Le mot laurier est une rectification de lorier. Quant à laurus, il est issu du latin lauda, ce qui signifie louanges. Il était expressément réservé à la confection de couronnes que l’on plaçait sur la tête de ceux qui méritaient louanges, pratique qui s’est étendue de l’Antiquité jusqu’au Moyen-Âge (1). On lui accorde aussi une symbolique de paix et de victoire, d’où les expressions « se couvrir de lauriers », « cueillir les lauriers », etc.
Au Moyen-Âge, la pratique du couronnement est encore vivace. Elle concerne les jeunes médecins qui reçoivent une couronne de laurier garnie de baies, la bacca laurea (d’où l’origine du mot baccalauréat) qui récompense les méritants, comme ce fut déjà le cas d’Apollon qui couronnait de laurier le chef des braves.
La Pythie de Delphes ne prophétisait jamais sans avoir mâché ou fait brûler du laurier, en vertu des qualités divinatoires de cette plante. La manducation – c’est-à-dire le fait de mâcher puis d’avaler – des feuilles de laurier était censée provoquer une extase qui permettait une communication avec les sphères divines et rendait ainsi possibles les paroles oraculaires de la Pythie (2). Si l’on reconnaît à l’huile essentielle de laurier noble un pouvoir narcotique à hautes doses, la manducation de quelques feuilles de laurier permettait-elle réellement d’entrer en transe ou bien faut-il mettre ce phénomène sur le compte des fumigations de graines de jusquiame, elles aussi fréquemment employées dans le même but ? Souvent, d’autres prêtres et prêtresses dormaient sur des couches constituées de ramilles de laurier noble. C’était, dit-on, une manière de favoriser les rêves prémonitoires et le don de double vue. Plus prosaïquement, Pline indique cette manducation contre la toux ! Un autre rituel consistait à écrire avec de la myrrhe et du sang sur une feuille de laurier afin d’accéder à la révélation, ce qui permettait à l’officiant de devenir celui qui sait tout à l’avance.
Son caractère semper virens lui a d’emblée accordé une symbolique d’immortalité. Et ce n’est sans doute pas pour rien que les Romains en firent un symbole de gloire. Cette symbolique est présente en Chine où l’on dit que c’est au pied d’un laurier que le lièvre de la Lune broie les simples dont il tire une drogue… d’immortalité, bien sûr, quand bien même il semble plus que probable qu’il ne s’agisse pas de laurier mais de cannelier, autre spécimen de la famille des Lauracées.
La Pythie de Delphes rendant l’oracle
Il possède également vertu de protection. En cela, il était couramment planté auprès des habitations puisqu’il apportait sagesse et pureté. C’est à l’aide de branches de laurier que l’on balayait le parvis du temple d’Apollon, à Delphes, tandis que Théophraste se baladait avec une branche de laurier entre les dents, après s’être purifié les mains et reçu une aspersion d’eau lustrale.
Puisqu’on pensait qu’il favorisait la continence, le laurier fut régulièrement employé par les mystes. Anaphrodisiaque, donc ? C’est du moins ce que laisse suggérer l’épisode lors duquel Daphné se refuse à Apollon…
- Lors des jeux pythiques de Delphes, le laurier était très souvent récolté par de jeunes gens.
- C’est ce qui fit dire que le laurier possède un pouvoir cathartique.
© Books of Dante – 2014