L’huile essentielle de géranium rosat (Pelargonium graveolens)

Ce n’est pas mon huile essentielle favorite, mais comme j’avais tout un tas d’informations nouvelles à son propos, le géranium rosat est repassé sur le métier. Bienvenue dans cette version augmentée, détricotée, etc. de l’huile essentielle de géranium rosat.

Belle lecture à toutes et à tous, bon week-end et à bientôt :)

Gilles



Synonymes : géranium rose, mauve rose.

Si le géranium rosat a, grâce à la main de l’homme, diversifié ses parfums1, il était initialement cantonné au sud du continent africain, région où s’implantèrent de manière définitive plusieurs ressortissants de pays européens dans le courant du XVIIe siècle. C’est aux environs de 1690 que provinrent, de la région du cap de Bonne-Espérance, les premiers spécimens de géraniums africains en Europe. Ce n’est que bien plus tard, en 1819, que le pharmacien français César Auguste Recluz (1799-1873) obtint, par distillation de la plante, l’huile essentielle de géranium rosat, alors qu’il étudiait la pharmacie à Lyon. Il fallut attendre une trentaine d’années avant que ne soit décidé le début de la culture du géranium rosat dans une visée industrielle. Ainsi rejoignit-il orangers, violettes et narcisses dans la région de Grasse et de Pégomas, ainsi qu’en quelques points du Var et de la Provence. Sans être une échec, l’expérience rencontra des difficultés insolubles (investissements excessifs pour un rendement faible et incertain). C’est pourquoi on transposa cette culture à la Corse et aux colonies françaises d’alors toutes proches (Algérie, Tunisie, Maroc). Dans le cadre de la culture des plantes à parfums, on expédia le géranium sur l’île de la Réunion aux alentours des années 1865-1870. Cultivé en particulier dans la région de la Petite France à l’ouest de l’île, un travail patient de sélection permit d’accéder à une variété qu’on connaît depuis sous le nom de géranium Bourbon (en rapport avec le nom que porta l’île de 1649 à 1793, date à laquelle on déchut ce nom d’ancien régime au profit de celui plus révolutionnaire de Réunion). On peut dire que ce fut un succès, puisque la qualité de l’huile essentielle de géranium rosat type Bourbon produite sur le territoire réunionnais (ainsi que malgache, non loin de là) surpassait celle des huiles distillées dans le bassin méditerranéen. Également inspirés, des pays comme la Turquie, l’Italie et l’Espagne naturalisèrent le géranium rosat sur leur territoire. Il fut même cultivé dans des pays auxquels on ne pense pas dès lors qu’il est question de géranium rosat : l’Autriche et le sud de l’Allemagne (il faut se méfier des zones à tendance gélive, le géranium, peu rustique, ne supportant pas des températures inférieures à 5° C). Il s’écarta même plus à l’est, puisqu’on le retrouve encore aujourd’hui en Égypte, et bien plus loin, en Chine (Yunnan), où il produit une huile essentielle beaucoup plus riche en citronnellol, ce qui en fait un produit assez différent des huiles essentielles d’origine africaine.

Son parfum âcre, pas des plus agréables, lui a valu un dicton selon lequel quand le géranium est là, le serpent ne vient pas. Présomptueux ? Encore faudrait-il se renseigner sur la nature exacte dudit serpent. Quoi qu’il en soit, autrefois, dans les campagnes, on pensait fermement que les plantes à odeur forte permettaient de repousser les parasites. La langue de vipère n’en est-elle pas un ? Le jardinier Michel Lis nous apprend qu’en « Italie, les loquets des portes sont une fois par an frottés avec du géranium frais pour tenir à distance les voleurs »2. Peut-être parle-t-il du géranium qui fleurit au balcon et dont l’objectif – on l’oublie assez souvent – n’est pas qu’ornemental : il éloigne les indésirables moustiques voleurs de sang, de même que son cousin africain, Pelargonium graveolens, dont l’huile essentielle, diffusée près d’une porte d’entrée, en écarte généralement d’autres importuns : les voisins casse-pieds qui en font le siège, par exemple ^.^

Il était nécessaire, je pense, de faire le distinguo entre le géranium des fleuristes et le soi-disant « géranium » qui fait l’objet de cet article d’aromathérapie. Ce géranium rosat est une plante vivace qu’il faut imaginer vivre dans la nature, au sein de son biotope naturel (sud de l’Afrique). Grâce à une souche ligneuse (c’est-à-dire qui fabrique du « bois »), il peut atteindre plus d’un mètre de hauteur, ce qui lui donne l’allure d’un gros buisson, impression renforcée par une profusion de tiges rameuses très feuillues. Ses feuilles alternes sont généralement très découpées (selon cinq à sept lobes), dentelées, crépues et duveteuses. Si l’on y regarde de plus près, on peut constater que tiges et feuilles comportent deux façons de poils : les premiers, très fins, longs et effilés, en dissimulent d’autres plus courts, épais à la base, renflés à leur sommet : ce sont les véritables poils sécréteurs de la plante, c’est-à-dire abritant des poches d’essence aromatique que l’on brise quand on froisse la plante qui imprègne alors les doigts d’une douceâtre odeur de rose citronnée. Quant à la floraison, elle intervient diversement selon le climat et l’aire géographique : d’avril à octobre pour la plupart des pays tempérés, elle est par exemple plus précoce en Algérie (mars). Les ombelles capitulées du géranium rosat se composent de fleurs à cinq pétales dont les supérieurs sont le plus souvent roses ou pourpres et les trois inférieurs striés de lignes rouge sang. Très parfumées, elles participent à la renommée aromathérapeutique du géranium rosat.



Pelargonium graveolens par Pierre-Joseph Redouté paru dans le Geraniologia de Charles Louis l’Héritier de Brutelle (1787-1788).


L’huile essentielle de géranium en aromathérapie

La culture du géranium rosat, soumise à bien des facteurs décisifs et cruciaux, permet d’obtenir des produits dissemblables non seulement en raison de l’implantation géographique, même si l’on consent à accorder qu’elle compte pour beaucoup, mais également en fonction de caractères comme l’exposition solaire, la quantité de chaleur reçue dans l’année, l’altitude, la protection face aux vents, la sensibilité vis-à-vis d’un excès d’humidité hivernale ou d’une extrême sécheresse estivale, etc. Soit tout un panel de critères qui ne dépendent pas du bon vouloir du cultivateur. A cela, s’ajoute ce qui peut être de son propre ressort : l’installation du géranium rosat sur telle ou telle parcelle de sol (de préférence calcaire, profond et riche en humus), la qualité de la fumure (un sol trop engraissé risque de fabriquer beaucoup de feuilles proportionnellement peu riches en essence, contrairement aux sols légers et sablonneux), le contrôle de l’arrosage… Des facteurs climatiques, culturaux et anthropiques sont donc à l’origine de la naissance d’une huile essentielle de géranium rosat de qualité (ou pas). Il y a un siècle, on comptait encore la France (avec la Corse) et l’Espagne comme les principaux fournisseurs de l’industrie de luxe en huile essentielle de géranium rosat de haute qualité, alors que celles en provenance du Maghreb et de la Réunion étaient jugées « ordinaires ». Les choses ont depuis bien évolué, puisque nombreux sont ceux qui estiment l’huile essentielle de géranium rosat de la Réunion (voire de Madagascar) comme le nec plus ultra en matière de géranium rosat, qu’on dit alors spécifiquement « bourbon » dans ce cas (comme un cru de vanille). Il est fort probable que ce jugement métropolitain d’autrefois ait été motivé par un sentiment cocardier qui ne parvenait pas, alors, à compter la Réunion au nombre des possessions françaises (j’ai vu des auteurs parler de cette île comme de « l’étranger » !). Quant à la récolte, elle est inféodée, elle aussi, à des impératifs climato-météorologiques. Par exemple, à l’époque où la culture du géranium était encore d’actualité du côté de Grasse et dans un certain nombre de départements méridionaux, on procédait généralement à la récolte en août/septembre (avec parfois une seconde coupe en octobre/novembre). En Corse, où le climat est plus favorable au géranium, on le récoltait une première fois en mai, puis en août, et éventuellement une troisième fois en septembre/octobre. En cela, la Réunion se voit privilégiée, car les récoltes sont échelonnées toute l’année : printemps, été et automne. Selon la saison, le rendement varie, ainsi que la qualité globale du produit : proche de 0,10 % en avril, il double en été, pour revenir en automne à son niveau printanier. Malgré cela, on continue d’affirmer que la première récolte de l’année offre la meilleure qualité d’huile essentielle.

On fauche à la faucille le géranium par temps sec, le soir, ce qui permet d’éviter un début de dessiccation des feuilles, tout en prenant soin de ne pas trop bousculer le végétal dont les feuilles peuvent facilement se détacher. Sans plus attendre, on procède à la distillation, afin d’éviter à la matière verte de s’échauffer et de fermenter, ce qui lui ferait immanquablement perdre une partie de sa valeur. On privilégie uniquement les feuilles seules ou plutôt les rameaux fleuris, à l’exclusion des tiges ligneuses qui entravent plutôt le bon déroulement des opérations. Après une épreuve de distillation à basse pression dont la durée s’étale de 90 mn à 3 heures, l’on obtient une huile essentielle liquide et limpide, de densité comprise entre 0,885 et 0,905, en très faible quantité, le rendement oscillant entre 0,15 et 0,35 %3. Fréquemment jaune très pâle, elle peut faire porter à sa robe des couleurs plus soutenues allant du vert jaunâtre à des jaunes brunâtres plus prononcés. Puis l’huile essentielle est filtrée à l’abri de la lumière, serrée dans des flacons bien hermétiques placés dans un endroit frais et sombre, afin qu’elle y « mûrisse » Selon sa provenance, il est bien évident que l’huile essentielle de géranium rosat présente des variations biochimiques. Grâce à plusieurs chromatographies en phase gazeuse portant sur des lots d’huiles essentielles biologiques, je puis fournir un ensemble de données. Voici quelques-unes des principales molécules contenues dans l’huile essentielle de géranium rosat (on en compte, au total, de 170 à 190).

  • Monoterpénols (53,50 %) dont : citronnellol (33,15 %), géraniol (13,50 %), linalol (4,80 %)
  • Esters (15 %) dont : formiate de citronnellyle (8 %), formiate de géranyle (2,70 %)
  • Cétones (7,50 %) dont : menthone (2 %), isomenthone (5,20 %)
  • Sesquiterpènes : 7,30 %
  • Monoterpènes : 1,40 %

On observe un trait commun à cette huile essentielle et à celle de rose de Damas : elles contiennent chacune un tiers de leur masse de citronnellol (à ne pas confondre avec le citronnellal, un monoterpénal présent dans les huiles essentielles d’eucalyptus citronné, de citronnelle de Java, etc.), et à peu près la même quantité de géraniol (autour de 15 % en moyenne). Cependant, il reste un grand écart moléculaire de l’une à l’autre. Cela n’a pourtant pas dissuader les gens de percevoir dans le parfum de l’huile essentielle de géranium comme une odeur de rose, d’où l’adjectif rosat, c’est-à-dire « relatif à la rose ». Rosat est le terme générique qu’on associait à l’ensemble des préparations magistrales (huile, vin, vinaigre, miel, sucre, cérat, glycérolé, beurre, onguent…) qui comptaient pour ingrédient végétal exclusif (quoique pas toujours) la rose (peu importe laquelle, en vérité : rose rouge de Provins, rose pâle, etc.). Si c’est un adjectif bien pratique qui permet d’identifier facilement les produits dits « rosats », il est en revanche trompeur en ce qui concerne l’huile essentielle de géranium rosat qui, bien évidemment, ne contient absolument pas d’huile essentielle de rose, mais dont le parfum s’en approche un peu (quand on expose l’huile essentielle de géranium à l’air, elle gagne encore un peu en ressemblance avec celle de rose de Damas). Afin de marquer cette proximité, il a été décidé d’utiliser le mot rosat qui, sans doute, crée moins de confusion que le seul mot « rose », si jamais on devait l’associer au substantif « géranium ». Déjà que rien n’est simple dans le monde des géraniums/pélargoniums, n’ajoutons pas davantage de complexité et contentons-nous de ces quelques explications. Malheureusement, cette promiscuité olfactive a engagé des personnes peu scrupuleuses sur le chemin de la malhonnêteté : comment – même avec un rendement aussi chiche – est-il possible d’exploiter l’huile essentielle de géranium pour la faire passer pour de l’huile essentielle de rose, beaucoup plus onéreuse à l’achat ? Eh bien, en la falsifiant par divers moyens : essence de térébenthine, alcool phényléthylique, essence de gurjum (ce qui est très curieux, vu que cette huile essentielle ne contient pas une once de citronnellol et de géraniol…), géraniol synthétique, etc., chaque époque ayant ses méthodes. Aussi, voyons un peu comment les opérations se déroulaient en Turquie au XIXe siècle par exemple : on fraudait l’huile essentielle de rose avec de l’essence de géranium à laquelle on mêlait une certaine part de blanc de baleine (ou spermaceti, substance contenant divers triglycérides et cires), afin d’assurer à l’ensemble une cristallisation factice (on se rappellera que cette huile essentielle se « fige » en-dessous de 18° C). Vu que l’huile essentielle de géranium rosat coûtait alors huit à dix fois moins cher que celle de rose (ce qui, au reste, n’a guère changé de nos jours), on se livrait plus facilement qu’aujourd’hui à ce honteux commerce (à l’heure qu’il est, on dispose des chromatographies en phase gazeuse afin de se prémunir de telles ruses condamnables). Servant le faussaire, l’huile essentielle de géranium rosat est, elle aussi, l’objet de pratiques frauduleuses ! Le peu de géraniol qu’elle contient ne lui permet pas de tenir la comparaison avec les huiles essentielles de thym vulgaire CT géraniol (65 %), de palmarosa (ex « palma rosat » ; 80 %) ou encore de monarde (90 %). Ce n’est donc pas de là que provient le coupable. Pour la contrefaçon, compte tenu que l’on perçoit des notes citronnées dans l’huile essentielle de géranium rosat, qui appelle aussi un fond doux et sucré de litchi, quoi de plus simple que d’alimenter le marché par de fausses huiles essentielles de géranium rosat obtenues à partir de ces produits qui valent trois fois rien que sont les cymbopogons ? Lemongrass, gingergrass, citronnelles de Java et de Ceylan viennent donc au secours du contrefacteur !

Le géranium rosat subit parfois l’épreuve de l’enfleurage à froid, procédé permettant la fabrication d’un absolu spécifiquement réservé à la parfumerie. Ne nous étalons donc pas sur ce sujet et poursuivons en direction des propriétés et usages.

Propriétés thérapeutiques

  • Anti-infectieuse : antibactérienne, antifongique majeure (cette huile essentielle est par exemple capable de lutter contre les moisissures allergisantes présentes dans les habitations), antiparasitaire (vermifuge), antiseptique
  • Tonique veineuse et lymphatique, décongestionnante hémorroïdaire
  • Diurétique, tonique urinaire
  • Anti-inflammatoire, antalgique
  • Antispasmodique, relaxante, apaisante, calmante, régulatrice du système nerveux
  • Neurotonique, immunomodulante, stimulante des cortico-surrénales
  • Astringente cutanée, cicatrisante, régénérante et antiseptique cutanée, rééquilibrante de la sécrétion de sébum
  • Soutien du système reproducteur chez la femme, du cycle menstruel et de la ménopause
  • Stimulante hépatopancréatique, antidiabétique
  • Insectifuge (pou, puce, tique, moustique ; elle peut être secondée par l’une des nombreuses autres huiles essentielles qui œuvrent dans ce domaine : palmarosa, eucalyptus citronné, niaouli, citronnelles, etc.)

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : diarrhée, spasmes gastro-intestinaux, gastro-entérite, ulcère gastrique, « brûlure » d’estomac, douleur gastrique, vers intestinaux chez l’enfant et l’adulte (ascaride, oxyure), colite, candidose intestinale
  • Troubles de la sphère cardiovasculaire et circulatoire : hémorroïde et prurit hémorroïdaire, prévention des varices et des phlébites, jambes lourdes, œdème, lymphœdème, rétention d’eau, insuffisance lymphatique, hypertension, couperose, syndrome de Raynaud, saignement de nez
  • Troubles de la sphère vésico-rénale : candidose urinaire , lithiase urinaire
  • Troubles de la sphère gynécologique : hémorragie utérine, ménorragie, dysménorrhée, vulvite, prurit vulvaire, mycose gynécologique (candidose vaginale), endométriose (ralentir l’hyperfolliculinie), syndrome prémenstruel, symptômes de la ménopause, douleur et engorgement des seins, mastite, mastose, infertilité, frigidité
  • Troubles de la sphère génitale masculine : impuissance, congestion et hypertrophie de la prostate
  • Troubles de la sphère respiratoire : sinusite, hémoptysie, angine
  • Troubles locomoteurs : douleur lombaire, tendineuse et musculaire, tendinite, névrite, arthrite, rhumatisme ostéo-articulaire, pieds fatigués et douloureux
  • Affections bucco-dentaires : aphte, stomatite, glossite, candidose
  • Affections cutanées : plaie, plaie de cicatrisation difficile, ulcère (y compris variqueux), dartre, eczéma sec, psoriasis, furoncle, mycose (cutanée, sous-unguéale), acné, impétigo, croûte de lait, coupure, brûlure, bleu, ecchymose, engelure, vergeture, vieillissement cutané (rides et ridules, peau fatiguée et dévitalisée), peau grasse, sèche et/ou déshydratée, transpiration excessive, piqûre d’insecte, coup de soleil, cheveux gras ou secs
  • Troubles du système nerveux : stress, anxiété, angoisse, agitation, peur, phobie, trac, timidité, crise émotionnelle (avec état de choc), troubles du sommeil, insomnie, fatigue (nerveuse, psychique et intellectuelle), surmenage, manque de tonus psychique, apathie
  • Fatigue physique, asthénie
  • Diabète, atonie pancréatique
  • Utilité dans la désaccoutumance tabagique et alcoolique

Propriétés psycho-émotionnelles et énergétiques

Dans cette huile essentielle, on peut remarquer deux éléments principaux : le Feu (en majorité, cf. les monoterpénols) et l’Eau (en minorité, cf. les esters et les sesquiterpènes). Ces deux éléments nous permettent de nous diriger vers deux méridiens : celui du Triple Foyer (Feu) et celui des Reins (Eau).

Commençons par le premier de ces méridiens afin de superposer médecine traditionnelle chinoise et aromathérapie à « l’européenne ». Tout d’abord, nous pouvons dire que ce méridien est un transporteur (de sang, d’énergie, de liquides organiques…), un régulateur et un éliminateur. Il s’oppose donc à la formation des « stases », c’est-à-dire des états d’immobilité, ce en quoi on retrouve bien l’huile essentielle de géranium rosat dans ce portrait. En effet, nous l’avons dit veinotonique et lymphotonique. Par exemple, dans ce cas, une « stase » serait un œdème, de la rétention d’eau, etc. Lorsqu’un dysfonctionnement affecte le méridien du Triple Foyer, apparaissent de l’apathie, une asthénie, de la fatigue, un manque d’entrain. Or l’huile essentielle de géranium rosat, neurotonique, stimulante des cortico-surrénales (elles sont en relation avec le méridien des Reins), immunomodulante, permet, justement, de contrecarrer ces manifestations.

D’un point de vue psycho-émotionnel, si ce méridien présente une insuffisance énergétique, on observe un manque de gaieté ainsi que des capacités intellectuelle plus faibles qu’à l’habitude. En revanche, si l’on distingue un excès, il peut alors être associé à de l’irritabilité, de l’excitation, de l’agitation, etc., chose que l’huile essentielle de géranium rosat est capable d’engourdir (elle est, rappelons-le, apaisante et calmante).

Enfin, se préoccuper de l’état de ce méridien peut trouver son utilité dès lors qu’on rencontre des difficultés à faire la part des choses entre préoccupations matérielles (yin) et spirituelles (yang). C’est peut-être ce qui a fait dire à certains que l’huile essentielle de géranium rosat était une harmonisante du yin et du yang… (Précisons, au passage, que ce méridien est yang et que le suivant est yin…)

Passons donc maintenant en revue le deuxième méridien qui s’impose à nous lorsqu’on évoque l’huile essentielle de géranium rosat. Parmi les pathologies associées au dysfonctionnement du méridien des Reins, nous en rencontrons un grand nombre déjà évoquées dans la section « Usages thérapeutiques » : lithiase, rétention d’eau, lombalgie, douleur articulaire et musculaire, fatigue générale, cortico-surrénales en berne. L’on voit donc, au travers de cet exemple, que l’huile essentielle de géranium rosat est susceptible de corriger les troubles physiques provoqués par une perturbation de ce méridien. Bien sûr, les troubles émotionnels ne sont pas oubliés. Ainsi, les peurs, angoisses, phobies, trac, effets d’une timidité excessive, etc. sont-ils justiciables de l’emploi de l’huile essentielle de géranium rosat.

En ce qui concerne les chakras auxquels cette huile essentielle peut s’appliquer, il s’en trouve un dont le mauvais fonctionnement peut entraîner des difficultés de perception visuelle : le chakra du troisième œil. Il fait directement référence à la couleur indigo, qui se trouve être la couleur de l’aura des deux huiles essentielles de géranium rosat que j’ai testées à l’occasion. La couleur opposée et complémentaire à l’indigo sur le disque chromatique est un mélange d’orange et de jaune. Au jaune, on lie le chakra du plexus solaire et au orange celui qu’on appelle sacré.

« Le parfum [de l’huile essentielle de géranium rosat] passe pour rendre ardent et aventureux »4, mais communique aussi une sorte de plénitude calme et confiante, ainsi qu’une présence généreuse.

Modes d’emploi

  • Voie orale : mode d’administration le moins souvent consenti, mais néanmoins envisageable : trois fois trois gouttes par jour sur une durée réduite à une semaine. On place les gouttes sur un comprimé neutre, dans une cuillerée d’huile d’olive, de miel, de purée d’amandes, etc.
  • Diffusion atmosphérique, olfaction.
  • Voie cutanée : pure en geste d’urgence, mais diluée le plus souvent à hauteur de 5 % pour le visage et 17,50 à 20 % maximum pour le reste du corps.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Huile essentielle à bonne tolérance cutanée en temps normal. Mais il existe quelques exceptions à cette « règle » : j’ai, par exemple, souvenir d’une pénible expérience avec cette huile essentielle. Bien que diluée, son application cutanée ne s’est alors pas fait sans mal. Surgirent sensation de chaleur, rougeur et érythème douloureux persistant sur une bonne partie du visage. Depuis, je n’utilise plus que l’hydrolat aromatique de géranium rosat en ce qui concerne le visage. Cette huile essentielle, que j’utilise très peu, ne m’occasionne par ailleurs aucun désagrément.
  • L’huile essentielle de géranium rosat, malgré tout les bons services qu’elle apporte à la femme, ne fait pas très bon ménage avec celle qui est enceinte. Elle est régulièrement présentée comme étant un produit à employer avec prudence dès le quatrième mois, mais jamais durant ceux qui précèdent.
  • L’huile essentielle de géranium rosat est déconseillée en cas de phlébite avérée.
  • Les feuilles fraîches de géranium rosat sont comestibles. Il est possible de les utiliser comme matière aromatique en cuisine.
  • Nombreux sont les produits de parfumerie, cosmétique, savonnerie et hygiène qui font appel au pouvoir odoriférant du géranium rosat. Gageons que de l’une aux autres on ne fasse pas intervenir les mêmes types d’huiles essentielles. Si elle peut s’avérer presque nécessaire à la parfumerie (qui est pour moi un luxe bien superflu), il est en revanche peu utile de faire intervenir cette huile essentielle (même de piètre qualité) dans les produits d’hygiène. Cela s’apparente plus à du gaspillage qu’à toute autre chose.
  • Le géranium rosat fait partie de ces plantes qu’on utilise exclusivement sous forme d’huile essentielle sous nos latitudes. N’étant pas une plante indigène, cela en explique la raison. Mais ce géranium ne se borne pas qu’à un seul usage aromathérapeutique. A l’instar du ravintsara malgache et de l’arbre à thé australien, le géranium rosat est utilisé par les pharmacopées locales, par le biais de ce que nous nommons phytothérapie. Son absence sur le sol français limite nécessairement cet usage. Cependant, l’on peut tout de même indiquer quelques données à ce sujet, qui concernent essentiellement des applications externes à base de feuilles de géranium rosat : infusion de feuilles (contre angine, stomatite, glossite), décoction de feuilles (névralgie faciale, douleur gastrique, douleur lombaire, engorgement des seins, dartre, eczéma, œdème des membres inférieurs…), feuilles écrasées et pilées (sur coupure, plaie, ophtalmie, engelure) ou mêlées à de l’huile d’olive comme pommade (sur inflammations des seins, en cas de pédiculose…).

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  1. Chez le pépiniériste, on peut le rencontrer, ainsi que ses nombreuses variétés : ces cultivars généralement annuels sont des espèces très parfumées, fruits d’un travail horticole et d’hybridations multiples et répétées. C’est ainsi que, d’une variété à l’autre, en en froissant très légèrement les feuilles, on perçoit un parfum différent : citron, orange, pomme, abricot, carotte, eucalyptus, pin, cèdre, noix de coco et même chocolat ! Le hic, c’est que sous nos latitudes, ils ne deviennent pas pérennes : on est dans l’obligation de s’en servir dans l’année et d’en faire sécher les feuilles avant que la plante entière ne fane et ne vienne à mourir.
  2. Michel Lis, Les miscellanées illustrées des plantes et des fleurs, p. 70.
  3. Autrefois, pour augmenter le rendement, on agitait l’hydrolat aromatique de géranium rosat obtenu en queue de distillation avec un extractif, l’éther de pétrole. Cela permettait, sur cent litres d’hydrolat, de retirer encore 20 g d’essence qui, s’ajoutant aux 160 obtenus par la distillation de 100 kg de géranium, portait le rendement à pas loin de 0,20 %, ce qui reste bien faible, à l’image de la rose qu’on cohobe de la même manière que le géranium rosat.
  4. Antonin Rolet, Plantes à parfums et plantes aromatiques, p. 207.

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