L’arbousier commun (Arbutus unedo)

Synonymes : fraisier en arbre, arbre aux fraises, fraisier du maquis, frôle, olonier, darboussié.

Dioscoride, né au début du premier millénaire sur le territoire de l’actuelle Turquie, connaissait « l’arbousier […] semblable au cognassier. Il a les feuilles fines. Il produit un fruit de la taille d’une prune, sans aucun noyaux […] Quand il est mûr, il devient de couleur jaune ou rouge. En le mangeant, il pique la langue […] Il nuit à l’estomac et cause des douleurs de tête » (1). Mais l’arbousier que décrit le médecin grec n’est en aucun cas l’arbousier commun que nous connaissons en Europe occidentale. En réalité, il s’agit d’un autre arbre que les anciens Grecs nommaient andrachlê ou andrachnê, un terme qui fut utilisé par Linné en 1759 afin de définir cette espèce : Arbutus andrachne (arbousier grec ou de Chypre). C’est un arbre bien plus élevé que l’arbousier commun puisqu’il peut facilement atteindre une douzaine de mètres de hauteur. Portant également des arbouses, il se différencie de l’arbousier indigène par son écorce exfoliante qui se recroqueville comme un papier-peint desséché, laissant apparaître une sous-couche d’une magnifique couleur vert pistache qui roussira au fur et à mesure de la croissance de l’arbre. Est-ce aussi de cet arbre dont parle Pline à la même époque, lorsqu’il dit de son fruit qu’il n’a aucun mérite ? En effet, Pline affirmait que non nom – unedo – proviendrait de la contraction de unum edo, c’est-à-dire « je n’en mange qu’un seul », suggérant par là qu’on ne pouvait en avaler davantage. Pourquoi ? Peut-être les trouvait-il trop aigres à son goût, ou encore malsains, ce qui impliquerait de n’en user que très modérément (2). Cependant, tous n’étaient pas de son avis : Virgile, dans les Géorgiques, évoque le régime de l’homme primitif composé de glands et d’arbouses : Cum jam glandes atque arbuta sacrae deficirent silvae et victum Dodona negaret (= [Ce fut Cérès qui, la première apprit aux hommes à labourer la terre], lorsque les arbouses et les glands commencèrent à leur manquer dans les bois sacrés, et que Dodone leur refusa les aliments). Chez les Romains, l’arbousier revêtait un sens sacré, puisque la mythologie nous explique qu’une nymphe du nom de Carna avait comme attribut une branche d’arbousier. Cette divinité des portes (des gonds plus exactement) protégeait les enfants des stryges cherchant à leur sucer le sang. Comme beaucoup d’autres espèces végétales semper virens, l’arbousier est lié à la mort et à l’immortalité (certains aspects de Carna le soulignent). Virgile, encore lui, apporte dans l’Énéide, la description des obsèques de Pallas : « On s’empresse de tresser les claies d’un brancard flexible avec des branches d’arbousier et de chêne et on dresse un lit funèbre ombragé de verdure ».

Aussi surprenant que cela soit, l’arbousier appartient à la même famille que la bruyère. On ne sait trop s’il s’agit d’un petit arbre ou d’un grand arbuste, ou simplement d’un arbrisseau, sa taille variant de deux à dix mètres chez les plus vigoureux sujets dont le tronc peut atteindre 35 cm de diamètre. De son bois à l’écorce fine et rougeâtre, veiné de fissures gris brunâtre, s’épanouissent des branches au port buissonnant. Ses feuilles, légèrement dentées, évoquent par leur forme celles du laurier noble. Elles sont également vert foncé brillant et coriaces. Entre les mois d’octobre et de janvier, des grappes de fleurs blanches ou roses, en grelot, typique des Éricacées, apparaissent. Elles peuvent néanmoins fleurir durant toute l’année, ainsi verra-t-on des arbousiers portant fleurs et fruits simultanément, c’est-à-dire les arbouses nombreuses, couvertes de petits tubercules pointus, aux couleurs successives (vert, jaune, orangé, rouge). La ressemblance de l’arbouse avec la fraise n’est que physique, son goût fade, farineux et vaguement douceâtre n’a que peu de rapport avec le verbe fragrare ayant donné son nom au fraisier. Et il nous faut corriger Dioscoride : bien que l’arbouse ne contienne pas de noyau, elle est en revanche bourrée de graines.

L’arbousier est répandu sur l’ensemble du pourtour méditerranéen, mais dans son unique partie occidentale. C’est ainsi qu’il peuple les sous-bois, le maquis, les terres arides et rocailleuses de l’Espagne, de l’Italie, de l’Afrique du Nord, du sud de la France et de la Corse. En France, il lui arrive de progresser plus au Nord (Charente, Lozère, Drôme). Cet arbre est l’unique espèce spontanée d’arbousier présente en France. L’on ne risque donc pas de se tromper au sujet de son identité.

L’arbousier en phytothérapie

Feuilles, fleurs, fruits, écorce (parfois même celle de la racine) sont autant de parties végétales que l’arbousier met à disposition d’une pratique phytothérapeutique. D’énormes quantités de tanin (jusqu’à 45 % dans la seule écorce) côtoient plusieurs hydroquinones (arbutine, méthylarbutine), des glucides, un principe amer, etc.

Propriétés thérapeutiques

  • Diurétique, antiseptique et anti-inflammatoire des voies urinaires
  • Antipyrétique, sudorifique
  • Dépuratif
  • Préventif de l’artériosclérose, de la mauvaise circulation sanguine et de l’hypertension
  • Astringent
  • Narcotique léger (le fruit à haute dose)
  • Nutritif, digestif, stomachique (les fruits et leurs graines)

Note : il s’agit là de propriétés analogues à celles d’une plante de la même famille que l’on appelle parfois arbousier abusivement, la busserole (Arctostaphylos uva-ursi).

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère vésico-rénale : cystite et autres inflammations urinaires, urétrite, urétrite blennorragique, hypertrophie prostatique, colique néphrétique, lithiase rénale, incontinence d’urine
  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : diarrhée, dysenterie
  • Maux de gorge

Modes d’emploi

  • Infusion de feuilles
  • Décoction de feuilles
  • Décoction prolongée d’écorce
  • Rob, confiture de fruits

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Récolte : les feuilles en fin d’été, les fruits à l’automne.
  • On déconseille de faire usage de l’arbousier durant la grossesse. Les personnes à l’estomac délicat prendront garde aux fruits qui, parfois, peuvent les indisposer si jamais consommés crus (la cuisson fait disparaître cet inconvénient). Mentionnons néanmoins que « les arbouses sont bonnes crues, sans doute meilleures avant maturité totale quand elles sont encore de couleur orange » (3).
  • En Provence, il est fréquent de croiser l’arbouse sur les marchés. Il est possible d’en confectionner sorbets, confitures, eaux-de-vie ou liqueur (par exemple, le vin d’arbouses corse).
    _______________
    1. Dioscoride, Materia medica, Livre I, Chapitre 137.
    2. Au XVI ème siècle, Jean Bauhin se plaignait de souffrir de l’estomac quand il avait le malheur de consommer une seule petite arbouse, tandis que Charles de l’Écluse disait en faire un fort copieux usage sans inconvénient aucun.
    3. Petit Larousse des plantes médicinales, p. 34.

© Books of Dante – 2017