L’huile essentielle de néroli (Citrus aurantium var. amara)

Quelle huile essentielle peut se targuer de porter, par le truchement d’une personne de chair et de sang, le nom d’un lieu ? Grâce à cette unicité, l’huile essentielle de néroli brille au sein de l’aromathérapie, de même que le département du Morbihan sur une carte de France dont le nom est le seul, parmi tous les départements français, à ne pas être inspiré par celui d’un cours d’eau. Eh oui, néroli, ça n’est pas le nom d’une plante, même s’il fait référence à la partie d’une plante, à savoir les fleurs de l’oranger amer. Pour peu que vous lisiez la littérature aromathérapeutique et qu’elle fasse mention de l’huile essentielle de néroli, il n’est pas possible qu’elle laisse sous silence le mystère qui se dissimule derrière ce nom à nul autre pareil. Tout d’abord, sachons que néroli est la transformation du nom d’une petite bourgade italienne située à 50 km au nord-est de Rome : Nerola. Cette cité d’à peine 2000 âmes comptait un prince, Don Flavio Ier (1620-1698), premier prince de Nerola qui prit pour épouse en février 1675 la Française Anne-Marie de la Trémoille (1642-1722), dont parfois, allez savoir pourquoi, l’on « italianise » le nom en Anna-Maria, qu’on fait naître au XV ème siècle et, qu’enfin, l’on dit duchesse, alors qu’elle est, de fait, princesse. Princesse des Ursins, très exactement, « ursins » qui est, lui, une véritable francisation du nom de son mari, Orsini. Donc, l’on peut aussi dire que Anne-Marie de la Trémoille était princesse de Nerola et non princesse de Néroli comme je l’ai vu écrit !!!, bien qu’elle ait tenu en grande estime le néroli, c’est-à-dire l’huile essentielle issue de la distillation des fleurs de l’oranger amer qu’en Italie, au XVII ème siècle, l’on connaissait très bien, implanté en Sicile aux alentours de l’an 1000. Ainsi, oui, fin XVII ème, l’oranger fait largement partie du paysage italien, du moins dans sa moitié méridionale, où il n’est pas impossible que la présence des Arabes durant de longs siècles dans cette partie sud de la botte ait été l’occasion des premiers essais de distillation de cette fleur d’oranger dont les pages de Jean Boccace (1313-1375), l’auteur du Décaméron, sont imprégnées, de même que, plus tard, celles du Pentamerone que l’on doit au magnifique Jean-Baptiste Basile, Napolitain qui en appelle un autre, Jean-Baptiste Porta, contemporain de Basile, et dont on dit que se trouve au sein de sa Magie naturelle la description de la distillation des fleurs d’oranger (j’ai beau l’avoir lu de long en large et en travers, je ne conserve aucun souvenir de cela…). Et attendant, et puisque j’y suis, je ne puis que vous recommander chaudement la lecture du Décaméron ainsi que du plus tardif Pentamerone dont trois contes de ce dernier recueil ont inspiré à Matteo Garrone un film résolument sublime en 2015 : Tale of Tales, avec la non moins sublime Salma Hayek qui joue le rôle de la reine de Selvascura. Ce qui nous fait revenir à notre princesse de Nerola. L’on dit de cette dernière qu’elle aurait pris l’habitude, vers 1680, de parfumer ses gants avec de l’essence de néroli, mais aussi, si l’on en croit certaines bribes « historiques », ses vêtements, les tentures du palais, jusqu’à son bain même, etc. Se parfumant à profusion dit-on, elle mit à la mode cette huile essentielle qui n’était, à l’époque, pas moins rare et onéreuse qu’aujourd’hui, allant jusqu’à la rendre indissociable de la petite ville de Nerola. Cependant, on ne m’a toujours pas expliqué de manière convaincante le passage de Nerola à Néroli… De deux choses l’une : soit on nous raconte des âneries (ce qui est bien possible), soit on nous ment de façon effrontée (ce que je crois bien plausible également). En 1698, Flavio Orsini, bien qu’issu de cette puissante famille italienne, a la bonne idée de mourir en croulant sous les dettes. Les mauvaises langues diraient que ce fut à cause de la manière inconsidérée dont sa femme usait d’essence de néroli à tort et à travers (rappelons-nous qu’elle coûte un bras, rappelons aussi qu’en ces temps, même le fruit de l’oranger reste un luxe, alors l’essence de ses fleurs !…) Non. Las de mesquinerie. Il est bien possible que cette histoire d’extrême prodigalité de la part de la princesse de Nerola ne soit qu’une pure invention, que par volonté de propagande politique on en ait fait des tonnes à ce sujet, ce qui me rappelle deux autres faits plus anciens : le premier des deux se rapporte à Cléopâtre (la septième du nom ; parce qu’il y en a eu plein des Cléopâtre, de même que des Pierre, Paul, Jacques). Donc, Cléopâtre VII est celle dont l’histoire nous dit qu’elle « serait allée à la rencontre de Marc-Antoine dans un navire dont les voiles étaient enduites d’essence de jasmin. Autant dire qu’on a dû la sentir arriver de loin, tant le jasmin possède un parfum capiteux, chaud et envoûtant ». Le second concerne l’empereur romain Néron qui fit brûler lors des funérailles de sa seconde épouse, Poppée, autant d’encens que l’Arabie pouvait en produire en une seule année. Dans les deux cas, j’ai bien la sensation qu’on en fait volontiers beaucoup afin de donner une fausse idée de la réalité et de grandir encore davantage les deux personnages que sont Cléopâtre et Néron. Mais, sur la question d’Anne-Marie de la Trémoille, j’ai un gros doute : je me demande si on n’a pas cherché à lui faire porter le chapeau en l’accusant d’être, soi-disant, trop dispendieuse. Voilà. Il faut ce qu’il faut. Ce sera toujours mieux qu’un demi entrefilet stérile sur la dame de Nerola : c’est qu’il faut parfois bien peu de chose pour salir l’honneur d’une dame (qui tombera en disgrâce pour de toutes autres raisons de toute façon).
Ne nous endormons pas sur ce sujet, même si, comme le faisait si justement remarquer Brillat-Savarin, la fleur d’oranger induit un sommeil que je qualifie de doux et paisible, à la limite du miraculeux, comme l’avait déjà signalé en son temps Lazare Rivière. Bizarrement, alors que notre princesse de Nerola s’imbibe littéralement d’essence de néroli, les praticiens évoquent non pas l’huile essentielle des fleurs d’oranger mais son eau distillée, les hydrolats ayant été regardés pendant des siècles comme de bien meilleurs alliés thérapeutiques que les huiles essentielles. Cette fleur, dont on fait aussi des liqueurs de table et des conserves, s’exprime à de multiples occurrences à travers son hydrolat, et lorsqu’on survole l’œuvre des Anciens, l’on constate bien qu’il n’est nulle part question d’huile essentielle mais d’eau aromatique : outre qu’on l’ajoute aux tisanes, l’on trouve l’eau de fleurs d’oranger dans bien des compositions magistrales telles que le looch blanc, la pâte de jujubes, l’électuaire ténifuge de Serres, l’élixir de Garus, la potion de Chopart, laquelle mérite qu’on s’y arrête. François Chopart (1743-1795), chirurgien français, élabore une potion qu’il qualifie lui-même de « dégoûtante ». Où l’on voit que l’hydrolat de fleurs d’oranger n’est pas que l’aromatique adjuvant qui permet de faire avaler la pilule. Sauf si l’on s’appelle Sulpice Debauve (1757-1836), tout d’abord pharmacien sous Louis XVI, avant de devenir… chocolatier. C’est pourquoi, « en suivant les lumières d’une saine doctrine, Monsieur Debauve a cherché, en outre, à offrir à ses nombreux clients des médicaments agréables contre quelques tendances maladives. Ainsi, aux personnes […] qui ont les nerfs délicats, [il offre] le chocolat antispasmodique à la fleur d’oranger » (1). La chocolaterie créée par Debauve et Gallais en 1800 existe toujours. Elle se situe au 30 rue des Saints-Pères dans le septième arrondissement de Paris. Chocolaterie de luxe, il ne m’étonne que peu que ce brave Brillat-Savarin y ait traîné ses guêtres.
Mais redescendons un peu sur terre et beaucoup plus au sud. Revenons en Italie où le passage des Arabes a laissé des traces non seulement olfactives mais linguistiques. Au XVI ème siècle, l’on ne parle pas d’hydrolat de fleurs d’oranger, non, on est plus rapide, l’on utilise deux mots latins – aqua naphae – eau de naphe (ou de naffe), ce naphae étant issu de l’arabe nafha, « odeur agréable ». Voici ce que Matthiole indique au sujet de cet arbre dont on tire une eau au nom de rêve : « les parfumiers s’en servent en leurs parfums… On en tire de l’eau, laquelle, outre ce qu’elle est précieuse pour son odeur à toutes les autres, est fort profitable mise en médicaments qui se font contre les fièvres pestilentielles qui remplissent le visage de varioles et morbilles. Car, donnée en breuvage au poids de six onces, elle fera tellement suer le patient, qu’elle fera sortir toutes les méchantes humeurs de la peau. Outre qu’elle fait suer, elle est fort cordiale ». Cordiale. Un mot à retenir pour plus tard. Qui n’a ici aucun rapport avec les « cordialement » dont on use à profusion, bien pis encore que la dame de Nerola ne le faisait avec l’essence de néroli. Cordialement = avec cœur. Nous verrons, effectivement, en quoi l’huile essentielle de néroli possède une implication sur la sphère cardiaque, qu’elle soit physique comme psycho-émotionnelle. Cordialement. Bien cordialement. La plupart du temps, la personne qui utilise ces formules creuses et toutes faites n’y pense pas une seconde et n’aura aucune intention d’être chaleureuse avec vous. C’est juste une formule de politesse qui montre à quel niveau l’on a ramené le cœur dans ce pays au bord de l’angor.
Est-ce un hasard, ai-je osé écrire sur l’un de mes nombreux galore il y a peu, si le mot orange débute par or- ? Ce même or-, on le trouve bien dans cordialement, ça n’en fait pas pour autant un mot empli de classe, plutôt vulgaire toc plaqué or par les temps qui courent. Mais l’envoûtement que réalise l’huile essentielle de néroli sans que vous vous en rendiez compte n’est pas un mirage, sans quoi les moines de l’abbaye des îles de Lérins n’auraient sans doute pas décidé sa culture il y a des siècles, avant qu’elle ne s’organise dans l’arrière-pays entre les XVI ème et XX ème siècles, aboutissant à la fondation de la coopérative du Nérolium à Vallauris en 1904.
Il y a chez l’écrivain Francis Ponge un passage fort éclairant que je me permets de placer ci-après (bien qu’il n’aborde pas la fleur de l’oranger mais son fruit) : « Comme dans l’éponge, il y a dans l’orange une aspiration à reprendre contenance après avoir subi l’épreuve de l’expression. Mais là où l’éponge réussit toujours, l’orange jamais : car ses cellules ont éclaté, ses tissus se sont déchirés » (2) « Ce n’est donc pas pour rien si […] l’orange parut si souvent un fruit taciturne et mélancolique », ajoute Jean-Luc Hennig. On peut ne pas être d’accord avec le mot taciturne, qui confine au mutisme qui ne laisse rien exprimer. Pourtant, force est de reconnaître qu’on exprime de l’orange le zeste par pression mécanique et que de sa peau s’échappent des geysers d’essence incandescente à l’approche d’une flamme. De même, l’on peut rester dubitatif face à l’inclination de l’orange pour la mélancolie. L’on pourrait mieux dire que l’orange suscite une forme de nostalgie. Il peut y en avoir à l’évocation de ces nombreuses préparations culinaires où l’eau de fleurs d’oranger entre pour une petite part, celle des anges : les massepains à la cannelle, la nulle verte à la pistache, les pains de fleurs d’oranger des sœurs de Château-Thierry que regrettait tant Brillat-Savarin, etc. Bien loin de la mélancolie de Ponge, prenons connaissance de ce qu’écrit le docteur Leclerc, à l’aide de sa plume suave, au sujet de l’orange, ce fruit né de la fleur d’oranger qui est, parmi toutes les fleurs, la reine : « Par les crépuscules d’hiver, lorsque le brouillard s’abat lentement sur les faubourgs, à l’heure où les réverbères s’allument, noyant les êtres et les choses d’une lueur blafarde qui miroite en reflets lugubres dans les flaques boueuses, les voitures des marchandes d’oranges apparaissent le long des rues populeuses comme de mouvantes taches éclatantes où rayonne un peu de la lumière et de la chaleur des pays ensoleillés : l’atmosphère maussade et glacée en est tout égayée et des beaux fruits embrasés semble se dégager une flamme qui met aux joues de la marchande et de ses clientes, filles anémiques du faubourg, midinettes pâlies dans les ateliers, une pointe de l’incarnat des héroïnes de Mistral. L’arbre dont le produit est capable d’opérer un tel mirage est de ceux que la Nature a le plus généreusement comblés de ses dons : l’élégance de son feuillage éternellement jeune, la blancheur immaculée de sa fleur, le vif éclat de son fruit sont, pour les yeux, un enchantement qui n’a d’égal que l’ivresse qu’on éprouve à respirer les senteurs exquises dont il est imprégné » (3).
Voilà. Après cela, l’on peut comprendre la place de choix qu’occupe l’huile essentielle de néroli dans le domaine de l’olfactothérapie (pour lequel je me passerais du bla-bla habituel, merci bien), n’empruntant que deux citations. La première, nous la devons à Michel Faucon, décrivant l’huile essentielle de néroli comme luttant « contre la désadaptation aux situations, par hypersensibilité ». Elle concerne, poursuit-il, « les personnes que tout atteint : on n’ose plus rien leur dire car elles sont hyperréactives, hyperstressées » (4). Elles sont donc les parfaits candidats aux situations de crise, de chocs (qu’ils soient physiques comme psychologiques), de deuils, etc., que l’on vit le plus souvent seul : face à ces situations impliquant solitude et isolement, il est évident que l’emploi de l’huile essentielle de néroli est tout à fait pertinent, dans le sens où, en effet, cette huile essentielle prend de la place et comble les espaces habités de vacuité, se faufilant au cœur même, à la source si je puis dire, et au chakra du même nom, Anahata, qu’elle renforce, consolide et répare, afin qu’en jaillissent de nouveau les flots d’amour qui y étaient maintenus captifs, chose bien nécessaire car « se maintenir dans une attitude ouverte est, paradoxalement, source de sécurité et de protection » (5).

Il est maintenant aisé de comprendre, en opérant un raccordement à près de cinq siècles de distance, pourquoi Henri Corneille Agrippa écrivait que l’oranger était régi par Vénus. S’il y a une divinité que l’on peut facilement associer au chakra du cœur, c’est bien elle, de même que la liaison entre Hermès/Mercure et le chakra de la gorge est évidente. Ce « cœur » d’amour, de feu et de chaleur fait également référence à quelque chose que nous avons évoqué naguère : l’association de l’huile essentielle de néroli avec le méridien du Triple Foyer (auquel participe aussi l’huile essentielle de petit grain bigarade). Ce mot – foyer – issu du feu lui-même, rappelant l’âtre qui l’abrite, cœur même d’un foyer plus vaste encore, la maison, elle-même, à son tour, abri des futurs jeunes époux. Quoi d’étonnant à ce qu’on ait convié l’eau de fleurs d’oranger lors des rites nuptiaux ? L’aspersion ainsi que le port de couronnes composées de rameaux d’oranger en fleurs marquent le symbole de virginité et de pureté propre à la jeune mariée « parce que son parfum symbolisait la pureté et l’innocence supposée de la jeune fille ; et également parce qu’elle promettait pour l’avenir riche prospérité, l’orange opulente étant par la présence de ses nombreux pépins considérée comme un symbole de fécondité » (6).

L’huile essentielle de néroli en aromathérapie

Cette huile essentielle est, après celle de petit grain bigarade et l’essence d’orange amère, le troisième produit qu’offre l’oranger amer à l’aromathérapie. Ce qui n’est pas rien. Après les feuilles et le zeste, voici venu le temps de nous consacrer à la fleur de cet oranger qui, bien que plus parfumée que celle de l’oranger doux, n’en est pas moins amère par sa saveur, en raison de l’essence aromatique contenue dans des glandes à essence criblant ses pétales blancs, épais et à la texture un peu grasse.
En d’autres lieux que la France, la récolte des fleurs peut s’opérer toute l’année ; dans le Midi, elle débute au mois d’avril, doit se dérouler au matin, après que la rosée se soit dissipée. Délicate, la fleur de l’oranger amer doit être manipulée avec précaution, ne souffrant pas la brutalité. Ceci fait, l’on distille pendant une à deux heures les fleurs d’oranger à la vapeur d’eau. A la sortie de l’alambic, l’on obtient un liquide de couleur jaune ambré aux pâles reflets bleutés et à la caractéristique odeur fine et fleurie, qui surnage sur ce que l’on appelle communément « eau de fleur d’oranger » (mieux vaut parler d’hydrolat, toutes les eaux n’étant pas forcément florales).
Biochimiquement, cette huile essentielle s’équilibre entre les monoterpénols (40 % dont linalol, géraniol) et les monoterpènes (40 % dont limonène, bêta-pinène, ocimène, etc.). Les esters (10 %) sont représentés par les acétates de linalyle, de géranyle et de néryle, et les sesquiterpénols (5 %) par le nérolidol et le farnésol.
Cette huile exige un nombre impressionnant de fleurs pour en obtenir qu’une toute petite quantité : en effet, une tonne de ces fleurs est nécessaire pour obtenir 0,7 à 1,2 kg d’huile essentielle de néroli. Ce très faible rendement explique le prix très élevé de cette huile essentielle ainsi que les nombreuses tentatives de falsification dont elle est l’objet.
N’achevons pas de suite cette rubrique, la fleur de l’oranger amer ne se résumant pas qu’à la seule huile essentielle qu’elle fournit. En effet, un certain contingent de ces fleurs se destine à une pratique phytothérapeutique et ne demande pas moins de soin, en particulier en ce qui concerne la dessiccation qui doit être prompte et soignée, réalisée à l’abri de la lumière. De blanches, les fleurs dont on aura pris soin d’ôter le calice, virent assez étonnamment à une couleur roussâtre, tandis qu’elles perdent une grande partie de leur parfum mais nullement leur amertume. Dans ces fleurs, l’on trouve des matières pectiques et résineuses, du sucre (glucose), de la gomme, de l’albumine, de l’acide acétique et enfin deux flavonoïdes, le naringoside et le néo-ériocitroside.

Propriétés thérapeutiques

« L’essence de fleurs d’oranger, ce n’est point un médicament, mais un produit de parfumerie », écrivait Fournier dans les années 1940 (7). L’un n’exclut pas l’autre, même si, bien sûr, dans les deux cas, la cherté du produit en impose un strict usage. La parfumerie faisant de plus en plus appel à un néroli synthétique (8), l’aromathérapie redécouvre cette huile essentielle dont les nombreuses propriétés ne peuvent que donner tort à Paul-Victor Fournier.

  • Anti-infectieuse (antibactérienne à large spectre, antivirale), antiparasitaire
  • Sédative, calmante, apaisante, déstressante, hypnotique légère, inductrice du sommeil, antidépressive, ré-équilibrante et tonique nerveuse
  • Antispasmodique, diminue l’amplitude des contractions cardiaques, hypotensive
  • Veinotonique
  • Stimulante hépatopancréatique
  • Anti-inflammatoire
  • Aphrodisiaque, stimulante de la libido
  • Astringente, antiseptique, tonique et régénératrice cutanée

Note : les fleurs en phytothérapie, outre qu’elles exercent une action favorable sur l’appétit et la digestion, sont fébrifuges et diaphorétiques.

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère cardiaque et circulatoire : palpitations, tachycardie, hypertension, varice, hémorroïdes, couperose
  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : flatulence, dyspepsie, diarrhée chronique, colite spasmodique, entérocolite bactérienne et virale, maladie de Crohn
  • Troubles de la sphère respiratoire + ORL : infection des voies aériennes, bronchite, otite, otite du nourrisson
  • Insuffisance hépatopancréatique, hépatisme
  • Spasmes musculaires, crampe, contracture
  • Affections cutanées : peaux rougies, irritées et/ou sensibles, prurit, acné, cicatrice, ride, vergeture
  • Asthénie sexuelle
  • Troubles du système nerveux : nervosité (y compris chez l’enfant en bas âge), stress, anxiété, angoisse, crise d’angoisse, trac, peurs, hyperactivité, fatigue nerveuse, épuisement psychique, insomnie, agitation nocturne, autres troubles du sommeil, déprime, dépression

Modes d’emploi

  • Huile essentielle : voie orale, voie cutanée diluée, olfaction, diffusion atmosphérique.
  • Teinture alcoolique de fleurs fraîches.
  • Sirop de fleurs fraîches.
  • Infusion de fleurs sèches, seules ou accompagnées :
    – fleurs d’oranger (½) + tilleul (½) ;
    – fleurs d’oranger (¾) + camomille romaine (¼).
  • Hydrolat aromatique de fleurs d’oranger : voie orale, vaporisation cutanée. Seul ou accompagné :
    – trio aromatique tranquillisant du docteur Leclerc : hydrolat de fleurs d’oranger (½) + hydrolat de tilleul (¼) + hydrolat de laitue (¼). Ce dernier ne courant plus les rues, vous pourrez avantageusement le remplacer par ceux de verveine citronnée ou de mélisse officinale.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Il est parfois conseillé de diluer l’huile essentielle de néroli dans de la cire liquide de jojoba à raison d’¼ d’huile essentielle pour ¾ de cire liquide, laquelle n’est pas sujette au rancissement, ce qui assure une conservation optimale de cette huile essentielle qui, même diluée ainsi, reste également puissante, ce qui autorise un large champ d’application. Après, vous pouvez faire comme moi et la laisser tranquillement dans son flacon, c’est vraiment au choix, quand bien même son flacon est fréquemment en verre non teinté, ce qui est assez bizarre en soi.
  • Compte tenu de sa cherté, l’huile essentielle de néroli reste peu usitée et doit l’être avec parcimonie. De la même manière qu’avec l’huile essentielle de rose de Damas, il est toujours possible d’utiliser l’hydrolat de fleurs d’oranger en aromathérapie qui contient encore un gramme d’huile essentielle au litre. Cela en fait un produit pas tout à fait dénué d’effets, au contraire de la remarque qu’adressait Cazin au XIX ème siècle qui préférait l’eau d’oranger à laquelle on ne retirait pas l’essence contrairement à celle qui s’en voyait privée. En attendant, cet hydrolat possède les propriétés suivantes :
    – Il est anti-infectieux : il permet de laver et d’apaiser les muqueuses (yeux, fosses nasales, plaies…), ainsi que la peau et le cuir chevelu ;
    – Il est anti-inflammatoire, tonique et apaisant cutané : très utile pour tout ce qui est démangeaisons, irritations de la peau et du cuir chevelu. De plus on pourra en faire usage en cas d’hypersensibilité propre aux peaux sèches ainsi que pour le soin des peaux matures et/ou grasses ;
    – Il est antispasmodique, calmant et sédatif du système nerveux : il permet de mieux gérer les émotions, en particulier le stress, l’anxiété, la nervosité et l’insomnie d’origine nerveuse (chez l’enfant comme chez l’adulte). Son pouvoir calmant s’applique aussi sur la sphère gastro-intestinale (spasmes digestifs, digestion difficile et douloureuse, « maux d’estomac ») ainsi que cardiovasculaire et circulatoire (éréthisme cardiovasculaire, angiospasme, palpitations).
  • A hautes doses, l’hydrolat de fleurs d’oranger peut devenir stupéfiant.
  • Au-delà du strict usage thérapeutique, l’on peut faire intervenir cet hydrolat en cuisine afin d’aromatiser nombre de préparations (sauces, crèmes, desserts, salades de fruits…).
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    1. Anthelme Brillat-Savarin, La physiologie du goût, pp. 122-123.
    2. Cité par Jean-Luc Hennig, Dictionnaire littéraire et érotique des fruits et légumes, p. 439.
    3. Henri Leclerc, Les fruits de France, pp. 234-235.
    4. Michel Faucon, Traité d’aromathérapie scientifique et médicale, p. 453.
    5. Alain Faniel, L’olfactothérapie, p. 182.
    6. Jacques Brosse, La magie des plantes, p. 253.
    7. Paul-Victor Fournier, Dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France, p. 290.
    8. Sachons que les fleurs d’oranger amer subissent aussi l’extraction par solvant, formant concrète et absolu, produits de grand luxe exclusivement réservés à la parfumerie.

© Books of Dante – 2018

Anne-Marie de la Trémoille (1642-1722)