Rig-Veda, Soma & Môlu

Après avoir abordé ce sujet dans un post un peu ancien, je me permets de revenir sur la question de savoir ce qu’est le SOMA décrit par les Aryens dans le Rig-Veda.
Ceux que l’on nomme les Rishis composèrent les plus anciens hymnes du Rig-Veda (1500 à 900 av. J.-C.). C’est dire l’importance de ce corpus de textes dont l’origine, par l’intermédiaire des Rishis, serait divine et céleste.

Rigveda

Le soma, abordé dans de nombreuses stances du Rig-Veda, serait-il alors une boisson d’immortalité telle que l’a été l’ambroisie pour le panthéon grec ? (1) Rien n’est certain. Cependant, Robert Gordon Wasson propose une hypothèse d’identification du soma : l’amanite tue-mouches. C’est, du moins, un avis qu’il étaie et explicite sur une vingtaine de pages contenues dans ce petit ouvrage :

Robert_Gordon_Wasson_Le_champignon_divin_de_l_immortalite_suivi_de_Qu_etait_le_Soma_des_Aryens

Certains passages du Rig-Veda laissent perplexes et d’après Wasson il se pourrait bien que le soma soit un champignon de type amanite même si d’autres auteurs ont indiqué par ailleurs que « les descriptions vagues et poétiques du soma ne permettent aucune identification scientifique de la plante » (George Watt, botaniste britannique).
L’ancienneté du Rig-Veda (3000 ans au moins), le langage symbolique et « ésotérique » qui le caractérisent laissent penser qu’une identification n’est pas forcément aisée. Beaucoup de textes anciens (grecs notamment) sont trop évasifs sur la description des plantes pour qu’on soit certain que la plante considérée est bien une telle et pas une autre. Si l’on fouille quelque peu les anciens textes grecs de l’Antiquité, l’on n’y parle pas de soma mais de MÔLU (ou môly).
La plus ancienne mention se trouve dans l’Odyssée d’Homère (VIII ème siècle av. J.-C.). Hermès désigne à Ulysse une « plante de vie » qui l’aidera à déjouer les sortilèges de la magicienne Circé. Il lui en parle de telle manière qu’il « ne se borne pas à cueillir la plante pour la remettre à Ulysse et à lui en expliquer la […] nature cachée, il lui en révèle aussi le nom, que seuls les dieux prononcent pour la désigner, un nom qui appartient à la langue des dieux » (Guy Ducourthial, Flore magique et astrologique de l’Antiquité, p. 131).
Complexe tâche que d’identifier le môlu, en particulier parce que de nombreux auteurs postérieurs à Homère ont chacun décrit une plante qu’ils indiquent s’appeler môlu mais dont les descriptions diffèrent d’une texte à l’autre.
Il y a tout lieu de penser que le môlu doive être rangé parmi les plantes magiques fabuleuses » (Guy Ducourthial, Flore magique et astrologique de l’Antiquité, p. 500). Bien évidemment, histoire de corser davantage notre affaire, Homère ne dit rien sur la manière d’absorber le môlu, encore moins s’il est, à l’instar de l’ambroisie, une préparation de type potion magique que les dieux réservent à leur usage exclusif.

J’ai dit plus haut qu’on ne parlait pas de soma chez les Grecs antiques. Or de récentes lectures semblent suggérer le contraire. Il y est question d’une liqueur divine issue d’une plante nommée Asclepia acida : « on exprime le suc de la plante […], on le filtre ensuite au moyen d’un tamis en laine de brebis et le laisse fermenter dans un vase en bois. Ensuite, on le clarifie et on le sert, soit pur, soit mêlé à de l’eau ou à du lait : c’est le soma » (Roger Castell, La bioélectronique Vincent, p. 85). Malheureusement, j’ignore d’où proviennent ces sources, tout juste nous parle-t-on d’un « vieux traité ». Cependant, cette pratique semble avoir été en vigueur lors de l’Antiquité grecque où de telles préparations étaient coutumes courantes lors des annuelles cures de régénération.

Bien plus qu’une plante, le soma, à l’instar du môlu, ne pourrait-il pas être le nom d’une préparation (médico-magique) composée de plusieurs ingrédients plutôt que de désigner simplement l’un deux ?
Ce qui est certain, c’est que le mystère demeure tant le Rig-Veda et les anciens manuscrits grecs sont parfois nébuleux ou bien carrément ésotériques, à tel point que cela empêche l’identification exacte de ce que peut être le soma. Chose que, sans doute, les dieux ont souhaité…


  1. En grec ancien, ἀμϐροσία / ambrosía, de l’adjectif ἀμϐρόσιος / ambrósios, « immortel, divin, qui appartient aux Dieux ».

© Books of Dante – 2014

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