L’ananas (Ananas comosus)

Si je vous pose la question de savoir quelle est la patrie d’origine de l’ananas, saurez-vous me répondre ? Vu qu’il en provient de la planète entière (Asie, Océan indien, Afrique, Amérique du Sud et centrale), autant chercher une aiguille dans une meule de foin. Mais si je vous dis que le mot ananas (et ses surnoms locaux annasi et nana) est un mot espagnol emprunté à la langue guarani, cela réduit considérablement le champ des possibilités. Et l’on peut en déduire qu’il tire son origine des terres tropicales d’Amérique du Sud, sauf si on ignore qui sont les Guarani ^_^ Nana, qui signifie « fleur » et « parfum », se double dans ananas : fleur des fleurs, à l’instar de l’ylang-ylang signifiant la même chose dans un dialecte d’Asie du Sud-Est.
Une légende étiologique en provenance de Nouvelle-Calédonie nous est narrée par le regretté Michel Lis : l’ananas est « un fruit né de la volonté d’un jeune prince, parti sur sa pirogue à la recherche de la source du soleil et qui en revint porté par des femmes ailées. Elles le déposèrent sur la plage, mais l’une d’elles ne put s’envoler. Le prince, voulant en faire sa femme, lui arracha les ailes qu’il planta au pied d’un volcan. Il en naquit le premier ananas » (1). Si l’on considère que ce prince s’est rendu là où (pour lui) le soleil se lève, il s’est donc dirigé droit sur l’Amérique du Sud, terre natale de l’ananas. Christophe Colomb, parti dans l’autre sens, en prit connaissance lors de son arrivée aux Amériques, où cette plante était déjà cultivée bien avant l’apparition des Européens. Lors de la seconde expédition du Génois (1493-1496), l’un des membres de l’équipage s’efforcera de le décrire : « Il y avait des plantes qui ressemblaient à des artichauts, mais quatre fois plus grandes et qui portaient des fruits qui font penser à des pommes de pin mais deux fois plus grandes. Ces fruits ont bon goût, ils se laissent couper comme des navets, avec un couteau ». Bien qu’approximatif, ce témoignage a le mérite d’exister. En revanche, le gouverneur de Saint-Domingue, Fernandez de Oviedo, donnera en 1535 une description précise de cette plante dans un ouvrage intitulé Historia de la Indias. C’est au même siècle que des pieds d’ananas ainsi que des fruits sont rapportés en Europe ; l’on en tente la culture, c’est un échec ; l’on essaie d’y goûter, c’est peu concluant aux dires de Rembert Dodoens : « Le fruit de la grosseur d’un melon, de fort belle couleur qui réjouit la vie, l’écorce en est compartie par écailles, son goût est assez plaisant, mais il est astringent avec âpreté malplaisante ». Dodoens aurait-il eu affaire à un fruit insuffisamment mûr ? On peut en douter, à l’époque le long trajet entre Amériques et Europe aurait valu à n’importe quel ananas un mûrissement assuré. Il n’est, peut-être, là encore question que de préférence : aujourd’hui encore, il existe toujours des personnes n’appréciant pas l’ananas. Mais ne nous offensons pas de l’avis du médecin flamand. Déjà, à l’époque, on ne s’en est guère soucié, une opinion ne faisant pas force de loi. C’est ainsi que débuta la culture de l’ananas sous serres dès la fin du XVII ème siècle. Un peu plus tard, sous Louis XV, Lenormand, directeur du potager de Versailles, parviendra à obtenir deux fruits dont le monarque se régala, les trouvant délicieux. Un siècle plus tard, en 1819, Gontier créera un établissement à Montsouris dont l’objectif était d’accueillir les jardiniers désireux de « s’initier aux mystères de la culture de l’ananas ». Tout cela contribua à ce que la culture de l’ananas en France atteigne son apogée dans les années 1840-1850.

Cette plante se conforme de fort bizarre manière : une brassée de feuilles, une tige, une tête, une seconde brassée de feuilles. Mais tout est étrange chez les Broméliacées. Imaginez-vous une pomme avec des cheveux lui poussant sur la poire ?
Enserrant une tige assez courte, forte et robuste, une rosette de feuilles radicales pousse à 45 degrés par rapport à l’axe de cette tige ; rigides, linéaires, épineuses, elles semblent avoir pour vocation la défense de la plante. Tout en haut de la tige se trouve une inflorescence en forme d’épi conique composée d’une centaine de fleurs roses, voire violettes, aux bractées de couleur jaune. Une fois pollinisée, cette inflorescence va devenir l’ananas, fruit charnu, volumineux et savoureux. En réalité, ce fruit que l’on appelle ananas n’en est pas vraiment un : il s’agit, comme chez la framboise, d’un ensemble de petits fruits – des fructules – soudés entre eux autour de l’axe de la tige, chacune des « écailles » de l’ananas n’étant pas autre chose que les vestiges des bractées florales devenues épaisses afin de protéger la chair intérieure. Mais la protéger de quoi ? De la tentative d’un oiseau ou d’un singe de venir lui subtiliser ses graines ? L’ananas n’en produit pas ! Pas un pépin, pas un noyau dans l’ananas. Mais, alors, comment fait-il pour se reproduire ? C’est là que nous en venons à la sommité foliaire que nous connaissons tous, un ananas n’étant jamais vendu sans sa crête de punk qui le fait ressembler au ballon anthropomorphe de Tom Hanks dans le film Seul au monde. Dans la nature, avec l’âge, la tête vient à pourrir, elle tombe au sol, et le bouquet de vingt à trente feuilles qui la surmonte s’enracine peu à peu et formera, à terme, une nouvelle plante et ainsi de suite.

L’ananas en phytothérapie

Ce que l’on convie à la cuisine est aussi ce qui est invité par la pharmacie, autrement dit le fruit, autre précieux alicament. Bien que juteux, l’ananas ne contient pas autant d’eau qu’il n’y paraît, environ les ¾ de sa masse, complété par très peu de matières azotées (0,7 %) et grasses (0,1 %). C’est du côté des sucres (saccharose, glucose) qu’il faut aller chercher la plus grande part, l’ananas en possédant près du 1/5 (18 %). Ajoutons des acides (citrique, malique), des vitamines (A, B9, C), des sels minéraux et oligo-éléments (1,25 % : iode, magnésium, manganèse, potassium, calcium, phosphore, fer, soufre). De plus, l’ananas recèle une molécule étonnante, la bromélaïne, caractérisée par sa nature protéolytique, c’est-à-dire dissolvante des protéines en peptides assimilables par l’organisme, capable de digérer « en quelques minutes mille fois son poids de protéines » (2).

Propriétés thérapeutiques

  • Stimulant apéritif, tonique digestif, stomachique, vermifuge
  • Nutritif (très digestible), revitalisant, reminéralisant
  • Anti-inflammatoire, rafraîchissant
  • Diurétique
  • Anti-agrégeant plaquettaire
  • Tonifiant des peaux normales

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : dyspepsie, hyperacidité gastrique, flatulences, parasites intestinaux
  • Troubles de la sphère vésico-rénale : lithiase, goutte, arthrite
  • Affections de la gorge
  • Convalescence, croissance, déminéralisation, anémie, épuisement nerveux
  • Régime amaigrissant, obésité, œdème (post opératoire par exemple)
  • Artériosclérose

Modes d’emploi

  • En nature, parfaitement mûr.
  • Jus.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • La chair de l’ananas est comestible aussi bien crue que cuite (confiture, gelée, jus, alcool, vinaigre, etc.).
  • Des feuilles, l’on tire de longues fibres soyeuses destinées à la fabrication de tissus à mailles fines.
  • Il existe un élixir floral à base de fleurs d’ananas : quand on se sent en insécurité, lorsqu’on est pris de mauvais pressentiments et de doutes. Il permet de retrouver la confiance et de se recentrer.
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    1. Michel Lis, Les miscellanées illustrées des plantes et des fleurs, p. 24.
    2. Jean Valnet, Se soigner par les légumes, les fruits et les céréales, p. 176.

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