L’iris, la fleur arc-en-ciel

Iris_germanica_pallida_florentina

Parmi les dizaines d’iris qu’on dénombre, nous ne conserverons que les trois espèces suivantes : l’iris commun (Iris germanica), l’iris de Florence (Iris florentina) et l’iris pâle (Iris pallida). Ils ont en commun d’être employés en cosmétique, parfumerie et médecine. Nous laisserons de côté l’iris des marais (Iris pseudacorus) pour lequel nous réserverons un article à part entière dans quelques temps.
Bien que dit germanica, l’iris du même nom n’est pas originaire d’Allemagne. Tout au plus y a-t-il été naturalisé et cultivé. Le pallida tire son nom du bleu pâle de ses fleurs, tandis que le florentina à la blancheur immaculée témoigne de sa culture en Toscane. S’ils s’échappent parfois des cultures, on peut les retrouver au pied des vieux murs, sur les rocailles et les talus dont ils fixent la terre face à l’érosion.

La présence de l’iris auprès de l’Homme ne date pas d’hier. A Karnak, on le trouve représenté sur du mobilier funéraire et, plus tard, chez les Grecs et les Romains de l’Antiquité classique. Dioscoride le mentionne en tête du premier livre de son De materia medica, tandis que son compère latin Pline l’ancien relate diverses informations concernant sa cueillette. Tout d’abord, elle devait s’effectuer en état de continence. On traçait trois cercles autour de la plante à l’aide d’une épée, puis on procédait à son arrachage avec la main gauche, tout en prononçant le nom de la personne pour qui on la cueillait, ainsi que le nom de sa maladie. Enfin, on levait la plante en direction du ciel. L’iris était alors reconnu comme vermifuge, détersif (il permettait de laver les abcès et les ulcères), antitussif et carminatif. On en faisait un onguent contre les fièvres et, suspendu au cou des enfants, il enlevait les douleurs provoquées par les poussées dentaires. Ses vertus cosmétiques furent aussi remarquées puisqu’il adoucissait le visage tout en lui rendant son éclat. De plus, il supprimait les taches cutanées et les dartres.

Quoi de plus normal que de retrouver l’iris au sein de la vaste mythologie grecque ? Iris était une nymphe antique qui épousa Zéphyr, ce qui fit d’elle une demi-déesse. Elle devint alors la messagère de Zeus et de Héra, à l’image du dieu Hermès. On lui a attribué une paire de brodequins ailés, un caducée ainsi qu’un voile couleur d’arc-en-ciel (caractéristique que l’on retrouve dans le mot irisé qui renvoie aux teintes parfois multicolores des iris). Fleur funéraire, l’iris était planté sur les tombes, certainement en souvenir du fait que la déesse Iris était chargée de couper les cheveux des femmes une dernière fois avant leur mise au tombeau. Elle accompagnait aussi les âmes des défuntes, qu’elle guidait par l’intermédiaire du chemin formé par l’arc-en-ciel, une métaphore illustrant le périple de l’âme de la Terre jusqu’au Ciel.

Iris_déesse_grecque

A l’époque médiévale, la présence de l’iris est attestée. Étrangement, on le distingue mal du glaïeul, comme en témoigne le nom qu’il porte alors, gladolium (Capitulaire de Villis). Il est l’une des rares fleurs, avec ce même glaïeul et la rose, que l’on mentionne dans les textes. On sait qu’il a été cultivé au monastère de Saint-Gall, on le trouve dans les écrits de Strabon puis, plus tard, chez Hildegarde de Bingen : « l’iris est sec et chaud. Sa verdeur réside dans sa racine et remonte dans ses feuilles ». Le rhizome de l’iris, écrasé et placé dans du vin chaud, permettait de lutter contre les infections urinaires, les calculs rénaux, les troubles nerveux, la mémoire défaillante, la fatigue intellectuelle… L’abbesse l’utilisa même contre certains cas de lèpre alors que du côté de l’abbaye de Grandselve (Tarn-et-Garonne), on concocta une recette contre la rage.
Au XVI ème siècle, Matthiole le donnera comme vermifuge, antilithiasique rénal, diurétique et purgatif alors que Lémery, au siècle suivant, lui attribuera d’autres propriétés (apéritif, expectorant, résolutif et émollient).

Comme c’est le cas de nombreuses plantes, l’iris aura été accompagné d’un certain nombre de croyances à son sujet. Par exemple, au Japon, il joue un rôle de purificateur et de protecteur. Pour se préserver des mauvais esprits et des maladies, on avait coutume de jeter 12 pétales de fleur d’iris dans son bain, le 5 mai de chaque année. Des iris plantés au pied des maisons, ou sur les toits, protégeaient celles-ci des influences néfastes et des incendies. Ce qui n’est pas sans rappeler les usages qu’on a réservés à la joubarbe des toits. Son caractère « porte-bonheur » s’illustre aussi à travers l’emploi qu’en firent certains : porté dans une poche, un morceau de rhizome assurait son porteur de traiter facilement des affaires financières.

Les_Iris

L’iris en thérapie

1. Parties utilisées et principes actifs

On utilise principalement le rhizome, accessoirement les feuilles fraîches. Dans le rhizome, on trouve des tannins, de l’acide salicylique, de l’iridine et une huile essentielle contenant des irones. Bien que peu courante, cette dernière mérite qu’on l’aborde un peu plus en détails.
L’huile essentielle d’iris, aussi appelée beurre d’iris ou camphre d’iris, est une matière butyreuse de couleur blanche à jaunâtre, extraite par distillation à la vapeur d’eau.
L’iris est planté sur un sol pauvre et rocailleux. On récolte les rhizomes de plus de 3 ans. Ils sont décortiqués, lavés puis séchés. Le séchage se déroule à l’air libre et dure lui aussi 3 ans. Après ce laps de temps, on broie les rhizomes que l’on distille ensuite à la vapeur d’eau pendant 24 à 36 heures. La complexité et la durée de sa culture explique aisément le prix très élevé de cette huile essentielle (jusqu’à 15 000 € le kg ! Un site que j’ai visité la propose à plus de 1 700 € les 100 ml…), d’autant plus qu’elle est présente en très faible proportion dans la plante fraîche. Aussi le rendement ne dépasse-t-il pas 0,2 %.
Notons qu’à l’état frais, le rhizome de la plante développe une odeur forte et nauséabonde. Le séchage progressif est à l’origine de l’odeur de violette que l’on retrouve dans l’huile essentielle. On retiendra que l’iris est davantage distillé pour les besoins de la parfumerie et des cosmétiques que pour ceux de l’aromathérapie.

2. Propriétés thérapeutiques

  • Expectorant, mucolytique, anticatarrhal
  • Dépuratif, diurétique
  • Cholagogue
  • Stimulant circulatoire
  • Antifermentaire intestinal, vermifuge
  • Sialagogue (qui stimule les sécrétions salivaires)
  • Sternutatoire
  • Anti-inflammatoire

L’iris, pris à hautes doses, devient purgatif, émétique et drastique.

3. Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère respiratoire : sécrétions bronchiques encombrantes, bronchite, bronchite chronique, bronchite asthmatiforme, catarrhe pulmonaire, coqueluche, asthme, rhume
  • Troubles cutanés : tumeurs, dartres, brûlures, cors, dermatoses
  • Inflammation des organes digestifs et urinaires
  • Migraines menstruelles avec vomissement, céphalées
  • Grippe
  • Poussées dentaires chez l’enfant
  • Hydropisie, anasarque, ascite

4. Modes d’emploi

Le rhizome de l’iris peut être utilisé sous diverses formes : râpé, en poudre, en décoction, en vin, etc. Le plus sûr moyen reste encore la teinture-mère.

5. Contre-indications et usages alternatifs

– Toxicité : frais, les rhizomes peuvent occasionner des irritations des voies digestives, des douleurs intestinales ainsi que des vomissements, surtout si les doses ingérées sont trop importantes.
– Cosmétiques : la fameuse poudre de riz (poudre d’iris, en réalité) était employée par les femmes comme adoucissant pour la peau, mais jouait aussi le rôle de talc chez les bébés. Elle est aussi employée comme shampooing sec. Les rhizomes d’iris secs remplaçaient parfois la lavande dans les armoires afin d’en parfumer le linge.
– Parfumerie : Patou, Yves Rocher, Guerlain, Hermès, Lanvin, etc. ont fait appel à l’iris pour certains de leurs parfums.
– Cuisine : en Asie, on cultive certains iris pour en manger les rhizomes que l’on cuit à la manière des pommes de terre.
– Art : on extrait de l’iris un pigment végétal, le vert d’iris, qui est employé en enluminure. Une petite vidéo vous explique ici comment l’obtenir.
– Florithérapie : l’élixir de fleurs d’iris élimine les frustrations qui résultent d’un blocage lié à une panne d’inspiration. Cela sera donc un bon stimulant pour redémarrer la créativité. Cependant, ce n’est pas lui qui tiendra plume ou pinceau à votre place !
– Symbolisme et langage floral : constance, fidélité, pureté et héroïsme.

© Books of Dante – 2014

Découvrez mon nouveau livre !