages thérapeutiques sont les plus efficaces. Elle disait du vinaigre qu’il « évacue la pourriture de l’homme, diminue en lui les humeurs et [que] la nourriture passe en lui par la voie directe » (en référence à ses propriétés antiseptique et digestive).

Aussi, concentrerons-nous la suite de cet article sur le vinaigre de cidre, un must d’un point de vue médicinal. Sans pour autant omettre les autres types de vinaigres : souci, sureau, romarin, rose, ortie, sauge, etc. (qui sont, en fait, obtenus par une macération de plantes dans du vinaigre afin que celui-ci se charge d’une partie des principes actifs des plantes utilisées).

1. Principes actifs : acide acétique, acides aminés, vitamines (C, B1, B2, B6, B12, D), sels minéraux et oligo-éléments (potassium, calcium, sodium, magnésium, soufre, silicium, fer, fluor, chlore, phosphore, bore…).

2. Propriétés thérapeutiques : digestif, apéritif et régulateur du transit, antiseptique, désinfectant et antibactérien, antiputride, rééquilibrant et fortifiant, expectorant, sudorifique, fluidifiant sanguin, astringent, antioxydant, tonique neuromusculaire, préventif des intoxications alimentaires, améliore l’absorption du fer, anticancérigène.

3. Usages thérapeutiques :

En interne :

  • Troubles liés à la sphère gastro-intestinale : ballonnement, flatulence, constipation, diarrhée, digestion difficile, gastrite, vomissements, nausées, manque d’appétit, intoxications alimentaires
  • Troubles liés à la sphère respiratoire : asthme, bronchite, toux, rhume, maux de gorge
  • Troubles osseux et musculaires : arthrite, décalcification, ostéoporose, crampes et contractures musculaires diurnes comme nocturnes
  • Hypertension artérielle
  • Hémorroïdes
  • Cholestérol
  • Anémies
  • Stress, nervosité, surmenage, asthénie, fatigue.

En externe :

  • Troubles cutanés : zona, eczéma, psoriasis, urticaire, démangeaisons, érythème fessier du nourrisson, blessures infectées, brûlures, coup de soleil, piqûres et morsures d’insectes, durillon, cors
  • Algies diverses : rhumatismes, douleurs et raideurs articulaires, entorse, maux de dents, maux de tête, plaies des muqueuses buccales, aphtes
  • Infections : candidoses, mycoses, infections oculaires
  • Vertiges, syncopes
  • Otites
  • Fièvre, angine.

4. Posologie : on estime qu’une cuillerée à café de vinaigre de cidre additionnée d’une cuillerée à café de miel mélangée dans un verre d’eau tiède est la dose idéale. A prendre ½ heure avant les repas.

5. Autres usages :

  • Condiment, le vinaigre est aussi un excellent conservateur des aliments (cornichons, oignons, câpres, etc.).
  • Soins capillaires : cheveux « électriques », brillance et souplesse des cheveux, accentuation de la couleur de cheveux bruns et blonds, cheveux abîmés, ternes, cassants et gras, pellicules, démangeaisons du cuir chevelu, lentes et poux.
  • Beauté : acné, peaux grasses, peaux sèches, déodorant, effet tenseur cutané, adoucissant et tonifiant cutané, hygiène bucco-dentaire.

6. Contre-indications et remarques :

  • Le vinaigre ne doit jamais être avalé pur. Il faut impérativement le diluer pour un usage par voie interne, son acidité étant susceptible d’attaquer l’émail dentaire.
  • Le vinaigre est déconseillé en cas d’ulcération gastrique.
  • Rappelez-vous qu’un vinaigre ordinaire de qualité médiocre peut causer une acidification du terrain ainsi que des maux et aigreurs d’estomac. Remettez-vous en à un vinaigre de bonne qualité, biologique si possible. Ceci dit, dans le commerce il existe des vinaigres obtenus avec des pommes bio, d’autres pas. Cependant, il faut savoir que près de 95 % de la production de vinaigre nationale (bio et non bio) est l’objet d’un traitement industriel qui dénature pour beaucoup le produit final. « Un liquide qui entre en vinaigrerie et qui subit deux à trois filtrations d’ici sa mise en bouteille est débarrassé de toutes les vitamines, protéines et autres ferments naturels qui en font la qualité nutritive et organoleptique » (Geneviève Fournil Marietta, Faites votre vinaigre, éditions Utovie, p. 34). Il n’en reste pas moins que les vinaigres de cidre, bio ou pas, présentent tout de même de très bonnes propriétés anti-oxydantes, même s’il est vrai qu’un vinaigre bio obtenu grâce à des procédés artisanaux dépassera sans difficulté en qualité ceux qui subissent des traitements industriels. Artisanal donc… ou maison, si l’on est tenté par l’auto-production :-)

    © Books of Dante – 2014

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