La grande capucine (Tropaeolum majus)

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Synonymes : cresson du Pérou, cresson du Mexique, cresson d’Inde, cresson des jésuites, fleur d’amour, plante à cheveux.

Comment soupçonner que derrière cette plante qui enflamme les jardinières et les parterres se cachent des vertus thérapeutiques indiscutables ? Il en est pourtant bien ainsi, car il en va d’usages multiples. Par exemple, saviez-vous qu’autrefois on dégustait les tubercules du dahlia, à l’instar de ceux du topinambour, que l’on laisse, sans savoir, folâtrer au jardin pour ses belles fleurs jaunes – de petits tournesols – sans prêter davantage attention au trésor qui palpite sous la terre ? Mais l’esprit humain est ainsi cadenassé que, lorsqu’il voit une plante x ou y, il la raccroche nécessairement à son expérience personnelle (qui n’est pas toujours très vaste). Pourtant, les capucines (parce qu’elles sont nombreuses ; nous connaissons surtout la minus et la majus, laquelle dernière est l’objet principal de cet article), originaires d’Amérique du sud (Pérou, Chili) et centrale (Mexique), représentaient pour les autochtones tant un médicament qu’un aliment. Par exemple, au Chili, on exposait les tubercules de capucine au soleil afin de leur faire perdre leur âcreté et au Pérou les capucines jouaient le rôle de remède contre les plaies infectées.
Comme l’on sait, à la fin du XV ème siècle sont menées de grandes expéditions afin de joindre les Indes par voie maritime. On connaît la suite avec Colomb : les habitants des deux Amériques s’appelèrent donc « Indiens » et le dindon porte son nom sur la base d’une colossale erreur (qui n’a d’ailleurs jamais été corrigée). Cela explique le surnom de cresson d’Inde souvent attribué à la capucine. Les Espagnols découvrirent donc les capucines en Amérique du Sud. Les historiographes nous disent que la « petite » fut ramenée la première en Europe, en 1570 exactement. Quant à la « grande », il faudra attendre un siècle de plus avant qu’elle ne foule le sol hollandais en 1684. J’ignore quel nom ces deux plantes portaient alors, mais en 1694, Pitton de Tournefort la/les nomme(nt) capucine par analogie avec la forme de la fleur, rappelant une capuche de capucin (pas le singe, le moine !) Quant au nom latin, Tropaeolum, il provient du grec tropaïon (1), tout cela parce que la feuille de capucine a évoqué un bouclier et sa fleur un casque. De ce fait, la capucine relèverait autant du sabre que du goupillon. Mais il ne s’agit là que de simples interprétations humaines, merci bien !
La petite capucine fut décrite dès la fin du XVI ème siècle comme « fleur sanguine du Pérou » par Nicolas Monardes. Entre le trophée et le sang, je pense que la capucine tient davantage du guerrier que du moinillon, d’autant qu’elle est légèrement aphrodisiaque, ce qui ne sied guère à un homme d’église. Une légende régale nous explique que Louis XIV aurait offert le premier bouquet de capucines à Madame de Maintenon. Est-ce un apanage royal que d’être toujours le premier en toutes choses, sachant que la capucine était déjà cultivée depuis le début du XVII ème siècle, où Louis XIV n’était pas même encore né, mais Henri IV, si. D’après ce que je lis dans un petit ouvrage de Michel Lis, Samuel du Mont, parfumeur du roi Henri IV, en aurait fait pousser dans ses jardins lyonnais. Disons que Louis XIV a offert la grande et que Samuel du Mont a fait pousser la petite, chronologiquement ça se tient. Mais l’on constate, une fois de plus, que la capucine est bien davantage rattachée à des figures guerrières que monacales.

En attendant, on n’a pas grand chose à se mettre sous la dent concernant les pouvoirs médicinaux de la capucine. C’est sans doute le médecin allemand Johann Cartheuser (1704-1777) qui fut le premier à lui accorder des propriétés diurétiques, laxatives, pectorales, emménagogues et vermifuges. Tout cela n’empêche pas la médecine populaire de s’emparer de la capucine en France où elle traite bronchites chroniques, catarrhes pulmonaires, emphysèmes, maladies vésicales et rénales (cystite, pyélite). On l’a même cru voir agir sur la phtisie pulmonaire, mais comme le relatera plus tard le Dr Cazin, cela n’était que la résultante d’une mauvaise observation, de nombreuses bronchites aiguës ayant été vues comme des cas de tuberculose. En 1777, Arnold met à jour des propriétés encore inabordées jusque-là : les fruits mûrs et secs de la capucine sont, à haute dose, fortement purgatifs. Sans cela, ils sont uniquement laxatifs. Une dizaine d’années plus tard, le lyonnais François Rozier, botaniste et agronome, mais également abbé, relate dans son Cours complet d’agriculture que les boutons floraux de la capucine se prêtent au même traitement que les câpres, c’est-à-dire qu’il est tout à fait possible de les confire au vinaigre.
Dans le courant du XVIII ème siècle, on voit se produire quelque chose de très étonnant au sujet de la capucine. La botaniste suédoise Elisabeth Christina von Linné, la fille du célèbre Linné renommé pour sa classification binominale, entrevoit, en 1762, un curieux phénomène : « elle avait cru voir, au crépuscule, les fleurs de la capucine émettre des étincelles. On a pensé d’abord à un effet de décharge électrique ; actuellement [1947], on s’accorde à reconnaître là un simple phénomène d’optique » (2). Cependant, le chimiste Henri Braconnot (1780-1855) a travaillé sur l’acide phosphorique contenu en grande quantité dans la capucine, « aussi, ce chimiste a-t-il été porté à attribuer les éclairs instantanés qui s’échappent des parties sexuelles de cette plante, et que la fille de Linné observa la première, à une production de phosphore qui brûle et s’acidifie au fur et à mesure qu’il est formé » (3). Donc… illusion ou réalité tangible ? Je ne sais pas. Des étincelles en plein siècle des lumières, c’est séduisant…

Si dans son aire d’origine la capucine est vivace, sous nos latitudes elle est essentiellement annuelle, voire bisannuelle. C’est une caractéristique que l’on observe aussi chez certains pélargoniums sud-africains ou bien chez le curcuma par exemple. De ces facteurs géographiques et climatiques dépendra la taille que la capucine est susceptible d’atteindre. En effet, en cas d’exposition privilégiée, la capucine peut adopter un port rampant et s’étaler sur plus de deux mètres ou bien grimpant si des supports sont mis à sa disposition. De ses tiges épaisses et succulentes émergent des feuilles rondes de couleur vert tendre, perchées sur de longs pétioles. Aux marges légèrement ondulées et à la surface délicatement nervurée, les feuilles de capucine arborent parfois des limbes panachés. Les fleurs, couleur de feu, d’aurore disait Cazin, c’est-à-dire rouges, orangées, jaunes, fleurissent de l’été jusqu’aux premières gelées. Elles forment ensuite de gros fruits trilobés, composés de trois coques charnues contenant chacune une graine ovoïde.
La capucine affectionne les sols peu fertilisés et bien drainés, relativement ensoleillés. Elle est réputée pour attirer les pucerons, ce qui déroutent ces derniers de plantes plus fragiles.

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La grande capucine en phytothérapie

La capucine, dont on utilise fleurs, feuilles et fruits, est caractérisée par ce que l’on appelait autrefois les hétérosides sulfurés : les glucosinolates, dont la glucotropaéoline. Sa composition révèle la présence de myrosine qui, par hydrolyse, permet d’obtenir une essence sulfurée, dite essence de moutarde, ce qui explique sans mal le côté poivré et piquant de la capucine. Ensuite, divers acides (érucique, oxalique, phosphorique) complètent le portrait biochimique de la capucine, sans oublier, bien sûr, un taux de vitamine C exceptionnel : 285 mg aux 100 g de feuilles fraîches (nous en avions noté 150 à 200 mg pour le cassis ; à côté, le citron fait pâle figure). Tout ceci fait que la capucine se rapproche grandement de certaines plantes issues d’une famille botanique pourtant différente, les Brassicacées : moutarde, cochléaire, cresson de fontaine, etc. D’ailleurs, les usages auxquels la capucine se prête s’apparentent fort à ceux du cresson.

Propriétés thérapeutiques

  • Tonique, stimulante, revigorante, antiscorbutique
  • Diurétique légère
  • Expectorante, fluidifiante des sécrétions bronchiques
  • Laxative, purgative (les graines)
  • Anti-infectieuse : antifongique, antibactérienne, antiseptique pulmonaire
  • Emménagogue
  • Excitante, aphrodisiaque légère
  • Tonique capillaire, stimulante bulbaire, préventive de la chute des cheveux

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère respiratoire : bronchite, hypercrinie bronchique, emphysème, rhume, toux, affections grippales, angine, refroidissement
  • Troubles capillaires et du cuir chevelu : pellicules, calvitie précoce, séborrhée, alopécie d’origines multiples (grossesse, infection fébrile, intoxication chimique et/ou médicamenteuse)
  • Infections de la sphère urinaire et rénale
  • Règles insuffisantes
  • Avitaminose, déchaussement dentaire, scorbut
  • Démangeaison cutanée, brûlure superficielle
  • Vieillissement, sénilité précoce (le Pr Léon Binet conseillait la capucine « à ceux qui veulent vivre longtemps jeunes »)

Modes d’emploi

  • Infusion de feuilles et/ou de fleurs
  • Décoction de feuilles, de semences
  • Suc frais des feuilles
  • Alcoolature
  • Teinture-mère
  • Cataplasme de feuilles fraîches
  • Poudre de semences sèches
  • En nature dans l’alimentation

Contre-indications, précautions d’emploi, autres informations

  • Aucune contre-indication n’a été relevée à ce jour.
  • Récolte : les feuilles entre les mois de juin et de septembre, les fleurs au fur et à mesure de leur éclosion.
  • Alimentation : les feuilles piquantes et poivrées sont comestibles quand elles sont jeunes de préférence en compagnie d’une salade plus douce telle que laitue, mâche ou romaine. Les fleurs tout aussi comestibles et poivrées sont néanmoins plus sucrées que les feuilles. Par leurs coloris, elles mettent le feu à l’assiette ! Les fruits encore verts et les boutons floraux se préparent au vinaigre comme les boutons de fleurs de violette ou les câpres mais sont bien plus aromatiques que ces derniers.
  • Élixir floral : il existe un élixir floral à base de fleurs de capucine qui est préconisé dans des moments d’asthénie-coup de pompe ! Également efficace contre une dévitalisation propre aux personnes qui privilégient davantage l’intellect par rapport au physique.
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    1. Un terme qui veut dire trophée. Selon le dictionnaire, le trophée est « dans l’Antiquité grecque, [un] monument élevé avec les armes prises à l’ennemi, à l’endroit même où a commencé sa déroute » (de tropê, déroute), Logos, Bordas, p. 2995
    2. Paul-Victor Fournier, Dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France, p. 212
    3. François-Joseph Cazin, Traité pratique et raisonné des plantes médicinales indigènes, p. 232

© Books of Dante – 2017

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