La maniguette ou graine de paradis

Maniguette

(Aframomum angustifolium)

Description et composition

Celle qu’on a durant longtemps surnommée graine de paradis ou poivre de Guinée se trouve être une grande plante africaine appartenant à la famille du gingembre et de la cardamome. Cela suffit-il pour désigner la maniguette comme une plante « explosive » de par le caractère piquant de ses deux cousins ? Pas vraiment, à proprement parler. Elle se distingue d’eux, elle est plus proche du poivre noir (Piper nigrum) dans bien des aspects. D’un point de vue moléculaire tout d’abord. Rares sont les huiles essentielles à contenir autant de béta-caryophyllène, une molécule à l’efficace propriété anti-inflammatoire. De l’ordre de 20 %, alors qu’on la trouve dans des proportions bien plus modestes dans quantité d’autres huiles essentielles. L’autre chose qui saute aux yeux lorsqu’on décortique, comme moi, les chromatographies en phase gazeuse, c’est l’extraordinaire prédominance d’une autre molécule, le béta-pinène. Cette dernière est encore plus courante que la précédente, et elle est très souvent associée à sa frangine, l’alpha-pinène, dans un très grand nombre d’huiles essentielles. Bref, dans le cas de la maniguette, on trouve le béta-pinène à hauteur de 45 %. Cela fait que seulement deux molécules représentent les 2/3 de la composition de cette huile essentielle, qui réussit le tour de force de combiner en elle-même ces deux molécules qui restent anecdotiques chez bien des huiles essentielles. Sauf quelques unes, le poivre pour le béta-caryophyllène, comme nous l’avons dit, et le sapin baumier (Abies balsamea) et le pin de Patagonie (Pinus ponderosa) pour le béta-pinène. On a longtemps cru que les monoterpènes, comme l’est le béta-pinène, n’étaient que des « substances de remplissage », mais ces molécules n’en sont pas moins dénuées de pouvoir.

Bon. Et alors ? Elle bat un record, et après ? Eh bien, nous pouvons clairement indiquer que l’huile essentielle de maniguette est une sorte de « mix » entre l’huile essentielle de poivre noir et celles de sapin baumier et de pin de Patagonie. Elle, africaine, condense une partie d’Asie et d’Amérique. Aussi, elle affiche des propriétés thérapeutiques propres à toutes ces huiles essentielles. Compte tenu du fait que la littérature portant sur la maniguette est plus que mince, cela va donc nous permettre d’émettre raisonnablement quelques informations à son sujet, bien plus substantielles que les maigres et prudents entrefilets disponibles et dispersés çà et là.

Liquide, fluide et mobile, cette huile essentielle est le plus souvent de couleur jaune pâle. Son odeur douce, légèrement fruitée et sucrée, est rehaussée par une touche poivrée. Ce sont ses feuilles que l’on distille à la vapeur d’eau.

Maniguette_fine_fleur

Propriétés thérapeutiques

  • Positivante
  • Tonique et stimulante générale
  • Anti-oxydante
  • Anti-infectieuse : antifongique, antibactérienne, antiseptique atmosphérique
  • Anti-inflammatoire
  • Expectorante
  • Décongestionnante veineuse et lymphatique
  • Stimulante digestive
  • Aphrodisiaque
  • Relaxante, calmante, apaisante

Usages thérapeutiques

  • Troubles respiratoires + ORL : rhinite, bronchite, sinusite, « coup de froid »
  • Troubles veineux et lymphatiques : varices, jambes lourdes, hémorroïdes (?)
  • Troubles cutanés : irritations et éruptions cutanées, candidoses
  • Troubles du sommeil, endormissement difficile, terreur nocturne, cauchemar
  • Crampes musculaires
  • Asthénie, déprime, dépression, anxiété, angoisse, peur, agitation, stress, nervosité, blocage du plexus solaire

Huile essentielle de la détente, de la relaxation et de l’intériorisation, la maniguette s’adresse aux tempéraments bilieux. Associée à l’élément air (selon moi), elle se destine donc plus particulièrement aux signes de la Balance, des Gémeaux et du Verseau.

Maniguette_fruits

Modes d’emploi

  • Voie cutanée diluée
  • Voie orale
  • Olfaction
  • Diffusion atmosphérique

Contre-indications

  • Je n’en vois pas pour le moment. Je me dois simplement de rapporter le consensus selon lequel les huiles essentielles sont contre-indiquées durant la grossesse, en particulier les trois premiers mois. L’huile essentielle de maniguette n’échappe pas à cette « règle » qui n’en est pas une, mais simplement un principe de précaution.
  • Il existe une autre huile essentielle de maniguette (Aframomum melegueta) dont on distille les graines. Il s’agit là d’un tout autre produit.

© Books of Dante – 2014

Petit tour d’horizon sur les épices

épices

Qu’est-ce qu’une épice ? Quel « cahier des charges » une plante doit-elle remplir afin d’être qualifiée d’épice ? Tout d’abord, il apparaît important de mentionner que le mot épice provient du latin species qui a plusieurs significations : apparence (sens premier), espèce (sens deuxième) et substance (sens troisième).
Nous abandonnerons le sens premier qui ne nous intéresse pas ici. En ce qui concerne le sens deuxième, quel rapport peut-il exister entre ces deux mots ? Prenons l’exemple du poivre. Au Moyen-Âge, il devient rapidement une monnaie d’échange. De nombreuses expressions font référence à cet état de fait parmi lesquelles cher comme poivre (très cher), payer en espèces (en épices). A propos du sens troisième, il est clair qu’il fait référence à l’épice en tant que substance d’origine végétale dont le but en cuisine est de relever et/ou de parfumer les plats.

Historiquement, l’heure de gloire des épices se situe au Moyen-Âge, quand bien même la fameuse route des épices voit passer depuis l’Antiquité des produits en provenance d’Arabie et d’Inde, par exemple (à l’exception de quelques plantes, la plupart des épices est ou était originaire d’Orient et d’Extrême-Orient). Pourquoi cet engouement médiéval pour les épices ? Sans doute, comme on l’a longtemps pensé, pour masquer la relative absence de fraîcheur des produits par la puissance de leurs arômes… Du tout. Il n’en est rien et c’est résolument faux ! Cet engouement est tout d’abord affaire de goût, mais aussi de luxe et de prestige, eu égard au prix élevé des épices. Au Moyen-Âge, on consomme le poivre, le safran, le gingembre, la cannelle, le clou de girofle et, surtout, l’épice de prédilection, la fameuse maniguette (graine de paradis) aujourd’hui tombée dans un relatif oubli, comme cela a été le cas de certaines autres plantes telles qu’hysope et livèche.
Si les épices sont demeurées pendant longtemps un produit de luxe, donc onéreux, c’est parce qu’elles sont restées sous monopole vénitien jusqu’au XIV ème siècle. Par la suite, Génois, Portugais et Espagnols n’auront de cesse de mettre à bas ce monopole par le biais d’expéditions – l’ère des grandes découvertes -, ainsi que par la mise en œuvre de leurs propres cultures, tel que les Hollandais et les Anglais le firent au XIX ème siècle pour la culture du thé afin de faire tomber le monopole chinois.
Pour la gastronomie médiévale, impossible de se passer d’épices qui, souvent, remplacent le beurre et le sucre dans les préparations : maquereau en pasté, sauce cameline, galettes au cumin, agneau à l’aigre-douce, saumon à la calimafrée, sauce verte aux épices, hypocras, arboulastre en tarte, sans oublier le fameux « 4 épices » à base de poivre, de muscade, de clou de girofle et de gingembre.

Aujourd’hui, les épices se sont relativement vulgarisées. Elles sont devenues moins onéreuses (hormis quelques-unes comme le safran, par exemple, et la cardamome dans une moindre mesure) et beaucoup moins utilisées paradoxalement. Quand on poivre sa salade, on n’a pas toujours conscience des heurts anciens engendrés par la conquête du poivre au cœur d’une guerre économique.
De la même façon qu’une épicerie n’est plus aujourd’hui le commerce d’antan spécifiquement réservé à la vente de ces substances aromatiques et condimentaires, il vous appartient de constituer par vous-même votre propre petite épicerie.

Voici maintenant une nomenclature non-exhaustive des principales épices. Étant donné qu’on n’utilise pas toujours la plante entière pour ses vertus aromatiques et condimentaires, ces plantes ont été classées en fonction de la partie utilisée : racines et rhizomes, feuilles et tiges, fruits et baies, enfin, semences.

Racines et rhizomes : ail, céleri, curcuma, échalote, petit galanga, gingembre, oignon, raifort, réglisse, wasabi, zédoaire.

Feuilles et tiges : absinthe, ache, aneth, basilic, bourrache, cannelle, céleri, cerfeuil, ciboulette, citronnelle, coriandre, estragon, fenouil, hysope, kaloupilé, laurier, livèche, mélisse, menthe, oignon, origan, oseille, persil, romarin, sarriette, sauge, serpolet, thym, verveine citronnée.

Fruits : bergamote, citron, combava, genévrier, muscade, paprika, piment, vanille.

Graines et semences : aneth, anis vert, badiane, cacao, carvi, céleri, coriandre, cumin, fenugrec, fève tonka, fenouil, maniguette, moutarde, nigelle, pavot, poivre, sichuan.

Quelques mélanges d’épices

  • Bouquet garni : persil, laurier et thym.
  • Cinq épices (Chine) : badiane, sichuan, fenouil, cannelle, girofle.
  • Colombo (Asie du Sud) : paprika, cumin, coriandre, gingembre, poivre, cardamome, badiane, girofle, moutarde, safran.
  • Curry (Inde, Asie du Sud-Est) : gingembre, ail, oignon, cardamome, cumin, cannelle, curcuma, piment, poivre, fenouil, fenugrec, girofle, moutarde. Garam massala et tandoori massala sont deux formes de curry dont il existe de nombreuses autres recettes en fonction des localités géographiques.
  • Massalé (Réunion) : coriandre, cumin, fenugrec, moutarde, girofle, curcuma, kaloupilé, muscade.
  • Harissa (Maghreb) : piment rouge, coriandre, carvi, cumin, ail.
  • Pesto (Italie) : basilic, ail, pignons de pin, huile d’olive, parmesan.
  • Pistou (Provence) : basilic, ail, huile d’olive.

A savoir

Il est possible d’employer les huiles essentielles en cuisine en lieu et place des plantes fraîches ou sèches. C’est le cas des suivantes : aneth, baie rose, basilic, cannelle, cardamome, citronnelle, combava, coriandre, cumin, curcuma, estragon, gingembre, girofle, laurier, maniguette, marjolaine, menthe, muscade, poivre, romarin, thym, verveine, ylang-ylang, etc.

© Books of Dante – 2014

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