Le lichen d’Islande (Cetraria islandica)

Synonymes : mousse d’Islande, cétraire d’Islande, orseille d’Islande.

Le mot lichen est issu du latin mais avant lui du grec leikhêin qui signifie « qui lèche », tant sa capacité à élire domicile sur des supports variés est immense. On compte plus de 20000 lichens connus qui colonisent tous les milieux ou presque de l’hémisphère Nord (toundra, zones montagneuses et humides, etc.), de formes diverses (arbuscules, croûtes, lames foliacées, etc.), aux coloris variés (jaune, vert, orange, gris, brun, etc.) dépendant des taux d’humidité et de luminosité auxquels les lichens sont exposés, sur de multiples supports (sol, rochers, troncs et branches d’arbre, feuilles, toit des maisons, murs, objets métalliques, vitraux des églises ; d’autres encore s’agrippent sur la carapace de certaines tortues, etc.).

Qu’est-ce qu’un lichen ? Les lichens sont des organismes doubles composés d’un champignon et d’une algue. Champignon et algue sont réunis en symbiose, association dans laquelle chaque partie tire bénéfice de sa juxtaposition si intime qu’ils nous paraissent former un organisme unique. Ce qui est le cas, car ni l’un ni l’autre des protagonistes ne saurait faire seul ce qu’ils réalisent à deux. Le champignon met sur la table l’eau et les sels minéraux indispensables à l’algue pour qu’elle effectue la photosynthèse, de plus il lui permet d’éviter la déshydratation. Quant à l’algue, elle apporte sucres et vitamines au champignon.

Chez la plupart des lichens, l’un des symbiotes, le champignon, fait partie des Ascomycètes (chez quelques espèces exotiques c’est un basidiomycète qui remplit ce rôle). Les algues appartiennent soit aux Chlorophycées, soit aux Cyanophycées. Ordinairement ce sont des champignons bien définis qui entrent en symbiose avec des espèces algales données.

Les lichens se multiplient soit par des fragments de leur thalle contenant à la fois les hyphes du champignon et les cellules des algues, soit par agglomération du mycélium du champignon enserrant des algues unicellulaires (gonidies), se formant dans des coupes spéciales à la surface du thalle.

Forme de symbiose très ancienne puisqu’on estime à 500 millions d’années (1), et peut-être davantage, la rencontre entre algues et champignons, le lichen est un organisme doté de caractéristiques particulières. Du fait de ses aires de répartition, il est doué d’une très grande résistance. Il possède ce que l’on appelle la capacité de reviviscence. Lorsqu’il se déshydrate, il se recroqueville et réduit ses fonctions physiologiques. Et se régénère à la première trace d’humidité, sous forme de pluie, par exemple, ou de rosée matinale ou encore de vapeur d’eau contenue dans l’air. Il pousse très lentement, de l’ordre de quelques millimètres par an, d’où la taille minime de la plupart des lichens. Si le substrat est particulièrement ingrat, la croissance peut ne pas excéder 0,1 mm par an ! Cependant, il compense cela avec sa longévité, parfois exceptionnelle, puisqu’on a retrouvé dans les Alpes des lichens dont l’âge a été évalué à plus de 1000 ans ! S’il pousse si lentement, c’est qu’il ne bénéficie pas toujours des bienfaits de la photosynthèse. En effet, ce phénomène n’est possible que lorsque le lichen est humide. Ainsi, un lichen se développant sur un rocher exposé en plein soleil, devra attendre le petit matin, moment qui conjugue pour lui, une humidité et un ensoleillement à même de pouvoir mettre en branle le système de photosynthèse.

Enfin, c’est un pionnier des hauteurs et des rochers. Là où plus rien ne pousse, subsiste le lichen. Le record d’altitude est détenu par Lecanora polytropa qu’on a découvert à 7400 m dans la chaîne himalayenne. Il est aussi connu pour peupler des territoires d’où les plantes à fleurs sont quasi absentes, comme par exemple l’Antarctique qui compte près de 300 espèces de lichens contre seulement deux espèces de plantes à fleurs. Les conditions de vie qui sont les siennes lui ont expérimentalement permis de montrer qu’il résistait pendant plusieurs heures à une température proche du zéro absolu (- 273,15° C), de même qu’à une forte chaleur (100° C).

Maintenant, venons-en plus particulièrement au lichen d’Islande. C’est un « grand » lichen puisque sa hauteur atteint une dizaine de centimètres, mais c’est dire les efforts qu’il a dû faire pendant de longues années ! Il présente un thalle brunâtre, parfois vert olive, mou et ramifié en lanières ascendantes et buissonnantes à consistance de cuir. La surface du thalle est ponctuée çà et là d’ocelles rougeâtres qui ne sont autres que les apothécies, c’est-à-dire les réserves. C’est leur forme de bouclier en cuir porté par les fantassins romains, la cetra, qui a donné son nom au cétraire d’Islande.
Il est présent sur toutes les régions froides et montagneuses de l’hémisphère Nord : Norvège, Islande, Groenland, Alpes, Pyrénées, Vosges, Auvergne, sur landes, rochers, écorce des arbres (conifères surtout), tourbières, etc. Plus la latitude baisse, et plus le lichen d’Islande prend de l’altitude. C’est pourquoi en France on ne le trouvera pas en plaine comme cela peut être le cas en Scandinavie, mais plutôt à 2500 m d’altitude.
Compte tenu de sa lente croissance, il est préférable d’éviter de le récolter en trop grande quantité, d’autant qu’il est menacé par la pollution de l’air dont il dépend essentiellement.
Le lichen d’Islande n’a fait irruption dans la matière médicale qu’à la fin du XVII ème siècle. Au XVIII ème siècle, plusieurs monographies lui furent consacrées et, au siècle suivant, des analyses biochimiques réalisées. Dans les régions septentrionales ainsi qu’en Allemagne, c’est resté un remède populaire fort réputé pour des affections que nous retrouverons plus loin, et auxquelles on peut rajouter les suivantes : scorbut, mal de Bright, colique, enrouement, amaigrissement, etc.

En haut de la deuxième colonne en partant de la gauche, on voit bien les apothécies rougeâtres du lichen d’Islande dont la forme en bouclier a donné son nom au Cetraria islandica.

Le lichen d’Islande en thérapie

Les thalles du lichen d’Islande sont particulièrement riches d’hydrates de carbone et de polysaccharides de structure assez proche de celle de l’amidon. Mais ce lichen ne contient pas que cela : de l’acide usnique aux propriétés antibiotiques, de l’acide lichenstéarique, du mucilage, un principe amer du nom de cétrarin(e) ou acide cétrarique, enfin des sels minéraux (phosphate, calcium, potassium).

Propriétés thérapeutiques

Le lichen d’Islande, de par les 2 à 3 % de cétrarine qu’il contient, s’avère particulièrement amer en infusion et en décoction. C’est pourquoi les populations scandinaves le cuisaient dans le lait, après l’avoir débarrassé de son principe amer par décoctions répétées. Sucré, il était alors consommable. La macération dans de l’eau froide alcaline durant vingt-quatre heures a le même effet. Une fois sec, le lichen était pulvérisé et jouait le rôle de farine. En phytothérapie, il n’en va pas de même, tous les remèdes ne goûtent pas forcément le bonbon à la violette. Cependant, une chose curieuse a été remarquée : une première décoction ne supprime pas la cétrarine, alors qu’une seconde, oui. Et, dans un cas comme dans l’autre, les propriétés du lichen d’Islande diffèrent :

  • Quand il est privé de sa cétrarine, il est beaucoup plus « agréable », mais, bien sûr, beaucoup moins actif. Il n’en reste pas moins qu’il est alors diurétique, expectorant, émollient, adoucissant, fortifiant et reconstituant.
  • Dans le cas contraire, la première décoction se révèle être tonique, stimulante, antitussive, anticatarrhale, antispasmodique et antivomitive.

Hormis ces deux profils qui nous rappellent qu’un lichen est l’association de deux organismes, le lichen d’Islande agit favorablement sur la sphère gastro-intestinale (apéritif, digestif, stomachique, il accélère et régularise le péristaltisme gastro-intestinal). Ajoutons à cela ses propriétés anti-anémiques, stimulantes du système nerveux central, fébrifuges et antibactériennes.

Usages thérapeutiques

-Lichen à cétrarine

  • Troubles de la sphère pulmonaire : hémoptysie, catarrhe chronique, asthme humide, toux rebelle, toux quinteuse
  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : atonie des organes digestifs, dyspepsie atonique, dysenterie, diarrhée
  • Vomissements incoercibles : toux émétisante, état cholémique, vomissement migraineux, chloroformique, lié à la grossesse
  • Abattement des forces, épuisement, convalescence après maladie infectieuse, fatigue générale, anémie

-Lichen sans cétrarine

  • Troubles de la sphère pulmonaire + ORL : affections catarrhales aiguës, maux de gorge, toux sèche, irritation du larynx
  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : irritation gastro-intestinale, diarrhée avec irritation, colite, acidité gastrique, inappétence, indigestion
  • Inflammations buccales

En outre, le lichen d’Islande s’utilise en cas de fièvres intermittentes, de sueurs nocturnes et de mal de mer ou des transports.

Modes d’emploi

  • Infusion
  • Décoction première
  • Décoction seconde
  • Teinture-mère
  • Alcoolature
  • Poudre

Notons que si l’on fait bouillir ce lichen assez longtemps, on obtient une gelée très utile pour stimuler les enfants affaiblis par une coqueluche ou une bronchite. Elle est également très efficace dans les cas de diarrhées chroniques et de diarrhées des tuberculeux.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • L’usage du lichen d’Islande est déconseillé en cas d’ulcères gastro-duodénaux et d’ulcères intestinaux.
  • Il existe d’autres lichens utilisés en thérapie : la parmélie du tilleul (Parmelia tiliacea) et la pulmonaire (Lobaria pulmonaria), qui ont toutes deux des effets semblables au lichen d’Islande.
  • Du lichen d’Islande, on a fait des usages tinctoriaux, de même qu’avec de très nombreux autres lichens. Contenant une petite fraction d’essence aromatique, le lichen d’Islande a joué un rôle dans la parfumerie comme note de fond et fixateur. Aujourd’hui, l’on connaît mieux l’absolu de mousse de chêne (Evernia prunastri).
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    1. Les plus anciens fossiles de lichens datent du Cambrien (- 541 millions d’années à – 485 millions d’années).

© Books of Dante – 2017